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Amandine Servais

L’image et le temps
Une poétique du récit historien chez Alphonse Dupront

(Volume 1 - 2015)
Article
Open Access

Résumé

Par l’étude d’un cas – Alphonse Dupront (particulièrement son texte « Itinéraire », 1ère partie de l’ouvrage Du sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages) – j’entends éprouver l’hypothèse selon laquelle l’image détermine des modalités inédites du savoir historien.

Excentrique, Dupront a retenu mon attention. N’est-ce pas depuis les marges qu’on peut, le mieux, examiner le centre ?

Dupront ne produit pas, sur les images, un discours en surplomb ni un texte où l’image est prétextuelle. Il réalise une expérience : son texte est à la fois le lieu d’une pratique et l’endroit où se réfléchit cette pratique. Le récit de Dupront constitue un métadiscours et c’est par l’image que le récit historien est contraint de s’engager dans l’autoréflexivité.

Chez Dupront, les catégories du temps et de l’image sont étroitement intriquées. Cette intrication des catégories vient de ce que la définition du temps (longue durée) engendre une conception de l’événement (le vécu qu’étudie l’historien) s’accordant à une certaine définition de l’image (l’image entendue comme agrégat d’hétérogènes et, par-là, possédant un potentiel d’actualisation). Dès lors, événement et image partagent une même propriété, celle d’être actualisables. Cette contiguïté catégorielle fonde le système dupronien. En cela, l’image occupe une place prépondérante ; elle détermine des modalités inédites du savoir historique et questionne le dispositif historique dans son ensemble.

Ainsi, la marge où se tient Dupront révèle quelque chose de fort qui œuvre au sein de la pratique. Plus que d’offrir une simple évasion, les travaux du médiéviste nous placent au cœur du problème.

Index de mots-clés : Culture visuelle, Dupront, historiographie, Image, puissance de l’image, récit, temps

Abstract

Through a case study — Alphonse Dupront (in particular his text « Itinéraire », the 1st part of his work entitled Du sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages) — I  intend to challenge the hypothesis that image determines the hitherto unseen modes of historical knowledge.

Dupront’s excentricity held my attention. Is it not from the margins that we can better examine the centre ?

Dupront does not produce an overhanging discourse nor a text where image is pretextual. He experiments : his text is at the same time a place of practice and a place where this practice gets considered. Dupront’s narrative constitutes a metadiscourse, and the historical narrative is compelled to engage in self-reflexivity through image.

In Dupront’s work, time’s and image’s categories are closely intertwined. This interrelation of categories results from the fact that the definition of time (long-lasting) that engenders a conception of event (the experiences that the historian analyses)  matches a certain definition of image (image seen as a miscellaneous aggregate, and therefore displaying scope for potential updating).

As a consequence, event and image share a common attribute, which is that they both are updatable. This category contiguity is the foundation of the dupronian system. As such, image plays a leading role ; it determines unseen modes of historical knowledge and questions the historical system as a whole.

Thus, the margin where Dupront stands reveals something strong that works within practice itself. More than offering mere evasion, the medievalist’s works place us at the very heart of the issue.

Index by keyword : Agency of Image, Dupront, Historiography, Image, Narrative, Time, Visual Culture

Zusammenfassung

Anhand einer Fallanalyse – Alphonse Dupront (insbesondere sein Text „Itinéraire“ (Werdegang), 1. Teil des Werkes Du sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages (Sakrales. Kreuzzüge und Pilgerreisen. Bilder und Sprachgebrauch)) – möchte ich die Hypothese prüfen, laut der das Bild völlig neue Modalitäten des historischen Wissens bestimmt.

Dupront als Exzentriker hat mein Interesse geweckt. Ist es nicht so, dass man vom Rand aus die Mitte am besten beobachten kann?

Dupront untermauert die Bilder nicht mit zusätzlichen Worten oder mit einem Text, wo das Bild als Vorwand dient. Er führt ein Experiment durch: Sein Text ist sowohl der Ort einer Praxis als auch der Ort, an dem sich diese Praxis widerspiegelt. Bei der Erzählung von Dupront handelt es sich um eine Metarede; es ist das Bild, das die historische Darstellung zur Selbstprüfung zwingt.

Bei Dupront sind die Kategorien Zeit und Bild eng miteinander verflochten. Diese Verflechtung der Kategorien ist darauf zurückzuführen, dass die Definition von Zeit (lange Dauer) eine Vorstellung des Ereignisses (das Erlebte, das der Historiker untersucht) hervorruft, die zu einer bestimmten Definition des Bildes passt (das Bild wird als Konglomerat heterogener Bestandteile verstanden und besitzt somit ein Aktualisierungspotential). Folglich teilen das Ereignis und das Bild eine selbe Eigenschaft und zwar diejenige, aktualisierbar zu sein. Diese kategoriale Kontiguität begründet das Dupront‘sche System. Das Bild nimmt hier einen vorrangigen Platz ein; es bestimmt völlig neue Modalitäten des historischen Wissens und stellt Fragen zur historischen Verfahrensweise in ihrer Gesamtheit.

So zeigt der Randbereich, in dem Dupront sich aufhält, etwas Tiefgründiges auf. Die Arbeiten des Mediävisten bieten nicht nur einen Augenblick der Entspannung, sondern führen uns auch zum Kern des Problems.

Schlagwortindex : Bild, Dupront, Erzählung, Geschichtsschreibung, visuelle Kultur/Bildwissenschaft, Zeit

1Je voudrais, ici, proposer l’analyse d’un cas concret : un texte du médiéviste français Alphonse Dupront (1905-1990). L’exploration du terrain dupronien permettra de révéler et d’expliquer – en partie, bien sûr ! – le double enjeu que, selon moi, l’image représente pour la discipline historique. Je suis persuadée, en effet, que l’image détermine des modalités inédites du savoir historien et constitue, par là, l’endroit idéal d’où questionner l’ensemble du dispositif historiographique.

2Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à formuler une remarque sur le contexte dans lequel est né ce texte. Il a vu le jour il y a environ un an1, alors que mes recherches doctorales entamées depuis peu et consacrées aux rapports des historiens aux images semblaient me conduire à une impasse. Comment, me demandais-je, passer d’une étude sur les usages historiens de l’image – autrement dit, une étude répondant à la question : « Qu’est-ce les historiens font aux images ? » – à une enquête beaucoup plus riche et féconde, d’un point de vue épistémologique, répondant à la question : « Qu’est-ce que l’image fait aux historiens ? ». La découverte des textes d’Alphonse Dupront et la réflexion qu’ils ont su générer m’ont permis de sortir d’une situation qui me paraissait inextricable2.

3Il va sans dire que l’œuvre d’Alphonse Dupront ne contient pas tous les motifs, ni n’anticipe tous les débats, qui mobilisent aujourd’hui les historiens affrontés à la question des images. À certains égards, les réponses qu’il apporte pourront même paraître datées s’il est vrai que bien des problèmes qu’il soulève sont discutés, depuis, dans des contextes renouvelés, par d’autres praticiens des sciences humaines – historiens, historiens de l’art ou philosophes. Je voudrais avertir le lecteur qu’il ne trouvera pas, dans le présent article, un bilan bibliographique ni une généalogie des usages historiens des images3. Sans méconnaître l’importance de ces chantiers de recherche4, je souhaite pour ma part aborder la question des rapports histoire/images par un autre biais. Ma démarche, singulière, vise à révéler comment et en quoi l’image – entendue non pas comme objet d’étude ou comme source mais, avant toute chose, comme catégorie opératoire – agit sur « l’art de faire » historien et, de facto, sur le récit historique (sur une poétique de l’histoire, donc). Précisément, l’expérience historienne de Dupront rend intensément perceptible l’opportunité d’un tel questionnement.

4*

5Par ses objets d’étude, ses conceptions du temps et du métier d’historien, sa méthode et son écriture, Alphonse Dupront occupe une place excentrique.

6Historien atypique5, c’est précisément en raison de cette excentricité qu’Alphonse Dupront offre un excellent terrain à explorer. C’est depuis les marges, me semble-t-il, qu’on peut le mieux observer le centre. Se tenant aux bords de la discipline historique, le médiéviste produit un texte qui est, lui-même, un cas-limite. Nous verrons qu’avec les images – l’image étant, elle aussi, un matériau-limite puisqu’elle est une source récente en tant qu’elle suscite la réflexion et qu’elle n’est plus seulement convoquée pour confirmer la validité d’hypothèses déjà vérifiées par ailleurs – avec les images, donc, Dupront élabore un récit-limite. En effet, l’image est, chez lui, le lieu où le récit historien s’engage dans l’autoréflexivité. L’image, qui se tient sur les bords du texte, fait craquer le récit historien s’éprouvant lui-même. Nous verrons que les difficultés que pose l’écriture dupronienne – écriture exigeante et menant au métarécit – résultent, en effet, de l’image. Ainsi Dupront réalise un discours qui est à la fois le lieu d’une pratique et l’endroit où se réfléchit cette pratique. Comme tel, le récit d’Alphonse Dupront est une expérience, une confrontation de la discipline historique à ses frontières. C’est ce que nous verrons se déployer à la lecture de la première partie du livre Du sacré intitulée « Itinéraire »6.

Faire de l’histoire

7Elles les formes de l’expérience religieuse du monde occidental procèdent d’un double regard, fixé sur le présent et lucide du comment d’une histoire : ce qui est postuler l’ethno-histoire.

8Pour nous, à deux conditions maîtresses. Si la méthode de l’ « à-rebours » paraît primordiale, partout où elle est possible, c’est parce que seule elle approche de la réalité même de la durée. Si durée créatrice il y a, quels qu’en soient les temps morts apparents, les usures, les fins, c’est la chair vive du continu qu’il importe de rendre manifeste. Autant qu’elle est saisissable, elle témoigne d’un vécu en cours, et c’est discipline maîtresse que de tout mettre en œuvre pour en retrouver, en notre actuel, les cheminements lointains.7

9Alphonse Dupront entend réaliser l’histoire d’une expérience de religion, expérience inscrite au cœur du vécu social. Sous des appellations diverses – « ethnohistoire »8, « anthropologie religieuse » – il désigne une même attitude : un regard scrutant le vécu humain. En quoi consiste cette démarche qui, il est important de le souligner, se construit contre ce que Dupront nomme « l’histoire linéaire » ?

10L’objet d’étude que choisit l’historien ne lui est accessible que par des signes qu’il doit traquer et dont il doit, ensuite, dégager un sens. (Celui-ci ne constituant, d’ailleurs, qu’un écho possible du passé.) Cette démarche est « fondamentalement anthropologique » parce qu’elle se réalise au présent.

11Si les signes, note Dupront, sont des « extériorités », ils ne donnent pas lieu à une analyse qui resterait à la surface des choses. Car, explique-t-il de manière lapidaire, le phénomène suppose nécessairement le noumène9. De plus, si on ne considère que le signe on considère, cependant, tout le signe, c’est-à-dire le signe en son contexte et en son évolution. Cette approche, qualifiée de phénoménologique par le médiéviste, se veut donc globale.

12Elle est adaptée à la conception que se fait Dupront des événements qu’il cherche à atteindre. L’approche globale désigne une approche qui observe ses objets dans leur vécu, qui examine leur évolution. Pour ce faire, il faut procéder « à rebours » parce que « le passé est un vécu de notre présent ». Le passé n’est pas clos : il faut donc partir de la présence « qui est insécable de ce qui fut avant »10. Ainsi, les événements durent et le signe désigne des événements qui durent jusqu’à nous, c’est pour cela qu’il faut faire cette « remontée ». Or, la durée ne se survole pas mais doit être appréhendée dans sa globalité. L’approche phénoménologique qui est totale – rien que le signe mais, surtout, tout le signe – est un impératif résultant de la durée, caractéristique intrinsèque des objets d’étude.

13Si l’on veut comprendre la méthode de l’« à rebours », un bref développement sur ce qu’est l’actualité – la survivance pourrait-on dire du passé au présent – s’impose.

14 Ce que désigne le terme de survivance est le chemin qui mène à la compréhension du passé ; ce n’est pas l’objectif du savoir mais un mode d’accès. De même, ce chemin ne mène pas à une histoire qui s’en tient au présent. L’actualisation, l’actualité, est une partie d’une dynamique qui persiste, évolue, se transforme.

15Deux lectures de cette survivance dupronienne nous permettront de mieux prendre la mesure de cette dynamique.

16Dominique Julia11, dans le cadre d’un questionnement relatif à l’influence de Hegel sur l’œuvre dupronienne, examine les différents « transferts » de la croisade (transfert doit être entendu au sens psychanalytique) indiqués par Dupront. Selon ce dernier, à partir de l’échec de 1291 (chute de Saint-Jean-d’Acre), la croisade n’a cessé de connaître des transferts. Dominique Julia (dont je reprends parfois presque textuellement les propos), énumère et explique ce qui, aux yeux de l’auteur du Mythe de croisade, constitue les grandes formes de survivance de la guerre sainte : tout d’abord, le transport de terres et de reliques ; ensuite la réutilisation de la croisade par Rome pour asseoir sa valeur de centre politique ; l’échec des croisades marquera, en outre, le début de l’intériorisation religieuse (la croisade, initialement forme de purification collective, deviendrait une pénitence individuelle) ; enfin, le dernier transfert de la croisade est la Réforme qui prône un retour aux origines. De cette façon, la Réforme nie le temps et cette négation s’accompagne d’une négation de l’espace sacré ; dès lors, écrit Julia, Dupront définit « la Réforme comme émancipation de la conscience subjective et surgissement de la liberté chrétienne ».

17Paul Ricœur12 nous aide, lui aussi, à comprendre ce que survivre signifie appliqué au mythe de croisade. Cette dernière aurait connu trois formes de « survies » : la première est « l’imitation » que seront les arrières-croisades du XIVe siècle ; la deuxième forme de survie est une survie en latence et correspond à un usage politique ; enfin, un troisième type de survie est ce que Ricoeur nomme la répétition du mythe.13 Il l’explique de la manière suivante : le sens de la croisade n’est jamais épuisé chez Dupront car il la présente comme la rencontre nécessaire entre l’Occident et l’Orient, rencontre qui reste, aujourd’hui encore, nécessaire. De même, le mouvement de libération qui animait la croisade perdure. Le retour en terre sainte est maintenu : le retour juif en terre d’Israël en est la figure contemporaine, l’ultime dispersion de la signification de la croisade.

18C’est donc ce que signifie un fait – son énergie, sa dynamique – qui perdure.

19La démarche dupronienne part de la présence des signes pour remonter la trajectoire des événements qui, forcément, s’inscrivent dans la longue durée. Il faut regarder « faire le temps »14. De la sorte, l’ethnohistoire se plie à une double exigence : la soumission à la durée et la collecte méthodique des signes d’un exister religieux. Il y a adéquation de la méthode à l’objet. L’objet détermine l’ethnohistoire.15 C’est bien ce que nous observons dans Du sacré… où Dupront veut étudier la croisade et le pèlerinage. Pour lui, il s’agit d’une seule et même problématique (la croisade étant un « pèlerinage paroxystique »). Démarrant de la situation qui lui est contemporaine, il se demande ce qui, à son époque, occupe la place de la croisade. Comment ce fonds s’est-il maintenu et reconfiguré au fil des temps, comment, d’âge en âge, un même capital a-t-il été renégocié ? Le mythe de croisade est toujours présent : il reste quelque chose de cette dynamique, quelque chose qui en occupe la place et en constitue une nouvelle forme.

L’événement

20Dupront émet quelques réticences à construire des événements du passé en objets d’étude historique. On risque, dit-il, de perdre l’âme des choses parce qu’on va, peut-être, les enclore dans un discours historiographique rationnalisant et conceptualisant. Alors que, au contraire, il s’agit de manifester le « fonds irrationnel », la « force souterraine » qui anime le vouloir-vivre collectif16. Dupront refuse ce qu’il appelle « l’histoire linéaire », « récitatif des faits » qui aplatit les phénomènes quand il faut les appréhender dans leur épaisseur temporelle pour « éclairer le jeu persévérant et parfois acharné des forces »17. Il faut rendre à l’événement sa puissance, l’accepter dans son vécu, comme réalité singulière et unique18.

21Dès lors, le fait historique peut-il se caractériser comme suit.

22Un fait se maintient sous des formes variées. (La croisade et le pèlerinage constituent deux déclinaisons, instables, du même fait.) Ce fait, Dupront le qualifie de jaillissement19. C’est-à-dire qu’on ne pourra pas dégager de cause mais un faisceau d’éléments qui concourent à ce jaillissement. C’est d’ailleurs pour cela que la méthode est globale : le fait étudié est composé de diverses strates temporelles et il faut le replacer au sein d’un réseau dense et complexe.

23L’objet de l’historien apparaît ainsi, encore une fois, comme une survivance. C’est un événement dont il faut, partant de sa présence actuelle, fouiller l’épaisseur temporelle et traquer les signes sur le temps long. Le matériau historique, ce sont « les signes du passé en leur vécu ». Aussi peut-on dire, avec Sylvio Herman de Franceschi20, que l’anthropologie historique dupronienne vise l’exister qui est toujours en devenir21 – les phénomènes surviennent, se terrent et rejaillissent22.

24Il s’agira donc, pour l’historien, de mettre au jour le passé dans le présent, de révéler les survivances du passé, ses reconfigurations, ses renégociations. Dès lors, l’historien n’est pas face à un continuum linéaire où s’ensuivent causes et conséquences ; l’historien traque le procès des événements sur la longue durée, cette longue durée étant celle de l’exister collectif humain.

25Ceci comporte plusieurs implications. Premièrement, Dupront oppose à l’histoire des mentalités de son époque, une perspective culturaliste inédite et comme libérée des modèles habituels de la représentation et du devenir. Deuxièmement, l’histoire est anthropologie : l’historien entend répondre à la question « Comment se dit et continue à se dire une collectivité à travers les âges ? » Pour y parvenir, il doit fouiller les strates temporelles.23 Enfin, l’événement étudié par l’historien est en devenir, il n’est pas fermé mais ouvert et actualisable. L’événement surgit, connaît des périodes de latence puis, au contraire, des moments où il se manifeste avec une forte intensité. L’événement vit donc un processus de réactualisation.24

26Cette conception ouverte du fait ou de l’événement détermine une approche du document elle aussi singulière. Le document est là non pas (seulement) pour témoigner du passé mais pour révéler la survivance des faits.

L’image

27Parmi ces documents, Dupront accorde une place privilégiée aux images. Il les convoque toujours parce que, selon lui, ce sont elles qui servent au mieux le projet de connaissance historique. Sa conception de l’événement, et donc du temps, résonne ainsi en parfaite syntonie avec une définition possible de l’image, ce qui explique que les images s’imposent et façonnent l’analyse dupronienne.

28Dupront convoque les images en leur qualité de document, de source. Il souligne la difficulté de travailler avec un tel matériau. En effet, si l’iconographie (de Mâle, notamment) semble en avoir épuisé les ressources, l’auteur de Du sacré estime que cette entreprise de catalogage des images et de leurs thèmes ne permet pas d’en entendre « le message ». C’est pourquoi il plaide en faveur d’une « iconologie historique »25 aussi appelée « sémantique historique des images »26 afin d’en cerner la nature et de définir les attitudes, ainsi que les traitements, qui permettraient de pressentir le vocabulaire que composent les images et de susciter de nouvelles problématiques.27

29Par sa nature, l’image exige une approche spécifique ; une approche qualifiée, elle aussi, de phénoménologique. Ainsi, à la lecture de Dupront, se dégage une définition de l’image : elle est une présence qui montre, dans sa nudité offerte, et contraint de la sorte à la réception sensible et à son déchiffrement.28

30De la sorte, Alphonse Dupront énonce, sans les nommer, les deux versants de l’image – le pôle sensible et le pôle intelligible – tout en les liant de manière nécessaire.

31Il revient, un peu plus tard, sur la double dimension de l’image : il établit l’image comme un « signe chargé de matière »29. Notons que l’historien insiste sur le fait que c’est l’Occident chrétien qui a dévolu à l’image sa valeur de signe, c’est-à-dire qui a consacré cette « fiction de ressemblance avec un au-delà de l’image ». Tout en reconnaissant la double polarité de l’image ainsi que l’historicité de cette dimension double, Dupront insiste – et cela me semble extrêmement important – sur la polysémie de l’image. Elle possède une vitalité immense et n’est fixée à aucun sens. Si elle détient une valeur de signe elle conserve, entier, son caractère polyvalent. L’image reste une notion ouverte, limitée seulement par le domaine qu’on lui assigne ou la manière dont on la qualifie. Dans le cas qui occupe Dupront, si le religieux est disponible dans l’image de religion, le religieux n’épuise pas pour autant l’image de religion.30

32Par ailleurs, Dupront reconnaît trois caractéristiques à l’image : immobile, silencieuse et atemporelle31. Cette dernière qualité de l’image m’intéresse particulièrement. Car la façon dont est expliquée l’atemporalité n’exclut pas l’image hors de toute temporalité mais en fait, précisément, un document ouvert, toujours actualisable.

33L’image de religion, aux rides du temps près qui lui gardent pour nous sa valeur de signe historique, est de soi atemporelle. Une statue de saint ne comporte pas de dates biographiques ; encore moins les représentations de mystères, celles-ci parfaitement étrangères à toute histoire. Établie dans la durée, l’image religieuse a l’audacieuse insolence de n’en pas reconnaître les servitudes ; ce qu’elle montre et dit est d’éternel – soumise tout au plus à utiliser un vocabulaire plastique qui permette, génération après génération, la transmission du message. Toute Crucifixion porte les marques de l’imaginaire et des besoins sensibles de l’époque où elle a été représentée, mais en même temps, hors toute temporalité, elle élève à la conscience plus ou moins claire du mystère rédempteur32.

34De cet extrait, très dense, je retiendrai un élément : l’image a une double nature. D’une part, elle est « chronologiquement » marquée. Sa réalisation est soumise à des choix plastiques, résulte d’une demande, de besoins qui sont spécifiques à un lieu et à une époque donnés. D’autre part, le contenu des images de religion ne comporte pas d’indications chronologiques (statues de Saints ou représentations de mystères). L’image dure : son message – « un au-delà existe » – pourra être entendu à l’avenir et elle-même suscitera de nouveaux emplois. C’est en ce sens qu’elle est, toujours, actualisable.

35L’atemporalité de l’image n’empêche donc pas de la considérer, aussi, comme une détermination. Toute création d’image répond à un besoin : l’analyste se trouve face à des forces multiples33 qui donnent vie à l’image. Ces forces plurielles révèlent, notamment, la socialisation des images et, par-là, dévoilent un vouloir-vivre collectif.34 Ainsi, pour Dupront, l’image noue « la réalité sensible de l’objet », « la puissance du signe » et la « sensibilité des hommes » par et pour lesquels elle a été faite. Le document image est un espace où s’imbriquent différentes temporalités.35

36Face aux images un impératif méthodologique typiquement historien s’impose : mettre l’image en relation avec tous les domaines dont elle relève, c’est-à-dire procéder à une mise en contextes pluriels. Dupront, à l’instar des historiens actuels, préconise une mise en situation. Chaque élément constitutif de l’image renverrait aux domaines différents dont elle serait le point limite de rencontre.

37Mais c’est là que réside toute la difficulté. Comment articuler l’image à ses contextes ? Un détour par une réflexion toute contemporaine sur l’image nous permettra de mieux comprendre la position dupronienne. Rappelons, tout d’abord, qu’une longue réflexion issue de l’histoire de l’art affirme que la période, concept largement usité en histoire, est, en réalité, une catégorie vide qui n’existe que formellement. Ainsi, souvenons-nous de Focillon qui a imposé l’idée selon laquelle chaque forme répond à une grille temporelle propre.36

38Didi-Huberman parle, lui, d’une pensée de l’anachronisme.37 L’image est un « montage de rythmes hétérogènes ». Son inscription dans des registres variés de l’activité humaine, l’appartenance à des milieux distincts et les sources diverses de l’artiste (influences, traditions) en font un montage des temps. Lire une image revient à déployer l’éventail des temps (passé, présent et futur). En effet, l’artiste est un homme en son temps et un homme hors de son temps (il subit des influences, puise à des sources diverses, emploie et façonne la tradition). En plus, certains objets ne retiennent l’attention qu’ultérieurement38.

39Toujours selon Didi-Huberman, chaque sphère d’activité humaine répondant à une grille temporelle qui lui est propre, l’image est un entrelacs temporel. En outre, elle récupère un héritage artistique passé qu’elle modifie plus ou moins, indiquant de cette manière s’il y a continuité ou rupture. De plus, l’image comporte, chez Didi-Huberman exactement comme chez Dupront, une capacité d’actualisation qui lui assure une lisibilité future39.

40Ainsi, l’image, agrégat d’hétérogènes, souligne la relativité de la périodisation traditionnelle. La mise à mal du régime des factualités et la création de temporalités inédites mettent en question la possibilité d’une écriture « traditionnelle » de l’histoire. Le temps linéaire ébranlé, c’est peut-être l’histoire même qui est déstabilisée.

Le récit

41Didi-Huberman, donc, pour comprendre Dupront ! Peut-être… Il m’importe surtout de saisir, chez Dupront, une mise en œuvre du concept d’image proche de celle aujourd’hui largement diffusée grâce aux travaux de Didi-Huberman mais qui s’inscrit, cependant, dans une réflexion qui reste, elle, essentiellement historienne.

42Ainsi, si l’anachronisme de l’image trouble une certaine écriture de l’histoire, elle n’empêche pas, tout au contraire, la possibilité d’un « faire » historien. Anachronique, l’image est toujours en relation avec des temporalités ; elle est rapport aux temps. En cela, elle autorise un récit historien spécifique. Si l’on veut écrire l’histoire avec l’image il faut procéder conformément à la nature de cette dernière. Le récit ne sera pas linéaire, ne déroulera pas l’enchaînement irrésistible et continu des faits. Au contraire, partant de la présence de l’image, ici et maintenant, on en démontera la structure afin de mettre au jour ses différents éléments constitutifs. Autrement dit, on explorera chacune de ses couches, on déploiera tout l’éventail des rythmes temporels qui la scandent.

43 C’est pourquoi l’image donne lieu à une méthode qui procède « à rebours », qui traque les signes de survivance (et de novation), qui fouille les strates temporelles qui composent le document et qui en constituent l’épaisseur.

44 En effet, c’est de façon systématique que Dupront convoque l’image pour réaliser son projet. Ainsi, dans l’introduction à Du sacré, il consacre près de 115 pages à la valeur heuristique des images contre une petite quinzaine aux autres types de documents permettant d’appréhender son objet d’étude. De même, dans son article « Anthropologie religieuse », il montre combien les images sont précieuses pour dévoiler les changements et les continuités des phénomènes religieux. Seules les images, en raison de leur nature, révèlent aussi parfaitement le vécu des événements.

45*

46Presqu’arrivée au terme de cette exploration du texte dupronien, force est de constater qu’à une perspective particulière correspond une méthode particulière qui passe par une approche tout aussi singulière du document. En effet, l’historien examine un « matériau objectif » (documents, informations) où s’entremêlent passé et présent. Parmi les sources, c’est l’image qui, dans la démonstration de Dupront, révèle, au mieux, la longue durée des événements.

47Ainsi, sont étroitement intriquées les catégories du temps (Dupront, on l’a vu, développe une conception particulière de la longue durée) et de l’image (matériau ad hoc pour réaliser le projet de l’historien). Il me semble que cette intrication des catégories vient de ce que la définition du temps (longue durée), ici, engendre une conception de l’événement40 (c’est-à-dire du vécu qu’étudie l’historien) s’accordant à une certaine définition de l’image (l’image entendue comme agrégat d’hétérogènes et, par-là, possédant un potentiel d’actualisation) ; dès lors, événement et image partagent une même propriété, celle d’être actualisables.

48Cette contiguïté catégorielle fonde le système dupronien. En cela, l’image occupe une place prépondérante. Plus qu’un embrayeur de la connaissance, elle détermine des modalités inédites du savoir historique ; elle est à la fois l’objet, l’occasion et le modèle du connaître historien selon Dupront.

49Événement, image, récit… La question de l’image en histoire n’est pas, ni d’abord, ni seulement, documentaire ! En sa singularité même, et en sa radicalité, l’exemple dupronien en atteste puissamment. L’image insiste et se donne à l’historien qui veut l’accueillir selon les modalités multiples de sa présence, l’engageant ainsi, d’où qu’il porte le regard, à mettre en mouvement ses procédures familières d’analyse et de description. C’est la nécessité de ce mouvement, diversement agencé selon les auteurs et les traditions historiographiques, que les textes d’Alphonse Dupront rendent si fortement perceptibles. N’est-ce pas cela que suggère l’historien des croisades : trouver, au contact le plus proche des images, les conditions de possibilité d’un récit historien – rigoureux mais tout aussi bien affecté – qui fasse droit à l’expérience intérieure et sensible dont les documents – tous les documents – portent témoignage ? Et, dès lors, placer, peu ou prou, le savoir historien lui-même sous la bannière de cette puissance « imageante » dont l’image lui indique le chemin ? Ces questions restent, aujourd’hui encore, d’une brûlante actualité…

Notes

1  Il a fait l’objet de deux communications orales : à l’Université de Liège, en février 2014 et à l’Université de Lille 3, au mois de mai de la même année.

2  Le détail des obstacles rencontrés aux premiers temps de ma recherche est exposé dans un texte consultable en ligne à l’adresse suivante: http://web.philo.ulg.ac.be/culturessensibles/pdf/FRESH.pdf.

3  Je me suis précédemment livrée à un tel exercice dans le cadre de mon travail de fin d’études : Qu’est-ce que l’image fait à l’histoire ? Essai d’épistémologie en histoire culturelle, travail de fin d’études présenté en vue de l’obtention du grade de master en histoire à finalité approfondie, inédit, Université de Liège, année académique 2011-2012.

4  A titre d’exemple, on se souviendra évidemment des travaux de Francis Haskell – notamment L’historien et les images, Paris, Gallimard, 1995 (1993 pour l’édition anglaise originale) – et, plus récemment, du numéro spécial « Images et histoire » de la revue Vingtième siècle. Revue d’histoire, n°72 (octobre-décembre 2001).

5  Né en 1905, Alphonse Dupront défend sa thèse, Le mythe de croisade. Essai de sociologie religieuse, en 1956. Rapidement, Dupront enseigne à la Sorbonne ainsi qu’à la VIe section de l’École pratique des hautes études (1960-1988). À cette époque, la nouvelle génération des Annales triomphe : les centres d’intérêt sont alors d’ordre socio-économique et la longue durée est valorisée. Mais, si Alphonse Dupront est institutionnellement proche des Annales, il s’en détache pourtant. Il s’intéresse davantage au culturel qu’au socio-économique. En outre, sa conception de la longue durée ne correspond pas à celle de Braudel et de ses collègues. Notons, également, qu’une écriture déroutante et un style incantatoire tiennent Alphonse Dupront à distance d’une large reconnaissance. Soulignons, avec Dominique Julia (JULIA D., « DUPRONT Alphonse », in AZRIA et HERVIEU-LÉGER (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF, 2010, p. 283-287), que son écriture, exigeante, est un élément primordial de sa méthode.

6  Du sacré est un recueil de textes, réalisés entre la fin des années 1950 et la fin des années 1980. A l’occasion de leur édition, ils ont été remaniés et augmentés par une introduction intitulée « Itinéraire » (« Itinéraire », in Du sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages, Paris, Gallimard, 1987). Cette lecture a, bien sûr, été complétée par l’analyse d’autres textes et travaux. Notamment : DUPRONT A., « Anthropologie religieuse », in LE GOFF J. et NORA P. (dir.), Faire de l’histoire, t. II, 1974, p. 105-136 ; IDEM, « Présent, passé, Histoire », in L’histoire et l’historien, Paris, Arthème Fayard (Recherches et Débats, n°47), 1964, p. 13-27 ; HERMAN DE FRANCESCHI, « L’irruption de l’événement dans le temps de l’Histoire. Rythmique événementielle et longue durée selon Alphonse Dupront (1905-1990) », Revue historique, 659 (juillet 2011), p. 611-636 ; « Mythe, histoire, croisade. Autour d’Alphonse Dupront », Mélanges de l’École française de Rome - Italie et Méditerranée modernes et contemporaines [En ligne], 124-1 (2012), mis en ligne le 19 décembre 2012. URL : http://mefrim.revues.org/ ; Dossier « Présence d’Alphonse Dupront », in Le Débat, 99 (1998/2), p. 34-93.

7  DUPRONT A., Du sacré… Op. cit., p. 71.

8  Dans ce texte, j’ai placé entre guillemets les expressions duproniennes.

9  Dupront mobilise le concept de noumène en son sens le plus général pour désigner « la chose en soi ».

10  Ibid., p. 69.

11  JULIA D., « Une conception hégélienne de l’histoire ? », in « Mythe, histoire, croisade. Autour d’Alphonse Dupront », Op. cit.

12  RICOEUR P., « Mythe et histoire », in « Mythe, histoire, croisade. Autour d’Alphonse Dupront », Op. cit. (Je tiens à souligner que ce qui suit résume fidèlement les propos de Ricoeur.)

13  Notons que Ricœur parle, dans un second temps, de « répétition historienne du mythe » et il écrit : « Il Dupront s’interroge enfin sur la répétition historienne du mythe, celle qui convient au mode de survie du mythe dans la conscience présente, à la lumière des reconstructions au niveau historiographique et sous le signe de l'effacement des traces. Qu'est-ce alors que répéter un mythe, ce mythe, le répéter en historien ? ». Aussi riches que soient les commentaires que suscite la répétition historienne du mythe, je ne m’y attarde pas ici.

14  Dupront A., Du sacré… Op. cit., p. 78.

15  Ibid., p. 59.

16  Ibid., p. 14.

17  Ibid., p. 12.

18  Ibid., p. 23-24.

19  Sur la question du fait et de l’événement comme jaillissement, voir l’article de HERMAN DE FRANCESCHI (« L’irruption de l’événement dans le temps de l’Histoire… », article cité) qui a magnifiquement expliqué la conception dupronienne de la durée, des faits et des événements. Ce texte, dont on verra aisément les traces dans mon propos, a grandement facilité ma compréhension du texte dupronien.

20  Outre l’article précédemment mentionné, voir sa contribution « L’Historien et le piège du mouvement rétrograde de la vérité historique. Les deux sources bergsonienne et péguyste de la réflexion d’Alphonse Dupront (1905-1990) », in « Mythe, histoire, croisade. Autour d’Alphonse Dupront », Op., cit.

21  Par exemple, l’événement est « in-fini » (cf. DUPRONT A., « Anthropologie religieuse », in LE GOFF J. et NORA P. (dir.), Op. cit., p. 135).

22  Cf. : Ibid., p. 106. On s’aperçoit, ici, que la conception de la longue durée dupronienne ne correspond pas à la longue durée braudélienne. Cette dernière, certes, rompt avec la périodisation conventionnelle mais reste une conception temporelle linéaire, continue.

23  Ceci n’est pas sans rappeler le sismographe warburgien…

24  Cf. : Ibid., p. 125-126.

25  DUPRONT A., Du sacré… Op. cit., p. 210.

26  Ibid., p. 101.

27  Ibid., p. 102.

28  Ibidem

29  Le mot latin « imago » désigne le portrait ou la ressemblance. Ce terme renvoie donc à la valeur de signe. Le mot « imagine » en français du XIe siècle désigne une statue, le mot « imagier » (en français du XIIIe siècle) signifie sculpteur ou peintre et « imaginer » veut dire peindre. Les déclinaisons françaises de l’image renvoient donc à la matérialité. C’est de cette façon que l’image (d’abord signe) s’est chargée de matière. (Cf. : Ibid., p. 105).

30  Cf. : Ibid., p. 107-108.

31  Ibid., p. 102-105.

32  Ibid., p. 104-105.

33  C’est-à-dire : commanditaires, exécutant, choix plastiques, endroit où l’on place l’image, spectateurs, usages, etc.

34  Voir, par exemple : Ibid., p. 206 : «  pour complexe que soit l’élaboration de l’image , la recherche de son efficace, l’expression de certaines latences, elle demeure collective, c’est-à-dire image au besoin de tous ».

35  A ce propos, voir particulièrement le paragraphe « L’imagier religieux : perspectives thématiques » (Ibid., p. 143-211) où Dupront, par une analyse d’images, montre comment le matériau visuel révèle le vécu religieux d’une collectivité, expérience sociale qui doit être appréhendée sur la longue durée.

36  Idée que l’on retrouve sous la forme suivante chez Dupront : «  et selon cette règle que l’évolution dans l’art n’a rien de linéaire mais demeure complexe mélange d’avancées, de larges plages de stabilité et de ce que l’on ne saurait appeler reculs » (Ibid., p. 194).

37  Pour le développement suivant, cf. : DIDI-HUBERMAN G., Devant le temps, Paris, Les éditions de Minuit, 2000, p. 7-55.

38  Par exemple, certains éléments, chez FRA ANGELICO, sont vus aujourd’hui parce qu’ils rappellent POLLOCK. Cf. : DIDI-HUBERMAN G., Fra Angelico. Dissemblance et figuration, Paris, Flammarion, 1990.

39  Le pouvoir d’actualisation de l’image suscite une remarque. Un événement du passé, en faisant image, modifie notre rapport au présent. En effet, nous pouvons établir une comparaison entre la situation d’autrefois et la situation actuelle. Cette mise en évidence de similitudes génère une nouvelle perception du fait passé et de notre présent. Dès lors, grâce à l’image, le passé acquerra une nouvelle lisibilité et enrichira notre rapport au présent. En outre, mais cela est évident, la façon dont un fait d’autrefois fait image donne accès à la manière dont un groupe se situe par rapport à lui et nous renseigne, ainsi, sur les représentations de ce groupe. La capacité d’actualisation de l’image a donc une double portée : elle enrichit le passé d’une nouvelle interprétation possible et modifie le présent en suscitant chez ceux qui la contemplent un positionnement révélateur de leur système de représentations.

40  Cf. : HERMAN DE FRANCESCHI S., « L’irruption… », article cité ; JULIA D., « DUPRONT Alphonse », in AZRIA et HERVIEU-LÉGER (dir.), Op. cit., p. 283-287.

To cite this article

Amandine Servais, «L’image et le temps», Phantasia [En ligne], Volume 1 - 2015, URL : https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=365.

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