Fédéralisme Régionalisme Fédéralisme Régionalisme -  Volume 17 : 2017  Les juridictions constitutionnelles suprêmes dans les États fédéraux : créatures et créateurs de fédéralisme 

La Cour constitutionnelle de Belgique : un arbitre au cœur du fédéralisme belge

Géraldine Rosoux
Chargée de cours, Université de Liège ;  Référendaire, Cour constitutionnelle de Belgique

Résumé

Dans la famille des cours constitutionnelles, la Cour constitutionnelle belge entretient, avec le fédéralisme, des liens indissolubles.

D’une part, cette juridiction spécialisée qui vient de fêter ses 30 ans d’existence – elle s’appelait à l’origine « Cour d’arbitrage » et ne veillait initialement qu’au respect des règles répartitrices de compétences – a été créée en raison même du fédéralisme centrifuge belge, opérant la transformation de l’État unitaire en un État fédéral composé de communautés et de régions. Et son évolution traduit le même subtil parallélisme entre les réformes de l’État et l’extension des compétences de la juridiction constitutionnelle.

D’autre part, le souci d’un constant équilibre entre les deux grandes composantes linguistiques (francophone et néerlandophone) du pays imprègne la composition et le fonctionnement de la Cour. Et sa jurisprudence se voit, de jure et de facto, reconnaître une portée importante dans le paysage juridictionnel et institutionnel belge puisque la Cour constitutionnelle peut non seulement constater l’inconstitutionnalité d’une loi mais elle peut aussi annuler la loi.

À côté du contentieux des droits fondamentaux, la jurisprudence en matière de répartition des compétences constitue une œuvre de compromis dans des dossiers « communautaires » intrinsèquement sensibles, et révèle le rôle central joué par la juridiction constitutionnelle au sein de l’État fédéral belge.

Abstract

The Belgian constitutional Court is inherently linked to federalism.

On the one hand, this specialized Court created thirty years ago – and formerly known as the « Court of Arbitration », then limited to conflicts in competence, was specifically created because of the centrifugal nature of the Belgian federalism. Its evolution in jurisdiction illustrates a subtle parallelism with the successive state reforms.

On the other hand, the Court’s composition is defined following a linguistic balance (between Dutch- and French-speakers), essential in Belgian institutions. The Court’s jurisprudence is subsequently getting increasingly salient in the jurisdictional and institutional frameworks both de jure and de facto, as its powers allow the constitutional Court to annul an unconstitutional law.

Apart from its action regarding fundamental rights, the Court’s jurisprudence in respect of conflict in competence represents a remarkable example for the constant trade-off dynamic in intricate “communitarian” issues – and therefore underline the crucial role covered by the Court within the Belgian federal State.

Introduction

11. Le fédéralisme est au cœur de la genèse et des évolutions de la Cour constitutionnelle belge1. Si, à sa naissance, cette juridiction était une « enfant peu désirée »2 du fédéralisme, avant de devenir une adolescente assoiffée de liberté, cette jeune trentenaire3 semble maintenant épanouie dans son rôle d’arbitre des règles du jeu étatique.

2Dans le modèle kelsénien de justice constitutionnelle, la juridiction constitutionnelle belge présente ce trait atypique d’avoir été générée par le fédéralisme (1) : tant son organisation (2) que ses compétences (3) sont marquées par les équilibres inhérents au fédéralisme belge. Les effets étendus de ses arrêts (4) témoignent de la place de la Cour dans le paysage juridictionnel et institutionnel, sa jurisprudence ciselant les contours de la répartition des compétences dans l’État fédéral (5).

1. La juridiction constitutionnelle et le système fédéral belge

1.1. Le fédéralisme belge, né de forces centrifuges

32. L’article 1er de la Constitution belge affirme depuis 1993 que la Belgique est « un État fédéral qui se compose des communautés et des régions ». Élément de la complexité belge, le fédéralisme belge est bipolaire, composé, outre l’autorité fédérale, de deux formes d’entités fédérées : les communautés et les régions, plus précisément trois communautés4 (la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone) et trois régions5 (la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale). Cette dualité d’entités fédérées s’ajoute ainsi à la division, géographique et administrative, du territoire en provinces6, ainsi qu’au multilinguisme d’une Belgique comprenant quatre régions linguistiques7 dans lesquelles prévalent trois langues officielles (le français, le néerlandais et l’allemand)8.

4D’un point de vue territorial, les communautés et les régions ont des champs d’application qui se chevauchent mais seulement partiellement. Illustrant cette complexité, la Région de Bruxelles-Capitale, comportant les 19 communes bruxelloises, dont la Ville de Bruxelles, coïncide au territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, qui elle-même est intégralement enclavée dans la région de langue néerlandaise, même si sa population est majoritairement francophone. Des compétences régionales sont exercées par la Région de Bruxelles-Capitale, tandis que des compétences communautaires peuvent y être exercées par la Communauté flamande, la Communauté française, et la Commission communautaire commune9.   

5Les communautés et les régions disposent de compétences attribuées, par la Constitution et les lois de réformes institutionnelles. De manière très simplificatrice, les communautés disposent de compétences relatives aux personnes sensu lato (enseignement, culture, emploi des langues, jeunesse, sports, aide aux personnes, aide sociale,…10), les régions disposent des compétences économiques sensu lato (politique économique, emploi, environnement et aménagement du territoire, énergie, logement, tourisme…11), l’autorité fédérale disposant, à ce stade du fédéralisme12, des compétences résiduelles13.

63. À la différence des fédéralismes d’union, le fédéralisme belge se distingue par son caractère centrifuge, procédant d’un mouvement de dissociation progressive du petit État unitaire composite, né en 1831, et dont la devise est « L’Union fait la force »14.

7Dès sa naissance en 1970, le fédéralisme belge témoigne d’aspirations asymétriques des deux grandes composantes linguistiques, francophone et néerlandophone15, du pays : d’une part, une revendication originellement linguistique, venant de la Flandre au Nord du pays, traduite dans la notion de « communauté », et, d’autre part, une revendication plutôt économique, venant de la Wallonie au Sud du pays, traduite par la notion de « région ». Né de ces forces centrifuges, le fédéralisme belge s’est concrétisé par six réformes de l’État – 1970, 1980, 1988, 1993, 2001 et 2014 –, qui ont chaque fois accentué le processus de démembrement, ou de dislocation, de l’État central au profit des communautés et des régions. Dans la logique de ce fédéralisme centrifuge, qui transfère par phases successives de nouvelles compétences aux entités fédérées, la Constitution fédérale, historiquement la seule de l’État unitaire, reste aujourd’hui l’unique texte constitutionnel en Belgique, les entités fédérées ne disposant pas de constitutions propres.

8Dans ce mouvement dissociatif, le fédéralisme belge évolue de manière divergente entre, d’une part, une politique du statu quo qui satisfait le Sud du pays et, d’autre part, des revendications flamandes d’accroissement du fédéralisme – voire de confédéralisme.

1.2. La juridiction constitutionnelle, enfant du fédéralisme

94. En Belgique, la juridiction constitutionnelle a été créée en raison même de la transformation de l’État unitaire en État fédéral ; l’extension de ses compétences correspond aussi à l’évolution de son rôle d’arbitre sensu lato de l’État fédéral.

10Première phase. Née dans un climat de méfiance envers les possibles censeurs de la loi souveraine, la juridiction constitutionnelle a été acceptée comme un mal nécessaire, imposé par la fédéralisation du pays. Parce que les entités fédérées ont reçu la compétence d’adopter des normes équipollentes à la loi, le besoin d’un arbitre pour régler les possibles conflits entre les différents législateurs a conduit le Constituant de 1980 à créer une juridiction spécialisée, originellement dénommée « Cour d’arbitrage »16, qui « statue par voie d’arrêt »17 mais est distincte du pouvoir judiciaire18. Cette Cour se limitait alors, comme son nom l’indiquait, à arbitrer des conflits de compétences, en veillant au respect des règles répartitrices de compétences par les normes législatives, à savoir les lois fédérales, et les décrets et ordonnances des entités fédérées19. En 1983, la loi ordinaire organisant la Cour est adoptée, avant l’installation de la Cour en octobre 1984, et son premier arrêt en 1985.

11Deuxième phase. En 1988, la communautarisation de l’enseignement et le souci de préserver les garanties du « Pacte scolaire » conduisent à étendre les compétences de la Cour à trois droits fondamentaux, à savoir le principe d’égalité et de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution) et les principes d’égalité dans l’enseignement, de liberté d’enseignement et d’accès à l’enseignement (article 24 de la Constitution) ; le recours en annulation est ouvert à toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt. Dès 1989, la juridiction constitutionnelle est organisée par la loi « spéciale » du 6 janvier 198920, à savoir une loi fédérale dont les conditions de majorité renforcée de quorum et de suffrages21 imposent l’accord des deux grandes composantes, francophone et néerlandophone, du pays22.

12Troisième phase. Après une extension, en 200323, des compétences de la juridiction constitutionnelle au respect, par les lois, des droits fondamentaux garantis par le titre II de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution, la juridiction constitutionnelle sera rebaptisée en 2007 « Cour constitutionnelle »24, cette nouvelle dénomination correspondant à ses réelles fonctions.

13Quatrième phase. En 2014, parallèlement à la sixième réforme de l’État, la Cour constitutionnelle se voit reconnaître la compétence de veiller au respect de la « loyauté fédérale », notion qui traduit l’ « esprit » dans lequel doivent s’exercer les compétences dans l’État fédéral. Est de la sorte avalisée la jurisprudence de la Cour, qui acceptait déjà de prendre en considération la loyauté fédérale25, bien que celle-ci ait été, lors de son insertion dans la Constitution en 1993, présentée comme une notion purement politique. Dans les compromis politiques d’une réforme de l’État, on voit combien peut être rassurant le possible contrôle, par la juridiction constitutionnelle, de l’exercice « loyal » des nouvelles compétences transférées aux entités fédérées26.

 2. L’organisation de la juridiction constitutionnelle

2.1. La composition

145. Marquée du sceau des équilibres inhérents au fédéralisme belge, la composition de la Cour se distingue par une double parité27 croisée28 : une parité linguistique (six juges francophones et six juges néerlandophones) et une parité d’ « origine » symbolisée par six juges « juristes » issus du monde académique ou juridictionnel (professeurs, magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d’État ou référendaires à la Cour constitutionnelle) et six juges « anciens parlementaires » (membres pendant cinq ans au moins de la Chambre, du Sénat ou d’un Parlement régional ou communautaire, sansexigence d’être juriste)29. Reflet de la prise en compte de la troisième langue officielle, l’un des juges anciens juristes doit démontrer la connaissance suffisante de l’allemand30. Une mixité minimale des genres est également assurée31.

156. Les douze juges constitutionnels sont nommés à vie32 par le Roi, sur la base d’une liste double présentée alternativement par la Chambre et le Sénat33, et adoptée à la majorité renforcée des deux tiers des suffrages des membres présents, nécessitant ainsi un consensus politique large dans l’assemblée législative concernée34. Selon une règle politique non écrite35, la nomination d’un juge constitutionnel s’effectue sur la base d’une « couleur politique » déterminée par la règle proportionnelle « D’Hondt », afin que la composition de la Cour reflète le rapport des forces politiques du parlement au moment de cette nomination.  

16Si les autorités fédérales jouent un rôle prépondérant dans la nomination d’un juge constitutionnel, l’alternance entre la Chambre et le Sénat, pour l’acte de présentation, associe toutefois indirectement les entités fédérées puisque le Sénat, depuis la sixième réforme de l’État de 2014, représente au niveau fédéral les intérêts des entités fédérées36.

177. Mais ce qui caractérise la juridiction constitutionnelle comme institution « fédérale » à part entière, c’est que, bien que linguistiquement paritaire37, elle ne connaît pas de séparation linguistique : il n’y a, en effet, pas de chambres francophones et néerlandophones, mais une Cour constitutionnelle, où tous les magistrats et membres du personnel administratif, francophones et néerlandophones, travaillent ensemble38.

18La Cour est ainsi présidée par deux présidents, l’un francophone, l’autre néerlandophone, choisis par les juges en leur sein39, qui président la Cour en alternance une année sur deux40, et siègent dans toutes les affaires41. Les sièges sont toujours bilingues, mais aussi élargis, de 7 juges en principe42 (4 francophones et 3 néerlandophones ou l’inverse, en fonction de la langue d’introduction de l’affaire) ou de 10 ou 12 juges en séance plénière43. La collégialité étenduedes sièges, sans spécialisation par matières, ni opinions dissidentes ou concordantes, permet d’assurer l’unité de la jurisprudence, essentielle pour une juridiction chargée de veiller au respect des équilibres communautaires44.

2.2. Le financement

198. Bénéficiant d’un financement destiné à lui assurer l’indépendance indispensable à sa mission, la Cour constitutionnelle dispose d’une dotation annuelle45, à savoir une enveloppe globale dont elle détermine elle-même l’affectation, sans qu’une ventilation soit prévue dans la loi budgétaire qui accorde les crédits. Selon une règle coutumière, cette dotation est déterminée annuellement46 par le Président de la Chambre, le ministre du Budget et les Présidents de la Cour. Cette dotation est donc versée par l’État fédéral, sans intervention des entités fédérées.

20Gérant de manière autonome ses dépenses, la Cour approuve elle-même ses comptes47, après les avoir soumis à la vérification a posteriori de la Cour des comptes. Les comptes annuels sont également communiqués au Président de la Chambre.

3. Les compétences et la saisine de la juridiction constitutionnelle

3.1. Les compétences

219. La compétence essentielle de la Cour constitutionnelle concerne le contrôle du respect, par les normes législatives de l’État fédéral (lois fédérales, décrets communautaires et régionaux et ordonnances bruxelloises) :

  • - des règles répartitrices de compétences48 ;

  • - des droits fondamentaux garantis par le titre II (droits et libertés), et les articles 170, 172 et 191 (égalité devant l’impôt, légalité de l’impôt et droits des étrangers), de la Constitution49 ;

  • - de la loyauté fédérale visée à l’article 143, alinéa 1er, de la Constitution50.

22Si la Cour contrôle les lois sensu lato (lois spéciales51, lois d’assentiment à un traité52 ou à un accord de coopération53, etc.), elle n’est toutefois pas compétente pour contrôler le processus d’élaboration de la loi54, à l’exception des mécanismes de fédéralisme coopératif55, assimilés à des règles répartitrices de compétences.

2310. Dans l’exercice de cette compétence principale, la juridiction constitutionnelle veille au respect de la seule Constitution (fédérale), contrôlant à la fois moins et plus que la constitutionnalité des lois.

24D’une part, son contrôle de constitutionnalité des lois est, substantiellement, partiel : elle ne veille pas au respect de toute la Constitution, mais uniquement des articles de la Constitution énumérés dans l’article 142 de la Constitution et la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle. Néanmoins, la Cour accepte de veiller au respect de presque toutes les dispositions constitutionnelles56, voire de principes généraux du droit57, lorsqu’ils sont combinés, notamment, avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

25D’autre part, la Cour veille au respect de normes autres que constitutionnelles. Ainsi, les dispositions législatives58, voire infralégislatives59, qui prévoient des règles répartitrices de compétences constituent, dans cette mesure, des normes de référence de la Cour. En outre, la Cour accepte depuis 199060 de tenir compte, dans son contrôle, des dispositions conventionnelles lorsqu’elles sont invoquées en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution garantissant le principe d’égalité et de non-discrimination (raisonnement « combinatoire »61), ou garantissent des droits fondamentaux « analogues » à ceux protégés par les dispositions constitutionnelles (notion d’ « ensemble indissociable »62).

2611. Depuis la sixième réforme de l’État de 2014, la juridiction constitutionnelle a également reçu quelques compétences accessoires, mais symboliques du rôle qui lui est conféré :

  • - contrôler a priori les projets de consultations populaires régionales visées à l’article 39bis de la Constitution63 ;

  • - contrôler les décisions de la Commission de contrôle des dépenses électorales à l’égard d’un candidat à la Chambre, pour non-respect de la législation en matière de dépenses électorales64.

27À ce jour, ces compétences n’ont pas encore été mises en œuvre.

3.2. La saisine

2812. L’accès au prétoire du juge constitutionnel65 connaît deux voies : l’une directe, par un recours en annulation (éventuellement accompagné d’une demande de suspension) introduit dans un délai de principe de six mois à dater de la publication de la loi au Moniteur belge66 ; l’autre, indirecte, par une question préjudicielle posée par un juge, dans le cadre d’un litige particulier. La juridiction constitutionnelle exerce donc un contrôle a posteriori, après que la loi est adoptée, sanctionnée, promulguée et publiée.

29Quel qu’en soit le mode, la saisine de la Cour fait l’objet d’une publicité particulière pour les citoyens et pour les autorités législatives et exécutives, fédérales et fédérées, du pays. D’une part, un avis est publié au Moniteur belge67, permettant à chaque citoyen de connaître les affaires portées devant la Cour et, le cas échéant, d’intervenir68 s’il justifie d’un intérêt ; la requête en annulation peut aussi être consultée au greffe de la Cour dans les trente jours qui suivent la publication de l’avis69. D’autre part, les présidents de toutes les assemblées législatives ainsi que tous les Gouvernements reçoivent une notification, par le greffe de la Cour, de ces affaires70 : s’ils le souhaitent, ils peuvent, quel que soit l’objet de l’affaire, faire valoir leurs observations dans un mémoire71.

a) Le recours en annulation

3013. Le recours en annulation peut être introduitsoit par les autorités ou requérants « institutionnels » (le Conseil des ministres ou les Gouvernements de communautés et de régions72, ou les présidents des assemblées législatives à la demande des deux tiers de leurs membres73), soit par toute personne physique ou morale justifiant d’un « intérêt », interprété largement par la Cour, sous réserve que l’intérêt de toute personne à « être administrée par l’autorité compétente en vertu de la Constitution » ne suffit pas pour agir74. Contrairement aux particuliers, qui doivent justifier d’un intérêt à agir, les requérants « institutionnels », fédéraux et fédérés, bénéficient d’une présomption d’intérêt à agir.

31Dans un souci de cohérence juridique de l’État fédéral, la simple existence d’un recours en annulation contre une norme législative ouvre aussi un nouveau délai de recours, pour les seuls Conseil des ministres et Gouvernements fédérés, à l’égard des normes ayant le même objet et prises par un législateur autre que celui qui a adopté la loi attaquée75.

3214. Par ailleurs, la juridiction constitutionnelle peut suspendre une loi, s’il est démontré que les moyens sont sérieux et que l’application immédiate de la loi risque de causer un préjudice grave difficilement réparable76, ces deux conditions étant cumulatives.

33Dans le contexte du fédéralisme belge, il n’est plus exigé de démontrer un risque de préjudice grave difficilement réparable pour obtenir la suspension de lois qui porteraient atteinte aux « garanties existantes » au profit des francophones des communes périphériques ou des néerlandophones des communes bruxelloises77. Cette suspension facilitée participe à l’effectivité des mécanismes de protection de ces minorités.

b) La question préjudicielle

3415. Si, dans le cadre d’un litige particulier, est invoquée la violation, par une loi, des règles répartitrices de compétences ou d’un droit fondamental dont la juridiction constitutionnelle assure le respect, le juge saisi est, en principe, obligé78 de surseoir à statuer, de poser une question préjudicielle à la Cour et d’attendre sa réponse. La question préjudicielle, avant dire droit, instaure un dialogue entre juridictions, directement inspiré du renvoi préjudiciel à la Cour de justice de Luxembourg.

35Cette obligation d’interroger la Cour constitutionnelle connaît toutefois des exceptions79, dont ne peuvent pas toujours se prévaloir la Cour de cassation et le Conseil d’État, en raison du risque de concurrence entre les hautes juridictions80.

3616. En outre, depuis 2009, l’article 26, § 4, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle instaure une priorité de principe81de la question au juge constitutionnel en cas de « concours de droits fondamentaux »82, lorsqu’est soulevée devant un juge la violation, par une loi, d’un« droit fondamental garanti de manière totalement ou partiellement analogue par une disposition du titre II de la Constitution ainsi que par une disposition de droit européen ou de droit international».

4. Les effets des arrêts de la juridiction constitutionnelle

 4.1. La portée des arrêts

37Si la Cour estime le recours fondé, elle annule la loi83, et son arrêt d’annulation bénéficiera d’une autorité absolue de chose jugée dès sa publication au Moniteur belge, s’imposant erga omnes84à toute personne et toute autorité publique : la loi annulée disparaîtra de l’ordre juridique avec effet rétroactif, comme si elle n’avait jamais existé, l’annulation ouvrant des recours en rétractation contre les actes et décisions85 qui se fondent sur une loi annulée, sauf si, afin de tempérer la rétroactivité inhérente à l’annulation, la Cour décide de maintenir les effets des dispositions annulées86.

38En cas d’annulation de décrets « conjoints » – technique de duplication de normes législatives  de législateurs distincts, créée par la sixième réforme de l’État – la Cour annulera aussi, dans un souci de cohérence juridique de l’État fédéral, les dispositions « correspondantes » des autres décrets conjoints87, même si elles ne sont pas formellement attaquées. Dans le même souci de cohérence juridique, un nouveau délai de recours est ouvert au Conseil des ministres et aux Gouvernements fédérés, pour attaquer une loi ayant en tout en en partie le même objet qu’une loi annulée et adoptée par un autre législateur88.

39Les arrêts de rejet de recours en annulation ont quant à eux l’autorité de chose jugée en ce qui concerne les seuls points de droit tranchés89.

4018. Quand la Cour répond à une question préjudicielle par contre, son arrêt ne s’impose en principe qu’inter partes90.  

41En cas de constat de non-violation, le juge qui a interrogé la Cour appliquera la norme au litige dont il est saisi, les autres juges restant libres de poser une nouvelle question préjudicielle sur cette norme. En cas de constat de violation par contre, le juge devra écarter l’application de la norme censurée, qui demeure toutefois valide dans l’ordre juridique, sous réserve d’un recours en annulation subséquent au constat de violation91. La norme censurée sur question préjudicielle est toutefois affectée puisque, si la même question se pose dans un autre litige, le juge saisi pourra se dispenser de son obligation d’interroger la Cour92, en appliquant l’arrêt préjudiciel antérieur, qui bénéficie ainsi d’une « autorité relative renforcée »93 de chose jugée, proche d’un « précédent »94. Vu les effets élargis d’un constat de violation, la Cour s’est déclarée compétente pour maintenir les effets d’une disposition censurée sur question préjudicielle95, et la loi spéciale sera modifiée pour consacrer cette compétence96.

4219. Tous les arrêts de la Cour sont publiés au Moniteur belge et sur le site internet de la Cour97. Ils sont définitifs et ne sont susceptibles d’aucun recours98, la Cour disposant du monopole d’interprétation de ses arrêts99.

43Les présidents de toutes les assemblées législatives100 ainsi que tous les Gouvernements, fédéral et fédérés101, reçoivent la notification de tous les arrêts de la Cour. Au niveau des assemblées fédérales, le Comité parlementaire chargé du suivi législatif102 prend connaissance des arrêts de la Cour et évalue la loi au regard de la jurisprudence constitutionnelle.

4.2. La juridiction constitutionnelle dans le paysage juridictionnel et institutionnel

4420. L’article 142 de la Constitution, unique disposition du chapitre V de la Constitution, constitue le fondement constitutionnel de la Cour constitutionnelle et en révèle le statut spécifique. Dans le paysage juridictionnel « éclaté » qui caractérise la Belgique, la Cour constitutionnelle est le juge du pouvoir législatif, à côté du Conseil d’État, juge du pouvoir exécutif, et de la Cour de cassation, qui trône au sommet du pouvoir judiciaire. Bien qu’exerçant une fonction juridictionnelle, la Cour constitutionnelle constitue une juridiction spécialisée, distincte des juridictions judiciaires ou administratives103 et indépendante des trois branches « classiques » du pouvoir: elle ne relève ni du pouvoir législatif, ni du pouvoir exécutif, ni du pouvoir judiciaire.

45Cette juridiction est la seule juridiction constitutionnelle du Royaume, à l’image du texte constitutionnel dont elle est la gardienne : dans ce fédéralisme centrifuge, il n’y a pas de juridictions constitutionnelles fédérées, le pouvoir juridictionnel restant, à ce jour, par principe fédéral.

4621. La Cour constitutionnelle joue un rôle politique fondamental, se prononçant non seulement sur les lois mettant en œuvre les réformes de l’État, mais aussi sur des dossiers « communautaires » ; dans ces affaires sensibles, elle exerce un rôle d’arbitre pacificateur en cherchant le compromis susceptible d’emporter l’adhésion des douze juges.

47L’arrêt dit « BHV » constitue l’illustration paradigmatique de l’influence du juge constitutionnel sur le paysage fédéral mais aussi du compromis contenu dans cet arrêt : d’un côté, cet arrêt a conduit à une crise politique majeure104 ; d’un autre côté, afin d’éviter un chaos juridique, la Cour n’avait pas censuré immédiatement le système mais avait octroyé au politique un délai de quatre ans.

48De même, dans le cadre de la sixième réforme de l’État, on a pu observer une recrudescence d’« options du Constituant » qui, inscrites dans le texte constitutionnel même, échappent à la compétence de la Cour et permettent ainsi de contourner les « briseurs de compromis »105 que sont les juges constitutionnels. Si, pour déterminer les contours de sa compétence, la Cour contrôle l’étendue de l’option du Constituant106, elle s’est néanmoins inclinée devant les nombreux choix du Constituant107.

5. L’arbitrage de la répartition des compétences dans l’État fédéral

4922. En l’absence de définition constitutionnelle des règles répartitrices de compétences, c’est la Cour constitutionnelle elle-même qui détermine ces règles, consacrant différents principes quant à la répartition des compétences, leur exercice cohérent mais aussi raisonnable.

50La Cour a d’abord consacré le principe d’exclusivité des compétences108, selon lequel il existe, à l’égard de toute situation concrète, un et un seul législateur compétent. Sauf en matière fiscale109 ou quand est en jeu la hiérarchie des normes répartissant les compétences110, il n’existe pas de hiérarchie entre les différents législateurs111 ; une différence dans des matières régionales ou communautaires n’est dès lors que la conséquence du fédéralisme et n’est pas en soi contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution112. Au regard de l’imbrication des compétences dans certaines matières complexes, la Cour a parfois créé l’obligation de conclure un accord de coopération113. Participant au même souci de cohérence du fédéralisme, la Cour a aussi consacré le principe de plénitude des compétences : en cas de transfert de compétences, le législateur compétent dispose de la compétence la plus large à l’égard de la matière transférée114.

51Au-delà de cette répartition stricte et cohérente des compétences, de légers « débordements » de compétences sont toutefois possibles, aux conditions prévues par l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, la Cour ajoutant toutefois à la condition légale de nécessité, les conditions d’incidence marginale et d’une matière se prêtant à un traitement différencié, ce qui a, en principe, pour effet de restreindre le recours aux compétences dites « implicites ».

52Même s’il est compétent, le législateur doit agir de manière raisonnable. Des principes « cadres » limitent ainsi l’exercice des compétences, tels que le principe d’union économique et monétaire – créé par la Cour115 avant d’être inscrit dans la loi spéciale pour la politique des régions116 puis étendu par la Cour à toute autorité de l’État fédéral117 –, le principe de loyauté fédérale, ou le principe de proportionnalité, « inhérent à l’exercice de toute compétence », un législateur ne pouvant rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice, par d’autres législateurs, de leurs compétences118.

5323. Quant à la répartition des compétences dans la protection des droits fondamentaux, la Cour considère que cette matière relève de compétences parallèles : c’est à chaque législateur qu’il appartient de garantir les droits fondamentaux119, dans le respect du principe de proportionnalité120. Le législateur fédéral dispose toutefois d’une compétence « cadre » dans certains domaines, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale121, ou encore la motivation formelle des actes administratifs122.

Conclusion

5424. Baptisée « Cour d’arbitrage » à sa naissance, la juridiction constitutionnelle portait un nom prédestiné : celui d’un arbitre des règles du jeu d’un État fédéral, avant de devenir l’arbitre des droits fondamentaux.

55Sa destinée est tout aussi atypique que l’État dans lequel elle s’inscrit : si, historiquement, sa genèse et son évolution, son fonctionnement et sa composition, ont été marqués par le fédéralisme belge et son accentuation, c’est toutefois du côté des droits fondamentaux qu’elle prendra réellement son envol, le contentieux de la répartition des compétences demeurant, statistiquement, limité123. La faiblesse quantitative de ce contentieux n’est toutefois pas de nature à masquer son importance qualitative, politique tout autant que juridique.

56La Cour constitutionnelle cisèle les contours de la répartition des compétences en y intégrant, tel un compromis à la belge, tout à la fois la cohérence et le raisonnable, l’autonomie et l’encadrement. Sa jurisprudence est éminemment « fédérale », reconnaissant pouvoirs et contrepouvoirs. Face à la gageure de préserver l’équilibre d’un édifice dont les fondations se délitent progressivement, la juridiction constitutionnelle demeurera, sans doute, l’ultime chaînon d’une belgitude désunie124.

Notes

1  L’auteure tient à préciser qu’elle s’exprime à titre purement personnel.

2  Scholsem (J.-Cl.), « La Cour d’arbitrage », Rev. dr. ULB, 1999, n°20, pp. 205-237, ici p. 206.

3  Elle a fêté le 1er avril 2015 ses trente ans de jurisprudence. Voy. Alen (A.) e.a., Grondwettelijk Hof 1985-2015 – Cour constitutionnelle 1985-2015, Bruxelles, La Charte, 2016, 170 pages.

4  Article 2 de la Constitution.

5  Article 3 de la Constitution.

6  Article 5, alinéa 1er, de la Constitution.

7  La région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande (art. 4, alinéa 1er, Const.).

8  Article 189 de la Constitution.

9  De manière simplificatrice, l’ « assise territoriale » de la Région flamande correspond à la région de langue néerlandaise, celle de la Région de Bruxelles-Capitale à la région bilingue de Bruxelles-Capitale et celle de la Région wallonne aux régions de langue française et de langue allemande. L’« assise territoriale » de la Communauté germanophone coïncide avec la région de langue allemande, tandis que les Communautés flamande et française exercent leurs compétences, respectivement, dans la région de langue néerlandaise et la région de langue française, mais aussi sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Voy. Alen (A.) et Clement (J.), « Fédéralisme personnel et territorial en Belgique », inFleiner (T.)(éd.), Federalism : A Tool for Conflict Management in Multicultural Societies with Regard to the Conflicts in the Near East– À la mémoire de Jean Nordman, Zürich, Lit Verlag, 2008, pp. 59-79, ici pp. 60-65.

10  Articles 127 à 129 de la Constitution et 4 et 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

11  Articles 39 de la Constitution et 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

12  L’article 35 de la Constitution, non encore en vigueur, prévoit à terme l’inversion de ce principe, l’autorité fédérale étant appelée à ne disposer que de compétences expressément attribuées.

13  C. Const., n° 101/2001, 13 juillet 2001, B.5.1 ; n° 31/2016, 3 mars 2016, B.3.1.

14  Article 193 de la Constitution.

15  Les francophones représentent environ 40 p.c. de la population, les néerlandophones environ 60 p.c., et les germanophones environ 1 p.c.

16  Révision constitutionnelle du 29 juillet 1980, insérant un article 107ter (actuel 142) dans la Constitution.

17  Article 142, alinéa 2, de la Constitution.

18  Le pouvoir politique ne souhaitait pas laisser le contrôle de constitutionnalité de la loi au pouvoir judiciaire, comme le démontre la proposition de loi (Doc. parl., Sénat, 1974-1975, n° 602/1)déposée après une tentative de la Cour de cassation, dans l’arrêt Le Compte du 3 mai 1974, de poser les jalons d’un tel contrôle.

19  Le terme « loi » sera utilisé ultérieurement dans un sens générique, visant la loi, le décret et l’ordonnance.

20  Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage (Cour constitutionnelle) (ci-après : LSCC).

21  Article 4, dernier alinéa, de la Constitution.

22  De même, les arrêtés royaux relatifs à la Cour sont délibérés en Conseil des ministres (art. 123, § 2, LSCC).

23  La loi spéciale du 9 mars 2003 avalise ainsi la jurisprudence de la Cour qui contrôlait déjà, depuis l’arrêt n° 23/89 du 13 octobre 1989, le respect des droits fondamentaux constitutionnels, lorsqu’ils sont combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

24  Par deux révisions constitutionnelles du 7 mai 2007, en vigueur le 8 mai 2007.

25  La Cour censurera même une loi pour violation de ce principe (arrêts n° 95/2010, 29 juillet 2010, B.42 ; n° 124/2010, 28 octobre 2010, B.39). Voy. Rasson (A.-C.), « Le principe du ‘vivre ensemble’ : une épopée constitutionnelle – Réflexions autour de la loyauté fédérale et de son intégration dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle », C.D.P.K.,2012, pp. 25-75.

26  Lors de la réforme de l’État de 2001 accentuant l’autonomie fiscale des régions, la Cour avait reçu la compétence – jamais mise en œuvre – de veiller à l’ « absence de concurrence fiscale déloyale ».

27  Articles 31 et 34 de la LSCC.

28  Article 34, § 2, de la LSCC. Parmi les douze juges, il y a donc trois juges F « juristes », trois juges F « anciens parlementaires », 3 juges N « juristes » et 3 juges N « anciens parlementaires », voy.Giet (Th.) et Rosoux (G.), « Du rôle intrinsèquement politique du juge constitutionnel belge – Brèves considérations sur un lieu commun », in Grandjean (G.) et Wildemeersch (J.) (dir.), Les juges : décideurs politiques ? Essais sur le pouvoir politique des juges dans l’exercice de leur fonction, Bruxelles, Bruylant, 2016, pp. 277-308, ici pp. 288-291.

29  Cette représentation inédite, garantie pour moitié, d’anciens parlementaires était conçue en 1980 comme la condition sine qua non d’une « jurisprudence équilibrée » (Doc. parl., Sénat, s.o. 1988-1989, n° 483/2, p. 2) ; elle est, depuis lors, critiquée, voy. Verdussen (M.), « Le mode de composition de la Cour constitutionnelle est-il légitime ? », R.B.D.C., 2013, pp. 67-86, ici pp. 76-80.

30  Article 34, § 4, de la LSCC.

31  Article 34, § 5, de la LSCC, dans l’attente de l’entrée en vigueur du quota d’un tiers de femmes, prévu par la loi spéciale du 4 avril 2014.

32  En pratique, les juges exercent leurs fonctions jusqu’à l’âge de 70 ans (article 4 de la loi du 6 janvier 1989 relative aux traitements et pensions des juges, des référendaires et des greffiers de la Cour constitutionnelle).

33  Article 32 de la LSCC. Avant 1993, la présentation n’était faite que par le Sénat.

34  La nomination par le Roi sur présentation des assemblées législatives s’inspire de la pratique pour les membres de la Cour de cassation (article 151 de la Constitution) et du Conseil d’État (article 70 des lois coordonnées de 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État).

35  Giet (Th.) et Rosoux (G.),op. cit., p. 290.

36  L’article 67 de la Constitution, remplacé par la révision constitutionnelle du 6 janvier 2014, prévoit qu’à partir des élections de 2014, le Sénat se compose de soixante sénateurs, désignés par les Parlements des entités fédérées (50) ou cooptés (10).

37  La parité linguistique se retrouve également pour les référendaires (art. 35, LSCC), magistrats qui assistent les juges dans la rédaction des projets d’arrêts, les deux greffiers de la Cour (art. 40 et 41, LSCC), et le personnel administratif (art. 42, LSCC).

38  Dans le bâtiment abritant la Cour, Place Royale, n° 7 à Bruxelles, les francophones et les néerlandophones cohabitent dans les mêmes étages, sans distinction ni de statut, ni de langue.

39  Article 33 de la LSCC.

40  Article 54 de la LSCC. Cette alternance évite toute tentative de « prise de pouvoir ».

41  Article 59, alinéa 1er, de la LSCC.

42  Article 55 de la LSCC.

43  Article 56 de la LSCC. En cas de parité de voix en séance plénière, le Président en exercice dispose d’une voix prépondérante (art. 56, al. 4, LSCC).

44  Voy. infra, nos 22-23.

45  Article 123, § 1er, de la LSCC. Avant la création de la Cour, les dotations n’étaient prévues qu’au profit de la Chambre, du Sénat et de la famille royale. Voy. Di Manno (Th.), « L’autonomie financière des cours constitutionnelles en Europe », inDouat (E.)(dir.), Les budgets de la justice en Europe – Étude comparée: France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Belgique, Paris, La Documentation française, 2001, pp. 53-75, ici p. 59 ; Ryckeboer (R.), « Le budget de la Cour d’arbitrage de Belgique », rapport présenté dans le cadre du séminaire organisé par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en coopération avec la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo, les 14-15 octobre 2004, http://venice.coe.int/docs/2004/CDL-JU(2004)057-f.pdf.

46  Vu les impératifs budgétaires actuels, la dotation annuelle de la Cour est réduite de manière progressive mais constante, la « réserve » constituée du solde des années précédentes ayant, depuis 2000, financé une partie de son budget.

47  Article 3 du règlement d’ordre intérieur de la Cour, confirmé par une décision du 14 février 1989.

48  Article 142, alinéa 2, 1°, de la Constitution et articles 1er, 1°, et 26, § 1er, 1°, de la LSCC.

49  Article 142, alinéa 2, 2° et 3°, de la Constitution et articles 1er, 2°, et 26, § 1er, 3°, de la LSCC.

50  Articles 1er, 3°, et 26, § 1er, 4°, de la LSCC, insérés par les articles 47 et 48 de la loi spéciale du 6 janvier 2014.

51  C. Const., n° 8/90, 7 février 1990, B.2.2 à B.2.4.

52  C. Const., n° 26/91, 16 octobre 1991, B.3 et B.4 ; n° 12/94, 3 février 1994, B.4 ; n° 62/2016, 28 avril 2016, B.1.2. Depuis 2003, il est impossible de poser une question préjudicielle sur les lois d’assentiment à un traité constituant de l’Union européenne ou à la Convention européenne des droits de l’homme ou ses protocoles additionnels (art. 26, § 1erbis, LSCC).

53  C. Const., n° 17/94, 3 mars 1994, B.1 ; n° 171/2015, 3 décembre 2015, B.2 ; n° 62/2016, 28 avril 2016, B.1.2

54  C. Const., n° 70/2013, 22 mai 2013, B.3 ; n° 153/2015, 29 octobre 2015, B.46 ; n° 58/2016, 28 avril 2016, B.13.

55  Article 30bis de la LSCC.

56  Par exemple : C. Const., n° 14/97, 18 mars 1997 (articles 144 et 145 de la Constitution) ; n° 73/2003, 26 mai 2003 (article 63 de la Constitution) ; n° 75/2011, 18 mai 2011 (article 7bis de la Constitution).

57  C. Const., n° 2/2008, 17 janvier 2008, B.4.2 ; n° 149/2015, 22 octobre 2015, B.3.3.

58  C. Const., n° 8/2012, 18 janvier 2012, B.4.1. 

59  C. Const., n° 31/95, 4 avril 1995, B.3.3.

60  C. Const., n° 18/90, 23 mai 1990, B.11.3.

61  Dans ce raisonnement, la garantie d’un droit fondamental comporte en elle-même une interdiction de discrimination (Melchior (M.), « La Cour d’arbitrage et les droits fondamentaux », in Scholsem (J.-Cl.) (coord.), Le point sur les droits de l’homme, C.U.P., Liège, vol. 39, mai 2000, pp. 7-30, ici p. 13). Ainsi, dans son premier arrêt en matière d’égalité, la Cour a contrôlé le respect de la liberté d’association (C. Const., n° 23/89, 13 octobre 1989, B.2.9 et B.2.11).

62  C. Const., n° 136/2004, 22 juillet 2004, B.5.2 à B.5.4 : lorsque des dispositions conventionnelles et constitutionnelles garantissent un droit fondamental analogue, elles constituent un « ensemble indissociable » de sorte que, dans son contrôle de constitutionnalité, la Cour « tient compte » des dispositions conventionnelles garantissant des droits ou libertés analogues. Voy. Rosoux (G.), Vers une « dématérialisation » des droits fondamentaux ? Convergence des droits fondamentaux dans une protection fragmentée, à la lumière du raisonnement du juge constitutionnel belge, Bruxelles,Bruylant, 2015, pp. 148-164.

63  Article 142, alinéa 4, de la Constitution, inséré par la révision constitutionnelle du 6 janvier 2014, et article 30ter de la LSCC, inséré par la loi spéciale du 6 janvier 2014. Le Président du Parlement régional concerné introduit la demande et la Cour dispose de 60 jours pour statuer, par voie de décision. La Cour veille au respect des dispositions visées à l’article 1er de la LSCC et des décrets ou ordonnances « organiques » visés à l’article 39bis de la Constitution. Si la Cour constate une violation de ces dispositions, n’a pas été saisie, ou tant qu’elle n’a pas statué, la consultation ne peut pas être organisée.

64  Article 142, alinéa 5, de la Constitution, inséré par la révision constitutionnelle du 6 janvier 2014, et articles 25bis et suivants de la LSCC, insérés par la loi spéciale du 6 janvier 2014. La Cour dispose d’un délai de trois mois pour statuer par voie d’arrêt, sur recours du candidat sanctionné, sur la légalité de la décision et le respect des normes visées à l’article 26 de la LSCC ; tant le délai de recours que le recours ont un effet suspensif.

65  Nous n’évoquerons ici que la compétence principale de contrôle des lois.

66  Article 3, § 1er, de la LSCC. Pour les lois d’assentiment à un traité, le délai de recours est réduit à soixante jours après la publication au Moniteur belge (art. 3, § 2, LSCC).

67  Article 74 de la LSCC.

68  Article 87 de la LSCC.

69  Article 74, alinéa 2, de LSCC.

70  Articles 76 et 77 de la LSCC.

71  Article 85 de la LSCC. Ces mémoires jouissent du même statut que ceux des particuliers, sous réserve que ces autorités ne doivent pas démontrer d’un intérêt.

72  Article 2, 1°, de la LSCC.

73  Article 2, 3°, de la LSCC. Il ne s’agit donc pas d’un mécanisme de protection d’une minorité parlementaire. Un parlementaire seul ne peut agir que s’il démontre un intérêt fonctionnel (C. Const., n° 35/2003, 25 mars 2003, B.9.5 ; n° 62/2016, 28 avril 2016, B.7).

74  C. Const., n° 35/2003, 25 mars 2003, B.9.3.

75  Article 4, alinéa 1er, 1°, de la LSCC.

76  Articles 20 et 22 de la LSCC. La demande de suspension doit accompagner un recours en annulation et être introduite dans un délai abrégé de trois mois à dater de la publication au Moniteur belge.

77  Articles 16ter de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et 5ter de loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises. Voy. C. Const., n° 95/2010, 29 juillet 2010.

78  Article 26, § 2, alinéa 1er, de la LSCC.

79  Article 26, § 2, alinéas 2 et 3, de la LSCC.

80  Comp., en ce qui concerne la non-violation manifeste de la Constitution, l’article 26, § 2, alinéa 3, de la LSCC et l’article 26, § 4, alinéa 2, 2°, de LSCC.

81  Sous réserve des exceptions prévues dans le § 2 de cet article. Ce mécanisme est proche de la QPC française.

82  Soit une concurrence juridictionnelle dans le contrôle des lois, entre le contrôle concentré de constitutionnalité des lois et le contrôle diffus de conventionnalité des lois, appartenant, depuis l’arrêt Le Ski de 1971, à tout juge.

83  Article 8, alinéa 1er, de la LSCC.

84  Article 9, § 1er, de la LSCC.

85  Articles 10 à 18 de la LSCC.

86  Article 8, alinéa 3, de la LSCC. La Cour maintient les effets passés mais aussi futurs de la norme annulée, voy. Rosoux (G.), « Le maintien des ‘effets’ des dispositions annulées par la Cour d’arbitrage : théorie et pratique », in Liber Amicorum Paul Martens – L’humanisme dans la résolution des conflits. Utopie ou réalité ?, Larcier, Bruxelles, 2007, pp. 439-456 ; Rosoux (G.), « Maintien des effets d’une disposition annulée et renvoi préjudiciel au juge constitutionnel : les paradoxes d’une annulation en trompe-l’œil », J.T., 2016, pp. 657-663.

87  Article 8, alinéa 2, de la LSCC.

88  Article 4, alinéa 1er, 2°, de la LSCC.

89  Article 9, § 2, de la LSCC.

90  Article 28, alinéa 1er, de la LSCC.

91  Le constat de violation sur question préjudicielle ouvre un nouveau délai de six mois pour agir en annulation contre la disposition jugée inconstitutionnelle (art. 4, al. 2, LSCC).

92  Article 26, § 2, alinéa 2, 2°, de la LSCC. En outre, dans le champ d’application de l’article 26, § 4, tout juge peut se dispenser de son obligation d’interroger la Cour s’il déduit une inconstitutionnalité manifeste d’un arrêt antérieur de la Cour, même sans identité d’objet.

93  DelpÉrÉe (F.) et Rasson-Roland (A.), La Cour d’arbitrage, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 108.

94  Rosoux (G.), « Les droits fondamentaux, dessinés par le juge constitutionnel – L’héritage de l’arrêt Marckx dans la jurisprudence constitutionnelle des droits fondamentaux », inBoufflette (S.) (dir.), La Cour constitutionnelle – De l’art de modeler le droit pour préserver l’égalité, Limal, Anthemis, 2016, pp. 75-144, ici pp. 95-117.

95  C. Const., n° 125/2011, 7 juillet 2011.

96  Article 28, alinéa 2, de la LSCC, inséré par la loi spéciale du 25 décembre 2016.

97  Article 114 de la LSCC.

98  Article 116 de la LSCC.

99  Article 118 de la LSCC.

100  Article 113, 2°, de la LSCC.

101  Article 113, 1°, de la LSCC.

102  Articles 9 et 10 de la loi du 25 avril 2007 instaurant un Comité parlementaire chargé du suivi législatif.

103  Dans l’ordre protocolaire, elle prend rang immédiatement avant la Cour de cassation (arrêté royal du 10 novembre 2009 réglant la préséance de la Cour constitutionnelles et les honneurs qui lui sont rendus).

104  C. Const., n° 73/2003, 26 mai 2003, B.9.2 à B.9.9. Voy. Giet (Th.) et Rosoux (G.),op. cit., pp. 303-304.

105  Tulkens (F.), « La Belgique appartient-elle à l’avenir ou au passé ? », inSautois (J.) et Uyttendaele (M.) (dir.), La sixième réforme de l’État 2012-2013. Tournant historique ou soubresaut ordinaire? Hommage à Philippe Lauvaux, Philippe Quertainmont, Michel Leroy et Rusen Ergec, Limal, Anthemis, 2013, pp. 551-557, ici p. 557.

106  C. Const., nos 57/2014 et 58/2014, 3 avril 2014, B.7. Voy. Bouhon (F.), « L’immunisation des normes législatives par le choix du constituant », Rev. Dr. Ulg., 2015, pp. 618-637.

107  C. Const., nos 57/2014 et 58/2014, 3 avril 2014 ; n° 72/2014, 8 mai 2014 ; n° 96/2014, 30 juin 2014 ; n° 81/2015, 28 mai 2015 ; n° 161/2015, 19 novembre 2015.

108  C. Const., n° 17, 26 mars 1987, 3.B.7.c ; n° 51/2006, 19 avril 2006, B.9.1.

109  L’article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution prévoit la primauté de la loi fiscale sur le décret fiscal. Voy. C. Const., n° 83/2017, 22 juin 2017.

110  C. Const., n° 154/2005, 20 octobre 2005, B.4 ; n° 55/2016, 28 avril 2016, B.6 (primauté de la compétence communautaire en matière d’enseignement, prévue par la Constitution, sur la compétence fédérale en matière de droit du travail, prévue par la loi spéciale).

111  Delpérée (F.) et Verdussen (M.), « L’égalité, mesure du fédéralisme », R.B.D.C., 2004, pp. 289-303, ici pp. 291-298.

112  C. Const., n° 25/91, 10 octobre 1991, B.4 ; n° 119/2003, 24 décembre 2003, B.3 ; n° 151/2007, 12 décembre 2007, B.13.3 ; n° 63/2011, 5 mai 2011, B.3.4

113  C. Const., n° 132/2004, 14 juillet 2004, B.7.2 ; n° 2/2009, 15 janvier 2009, B.14.

114  C. Const., n° 27/2012, 1er mars 2012, B.17.1 ; n° 31/2016, 3 mars 2016, B.2.1.

115  C. Const., n° 47, 25 février 1988, 6.B.4.

116  Article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

117  C. Const., n° 32/91, 14 novembre 1991, 5.B.1.7.

118  C. Const., n° 9/2011, 27 janvier 2011, B.8

119  C. Const., n° 124/99, 25 novembre 1999, B.4.4 ; n° 124/2000, 29 novembre 2000, B.4.2 ; comp. avec C. Const., n° 54/96, 3 octobre 1996. La section de législation du Conseil d’État adopte aussi cette vision, voy. Bonbled (N.) et Verdussen (M.), « Les droits constitutionnels et le fédéralisme », inVerdussen (M.) et Bonbled (N.) (dir.), Les droits constitutionnels en Belgique – Les enseignements jurisprudentiels de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État et de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 247-268 ; Velaers (J.), De Grondwet en de Raad van State, afdeling Wetgeving, Anvers-Apeldoorn, Maklu, 1999, pp. 223-227.

120  C. Const., n° 14/91, 28 mai 1991, B.3.2 et B.3.3 ; comp. avec C. Const., n° 55/2001, 8 mai 2001, B.5, et n° 128/2001, 18 octobre 2001, B.18.

121  C. Const., n° 50/2003, 30 avril 2003, B.8.10 ; n° 51/2003, 30 avril 2003, B.4.12 : si le législateur fédéral est seul compétent pour déterminer « dans quels cas et à quelles conditions » le droit au respect de la vie privée et familiale peut être limité, cette compétence ne peut raisonnablement concerner que « les restrictions générales à ce droit, applicables dans n’importe quelle matière », les autres législateurs étant également compétents pour limiter ce droit dans les matières qui leur ont été attribuées.

122  C. Const., n° 91/2013, 13 juin 2013, B.5.1 et B.5.2 ; n° 169/2013, 19 décembre 2013, B.6.1 et B.6.2 ; n° 74/2014, 8 mai 2014, B.9.4-B.9.6 ; comp. avec C. Const., n° 156/2007, 19 décembre 2007, B.4.1 et B.4.2 : les communautés et régions peuvent « renforcer ou préciser » la protection fédérale de principe en matière de motivation formelle, mais non la diminuer. Comme la Cour suprême américaine, la Cour admet que la protection des entités fédérées soit différente, pour autant qu’elle soit « plus favorable ».

123  En 2015, seuls 14 arrêts sur 180 concernaient la répartition des compétences (rapport annuel 2015, publié sur le site de la Cour, pp. 41-42) ; en 2016, il s’agissait de 13 arrêts sur 170 (rapport annuel 2016, publié sur le site de la Cour, pp. 49-50).

124  Martens (P.), « Le rôle de la Cour d’arbitrage dans l’édification du fédéralisme en Belgique », R.B.D.C., 2003, pp. 3-12, ici p. 12.

Pour citer cet article

Géraldine Rosoux, «La Cour constitutionnelle de Belgique : un arbitre au cœur du fédéralisme belge», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Volume 17 : 2017, Les juridictions constitutionnelles suprêmes dans les États fédéraux : créatures et créateurs de fédéralisme, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=1728.