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- Volume 19 (2023)
- Numéro 3: Il ne suffit pas d'ouvrir les yeux: Intu...
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Introduction : Questionner l’évidence intuitive
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1Du 2 au 6 mai 2022, s’est tenue à Liège la seizième édition du séminaire annuel de recherche du Centre de recherches phénoménologiques (Creph), édition consacrée au thème de l’intuition et de l’évidence et à la problématique de leur supposée immédiateté. Pendant toute une semaine, vingt-cinq chercheuses et chercheurs, provenant de huit pays différents, ont travaillé ensemble cette question pour tout à la fois souligner la singularité d’un mode de connaissance qui prétend ne pas être inféré — et justifié par — d’autres connaissances et mettre en lumière les dispositifs de médiation généralement nécessaires à le rendre possible.
2En reprenant dix des interventions qui avaient été présentées et collectivement discutées cette semaine-là, le présent volume fournit un bon aperçu des analyses formulées et des arguments échangés alors. Gageons que leur lecture éclairera les phénoménologues et plus généralement les épistémologues sur ces notions pleines de promesses – et, pour cette raison aussi, hautement suspectes — d’« intuition » et d’« évidence ».
1. L’immédiateté de l’intuition
3La prétention à un certain privilège de l’intuition à titre de mode de connaissance immédiat constitue assurément un motif épistémologique bien antérieur à l’avènement de la phénoménologie contemporaine.
4Dans les Règles pour la direction de l’esprit (Regulae ad directionem ingenii), Descartes avait déjà très explicitement opposé deux actes de l’entendement par lesquels « nous pouvons parvenir à la connaissance des choses sans aucune crainte d’erreur », à savoir l’intuition et la déduction (Regulae, règle III, p. 43). Par « déduction », dit-il, il faut entendre « tout ce qui se conclut nécessairement d’autres choses connues avec certitude » (ibid., p. 44). L’intuition, par contre est un mode de connaissance rationnel non dérivé : par « intuition », précise-t-il, j’entends « non pas le témoignage changeant des sens ou le jugement trompeur d’une imagination qui compose mal son objet, mais […] la conception ferme d’un esprit pur et attentif, qui naît de la seule lumière de la raison » (ibid., p. 43-44).
5Si la déduction permet de dériver une multitude de connaissances secondes à partir de connaissances préalables, on comprend bien qu’il faille, sous peine de régression à l’infini, qu’un certain nombre de ces connaissances préalables ne soient pas elles-mêmes déduites, mais constituent des connaissances premières bénéficiant d’une certitude propre, non inférée et en ce sens « immédiate ». Et c’est sous ce mode de connaissance que Descartes range l’évidence d’énoncés mathématiques très simples comme « le triangle est défini par trois lignes seulement » (p. 44), mais aussi qu’il rangera plus tard l’évidence du cogito.
6Descartes, cependant, ne se contente pas de distinguer ces deux modes de connaissance ; il affirme aussi très explicitement la supériorité de l’intuition sur la déduction. La raison en est que la déduction repose elle-même sur l’intuition à un triple égard.
7Tout d’abord, on l’a dit, la déduction exige des connaissances premières à partir desquelles elle puisse inférer des connaissances secondes ; la certitude des connaissances déduites repose donc sur celle des connaissances intuitives de départ, alors que celles-ci ne présupposent pas celles-là. Les « premiers principes », dit Descartes, « ne peuvent être connus que par l’intuition » (ibid., p. 45). Chez Descartes, cet ordre dans la justification ou la fondation des connaissances coïncide avec un certain ordre dans la complexité de ce qui est connu. Les connaissances les plus simples sont en effet fournies par intuition alors que des connaissances plus complexes peuvent ensuite en être obtenues par déduction. Or, pour Descartes, la simplicité a en soi un privilège épistémique : « étant plus simple », dit-il, l’intuition « est plus sûre que la déduction même » (ibid., p. 44). On voit apparaître là ce qui constituera le principe des principes de l’épistémologie cartésienne, à savoir de prendre systématiquement appui sur ce qu’il y a de plus simple (règle V, p. 52).
8Mais, au-delà de fournir à la déduction le matériau primaire sur lequel fonder ses dérivations, l’intuition est aussi, pour Descartes, nécessaire à la déduction en ce que cette dernière n’est qu’une suite d’inférences simples qui reposent chacune sur l’intuition ; les inférences qui constituent la déduction ne fournissent une garantie de connaissance que dans la mesure où elles sont elles-mêmes intuitives ! Ainsi, souligne Descartes, pour conclure que 2 et 2 font autant que 3 et 1, « il faut voir par intuition que 2 et 2 font 4 et que 3 et 1 font également 4, mais encore que la troisième proposition se conclut nécessairement de ces deux-là » (règle III, p. 44). Pour dériver une connaissance nouvelle de connaissances préalables, il ne faut pas seulement que ces connaissances préalables soient-elles mêmes intuitives (ou déjà dérivées de connaissances intuitives) ; il faut aussi que les principes mêmes de la dérivation soient eux-mêmes intuitifs. Dans cette perspective, la déduction ne constitue en fait pas vraiment un mode de connaissance autonome par rapport à l’intuition ; il permet seulement d’obtenir des connaissances qui ne sont pas directement intuitives à partir de connaissances directement intuitives et au moyen de principes inférentiels intuitifs.
9Enfin, la déduction suppose encore l’intuition d’une troisième manière. Là où l’intuition a l’avantage d’être « actuelle », la déduction a par contre le défaut de s’inscrire dans le temps et dès lors de requérir l’intervention de la mémoire, dont elle « reçoit en un sens sa certitude » (règle III, p. 45). C’est également à cet égard que la déduction est médiate : elle n’est pas instantanée et suppose l’intervention d’une autre faculté — la mémoire. Et plus la déduction est longue, plus elle est à cet égard médiate. Pour Descartes, l’idéal épistémique est alors de ramener autant que possible la suite des inférences étalées dans le temps à une unique intuition récapitulative, celle de la déduction dans son ensemble ; pour qu’une longue déduction apporte une garantie de certitude, il faut non seulement que toutes ses inférences soient évidentes, mais qu’elles soient en quelque sorte simultanément évidentes de sorte que le raisonnement tout entier soit actuellement intuitif : « aussi je les [les rapports inférés aux différentes étapes de la déduction] parcourrai plusieurs fois d’un mouvement continu de l’imagination qui, dans le même temps, doit avoir l’intuition de chaque chose et passer à d’autres, jusqu’à ce que j’aie appris à passer du premier au dernier assez rapidement pour ne laisser presqu’aucun rôle à la mémoire et avoir, semble-t-il, l’intuition de tout à la fois » (règle VII, p. 58). Précisément parce qu’elle est médiate, la déduction doit idéalement faire place à cette connaissance immédiate qu’est l’intuition. Une bonne déduction est une déduction intuitive.
10Non content, donc, de distinguer un mode de connaissance immédiat de ce mode de connaissance médiat qu’est la déduction, Descartes y voit le mode de connaissance privilégié, qui donne sa valeur à toute connaissance, y compris déductive.
11On sait que bien d’autres, après Descartes, reproduiront ce modèle. Ainsi, après les passages introductifs, Kant entame-t-il sa Critique de la raison pure en énonçant : « De quelque manière et par quelque moyen qu’une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement à des objets, et que toute pensée, à titre de moyen, prend pour fin, est l’intuition » (CRP, A19/B33, trad. fr. p. 87). On retrouve ici tout à la fois l’affirmation de l’immédiateté de l’intuition et l’affirmation de son privilège épistémique : l’intuition constitue le moyen idéal de la connaissance et dès lors l’objectif de tout processus épistémique. Alors, bien sûr, on sait que, pour sa part, Kant rejette l’intuition intellectuelle et l’idée cartésienne d’une lumière de la raison. Pour lui, toute intuition est sensible, et c’est dans l’expérience sensible que se fait le rapport immédiat aux objets de connaissance, de sorte qu’une pensée rationnelle qui échappe à la sphère de l’expérience sensible ne peut prétendre au statut de connaissance. Mais, au-delà de cette différence — sans aucun doute très significative — avec la théorie cartésienne de la connaissance, ce qui est ici réaffirmé, c’est qu’il y a de la connaissance immédiate et même en fait qu’il n’y a de connaissance qu’immédiate, c’est-à-dire soumise à l’intuition (ici sensible).
12Kant, on le sait, fait d’ailleurs lui aussi reposer sur l’intuition les connaissances mathématiques élémentaires, celles dont sont déduites toutes les connaissances mathématiques plus complexes. Simplement, puisqu’il n’est plus question pour lui d’intuition intellectuelle, doit-il pour sa part expliquer en quoi ces connaissances, bien que nécessaires a priori, reposent tout de même sur l’intuition, donc l’intuition sensible mais réduite à sa seule forme — spatiale et/ou temporelle — et donc pure de tout contenu empirique singulier. Subtile, et plus compatible avec l’empirisme, la théorie kantienne de l’intuition prolonge au moins le modèle cartésien en ce qu’elle fait du savoir intuitif l’alpha et l’omega de la connaissance, c’est-à-dire tout à la fois la source des connaissances premières dont sont dérivées toutes les connaissances plus complexes et la fin ultime de tout processus de connaissance, la source ultime de toute justification épistémique.
13Or, c’est clairement dans cette tradition que s’inscrit l’épistémologie phénoménologique. Et il n’est donc pas étonnant de voir la phénoménologie husserlienne fortement marquée d’une rhétorique de l’immédiateté ou encore de l’originarité de l’intuition.
14Dans les Recherches logiques, l’intuition, conçue comme donation de l’objet « en personne », « en lui-même » (selbst), s'oppose à la « simple pensée » de l’objet et à sa « compréhension purement symbolique » (RL VI, §§ 7-8). Toute connaissance d’objet, dit Husserl, suppose que ses représentations médiates se ramènent in fine à des représentations intuitives immédiates via le « remplissement » intuitif des intentions signitives.
15C’est en particulier le cas des connaissances empiriques, où l’intention signitive d’un encrier — le simple fait de penser « encrier » — peut mener à la connaissance d’un encrier lorsque cette intention se remplit d’une intuition sensible correspondant au sens visé. Husserl appelle remplissement « dynamique » ce processus épistémique où l’objet est d’abord simplement visé puis ensuite intuitivement donné. Mais, même sous sa forme « statique », c’est-à-dire lorsque l’objet est intuitivement donné en même temps qu’il est pensé, la connaissance empirique suit en fait toujours ce même schéma : dans tous les cas, on peut encore distinguer théoriquement l’intention signitive et son remplissement intuitif qui la constitue en véritable connaissance (ibid.).
16Or, pour Husserl, on le sait, c’est aussi de cette manière qu’est possible une connaissance des formes catégoriales. Là encore, les intentions qui permettent de penser le sens de ces formes doivent, pour mener à une authentique connaissance, se remplir de la donation intuitive, c’est-à-dire « directe », des formes catégoriales « en elles-mêmes », intuition catégoriale qui, pour Husserl, est en fait fondée sur des intuitions simples plus originaires (ibid., §§ 45-46). Sans doute le remplissement intuitif des visées signitives catégoriales est-il souvent un processus complexe, qui passe éventuellement par le biais de « chaînes de remplissement » rapprochant progressivement la pensée signitive des intuitions qui la constitueront en authentique connaissance (ibid., § 18, § 60). Mais, dans tous les cas, c’est le retour à l’intuition immédiate qui constitue l’idéal de la connaissance.
17De même, dans les Idées directrices pour une phénoménologie, Husserl insiste sur le fait que toute connaissance exige l’évidence « originaire », la donation « en personne » (Idées directrices, §1, §§ 136-137). Ce que Husserl appelle « le principe des principes », c’est la thèse selon laquelle « toute intuition donatrice originaire est une source de droit pour la connaissance » (§ 24, p. 78), et est même la source de justification épistémique ultime. S’il y a des évidences médiates ou « dérivées », le défi phénoménologique est précisément de montrer comment elles s’appuient sur une fondation intuitive immédiate (ibid., § 141).
18En particulier, une certaine connaissance de nécessité (synthétique a priori) est possible parce qu’il y a des « intuitions éidétiques » : des visées signitives générales trouvent leur remplissement dans la donation intuitive d’essences, donation fondée dans des intuitions individuelles simples (ibid., § 3).
19Le primat de l’intuition dans la théorie husserlienne de la connaissance est absolument patent. Et cela est encore renforcé par le fait que, reprenant à partir de 1906 un motif cartésien, Husserl entend désormais refonder la connaissance en procédant par έποχή ou réduction phénoménologique, c’est-à-dire en suspendant provisoirement les croyances de l’attitude naturelle en la réalité des objets de l’expérience (sous ses différents types) pour s’en tenir à la manière dont ces objets apparaissent à la conscience subjective. Parce que — comme le cogito lui-même mais aussi toutes les cogitationes prises en tant que telles — elles sont directement accessibles au sujet connaissant, ces manières d’apparaître sont l’objet d’une évidence « pure » et indubitable et elles constituent donc un socle absolument incontestable pour la connaissance (L’idée de la phénoménologie, ainsi que la deuxième section des Idées directrices ou encore les deux premières Méditations cartésiennes). Le discours husserlien sur le privilège de l’intuition en vertu de son immédiateté non inférentielle se double alors d’un discours sur le privilège des données phénoménologiques en vertu de leur immanence — et donc de leur accessibilité directe — à la conscience. La rhétorique de l’immédiateté évidentielle est alors portée à son comble.
2. L’intuition médiée
20Or, cet idéal de connaissance revendiquant l’évidence immédiate d’une donation originaire a été fortement critiqué de l’extérieur autant que de l’intérieur de la tradition phénoménologique.
21Dans l’école analytique, le recours à l’intuition et à l’évidence a été systématiquement dénoncé au profit de l’analyse logique et conceptuelle. Le projet logiciste de Frege (Grundlagen der Arithmetik, Grundgesetze der Arithmetik) et Russell (Principles of mathematics, Principia mathematica) entend montrer, principalement contre Kant mais aussi contre tous ses héritiers, que les mathématiques sont entièrement déductives et analytiques plutôt qu’intuitives et synthétiques a priori. Dans la foulée, l’empirisme logique esquissé par Wittgenstein (Tractatus logico-philosophicus) et développé par les membres du Cercle de Vienne, en particulier Schlick (Allgemeine Erkenntnistheorie) et Carnap (Der logische Aufbau der Welt), s’efforce d’établir que toute la structure rationnelle des sciences est analytique : si le matériau de la science — les données de base — est empirique (et contingent), son traitement formel est entièrement logique (et nécessaire) ; nul n’est besoin d’autre intuition que l’expérience sensible. Et lorsqu’ils en viendront à reconnaître l’intervention d’une rationalité non strictement logique, comme celle qui structure le champ des couleurs, Schlick (« Gibt es ein materiales A priori? ») et Wittgenstein (Philosophische Untersuchungen) s’efforceront de montrer, contre Husserl, qu’il n’y a là que des contraintes conceptuelles et linguistiques — « grammaticales », dit Wittgenstein — et non pas intuitives. Bien plus, le caractère intuitif de l’expérience sensible elle-même fera l’objet de la très célèbre critique du « mythe du donné » par Sellars (« Empiricism and the Philosophy of Mind ») et par une multitude d’autres auteurs comme Davidson (« On the Very Idea of a Conceptual Scheme », « A Coherence Theory of Truth and Knowledge ») ou McDowell (« The content of perceptual experience », Mind and World), qui contestent la possibilité pour l’expérience de fournir à elle seule de la connaissance et d’entrer par elle-même dans « l’espace des raisons » ; seul le traitement logico-conceptuel de l’expérience peut lui donner une forme propositionnelle susceptible de valeur de vérité et lui conférer un rôle épistémique de justification. Tout cela, on le voit, remet solidement en cause le modèle de la connaissance intuitive immédiate ; toute connaissance et toute justification suppose au contraire une importante médiation logico-conceptuelle.
22Pour critiquer l’immédiateté de l’intuition, cependant, la tradition phénoménologique elle-même n’est pas en reste. Déjà, dans l’immédiate proximité de Husserl, le jeune Heidegger concevait-il l’intuition comme étant nécessairement toujours « compréhensive » et informée par du sens lié à son inscription dans des mondes ambiants discursivement ou même pragmatiquement significatifs (cours Zur Bestimmung der Philosophie de 1919, GA 56/57). Inspirés par ce premier tournant herméneutique, mais attentif aussi aux apports des sciences humaines et du structuralisme — qui insistent sur la culturalité des évidences rationnelles —, de nombreux phénoménologues en viendront à dénoncer le fantasme husserlien d’une connaissance intuitive et son « principe des principes » qui privilégie la présence immédiate ou originaire et condamne par exemple le caractère dérivé et inaccompli de la pensée qui prétend appréhender les choses via les signes (en particulier le langage). C’est notoirement le cas dans La voix et le phénomène de Derrida ou dans Le conflit des interprétations de Ricœur.
23Mais, à vrai dire, si on en revient à l’œuvre même de Husserl, on constate que lui-même n’a en fait cessé d’interroger la notion d'intuition et son apparente immédiateté.
24Dans la mesure, en effet, où l’intuition est envisagée comme remplissement d’intentions de signification, elle est à cet égard fortement orientée, dans sa valeur cognitive et épistémique, par ces intentions — parfois très complexes — qu’elle est amenée à remplir. En particulier, les intuitions catégoriales ne sont rendues possibles qu’à travers des actes « fondés » qui spécifient les formes à présenter dans l'intuition (Recherches Logiques VI, § 46, § 48). De même, comme l’indiquent les Idées directrices (§§ 3-4), les intuitions eidétiques ne sont rendues possibles que par des actes abstractifs qui, par le moyen de variations imaginaires, dégagent les significations générales que les expériences singulières doivent illustrer. Bien loin d’être immédiates — au sens où il suffirait d’« ouvrir les yeux (ou n’importe quel organe récepteur) » —, les évidences fondées doivent être activement constituées par des actes signitifs et intuitifs complexes.
25Husserl, il faut le dire, a eu d’emblée la connaissance mathématique pour objet privilégié de préoccupation. Or, dans ce domaine, il est manifeste que connaître ne se réduit pas à ouvrir les yeux (en ce compris l’œil de la raison) pour saisir ce qui est immédiatement donné. Comme le montrent spectaculairement les développements mathématiques dont Husserl est le contemporain, la connaissance mathématique suppose au contraire des dispositifs assez complexes de production d’évidence. C’est d’ailleurs là le constat de son premier ouvrage, la Philosophie de l’arithmétique, qui observe qu’au-delà des quelques premiers nombres naturels l’essentiel de la connaissance arithmétique se fonde, non pas sur des « représentations propres » de pluralités et sur des opérations intuitives d’assemblage ou de scission de pluralités, mais bien — pour la suite infinie des nombres naturels — sur un système numérique fondé dans la représentation symbolique des nombres en système décimal et — pour tous les nombres rationnels, négatifs, imaginaires, etc. — sur un système d’opérations algébriques qui donne sens à ces nombres comme solutions possibles, quoique non naturelles, à ces opérations de calcul. Ce constat que, comme son maître Kronecker, Husserl estime encore problématique en 1891 sera, dans les années suivantes, pleinement intégré et assumé dans une théorie des « multiplicités », c’est-à-dire de structures correspondant à des systèmes formels qui caractérisent chaque entité par ses liens structurels et opératoires à toutes les autres. De même, constate Husserl à la même époque, en va-t-il en géométrie contemporaine, où l’évidence ne suppose pas seulement des constructions de figures productrices d’intuitions, comme c’était le cas chez Kant, mais bien une caractérisation formelle systématique au moyen d’axiomes et de règles d’inférence qui supposent une médiation logico-symbolique irréductible (HuaXXI).
26Pour cette même raison, soulignera ultérieurement Husserl (notamment dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale et les textes de la même époque comme « L’origine de la géométrie »), la connaissance mathématique est fortement médiée par la tradition scientifique dans laquelle elle s’inscrit. Les évidences qui se présentent à chaque génération de mathématiciens dépendent en grande part des systèmes théoriques progressivement produits par les générations antérieures. Il y a donc une historicité inévitable de l'intuition en mathématique.
27Que, loin de reposer sur l’immédiateté de l’intuition, le savoir mathématique suppose un ensemble, par ailleurs assez diversifié, de dispositifs producteurs d’évidence, c’est là ce qu’après Jean Cavaillès (Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles, Méthode axiomatique et formalisme. Essai sur le problème du fondement des mathématiques) et Jean-Toussaint Desanti (Les idéalités mathématiques), Dominique Pradelle a très justement montré dans un ouvrage récent (Intuition et idéalités).
28Mais ce qui vaut paradigmatiquement pour les mathématiques vaut également pour un grand nombre, voire pour la totalité, des évidences fondées — dans le domaine de la connaissance, mais peut-être aussi de l’éthique, de l’esthétique, etc. — et même peut-être déjà pour ces intuitions dites « simples » qui forment l’expérience sensible, mais n’ont de valeur proprement épistémique qu’à ne précisément pas se réduire à la seule composante matérielle — « hylétique » — du vécu sensoriel.
3. Présentation du volume
29Plutôt que de prendre pour acquise l’immédiateté de l’intuition, il est donc utile de mettre en évidence et d’étudier la diversité des dispositifs producteurs d’évidence qui tout à la fois la rendent possible et la « médient ». Simultanément, en contrepoint de ce travail de distanciation critique à l’égard de la rhétorique de l’immédiateté de l’évidence, il convient de s’efforcer d’indiquer en quoi, malgré tout, l’intuition est, en un sens désormais mieux compris, un mode immédiat de la justification épistémique. C’est à ces deux tâches que s’attellent les textes qui composent le présent volume.
30Intitulé « Des médiations du jugement et de la perception chez Montaigne », le texte de Mathieu Hubert constitue à cet égard un premier jalon. Par la médiation en soi intéressante de l’étude d’une théorie de la connaissance pré-cartésienne, Mathieu Hubert pointe déjà un grand nombre des enjeux phénoménologiques du problème des évidences intuitives (même si Montaigne lui-même n’utilise guère le terme « intuition »). Campé ici en proto-phénoménologue, Montaigne s’adonne en effet à une redoutable critique des prétendues évidences de l’attitude naturelle ; les Essais décrivent inlassablement notre rapport médié à « ce qui est », premièrement, à travers l’analyse de la « coutume », qui nous « desrobbe le vray visage des choses », deuxièmement, par l’étude de la puissance des passions, et troisièmement, par la considération de « la force de l’imagination » — trois éléments médiateurs qui structurent le texte de Mathieu Hubert.
31Mais le plus intéressant tient dans le fait que cette critique des évidences de l’attitude naturelle est essentiellement menée pour mieux souligner le gain réflexif qu’apportent au contraire les évidences non immédiatement évidentes. C’est précisément en prenant conscience de ce que la naturalité des évidences quotidiennes est en réalité le fruit de nombreuses constructions que l’on peut faire place à une connaissance plus authentique qui a le mérite de n’être plus médiée par ce présupposé trompeur ; seul un jugement ainsi purifié par la critique philosophique peut accéder à l’immédiateté véritable, c’est-à-dire à ce que Montaigne nomme la « chose mesme ». Si donc c’est en quelque sorte déjà à une sorte de réduction phénoménologique que Montaigne invite à se livrer, il est intéressant de constater qu’il annonce d’emblée que l’immédiateté ainsi (re)gagnée consiste précisément en un savoir conscient de ce qu’il est lui-même médié ; ce que je peux savoir immédiatement, dit au fond ce Socrate moderne, c’est que je ne sais pas immédiatement.
32C’est encore des évidences de l’attitude naturelle, de leur genèse et de la possibilité éventuelle de s’en détacher pour porter sur elles un regard critique qu’il s’agit dans le texte de Laurent Perreau intitulé « Ce qui va de soi : sur la naturalité de l’attitude naturelle (de Bourdieu à Husserl) ». En fin connaisseur de Husserl, Bourdieu interroge la prétendue naturalité de ce qui va de soi et justifie en permanence un certain ordre des choses. En cultivant les « automatismes », la doxa permet de présenter comme tout naturel un ordre politique arbitraire et, par là, tout à la fois de masquer ses rapports de domination et de les faire admettre par tous comme non questionnables. Sur ce point, souligne Perreau, Bourdieu emprunte en fait à Husserl des notions — « attitude naturelle », « doxa », « habitus » — qui lui permettent de penser en des termes plus neutres ce que d’autres pensent dans les termes marxistes de l’« idéologie ». Ce faisant, toutefois, il travestit un peu la pensée de Husserl, qui faisait de ces notions un usage plus universel pour interroger l’ensemble des structures doxiques du monde de la vie quotidienne et non seulement celles qui sont socialement et politiquement déterminées.
33Dans « L’inconscient social de la perte de l’évidence naturelle : les menus gestes et la formation de sens », Delia Popa s’intéresse elle aussi aux évidences socialement partagées, en questionnant leur caractère immédiatement donné ou « naturel » et en mettant en avant leur caractère construit. Loin d’être tout simplement pré-donnée, l’évidence de ces évidences — le « ce qui va de soi » — se forme au fil de nos actions quotidiennes et de la sédimentation progressive de leur sens dans les gestes rituels de la vie ordinaire. Mais, comme le montre le cas pathologique d’Anna Rau, il est possible de perdre cette évidence des évidences, de ne plus parvenir à saisir le sens des contextes les plus concrets de sa vie, de ne plus comprendre pourquoi on fait telle chose ainsi et pas autrement. Cela se traduit alors par l’impossibilité soudaine d’accomplir les moindres tâches quotidiennes.
34Face à ces situations, Blankenburg propose une méthode thérapeutique « dialectique », qui cherche à débusquer les tournants de l’expérience où le sens d’être au monde a vacillé de manière décisive et à partir desquels il peut être retrouvé. Dans cette démarche, l’έποχή phénoménologique se recommande moins pour son résultat — la mise en question de l’attitude naturelle — que pour son processus — la mise en évidence des résistances à cette mise en question. Retrouver une « habitualité saine », c’est alors se réapproprier certains gestes quotidiens en reconnaissant la dimension éminemment sociale de leur évidence.
35La significativité pratique au fondement des évidences est également au cœur du texte de Marcin Schulz, qui se demande « Dans quelle mesure l’intuition herméneutique est-elle immédiate ? (Sur la réceptivité propre au comprendre chez le jeune Heidegger) ». Prise dans le cadre objectivant de l’attitude théorique, dit Heidegger, l’intuition sensible perd l’immédiateté qui caractérise la donation propre à la praxis concrète pour s’insérer dans des déterminations linguistiques supposément objectives mais précisément décontextualisées et détachées de la signification que la situation pourrait avoir pour le Dasein au sein de son projet existentiel. Abstraite du réseau des significativités pratiques à partir desquelles elle signifie originairement, la teneur de sens se détache alors du rapport immédiat que la vie entretient avec elle-même. Seule possibilité pour retrouver l’immédiateté : réinscrire cette teneur de sens au sein de la praxis phronétique qui l’a fait émerger.
36En mettant d’avantage l’accent sur le fondement linguistique de l’évidence, Augustin Mbenga étudie quant à lui les rapports entre « Signe et évidence dans la phénoménologie de Paul Ricœur ». Le sens, dit l’auteur, est un horizon qui s’ouvre progressivement au fur et à mesure que le sujet entreprend de comprendre les structures qui en dissimulent l’accès. La phénoménologie herméneutique révèle que, loin d’être spontanée, l’évidence est un résultat qui s’obtient par plusieurs médiations, dont en premier lieu celle des signes. Le travail de l’interprétation est alors de rendre possible le sens même de l’évidence. Dès lors, conclut l’auteur, la connaissance est le résultat tout à la fois du sens des signes par lequel elle transite et de la capacité du sujet de les reconstruire pour se comprendre.
37L’historicité des évidences, et de certaines évidences plus particulières, est aussi l’objet du texte d’Andrea Ariotto, intitulé « L’historicité des mathématiques comme forme de médiatisation de l’intuition chez Jean Cavaillès ». Pour Cavaillès, la constitution des idéalités dépend d’exigences qui sont internes à la structuration problématique d’une situation théorique donnée. Dès lors, l’objet mathématique se trouve « toujours corrélatif de gestes effectivement accomplis par le mathématicien dans une situation donnée ». À toute extension du domaine d’objets correspond, corrélativement, une extension de l’expérience. Et l’historicité qui affecte la constitution des idéalités implique, du côté subjectif, une historicisation de l’intuition. L’erreur fondamentale de la position kantienne consistait dans l’interprétation de la structure noématique en termes d’activité noétique, de sorte que ce qui est pensable était alors limité dans ses possibilités par les articulations d’une subjectivité anhistorique. Or, loin de constituer la base immuable permettant de donner une forme représentable aux objets abstraits, l’intuition doit être comprise comme une possibilité opératoire au sein d’un domaine d’idéalités, possibilité opératoire qui est évolutive : une fois constitué par des procédés formels, un certain domaine d’objets devient la base intuitive d’effectuation de nouvelles opérations.
38Les mathématiques constituent également le champ de réflexion de Gabriele Baratelli dans « Le formel entre intuition et médiation symbolique ». Les mathématiques modernes et surtout contemporaines — à partir du XIXe siècle — ont développé des systèmes symboliques permettant de dégager une multitude de résultats inaccessibles à l’intuition (sur les figures géométriques, sur les quantités effectives, etc.). La question est alors de savoir si ces systèmes formels ont pour vocation de remplacer l’intuition, comme le pense Frege, ou plutôt de permettre de nouvelles intuitions, lesquelles seraient alors médiées par un système symbolique, comme le suggère Husserl ; et, dans le second cas, s’il est ou non possible de ramener ces intuitions médiées à des intuitions immédiates.
39C’est encore d’évidence de nécessité qu’il s’agit dans le texte de John Rogove, « Non-sens, contresens et intuition grammaticale : Wittgenstein, Husserl et quelques autres sur la constitution des objets impossibles ». Nous avons l’intuition de certaines impossibilités, comme celle pour un carré de n’avoir pas quatre côtés (impossibilité formelle, analytique) ou celle pour un carré d’être rond (impossibilité matérielle a priori). Wittgenstein estime que ces intuitions d’impossibilité sont médiées par les règles du langage tout autant que les principes grammaticaux qui interdisent que la conjonction de coordination « ou » apparaisse comme attribut dans une phrase comme « vert est ou ». Husserl, pour sa part, estime que, contrairement à l’intuition des non-sens, l’intuition des contresens matériels n’est pas médiée par le langage ; elle est bel et bien éprouvée dans l’expérience
40Si les textes précédents s’efforcent de faire l’inventaire de ce qui est proprement immédiat et de ce qui est irrémédiablement médié dans divers types d’intuitions au fondement de nos connaissances, ainsi que de montrer comment un savoir nouveau peut-être gagné à précisément mettre en évidence ces multiples médiations, les deux derniers textes du volume, tous deux en anglais, entendent pour leur part repenser les notions mêmes d’« intuition » et d’« immédiateté » pour expliquer en quoi, bien que médiées, les intuitions constituent néanmoins une source à certains égards immédiate de justification de la connaissance.
41Dans « Intuition is not (always) immediate, and this is good news! », Leonardo Ceragioli et Valentina Luporini s’intéressent aux rapports entre le sens épistémique d’« intuition », qui est restreint à la justification non-inférentielle d’énoncés de base, et le sens phénoménologique d’« intuition » lié à l’impression que certains énoncés, y compris des énoncés inférés, sont évidents. Les intuitions épistémologiques sont en fait une sous-catégorie des intuitions phénoménologiques et correspondent à ce que l’on appelle les intuitions phénoménologiques « immédiates ». En un autre sens, on peut aussi, parmi ces intuitions phénoménologiques immédiates que sont les intuitions épistémiques, distinguer entre celles qui sont « immédiates » — en ce qu’elles accompagnent immédiatement la compréhension de l’énoncé — et celles qui ne le sont pas — dans la mesure où elles requièrent une étape d’investigation supplémentaire au-delà de la compréhension.
42Lorsqu’il s’agit du sens phénoménologique et non épistémique d’« intuition », se pose la question des rapports entre l’intuition d’un théorème et l’intuition de sa preuve, mais aussi des avantages possibles, pour un théorème, d’être d’emblée intuitif ou d’être fondé sur une preuve qui est intuitive — alors qu’être fondé sur une preuve formelle est en principe suffisant pour ce qui est de la justification épistémique. Le texte s’appuie sur de nombreux exemples pris dans divers champs des sciences formelles (mathématiques, théorie des ensembles, logique), mais aussi parmi les lois a priori de la perception.
43Enfin, dans « Demystifying Originary Givenness », Philipp Berghofer s’efforce de montrer que les thèses qui sont au fondement de la théorie intuitionniste de la connaissance échappent aux objections de Sellars contre le mythe du donné. Ces thèses sont les suivantes :
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45C1. Toute expérience présentative originaire est source de justification immédiate.
46C2. Les expériences présentatives originaires sont notre source de justification ultime.
47C3. Les expériences présentatives originaires tiennent leur force justificative de leur caractère phénoménal de donation originaire.
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49Contrairement à ce que prétend Sellars, ces thèses ne prétendent pas que les expériences sont des « fenêtres transparentes » à travers lesquelles les objets seraient donnés pour ce qu’ils sont indépendamment de tout facteur subjectif. Qu’une expérience résulte d’un phénomène antérieur d’apprentissage par expérience ou d’acquisition conceptuelle n’empêche pas qu’elle soit originairement présentative. La raison pour laquelle l’expérience est originairement présentative ne compte pas pour déterminer son statut épistémique. De même, le fait que certaines croyances aient été engendrées à partir d’autres croyances n’empêche pas qu’elles soient indépendantes de ces croyances dans le registre de la justification. Même si le fait de voir un visage fâché est influencé par des croyances préalables, il constitue une justification immédiate de croire que la personne est fâchée. Enfin, les thèses intuitionnistes n’impliquent pas le fondationalisme fort (que critique BonJour) selon lequel les croyances de base seraient infaillibles et incorrigibles. Elles sous-tendent plutôt un fondationalisme modéré lié à l’idée d’une justification prima facie qui peut être défaite par des évidences futures et même par des justifications inférentielles. Mais la possibilité de ces réfutations ultérieures ne retire pas aux évidences qui justifient les croyances de base leur caractère originaire et leur force justificative.
Sommaire. Introduction : Questionner l’évidence intuitive (Bruno Leclercq, Grégory Cormann, Jérôme Flas), p. 1-15. — Des médiations du jugement et de la perception chez Montaigne (Mathieu Hubert), p. 16-46. — Ce qui va de soi : sur la naturalité de l’attitude naturelle (de Bourdieu à Husserl) (Laurent Perreau), p. 47-63. — L’inconscient social de la perte de l’évidence naturelle : les menus gestes et la formation de sens (Delia Popa), p. 64-86. — Dans quelle mesure l’intuition herméneutique est-elle immédiate ? (Sur la réceptivité propre au comprendre chez le jeune Heidegger) (Marcin Schulz), p. 87-106. — Signe et évidence dans la phénoménologie de Paul Ricœur (Augustin Mbenga), p. 107-120. — L’historicité des mathématiques comme forme de médiatisation de l’intuition chez Jean Cavaillès (Andrea Ariotto), p. 121-146. — Le formel entre intuition et médiation symbolique (Gabriele Baratelli), p. 147-162. — Non-sens, contresens et intuition grammaticale : Wittgenstein, Husserl et quelques autres sur la constitution des objets impossibles (John Rogove), p. 163-179. — Intuition is not (always) immediate, and this is good news! (Leonardo Ceragioli et Valentina Luporini), p. 180-204. — Demystifying Originary Givenness (Philipp Berghofer), p. 205-219.
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