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Du lac de Grand-Lieu à une carte des grands lieux : résidence d’écriture et pratiques cartographiques
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Cet article se propose d’analyser les rapports entre les pratiques cartographiques et la résidence d’écriture organisée au lac de Grand-Lieu, près de Nantes. Nous comparerons plusieurs projets littéraires (François Bon, Hélène Gaudy, Virginie Gautier, Anne Savelli) et montrerons que, pour ces écritures, les limites à la perception posées par un lac aux contours indécidables malmènent et entretiennent tout à la fois un mode de représentation cartographique. Nous approfondirons cette hypothèse en étudiant la carte géologique, vivante et repeuplée écrite par Hélène Gaudy dans Grands Lieux (2017).
Abstract
We propose to study the relationship between cartographic practices and the writing residency organised at the Lac de Grand-Lieu, near Nantes. We will compare several literary projects (François Bon, Hélène Gaudy, Virginie Gautier, Anne Savelli). We will show that, for these aesthetics, the limits to perception imposed by a lake with undecidable contours both impede and sustain a cartographic representation. We will explore this hypothesis in greater depth by analysing the living, repopulated and geological map written by Hélène Gaudy in Grands Lieux (2017).
Table des matières
1Les résidences d’écriture, phénomène en expansion1, croisent tout particulièrement l’appétence pour les lieux caractéristiques de bon nombre de textes littéraires depuis les années quatre-vingt et ce qu’il est maintenant convenu de considérer comme un « tournant spatial ». En effet, soutenues par des politiques culturelles, rémunérées, explicitement situées dans un territoire ou une institution, ces résidences d’expérimentation, de création, d’animation ou « à projet2 » invitent les écrivain·es à observer et parcourir des lieux donnés comme à s’impliquer dans un terrain3 spécifique en y vivant plus ou moins longtemps. Ces artistes peuvent mener l’enquête4 sur le passé d’une ville ou d’une région en recueillant les propos d’habitant·es ou pratiquer une littérature hors du livre5, par le biais de rencontres, d’ateliers, de lectures locales. Ces résidences d’écriture réunissent donc les conditions d’un « espace vécu » qui « permet de déchiffrer le sens des lieux et constitue des modes d’accès au monde6 ».
2Cet article se propose d’étudier les rapports entre les pratiques cartographiques et la résidence d’écriture organisée au lac de Grand-Lieu, situé pour l’essentiel dans la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, à 10 kilomètres au sud-ouest de Nantes. Nous comparerons plusieurs projets littéraires et montrerons que, pour ces écritures, les limites à la perception posées par un lac aux contours indécidables malmènent et entretiennent tout à la fois un mode de représentation cartographique. Celui-ci se traduit par différents procédés suscitant un effet de dépaysement. Nous approfondirons cette hypothèse en analysant la carte géologique, vivante et repeuplée écrite par Hélène Gaudy dans Grands Lieux7.
1. Lieu invisible, lieu-dit
1.1. Tentative d’épuisement d’un lac nantais
3Depuis 1999, l’association L’Esprit du Lieu, créée et administrée par les élu·es des communes voisines du lac, mène, à l’initiative d’Arnaud de la Cotte, plusieurs projets artistiques et culturels : résidences d’écrivain·es et d’artistes, activités pour les jeunes (comme le projet d’action culturelle cinématographique et audiovisuelle « Passeurs d’images »8), collaborations avec l’Académie de Nantes et la DRAC Pays de la Loire9, etc. Ces divers évènements ont débouché sur la projection de vidéos et de films (tel Circum-lacustre réalisé en 2017 par Arnaud de la Cotte, au sujet des pérégrinations de Gilles Bruni10), des expositions (par exemple, « Le Panthéon des-astres » de Didier Trenet11) et des installations diverses (la proposition artistique « À Boulevue » de Jean-Luc Parant, ensemble de boules façonnées par l’artiste et les riverain·es à partir de l’argile ou de la tourbe du lac, exposées puis rejetées à l’eau12, la « Table paysage » de Bernard Plantive ou le projet « Glissé amoureux » de Camille Hervouet et Grégory Valton, associant photographie, vidéo, texte et cartes13).
4Les résidences d’écrivain·es ont quant à elles donné lieu à de nombreuses publications, aux éditions Siloé, aux éditions Théâtrales et, surtout, aux éditions d’art et de littérature Joca Seria, qui accueillent à ce jour dix-sept titres résultant d’une immersion à Grand-Lieu, depuis De l’immobilité du voyage de Paul-Armand Gette (2002) au texte Où finit la ville de François Bon (2020)14, en passant, entre autres, par Perséphone aux jardins de sainte Radegonde de Delphine Bretesché (2013), La forme empreinte de Sylvain Coher (2014), Île ronde. Déchirure/tempête d’Anne Savelli (2014)15, Ni enfant, ni rossignol de Virginie Gautier (2015)16, Grands Lieux d’Hélène Gaudy (2017) ou encore Circum-lacustre de Gilles Bruni (2017). Le projet s’est littéralement épanché puisqu’un recueil intitulé Débordements17 a réuni en 2021 cinq propositions (quatre d’artistes ayant séjourné à Grand-Lieu, qui proposent un deuxième texte au sujet du lac, et une d’Anthony Poiraudeau, qui n’a pas participé aux résidences mais dont l’intérêt littéraire pour l’espace intéressait les responsables de l’association) ainsi qu’une postface d’Arnaud de la Cotte.
5Les personnes invitées en résidence à Grand-Lieu ont souvent un double profil d’écrivain·e et d’artiste (Hélène Gaudy est diplômée de l’École des arts décoratifs de Strasbourg et a monté une exposition à La Roche-sur-Yon18, Delphine Bretesché était écrivaine, performeuse et plasticienne, Virginie Gautier a également réalisé des sculptures, des vidéos et des installations dans le paysage) ou ont régulièrement fait montre d’un intérêt pour d’autres médiums (tel François Bon pour la photographie). Chaque ouvrage de la série publiée aux éditions Joca Seria se clôture par un cahier iconographique, généralement constitué de photographies du lac et de ses alentours, prises par les autrices et auteurs lors de leurs déambulations aux environs du lac, parfois par des photographes ayant participé aux résidences d’artistes (des clichés de Camille Hervouet et Gregory Valton accompagnent ainsi Perséphone aux jardins de sainte Radegonce de Bretesché ou ornent la couverture de Ni enfant, ni rossignol de Gautier). Au texte de Virginie Gautier, écrivaine et plasticienne qui est arrivée au lac avec Fernand Deligny et ses lignes d’erre19, succèdent des dessins composés d’un enchevêtrement de lignes. Circum-lacustre, de l’artiste Gilles Bruni, consiste quant à lui en une série de photographies accompagnée d’un journal de bord. Cet intérêt pour l’illustration peut être rapproché de l’élaboration des cartes, qui emprunte évidemment à la composition des images20. Les artistes des XXe et XXIe siècles ont ainsi régulièrement employé les procédés et effets tant de la cartographie que de la photographie pour interroger, dans la constitution des paysages, le rapport de l’œuvre au réel et à l’imagination21.
1.2. Un lieu qui résiste à la représentation
6Le nom du lac, qui évoque sa taille, celle de l’un des plus grands lacs de France, distingue également, par son éminence, cet espace des autres, la toponymie se faisant ici moteur du projet d’écriture : « Choisir Grand-Lieu alors, pour sa topographie, pour l’attrait de son nom, comme miroir et comme laboratoire. Décider d’y aller à la pêche aux histoires » (Gaudy, p. 27). Révélateur d’un mécanisme urbain en cours (Bon, p. 22), « baptême de l’œil » (Gautier22), assimilé aux « points de départ, comparaisons » (Gaudy, p. 12) que chacun porterait en soi, Grand-Lieu appelle donc les regards, suscite un mouvement cartographique et invite les écritures à faire de lui un lieu-dit.
7Cependant, en raison de ses caractéristiques géographiques, le lac de Grand-Lieu met le regard, l’arpentage et la représentation en difficulté : il occupe une cuvette peu profonde (trois mètres au maximum) et sa superficie peut passer du simple au double en fonction des moments de l’année, de 3500 hectares en été à 6500 ou 7000 en hiver23. Par conséquent, sa « frontière [est] en permanence mouvante, toujours impénétrable et mobile, le reflet du ciel sur les eaux comme mesure de son étendue provisoire » (Bon, p. 22). Classé comme réserve naturelle nationale pour une part, régionale pour une autre24, le lac de Grand-Lieu redouble son insaisissabilité par un accès restreint au public et une navigation réservée à quelques pêcheurs professionnels.
8Le séjour à Grand-Lieu met donc un terme à la conception d’un lac comme espace fini : « un lac était jusqu’ici une ligne fermée précise, comme le négatif d’une île en pleine terre » (Bon, p. 22). La métaphore de l’île est également utilisée par Gautier pour signifier l’inintelligibilité du lieu et matérialiser une fraction d’espace lisse enserré dans l’espace strié des cartographes : « Le lac, c’est le contraire d’une île, une contre-île. Un vide entouré d’un plein. Le surgissement d’un vide au milieu du paysage. Espace en négatif, infini dans un monde fini. Il échappe toujours aux uns et aux autres. » (Gautier, p. 40) La tentative d’appréhension du lac sous la forme d’une représentation picturale débouche ainsi sur une image ne délivrant aucun savoir :
La surface du lac est un tissu piqué de strass dont le peintre se repaît après la bataille d’un travail. Il faudra pourtant tout reprendre. Tisser ensemble cette multitude de traits. Paysage arpenté maintes fois. Maintes fois recouvert, lacéré par les ronces. Un enchevêtrement dont il ne sait rien. Un milieu dont les plis, les amonts, les alliances et les combinaisons lui restent inexpliqués. Pas d’élucidation. Une réserve d’inconnu. Un dessin d’aveugle. (Gautier, p. 44)
9Le tableau échoue à s’emparer du lac, l’enchevêtrement des lignes du dessin préservant l’opacité du lac tout en invitant à un geste collectif (« tisser ensemble »). Le panorama signifie la même limite, qui affecte d’ailleurs la syntaxe de la représentation et, tout en constituant une étape pour l’œil, maintient l’espace en retrait : « À l’endroit du point de vue une femme ira s’asseoir au plus près du lac, de sa limite déjà haute. Face à face avec cet endroit où. Fin des terres. Qu’elle ne saurait fouler. Baptême de l’œil. Réserve d’espace. » (Gautier, p. 22)
10En plus de malmener la représentation picturale, le lac « dont on ne finit pas de faire le tour »25 met aussi la pratique cartographique en difficulté, empêchant de s’emparer totalement par la vision et la marche de ce « grand lieu », malgré les plans et le GPS :
Le point bleu stagne alors que je marche, comme si l’absence de repère sur le plan annulait mes déplacements. […] Je suis en train, bien sûr, de revenir à mon point de départ. Je tourne en rond, me faisant l’effet un peu ridicule de redoubler par la marche l’un des gestes de l’écriture – espérer que, dans le creux autour duquel on écrit, se dessinera un lieu, un récit, un visage. (Gaudy, p. 48)
11La désorientation et l’errance sont toutefois comparées ici à l’écriture, qui vise le récit et le portrait, simultanément à la marche qui tente de poser des repères pour une carte. Comme l’écrit Gaudy, « [s]ur les cartes, le lac qui porte ce nom est difficile à circonscrire […]. Sa faible profondeur en fait une nappe fluctuante, un voile liquide, […] une anomalie, un dépaysement. » (Gaudy, p. 12-13, nous soulignons). Ce voile décale la perception, suscite un effet de dépaysement et dérobe le lac au « fantasme de totalité26 » que nourrit l’œil cartographique : « On m’avait prévenue que ce lac invisible, fermé par les marécages, était le grand absent, dont on sent la présence mais qu’on ne voit que par fragments » (Gaudy, p. 13). Regarder l’alternance entre présence et absence en laquelle consiste le lac révèle donc les limites de la perception de l’espace qui se posent à l’être humain et, simultanément, invite à aller au-delà, en suscitant une soif de représentation, cartographique et artistique, comme le laisse d’ailleurs penser l’évocation de l’évaporation estivale à la fin du texte : « Le lac a disparu mais il reste de lui les nombreux paysages construits sur son retrait » (Gaudy, p. 78, nous soulignons).
12Les résidences de Grand-Lieu durent un peu plus d’un mois, fractionné afin que les écrivain·es et artistes puissent noter les différents états du lac en fonction des saisons. Si cette littérature de commande peut s’apparenter à une retraite et fournir précisément une relative solitude, propice à l’écriture27, les projets éditoriaux évoqués rassemblent ces regards singuliers pour proposer une véritable série de miroitements d’un même lieu, projet peu courant dans le champ éditorial de langue française. Cette articulation entre écritures singulières et projet collectif émerge dans la plupart des textes. Le motif de l’île est ainsi récurrent dans les textes sur Grand-Lieu, qu’il s’agisse de « [t]ourner en rond au-dessus de l’îlot » (Gautier, p. 13), de repérer l’île Marguerite ou Thérèse sur une carte et d’y « cabaner » tel Huckleberry Finn (Bruni, p. 34 et p. 72), d’évoquer les « îles flottantes » constituées par les nénuphars, « trompe-l’œil, […] dentelle végétale que le moindre corps peut crever » (Gaudy, p. 62) ou d’assimiler le projet littéraire à la légende de l’île de Dun (Savelli). L’espace de l’île, associé dans les imaginaires collectifs à la clôture et à l’isolement, se mue ici en un archipel d’appréhensions d’un écosystème : « nous avons dû ou su apprendre à renoncer à une énonciation synthétique de la réalité monde dont nous participons, pour en collecter un à un une suite de fragments arbitraires, l’expérience menée ici par Arnaud de la Cotte, accumulant sur vingt ans d’invitations autant d’énonciations partielles de cette complexité ou de cet écosystème, une manière de le porter plus vivant, plus fragile, hors de ses propres eaux, disparaissantes et perpétuellement changeantes » (Bon, p. 12). La multiplicité des regards portés sur le lac se croisent en un réseau de textes qui tentent de cartographier le paysage sans le figer ou effacer son instabilité (« le porter plus vivant, plus fragile »).
13L’intérêt pour l’image s’associe donc avec le projet, dans ce « voyage de proximité28 » et cette « ethnographie du proche29 », de poser sur le site naturel de Grand-Lieu et la zone périurbaine de Nantes un regard renouvelé, décentré, qui tout à la fois préserve l’opacité du lac et irrigue l’observation d’un autre point de vue : « S’attendre à, passer d’un côté à l’autre de la ligne invisible qui court à travers bois. Suivre les bordures, les lisières. Dans la zone incertaine où se meuvent les êtres, changer de perspective. Transiter de gué en gué. » (Gautier, p. 9, nous soulignons) L’effet de dépaysement suscité par le lac invite à une appréhension cartographique de l’espace. Celle-ci se caractérise par un déplacement du point de vue (« changer de perspective ») et un mouvement pédestre (« transiter de gué en gué »).
1.3. Marche, carte et dépaysement
14Le caractère fuyant du lac ne décourage pas l’arpentage. Pour Gilles A. Tiberghien, qui emprunte à la langue anglaise son intérêt pour une « approche hodologique », la marche s’impose pour dépasser l’étude des paysages comme simples tableaux et saisir un lieu dans les transformations que lui imposent le moment de la journée ou la saison30. Sur son blog personnel, Virginie Gautier souligne à la fin de la résidence, dans un billet précisément intitulé « Rien que du géographique », l’impératif du mouvement, de la marche, de l’investissement corporel dans l’espace pour l’écriture :
Fin du lac, début d’autre chose
Je comprends seulement maintenant cette évidence :
il m’a fallu marcher dans chacun de mes livres – le corps a nécessairement parcouru ces espaces31.
15C’est la lenteur du mouvement qui autorise l’œil ou le dispositif de captation de l’image à saisir quelque chose du lieu : « les gardiens du lac […] [e]nregistrent le visible, le manifesté, sur de petits carnets où ils tiennent à jour les traces » (Gautier, p. 15) ; « Et donc cette résidence toi tu l’as faite comme ils vivent, dans le dispositif optique de ta voiture […] Une voiture aussi est un appareil-photo, quand tu roules lentement […], les deux vitres ouvertes » (Bon, p. 57).
16Malgré – ou en raison de – la résistance du lac à la représentation se développe une isotopie de la carte dans ces textes portant sur un lieu tout à la fois peu profond et insondable. Sur son blog, Virginie Gautier établit un parallèle entre son écriture, ses dessins et la pratique du relevé32. Multipliant les évocations de l’existence d’un « schéma » (Bon, p. 20, p. 22) et attentif aux lieux où les riverain·es font leurs courses, François Bon note qu’« [a]insi naît une carte sous la carte, un autre tissu de contradictions : combien elles et ils sont, à travailler dans la bonne santé du super U de Bouage, avec son parking sous rideaux anti-pluie, et magasin bricolage à l’arrière ? » (Bon, p. 18, nous soulignons). Il s’agit donc, dans le cas de ce site naturel comme de la ZAD, de l’aéroport (Bon, Gaudy) ou des entrepôts des zones périurbaines (Bon) qui l’environnent, de « travailler à capter les zones de résistance à la symbolisation, sans pour autant les résorber dans les processus de représentation33 », comme le montre l’excipit d’Île ronde :
Tu regardes la carte (plutôt : tu l’imagines).
Tu cherches à te souvenir, tu oublies, tout se brouille, tu (Savelli, p. 71)
17La carte résulte du regard et de l’imagination, du souvenir et de l’oubli. Le brouillage, renforcé par la troncation syntaxique, rejoint ainsi l’effet paradoxal de la représentation opaque, du « dessin d’aveugle » évoqué par Gautier.
18À l’intérêt pour l’image, fréquent dans les pratiques d’écriture cartographiques, se joint la volonté de « collecter les voix34 » caractéristique de la littérature de terrain35. Des rencontres avec les riverain·es du lac de Grand-Lieu accompagnent généralement la résidence d’écriture et réapparaissent dans les textes publiés par Joca Seria, sous la forme de souvenirs (« À cette topographie mouvante s’ajoutent les récits qu’on me raconte ici et dont on peut extraire, avec une pince délicate, de minuscules grands lieux – puisque le lac, comme le livre à écrire, aimante les confidences », Gaudy, p. 66), de mentions ou de réécritures des légendes constituant la tradition orale de la région (Gaudy, Gautier, Savelli), de photographies (Bruni) ou encore d’évocations de réactions à l’appareil photo (Bon).
19Ayant résidé à Grand-Lieu en 2013-2014, Anne Savelli propose quant à elle un nouveau projet en 2022-2023, en collaboration avec Joachim Séné : Dita Kepler : la boucle impossible36. Le personnage de Dita Kepler, déjà apparu dans plusieurs productions de Savelli, dont Île ronde, est repris dans un texte écrit à quatre mains et donne son nom à un feuilleton sonore relayé sur le site de l’association L’Esprit du Lieu37. Ce feuilleton est constitué de quatorze lectures d’extraits des textes publiés par les écrivain·es venue·es en résidence. Les liens vers ces lectures sont disposés de sorte à faire voyager sur le site de l’association en tissant un réseau d’un projet littéraire à l’autre. Ces lectures sont accompagnées d’ambiances sonores empruntées à une collection collaborative utilisant une carte interactive et requérant les coordonnées de l’endroit où a été capté le son. Ce projet accentue l’effet de constellation formée par les différentes résidences et, en tant que « boucle impossible », son ouverture. Grâce à la voix, singularité du sujet, et des ambiances sonores propres, il met aussi en évidence la singularité de chaque texte et provoque un effet de « dépaysement » d’une résidence à l’autre mais aussi du texte écrit à sa mise en voix.
20Le lac omniprésent et invisible commande donc diverses cartographies littéraires, présentant plusieurs points communs : récurrence et limites des pouvoirs de l’image ; métaphores de l’île et du réseau ; entremêlement de la question du point de vue, des souvenirs et du brouillage, etc. Ces procédés suscitent un double effet de dépaysement et de révélation, que partagent par exemple les textes de Bon et de Gaudy. Commentant le texte de Jean-Christophe Bailly et le travail du photographe Lewis Baltz, François Bon décide en effet d’opérer un demi-tour et donc de tourner le dos au lac pour tenter d’appréhender « le fait urbain qui s’y dissout, éparpille, et donc se révèle plus à nu, plus sensible ou plus cru. » (Bon, p. 13) Le lac, considéré en contrepoint d’autres lieux, devient le révélateur d’une structure. Dans Grands lieux, Hélène Gaudy pratique également ce décalage, en s’immergeant dans un « ici », Grand-Lieu, pour penser les « ailleurs » de grands lieux.
2. La résidence d’écriture d’Hélène Gaudy : une carte des grands lieux
21Lors de son séjour à Grand-Lieu, Hélène Gaudy a pris au sens propre le terme de « résidence d’écriture » en dépliant le motif de l’habitation dans sa réponse à ce qu’Anne Reverseau a appelé « l’injonction au portrait d’un lieu » caractéristique des résidences38. En effet, pour la narratrice, le lac fait partie de :
[C]es lieux sur lesquels on décide arbitrairement de se pencher, qu’on élit, sans trop savoir pourquoi, comme l’aune à laquelle on va pour un temps mesurer toutes les autres, faisant le pari que chacun d’eux, pour peu qu’on s’y attarde, porte dans les plis qui s’ouvrent à mesure qu’on y marche d’autres territoires plus intimes, plus lointains, et qu’à en connaître un seul on gagne toujours un éclairage, partiel, imprévisible, sur les ramifications qui nous relient aux autres (Gaudy, p. 26-27, nous soulignons).
22La « pêche aux histoires » (Gaudy, p. 27) suscitée par la topographie et la toponymie du lac de Grand-Lieu débouche sur un mouvement pédestre qui dessine une cartographie singulière, constituée d’une part de souvenirs intimes d’habitations, au sens large, d’autre part d’un réseau entrelaçant la mémoire de la narratrice avec celle entretenue dans les maisons des riverains, et formant un véritable tissu lacustre.
2.1. Une carte géologique
23Le lac laisse à la narratrice une impression qui contredit sa faible profondeur : « Il y a, à marcher aux abords du lac de Grand-Lieu, l’impression de s’enfoncer, de descendre alors que tout est plat, horizontal. Il y a l’idée de forer, de creuser » (p. 9). Se développe une isotopie de la profondeur : « La plus secrète des cachettes, la plus opaque, où ce qui se presse gonfle aussi dans son nom – il est forcément là, quelque part, le "grand lieu" promis, aiguisant l’attention, donnant au lac un double-fond » (p. 16, nous soulignons). Le lac recouvre aussi l’épave d’un avion de la Seconde Guerre mondiale : « Un morceau de ciel est tombé tout au fond du lac » (p. 72). Cette profondeur appelle à l’imaginaire : « Le lac est une poche, une outre, une ellipse […] le cœur du livre, l’épicentre du film, quelque chose y repose ou s’apprête à surgir, monstre préhistorique […] Le lac est un trou au cœur de la forêt, l’œil de la terre par lequel les habitants du monde d’en dessous regardent la surface comme un écran de télé […] Alors, on peut tout imaginer » (p. 15).
24Cette invitation à l’imaginaire comme au « forage39» s’associe au motif de la maison. En effet, dès l’incipit, l’évocation du lac s’ouvre sur la mention d’une habitation submergée, matérialisant dans le texte la pratique de l’immersion inhérente aux résidences d’écriture : « La maison serait tombée au fond du lac où elle se dissoudrait comme un morceau de sucre » (p. 9). Hélène Gaudy renforce cette première image en rappelant une ancienne légende, celle de la cité d’Herbauges, engloutie par le lac au XVIe siècle. La narratrice lie d’ailleurs le retour de cette ville aux maisons qui peuplent ses propres souvenirs et son propre imaginaire : « Je l’imagine se lever, cette ville [la cité engloutie Herbauges], comme les maisons perdues sortent de ma mémoire » (p. 19).
25Le point de vue en hauteur, surplombant et total, proche de celui de la carte envisagée dans son acception moderne, semble pouvoir embrasser le lac : « Seuls ceux qui survolent le lac en connaissent la forme exacte puisqu’il n’y a que du ciel qu’on peut le voir en entier. Seuls les voyageurs savent l’étendue d’un paysage dont les habitants n’entrevoient que des bribes » (p. 70). Hélène Gaudy n’adopte cependant pas ce point de vue. Si, selon Anne Reverseau, « [l]e désir de circonscrire le lieu où l’on réside, même temporairement, est une constante de la résidence d’écriture40 », le texte d’Hélène Gaudy, tout en témoignant aussi d’une volonté de saisir les contours du lac, privilégie bien vite la profondeur sur l’étendue ou les frontières. Son projet se distingue des cartes actuelles, qui utilisent des satellites mais « perdent cependant en récit, en assemblage d’histoires contées, en multiplicité des personnes et des narrateurs qui permettaient à la carte d’être une synthèse, d’être unique et multiple à la fois41. »
26Le naufrage inaugural de la maison conditionne en effet un projet cartographique de l’intime, de l’introspection et de la mémoire. Si le centre du lac de Grand-Lieu a vu sa bathymétrie cartographiée relativement tard, dans les années 90, Hélène Gaudy dessine presque d’emblée une carte des profondeurs qui évoque les cartes géologiques, dans lesquelles « par un curieux effet d’inversion ce qui nous est habituellement dissimulé devient soudain spectaculairement visible42 ». Apparaissent donc les évocations d’un appartement dans le sud de la France ou d’un studio parisien, constituées de souvenirs sensibles et matériels de ces lieux, proches d’une « littérature de notations43 », caractéristique des portraits de lieux. À l’instar des « cartes d’intensité » et « constellations affectives » autorisées par une approche hodologique des lieux44, la narratrice entend ainsi esquisser « une carte de [s]es grands lieux […] entrevus à peine ou habités longtemps » (p. 23), constituée « des jardins, des chambres, des routes droites, des greniers et des caves. » (p. 24). L’éminence supposée de ces espaces est nuancée, voire démentie : considérés comme grands, ils sont cependant modestes, « minuscules, intimes » (p. 23), « dérisoires » (p. 23) : « le placard de mon amie d’enfance était bien un grand lieu. » (p. 23) L’antiphrase peut confiner à l’oxymore (« Même désert : habité », p. 23), confirmant l’étendue paradoxale de ces lieux apparemment minuscules. Cette carte des grands lieux comporte « les maisons, puis les rues, les quartiers, les villes et les forêts, les pays » (p. 23). Hélène Gaudy a une vision ouverte de la maison, de la « pratique »45 qu’est l’habitation. Comme l’écrit Jean-Marc Besse : « on habite aussi les seuils, les rues, les villes, les paysages. On habite aussi dehors et dans une suite incessante de passages, de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur46 ».
27Les grands lieux accueillent comme autant de sédiments47 les « tableaux, les romans, les images » (p. 23), comme le livre de Patti Smith M Train ou l’évocation d’un film d’Anne-Laure Boyer. Ces éléments « descendent sur lui pour le rendre visible » (p. 23, nous soulignons) et se déposent « en strates au fond de l’eau, charriant leur odeur de terre et de racines, révélés comme dans un bain chimique une feuille de papier photo. » (p. 23) En plus de conférer à l’entreprise cartographique une épaisseur temporelle et mémorielle absente de la carte moderne, la sédimentation s’associe donc à un projet de révélation qui file la métaphore photographique chère à Hélène Gaudy (dans Une île, une forteresse ou Un monde sans rivage, entre autres) et qui sera prolongé dans la nouvelle « Révélateur » dans Débordements, les maisons englouties se faisant ainsi « instrument de vision48 ». Gaudy mène donc ici un projet qui rappelle celui de Jean-Christophe Bailly49 dans Le Dépaysement : considérer le présent pour y voir « remont[er] lentement, comme par le fait d’une résurgence invisible, les traces parfois très lointaines de sa formation », pendant qu’« inversement commencent à descendre et à s’enfoncer en lui, puis au-delà de lui, les signaux par lesquels lui parvient ce qui le dissout et le renouvelle50. »
28L’immersion à Grand-Lieu est ainsi l’occasion d’un dépaysement pour la narratrice qui, pour penser un lieu – le lac invisible –, doit en évoquer d’autres51, ou, pour se remémorer, a besoin de l’ici-maintenant de l’immersion de la résidence : « Les lieux se creusent les uns contre les autres. C’est dans la comparaison, l’alternance qu’ils révèlent leurs contours. À mesure que se dessinent plus précisément les abords du lac, se détache aussi l’endroit où je vis et, dans la rue où j’habite, un autre creux dans le paysage » (p. 67). Ce « frottement fortuit52 » inscrit les lieux dans une dialectique du proche et du lointain : « Je ne sais voir, écrire que les lieux lointains, tout juste découverts. Les autres sont si proches que je ne les distingue plus » (p. 38). C’est paradoxalement le motif de la maison, reconsidérée en résidence et apparaissant dans une constellation de « grands lieux », qui permet à la narratrice de trouer le voile du quotidien. Elle réalise ainsi qu’un « autre creux dans le paysage » (p. 67), un chantier qu’elle longe chaque jour, a été ouvert dans les ruines d’un lieu de réunion de militants parmi lesquels, lors de manifestations contre l’expulsion, des personnes blessées par la police : « Ce creux, ce vide n’est pas là pour rien, et c’est mon attention à la forme du lac, à sa nature flottante, qui m’a permis de le voir, comme d’en comprendre l’origine » (p. 69).
2.2. Une carte vivante
29Un paysage mental, constitué des fragments que représentent les souvenirs épars et les bribes de descriptions des lieux habités, vient ainsi redoubler le « lac-puzzle, toujours à reconstituer » (p. 13) et former une carte « mnémonique53 ». Comme le notent également Fabienne Costa et Danielle Méaux :
La rencontre concrète du sujet et du site peut […] être entendue comme une expérience peuplée de réminiscences : un lieu familier est habité des différentes strates de situations vécues dont il a été le théâtre. Celui qui voyage emporte avec lui les paysages qu’il a en mémoire pour les superposer à ceux qu’il découvre dans le présent54.
30Résultant d’une projection, notre représentation de l’espace n’est évidemment jamais neutre. Nous nous orientons et lisons les cartes en fonction des repères imposés par nos habitudes et notre condition corporelle. Tiberghien rappelle que lorsqu’on doit redessiner de mémoire la carte d’un espace familier, les proportions et les distances sont rarement respectées : « Les facteurs de déformation sont multiples […] le plus souvent, nous projetons sur le monde un ensemble de formes colorées par nos affects et puisées dans notre mémoire, un ensemble qui superpose au territoire réel un paysage mental dont les cartes ainsi esquissées épousent les coutures labiles55 ». Dans le texte d’Hélène Gaudy, les contours instables du lac, dus aux caractéristiques physiques de celui-ci, matérialisent et redoublent cette déformation.
31Notre mémoire dessine donc l’espace et la carte, phénomène auquel participe activement la maison. Bachelard : « au-delà des souvenirs, la maison natale est physiquement inscrite en nous. Elle est un groupe d’habitudes organiques56 ». Même quittés depuis longtemps, les habitations et les lieux reviennent régulièrement à la mémoire, sur le mode de la hantise et de la spectralité. Commentant ainsi Spectres de Marx de Jacques Derrida, Jean-Marc Besse57 rappelle que le spectre revient fréquemment, nous fréquente, ce qu’il rapproche de l’habiter, étymologiquement « se tenir fréquemment en un lieu » : « Il n’y a pas de lieu sans que n’y soit déployée cette espèce de profondeur de champ où résident les images, spectres de notre passé encore vivant en nous58 ». Le château de la Sénaigerie serait ainsi hanté (p. 33), lorsque ce ne sont pas les vivants qui hantent leurs anciennes demeures : « Ainsi restent parfois les lieux dans nos mémoires, toujours habités par une version antérieure de nous-mêmes, jamais tout à fait recouverts par ce qui leur arrive après nous » (p. 47). Les souvenirs comme les identifications, définies ici par leurs liens à des lieux, sont donc tout aussi sédimentés que le lac et sa représentation.
32Cette carte mnémonique, conditionnée par la perception d’un sujet doté d’un corps, d’une sensibilité, qui se manifestent dans la marche et les tentatives pour s’orienter, est en un sens biographique, comme le rappelle Tiberghien : « La bio-graphie est ici une écriture du vivant, un marquage qui tient lieu de plan et dont le caractère lacunaire laisse à l’imaginaire une place extrêmement variable59 ». Dans Grands-lieux, souvenirs, imaginaire et marche s’associent précisément dans l’évocation d’une construction mentale, celle de l’« architecture mémorielle » des palais de mémoire, consistant à « visualiser un lieu […] pourvu de nombreuses pièces, niches et recoins, où il faut s’imaginer marcher avant d’y déposer ce qu’on souhaite se rappeler – mots, images mentales, pensées » (p. 39). Le mouvement pédestre se conjugue à la représentation, notamment littéraire : « Le palais de mémoire se visite plusieurs fois. Ses pièces sont des pages blanches où l’on peut, à loisir, écrire et effacer » (p. 39). La marche s’associe donc aux images et à l’écriture pour créer autant de lieux, supports pour le souvenir. À la maison engloutie dans le lac correspond le désir de creuser afin de trouver sa propre habitation : « Malgré tout, je cherche encore le moment où madame H. arrête son vélo devant le château, où Patti Smith se dresse sur la pointe des pieds. Je cherche le lieu qui s’impose, au milieu des autres transparaît » (p. 38-39). Apparaît ainsi le palais de mémoire de la narratrice, « fragment d’un ancien hôtel » (p. 39), qui préfigure Hôtel Zamir (2022), le dernier texte d’Hélène Gaudy paru à ce jour, imbriquant mémoire, image et logement.
2.3. Une carte repeuplée
33Comme François Bon, Hélène Gaudy note l’état de localité-dortoir des alentours du lac : « À Grand-Lieu, pas de baignades, pas de soirées au bord de l’eau. C’est un lac sans hommes, sans jeunes filles, sans pique-niques, dont la vie s’épand en notre absence. C’est un lac silencieux où l’on n’a aucune place » (p. 16). En ceci le lac semble parfaitement répondre aux cartes actuelles : « Comment habiter ce monde fait d’autres vies que les nôtres, cette Terre réactive ? Les cartes telles que nous les connaissons disent un rapport à l’espace vidé de ses vivants, un espace disponible, que l’on peut conquérir et coloniser60 ».
34Pour « tenter de repeupler les cartes61 », « sonder » le lac et mieux arpenter ses rives, sans pour autant céder à l’illusion de pouvoir « conquérir » un espace invisible aux contours flous, la narratrice ajoute une dimension à son projet cartographique singulier : « Je veux pénétrer les maisons des rives, tracer des liens entre le lac et ses habitants, voir comment ce territoire-là se transforme, selon quelles lignes et si elles bougent, sonder ce point liquide. C’est ainsi que je me retrouve, un matin, à boire le café dans la maison d’Alphonse J. » (p. 45). En récoltant les confidences à domicile, Gaudy met au jour des éléments de l’histoire commune aux environs du lac et restaure littéralement l’espace domestique.
35Comme le rappellent Fabienne Costa et Danielle Méaux, l’habitat et son histoire ont une portée opératoire dans la saisie d’un espace. Le paysage est un lieu habité et façonné, qui « tient à la somme des pratiques qu’un groupe humain développe […]. Une succession de traces, d’empreintes se superposent au sol et révèlent l’histoire des sites et des sociétés62 ». Gaudy s’intéresse ainsi aux récits et légendes que les riverain·es ont façonnés, chaque fois autour d’un centre qui peut être l’habitation, l’image ou même la carte : Madame H. est « appelée » par le château de la Sénaigerie ; Alphonse J., ancien gardien du domaine de Grand-Lieu, cherche sur Google Earth les lieux qu’il a vus lors de la guerre d’Algérie ; Jean-René R., l’un des derniers pêcheurs du lac, à la retraite, affiche une multitude de photos du lac sur les murs de sa maison (« J’ai choisi mon métier vis-à-vis de mon petit pays », p. 50) ; Madeleine T. a repris le café-restaurant familial (« Le lac est au cœur des souvenirs – il en reste le centre », p. 61).
36La marche autour du lac fait ainsi soudre la maison engloutie, dans une carte géologique trouble : « La carte des grands lieux s’affine à mesure que j’arpente les environs du lac. Elle mêle ceux des autres et les miens en une géographie composite, aléatoire. […] une sorte de nouvelle Herbauges érigée dans la vase […] Une cité faite des lieux intimes de chacun, comme le sont peut-être bien des villes légendaires et des mythes partagés. […] » (p. 66, nous soulignons). En mêlant les motifs de l’habitation et de la carte, l’intérieur pour dire l’extérieur, Hélène Gaudy propose une constellation collective de lieux intimes et se joue du lac impossible à circonscrire. Elle rejoint sur ce point le projet énoncé dans Terra forma, celui d’une « cartographie du vivant [qui] tente de noter les vivants et leurs traces, de générer des cartes à partir des corps plutôt qu’à partir des reliefs, frontières et limites d’un territoire63 ».
Notes
1 Bisenius-Penin (C.), Résidence d’auteurs, création littéraire et médiations culturelles (1). À la recherche d’une cartographie, Nancy, Éditions universitaires de Lorraine, 2015.
2 Bisenius-Penin (C.), « Introduction. Penser la résidence d’auteurs », in Résidence d’auteurs, création littéraire et médiations culturelles (2). Territoires et publics, op. cit., p. 14.
3 Viart (D.), « Les Littératures de terrain », Revue critique de fixxion française contemporaine, n° 18, 2019, p. 1‑13.
4 Demanze (L.), Un nouvel âge de l’enquête : portraits de l’écrivain contemporain en enquêteur, Paris, Éditions Corti, 2019.
5 Rosenthal (O.), Ruffel (L.), La Littérature exposée. Les écritures contemporaines hors du livre, Littérature, n° 60 (2010).
6 Bisenius-Penin (C.), « La littérature à la croisée des territoires », in Lieux, littérature et médiations dans l’espace francophone, sous la direction de Bisenius-Penin (C.), Nancy, Presses Universitaires de Lorraine, 2017, p. 19.
7 Gaudy H., Grands Lieux, Nantes, Joca Seria, 2017. Désormais : Gaudy.
8 En ligne, https://lespritdulieu.fr/passeurs-d-images/, page consultée le 25 avril 2023.
9 En ligne, https://www.exposerinsitu.fr/, page consultée le 25 avril 2023.
10 En ligne, https://lespritdulieu.fr/actualites-evenements/article/circum-lacustre-le-film, page consultée le 25 avril 2023.
11 En ligne, https://lespritdulieu.fr/residences-d-artistes/passees/didier-trenet/article/le-pantheon-des-astres-l-exposition, page consultée le 25 avril 2023.
12 En ligne, https://lespritdulieu.fr/residences-d-artistes/passees/jean-luc-parant/article/la-proposition-artistique-a-boulevue, page consultée le 25 avril 2023.
13 En ligne, https://lespritdulieu.fr/residences-d-artistes/passees/camille-hervouet-et-gregory-valton/article/glisse-amoureux ; en ligne, https://glisseamoureux.tumblr.com/, pages consultées le 25 avril 2023.
14 Bon (F.), Où finit la ville, Nantes, Joca Seria, 2020. Désormais : Bon.
15 Savelli (A.), Île ronde. Déchirure/tempête, Nantes, Joca Seria, 2014. Désormais : Savelli.
16 Gautier (V.), Ni enfant, ni rossignol, Nantes, Joca Seria, 2015. Désormais : Gautier.
17 Bretesché (D.) et al., Débordements, Nantes, Joca Seria, 2022.
18 Cette exposition a donné lieu à la publication de Zones blanches : récits d’exploration, Marseille, Le Bec en l’air, 2018.
19 Gautier (V.), « Quelque chose qui est le visible et son tourment », 23 juin 2015, en ligne, http://carnetdesdeparts.blogspot.com/2015/06/quelque-chose-qui-est-le-visible-et-son.html, page consultée le 26 avril 2022.
20 Jacob (C.), L’empire des cartes : approche théorique de la cartographie à travers l’histoire, Paris, Albin Michel, 1992 ; Tiberghien (G. A.), Finis terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, 2e édition, Paris, Bayard, 2020, p. 79‑129.
21 Dryansky (L.), Cartophotographies. De l’art conceptuel au Land Art, Aubervilliers, Éditions du CTHS/INHA, 2017.
22 En ligne, http://carnetdesdeparts.blogspot.com/2015/03/autour-du-lac-19-20-21.html, page consultée le 25 avril 2023.
23 En ligne, https://www.grandlieu-tourisme.fr/destination-grand-lieu/le-lac-de-grand-lieu/une-richesse-naturelle-unique, page consultée le 25 juillet 2023.
24 Jean-Pierre Guerlain a en effet fait don de sa propriété à l’État français à la fin des années 70. François Bon note que c’est ce qui explique en partie la préservation du lieu et le fait qu’il ait échappé aux transformations auxquelles l’être humain soumet d’ordinaire les paysages en France (Bon, p. 8).
25 En ligne, https://lacdegrandlieu.com/.
26 Buci-Glucksmann (C.), L’œil cartographique de l’art, Paris, Galilée, 1996, p. 26.
27 Comme l’a confirmé Hélène Gaudy dans un entretien accordé à M. Lecacheur, L. Pagès et M. Grange lors de la journée d’étude Hélène Gaudy, s’immiscer dans « la matière meuble des histoires » : le lieu, l’image et la trace organisée à l’Université de Grenoble Alpes le 21 avril 2023.
28 Zanghi (F.), Zone indécise : périphéries urbaines et voyage de proximité dans la littérature contemporaine, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014.
29 Demanze (L.), Un nouvel âge de l’enquête, op. cit., 2019, p. 95.
30 Tiberghien (G. A.), Le paysage est une traversée, Marseille, Éditions Parenthèses, 2020, p. 15.
31 Gautier (V.), « Rien que du géographique », en ligne, http://carnetdesdeparts.blogspot.com/2015/04/rien-que-du-geographique.html, page consultée le 30 avril 2023.
32 Gautier (V.), « Autour du lac », en ligne, http://carnetdesdeparts.blogspot.com/2015/03/autour-du-lac-19-20-21.html, page consultée le 30 avril 2023.
33 Demanze (L.), Un nouvel âge de l’enquête, op. cit., 2019, p. 98.
34 Lecacheur (M.), « “Écrivain public” : une posture pour la littérature française contemporaine ? Modalités et enjeux des collectes de témoignages », Elfe XX-XXI, n° 10, 2021, en ligne, http://journals.openedition.org/elfe/3400, page consultée le 30 avril 2023.
35 Zenetti (M. J.), Factographies : l’enregistrement littéraire à l’époque contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2014.
36 À paraître aux éditions Joca Seria, selon le site officiel d’Anne Savelli (en ligne, https://www.annesavelli.fr/dita-kepler/article/nouveau-livre-en-cours-la-boucle-impossible, page consultée le 7 juillet 2023).
37 En ligne, https://lespritdulieu.fr/actualites-evenements/article/feuilleton-sonore, page consultée le 25 avril 2023.
38 Reverseau (A.), « La résidence d’écriture ou l’injonction tacite du portrait de lieu », in Résidence d’auteurs, création littéraire et médiations culturelles (1). À la recherche d’une cartographie, op. cit., p. 147-162.
39 Ce terme sera le titre d’un des fragments d’Un monde sans rivage, Arles, Actes Sud, 2019.
40 Reverseau (A.), art. cit., 2015, p. 154.
41 Aït-Touati (F.), Arènes (A.), Grégoire (A.), Terra forma : manuel de cartographies potentielles, Paris, Éditions B42, 2019, p. 6.
42 Tiberghien (G. A.), Finis terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, op. cit., 2020, p. 158.
43 Reverseau (A.), art. cit., 2015, p. 158.
44 Tiberghien (G. A.), Le paysage est une traversée, op. cit., 2020, p. 31.
45 Stock (M.), « Habiter comme “faire avec l’espace”. Réflexions à partir des théories de la pratique », Annales de géographie, n° 4 (704), 2015, p. 424‑441.
46 Besse (J. M.), Habiter : un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 9.
47 Nous reprenons ici un terme employé par Laurent Demanze au sujet d’un autre texte d’Hélène Gaudy (Demanze (L.), « Suppléments au voyage au Pôle Nord. Retrouvailles, reprises et suppléments dans Un monde sans rivage d’Hélène Gaudy », La Revue des lettres modernes, n° 10, 2022, p. 244).
48 Goetz (B.), Théorie des maisons : l’habitation, la surprise, Paris, Verdier, 2011.
49 Hélène Gaudy fait explicitement référence aux textes de Jean-Christophe Bailly dans la bibliographie qui clôture Un monde sans rivage.
50 Bailly (J. C.), Le Dépaysement. Voyages en France, Paris, Éditions du Seuil, p. 14.
51 Comme le montrera encore Villa Zamir où la narratrice décrit la villa d’Albert Kahn pour mieux approcher l’appartement de ses grands-parents.
52 Gaudy (H.), Un monde sans rivage, op. cit., p. 182.
53 Tiberghien (G. A.), Finis terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, op. cit., 2020, p. 159‑165.
54 Costa (F.), Méaux (D.), « Introduction », in Paysages en devenir, sous la direction de Costa (F.), Méaux (D.), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 10-11.
55 Tiberghien (G. A.), Finis terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, op. cit., 2020, p. 160.
56 Bachelard (G.), La Poétique de l’espace, 4e éd., Paris, PUF, 1964, p. 32.
57 Besse (J. M.), Habiter : un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 135.
58 Ibid., p. 145.
59 Tiberghien (G. A.), Finis terrae. Imaginaires et imaginations cartographiques, op. cit., 2020, p. 164.
60 Aït-Touati (F.), Arènes (A.), Grégoire (A.), Terra forma, op. cit., 2019, p. 4.
61 Ibid.
62 Costa (F.), Méaux (D.), « Introduction », art. cit., 2012, p. 8.
63 Aït-Touati (F.), Arènes (A.), Grégoire (A.), Terra forma, op. cit., 2019, p. 4.
Pour citer cet article
A propos de : Manon Delcour
Elle est chargée de cours à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles et membre des centres de recherche Prospéro et TranSphères. Ses recherches portent sur la littérature de langue française des XXe et XXIe siècles, en particulier sur les rapports entre spatialité et énonciation ainsi que les relations entre texte et image. Elle a notamment publié l’ouvrage Dispositifs de l’habitation : Hélène Lenoir et Eugène Savitzkaya (Presses de l’Université Saint-Louis, 2023).