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- Volume 17 (2013)
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Influence de facteurs environnementaux influençant la teneur en urée dans le lait de vache en Wallonie et estimation des rejets azotés
Résumé
En Wallonie, les teneurs en urée du lait de tank sont déterminées dans toutes les fermes lors de chaque livraison à la laiterie par le Comité du lait. Un total de 8 295 337 données récoltées pendant l’année 2000 et la période 2002-2011 ont été analysées à l’aide d’un modèle linéaire. Les effets fixes de la région agricole ou de l’appartenance à la zone vulnérable, du mois, de l’année, des interactions entre ces paramètres ont été inclus dans le modèle. Les teneurs en matières grasse et protéique ont été utilisées comme covariables. La moyenne des teneurs en urée dans le lait a été de 255 mg·l-1. Les modèles ont permis d’expliquer 38 % et 35 % des variations des teneurs en urée pour la région agricole et pour la zone vulnérable respectivement. À l’intérieur de ces modèles, le mois, la région, l’année et l’interaction mois – année ont été les composantes les plus explicatives. Les teneurs en urée ont été plus élevées pendant la période d’avril à octobre et les plus faibles pendant la période de novembre à mars (287 vs 210 mg·l-1). Cette observation peut être expliquée par le changement de ration. Pendant la période estivale, l’herbe constitue une part variable dans la ration et peut apporter une quantité d’azote excédentaire par rapport aux besoins des animaux. Quatre pour cent des observations ont été supérieures à 350 mg·l-1 pendant la période de novembre à mars et 14 % à 400 mg·l-1 pendant la période d’avril à octobre. Dans les régions agricoles limoneuse et sablo-limoneuse, les teneurs en urée ont été plus faibles qu’en Haute Ardenne et en Ardenne (223 et 220 mg vs 278 et 284 mg·l-1 respectivement). Dans la zone vulnérable, les teneurs en urée ont été plus basses que dans la zone non vulnérable (236 vs 273 mg·l-1). Les rejets annuels azotés calculés à partir de différentes équations ont varié de 82 à 119 kg N par vache selon la région agricole.
Abstract
Study on environmental factors influencing the urea content of cow’s milk in Wallonia and estimation of nitrogen rejection. In Wallonia (South of Belgium), the urea content of milk produced on farms is assessed by the “Comité du lait”. A total of 8,295,337 pieces of data recording the urea content in milk tanks was collected on Walloon farms in 2000 and during the period 2002-2011. These data were analyzed using a linear model. The fixed effects of the agricultural area or vulnerable zone, the month, the year and the interactions between these parameters were included in the model. The levels of fat and protein content in the milk were used as covariates. The average urea content in milk was found to be 255 mg·l-1. Four percent of the observations recorded a urea content of over 350 mg·l-1 and 14% recorded a urea content of over 400 mg·l-1. The models explained 38% and 35% of the variation in milk urea for the agricultural area and the vulnerable area variables, respectively. Within these models, the variables of month, region, year and the month-year interaction were the components that provided the most information. Milk urea content was higher in the summer period – April to October – than during the winter period – November to March – (287 vs 210 mg·l-1). This observation can be explained by the change in the cows’ diet. During the summer, most of the cows grazed; ingestion of grass can lead to a nitrogen surplus in the diet. In the so-called “Limoneuse” and “Sablo-limoneuse” agricultural areas, recorded urea content was lower than in “Ardenne” and “Haute-Ardenne” (223 and 220 mg vs 278 and 284 mg·l-1, respectively). This difference can be explained by a greater use of grass in the diet in Ardenne and Haute-Ardenne. In vulnerable areas, urea content was lower (236 vs 273 mg·l-1). Annual nitrogen production calculated using different prediction equations ranged from 82 to 119 kg N per cow depending on the agricultural area.
Table des matières
1. Introduction
1L’alimentation azotée des bovins est importante à considérer d’un point de vue environnemental. En effet, les bovins rejettent une part importante de l’azote (N) ingéré via les urines et les matières fécales. De manière générale, on peut dire que les rejets azotés seront d’autant plus importants que la ration est riche en N. Un excès d’azote dans la ration entraine une augmentation de l'ammoniaque issue des fermentations des matières azotées dans le rumen. Les protéines digestibles dans l’intestin sont également augmentées. En réponse, le foie synthétise davantage d’urée. Les reins constituent la principale voie d'élimination de l’urée. Par simple diffusion, l’urée passe également dans le lait et dans les sécrétions génitales. L’urée sanguine est ainsi étroitement corrélée à l’urée du lait. En Wallonie, les teneurs en urée dans le lait sont déterminées dans toutes les exploitations lors de chaque livraison de lait à la laiterie. Cette mesure est peu couteuse, peut être appliquée à un groupe de vaches et permet d’éviter les prélèvements sanguins. Les teneurs en urée dans le lait peuvent être utilisées pour donner une indication sur l'efficience de l'utilisation des protéines dégradables dans le rumen et aussi évaluer l’équilibre « Énergie-Azote » de la ration (Geerts et al., 2004 ; Buscholtz et al., 2007) et les rejets azotés (De Campeneere et al., 2006). Plusieurs publications se sont intéressées à la prédiction des rejets azotés en fonction des teneurs en urée du lait et des teneurs en matière azotée de la ration (Kohn et al., 2002 ; Frand et al., 2003 ; Nousiainen et al., 2004) ou de la production de lait (De Brabander et al., 1998). La connaissance de la teneur en urée dans le lait est donc un outil utile pouvant intervenir dans la gestion de l’alimentation bovine. Selon Burgos et al. (2007), les teneurs en urée peuvent aussi servir d’indicateurs pour les émissions d’ammoniac.
2Cet article étudie les variations des teneurs en urée du lait de vache de tank en région wallonne. Les effets inter- et intra-annuels ainsi que l’impact de la situation géographique des exploitations étudiées ont été envisagés et mis en relation avec la conduite de l’alimentation. Les données étudiées concernent l’année 2000 et la période 2002 à 2011. Un calcul des rejets azotés a été effectué à partir des teneurs en urée du lait en se basant sur différentes équations. Cette étude complète les résultats publiés par Dufrasne et al. (2007, 2010a).
2. Matériel et méthodes
3Les teneurs en urée dans le lait qui ont été étudiées proviennent de la base de données du Comité du Lait. Ce dernier est chargé de déterminer les paramètres officiels de qualité du lait. Un échantillon de lait est prélevé dans toutes les fermes qui livrent du lait pour la consommation humaine lors du passage du camion de la laiterie. Les échantillons sont prélevés de manière continue lors de la vidange du tank qui a lieu tous les 2 ou 3 jours selon la laiterie auquel le producteur vend son lait. Les échantillons sont acheminés quotidiennement au Comité du Lait qui réalise les analyses endéans les 48 h. Les paramètres analysés sont les suivants : matière grasse, matière protéique, substances inhibitrices, cryoscopie, nombres de cellules et de germes. Les taux de matière grasse et de protéines, ainsi que les teneurs en urée, ont été déterminés par spectrométrie dans l’infrarouge moyen (Milkoscan FT 6000r – Foss Denmark). Les données étudiées sont relatives à l’année 2000 et à la période 2002 à 2011, soit 11 années. Les teneurs en urée inférieures au seuil de détection (50 mg·l-1) ont été éliminées. De même, les données ne se rapportant pas à la région wallonne ou se rapportant à la Campine, région avec peu de producteurs, n’ont pas été prises en compte. Au total, 8 295 337 valeurs d’urée dans le lait ont été analysées à l’aide d’un modèle linéaire (proc GLM) incluant les effets fixes de la région agricole, du mois de prélèvement, de l’année, des interactions mois – année, année – région, mois – région, année – mois – région. Les taux de matière grasse et de protéines ont été utilisés comme covariables. Les régions agricoles étudiées ont été les régions sablo-limoneuse (SL), limoneuse (L), jurassique (J), herbagère liégeoise (H), la Famenne (F), l’Ardenne (A), la Haute Ardenne (HA), le Condroz (C), la Fagne (Fg). Une analyse similaire a également été effectuée en tenant compte de l’appartenance ou non à une zone vulnérable (modèle Z). Ce modèle a inclus les effets fixes de l’appartenance à la zone vulnérable ou non, du mois de prélèvement, de l’année, des interactions mois - année, année – zone vulnérable, mois – zone vulnérable, année - mois – zone vulnérable (modèle R). Les taux de matière grasse et de protéine ont été utilisés comme covariables. Les données présentées ont été classées selon l’année, le mois, la région agricole ou l’appartenance à une zone vulnérable ou non.
3. Résultats et discussion
4Le nombre de données étudiées a varié selon la région agricole. La région L et la région H ont comptabilisé presque la moitié des données avec une proportion par rapport au nombre total de données de respectivement 27,4 et 20,8 % (Tableau 1). Pour la HA, le C et l’A, la proportion des données a été de 12,1, 11,8 et 11,4 % dans l’ordre respectif. Une proportion de 5,7 et de 5,4 % des données venaient de la région SL et de la F, tandis que la Fg et la région J se partageaient le restant des données. Ces chiffres reflètent bien la proportion des vaches laitières en lactation dans les différentes régions (données de 2010). La répartition des données au cours des mois de l’année a varié de 7,4 à 9,2 %.
5Avec une moyenne pour les 11 années étudiées de 255 mg·l-1, le modèle « région agricole » a permis d’expliquer 38 % des variations des teneurs en urée dans le lait de tank. D’autres paramètres influençant les teneurs en urée, comme le stade de lactation, le gabarit de la vache, la race et la ration peuvent influencer les teneurs en urée du lait. Ils n’ont pu être pris en compte dans cette analyse. Cependant, la ration est influencée par la saison et par la région agricole en raison des pratiques différentes, comme il en sera discuté dans la suite de cet article. Au sein du modèle étudié, le mois et la région agricole ont expliqué respectivement 41,7 % et 20,53 % des variations (Tableau 1). L’interaction année – mois, l’année et le taux protéique ont permis d’expliquer respectivement 10,0 %, 8,9 % et 8,8 % des variations. Les autres paramètres ont eu moins d’influence. Ces données sont assez semblables à celles rapportées par Dufrasne et al. (2010a) lors de l’étude de la période de 2002 à 2008 où le modèle expliquait 35 % des données. Le modèle « ZV » a permis d’expliquer 35 % des variations des teneurs en urée dans le lait. Le mois et l’interaction année – mois ont expliqué la majorité des variations au sein de ce modèle avec 54,4 et 13,4 %. L’année, la région et le taux protéique ont été responsables de 12,3, 10,2, 7,9 et 6,9 % de ces variations respectivement.
6Vu les effets importants des facteurs environnementaux mois, région agricole, année et de l’interaction année – mois dans les modèles, ils sont discutés dans la suite de cet article. Les problèmes potentiels liés à des teneurs élevées en urée dans le lait pour les animaux sont évoqués et les rejets azotés sont estimés à partir des données traitées.
3.1. Effet du mois et de l’interaction mois – année
7Le mois et l’interaction mois – année ont expliqué respectivement 41,7 % et 10 % des variations des teneurs d’urée du modèle « région agricole ». Celles-ci ont été plus élevées pour la période d’avril à octobre, avec des valeurs maximales en aout, par rapport aux mois de novembre, décembre, janvier, février et mars (Figure 1). Pendant cette dernière période, qui correspond à la période hivernale, les teneurs en urée ont peu varié d’un mois à l’autre et ont été en moyenne de 210 mg·l-1. Bashtani et al. (2009) ont également mis en évidence un effet du mois sur les teneurs en urée du lait. La différence marquée entre les teneurs en urée du lait pendant ces deux périodes – périodes estivale et hivernale – est à chercher dans la conduite des animaux et leur alimentation, les teneurs en urée étant généralement liées à la teneur en MAT de la ration ainsi qu’au type de ration (De Campeneere et al., 2006). Pendant la période estivale, en Wallonie, la plupart des vaches ont un accès partiel au pâturage, même si on considère que le recours au pâturage a tendance à diminuer en raison, entre autres, de l’agrandissement du nombre d’animaux par troupeau. L’augmentation de la teneur en urée peut être attribuée à une différence dans le régime alimentaire des vaches, beaucoup d’entre elles ingérant de l’herbe dans des proportions variables. La plupart des prairies pâturées sont des prairies permanentes dont la flore est composée de graminées (Ray-grass anglais, Lollium perenne ; fétuque, Festuca ; paturin, Poa ; etc.) et de trèfle blanc (Trifolium repens). D’après la base de données d’analyses du réseau Requasud, la composition en MAT de l’herbe fraiche varie de 8 à 25 % MAT. La saison influence la composition de l’herbe, comme l’indiquent des résultats obtenus sur une dizaine d’années dans les prairies de la Station Expérimentale du Sart Tilman (non publiés). Les prairies permanentes y étaient pâturées par des vaches laitières dans un système en rotation avec des durées de séjour sur les parcelles de 3 à 6 jours, des entrées d’herbe d’environ 15 cm et des sorties de 4-5 cm. Elles ont été gérées de manière à apporter une herbe de qualité en quantité adéquate aux animaux et ont reçu en moyenne une fertilisation de 150 à 200 kg d’N sous forme minérale et organique. Les échantillons ont été prélevés lors de l’entrée des animaux dans la parcelle. Les analyses ont été réalisées par spectrométrie dans l’infrarouge moyen (Milkoscan FT 6000® – Foss Denmark). La teneur en fibres a peu varié au cours de la saison de pâturage. Par contre, la teneur en matière azotée totale a augmenté de manière linéaire. Les valeurs moyennes par kg de MS ont été de 201 g avec des valeurs minimales de 93 g en début de saison et des valeurs maximales de 287 g en fin de saison. Pour les trois premiers mois de pâturage, avril, mai et juin, les valeurs ont oscillé de 158 à 181 g ; en juillet, elles sont montées à 192 g. En aout, elles ont augmenté jusqu’à 215 g et ont atteint des valeurs de 234 g pour les mois de septembre et octobre. Comme les besoins des vaches laitières en production sont estimés à 16 – 18 % de MAT·kg-1 MS (NRC, 2001), des valeurs supérieures à 18 % peuvent entrainer des apports en matières azotées excédentaires par rapport aux besoins des vaches, pouvant résulter en une augmentation des teneurs en urée du lait. La richesse de l’herbe en MAT doit par contre être prise en considération dans le calcul des rations car elle permet de diminuer et même de supprimer, à certains moments, la complémentation protéique des vaches.
8L’année a également influencé les teneurs en urée dans le lait. En été, les teneurs supérieures à 350 mg·l-1 ne sont observées qu’au début de la période étudiée, en 2000, 2002 et 2004. En 2009 et 2010, les teneurs en urée n’ont pas dépassé 300 mg·l-1. Pendant la période hivernale, des valeurs moyennes inférieures à 200 mg sont observées certaines années. À noter que les valeurs annuelles les plus faibles ont été relevées en 2003 (246 mg) et en 2009 et 2010 (225 mg). Pour les années 2003 et 2010, on peut mettre ces observations en relation avec les mauvaises conditions climatiques qui ont entrainé une faible croissance de l’herbe et une complémentation plus élevée avec des aliments concentrés. Pour l’année 2009, il est vraisemblable que, vu le faible prix du lait, une diminution de l’apport de tous les aliments concentrés a eu lieu, y compris les concentrés protéiques. Les valeurs moyennes observées en novembre et décembre 2009 ont été particulièrement faibles avec 189 et 162 mg. Les teneurs en urée les plus élevées ont été observées en 2000 (295 mg) et en 2004 (269 mg). De manière générale, on peut dire qu’il y a une tendance à une diminution puis une stabilisation des teneurs en urée pendant la période observée.
3.2. Effet de la région agricole
9La région a eu un effet important dans le modèle testé puisqu’elle permet d’expliquer 20,5 % des variations. Les teneurs en urée les plus élevées ont été observées en HA, en A et dans la région H (Figure 2). Dans les régions SL et L, elles ont été plus faibles que dans les autres régions. Dans ces régions, les superficies toujours en herbe par rapport aux superficies agricoles utiles sont les plus faibles. Une corrélation positive avait déjà pu être établie entre la proportion de superficie toujours en herbe et les teneurs en urée dans le lait (Dufrasne et al., 2010a). Il est important de noter que les ZV sont principalement situées dans les régions où les teneurs en urée sont faibles. Les sables bruxelliens, le Crétacé de Hesbaye, Comines-Warneton et le nord du Sillon Sambre et Meuse se trouvent dans les régions agricoles L et SL (223 et 220 mg·l-1 respectivement). La plus grande partie du Sud Namurois est située en F et dans le C (265 et 254 mg·l-1 respectivement). Le Pays de Herve est situé dans la région H (269 mg·l-1). Par contre, la HA et l’A où les valeurs ont été les plus élevées (278 et 284 mg·l-1 respectivement) sont localisées dans la ZNV. Dans la ZV, les teneurs en urée ont été plus basses que dans la ZNV (236 vs 273 mg·l-1) (Figure 3).
10L’effet du mois est retrouvé dans toutes les régions agricoles où les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars correspondent à la période de stabulation. Les teneurs en urée y ont été plus faibles que pendant la période d’avril à octobre. En régions L et SL et en Famenne, elles sont descendues en dessous de 200 mg·l-1. Pendant la saison de pâturage, les valeurs ont dépassé les 300 mg·l-1 dans toutes les régions, à l’exception des régions L et SL. C’est en A au mois d’aout qu’ont été enregistrées les teneurs en urée dans le lait les plus élevées (369 mg·l-1). La différence entre les teneurs en urée mesurées pendant la période de pâturage et la période de stabulation a été plus faible en A et dans la région H que dans les autres régions (49 vs 84 mg·l-1).
3.3. Teneurs en urée, santé de la vache et pâturage
11Il est difficile de fixer des seuils physiologiques pour les teneurs en urée dans le lait. Des valeurs très élevées atteintes progressivement peuvent ne pas s’accompagner de pathologies aigües. L’urée dans le lait est l’expression du catabolisme protéique. Dufrasne et al. (2010a) avaient considéré qu’au-delà de 350 mg·l-1 pendant la période de stabulation et de 400 mg pendant la période de pâturage, les valeurs étaient trop élevées. Pendant la période hivernale (de novembre à mars), la valeur de 350 mg est dépassée pour 4,24 % des observations. Pendant la période estivale (d’avril à octobre), 14,31 % des observations ont dépassé la valeur des 400 mg. Des teneurs élevées traduisent un excès d’N dans la ration avec des répercussions sur les rejets azotés. Fatehi et al. (2012) ont associé des teneurs élevées en urée, de l’ordre de 390 mg·l-1, à une diminution de performances de reproduction chez des vaches constamment à l’étable. Knapp et al. (2013) ont décrit que des excès d’azote dans des rations hivernales pouvaient entrainer des problèmes de reproduction et de boiteries. Si ces problèmes peuvent apparaitre pendant la période hivernale, il semble qu’ils soient peu fréquents pendant la période estivale. Le pâturage améliore la santé (Thomsen et al., 2007) et les problèmes locomoteurs (Haskell et al., 2006 ; Olmos et al., 2009). Burrow et al. (2011) ont ainsi montré une diminution de la mortalité dans les troupeaux qui pâturent. Le pâturage offre beaucoup d’avantages en termes de qualité des produits, de couts de production et de bien-être animal. L’image d’animaux au pâturage est d’ailleurs appréciée par le grand public. Pourtant, en raison de l’agrandissement de la taille des troupeaux, le recours au pâturage tend à diminuer dans beaucoup de régions en Europe. Dans certains pays, comme la Suède, pour des raisons de bien-être, il est obligatoire que les vaches pâturent à certaines périodes. Aux Pays-Bas, un supplément de prix est accordé par litre de lait si les vaches ont accès au pâturage. En production biologique, le pâturage est obligatoire. D’un point de vue environnemental, une baisse des pertes de nitrate d’azote par lessivage a été mise en évidence dans les prairies par rapport aux terres cultivées (Benoît et al., 2004). a et al. (2007) ont rapporté des faibles reliquats azotés, inférieurs à 35 kg N-NO3-·ha-1, dans des prairies permanentes pâturées par des vaches laitières.
3.4. Calcul des rejets azotés à partir d’équations de prédiction utilisant l’urée du lait
12De nombreuses publications ont étudié les bilans azotés chez la vache laitière. Certaines d’entre elles ont établi des équations de prédiction du bilan azoté à partir de l’azote ingéré, de la MAT de la ration, de la production laitière, du poids, de la teneur en urée du lait, etc. Ces équations combinent plusieurs paramètres ou n’en utilisent qu’un seul. L’équation de De Brabander et al. (1998) qui utilise la production de lait et la production laitière pour estimer l’excrétion totale, a été appliquée en utilisant des données de comptabilité de certaines fermes (rejets N = 43,1 + 0,36 urée dans le lait [mg·l-1] + 6 production laitière [l par vache]). La teneur en urée du lait utilisée seule étant un bon indicateur des rejets azotés pour un groupe de vaches, un calcul de l’azote excrété par les urines à partir de l’urée du lait avec les équations de :
13– Jonker et al. (1998) : rejets N = 12,54 N-urée dans le lait (mg N·dl-1) ;
14– Kauffman et al. (2001) : rejets N = 17,6 N-urée (mg N·dl-1) ;
15– Dufrasne et al. (2010b) : rejets N = -20,7 + 0,83 urée (mg·l-1 ; r² = 73 %).
16Les teneurs en urée du lait pouvant être influencées par le régime alimentaire (De Campeneere et al., 2006), l’équation de Dufrasne et al. (2010b) obtenue sur des vaches laitières au pâturage a été utilisée pour les mois d’avril à octobre. Les équations des autres auteurs ont servi à calculer l’azote urinaire excrété pendant les autres mois correspondant à la période hivernale. Les résultats de rejets azotés par les urines obtenus en combinant ces équations ont été pris en compte pour la durée de lactation habituelle, c’est-à-dire 300 jours. Afin de calculer les rejets par vache pendant la période de lactation, l’azote fécal a été ajouté. Il a été calculé sur base d’une excrétion de 7,5 g N·kg-1 MS ingérée (Peyraud et al., 1995) et d’une ingestion moyenne de 17 kg de MS. L’excrétion d’azote pendant la période de tarissement (60 jours) a été estimée à 11 kg N selon les chiffres de production d’azote par les vaches allaitantes dans le cadre du PGDA. Les rejets annuels d’azote calculés avec l’équation de Kauffman et al. (2001) ont été plus élevés que ceux calculés avec les équations de Jonker et al. (1998) (Figure 4). Dans les régions L et SL, les rejets azotés calculés ont varié de 82 à 103 kg N·ha-1 et ont été significativement plus faibles que dans les autres régions où ils ont atteints de 89 à 119 kg N (P < 0,001). Selon les équations de Jonker et al. (1998) et de Kauffman et al. (2001) combinées à celles de Dufrasne et al. (2010b), les rejets N en ZV ont été moins élevés qu’en ZNV (100 à 106 kg N vs 108 à 116 kg N ; P < 0,001).
4. Conclusion
17Les teneurs en urée du lait ont montré des variations qui peuvent être expliquées en partie à partir de la région agricole, du mois et de l’année. Ces variations peuvent être rapportées à la conduite du troupeau et à l’alimentation. La période de pâturage pendant laquelle les teneurs ont augmenté quels que soient l’année et le mois, est une période sensible pour les rejets azotés. Cependant, le pâturage est à encourager car il constitue le moyen le plus naturel et le plus économique de nourrir les vaches. Il est cependant important de pouvoir donner des conseils d’alimentation lorsqu’une complémentation est distribuée. Il est intéressant de noter que les teneurs en urée ont été plus faibles dans la ZV. Par conséquent, les rejets azotés calculés sur base des teneurs en urée le sont également. Des données validées dans les conditions wallonnes pour prédire l’excrétion d’azote permettraient de s’assurer de l’exactitude de ces résultats. Il serait intéressant d’affiner les modèles statistiques étudiés en intégrant des données climatiques et économiques comme le prix des aliments concentrés ou le prix de revient du lait afin de pouvoir expliquer davantage de variations. Des conseils d’alimentation pourraient ainsi être donnés préventivement en cas de situation à risque afin de diminuer les rejets azotés.
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