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Veronica Cohen

Phénoménologie et danse : les conditions d’une rencontre — Une synthèse en partant de Maurice Merleau-Ponty

(Volume 19 (2023) — Numéro 1: À propos de quelques applications de la méthode phénoménologique (Actes n°12))
Article
Open Access

Résumé

La phénoménologie merleau-pontienne a trouvé, dans les arts, un terrain fertile pour appliquer sa pensée et essayer ses hypothèses. Cependant, dans le cadre de ces rencontres, la danse a été quelque peu négligée par rapport à d’autres arts, comme la peinture. En même temps, la pensée merleau-pontienne est fortement prise en compte dans les études sur la danse en raison de la centralité de la corporalité. Pour cette raison, je vais dans cet article tenter d’approcher la relation entre la pensée de Merleau-Ponty et la danse, puis proposer des possibilités d’application de la pensée du phénoménologue français aux études sur la danse. Tout d’abord, après une réflexion sur le rapport de Merleau-Ponty aux arts en général, je tenterai de clarifier les quelques mentions de la danse que ce philosophe fait dans son œuvre. Ensuite, je passerai en revue certaines des études qui mettent en œuvre une phénoménologie de la danse. Avec Rothfield, je soutiens qu’une relation entre les deux disciplines est nécessaire lorsque les deux acquièrent le même statut. Lorsqu’on essaie de faire une phénoménologie de la danse, il faut considérer la danse dans sa pluralité et non comme un phénomène unique et fini. Il s’agira donc de se demander, dans ce passage d’un domaine à l’autre, quelles sont les contributions de chacune des disciplines et quelles sont les objections à prendre en compte dans un tel passage. En dernier lieu, je propose une voie de rencontre entre les deux disciplines à partir de la méthode phénoménologique.

Keywords : Merleau-Ponty, dance, arts

Introduction

1Les phénoménologues ont trouvé dans les arts un terrain fertile pour appliquer leurs pensées et essayer leurs hypothèses. Cependant, dans le cadre de ces rencontres, la danse a été reléguée par rapport à d’autres arts, comme la musique ou la peinture. Si nous considérons le cas de Merleau-Ponty – qui nous intéressera ici – on constate que, dans la Phénoménologie de la perception1, seulement trois références à la danse apparaissent. La première se trouve au moment où il aborde le thème de l’habitude, où la danse est nommée comme exemple pour montrer que le mouvement est acquis et « compris » comme « consécration motrice »2. La deuxième référence à la danse se trouve dans une note de bas de page du chapitre « Espace », où Merleau-Ponty décrit l’espace dans la danse comme « sans buts et sans directions »3. La troisième référence n’est pas une référence directe à la danse en tant que forme d’art spécifique, mais une métaphore pour décrire la manière dont Matisse peint dans « Le langage indirect et les voix du silence »4. À l’inverse, la peinture occupe une place très importante dans son travail. Ainsi, lorsque nous parlons d’une esthétique phénoménologique, nous devrions nous demander si cette esthétique est une esthétique de la peinture et si ces déclarations peuvent être appliquées à une esthétique phénoménologique de la danse.

2Pourtant, ces dernières années, de nombreuses études sont parues, qui mettent en œuvre une phénoménologie de la danse. Parmi celles-ci, on trouve tant des positions où la danse apparaît comme cas particulier d’une phénoménologie générale, comme chez Sheets-Johnstone5, que des positions comme celles de Rothfield6, qui est sceptique à l’idée d’une union disciplinaire. Il y a alors un déséquilibre entre l’importance que Merleau-Ponty prend en tant que philosophe du corps au sein des études sur la danse et les références précises à cet art dans son œuvre. Cela nous amène à poser les questions suivantes : dans ce passage de la pensée propre du phénoménologue aux études de « phénoménologie et danse », quelles sont les contributions de chaque discipline ? Quelles sont les objections à prendre en compte lors du passage d’un domaine à l’autre ? La proposition que je fais à la fin de l’article est qu’un moyen possible de rencontre se trouve dans la méthode phénoménologique. Entre temps, notre parcours cheminera par la vision que Merleau-Ponty a de l’art en général, puis par une explicitation de ses références à la danse, en en proposant une interprétation, ce afin de mettre en relation Merleau-Ponty avec les études de phénoménologie de la danse et d’envisager les possibilités d’une rencontre.

Maurice Merleau-Ponty et les arts

3Si les références à la danse sont rares dans l’œuvre de Merleau-Ponty, l’importance de l’art – notamment de la peinture – y est indéniable7. L’art est évoqué par l’auteur de deux manières principales. (1) D’une part, différentes formes artistiques sont utilisées pour exemplifier ses concepts phénoménologiques. Par exemple, dans la Phénoménologie de la perception, la référence à la peinture lui permet de déployer le problème de la perception privilégiée : il explique en effet, en s’appuyant sur des exemples, que chaque objet a une distance qui est la plus optimale pour le percevoir8. (2) D’autre part, Merleau-Ponty fait référence à l’art pour lui-même, en développant ce que la perception de l’art révèle en tant que telle. Ceci est un motif assez récurrent dans son travail et se trouve en particulier dans les textes suivants : « Le doute de Cézanne », Phénoménologie de la perception, L’œil et l’esprit et « Le langage indirect et les voix du silence »9. Dans ces passages, même si sa conception de l’œuvre d’art et du travail de l’artiste change10, ce que Charles Bobant11 appelle la « vision cosmophanique de l’œuvre d’art » – idée selon laquelle l’œuvre d’art révèle le monde – reste une idée constante. D´après Rajiv Kaushik, pour Merleau-Ponty, l’art et la phénoménologie sont analogues12 : dans les deux cas, il y a un objectif de révélation. Dans « Le doute de Cézanne », Merleau-Ponty déclare : « La peinture de Cézanne met en suspens ces habitudes et révèle le fond de nature inhumaine sur lequel l’homme s’installe »13. Ce qui est révélé est donc ce qui est considéré comme donné14. De plus, si l’on revient à la citation ci-dessus, Merleau-Ponty indique clairement qu’il se réfère à la peinture de Cézanne. Cela indiquerait que cette révélation est une possibilité de l’art, mais qu’elle ne se produit pas systématiquement dans tout art.

4Une autre caractéristique de l’art et surtout de la peinture est qu’il s’agit d’un acte expressif : comme l’écrit Rajiv Kaushik dans Art and Institution, le fait de peindre n’est pas seulement le fait d’essayer de peindre ce qui est essentiel, mais cet acte est lui-même un événement. L’événementialité du fait de peindre peut être mise en relation avec le caractère responsif de l’action du peintre, que Bernhard Waldenfels met en avant en commentant les descriptions de Merleau-Ponty15. Selon Graciela Ralón, c’est cette caractéristique qui fait de la peinture un élément central de la pensée de Merleau-Ponty16. La « responsivité » de l’action du peintre est conditionnée par l’ouverture au monde, que Merleau-Ponty développe à partir des concepts d’« être-au-monde » et de « corps propre17 ». Pour paraphraser Waldenfels, le corps propre du peintre se voit heurté par l’étranger (das Fremde), et par-là le monde s’ouvre pour le peintre qui ne peut pas ne pas répondre, et s’exprime donc par le pinceau. Chez Merleau-Ponty, souligne Waldenfels, la peinture prend la forme d’un « langage indirect » qui décrit le monde de biais : le répondre du peintre, qui l’ouvre au monde et lui permet de le donner à voir, se trouve dans le tracé de la peinture. Cela se voit dans une description que Merleau-Ponty donne de la peinture d’Henri Matisse :

Le même pinceau qui vu à l’œil nu sautait d’une action à l’autre, on le voyait méditer, dans un temps dilaté et solennel, dans une imminence de commencement du monde, commencer dix actions possibles, exécuter devant la toile comme une danse propitiatoire, la frôler plusieurs fois jusqu’à la toucher presque, et s’abattre enfin comme l’éclair sur le seul tracé nécessaire18.

5Plus que Matisse en tant que soi identitaire réflexif, c’est ainsi le pinceau dans sa main qui décide. Apparaît une corporéité qui réagit, qui hésite d’abord, qui danse et qui produit ensuite un sens indirect. L’expression naît dans ces mouvements, qui lui sont nécessaires et intrinsèques. Elle apparaît à travers le happening que Matisse produit de manière non consciente. À travers ces mouvements et ces tâtonnements, le peintre révèle le monde et indique une méthode au philosophe. Ce caractère indirect de la peinture du monde19 induit une « déformation cohérente20 » du monde : en ce sens, exprimer quelque chose est toujours « convertir une signification préalablement appréhendée auquel je suis étranger, sans pour autant effacer cette étrangeté préalable »21. Dans cette citation de Kaushik, il est important de retenir cette idée, qui peut sembler contradictoire au premier abord, de pouvoir prendre quelque chose du monde, se l’approprier, sans pour autant le phagocyter. Je dois prendre le sens mais sans effacer son étrangeté. Ceci résonne avec le concept de responsivité puisque, pour Waldenfels, l’une des caractéristiques de la responsivité est l’apparition d’un élément étranger au corps propre auquel on répond sans se l’approprier, mais en conservant son étrangeté22. Chez Waldenfels, on ne trouve pas cette idée de lieu liminaire, puisque le sens se fait jour à travers la réponse, mais dans le cadre d’une phénoménologie de la danse et au milieu de bien d’autres éléments concernant l’art chez Merleau-Ponty, cette idée de la peinture qui permettrait de décrire le monde en réponse, en gardant une part d’étrangeté et sans que le peintre ne montre nécessairement ce sens originaire, est précieuse. Elle permet en effet d’envisager d’une part que l’artiste révèle le monde à travers son art, en manifestant une puissance d’ouverture, d’autre part que cette ouverture, responsivement, permet de décrire le monde.

6Pour récapituler, pour Merleau-Ponty, l’art a la possibilité de révéler le monde, ce qui lui permet d’établir une analogie entre l’activité artistique et l’activité phénoménologique. L’art est un acte expressif, mais pas comme n’importe quel autre acte expressif : avec Waldenfels, nous pouvons dire qu’il est un acte responsif. Ce constat est affirmé pour les arts en général, mais il est surtout analysé dans ses particularités pour la peinture. Ainsi, je m’intéresse maintenant à l’étude des particularités de la danse en tant que domaine présentant des caractéristiques spécifiques. Pour ce faire, je commencerai par exposer dans les détails les références à la danse faites par Merleau-Ponty dans son œuvre.

Merleau-Ponty et la danse

7Les références à la danse chez Merleau-Ponty sont très peu nombreuses. Comme évoqué en introduction, la danse n’apparaît directement que deux fois, à chaque fois dans La phénoménologie de la perception. Dans un cas, Merleau-Ponty l’utilise comme exemple pour développer le concept d’habitude. C’est-à-dire qu’elle est utilisée ici dans le premier usage que j’ai mentionné au début de cet article, à savoir comme exemple pour ses concepts. Dans le deuxième cas, il apporte une réflexion plus indépendante, même s’il s’agit d’une note de bas de page. La danse apparaît enfin indirectement comme une métaphore de la peinture. Cependant, la façon dont la danse est perçue dans cette métaphore peut nous aider à avancer vers une compréhension merleau-pontienne de la danse en la mettant en relation avec les études de phénoménologie de la danse. Dans les pages suivantes, j’examinerai donc tout à tout chacune des trois références évoquées.

Première référence

8Dans le chapitre « La spatialité de son propre corps et la motricité », Merleau-Ponty s’attache à développer son concept d’habitus et la manière dont se forment les habitudes. Il y présente différentes expériences comme des exemples d’habitudes : danser, jouer d’un instrument et s’habituer à porter des objets tels qu’une plume dans un chapeau ou une canne pour un aveugle23. Ces situations sont très différentes les unes des autres mais toutes, sauf la danse, sont des acquisitions d’habitudes liées à l’appropriation d’objets dans le schéma corporel24. Seule la danse n’est pas nécessairement une habitude liée à l’objet. En danse, l’objet est le corps lui-même. De cette façon, la double situation d’avoir un corps et d’être un corps devient évidente. À son tour, comme dans un exemple donné par Merleau-Ponty où il dit que dans la dactylographie, l’exécutant peut ne pas savoir où sont les lettres, mais écrit quand même, dans la danse, le danseur peut ne pas savoir exactement ce qu’il fait, mais son corps se lance dans l’action. Bien que l’acte d’écrire lui-même soit éphémère comme la danse, l’écriture, comme la peinture ou la sculpture, produit un objet artistique qui existe indépendamment de son créateur et auquel on peut revenir. Maxine Sheets-Johnstone appelle « ekstatique » cette relation : cela signifie qu’il y a une coexistence du créateur et du créé. En d’autres termes, le corps dansant crée la forme dansante et ne peut appréhender sa danse que de manière réflexive, dans un acte de retour à celle-ci.

9Dans les situations liées aux habitudes, il y a deux processus. D’une part, l’habitude est un processus d’acquisition par la répétition, dans lequel la création de nouvelles habitudes et la transformation des habitudes existantes sont possibles. D’une autre part, ce qui est appris par habitude est susceptible d’être transposé d’une situation à l’autre. Ces deux processus montrent que le corps lui-même est « extensible », « transformable » et « modifiable » dans et par la répétition. D’autre part, en revenant à la caractéristique de l’art comme révélateur du monde que nous avons nommé plus haut, la question qui apparaît dans la danse est de savoir comment la répétition et la révélation du monde pourraient se produire, en même temps, une répétition de ce geste primordial. « Révéler », c’est découvrir ce qui était voilé, c’est l’action de le faire apparaître. Ce qui est révélé ne peut pas simplement être caché à nouveau. Alors, comment cette révélation est-elle actualisée dans chaque performance que le danseur donne ? Le savoir technique du danseur est aussi la maîtrise de la ré-génération, de la renaissance à chaque représentation du geste primordial. Cependant, pour pouvoir exécuter le mouvement, il doit l’avoir compris et, comme le souligne Sheets-Johnstone en citant Merleau-Ponty, le comprendre25. D’autre part, ce que le danseur danse n’est pas un mouvement, un pas, une phrase, mais une séquence. C’est ce que déclare Maxine Sheets-Johnstone :

What a dancer learns in the way of choreography is thus a dynamic whose kinetic form is unique because its qualitative patternings are unique. In performing the dance, the dancer does not simply move through the form; the form moves through her. It moves through her with fluidity because the dynamics of the form are inscribed in kinesthetic memory and flow forth on their own26.

10En ce sens, la performance dans une pièce n’est pas seulement la répétition d’habitudes, mais la façon dont les différents mouvements sont liés entre eux et forment le sens de la pièce. C’est dans ce sens global qu’apparaît la révélation, qui montre qu’il y a une distance entre ce qui est vécu par le danseur qui répète et qui a déjà acquis la maîtrise des mouvements et le spectateur qui voit ces mouvements pour la première fois.

Deuxième référence

11La deuxième référence de Merleau-Ponty à la danse, plus directe dans son approche, est une note de bas de page dans le chapitre intitulé « Espace ». Merleau-Ponty se réfère à la perception esthétique en général et, de là, dérive jusqu’à la question de la perception dans la danse. La note est la suivante :

On pourrait montrer, par exemple, que la perception esthétique ouvre à son tour une nouvelle spatialité, que le tableau comme œuvre d’art n’est pas dans l’espace où il habite comme chose physique et comme toile coloriée, – que la danse se déroule dans un espace sans buts et sans directions, qu’elle est une suspension de notre histoire, que le sujet et son monde dans la danse ne s’opposent plus, ne se détachent plus l’un sur l’autre, qu’en conséquence les parties du corps n’y sont plus accentuées comme dans l’expérience naturelle: le tronc n’ est plus le fond d’où s’élèvent les mouvements et où ils sombrent une fois achevés ; c’est lui qui dirige la danse et les mouvements des membres sont à son service27.

12Tout d’abord, lorsqu’il fait référence à « l’esthétique » dans cette note, il se réfère à son sens courant, c’est-à-dire comme se rapportant aux arts ou à l’artistique. Il présente le problème de la peinture. La peinture, affirme-t-il, est un objet situé dans le monde mais qui contient en lui d’autres espaces. Le problème de cette multiplicité d’espaces présentés sur la toile est d’ailleurs un problème que Husserl avait traité dans ses Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie. Au paragraphe 11128, Husserl part de la description de la perception d’une gravure de Durero, Le chevalier, la mort et le diable. Il affirme que, lorsque nous voyons la gravure, deux processus se déroulent. D’une part, une perception normale, qui est la perception de la chose dans l’espace. Et, d’autre part, la conscience perceptive, dans laquelle je vois le chevalier, la mort et le diable, c’est-à-dire les réalités « reproduites ». Dans cette seconde perception, l’« image-objet » est perçue comme quasi-existante et neutralisée. C’est ce qu’on appelle la « conscience d’image »29.

13Pour Merleau-Ponty, comme la peinture, la danse ouvre d’autres espaces. Cependant, la danse présente quatre caractéristiques particulières qui la différencient de la peinture, lesquelles sont détaillées dans les lignes suivantes en repartant à chaque fois de courts extraits de la note de la page 333 de la Phénoménologie de la perception :

141. « … se déroule dans un espace sans buts et sans directions ». Comment cela peut-il être possible ? Une possibilité de comprendre cette description de la danse est de la comprendre à partir d’une différenciation entre deux types de mouvements que Merleau-Ponty fait dans le même chapitre. Il fait la distinction entre les mouvements concrets et abstraits. Merleau-Ponty trouve cette différence dans l’étude de ce que la psychiatrie traditionnelle appelle les « aveuglements psychiques », dans lesquels le patient ne peut pas désigner des parties de son corps, mais peut effectuer des actions complexes dans des situations données, par exemple, exercer des métiers manuels. Un autre cas de caractéristiques similaires est un homme qui ne peut pas désigner le bout de son nez, mais peut se moucher. Même si une partie du corps est touchée, il ne peut pas distinguer où elle est touchée.

15La différence entre le mouvement concret et le mouvement abstrait est que le premier a pour arrière-plan le monde donné, tandis que le second a un arrière-plan construit. Cela lui confère une modalité d’existence virtuelle puisque, pour réaliser le mouvement, un espace doit s’ouvrir dans mon existence réelle. Cet espace virtuel ouvre une zone de réflexion et a une fonction de projection30.

16Dans le cas de la danse, il existe à la fois des mouvements abstraits et concrets. Par exemple, si je lève simplement le bras, il n’y a rien au monde qui me motive à le faire. Il n’y a rien dans la scénographie que j’ai envie d’atteindre. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de contexte donné, mais je dois le construire. C’est une chose différente de prendre une chaise dans une pièce de théâtre, et de le faire dans la vie de tous les jours. La scène n’est jamais seulement la vie quotidienne, il faut donc se demander si ce mouvement est bien concret car, bien qu’il réponde à l’exigence du monde donné, il n’a pas seulement une signification motrice, mais aussi la signification représentationnelle du mouvement abstrait. Reprenant l’affirmation de Merleau-Ponty, cela n’aurait de sens que dans le cas des mouvements abstraits effectués par les danseurs. Dans ce cas, ce qui apparaît n’est pas un espace sans objectifs ni directions, mais plutôt un espace sans objectifs ni directions concrets, dans le contexte même du mouvement. En revanche, pour le percepteur de la danse, cet espace est un espace virtuel, mais il n’est pas plus virtuel que l’espace qui ouvre un film ou un tableau.

172. « ...est une suspension de notre histoire » : le danseur ne danse pas ex nihilo, pas plus que le spectateur n’observe ex nihilo. Cependant, nous pourrions peut-être dire que la danse est une parenthèse dans leurs flux temporels quotidiens.

183. Dans la danse, le sujet et le monde ne font qu’un. C’est-à-dire qu’ils « ne s’opposent plus, ne se détachent plus l’un sur l’autre ». Que Merleau-Ponty marque cela comme une particularité de la danse contredit le concept même du corps, puisque sujet et monde sont toujours unis. Cependant, cette union a ses particularités : comme on l’a déjà exprimé, il y a une dimension ekstatique qui se joue entre le danseur et ce qui est dansé.

194. « ...les parties du corps n’y sont plus accentuées comme dans l’expérience naturelle ». Pour Merleau-Ponty, dans la danse, le tronc cesse d’être le fond, comme dans les mouvements quotidiens. Ainsi « les mouvements des membres sont à son service ». Cependant, bien que le tronc occupe une place fondamentale dans toutes les techniques de danse, il entretient dans chacune d’elles une relation différente avec les autres parties du corps. Ainsi, même si les parties ne sont pas « accentuées », de la même façon que dans l’expérience quotidienne, pour reprendre la terminologie de Merleau-Ponty, il y a toujours accentuation quelque part. Elle est même recherchée et entraînée dans la poursuite de l’expression.

20Pour récapituler cette note de bas de page sur la danse dans la Phénoménologie de la perception, on peut dire que, d’une part, elle confond l’expérience de celui qui danse avec l’expérience du spectateur ; et que d’autre part, bien qu’il manque une considération de la danse en termes concrets et qu’elle semble se référer à une idée idéale et générale de la danse, qui n’existe pas, elle ouvre des aspects intéressants pour approfondir cet art d’un point de vue phénoménologique. Pour Merleau-Ponty, il semble clair qu’il existe chez le danseur une corporalité qui n’est pas celle du quotidien, car elle a un rapport avec l’espace vécu et la spatialité du corps propre qui est différent. En ce sens, cette caractéristique est complétée par celle de la responsivité dans l’art. La réponse que la danse donne à un certain thème s’éloigne de la réponse quotidienne des mouvements concrets ; elle est peut-être moins ancrée dans la normalisation du quotidien, pour reprendre à nouveau le vocabulaire de Waldenfels31. La réponse qu’offre la danse répond à l’étranger et provoque notre attention ou notre étonnement de spectateur. Cependant, comme nous l’avons déjà dit, ce que vit le spectateur n’est pas équivalent à ce que vit le danseur lorsqu’il danse.

21Cette importance donnée au corps dans l’espace se retrouve également dans certaines études de phénoménologie de la danse. Xavier Escribano, dans son article « The Dancing Body and the Revelation of Prepersonal Existence through Art »32, affirme que la danse « révèle l’existence pré-personnelle ». Par l’expression « existence pré-personnelle », référence est faite au concept de « moi naturel » de Merleau-Ponty, qui est pré-réfléchi et anonyme, et correspond donc à notre premier attachement au monde. Cette révélation du moi naturel est produite par la mise en scène des mouvements et de la relation à l’espace et au temps que nous prenons pour acquis dans notre vie quotidienne. Elle montre ainsi d’autres manières possibles d’être, ce qui produit chez les spectateurs une célébration de la coexistence entre le corps et le monde. Au cœur de la réflexion d’Escribano, se trouve une critique et une tentative de dépassement du dualisme cartésien, qui s’appuie sur Merleau-Ponty. Descartes distingue deux formes d’existence humaine : en tant que chose ou en tant que conscience. C’est-à-dire, res extensa/res cogitans. La danse effacerait ces frontières puisque le corps dansant place devant nous une physicalité vivante, substrat et esquisse de notre existence personnelle, dotée de possibilités illimitées de coordination et de mouvement ainsi que de la possibilité d’entrer en communion avec les êtres du monde, de s’identifier symboliquement à eux et de les exprimer en utilisant sa propre matérialité dans la transformation perceptive.

22Cependant, l’expérience de la danse pour le danseur est-elle seulement une union corps-monde pleinement vécue ou y a-t-il d’autres aspects techniques à prendre en compte qui complexifient cette expérience ? La réponse à cette question sera abordée dans la suite de l’article, après une explicitation de la troisième référence de Merleau-Ponty à la danse.

Troisième référence : la danse comme métaphore

23Revenons à la citation de l’article « Le langage indirect et la voix du silence ». Merleau-Ponty, inspiré par une vidéo qui enregistrait la peinture de Matisse, affirme que l’acte de peindre est comme une danse propitiatoire. Même si nous considérons qu’il s’agit d’une métaphore, il convient d’y regarder de plus près pour comprendre les relations possibles entre Merleau-Ponty, sa vision de l’art, notamment de la peinture, et sa vision de la danse.

24La danse du peintre est définie dans ce passage comme propitiatoire. Le dictionnaire Larousse définit ce mot comme ce « qui a pour objet de rendre propice ». Pourquoi Merleau-Ponty utilise-t-il cet adjectif pour décrire le mouvement du pinceau de Matisse ? Dire « propitiatoire » donne le sens d’une danse qui est favorable, bienveillante, mais aussi qui s’ajuste à quelque chose, d’une danse qui sert de médiateur entre la toile et le regard de Matisse. Mais aussi que l’ajustement, lorsqu’il est défini comme une danse, implique un ajustement en mouvement. Dans cette danse, le pinceau médite et le temps s’étend par cette action. Il est déplacé jusqu’à ce qu’il atteigne la toile d’un seul coup. Son choix est en soi un style.  Décrire cet acte, un acte de décision, permet d’abord à Merleau-Ponty de ne pas le considérer comme volontaire et pensé ; néanmoins, la danse semble montrer que l’acte de décision corporelle peut être à la fois hésitant et vif, un mouvement composé de deux fragments ou deux mouvements qui s’enchaînent. D’abord, la vibration qui choisit, le pinceau qui s’agite, puis le geste qui imprime une forme sur le tableau. 

25La métaphore est juste si l’on pense au mouvement du danseur. Maxine Sheets-Johnstone définit la danse comme une forme en devenir. Le mouvement du danseur devient reconnaissable par la ligne qu’il génère dans l’espace dans une succession de temps. Cependant, ce mouvement qui peint l’espace est composé d’une corporalité particulière, d’un certain état de mouvement qui se trouve dans le danseur, dans sa préparation à la performance et dans la performance elle-même. C’est son corps qui recule un peu pour aller de l’avant. Comme un arc ou un élastique, je me crispe pour tirer dans la direction opposée. Je saute pour rouler... et le corps roule et décide, s’installe, ne me laisse pas mourir. Le danseur, quand il se produit, surtout en improvisation, ne décide pas, mais c’est son corps qui décide en acte, performativement. 

26Mais revenons à la citation étudiée : comment cette décision indécise est-elle décidée ? Merleau-Ponty affirme qu’il y a chez le peintre une intention d’exécuter « ce tableau-là qui n’existait pas encore »33. C’est cette projection dans le futur qui décide dans le présent. Cette intention tournée vers le tout cohabite avec le trait effectué dans le présent comme une seule ligne. Pour Merleau-Ponty, cela fait partie de la double identité du tracé. L’acte de peindre a deux visages : les tracés et leurs effets sur l’ensemble34. Il est bien connu que Merleau-Ponty reprend le principe de la Gestalt selon lequel le tout est plus que la somme des parties. Donc ce n’est pas la somme de ces petites danses qui fait le tout, mais il y a quelque chose qui le dépasse, il y a un sens dans le tableau qui est immergé en lui. En même temps, le tableau crée un monde de la même façon que ce monde le crée. Il y a une conciliation, un ajustement, une relation mouvante propitiatoire. La déformation cohérente réapparaît et semble toujours se référer à la relation entre le monde et l’expression, mais cette relation, cette déformation cohérente, est performative dans le sens où elle naît d’un acte dans lequel l’œil, la main et l’esprit dansent. 

27La phénoménologie des études sur la danse a également rencontré le problème de la « non-décision » dans l’acte, ce qui, je pense, pourrait être utile pour comprendre la création picturale. Pour Maxine Sheets-Johnstone, il existe « une pensée en mouvement » dans la danse d’improvisation, où la pensée et l’action ne sont pas séparées35. Ainsi, pour elle, il faut cesser de placer la pensée du côté de la rationalité et la considérer plutôt comme un corps déclaratif. Michele Merrit reprend la perspective de Sheets-Johnstone et la pousse plus loin en affirmant que « la pensée est mouvement »36. Pour elle, la perspective de Sheets-Johnstone est liée à la théorie du « Participatory Sense Making » développée par De Jaegher et Di Paolo dans le domaine des sciences cognitives. À partir de cette relation, Merrit clarifie ce que Sheets-Johnstone a présenté en disant que le sens est généré dans le « couplage humain-environnement et humain-humain »37. Cela introduit deux problèmes : l’importance de l’environnement (ou de la « situation » pour parler comme Merleau-Ponty) et, d’autre part, le fait que la danse soit une création de sens. Camille Buttingsrud peut nous aider à réfléchir à ces problèmes, quand elle affirme que dans la danse, il y a un « état de réflexion incarnée de la conscience de soi » où, plutôt qu’un oubli de soi, il y a une « concentration radicale sur le soi dans le soi incarné »38.

28Ces trois études offrent des perspectives intéressantes sur l’expérience de la danse ; néanmoins, elles décrivent une situation de danse spécifique : l’improvisation au moment d’improviser. Or, dans la pratique du danseur, cette expérience n’est qu’un moment d’une expérience plus vaste et complexe qui inclut des moments de transmission et d’expérimentation. Barbara Montero, pour sa part, tient compte de cet aspect. Elle affirme que le danseur professionnel veut toujours être meilleur et se surpasser. C’est pourquoi il existe une « pensée autoréflexive », qui consiste à « penser à ce que l’on fait, pendant qu’on le fait ». Et elle donne un exemple : « quand vous pensez, je redresse ma posture, alors que vous vous asseyez plus droit sur votre chaise »39. Elle contredit donc le principe du « juste faire » selon lequel, pour bien faire quelque chose, il ne faut pas penser à ce que l’on fait. Ce qui se passe chez un danseur compétent est plus complexe que cela, bien que ce principe puisse être une stratégie. Ce point de vue rapproche la réflexion théorique de la pratique réelle des danseurs. Cependant, il reste à explorer ce que les danseurs se font à eux-mêmes pour atteindre une certaine compétence : comment est-ce que les sphères réflexive et préréflexive sont effectivement expérimentées par le danseur. Pour répondre à cette question, il faut réfléchir à ce qu’il faut prendre en compte lorsque la danse et la phénoménologie se rencontrent.

Approche critique de la phénoménologie de la danse

29Dans un texte intitulé « Differentiating Phenomenology and Dance », Philipa Rothfield retrace la relation entre la danse et la phénoménologie en tant que deux disciplines différentes40. D’une part, dans une revue des positions et des courants qui font ce croisement, elle observe que, la plupart du temps des concepts phénoménologiques, notamment merleau-pontiens, sont utilisés comme cadres théoriques dans les études anthropologiques, historiques ou sociologiques sur la danse. D’autre part, en phénoménologie, la danse est souvent considérée comme un phénomène unique, sans tenir compte des différentes techniques et styles. Pour Rothfield, il est nécessaire d’établir une relation entre les deux disciplines dans laquelle la danse est prise en compte en tant que phénomène pluriel. De plus, l’autrice affirme que la prise en compte de cette pluralité est positive pour la phénoménologie, puisqu’une partie des critiques faites à cette discipline sont liées à sa considération du corps comme un universel sans considérer la différence des corps vécus en fonction des situations vécues41. Il faut cependant tenir compte du fait que cela n’est pas une tâche simple au stade actuel de la discipline de la danse. La discipline est à un moment de dé-définition. C’est pourquoi Susana Tambutti affirme que

penser la danse aujourd’hui implique de recourir à de multiples théories qui nous fournissent un certain arsenal de concepts qui nous permettent de l’identifier en tant que telle, précisément parce que la danse aujourd’hui ne se laisse enfermer sous aucun concept définitif42.

30Nous n’aurons jamais « la » bonne théorie pour toutes les formes de danse, mais nous avons besoin de « théories » pour comprendre ce qui ne permet aucune catégorisation.

Une proposition de rencontre : description et entretiens phénoméno­logiques

31Après avoir effectué cette séparation, quels outils les deux domaines nous offrent-ils pour rendre la rencontre possible ?

32Je considère que c’est par le travail méthodologique que l’on trouve ces possibilités. La méthode a eu une place très importante dans la pensée husserlienne et celle de ses disciples, puisqu’elle constitue une partie fondamentale de la philosophie phénoménologique qui vise à révéler les structures de l’expérience, structures qui sont vécues en première personne43. Afin d’accéder à ces expériences, la description apparaît dans l’œuvre husserlienne comme un moyen d’accès aux « choses mêmes », que Javier San Martín dans La estructura del método fenomenológico44 définit comme étant une « absence de préjugés et de présupposés ». Selon Maxine Sheets-Johnstone la méthodologie phénoménologique permet « une compréhension claire des relations corps-monde qui sous-tendent la connaissance du monde »45. Les éléments constitutifs pour pouvoir le faire sont l’époche, la réduction phénoménologique et la variation eidétique. Cependant, comme le souligne San Martín, il y a deux sens possibles à cela. Dans un premier sens, il s’agit d’une opération qui s’effectue dans l’attitude naturelle. Ici, ce qui nous intéresse est une description eidétique ou structurelle « dirigée vers le concret-factuel »46 où je réduis le fondamental et laisse l’accessoire d’un phénomène. Dans ce cas, je concentre mon attention sur un aspect du phénomène et fais une description à partir de cela. Dans un second sens, ces éléments se réalisent dans une attitude transcendantale ; dans ce cas, on tente de rendre compte de la constitution du monde.

33Dans les études sur la danse, tout cela a été repris et interprété de plusieurs façons. Si nous nous concentrons sur le concept d’épochè on peut voir que dans certains cas, il est presque synonyme de la révélation que suscite l’art. Un exemple de cela est l’article « The Dancing Body and the Revelation of Prepersonal Existencia through Art » de Xavier Escribano47. La danse apparaît ici comme un détonateur, une motivation à la réalisation, à l’apparition du insight. D’autre part, Emma/Romain Bigé reprend le concept d’« épochè » de la phénoménologie et le transfère vers la chorégraphie. Cela reprend implicitement ce qui a été évoqué au début du texte, à savoir que pour certains auteurs il existe une analogie entre la philosophie et l’art. Pour cette auteure, cette analogie est donnée par la possibilité de mettre entre parenthèses le monde dans lequel nous sommes afin de réaliser la relation intentionnelle que nous avons avec le monde, dans la mesure où nous faisons partie de sa constitution, c’est-à-dire de l’« époché ». Pour Bigé en effet, la chorégraphie est une forme d’épochè. Cependant, elle précise que cette suspension n’est pas descriptive, car les chorégraphes ne cherchent pas à faire « une sorte de phénoménologie pratique appliquée au mouvement48 ». Mais même s’il n’y a pas de phénoménologie appliquée, pour Bigé, la danse peut mener à une réflexion philosophique49. Considérer l’époché sans l’étape ultérieure de la réduction indiquerait que nous avons affaire dans ce cas à un concept élargi. En même temps, nous devons nous demander si la réduction n’est pas l’objectif premier de l’époché et si l’époché sans réduction est une réflexion proprement philosophique. Si nous reprenons le texte de Merleau-Ponty « Le philosophe et son ombre », dans lequel il revisite Husserl, il introduit le problème de la possibilité d’une réduction totale50. Il n’y a jamais de simple réduction mais toujours une double réduction, dans laquelle quelque chose est laissé de côté, est irréductible. Cette réduction incomplète nécessite une expression linguistique : le phénoménologue décrit afin de rendre partageable intersubjectivement ce qu’il a réduit après la mise entre parenthèses. Cette expression serait donnée d’une manière différente dans la chorégraphie, où le produit expressif est principalement mouvement51. Je trouve que la stratégie de Bigé de rechercher la rencontre entre la danse et la phénoménologie par la méthode est stimulante. Cependant, je propose une voie différente à travers la description phénoménologique et les méthodologies qui dérivent de cette méthodologie : les entretiens phénoménologiques.

34La phénoménologie dispose d’un outil pour accéder à l’expérience : la description. La description phénoménologique fonctionne comme un moyen de « revenir aux choses mêmes », une approche à la première personne dans laquelle nous, danseurs , pouvons verbaliser l’expérience de la danse. C’est là qu’interviennent nos perceptions et la façon dont nos corps, vécus avec leurs kinesthésies, sont expérimentés pendant la pratique. De cette façon, un acte de mémoire de l’expérience et de mise en mots a lieu. Cette méthode permet également de tester les concepts phénoménologiques avec l’ouverture nécessaire pour qu’ils ne deviennent pas des cadres théoriques à remplir. De cette manière, l’union disciplinaire est enrichissante pour les deux domaines : d’une part, en rendant une expérience privée partageable de manière intersubjective et, d’autre part, en alimentant la réflexion philosophique. Cependant, cette méthode nécessite une formation spécifique des danseurs à la phénoménologie.

35Les sciences de la santé et la psychologie, entre autres, ont été confrontées à des problèmes similaires lorsqu’elles ont tenté de connaître l’expérience à la première personne des patients dont elles s’occupaient. Ceci était particulièrement difficile en ce qui concerne la possibilité pour eux d’exprimer la douleur qu’ils ressentaient. S’appuyant sur la méthode phénoménologique, plusieurs groupes ont développé des méthodologies basées sur les entretiens. Nous pouvons par exemple citer les travaux du Groupe de Recherche sur l’Explicitation (GREX2), qui a développé les entretiens d’explicitation et dont certains résultats sont rassemblés dans un ouvrage dirigé par Depraz, Varela et Vermersch52 ; ceux du groupe dirigé par Shaun Gallagher à l’Université de Memphis ; ou encore ceux du groupe coordonné par Susanne Ravn à l’Université Sud Denmark. Parmi ces études, cette dernière se concentre particulièrement sur la danse. Dans le texte « Integrating qualitative research methodologies and phenomenology—using dancers’ and athletes experiences for phenomenological analysis », Ravn explique ses choix méthodologiques. Il part de l’hypothèse que « les compétences et l’expertise incarnées qui caractérisent la danse et les activités sportives ont le potentiel de remettre en question et d’informer de manière constructive la pensée phénoménologique » 53. Sa stratégie combine l’observation sous forme d’ethnographie et des entretiens : la méthode phénoménologique s’allie aux méthodologies qualitatives. L’objectif est d’obtenir des descriptions denses des expériences vécues par les danseurs. Un autre aspect important de son approche est qu’elle prend en compte la place du chercheur dans la recherche, en l’occurrence la formation en danse de Ravn, et la manière dont cela influence l’observation et les entretiens. L’objectif de cette méthodologie est d’obtenir des descriptions riches d’expériences vécues au moyen d’observations et d’entretiens phénoménologiques. Dans ces descriptions, l’expérience est considérée comme située et incarnée. La méthodologie est divisée en deux niveaux. Le niveau 1 est composé des observations et des entretiens eux-mêmes. Les entretiens sont semi-structurés et l’enquêteur compte sur une « analyse philosophique implicite », qui guide les questions. Le niveau 2 consiste en l’analyse phénoménologique du niveau 1. Dans ce niveau, l’entretien et l’observation « nous donnent la possibilité d’étudier les structures », c’est-à-dire de dépasser les expériences de chaque personne interrogée et de parvenir à des déclarations générales. Høffding et Martiny soulignent qu’il est important d’avoir une « cohérence performative »54, c’est-à-dire un « accord » entre les théories, la construction des dispositifs et la compréhension de leur fonctionnement, et l’orientation théorique de la mesure et des résultats. Les descriptions données par les personnes interrogées seront alors le point de départ de l’analyse phénoménologique.

Conclusion

36Dans cet article, j’ai essayé de clarifier les possibilités de rencontre entre la phénoménologie merleau-pontienne et la danse. Même si les références de Merleau-Ponty à la danse sont rares dans son œuvre, sa réflexion sur l’art est fondamentale, en particulier en ce qui concerne le caractère révélateur de l’art. D’autre part, l’expression dans l’art est donnée par ce que Waldenfels appelle la responsivité. Au cours de l’article, j’ai essayé de montrer que ces caractéristiques sont présentes dans la danse mais prennent des formes particulières. Pour en revenir à la peinture, une grande différence avec la danse est que le trait reste immortalisé à jamais dans le tableau. L’ensemble est un tout qui survit, un tout qui peut être saisi d’un seul regard. Alors qu’en danse, comme en musique, la temporalité de l’objet exige de nous une durée de temps pour le saisir. En même temps, si l’on prend en compte ce qui donne lieu à l’œuvre, comme le propose Merleau-Ponty (il reproche même aux musées de se distancier de l’œuvre des peintres), il apparaît une profondeur temporelle et performative des danses qui composent une chorégraphie invisible a posteriori, qui sera l’œuvre, guidée par l’intention de quelque chose qui n’est pas encore. 

37Dans la danse, ce que les arts rendent visible apparaît par la synchronisation de l’espace et du temps avec les spectateurs. Cependant, dans la danse, il semble que si ce geste qui précède le trait n’est pas mis en avant pour les spectateurs, il est presque imperceptible pour eux. Plus encore, cela fait partie de l’acquisition des connaissances techniques du danseur de comprendre la complexité de chaque forme qui est tracée, de comprendre ce mouvement en arrière, hésitant, qui donne de l’intention et de la profondeur à ce qui est tracé ensuite. Les lignes créées par la danse sont des lignes qui disparaissent mais restent comme des protensions.  En peinture, après ce que Merleau-Ponty décrit comme une danse entre la main, le pinceau, la peinture et la toile, une trace devient présente, puis reste. La danse a au contraire la caractéristique d’être éphémère. Une fois que le danseur a performé sa ligne, celle-ci disparaît et une autre apparaît, puis une autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que la performance soit terminée. Ce qu’il reste alors, c’est une trace qui se manifeste dans les résonances que sa performance a laissé dans nos corps. De plus, on a souligné que le danseur et le dansé convergent dans le même corps et ne peuvent être séparés. Le fait que la danse présente pour caractéristique d’être éphémère et ekstatique rend nécessaire d’analyser comment cela est vécu comme expérience par les danseurs et les spectateurs. Pour faire cela, je reconnais l’importance des contributions qui ont été faites par la phénoménologie, mais c’est dans leurs limites que je vois une solution à l’alliance de la danse et de la phénoménologie. Considérant la critique de Rothfield sur les études de phénoménologie de la danse, j’ai alors soutenu que le moyen de provoquer une rencontre entre les deux disciplines se trouvait dans l’utilisation de méthodes qualitatives d’inspiration phénoménologique, en donnant à voir quelques travaux existants qui explorent ce chemin. Je pense qu’approfondir cette question55 nous permettra non seulement de mieux comprendre la danse, mais aussi les expériences corporelles, et de développer des méthodologies pour accéder à l’expérience en première personne et éviter les généralisations idéales de nos expériences.

Notes

1 M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris : Gallimard, 2016 [1945] (cité PhP par la suite).

2 Ibid, p. 167.

3 Ibid, p. 333.

4 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », dans La prose du monde, Paris : Gallimard, 1969 (cité LPM par la suite)

5 M. Sheets-Johnstone, The phenomenology of dance, Philadelphia: Temple University Press, 2015 [1966].

6 P. Rothfield, « Differentiating Phenomenology and Dance » Topoi, 24/1 (2005), p. 43–53.

7 De nombreux auteurs ont travaillé sur le rapport de Merleau-Ponty à l’art. Parmi eux, il est important de mentionner les travaux suivants : E. Alloa et A. Jdey (dirs.), Du sensible à l´œuvre. Esthétiques de Merleau-Ponty, Bruxelles : La lettre volée, 2012 ; C. Bobant, « Merleau-Ponty et l’art », Chiasmi International 21 (2019), p. 337-354 ; M. Carbone, The Flesh of Images. Between Painting and Cinema, New York: Suny, 2015 ; et enfin A. Delcó, Merleau-Ponty et l’expérience de la création: Du paradigme au schème, Paris : Presses Universitaires de France, 2005.

8 « Cette perception privilégiée assure l’unité du processus perceptif et recueille en elle toutes les autres apparences. Pour chaque objet comme pour chaque tableau dans une galerie de peinture, il y a une distance optimale d’où il demande à être vu, une orientation sous laquelle il donne davantage de lui-même… » PhP, p. 307-309. Un grand tableau n’est visible que de loin et une petite gravure que de près. Un changement de vision nous fera voir autre chose. Une grande peinture à l’huile, à courte distance, ne sera plus que des lignes colorées et nous ne verrons pas les formes, et une petite impression deviendra un point noir. Une chose similaire se produit lorsqu’on regarde un spectacle de danse. Un ballet ne peut être observé de près, tout comme une pièce intime ne s’apprécie pas de loin. Toutefois, il convient de réfléchir davantage à ce qui est optimisé à distance dans les travaux scéniques, car il existe des particularités spécifiques. Tout d’abord, il existe différentes propositions en termes de place des spectateurs. Dans le cas du théâtre à l’italienne, les lieux sont fixes et la pièce est créée pour un siège privilégié, le reste des lieux est marqué par le manque, sont des lieux de moindre importance. D’autre part, il existe des pièces qui prennent en compte différentes visions privilégiées et dans chacune d’elles, une pièce différente est « vue », ce qui fait que « la » pièce est la somme de toutes ces différentes visions.
De plus, cela peut être rendu plus complexe par la vision donnée par Merleau-Ponty en ce qui concerne la distance optimale pour la perception d’autres êtres humains : « vu de trop loin, il perd sa valeur de personne vivante, il n’est plus qu’une marionnette ou un automate. Le corps vivant lui-même apparaît lorsque sa microstructure n’est ni trop ni trop peu visible, et ce moment détermine également sa forme et sa grandeur réelles ». Ces changements dans les manières de percevoir le corps vivant sont en fait utilisés dans les œuvres de danse ainsi que dans les œuvres de vidéo-danse où, par la distance au corps et la proportion du corps, celui-ci peut devenir un objet ou un homme.

9 M. Merleau-Ponty, « Le doute de Cézanne », dans Sens et non-sens (cité SNS par la suite) [1948], Paris : Gallimard, 1995, p. 15-33 ; M. Merleau-Ponty, PhP; M. Merleau-Ponty, L`œil et l’esprit, Paris : Gallimard, 1985; M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », art. cit. Notons que ce dernier texte a aussi été publié dans Signes, Paris: Gallimard, 1960, p. 49-82 (cité S par la suite), mais les deux versions ont quelques différences. Je vais privilégier celle de La prose du monde qui a été éditée par Lefort et qui consiste en une version préliminaire de celle publiée dans les Temps modernes en 1952, qui est celle de Signes. Pour approfondir les différences, voir P. Dupond, « Merleau-Ponty ‟Le langage indirect et les voix du silence”. L’œuvre d’art entre archéologie et téléologie de la culture », Philopsis : Revue numérique (2020).

10 Une historiographie des différentes conceptions de l’art chez Merleau-Ponty excède les limites de cet article ; nous invitons le lecteur à se référer aux ressources citées en note 1, p. 55, qui apportent de nombreux éléments sur le sujet.

11 C. Bobant, « Merleau-Ponty et l’art », art. cit.

12 R. Kaushik, Art and Institution. Aesthetics in the Late Works of Merleau-Ponty, London: Continuum International Publishing Group, 2011, p. 4.

13 SNS, p. 23.

14 Plus tard dans l’œuvre de Merleau-Ponty, ce « fonds » où l’on « s’installe » va être « la nature », concept qu’il développe dans les cours sur la nature (M. Merleau-Ponty, La Nature. Notes. Cours du Collège de France, Paris : Seuil, 1995) et qui se réfère au non-institué. Une analyse claire de ce concept peut être trouvée dans R. Barbaras, « Merleau-Ponty and Nature », Research in phenomenology 31/1 (2001), p. 22–38.

15 B. Waldenfels, « Voir par images. Merleau-Ponty sur le tracé de la peinture », dans E. Alloa, A. Idey (dir.), Du sensible à l’œuvre. Esthétiques de Merleau-Ponty, Bruxelles : La lettre volée, 2012, p. 43-70.

16 G. Ralón de Walton, « La corporalidad responsiva desde la fenomenología merleaupontyana y su expresión en la pintura », Eidos 28 (2018), p. 19-32.

17 Le corps propre est l’ensemble des dispositions et des habitudes de mon corps. Celles-ci sont liées à la caractéristique d`« être-au-monde »: le sujet est « accroché » au monde, il est ouvert au monde et sa première coordonnée.

18 M. Merleau-Ponty « Le langage indirecte et la voix du silence », art. cit., p. 60. Dans S, ce passage apparait de la façon suivante : « Ce même pinceau qui, vu à l’œil nu, sautait d’un acte à l’autre, on le voyait méditer, dans un temps dilaté et solennel, dans une imminence de commencement du monde, tenter dix mouvements possibles, danser devant la toile, la frôler plusieurs fois, et s’abattre enfin comme l’éclair sur le seul tracé nécessaire » (p.47) La différence se trouve à la fin du passage où, dans LPM, l’hésitation prendre plus de valeur, comme la métaphore de la danse sur laquelle je reviendrai plus loin dans l’article.

19 Cette idée que le peintre essaie de « peindre le monde » Merleau-Ponty la développe en particulier en analysant la production de Cézanne. Voir SNS, p. 25-47.

20 Merleau-Ponty reprend ici, tout en ne lui attribuant pas le même sens, un concept développé par André Malraux dans Les voix du silence (Paris : Gallimard, 1951).

21 R. Kaushik, Art and Institution, op. cit., p. 34.

22 B. Waldenfels, Exploraciones fenomenológicas acerca de lo extraño, Barcelona/Morelia: Anthropos-Universidad Michoacana de San Nicolás de Hidalgo, 2015.

23 Pour une compréhension plus approfondie du concept d’habitus chez Merleau-Ponty, lire : E. García, « ¿Qué es un hábito? Acerca de la posibilidad de una desambiguación de la noción merleau-pontiana », Idées. Revista de Filosofía Moderna y Contemporánea, 6, (2017), p. 40-71.

24 Ces objets deviennent des extensions de mon corps. Par exemple, sa canne est pour l’aveugle une extension de son bras. Une fois qu’elle est incorporée dans son schéma corporel, il sait comment la déplacer, où la diriger, il imagine l’espace que son corps occupe avec elle. Dans le cas du musicien, la relation avec l’instrument est également une relation d’unité, et en ce sens elle renforce le concept d’être-au-monde ; en même temps, cette capacité n’est pas liée à un instrument particulier, car le musicien peut changer de guitare, de violon, bref, d’instrument, et s’habituer à un nouvel instrument après un certain temps.
Sur le schéma corporel, voir aussi l’intervention de Camilla Caglioti dans le séminaire « Les applications de la méthode phénoménologique » ainsi que, plus généralement, D. Saretta Verissimo, « Sur la notion de schéma corporel dans la philosophie de Merleau-Ponty : de la perception au problème du sensible », Bulletin d’Analyse Phénoménologique, 8 (2012), Numéro 1 : Le problème de la passivité (Actes n°5), URL : https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=522; et A. Battan Horenstein, « La centralidad de la noción de esquema corporal como quiasmo de espacio y movimiento », Investigaciones Fenomenológicas, 10 (2013), p. 15-32.

25 M. Sheets-Johnstone, « From movement to dance », Phenomenology and the Cognitive Sciences, 11/1 (2012), p. 39-57.

26 Ibid, p. 49.

27 PhP, p. 333.

28 Husserl, Ideas relativas a una fenomenología pura y una filosofía fenomenológica, México: Fondo de Cultura Económica, 1962, p. 261-263.

29 Voir la contribution de Rodrigo Sandoval dans ce dossier pour plus de précisions sur la conscience d’image chez Husserl.

30 PhP, p. 155-160.

31 Dans l’article « Normalité et normativité. Entre phénoménologie et structuralisme », Revue de métaphysique et de morale, 45 (2005), p. 57-67, Waldenfels réfléchit à la relation entre l’ordinaire et l’extra-ordinaire dans le cadre cadre de sa « phénoménologie de la réponse ».

32 X. Escribano, «The Dancing Body and the Revelation of Prepersonal Existencia through Art», in A. Scarinzi, (Ed.) Embodied Aesthetics. Proceedings of the 1st International Conference on Aesthetics and the Embodied Mind, Boston: Brill, 2014, p. 86-97.

33 LPM, p.61

34 Ibid.

35 M. Sheets-Johnstone, « Thinking in Movement », in M. Sheets-Johnstone, The Corporeal Turn: An Interdisciplinary Reader, Charlottesville: VA, 2009, p. 28-64.

36 M. Merrit, « Thinking-Is-Moving: Dance, Agency, and a Radically Enacted Mind », Phenomenology and the Cognitive Sciences 14/1 (2015).

37 Idem.

38 C. Buttinsgrud, « Thinking Toes ? Proposing a Reflective Order of Embodied Self-Consciousness in the Aesthetic Subject », in F. Dorsch and D.-E. Ratiu (eds.) Proceedings of the European Society for Aesthetics, Volume 7, The European Society for Aesthetics, 2015, p. 120.

39 B. Montero, « A dancer reects », in J. Schear (ed.), Mind, Reason, and Being-in-the-World, London: Routledge, 2013.

40 P. Rothfield, « Differentiating Phenomenology and Dance », Topoi, 24/1 (2005), p. 43–53.

41 Ibíd, p. 45.

42 S. Tambutti, « Itinerarios teóricos de la danza », Aisthesis, 43 (2008).

43 Pour des considérations actuelles sur la méthode, voir L. Ascarate et A. Aulanier (dirs.), « La méthode phénoménologique à ses frontières », Dossier, Implications philosophiques (2022). Et en particulier l’introduction à l’axe 1 : Opérativité et générativité, signée par Luz Ascarate. URL : https://www.implications-philosophiques.org/operativite-et-generativite/

44 J. San Martín, La estructura del método fenomenológico, Madrid: Universidad Nacional de Educación a Distancia, 1986, p. 24.

45 M. Sheets-Johnstone, The primacy of mouvement, Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company, 2022, p 201. 

46 J. San Martin, La estructura del método fenomenológico, op. cit., p. 31.

47 X. Escribano, « The Dancing Body and the Revelation of Prepersonal Existencia through Art », art. cit.

48 E. / R. Bigé, « Ce que la phénoménologie peut apprendre de la danse. Straus, Merleau-Ponty, Patočka », Recherches en danse, 5 (2016).

49 R. Bigé, « How Do I Know When I Am Dancing? », in D. Shottenkirk, M. Curado, S. Gouveia (eds.), Perception, Cognition And Aesthetics, Nueva York/London: Routledge, 2019, p.319-332.

50 M. Merleau-Ponty, « Le philosophe et son ombre », dans S.

51 Ces dernières années, le langage verbal a gagné de l’espace dans de nombreuses œuvres de danse ; bien qu’une problématisation de ce point dépasse les limites de cet article, nous pouvons dire en termes généraux que dans ces œuvres, la parole continue à être subordonnée au mouvement.

52 N. Depraz, F. Varela y P. Vermersch, On Becoming Aware: A Pragmatics of Experiencing, Philadelphia: John Benjamins, 2003.

53 S. Ravn, « Integrating qualitative research methodologies and phenomenologyusing dancersand athletes experiences for phenomenological analysis », Phenomenology and the Cognitive Sciences, (2021), URL : https://link.springer.com/article/10.1007/s11097-021-09735-0.

54 S. Høffding, S., & K. Martiny, K., « Framing a phenomenological interview: what, why and how », Phenomenology and the Cognitive Sciences, 15/4 (2016), p. 539-564.

55 Pour plus de précisions, voir V. Cohen, Entre danzar y bailar : la experiencia del cuerpo en situación y sus saberes prácticos. Los casos de Km29 y el Combinado Argentino de Danza, thèse de doctorat de philosophie de l’art, Universités de Lille et de Buenos Aires, 2022.

Pour citer cet article

Veronica Cohen, «Phénoménologie et danse : les conditions d’une rencontre — Une synthèse en partant de Maurice Merleau-Ponty», Bulletin d'Analyse Phénoménologique [En ligne], Volume 19 (2023), Numéro 1: À propos de quelques applications de la méthode phénoménologique (Actes n°12), URL : https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1328.

A propos de : Veronica Cohen

Université de Buenos Aires, université de Lille, Conicet

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