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L’éthopoïétique de l’écriture de soi
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Malgré l’importance qu’il accorde à l’écriture dans les pratiques de soi des deux premiers siècles de notre ère, Michel Foucault ne consacre que peu de pages à ce sujet. En l’occurrence, l’écriture de soi met en évidence, plus que toute autre pratique, la puissance du langage qui passe alors autant par l’écriture que par la lecture. Le processus de subjectivation dans l’écriture de soi peut être appréhendé à partir de l’idée d’une langue-energeia et nous proposons, à l’aune de l’article sur « L’écriture de soi » publié en 1983 dans la revue Corps écrit, d’éclairer les thèses de Foucault par des travaux émanant des études littéraires sur la lecture actualisante et sur l’énergie dans l’écriture.
Abstract
Whereas Michel Foucault gave such importance to the technology of writing in his study of the practices of the self during the first two centuries of our era, he didn’t dedicate many pages about that topic. Yet, self writing highlights, more than any other practices, the power of language that involves both writing and reading. Thus, the process of subjectivation in self writing can be thought with the idea of an Energeia-language and we propose, on the basis of the text “Self writing” published in the journal Corps écrit in 1983, to analyse Foucault thesis in the light of literary studies about actualizing reading and energy in writing.
Table of content
« Le rôle de l’écriture est de constituer, avec tout ce que la lecture a constitué, un “corps” »
Michel Foucault
1Dans le cadre de son étude sur les pratiques de soi, de la période platonicienne aux premiers siècles du christianisme, Michel Foucault consacre, somme toute, assez peu de pages à l’écriture de soi. Alors même qu’il reconnaît qu’elle occupe une place centrale dans la période qui couvre les deux premiers siècles de notre ère, « l’âge d’or » des pratiques de soi1, elle ne retient pas, en tant que telle, son attention et il n’en fait qu’une technique parmi d’autres. Philippe Artières dans la notice qu’il consacre à « Michel Foucault » dans le Dictionnaire de l’autobiographie. Écriture de soi de langue française, souligne effectivement à ce sujet que : « Parler ici d’autobiographie serait historiquement inexact ; le sujet de Foucault est un ensemble de pratiques de soi qui n’ont pas tant pour objet le récit de vie et l’écriture de soi que l’invention d’un nouveau rapport du sujet à lui-même »2. Foucault remarque ainsi, lors d’une conférence en avril 1983 à l’Université de Berkeley où il présente plus largement « La culture de soi » des deux premiers siècles : « Je voudrais seulement, pour donner un exemple, souligner l’importance de l’écriture dans la culture de soi. On suppose souvent que l’écriture personnelle est une découverte moderne (peut-être une innovation du XVIe siècle ou de la Réforme). En réalité, la relation à soi à travers l’écriture a été une très longue tradition de l’Occident »3. S’il constate une fois encore son importance, l’écriture ne constitue ici pour Foucault que « un exemple » : ce n’est pas tant la technologie de l’écriture qui retient son intérêt dans son analyse que les formes qu’elle peut prendre à cette époque.
2Daniele Lorenzini et Henri-Paul Fruchaud établissent en effet qu’il développe cette question de l’écriture personnelle sur cinq pages de son cours L’Herméneutique du sujet4, et de façon plus précise dans un article, sur lequel nous centrerons notre étude, publié dans le cadre d’un dossier consacré à l’autoportrait dans la revue Corps écrit, qui paraît en février 1983 – la même année que la conférence sur « La culture de soi ». La nouvelle revue trimestrielle et pluridisciplinaire dont la première livraison sort en 1982, est dirigée par Béatrice Didier, spécialiste de l’écriture autobiographique et professeure à Paris VIII. L’article de Michel Foucault ouvre le numéro de la revue qui se décompose en une première partie « Œuvres », avec des textes de création d’écrivains, et une deuxième, « Études », dans laquelle on trouve, entre autres, des propositions de Louis Marin, Daniel Arasse et Philippe Lejeune ou Béatrice Didier. La question de l’autoportrait est donc abordée à la fois dans une perspective picturale et littéraire. Foucault précise dans un chapeau que ce travail s’inscrit dans une « série d’études » où l’écriture de soi appartient aux « arts de soi-même »5 qui ont pour fonction d’élaborer un esthétique de l’existence par le gouvernement de soi. Cette étude aurait dû intégrer l’introduction de L’Usage des plaisirs mais, finalement, Foucault avait changé d’avis et voulait l’inclure dans un ouvrage à venir sur la notion de gouvernementalité, Le Gouvernement de soi et des autres. Son article porte sur la période qu’il aborde déjà en 1982 dans son cours au Collège de France, L’Herméneutique du sujet : « l’âge d’or de la culture de soi que l’on peut situer aux deux premiers siècles de notre ère6. »
3Deux formes vont retenir son attention, sur lesquelles il reviendra en avril à Berkeley : l’hupomnemata et la correspondance. La première est un carnet de notes dont l’usage évolue puisqu’il a d’abord été « un instrument de gestion politique » pour devenir « un instrument de gestion de la vie privée »7. On pourrait le comparer aux livres de raison, ces livres de comptes qui ont pu être aussi détournés en partie de leur objectif premier, et dont les exemplaires les plus anciens conservés en France remontent au XIVe siècle et qui deviennent une pratique courante au XVIe siècle8. Au Ier et IIe siècles, l’hupomnemata est donc un carnet dans lequel on consigne des pensées lues ou entendues : c’est un travail de « subjectivation des discours »9. Foucault explicite son propos : « Il ne s’agit pas de faire apparaître le soi dans sa réalité dans des discours vrais ; il s’agit de faire en sorte que les discours vrais transforment le soi par une appropriation en permanence contrôlée de la vérité »10. L’hupomnemata sollicite la pratique de l’écriture mais relève aussi d’un exercice de lecture puisqu’il s’agit de « lire, relire, méditer, s’entretenir avec soi-même et les autres. […] capter le déjà-dit pour une fin qui n’est rien de moins que la constitution de soi »11. La seconde pratique, la correspondance, « est toute proche des hupomnemata et sa forme en est très voisine »12. Dans le cadre de cette « culture de soi » propre au deux premiers siècles, Foucault précise qu’elle évolue beaucoup ; en se référant à la lettre 55 de Sénèque il remarque : « Vous avez une véritable description de soi qui est, semble-t-il, absolument nouvelle, en tout cas si vous comparez ça avec Cicéron »13. Il dresse alors le constat suivant :
Il n’en demeure pas moins qu’on a là un phénomène qui peut paraître un peu surprenant mais qui est chargé de sens pour qui voudrait faire l’histoire de la culture de soi : les premiers développements historiques du récit de soi ne sont pas à chercher du côté des « carnets personnels », des hupomnemata, dont le rôle est de permettre la constitution de soi à partir du recueil du discours des autres ; on peut en revanche les trouver du côté de la correspondance avec autrui et de l’échange du service d’âme14.
4Si cette étude paraît particulièrement éclairante pour une approche généalogique de l’écriture de soi, il est aussi intéressant de noter que Foucault met en évidence le fait que la praxis de l’écriture de soi implique une dynamique entre écriture et lecture. Foucault cite sur ce point Sénèque à de nombreuses reprises : « il ne faut pas dissocier lecture et écriture ; on doit “recourir tour à tour” à ces deux occupations, et “tempérer l’une par le moyen de l’autre”. Si trop écrire épuise (Sénèque pense ici au travail du style), l’excès de lecture disperse »15. Aussi proposons-nous d’appréhender l’écriture de soi, selon Foucault, à partir de la notion d’energeia afin d’appréhender la singularité de ce processus de subjectivation. En effet, la puissance de transformation de l’écriture de soi répond à la dimension énergétique de cette notion forgée par Aristote et qui a nourri toute une réflexion théorique sur l’activité de l’écriture et de la lecture16.
1. La notion d’energeia dans les pratiques de soi
5Lorsque Foucault présente la correspondance dans son étude sur l’écriture de soi, il l’évoque telle une action qui engendre des effets : « La lettre qu’on envoie agit, par le geste même de l’écriture, sur celui qui l’adresse, comme elle agit par la lecture et la relecture sur celui qui la reçoit »17. L’écriture de soi « agit » sur le sujet-écrivant et sur le sujet-lisant : les activités de lecture et d’écriture forment un système qui permet une auto-régénérescence, semblant ainsi échapper au principe de l’entropie. Mais l’élément moteur au cœur de ce système n’est autre que la langue qui se nourrit de la lecture et se manifeste dans l’écriture : aussi comprend-on que l’écriture de soi ne peut se contenter d’une simple pratique d’écriture puisque c’est une coopération des deux activités, dépendantes l’une de l’autre, qui satisfait les besoin d’un système énergétique.
6La langue répond ainsi à la conception dynamique qu’en propose Wilhelm von Humboldt dans son Introduction à l’œuvre sur le kavi : « En elle-même, la langue est non pas un ouvrage (Ergon), mais une activité en train de se faire (Energeia). Aussi sa vraie définition ne peut-elle être que génétique »18. Cette distinction nous semble tout à fait pertinente dans le cadre de l’étude foucaldienne car elle rend compte, d’une part, du processus de subjectivation porté par la langue-Energeia, et d’autre part de l’ouvrage, Ergon, que va constituer le soi : « Le soi, c’est l’œuvre d’art – analyse Foucault. C’est une œuvre d’art qu’on a à faire, et qu’on a en quelque sorte devant soi. Et on n’atteindra son propre soi qu’à la fin de sa vie et au moment de sa mort »19. Ainsi, l’écriture de soi en tant que pratique de soi a pour objectif l’élaboration d’une « esthétique de l’existence »20 : elle émane d’un travail en cours, une energeia21, dans le cadre d’un entrainement, une askesis, au moyen d’une technique, une tekhnè. Éric Benoit constate de la sorte que « L’en-ergeia suppose donc un mouvement d’actualisation, une virtualité qui s’actualise »22.
7L’écriture de soi en tant qu’ascèse porte donc en elle et donne lieu à une transformation du sujet-écrivant et lisant ; elle agit en le transformant, c’est en cela qu’elle constitue une expérience : « J’ai proposé d’appeler ascèse une technique réglée et coûteuse de transformation de soi, et par “transformation de soi”, je ne désigne pas :
8-l’acquisition d’aptitudes ou de connaissances,
9-mais la modification de soi dans son mode d’être »23. Foucault souligne ainsi la puissance de l’energeia qui est en jeu dans le processus de subjectivation et il s’attache à définir, pour les différentes périodes historiques des pratiques de soi de l’Antiquité, le caractère singulier de cette transformation lié à la tekhnè : on va parler d’epistrophê dans le cadre des pratiques de soi platoniciennes, de conversion pour les pratiques hellénistiques et romaines, et de metanoia pour les pratiques chrétiennes24.
10La pratique peut articuler différemment les activités et suivre deux protocoles différents : un parcours linéaire où l’écriture transmet une énergie pour agir, ou circulaire et dans ce cas, c’est la lecture qui stimule la réflexion.
On voit aussi que l’écriture est associée à l’exercice de pensée de deux façons différentes. L’une prend la forme d’une série “linéaire” ; elle va de la méditation à l’activité d’écriture et de celle-ci au gumnazein, c’est-à-dire à l’entraînement en situation réelle et à l’épreuve : travail de la pensée, travail par l’écriture, travail en réalité. L’autre est circulaire : la méditation précède les notes lesquelles permettent la relecture qui a son tour relance la méditation. En tout cas, quel que soit le cycle d’exercice où elle prend place, l’écriture constitue une étape essentielle dans le processus auquel tend toute l’askesis25.
11Enfin, il s’agit de prendre en considération les caractéristiques techniques de la pratique. Foucault tâche de les définir pour les hupomnemata : « En fait si la rédaction des hupomnemata peut contribuer à la formation de soi à travers ces logoi dispersés, c’est pour trois raisons principales : les effets de limitation dus au couplage de l’écriture avec la lecture, la pratique réglée du disparate qui détermine les choix, l’appropriation qu’elle effectue »26. Tout d’abord, comme nous l’avions précisé précédemment, l’association de la lecture et de l’écriture permet de maintenir l’énergie de la pratique, prévenant la dispersion par la simple lecture ou l’épuisement dans la seule écriture. Deuxième point, on retrouve la notion de disparate qui est importante pour Foucault dans l’écriture ; il l’a déjà abordée dans son texte « La Vie des hommes infâmes », en 1977. En effet, il voyait alors dans les lettres de cachet, cette écriture de l’infime et de l’infâme, les prémices de la littérature moderne.
Tous cependant fonctionnent au disparate. Disparate entre les choses racontées et la manière de les dire ; disparate entre ceux qui se plaignent et supplient et ceux qui ont sur eux tout pouvoir ; disparate entre l’ordre minuscule des problèmes soulevés et l’énormité du pouvoir mis en œuvre ; disparate entre le langage de la cérémonie et du pouvoir et celui des fureurs ou des impuissances. Ce sont des textes qui regardent vers Racine, ou Bossuet, ou Crébillon ; mais ils portent avec eux toute une turbulence populaire, toute une misère et une violence, toute une “bassesse” comme on disait, qu’aucune littérature à cette époque n’aurait pu accueillir 27.
12Si la littérature moderne, pour Foucault, allait « fonctionner au disparate » c’est parce qu’elle était capable d’exprimer des écarts que nulle autre écriture ne pouvait prendre en charge, tout en préservant la singularité des événements. Pour la pratique de l’écriture de soi, le disparate renvoie à la diversité des textes à partir de laquelle il s’agit de travailler, aussi bien dans la lecture que dans l’écriture, et c’est dans l’écart entre les textes que le travail s’effectue : c’est l’interaction, la confrontation du sujet avec les textes, mais aussi des textes entre eux, qui permet au sujet-écrivant de se modifier dans son mode d’être. Mais la pratique de l’écriture de soi demeure, comme le rappelle Foucault, une pratique « réglée » et la contrainte maintient ainsi la subjectivation. Enfin, troisième point, il s’agit de faire sien le texte de l’autre : si dans un premier temps, on constate un processus d’altération de soi par les textes des autres, l’écriture de soi permet dans un second temps, d’incorporer l’altérité de l’autre. Ainsi, la pratique de l’écriture de soi favorise un double mouvement de différenciation : une altération de soi puis une incorporation de l’autre28. La pratique de l’écriture de soi permet ainsi, comme le suggère Foucault avec Sénèque, de se modifier dans son mode d’être en « constituant un corps », en façonnant un véritable corps ce qui fait de l’energeia de l’écriture de soi une énergie relevant d’un modèle vivant :
Le rôle de l’écriture est de constituer, avec tout ce que la lecture a constitué, un “corps” […]. Et ce corps, il faut le comprendre non pas comme un corps de doctrine, mais bien – en suivant la métaphore si souvent évoqué de la digestion – comme le corps même de celui qui, en transcrivant ses lectures, se les est appropriées et a fait sienne leur vérité : l’écriture transforme la chose vue ou entendue “en forces et en sang” (in vires, in sanguinem)29.
13Voyons donc plus précisément comment la notion d’energeia peut nous aider à penser l’activité énergétique de la lecture et de l’écriture dans la pratique de l’écriture de soi.
2. L’herméneutique de la lecture
14La notion d’energeia est au cœur des théories de la réception et de la lecture. Avec les travaux de l’École de Constance, en particulier l’esthétique de la réception de Jauss30 et la théorie du « lecteur implicite » d’Iser31, la lecture est appréhendée comme une activité qui génère des effets. Elle est dotée d’une energeia. Umberto Eco publie en 1979 Lector in fabula dans lequel il analyse le fait, déjà abordé par Sartre et Iser, selon lequel un texte littéraire est toujours lacunaire, il implique un effort de la part du lecteur qui doit compléter et anticiper le texte lu. Il compare alors la lecture à une interprétation énergétique, dans la lignée de Pierce et Gadamer. La lecture donne lieu à une action du lecteur sur le texte qui est « un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir »32 et laissés par l’écrivain, et en même temps elle suscite une action du texte sur le lecteur dans la mesure où « un signe peut provoquer un interprétant énergétique ou émotionnel »33 : c’est une « mise en acte par un agent »34. Si le texte de Eco n’est traduit en français qu’en 1985 chez Grasset, Foucault a pu prendre connaissance des travaux de Eco, en particulier lors de leur rencontre lors du Third International Summer Institute for Semiotic and Structural Studies, qui a eu lieu à l’Université Victoria de Toronto au mois de juin 1982 – le texte sur « L’écriture de soi » est publié en février 1983. Étaient alors invités John Searle, Umberto Eco et Michel Foucault qui vient de donner son cours L’Herméneutique du sujet au Collège de France35.
15Ainsi, les constats que dresse Sénèque sur la lecture et qui nourrissent la réflexion de Foucault, trouvent un écho dans des études contemporaines menées sur la lecture. Lorsque Foucault évoque « le principe de réactivation »36 de la lettre, il n’est pas sans rappeler la fonction de l’actualisation de la lecture que l’on retrouve formulée dans les travaux de Eco et qui sera développée par Ricœur37. Voici l’analyse que propose Michel Foucault de la lettre 99 que Sénèque adresse à Lucilius :
Ainsi la lettre 99 à Lucilius : elle est elle-même la copie d’une autre missive que Sénèque a envoyée à Marullus dont le fils était mort quelque temps auparavant. (…) Mais pour Lucilius, à qui elle est envoyée, pour Sénèque qui l’écrit, elle joue le rôle d’un principe de réactivation : réactivation de toutes les raisons qui permettent de surmonter le deuil, de se persuader que la mort n’est pas un malheur38.
16La lecture de Lucilius actualise la lettre de Sénèque qui était adressée à l’origine à Marullus et Lucilius peut ainsi « s’approprier », comme le précisait précédemment Foucault, les mots de Sénèque : Lucilius se glisse dans l’étoffe du lecteur modèle que le texte construit et auquel le lecteur réel s’identifie. L’energeia de la lecture de Lucilius relève alors d’une dialectique entre une prescription du scripteur, Sénèque, et l’horizon d’attente de Lucilius. Mais ce que souligne aussi Sénèque et que rapporte Foucault, c’est que le scripteur est aussi le premier lecteur de la lettre : il actualise aussi la lettre et s’approprie ses propres mots qui étaient adressés à un autre. Cette dialectique de la lecture peut être appréhendée en termes de synergie.
17Si Foucault use davantage du terme réactivation, on trouve aussi celui de réactualisation, par exemple dans le cadre de l’examen de soi stoïcien lors du « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley » en avril 198339. Cette notion d’actualisation est particulièrement intéressante pour l’étude des pratiques d’écriture de soi dans le sens et l’analyse que propose Yves Citton. En quoi réside la particularité d’une lecture actualisante ? Citton reprend la définition de Jean-Louis Dufays pour qui elle permet « d’actualiser le texte dans un nouveau contexte, de lui conférer un sens a posteriori »40. C’est exactement ce que nous venons de voir avec la lettre 99 de Sénèque à Lucilius. Citton précise :
Une interprétation littéraire d’un texte ancien est actualisante dès lors que a) elle s’attache à exploiter les virtualités connotatives des signes de ce texte, b) afin d’en tirer une modélisation capable de reconfigurer un problème propre à la situation historique de l’interprète, c) sans viser à correspondre à la réalité historique de l’auteur, mais d) en exploitant, lorsque cela est possible, la différence entre les deux époques (leur langue, leur outillage mental, leurs situations socio-politiques) pour apporter un éclairage dépaysant sur le présent41.
18La dernière remarque nous semble particulièrement pertinente dans le cadre de l’étude de l’écriture de soi dans la mesure où elle reprend la catégorie du disparate évoquée par Foucault afin de la faire jouer dans l’acte de lire : l’energeia de la lecture actualisante tire ainsi de la confrontation du temps de l’écriture avec le temps de la lecture, un enrichissement du texte. Cette lecture littéraire préconisée par Citton s’inscrit aussi comme geste politique et rejoint en cela la portée politique de l’écriture de soi étudiée par Michel Foucault, comme technologie de gouvernementalité. Ainsi, François Cusset appelle de ses vœux ce qu’il nomme, à partir de cette énergétique de la lecture selon Citton, une « politique de la lecture »42. La lecture actualisante travaille dans l’écart entre les deux temps du texte, celui de l’écriture et de la lecture, et
la distance en question est ce qui relance indéfiniment les puissances de subjectivation et les effectuations possibles du texte. […] Et la même distance signale aussi, au nom d’une politique du présent, la nécessité d’occuper, d’habiter, de parcourir dans toute son ampleur l’intervalle (historique, épistémique, culturel) qui nous sépare du texte lu43.
19Ainsi, ce travail de la lecture par le jeu de la distance et dans l’intervalle des textes, n’est pas sans convoquer la notion d’intervallum44 que reprend Foucault à la suite de Sénèque et dans laquelle il voyait une distance éthique que favorisait la pratique de l’écriture de soi : il y là un redoublement du geste de résistance contre le conditionnement qui se joue dans la lecture actualisante dans le cadre de l’écriture de soi.
20Enfin, cette lecture actualisante s’appuie sur le principe de l’herméneutique biblique, cette lecture interprétative sans cesse relancée. Michel Foucault reprend ce terme dans son cours au Collège de France L’Herméneutique du sujet de telle sorte que la notion d’herméneutique va être associée et réduite, sous sa plume, la plupart du temps, aux pratiques de soi chrétiennes. « L’herméneutique des mythes et des légendes était une pratique courante dans la culture ancienne ; les principes et les méthodes de cette herméneutique ont été déjà bien étudiés. L’herméneutique de soi, en revanche, est relativement moins bien connue »45 : c’est ce second aspect qui retiendra son attention et cela peut prêter à confusion dans son étude. En effet, si Foucault remet en question l’herméneutique de soi chrétienne qui procède d’un processus de subjectivation fondé sur le double principe d’avouer une identité cachée et de renoncer à soi, le geste herméneutique de la lecture, une herméneutique interprétative, est assez peu mis en valeur alors même qu’il contribue à un processus de subjectivation autre et que l’on constate dans les pratiques de soi stoïciennes.
3. L’éthopoïétique de l’écriture
21D’autre part, dans le cadre de l’activité d’écriture, l’energeia va procéder de deux fonctions de la langue : de ce que Daniele Lorenzini désigne comme « la force du vrai »46, et de la puissance de l’expressivité poétique.
22Rappelons que Michel Foucault, dans sa quatrième conférence à Berkeley, soutient qu’« il s’agit de faire en sorte que les discours vrais transforment le soi par une appropriation en permanence contrôlée de la vérité »47. La force du vrai relève, dans un premier temps, d’une vérité gnomique émanant de logoi particuliers, la gnômê :
Je me réfère à cette notion qui est si importante en grec et dans la culture grecque, la notion de gnômê ; gnômê qui est, vous le savez, une formule, la plupart du temps brève, souvent formulée par un poète, laquelle formule dit la vérité essentielle et fondamentale dont il faut se souvenir et puis qui est en même temps un conseil, un avis, une règle de vie. La gnômê, c’est à la fois la vérité et la règle, la vérité et la norme48.
23La gnômê propose donc une vérité impersonnelle dans le sens où elle n’est pas adressée à un destinataire particulier, et c’est le geste de l’écriture, en tant qu’incorporation du disparate, qui suscite une energeia : « L’écriture comme exercice personnel fait par soi et pour soi est un art de la vérité disparate ; ou plus précisément, une manière réfléchie de combiner l’autorité traditionnelle de la chose déjà dite avec la singularité de la vérité qui s’y affirme et la particularité des circonstances qui en déterminent l’usage »49. Mais il existe un autre type de vérité à laquelle s’intéresse Michel Foucault dans son étude sur les pratiques de soi dès lors que la gnômê est adressée à un interlocuteur spécifique : la parrêsia. Dans leur introduction aux conférences foucaldiennes prononcées à Toronto en 1982, Henri-Paul Fruchaud et Daniele Lorenzini soulignent que « La parrêsia, qui apparaît pour la première fois dans le cours L’herméneutique du sujet, y était très étroitement liée à la notion de souci de soi : pour prendre soin de soi comme il faut, on a absolument besoin de l’aide d’un autre (un ami ou un maître) qui nous dise la vérité sur nous-même, et cet autre doit posséder la parrêsia »50. La parrêsia est une vérité éthique qui impose donc que l’on soit en vérité avec ce que l’on dit.
Il faut que je sois moi-même, à l’intérieur de ce que je dis ; je dois être moi-même impliqué dans ce que je dis et ce que j’affirme doit me montrer effectivement conforme à ce que j’affirme. Et c’est là que l’on retrouve quelque chose que l’on pourrait appeler le pacte parrêsiastique, (…) où il s’agit de ceci : c’est quand moi, je te donne un conseil à toi qui me demande de parler franchement, je ne me contente pas de te dire ce que j’estime être vrai, je ne dis ce vrai que dans la mesure où c’est effectivement ce que je suis moi-même ; je suis impliqué dans la vérité de ce que je dis.51
24La singularité de la parrêsia c’est qu’elle modifie à la fois le locuteur et l’interlocuteur : dans la lettre 99, Sénèque se fait parrêsiaste : il agit sur lui-même tout en agissant sur Lucilius. Daniele Lorenzini évoque à ce sujet la fonction perlocutoire de la parrêsia52 qui induit un changement sur le sujet-écrivant et incite à l’action le sujet-lisant.
25Ainsi, le dire-vrai, la parole traversée par la vérité, qu’elle émane d’un logos ou directement de la parole parrêsiastique, met en action et révèle une energeia. Foucault, dès la première séance du cours L’herméneutique du sujet, le 6 janvier 1982, met en évidence ces effets que suscite l’accès à la vérité dans les pratiques de soi qu’il associe ici à des pratiques de spiritualité :
La spiritualité postule que l’accès à la vérité produit, lorsque, effectivement, cet accès a été ouvert, des effets qui sont, bien sûr, la conséquence de la démarche spirituelle faite pour l’atteindre, mais qui sont en même temps bien autre chose et bien plus : effets que j’appellerai « de retour » de la vérité sur le sujet. Pour la spiritualité, la vérité n’est pas simplement ce qui est donné au sujet, pour le récompenser en quelque sorte de l’acte de connaissance, et pour venir combler cet acte de connaissance. La vérité, c’est ce qui illumine le sujet ; la vérité c’est ce qui lui donne la béatitude ; la vérité c’est ce qui lui donne la tranquillité de l’âme. Bref, il y a dans la vérité et dans l’accès à la vérité, quelque chose qui accomplit le sujet lui-même, qui accomplit l’être même du sujet, ou qui le transfigure.53
26Mais l’energeia de l’écriture de soi ne procède pas uniquement d’une parole vraie, elle émane d’un ton et d’une forme qui laissent paraître la présence du destinataire dans le texte. De même, si Michel Foucault affirme dans le débat au département de français à Berkeley, « je ne crois pas que l’esthétique du récit de soi, l’esthétique volontaire ait jamais été réfléchie dans l’Antiquité »54, il constate cependant le recours régulier à une certaine simplicité du discours. Le dialogue a été la forme platonicienne par excellence des pratiques de soi, et la période qui nous concerne pourrait être caractérisée par le ton de la conversation55. Michel Foucault reconnaît en effet pour les lettres que si
Elles obéissaient à des critères esthétiques évidents […] la lettre est toujours considérée comme devant constituer, devant relever du niveau le plus élémentaire de la rhétorique, où l’on doit vraiment ouvrir son cœur, parler comme ça sans apprêt… Vous avez une lettre de Sénèque [qui est] intéressante parce qu’il répond à Lucilius et lui dit : « Ah, tu me demandes de mieux orner mes lettres et tu les trouves trop simples, mais enfin une lettre, c’est fait pour être simple »56.
27Notons que Henri-Paul Fruchaud et Daniele Lorenzini rapportent avec plus d’exactitude les propos de Sénèque dans la lettre 75 et ce dernier use du terme « conversation » pour caractériser le type du discours épistolaire. Aussi, pourrait-on considérer cette simplicité de la conversation que requiert Sénèque sous les traits de l’enargeia chère à Aristote. Éric Benoit rappelle à ce sujet que
Dans la rhétorique d’Aristote, il y a un lien entre les deux notions d’energeia de la parole et d’enargeia de la parole. L’enargeia (de l’adjectif énargès : clair et net) désigne la clarté du discours, la netteté de l’expression, la vivacité et l’évidence de la parole. Dans la rhétorique classique, l’enargeia produit un effet sur le récepteur (lecteur ou auditeur), l’enargeia produit une energeia, l’enargeia possède une energeia rhétorique. 57
28Ainsi, la langue simple de la conversation dispose d’une energeia et elle contribue de la sorte à la dimension éthique de la parrêsia58.
29Mais n’est-elle pour autant qu’un moyen de servir la cause éthique de l’écriture de soi ? Faudrait-il souscrire à la thèse de Guillaume Artous-Bouvet selon laquelle « la subjectivation, pour Foucault, serait à ranger du côté de la praxis, et non de la poiesis : la poiesis comme on sait, est une activité qui produit un objet différent d’elle, quelque chose comme une œuvre, tandis que la praxis est à elle-même sa propre fin »59 ? Il s’agirait alors pour l’écriture de soi de renoncer à l’ergon, l’œuvre que produit la pratique, à savoir le soi, ce qui remettrait en cause la visée des pratiques de soi. Ainsi, l’écriture de soi procède d’une praxis et d’une poiesis. L’energeia de la langue pourrait-elle prétendre alors à contribuer au geste esthétique de l’œuvre ? L’esthétique de l’existence ne se manifeste-t-elle pas déjà, en effet, dans la pratique de soi ? Foucault remarquait que la lettre obéissait à des « critères esthétiques ». De même, la notion et le terme d’éthopoiétique qu’il reprend à Plutarque et qu’il définit comme une fonction de l’écriture de soi, une « transformation de la vérité en êthos »60, mettent en évidence un faire qui n’est plus l’energeia de la praxis mais bel et bien un poïein, un faire. Le choix du poétique, de la langue pensée du côté de l’esthétique, transforme la langue-energeia en langue-poïen : l’écriture de soi est donc déjà un faire, un acte en tant qu’elle est poétique et c’est parce qu’elle est poétique et pensée selon des « critères esthétiques » que l’écriture de soi passe d’une energeia de la praxis à un poïen, d’une énergie à un acte esthétique qui annonce l’esthétique de l’existence. La langue n’est plus seulement une force, elle devient puissante : « le style est notre “faire” – rappelle Marielle Macé –, notre puissance pratique, notre morale, la manière est notre être »61.
30C’est enfin vers Henri Meschonic que l’on peut se tourner pour conclure. Dans l’écriture de soi, l’éthique, le poétique et le politique se trouvent dans une « implication réciproque et nécessaire » et « l’écriture seule, par la poétique, tient ce trois instable [que sont la poétique, l’éthique et le politique] qui est en même temps la banalité méconnue du langage. Et qui dérange les Assis »62. Nous proposons donc d’ajouter un tréma à l’éthopoïétique de façon à ce que l’ambigüité de la poéticité de la langue, dans l’écriture de soi, pose moins question. Afin de déranger les Assis.
Bibliographie
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Notes
1 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », in Qu’est-ce que la critique ?, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2015, p. 175. Notons sur le sujet l’importance que les travaux de Pierre Hadot ont revêtu pour Michel Foucault qui le cite dans l’introduction à L’Usage des plaisirs (Histoire de la sexualité, tome 2, Paris, Gallimard, 1984, p.15). Nous renvoyons sur la question notre lecteur plus particulièrement aux textes de Hadot, « Exercices spirituels » et « Un dialogue interrompu avec Michel Foucault » (Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel, 2002).
2 Artières Philippe, « Michel Foucault », Françoise Simonet-Tenant et al. (dir.), Dictionnaire de l’autobiographie. Écriture de soi de langue française, Paris, Honoré Champion, 2017, p. 345. Notons par ailleurs que l’auteur n’évoque ni dans la notice, ni dans la bibliographie l’article de Michel Foucault sur « L’écriture de soi » (Corps écrit, n°5, 1983, puf) alors même que la notice « Écriture du moi/de soi » de Françoise Simonet-Tenant (p. 290-291) cite cet article et renvoie à la notice « Michel Foucault ».
3 Foucault Michel, « La culture de soi » in Qu’est-ce que la critique ?, op. cit., p. 96. Nous soulignons.
4 Fruchaud H.-P. et Lorenzini D., in Foucault Michel, « La culture de soi » in Qu’est-ce que la critique ?, op. cit., n. 43 p. 108. Il s’agit des pages 341-345 du cours.
5 Foucault Michel, « L’écriture de soi », Corps écrit, n°5, 1983, puf, p. 3 ; repris dans le tome 2 des Dits et écrits, Gallimard, 2001, p. 1234. Nous utiliserons cette seconde édition pour plus de commodité. Rappelons par ailleurs que Philippe Lejeune publie en 1971 L’Autobiographie en France, et en 1975 Le Pacte autobiographique, société. La question de l’écriture personnelle comme expression d’un sujet autonome, constitue alors un objet de recherche d’actualité dans les études littéraires.
6 Foucault Michel, L’herméneutique du sujet, Paris, Seuil/Gallimard, 2001, p. 32.
7 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 157. Au sujet des hupomnemata, voir aussi Hadot Pierre, Introduction aux « Pensées » de Marc Aurèle, Paris Fayard, 1997, p. 62-67.
8 On retrouve encore cette pratique au XXe siècle puisque François Mauriac, par exemple, poursuit le livre de raison de Malagar, la propriété familiale dont il hérite, tout en y inscrivant des notes plus personnelles et intimes.
9 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1238.
10 Foucault Michel, « Quatrième conférence », in Dire vrai sur soi-même, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2017, p.124.
11 Ibidem.
12 Ibid., p. 1242.
13 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 160.
14 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1245.On pourrait remettre en question cette affirmation dans les formes d’écriture de soi contemporaines, l’autofiction par exemple.
15 Ibid., p. 1239. Nous soulignons. Foucault cite ici Sénèque, Lettres à Lucilius, Paris, Les Belles Lettres, 1945, tome I, lettre 2, §3, p. 6.
16 Nous remercions vivement Éric Benoit pour ses travaux sur la notion d’Energeia, tant sur le plan de l’écriture que de la lecture, dans le cadre de son séminaire de recherche qu’il propose à l’Université Bordeaux-Montaigne. Nous renvoyons notre lecteur plus précisément à l’analyse généalogique qu’il propose du terme dans le volume 42 de la collection « Modernités » consacré aux Écritures de l’énergie. Notons simplement : « Le mot français énergie vient du grec energeia, qu’on peut décomposer en en-ergeia et qui signifie littéralement : mise en œuvre. La même racine est présente dans le mot ergon (œuvre) dont la forme primitive était wergon » (Benoit Éric, « Anacrouse (étymologie, rhétorique, linguistique) », in Écritures de l’énergie, Pessac, PUB, coll. « Modernités », 2017, p. 8).
17 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1242. Nous soulignons.
18 von Humboldt Wilhelm, Introduction à l’œuvre sur le kavi, Seuil, 1974, p. 183 cité par Benoit Éric, « Anacrouse (étymologie, rhétorique, linguistique) », op. cit., p. 10. Notons que dans le cadre de cette étude il s’agit bien d’une conception humboldtienne de la langue comme énergie et non saussurienne comme activité : la langue-energeia se manifeste dans le cadre des activités de lecture et écriture qui constituent la pratique de l’écriture de soi.
19 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 155.
20 Foucault Michel, « Une esthétique de l’existence », Dits et écrits, tome 4, Paris, Gallimard, 1994, p. 730-735.
21 On rappelle que l’acte, selon Aristote, se décompose en energeia (« qui est en plein travail ») et entelecheia (« qui séjourne dans sa fin »). Éric Benoit rappelle qu’Aristote définit aussi l’energeia comme mouvement (op. cit., p. 9). On pourrait aussi associer ce mouvement énergétique du processus de subjectivation à l’idée de « pensée en action » de Balzac (Traité de la vie élégante, Paris Arléa, 1998, p. 123.
22 Benoit Éric, « Anacrouse (étymologie, rhétorique, linguistique) », op. cit., p. 9.
23 Foucault Michel, « Quatrième conférence », op. cit., p. 119.
24 Pour une analyse plus détaillée et synthétique de cette question, nous renvoyons notre lecteur à la note 26 de la conférence de Foucault Michel, « Christianisme et aveu », L’Origine de l’herméneutique du sujet, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2013, p. 100.
25 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1237.
26 Ibid., p. 1239.
27 Foucault Michel, « La Vie des hommes infâmes », in Dits et écrits, tome 2, op. cit., p. 249 ; 250. Nous soulignons.
28 Michel Foucault souligne combien il ne s’agit pas dans les pratiques de soi de chercher un rapport d’identité à soi-même mais au contraire une différenciation : « les rapports que nous devons entretenir avec nous-mêmes ne sont pas des rapports d’identité ; ils doivent être plutôt des rapports de différenciation, de création, d’innovation » (Michel Foucault, « Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et politique de l’identité », Dits et écrits, tome 4, Paris, Gallimard, 1994, p. 739).
29 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1241. Nous soulignons.
30 Jauss Hans Robert, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978.
31 Iser Wolfgang, L’Acte de lecture. Théorie de l’effet esthétique, Bruxelles, Margada, 1985
32 Eco Umberto, Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985, p. 63.
33 Ibid., p. 52.
34 Ibid., p. 50.
35 Les conférences données par Foucault lors de ce séjour sont reprises dans Foucault Michel, Dire vrai sur soi-même, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2017.
36 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1243.
37 La notion d’actualisation est introduite dès le premier tome de Temps et récit : « Il apparaîtra corollairement, au terme de l’analyse, que le lecteur est l’opérateur par excellence qui assume par son faire – l’action de lire – l’unité du parcours de mimesis I à mimesis III à travers mimesis II » (Paul Ricœur, Temps et récit, tome 1, Paris, Seuil, 1983, p. 107).
38 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1243.
39 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », in Qu’est-ce que la critique ?, op. cit., p. 168. Précisons que Pierre Hadot analyse un procédé assez similaire pour la méditation (« Exercices spirituels, op. cit., p. 28-29) mais il ne s’agit pas exactement du même phénomène pour la lecture.
40 Dufays Jean-Louis, Stéréotype et lecture, Bruxelles, Mardaga, 1994, p. 104, cité par Citton Yves, Lire, interpréter, actualiser, Paris, Amsterdam, 2017, p. 30.
41 Citton Yves, Lire, interpréter, actualiser, op. cit., p. 386.
42 Cusset François, « L’événement herméneutique », in Citton Yves, Lire, interpréter, actualiser, op. cit., p. 21.
43 Ibid., p. 22.
44 Foucault Michel, L’Herméneutique du sujet, Paris, Gallimard/Seuil, 2001, p. 520.
45 Foucault Michel, « Première conférence », Dire vrai sur soi-même, op. cit., p. 29.
46 Lorenzini Daniele, La Force du vrai. De Foucault à Austin, Le Bord de l’eau, 2017.
47 Foucault Michel, « Quatrième conférence », in Dire vrai sur soi-même, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Vrin, 2017, p.124.
48 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 162.
49 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1240.
50 Fruchaud Henri-Paul et Lorenzini Daniele, « Introduction » in Michel Foucault, Dire vrai sur soi-même, op. cit., p. 21.
51 Foucault Michel, « La parrêsia » in Anabases 16, 2012, p. 182 repris dans Discours et vérité, édition établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Vrin, 2015, p. 54. Nous soulignons. Sur la notion de pacte parrêsiastique, nous renvoyons notre lecteur à notre ouvrage, Le récit de soi. Une pratique éthique d’émancipation, Paris, L’Harmattan, 2018.
52 Lorenzini Daniele, « La parrêsia et la force perlocutoire » in Jean-François Braunstein et al., Foucault(s), Éditions de la Sorbonne, 2017, 273-284 ; et La Force du vrai. De Foucault à Austin, Le Bord de l’eau, 2017.
53 Foucault Michel, L’herméneutique du sujet, Gallimard/Seuil, 2001, p. 17-18. Il poursuit en analysant qu’avec le « moment cartésien », on bascule dans un accès à la vérité qui ne procède que de la connaissance et que les conséquences sont importantes sur la constitution du sujet : l’accès à la vérité « ne trouvera dans la connaissance, comme récompense, et comme accomplissement, rien d’autre que le cheminement indéfini de la connaissance. Ce point de l’illumination, ce point de l’accomplissement, ce moment de la transfiguration du sujet par “l’effet de retour” de la vérité qu’il connaît sur lui-même, et qui transit, traverse, transfigure son être, tout ceci ne peut plus exister » (p. 20).
54 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 163.
55 Notons que d’un point de vue étymologique le dia-logue porte la présence des deux interlocuteurs mais la parole est caractérisée comme logos. La conversation renvoie à une « fréquentation » (convertatio) qui allie la présence à une proximité affective.
56 Foucault Michel, « Débat au département de Français de l’université de Californie à Berkley », op. cit., p. 163.
57 Benoit Éric, « Anacrouse (étymologie, rhétorique, linguistique) », op. cit., p. 9-10.
58 Nous renvoyons à ce sujet notre lecture au texte sur la parrêsia de Michel Foucault (« Parrêsia », Discours et vérité, op. cit.).
59 Artous-Bouvet Guillaume, « Des subjectivations littéraires », in S. Jouanny et E. Le Corre (dir.), Les Intermittences du sujet, PUR, 2016, p. 37.
60 Foucault Michel, « L’écriture de soi », op. cit., p. 1237.
61 Macé Marielle, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, 2011, p. 21.
62 Meschonic Henri, Langage, histoire une même théorie, Verdier, 2012, p. 552. Rappelons avec Éric Benoit que « Pour Meschonic, la poétique est une poïétique, elle implique un poïen, un faire, une mise en acte : c’est l’energeia dans le poïen de la poïesis » (Benoit Éric, « Anacrouse (étymologie, rhétorique, linguistique) », op. cit., p. 12).
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About: Isabelle Galichon
Isabelle Galichon est chercheure associée à l’EA TELEM et docteure en Littérature française ; elle travaille sur la notion de récit de soi à partir des derniers travaux de Michel Foucault. Elle codirige avec Camille Laurens, un séminaire de recherche au Collège International de Philosophie sur l’écriture de soi. Elle participe au projet de recherche « Procesos de subjectivacion » dirigé par Azucena Gonzalez (Université de Grenade). Elle aborde, dans ses travaux, différentes problématiques mémorielles et fait partie du comité de rédaction de la revue Mémoires en jeu (Kimé). Le récit de soi – Une pratique éthique d’émancipation, L’Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2018
E.A. TELEM – Université Bordeaux-Montaigne