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- Volume 81 (1957-1958)
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Contribution à l’étude pétrogénétique des schistes cristallins du massif des Aiguilles Rouges (Haute-Savoie)
Résumé
1. Les schistes cristallins des Aiguilles Rouges proviennent d'une ancienne série sédimentaire d'âge inconnu, formée de sédiments fins, dont la composition va de celle d'une argile à celle d'une arkose (exceptions : amphibolites, calcaires, « granulites » à diopside et à grenat).
2. Le métamorphisme est de caractère catazonal supérieur à mésozonal profond. Il est contemporain de la déformation. Il n'a pasété accompagné d'apports extérieurs au massif bien que les gneiss des Aiguilles Rouges soient semblables aux migmatites formées à l'intervention d'apports extérieurs.
3. Les processus métamorphiques sont caractérisés par une certaine mobilité chimique interne des roches, c'est-à-dire par la possibilité pour les éléments de migrer au sein des roches, à des distances généralement faibles. Cette mobilité se traduit dans tous les phénomènes dont les roches ont été le siège et qui consistent :
— dans une recristallisation avec coalescence générale ;
— dans la genèse de la schistosité, c'est-à-dire l'orientation des minéraux parallèlement aux plans axiaux des plis ;
— dans la genèse de la foliation, c'est-à-dire la tendance à la différenciation métamorphique, le matériau quartzo-feldspathique se concentrant dans des linéoles discontinues ;
— dans les processus de remplacements mutuels du feldspath et duquartz, dans la structure imbriquée du quartz et dans la corrosion du plagioclase par le feldspath potassique ;
— dans l'homogénisation qui se manifeste d'une part dans lesbancs arkosiques au sein des séries litées, d'autre part dans des masses plus importantes de gneiss granitoïde à biotite, formées à partir de bancs divers ;
— dans le caractère éminemment plastique de la déformation, avecélongations considérables.
4. Ces divers processus se sont déroulés en présence d'eau. D'une façon générale, la partie mobile (fusion ou solution) présentait un caractère intersticiel (porenmagma) et n'occupait donc qu'un faible volume dans la roche. Elle est cependant à l'origine d'éléments structuraux majeurs, témoignant d'une anatexie naissante.
5. Sur la base de l'intensité de la mobilité chimique interne, on peut distinguer trois types de masses rocheuses :
a) Celles où la mobilité était faible : roches à grain fin, ayant conservé toutes les fines structures sédimentaires (Aiguillette du Brévent).
b) Celles où la mobilité, plus importante, a donné des roches endomigmatitiques grenues, éventuellement foliées, d'aspects divers mais où la disposition litée ou rubanée de la stratification originelle s'est maintenue (Pierre à Bérard, Lac Cornu). Dans ces séries litées, la mobilité a été plus grande dans les bancs ou linéoles quartzo-feldspathiques que dans les parties plus riches en biotite. En particulier dans les bancs ou paquets de bancs d'arkose (gneiss leuco-granitiques), la stratification a été estompée et n'existe plus qu'à l'état fantomatique, ces arkoses conservant cependant leur forme extérieure de banc par rapport aux micaschistes ou gneiss à biotite voisins ; il y a donc eu une homogénisation limitée à l'arkose. Dans ces mêmes gneiss leucogranitiques, il semble qu'il y ait eu localement une liquéfaction plus poussée se traduisant par la disparition de la schistosité ou par une mobilité externe de la roche à la façon d'un magma.
c) Celles où l'homogénisation s'est étendue à toute la masse et où la stratification a disparu (masses de plusieurs centaines de m de puissance de gneiss granitoïde grenu : Planpraz, Brévent, Col des Lacs Noirs).
6. La déformation a consisté d'abord en grands jeux plastiques avec élongations considérables et formation de plis isoclinaux contemporains de la schistosité (plis synschisteux), laquelle est parallèle aux plans axiaux des plis ; il est impossible de suivre l'allure de ces plis de proche en proche. La plasticité a ensuite décru (plus ou moins rapidement selon les roches : boudinage), les plis ont revêtu moins d'ampleur et ont déformé la schistosité (plis postschisteux) ; il est possible de suivre ces plis tardifs de proche en proche, mais l'image qu'on en retire représente probablement mal l'architecture du massif. Lorsque les roches ont cessé d'être plastiques (c'est-à-dire à des moments différents selon leur nature) des pegmatites de ségrégation se sont localisées dans des cassures.
7. Dans certaines parties du massif, les roches ont été le siège d'une déformation intime tardive à caractère rupturel (gneiss« Chéserys »). Cette déformation s'est jouée dans la mésozone et appartient au même cycle tectogénique que les précédentes. Cette déformation apparaît comme l'équivalent dans la mésozone profonde des mylonito-schistes de la mésozone supérieure ou de l'épizone.
8. Il existe une phase ultime peu importante du métamorphisme(muscovite secondaire) en partie postérieure à cette déformation « Chéserys ».
9. Le granite de Vallorcine est épizonal et n'est pas en relationavec le métamorphisme ; il n'y a pas de métamorphisme de contact.
10. Les phases tectoniques jeunes (hercynienne et alpine) toute deux épizonales, ont eu des effets comparables, qu'il n'est souvent pas possible de distinguer les uns des autres. Ils consistent en une mylonitisation locale (cataclasites fines). A ces mêmes phases sont à rattacher au moins en grande partie la granulation fine du quartz, la saussuritisation des plagioclases et la chloritisation des biotites.
[Texte suivi des rapports des trois rapporteurs, pp. M199-M209]