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- Volume 6 (2010)
- Numéro 10
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Attentivité et responsivité
Résumé
La présente étude prend son point de départ dans les cours donnés par Husserl à Göttingen dans les années 1904-1905, Hauptstücke aus der Phänomenologie und Theorie der Erkenntnis. À partir des notions ébauchées dans ces cours de jeunesse, nous aimerions indiquer quelques possibilités encore largement inexploitées concernant l’analyse de l’intersubjectivité. Les thèmes de l’attentionnalité (Attentionalität) et de l’interattentionnalité seront ainsi présentés à partir d’une comparaison entre l’attention (Aufmerksamkeit) active et passive d’une part, et l’attentivité (Aufmerksamsein) à l’égard de l’Autre et la responsivité dans la coexistence humaine d’autre part. L’attentionnalité apparaîtra alors comme la structure fondamentale de l’expérience humaine, constituée de l’alternance d’une formation de sens (Sinnbildung) dans l’indisponible et d’une institution de sens (Sinnstiftung) de la conscience intentionnelle. Notre réflexion sur la notion de l’interattentionnalité nous amènera à démontrer que cette alternance constitutive de l’expérience possède des caractéristiques spécifiques qui se manifestent dans la rencontre avec l’Autre. Ce sont ces caractéristiques que nous aimerions pouvoir démontrer à partir des analyses phénoménologiques qui suivent.
Abstract
The starting point of this article is the course Husserl gave in Göttingen in the years 1904-1905, entitled Hauptstücke aus der Phänomenologie und Theorie der Erkenntnis. Starting from some notions sketched in this early course, I indicate some largely unexploited possibilities in the analysis of intersubjectivity. Attentionality (Attentionalität) and interattentionality are described by contrasting active with passive attention (Aufmerksamkeit) on the one hand, attentiveness (Aufmerksamsein) to the Other with responsiveness in human co-existence on the other. Attentionality is then showed to be the fundamental structure of human experience, consisting in an alternation of sense-fashioning (Sinnbildung) and intentional sense-institution (Sinnstiftung). Further reflection on interattentionality finally allows me to show that this alternation constitutive of experience has special features which are revealed in the encounter with the Other. The aim of the following phenomenological analyses is to elucidate these latter features.
Table of content
Introduction
1Dans un premier temps, nous esquisserons fort sommairement la polarité entre la fonction active (théorique, volontaire, déclarative) et la fonction passive (pratique, dispositionnelle et en quelque sorte « procédurale ») de l’attention ébauchée dans les premières analyses de Husserl1. Nous examinerons ensuite l’élargissement de la notion d’intérêt en direction des processus d’habitualisation qui sont responsables du développement des horizons d’expérience du sujet. Ces analyses nous amèneront à décrire l’attentionnalité comme la structure fondamentale de l’expérience et de voir en quoi le phénomène de l’attention représente un problème central pour une théorie phénoménologique de l’intersubjectivité.
2Cet intérêt pour la question de l’intersubjectivité se justifie par le fait que l’Autre demande de l’attention de façon éminente, c’est-à-dire qu’il réclame notre attention sous une tout autre forme que ne le font les choses de par leurs qualités et leurs forces affectuelles. La manière dont nous accordons de l’attention à l’Autre a, en outre, une importance éthique-normative. Afin de pouvoir thématiser cette dimension normative du problème, il nous apparaît important d’examiner de près le phénomène de l’attention conjointe ou de l’interattention. Lorsque nous parlons d’attention conjointe, il est question d’un co-attendeur (Mitaufmerkender) à qui nous faisons face sous un mode fondamentalement différent de celui sous lequel nous faisons face aux choses qui nous entourent. Dans les épisodes d’attention conjointe, notre attention circule dans la sphère des attributions intersubjectives et nous revient toujours d’une certaine façon ; c’est-à-dire qu’elle surpasse la direction d’attention volontairement contrôlée et produit des effets dans la sphère sociale qu’elle ne peut, en principe, produire dans la sphère des choses. Étant donné que l’interattentionnalité dépasse de cette manière le cadre étroit de l’attentionnalité, il nous apparaît nécessaire de développer un langage adapté aux notions d’attentivité et de responsivité sur la base des modes de l’attention active et passive. Il nous faudra donc, en conclusion, examiner la transition qu’une phénoménologie de l’attention doit effectuer si elle veut rattraper la dimension de l’attention conjointe constitutive de la sphère intersubjective et les problèmes de la responsabilité et de la reconnaissance qui y sont liés.
Les analyses de l’attention dans les Hauptstücke de 1904-1905
3L’attention a très tôt préoccupé fortement Husserl. Dès sa thèse d’habilitation Über den Begriff der Zahl2, Husserl s’est penché sur la formation des collectivités et pose le problème de l’attention depuis l’opposition apparente entre la saisie d’ensembles (Herausmeinen von Inbegriffen) et « l’étroitesse de la conscience », piste de réflexion largement connue dans la psychologie de son temps et qu’il a lui-même poursuivie avec beaucoup d’intérêt. Dans son cours sur la psychologie de 1891-1892, il traite encore une fois de ce même thème3 et lui consacre, en 1898, un essai connu sous le titre Über Wahrnehmung4. Le cours de 1904-1905 — qui nous intéresse ici particulièrement — peut être considéré comme une présentation à la fois plus détaillée et, sur certains points, encore plus vaste des résultats des analyses que Husserl a effectuées dans les Recherches logiques (particulièrement celles de la Ve Recherche) sur le lien entre la perception et l’attention, ou l’intentionnalité et l’attentionnalité. Il convient de rappeler que l’objectif de ce cours est de clarifier la structure des actes intellectifs élémentaires, comme ceux de « la perception externe et la perception interne, ceux de la conscience du temps et de l’expérience, le souvenir, l’attente, l’attention, la compréhension, l’explication »5. Ces analyses complètent, d’une certaine manière, ce qui a été dit dans la deuxième partie des Recherches logiques et qui portait, par contraste, sur les actes de connaissance plus élevés (par exemple les actes catégoriaux ou les actes propositionnels). Sous le titre général de l’attention (Aufmerksamkeit), Husserl subsume donc toute une série de notions, dont la teneur exacte est chaque fois précisée dans des analyses particulières. Mis à part les notions centrales des Hauptstücke vers lesquelles nous allons nous tourner à l’instant — Meinung et Interesse — il faut aussi mentionner celles de « représentation », de « thème », de « tendance » et d’ « explication ».
Visée et intérêt
4En déterminant l’attention dans les Hauptstücke d’une part comme visée (Meinung) et d’autre part comme intérêt (Interesse), Husserl s’approche du phénomène de l’attentionnalité par une voie indirecte. Les explications de Bernhard Waldenfels sont à cet égard très éclairantes : « Porter attention à la chose remarquée signifie d’une part une visée explicite de celle-ci, ce qui représente le côté cognitif de l’attention, et d’autre part un intérêt préféré, ce qui représente le côté affectif et pratique6. » Il est important de réaliser que la dimension passive de l’expérience, laquelle sera traitée en détail plus tard dans les Analyses sur la synthèse passive, est déjà indiquée ici dans ce cours de 1904-1905 par le biais de la distinction entre l’attention active (que l’ego porte volontairement sur quelque chose) et le remarquer passif d’une chose qui s’enlève ou se démarque involontairement d’autres choses7. Husserl opère ici à partir « d’une échelle graduelle d’activité et de passivité »8 qui mine a priori la distinction, introduite par William James et qui était toujours à l’œuvre dans la psychologie du temps de Husserl, entre l’attention active et l’attention passive.
5Comme nous venons de le suggérer, la question qui nous occupe ici monopolisait aussi les recherches en psychologie. Pour le dire simplement, la question était de savoir si l’on doit saisir l’attention comme une faculté unique et uniforme ou plutôt comme une pluralité de processus particuliers pour certains secteurs d’objectivité particuliers. La différence introduite par Husserl entre la visée et l’intérêt a ceci de particulier qu’elle lui permet de subsumer une série de phénomènes différents sous la notion de l’attention et de comparer les différentes caractéristiques des modes attentionnels. Les plus importantes de ces caractéristiques sont le caractère fondé et l’opérativité, la liminalité, la sélectivité et la limitation, l’illuminativité ainsi que l’égoïté.
6Husserl définit la visée comme l’intentionnalité au sens précis, comme « ce qui dépasse la simple appréhension (Auffassung) »9. C’est dans l’appréhension que quelque chose en général acquiert une objectivité. Un objet particulier peut alors être sélectionné et visé ; il peut devenir thématique pour lui-même. L’appréhension, qui ouvre avec la présentation « d’objets en général » une diversité de possibilités de perception pour la conscience, requiert ainsi une visée intentionnelle pour donner un objet intentionnel uniforme et particulier. Cette perception qui vise l’objet est une visée intentionnelle explicite qui s’accompagne toujours en même temps d’une visée concomitante et de ses objets. La table sur laquelle se trouve le livre qui a mon attention est elle-même implicitement coperçue dans la perception du livre10.
7Pour autant que la visée intentionnelle requiert une appréhension fondante (fondéité), elle a une « fonction plus élevée »11 qui opère comme « facteur préférant et organisant »12 dans la perception des choses prédonnées (opérativité). La visée permet la sélection d’ensembles (Inbegriffe) à partir de la pluralité des objectivités appréhendées (sélectivité) et prête à l’appréhension le caractère d’indépendance, c’est-à-dire que c’est uniquement dans l’attention qu’ « un objet est là pour lui[-même] »13. En outre, la visée produit la clarté et l’évidence de la perception (l’illuminativité)14. Dans la mesure où une perception expresse de quelque chose va de pair avec l’attention, celle-ci est en quelque sorte un « seuil de l’apprésentation », la limite de l’expressivité dans la perception (on parle ainsi de liminalité). L’attention, enfin, a un caractère égologique (égoïté), du fait que l’ego est le pôle de ses activités et de ses affectivités ; il est pour ainsi dire le centre d’irradiation et de rayonnement de l’attention.
8Selon Husserl, la visée peut, en principe, se tourner vers chaque moment d’un objet. « Sur la base de la même objectivité (Gegenständlichen), des mêmes relations objectives, une visée s’accomplit en préférant un membre principal. Tout autre membre pourrait tout aussi bien être préféré et transformé en un point de référence15. » En principe, cela semble bien fonctionner ainsi, mais l’exécution concrète de la visée dépend tout à fait des particularités noématiques des membres de la totalité présentés dans la perception. Husserl fait ainsi valoir que c’est, au contraire, « la particularité de la visée et non pas la particularité de la “chose” »16 qui rend possible les différents points de vue de la chose. Or, il y a des limites à l’orientation volontaire de la visée. Husserl souligne lui-même le lien de « dépendance » entre l’attention et « la particularité du donné »17. « Viser » (absehen auf) volontairement des éléments dans un champ de perception donné et en « faire abstraction » (absehen von) suppose qu’ils soient eux-mêmes déjà donnés, qu’ils soient en quelque sorte normalisés. Normalisation veut dire ici qu’aucun des éléments n’exige a priori une direction attentionnelle particulière (laquelle serait causée, par exemple, par des caractères marquants, comme le contraste ou l’intensité des qualités senties). Le « viser » actif ne plane pas librement sur les choses ; il est plutôt lié essentiellement à eux. L’aspect non volontaire de la perception, le fait d’être passivement attiré par des attracteurs (c’est-à-dire par des objets ou des moments objectifs qui exigent une attention particulière) précède toujours l’accès volontaire de la visée intentionnelle. Dans les Analyses sur la synthèse passive, Husserl a souligné à plusieurs reprises cette relation fondationnelle.
9Ce que Husserl détermine comme intérêt par opposition à visée indique bien ce qu’il entend par la dimension affective-passive, car il y a toujours quelque chose qui précède l’acte de prêter attention et qui réveille mon intérêt — que ce soit un intérêt actuel inhérent à la perception pour la donnée évidente de l’objet, ou un intérêt passé et réactivé pour une certaine connaissance de l’objet. Selon Husserl, c’est dans un tel éveil affectif que l’intérêt se fonde comme acte visant, lequel appartient à la même classe d’actes sous laquelle tombent aussi le « vouloir » et l’ « attendre » par exemple. Précisément, l’intérêt est « un acte étrangement compliqué, qui dans son unité fusionne une multiplicité de tensions et de résolutions »18. En outre, l’intérêt peut être qualifié comme « force favorisant le remarquer » (das Bemerken fördernde Kraft)19 ; il « se tourne vers des objets de connaissance, mais il se lie sur des actes de connaissance, il se base sur ces actes. C’est pourquoi il agit comme moteur du processus de connaissance »20. L’intérêt, pourrions-nous aussi dire, vise la donnée adéquate de l’objet de connaissance, c’est-à-dire l’évidence. Étant donné que l’attention semble être pour Husserl et plusieurs des psychologues de son temps une ressource limitée distribuée dans le champ de la perception, l’intérêt, en tant que force, demeure liée au motif de l’étroitesse, voire de la finitude de la conscience. Ainsi, « l’étendue de la présentation vivante »21 est codéterminée largement par l’intensité de l’intérêt. Dans quelle mesure l’intérêt est intensif et peut s’intensifier, cela dépend des dispositions d’expérience qui constituent l’arrière-plan habituel de la direction d’intérêt. L’étendue et l’intensité de l’intérêt peuvent être élargies et renforcées dans certaines limites. Les deux aspects peuvent être cultivés, dans le sens d’un éthos de l’attentivité, et solidifiés comme un « habitus dispositionnel »22. Une telle formation a lieu généralement dans le cadre des instructions, des pratiques instruites (par exemple pour l’augmentation de concentration) et des pratiques culturelles en général. Ce qui se présente dans le champ de la perception objective comme des structures aptes à rediriger l’attention facultative et spontanée a ses racines dans la médiation intersubjective des routines et normalités attentionnelles. Ces formes d’ « acquisitions durables » forment « l’horizon vivant » de l’expérience23, dans lequel le sujet est relié aux choses et aux autres sujets et dans lequel il réagit par rapport à eux.
10Avant de conclure cette partie, nous allons nous pencher brièvement sur les différentes structures d’accomplissement de la visée et de l’intérêt. Tandis que la visée est objectivante et prend comme objet un objet d’un certain type délimité en soi, elle n’a pas, pour cette raison même, une « base de sentiment » et ne connaît « pas d’intensité »24. L’intérêt est quant à lui « un acte d’esprit » (Gemütsakt) dont l’accomplissement représente une satisfaction. La différence entre les deux types d’intention est ainsi fondée dans le caractère de l’accomplissement, qu’on qualifie de satisfaction dans le cas de l’intérêt et comme simple confirmation dans le cas de la visée25. « Le rythme de tension et de détente dans l’acte temporellement continu de l’intérêt est strictement uniforme malgré tout le changement interne, et il excite l’envie, laquelle est étroitement fusionnée avec le déroulement entier de celui-ci26. » L’intérêt s’accompagne de sentiments (l’envie, le déplaisir, l’ennui, etc.) — lesquels sont d’ailleurs à peine thématisés en tant que tels dans les Hauptstücke — et gagne à travers ceux-ci en intensité : « Ainsi les sentiments se présentent-ils comme les sources et moteurs réels de l’intérêt27. » L’intérêt ne se dirige pas vers les sentiments ou vers les actes de la perception eux-mêmes, il n’aspire pas non plus à une augmentation des sentiments, il vise plutôt l’objet de la perception : « C’est le remarqué qui apparaît comme l’objet de l’intérêt, non pas l’acte de remarquer. [...] Je porte mon attention sur l’objet, je m’intéresse à l’objet, non pas : je m’intéresse à l’acte de percevoir28. » Ce sur quoi mon intérêt se dirige dépend de « l’habitus » que j’ai formé, avec le temps, dans ma relation avec les choses et les personnes. « La notion d’attentivité implique ainsi l’idée d’un comportement en habitus. Ce complément se dit facilement : en tant qu’habitus, l’attentionnalité n’est pas seulement “être attentif à”, mais c’est aussi toujours devenir attentif de nouveau, et ce à l’intérieur de l’unité d’un complexe d’intérêt29. » L’attentivité comme être-attentif actuel implique ainsi un arrière-plan d’intérêt habitualisé qui « rend attentif »30 avant même qu’on ne le soit volontairement. Le résultat est une structure de double acquisition habituelle fondant des procédures attentionnelles d’une part et d’attention actualisante et modifiante d’autre part — une structure double de disposition et d’acte.
Interattentionnalité
11Dans l’expérience de l’autre (Fremderfahrung), on a affaire à une relation réciproque entre différents types d’attention. L’analyse de cette relation doit partir du fait que dans les épisodes d’attention conjointe, les coattendeurs constituent réciproquement leur propre expérience. Dans ces analyses sur l’intersubjectivité, Husserl a analysé plusieurs aspects de cette coconstitution, dont la coaffection, l’empathie et le mode spécifique d’accomplissement de l’interattention. Avant de s’y consacrer, il est important de comprendre l’attention conjointe en tant que mode d’accomplissement dans sa spécificité. Pour une telle analyse, deux modalités de l’attention conjointe sont à examiner — soit le mode dyadique et le mode triadique. Contrairement à l’approche d’A. Hahn, qui part d’une notion faible d’interattention déterminée comme « attention d’attention »31, il nous semble préférable de partir d’un concept qui souligne la communauté de l’expérience. C’est que nous ne sommes pas uniquement attentifs à l’attention de l’Autre, mais toujours aussi au fait que nous portons notre attention sur quelque chose conjointement. Cet « ensemble » des attentions est lui-même co-visé32. Dans sa structure d’accomplissement spécifique, cet être-ensemble des visées (Zusammenmeinen) se compose d’actes de perception, de conviction et d’attribution. Une attribution primaire d’intentionnalité à l’Autre (B) rendue possible par sa simple apparition physique, me permet (A) de suivre l’attention qu’il porte (B) à un objet (C). Tandis que je fais abstraction de l’Autre (de B) et que je vise l’objet C, je suspends la perception du corps de B et me trouve dans une communauté unilatérale d’attention qui, de son côté, résulte de ma conviction de la direction intentionnelle prise par B et la perception de son objet attentionnel. Dans cette suspension, le lien entre l’attention et le souvenir primaire est évident, car B est conservé rétentionnellement comme point de départ de mon mouvement attentionnel, de sorte que je peux toujours y retourner. Et s’il est également conscient de mon attention, lorsque je lui porte mon attention de nouveau, une nouvelle qualité d’expérience surgit. Lorsque les deux attentions s’unissent, une sorte de tension se réalise comme tendance sociale.
12Si les mouvements d’attention se résolvent de cette manière, on peut parler d’interattention triadique. Les deux individus sont conscients de C comme objet d’attention conjointe. Dans l’interaction quotidienne « normale », de telles situations triadiques sont fréquentes pour réaliser certaines intentions communicatives33. On peut aussi recourir à ce modèle pour analyser la structure communautaire de l’expérience elle-même. Comme les anthropologues Michael Tomasello et Josep Call l’ont montré, la tendance à la réalisation des épisodes triadiques est un trait anthropologique des plus fondamentaux34. Cela est particulièrement évident dans le « montrer déclaratif ». Lorsque l’on montre déclarativement (« regarde la belle fleur »), on fait remarquer à quelqu’un quelque chose sans pour autant établir soi-même un rapport pragmatique à la chose. Si l’Autre établit le rapport souhaité avec la chose indiquée (s’il regarde, par exemple, la belle fleur que je lui ai montrée), l’intention est accomplie — on se réjouit de part et d’autre de l’expérience ainsi partagée. En ce qui concerne les primates, seul le montrer impératif a pu être corroboré par des études expérimentales. Le renvoi a alors toujours à voir avec une quelconque sorte d’instruction — dans la plupart des cas, il s’agit pour le sujet de donner ou de prendre de la nourriture.
13L’interattention dyadique pourrait être interprétée comme cas particulier de l’attention triadique. Tel est le cas lorsqu’il n’y a pas d’objet tiers dans le complexe attentionnel. Les deux individus s’occupent ainsi exclusivement l’un de l’autre. Paradigmatique pour cette forme dyadique est le simple fait de se regarder dans les yeux, situation qui, selon le mot de Georg Simmel, est un état de « réciprocité complète »35 où l’un est une sorte d’alter ego pour l’autre. Paradoxalement, on est auprès de soi-même dans le visage de l’autre. C’est en effet par le biais d’un détour par l’autre que la relation à soi se produit ; ce rapport à soi, je le répète, ne peut être atteint que par ce détour. Dans le monde social, la contemporanéité de l’être-auprès-de-soi de l’attention des objectivités et l’être-auprès-de-l’Autre de l’attention conjointe représente un véritable défi pour l'action. En effet, la façon dont on dirige son attention dans le champ de perception dépend largement de la façon dont l’attention des autres se déploie. Je les regarde et j’aligne mon attention sur la leur. En revanche, cet ajustement des attentions individuelles en fonction de celles des autres influence chaque situation privée, autant la mienne que celle de l’autre. La construction et l’habitualisation culturelles, l’homogénéisation et l’hétérogénéisation des structures attentionnelles dans le processus de la socialisation est en ce sens une dimension particulièrement intéressante et importante, qui, cependant, n’a été, jusqu’ici, que très peu éclairée dans les recherches.
14 Une genèse passive est à la base de ces épisodes d’attentionnalité commune, laquelle détermine essentiellement le rapport à soi et à l’autre. Dans l’expérience de l’autre (Fremderfahrung), l’Autre m’est déjà donné comme Autre, comme autre personne que moi. Son apparition comme autre pour moi n’est le résultat ni de mes propres actes de perception, ni d’inférences logiques, mais plutôt celui d’une aperception analogique, qui dans la perception des autres est toujours déjà à l’œuvre36. L’important ici est de bien voir que la paire associative de l’ego et de l’alter ego est un mode de la genèse passive, laquelle est indissociable de la dimension charnelle (Leiblichkeit). À partir d’une évidence analogisante (analogisierende Anschauung) de mon corps propre, l’Autre obtient le caractère de sujet corporel. C’est la raison pour laquelle la communauté des attentions communes est aussi une communauté fondée corporellement. La proximité et la distance des autres dans des situations d’attention commune n’est donc pas, en premier lieu, une attention cognitive ayant à voir avec la compréhension des intentions de l’Autre, mais plutôt une attention corporelle. Dans l’espace corporel de l’interattentionnalité, des tendances affectives s’échangent de part et d’autre entre moi et les autres. Husserl décrit ces tendances affectives comme « affections pratiques »37. Ce sont des affections qui partent de moi en tant qu’être-là (daseienden Menschen) et qui se distinguent par là des affections passives liées aux perceptions d’objets. À partir de la connexion de ces affections pratiques circulant dans la sphère intersubjective se forme un rapport de motivation passif, dans lequel peut se développer ce que nous aimerions appeler plus tard un « intérêt pratique » entendu au double sens d’un intérêt pour les autres (am und für die Anderen).
15Si on veut analyser les caractères spécifiques de l’attention conjointe en correspondance avec la différence spécifique que Husserl a élaborée entre les différents modes d’accomplissement de l’attention individuelle, il faut se pencher sur ce qui suit. Dans la rencontre avec l’Autre, la perception de l’Autre est plus qu’une simple visée. D’ores et déjà, un intérêt est lié à cet Autre — intérêt qu’il suscite et que je lui attribue. L’attention conjointe peut être produite, comme nous avons vu, de manière différente et dans des buts différents. Dans le cas du montrer impératif, l’accomplissement de l’intérêt se développe comme satisfaction de manière purement instrumentale et qui se réalise lorsque l’objectif est atteint38. Dans ce cas, l’intérêt ne s’adresse pas à la communauté d’expérience ; elle porte plutôt sur un objet tiers, pour l’obtention duquel, par exemple, on nécessite justement l’intervention de l’Autre. Ainsi se réalise un intérêt purement instrumental. C’est tout à fait différent dans les situations d’attention conjointe « déclarative ». Dans ce cas, il y a une référentialité-à-soi particulière de l’intérêt en vertu du détour par l’Autre. Dans le montrer déclaratif, l’intérêt s’accomplit et mène à une satisfaction chez le sujet si les attentions coordonnées se résolvent dans l’expérience conjointe d’une chose tierce (ou dans le mode dyadique dans l’expérience de l’Autre). L’important, c’est de réaliser qu’il n’y a pas ici d’instrumentalisation de l’Autre ; l’Autre n’est pas un moyen pour arriver à d’autres fins, c’est plutôt la communauté de l’expérience elle-même qui est la fin en soi.
16L’attention peut ainsi s’entendre comme medium social. En tant que phénomène social, elle a un caractère public, elle est, comme le dit l’anthropologue culturel Clifford Geertz, une « source extrinsèque d’informations »39. L’attention peut toujours, dans une certaine mesure, être suivie par des tierces personnes. On peut donc toujours, jusqu’à un certain point, tenter de donner une explication des intentions possibles de l’attendeur ; son caractère est, dans une certaine mesure, réfléchi dans les mouvements d’attention. Avec Husserl, on pourrait ici se demander comment il est possible de supposer un mouvement attentionnel chez l’Autre. En ce qui concerne les phénomènes de la vie psychique des autres, il nous apparaît possible, d’un point de vue phénoménologique, de développer un accès compréhensif à ces vécus « originairement inaccessibles »40. La thématique de l’étranger gagne en importance et en actualité dans la compréhension de la vie attentionnelle de l’Autre41. Sur le plan de la compréhension, l’attention est un moyen de notre intentionnalité ascriptive et empathique, qui nous permet d’éprouver la valeur des états psychiques des autres. Si nous portons notre attention sur ce qui semble identique dans le comportement de l’Autre (dans son « Gebaren »42, comme dit Husserl), nous pouvons faire des inférences concernant certains états psychiques. L’attention est ainsi aussi une médiation interindividuelle d’états psychiques.
Le caractère responsif de l’attention
17La perception fait toujours signe au-delà d’elle-même. Le problème de la perception conduit ainsi inévitablement au problème de l’attention. « Le problème, comme l’explique très justement B. Waldenfels, c’est que seuls quelques éléments ressortent de notre champ visuel, tandis que d’autres se retirent. Nous ne visons pas seulement plus que ce qui affecte nos sens, mais aussi moins43. »
18L’événement de l’attention commence toujours avant que j’en prenne conscience. Au moment où l’ego remarque une chose, il est toujours déjà le pôle de son « rayon d’attention » en tant que sujet habitualisé — avec les acquisitions durables de ses structures attentionnelles, comme ego mondain et constitué corporellement. « Lorsque l’acte de remarquer ne commence pas chez soi et avec soi-même (bei und mit sich selbst), il n’a pas un caractère spontané, mais plutôt un caractère responsif marqué chaque fois par une véritable dimension d’après-coup (Nachträglichkeit)44. » Waldenfels interprète cette dimension d’après-coup comme décalage temporel s’accompagnant d’une différenciation intrasubjective qui met ainsi en œuvre un sujet d’expérience qui se précède lui-même. « Le report temporel (Zeitverschiebung) qui nous occupe ici ne veut pas dire que quelque chose précède mon initiative selon le schéma classique de la causalité selon lequel la cause apparaît avant son effet, mais plutôt que nous nous précédons nous-mêmes dans l’expérience45. » Cela est très juste, mais il faut aussi souligner la valeur transcendantale (au sens de la condition de possibilité) de la structure fondamentale de l’attentionnalité comme événement responsif. La Nachträglichkeit temporelle horizontale est donc tout aussi bien une Nachträglichkeit verticale, entendue ici comme « décalage de niveaux », où la dimension de la passivité forme la couche fondante de toutes les activités égoïques. Le processus de l’habitualisation, de la sédimentation et de la formation des horizons d’expérience peut ainsi être compris comme dépôt (Einlagerung) des structures attentionnelles de la structure temporelle et horizontale de l’expérience dans la structure verticale de la genèse transcendantale.
19Très tôt, Husserl a fait une distinction « entre une attention primaire, qui nous surprend, et une attention secondaire, qui se base sur un répertoire de caractères marquants »46. La caractère nouveau de l’expérience ou le fait de faire-une-expérience (Erfahrung-machen), tel qu’il est souligné dans la tradition allant de Hegel à Gadamer, peut ainsi être pensé conjointement avec l’idée d’avoir de l’expérience (Erfahrung-haben), c’est-à-dire avec la notion d’expérience qui est saturée d’acquisitions habituelles. La lignée des différentes phénoménologies de l’expérience ou de « phénoménologies éprouvées » (erfahrende Phänomenologie) issues de Husserl47 (nous pensons ici entre autres à la phénoménologie du « sens sauvage »48 de Merleau-Ponty, à la phénoménologie du langage de Marc Richir49, et à celle élaborée plus récemment par László Tengelyi50), indique chaque fois une tension entre une constitution de sens (Sinnbildung) dans l’indisponible et une donation de sens (Sinnstiftung) dans la conscience intentionnelle. Une telle phénoménologie éprouvée se situe, d’un point de vue méthodologique, quelque part entre la psychologie descriptive et la phénoménologie transcendantale. Les deux sont des doctrines ou des sciences eidétiques (Wesenslehre) : il y a en effet une eidétique descriptive et une eidétique transcendantale. La phénoménologie en tant que psychologie descriptive « distille » les structures eidétiques des opérations de la conscience empirique, tandis que la phénoménologie transcendantale étudie la nature et les couches essentielles de l’ego transcendantal. La phénoménologie éprouvée veut quant à elle sensibiliser les indisponibilités constitutives de l’expérience, lesquelles ne peuvent ni être supprimées ni effacées dans aucune détermination ou définition eidétique. L’attentionnalité peut être comprise comme l’ensemble constitutif de ces indisponibilités et de ces institutions de sens dans la conscience intentionnelle.
20László Tengelyi insiste en ce sens sur l’idée de faire une expérience : « Contrairement aux mises à l’épreuve uniformisées artificiellement en science et qu’on appelle expériences, on doit faire face quotidiennement à l’expérience qu’on fait51. » Selon Hegel ou encore Gadamer, la particularité essentielle de l’expérience réside dans le fait qu’elle peut faire apparaître quelque chose d’ « imprévisible-nouveau » (Unvorhersehbar-Neues)52. On dira alors qu’elle invalide une anticipation. « L’expérience est ainsi déterminée comme un événement qui raye une conviction précédente », explique László Tengelyi53. La conscience de conflit, qui résulte de la déception d’une anticipation, est constitutive de l’expérience du sens. On pourrait même dire, en un certain sens, que la déception précède l’anticipation, car elle ouvre la possibilité de sa réalisation. Quant à savoir quand et comment la déception intervient et saisit l’expérience, cela est en dehors du contrôle exercé par la conscience. On peut donc, en conséquence, déterminer l’expérience « comme un processus inexpressif du sens, qui ne peut pas être réduit à une donation de sens par la conscience »54.
21L’institution du sens (la Sinnstiftung) peut donc être reconnue dans l’expression linguistique. Or si l’expression trouve bel et bien sa source de motivation dans la sphère prélinguistique et inconsciente, elle ne s’y épuise cependant pas ; elle produit toujours un surplus de sens qui ne provient pas du domaine prélinguistique. Cette dichotomie sens-expression dans le phénomène de l’attention peut aussi être appliquée au phénomène de la perception. En effet, c’est non seulement dans l’expression linguistique qu’on a affaire à une institution de sens de la conscience intentionnelle, mais aussi et déjà dans la perception expresse de quelque chose en tant que quelque chose (etwas-als-etwas). Le caractère nettement exprimé de la perception est l’attention elle-même. Non seulement le concept ou le mot intervient dans le processus de la formation de l’expérience, mais aussi déjà l’attention en tant que telle sélectionne différents objets et moments de l’expérience et les modifie ainsi en quelque chose qu’ils n’étaient pas auparavant. Il faut aussi ajouter qu’une stimulation affective ne trouve son expression que dans la direction involontaire de l’attention. Sans cette direction, le stimulus n’existerait pas en tant que stimulus. Il serait seulement une dimension physique dans le monde coupé du sujet. C’est seulement grâce à la fonction de l’attention qu’un stimulus peut pénétrer la conscience, et être considéré comme stimulus en tant que tel.
22La notion husserlienne d’attention secondaire comprend des composantes qui sont toujours déjà à l’œuvre lorsque nous consacrons notre attention à une chose en particulier. Ces composantes concernent l’horizon de proximité et de distance par rapport à la chose. Dans la psychologie expérimentale, il est connu qu’une telle proximité peut être utilisée pour l’automatisation des procédures attentionnelles, grâce auxquelles la charge cognitive peut être réduite à un minimum — par exemple dans les cas d’activités multiples ou parallèles. D’un autre côté, une trop grande proximité des choses est un générateur d’Unmerklichkeiten. C’est ce qui arrive lorsque plusieurs éléments ne se font pas du tout remarquer et sombrent dans ce qu’on pourrait appeler des routines attentionnelles. Une attention permanente de longue durée (ce qu’on appelle « vigilance » en psychologie) produit tôt ou tard ce genre d’effet. Une trop grande proximité des choses peut aussi provoquer de l’ennui (par exemple lorsque la chose nous est trop familière).
23Ces routines attentionnelles jouent aussi un grand rôle dans la sphère de l’intersubjectivité. La ritualisation des directions d’attention entraîne la stabilité émotionnelle et cognitive de l’enfant en bas âge55. Tout ce qu’on doit apprendre comme techniques ou manières dans une culture donnée représente autant de structures spécifiques de la direction d’attention. Celles-ci peuvent en retour produire un sentiment de sécurité dans le domaine social et veiller à ce que les participants aux événements d’attention conjointe se trouvent confirmés dans leurs rôles. Dans l’exécution de telles routines attentionnelles spécifiques à l’intérieur d’une certaine culture, le degré de socialisation et de conformité transparaît, et dans le cas de non-respect de ces routines, on remarque aussitôt le caractère étranger et non conformiste.
Attention et reconnaissance
24Il faut donc dire que l’attention précède la langue, ou que la direction d’attention précède la communication linguistique, ou encore, ce qui revient peut-être ici au même, que l’attention comme perception expresse précède l’expression linguistique d’une expérience. La référence linguistique est rendue possible par l’attention, et non l’inverse. C’est seulement dans ce que Davidson appelle la « triangulation »56 d’attention conjointe qu’un objet acquiert des prédications et qu’il peut atteindre une signification objective. L’objet se constitue dans l’expérience intersubjective. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver un langage propre à l’attention elle-même, c’est-à-dire un langage qui ne serait pas catégorial, mais plutôt sensuel et percevant.
25« Le vieux motif de la reconnaissance, écrit Waldenfels, se rapproche ainsi de l’attention, mais sans les surprises de l’attention qui ébranlent les images respectives du soi et de l’étranger, la reconnaissance (Anerkennung) reviendrait à une simple re-connaissance (Wiedererkennung)57. » Si la composante intuitive fait défaut et si l’on reconnaît l’Autre seulement grâce aux fixations catégoriales, la reconnaissance n’est qu’un respect dans l’attention, littéralement une Achtung ohne Aufmerksamkeit58. Or, il nous semble que si l’on veut développer une notion de reconnaissance conforme à l’expérience sans tomber dans un conformisme de la règle, il faut inclure dans l’analyse la dimension perceptuelle originaire de l’Autre et les procédures attentionnelles de la perception étrangère. Ce que Waldenfels exige est donc un « éthos du visé » : c’est, dit-il en allemand, un Ethos des Zusehens, des Zuhörens und des Lesens59, pour lequel l’attention fournit le paradigme en tant que possibilité préprédicative, prédiscursive et prénormative du Sich-aufeinander-Einlassen. L’intérêt théorique, que Husserl interprète comme « intérêt à la possession cognitive (erkenntnismässigen Besitz) ou comme intuition de l’objet lui-même (Erschauen des Gegenstands selbst) »60 devrait donc être complété par un intérêt pratique, intérêt qui se maintient toujours en dépit des augmentations et affaiblissements de l’intérêt envers l’Autre, et ce, même lorsqu’on ignore complètement l’Autre.
26Dans le cas de l’initiation des épisodes d’attention conjointe, cet intérêt pratique a toutefois, selon certains anthropologues, des caractéristiques de part en part théoriques qui sont reliées aux fins mêmes de l’exercice. L’aspect théorique est évidemment l’autonomie de l’attention conjointe par rapport aux buts pratiques, qui la transcendent toujours. On ne peut cependant pas, d’un point de vue phénoménologique, décrire cet intérêt seulement comme intérêt théorique, puisqu’il ne s’agit pas de simplement constater un objet, mais plutôt en même temps de faire l’expérience de la communauté elle-même. Cet intérêt est donc pratique, car il s’agit ici d’une co-expérience et d’une co-existence acquises, sinon apprises. Même si, de jour en jour, il perd de sa force sociale à cause de la médiatisation croissante de l’expérience dans les sociétés modernes, cet intérêt demeure éminemment pratique. Un éthos de l’attentivité au sens de l’Hinwahrnehmen de l’Autre, tel qu’il a été formulé ici en tant que tâche à la réflexion phénoménologique et à la pratique de la reconnaissance, voit dans le caractère immédiat de l’intuition sensible et des tendances affectives des situations d’attention conjointe qui y sont liées, un critère important pour le fondement des normes catégorielles de la reconnaissance. C’est pourquoi l’élucidation de la structure de ces « actes intellectifs élémentaires » exigée par Husserl dans les Hauptstücke est, ici encore, essentielle.
Notes
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About: Thiemo Breyer
Husserl-Archiv – Albert-Ludwigs-Universität Freiburg