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Grégory Cormann

Questions de méthodes : Sartre, Giovannangeli, la phénoménologie et les « structuralistes »

(Volume 10 (2014) — Numéro 11: Don — Langage — Contretemps: Diagonales giovannangeliennes (Actes n°7))
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1L’apport de Daniel Giovannangeli à l’histoire de la philosophie française contemporaine est double : il concerne, d’une part, la première réception de la phénoménologie en France, dans les années 1930, autour — mais pas seulement — de la figure de Sartre ; il concerne, d’autre part, la philosophie française des années 1960 dont, à relire Derrida incessamment, D. Giovannangeli n’a cessé de réévaluer — de restituer et de resituer —, les querelles théoriques. Lecteur inlassable de l’Introduction de L’être et le néant, ainsi que des premiers ouvrages de psychologie phénoménologique sur l’Ego ou sur l’image, il a ainsi, sur le premier volet, interrogé, jusque dans ses tiraillements les plus vifs, la constitution de l’ontologie phénoménologique sartrienne, mettant Sartre à l’épreuve tant du doublet Husserl-Heidegger, entre les Leçons sur le temps et Être et Temps, que des phénoménologies de la passivité — éthico-ontologique — de Levinas et de Merleau-Ponty. De cette archéologie de la phénoménologie française, il faut, en somme, retenir la dette de toute phénoménologie française à l’égard de Levinas, dont l’article sur « Martin Heidegger et l’ontologie » est l’acte fondateur de la phénoménologie française, au sens où il s’y agit avant tout de décrire la couche pré-thématique, préréflexive, de notre expérience du monde, dans la mesure où, comme le dirait Merleau-Ponty un peu plus tard, la phénoménologique est une « philosophie pour laquelle le monde est toujours “déjà là” avant la réflexion, comme une présence inaliénable1 ». Revenir aux choses, cela signifie dès lors, pour Merleau-Ponty comme pour la phénoménologie française de façon générale, « revenir à ce monde avant la connaissance » dont certes « la connaissance parle toujours »2 mais dont elle risque à tout moment de s’abstraire et donc de penser abstraitement, hors contexte, de façon désituée, sans faire droit à l’expérience concrète. La pensée critique trouve là un de ses points d’ancrage phénoménologique majeurs. Du grand professeur qu’était Merleau-Ponty, D. Giovannangeli a aussi « retenu », pour le déplier encore, le labeur de la lecture philosophante, où la philosophie naît de l’incapacité à en finir jamais avec des auteurs qu’on ne peut renoncer à lire et à relire encore. Et « Sartre », à cet égard, est certainement l’aveu le plus flagrant de cette tâche infinie à laquelle, au fond de façon assez énigmatique, s’adonnait Merleau-Ponty.

2Il n’y aurait pourtant pas de « philosophie française contemporaine » sans Sartre. C’est lui qui a fait de la phénoménologie une méthode d’interrogation du présent. Et c’est lui qui a compris que cette interrogation du présent ne pouvait se faire sans l’implication radicale du philosophe. C’est, je crois, l’invention de Sartre (et peut-être bien aussi l’invention de Sartre) pendant la drôle de guerre : d’avoir réussi à transformer, sous l’habit du soldat immobilisé à la frontière allemande, un retard parfois vécu douloureusement en une puissance de diagnostic et d’intervention dans l’époque. Les Carnets de la drôle de guerre, que Sartre rédige entre septembre 1939 et juin 1940, sont par conséquent une pièce fondamentale de la fabrique sartrienne qui, dans l’urgence, anticipe les résultats de l’ontologie phénoménologique. Chemin faisant, comme on juge la métaphysique à ses fruits,Sartre y jette les bases de ce qu’il va bientôt appeler la psychanalyse existentielle. Dans ses textes, D. Giovannangeli fait précisément plusieurs renvois stratégiques aux biographies sartriennes : au Baudelaire de 1947 où Sartre, quarante ans avant Foucault, trouve chez le poète « le projet d’une éthique de l’invention de soi »3 ; ou encore au Saint Genet comédien et martyr dans lequel D. Giovannangeli, après Merleau-Ponty, resserre une hésitation de Sartre concernant « les puissances de l’image » — « comment expliquer que l’imaginaire puisse déplacer le réel si l’on pose initialement l’hétérogénéité de l’imaginaire et du réel4 ? » En tout cas, il y va, à chaque fois, de comprendre comment une aventure individuelle rejoint, éclaire et se laisse éclairer par la dialectique sociale. On peut ainsi attacher à Sartre la description qu’il faisait des livres de son ami, peintre, écrivain, militant, médecin italien — il faudrait articuler chacune de ces dimensions — Carlo Levi : « Il n’est pas un livre de Levi qui ne raconte le monde en retraçant une aventure de sa vie, pas un qui, en même temps, ne fasse saisir à travers le monde objectif la singularité de l’auteur5. »

3Cette ambition tout à la fois totalisante et singularisante fait la singularité de Sartre. Elle explique aussi toutes les critiques dont il a très vite fait l’objet après 1945. La seconde originalité du travail de Daniel Giovannangeli, depuis toujours, est d’avoir mis en suspens la critique qui le plus souvent, sur le plan de la théorie, a prétendu à la péremption de l’existentialisme sartrien : la critique de l’humanisme de Sartre, indexé à une morale impossible, assénée par la vague structuraliste, successivement, de 1962 à 1966, dans La pensée sauvage de Lévi-Strauss, dans Pour Marx (et Lire le Capital) d’Althusser et enfin dans Les Mots et les Choses de Foucault. Sans rien dire de la conférence de Derrida en octobre 1968, à New York, sur « Les fins de l’homme »6. Certes, l’homme Sartre a peut-être alors retrouvé sa place, à l’occasion d’un certain mois de mai. Et il la tiendra par la suite jusqu’au bout, à l’extrême-gauche, avec ses amis de la Gauche Prolétarienne, donnant son soutien et son nom à toutes les feuilles menacées par la censure, s’exposant aussi médiatiquement, sans égard pour son œuvre passée ou pour l’œuvre en train de se faire (L’Idiot de la famille). Il n’en reste pas moins que la coupure du structuralisme d’avec Sartre, qui constitue la doxa la plus tenace de l’histoire et de la sociologie des idées en France, a un prix philosophique autant que politique, à savoir rendre absolument opaque, au regard d’aujourd’hui, la vie philosophique de la pensée française de l’après-guerre. D. Giovannangeli a toujours refusé ce que Sartre comme Derrida aurait pu appeler une mutilation de la pensée. En « sartrien post-derridien », tel qu’il a parfois accepté de se présenter, il a, au contraire, choisi d’habiter, sans trancher, les tensions et les nœuds qui traversent la philosophie française des années 1960, en se plaçant aux limites de la phénoménologie, aux limites de Sartre aussi. L’article déjà évoqué où il situe « entre Sartre et Foucault » la question de l’homme en est une illustration exemplaire. Dans la dernière partie de texte, j’aimerais dégager un programme de travail qui prolonge ce geste giovannangelien dans le champ de la philosophie française des années 1950 et 1960. Au fond, il s’agira d’en venir, enfin, à développer une étude des rapports effectifs de Sartre à l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss.

4C’est bien, en effet, à Lévi-Strauss qu’il faut rapporter, en dernière instance, les deux impasses que la pensée sartrienne a eu à affronter, à la fin des années 1940 puis au milieu des années 1960. En 1963, dans la revue de Sartre, Pierre Verstraeten faisait remarquer que Lévi-Strauss était « tout à la fois publié, commenté, critiqué et loué dans les Temps Modernes »7. On pourrait presque en dire de même pour les livres, publiés ou restés inédits, de Sartre lui-même, du Saint Genet comédien et martyr jusqu’à L’Idiot de la famille. Il convient toutefois de renverser une idée reçue selon laquelle Sartre (et Beauvoir) aurait au fond pris son parti des Structures élémentaires de la parenté en 1949, alors que la percée de l’anthropologie structurale à partir de 1959 lui aurait coupé les ailes. À suivre de près la trajectoire et les écrits de Sartre pendant ces deux périodes, on serait plutôt tenté de soutenir, à l’inverse, que la publication des Structures élémentaires de la parenté constitue un véritable choc pour Sartre (probablement renforcé par la sortie du Deuxième Sexe) qui entraîne chez lui l’abandon de la morale à laquelle il se consacrait depuis plusieurs années. La parution dans la foulée de Sociologie et Anthropologie de Mauss, avec la fameuse « Introduction » de Lévi-Strauss, confirme l’expropriation de Sartre du singulier héritage durkheimien dans lequel, relisant l’« Essai sur le don » de Mauss8, il essayait d’établir sa morale. Sartre ne publierait jamais son traité sur L’Homme, selon le titre annoncé. Ce titre, avec l’ironie classique qu’il diffuse, ne doit pas égarer : il se serait certainement moins agi d’une déclaration toute humaniste que d’un pied de nez à Bergson et aux Deux Sources de la morale et de la religion.9 D’ici, avec Lévi-Strauss, il fallait passer à autre chose.

5Au début des années 1960, la situation a bien changé pour Sartre. Il sort, certes épuisé, d’une longue séquence politique où il s’est trouvé embarqué aux côtés des peuples du tiers-monde qui luttaient pour leur indépendance. Se frottant à la situation algérienne, mais aussi à la Chine, au Brésil ou à Cuba, Sartre a eu l’occasion de s’approprier la démarche ethnologique de Lévi-Strauss, en particulier celle que l’anthropologue a mise en œuvre dans Tristes Tropiques qui paraît en 1955. On n’a guère remarqué, je pense, que Sartre et Beauvoir s’en emparent rapidement. D’abord, Simone de Beauvoir s’en sert, peu de temps après, pour faire le récit du voyage qu’elle fait avec Sartre en Chine, en septembre et octobre 195510. S. de Beauvoir présente La Longue Marche comme une véritable étude, qui lui a coûté beaucoup de travail et qu’elle a menée selon la même perspective que celle de Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques, alors qu’elle était, pour la première fois, confrontée à la réalité d’un pays sous-développé et à la « construction du socialisme » dans une telle situation11. Sartre s’empare pour sa part de Tristes Tropiques à l’occasion de leur voyage au Brésil en 1960. Il retient de Lévi-Strauss qu’il n’y a d’ethnologie ou de sociologie que « de situation », c’est-à-dire qui vende la mèche de la contradiction dans laquelle elle est prise :

Autrement dit, aucune sociologie, aucune ethnographie n’est possible sans qu’on abatte les cartes, aucune ethnographie, aucune sociologie ne renseigne sur la société moins évoluée qu’on prétend étudier sans renseigner en même temps sur celui qui l’étudie. […] Remarquez qu’aujourd’hui il y a toute une catégorie d’ethnographes qui savent se nommer et donner leur carte de visites, qui disent : « Nous venons, nous sommes d’une société capitaliste », il y en a beaucoup et Lévi-Strauss en est un […]. D’ailleurs je n’ai jamais compris le caractère de Lévi-Strauss aussi bien, c’est un de mes amis, que j’aime beaucoup, que le jour où j’ai lu sa relation de sa vie chez les Indiens12.

6Dans ce contexte, même la critique sévère que Lévi-Strauss adresse dans le dernier chapitre de La Pensée sauvage ne peut véritablement mettre Sartre en difficulté. On le voit dans les deux manuscrits sur la morale que Sartre a écrit de 1963 à 1965, en répondant à l’invitation de l’Institut Gramsci puis en préparant une conférence pour l’université Cornell que la Guerre du Vietnam l’empêchera finalement de faire. Dans la Conférence de Rome en 196413, Sartre (se) joue (de) Lévi-Strauss contre Lévi-Strauss. Il peut désormais pluraliser, sous de multiples figures, l’anthropologie de Lévi-Strauss et, du même coup, reprendre le projet de faire sa morale : Sartre y fait le bilan des luttes de décolonisation (alors que les pays africains sont désormais exposés au risque du néo-colonialisme et de l’impérialisme) en même temps qu’il interroge sur un cas — le « Procès du Softénon », un cas d’infanticide à Liège en 1962 — à nouveaux frais la possibilité d’une morale aujourd’hui.  

7En revanche, Les Mots et les Choses semble bien interrompre brutalement la deuxième entreprise morale de Sartre, qui prenait le relais de la Critique de la Raison dialectique, comme les Structures élémentaires de la parenté avaient interrompu quinze ans plus tôt l’écriture de sa première morale. Foucault a devancé Sartre dans son projet de refonder la pensée moderne sur la base de l’anthropologie structurale. Deux remarques de D. Giovannangeli autorisent à avancer ce point. Primo, Foucault, dans Les Mots et les Choses, ne se limite pas à une enquête épistémologique ; son entreprise déploie une interrogation de l’être de l’homme — une ontologie, donc — qui « engage elle-même une éthique »14. Secundo, cette critique de la figure de l’homme moderne par Foucault se fonde sur une reprise et une radicalisation de Lévi-Strauss, dont les travaux portaient l’ethnologie aux limites de l’humanisme : « l’ethnologie achève l’humanisme »15, résume D. Giovannangeli, et Foucault peut à la suite prendre acte de la dissolution­ — de la « mort » — de l’homme. J’ajouterais simplement que le geste foucaldien n’est possible que sur la base d’un branchement, bizarrement peu relevé, de Foucault en un point prospectif de l’œuvre de Lévi-Strauss, celui où, dans l’article sur « La notion de structure en ethnologie », il distribue les types de communication au sein d’une société sur trois niveaux : « communication des femmes, communication des biens et des services, communication des messages »16. Lévi-Strauss ajoute :

Par conséquent, l’étude du système de parenté, celle du système économique et celle du système linguistique offrent certaines analogies. Toutes trois relèvent de la même méthode ; elles diffèrent seulement par le niveau stratégique où chacune choisit de se situer au sein de l’univers commun17.

8Dans Les Mots et les Choses, Foucault réplique la triade lévi-straussienne lorsqu’il démarque la vie, le travail et le langage comme les figures de la « finitude fondamentale » de l’homme18. L’archéologie des sciences humaines est la méthode qui permet de dégager ces positivités, en-deçà de l’opposition entre nature et histoire. On peut, en revanche, se demander si Foucault prend à son compte le dernier réquisit de Lévi-Strauss, à savoir marquer les différences entre ces régimes de positivités, tout occupé qu’il est à « libére[r] leur extériorité vis-à-vis de l’homme »19. Dans sa réplique à Foucault, Sartre répondra qu’« il y a longtemps que le sujet est mort »20 et que lui-même a procédé à cette opération de destitution dans son premier texte philosophique, La Transcendance de l’Ego. Pour ma part, je voudrais tourner le regard vers ce que Sartre était en train de faire « avec » Lévi-Strauss autour des années 1965-1966, et à quoi il renonce, à savoir la finalisation de sa morale dialectique. De nouveau — et cette fois de façon peut-être définitive, je laisse ici de côté les entretiens de Sartre avec Benny Lévy —, Sartre renonce à écrire sa morale, c’est-à-dire à répondre à Bergson sur le terrain où il avait fini par se situer à la fin de sa carrière. Ce que Sartre cherchait alors à décrire dans ses conférences pour Cornell comme paradoxe éthique, c’est une morale qui est à la fois irréductible et en même temps sans cesse « traversée »21 par les faits. Il oppose ainsi aux interprétations positivistes des normes, fût-ce comme « reflet idéologique »22, non pas un avenir mais bien un « double avenir » qui laisse sa place à l’action éthique, c’est-à-dire à une action qui pose l’impératif inconditionnel lui-même, l’avenir pur, comme sa finalité. L’exemple de Sartre — Juliette Simont l’a fortement souligné — est celui des résistants soumis à la torture pendant la Deuxième Guerre mondiale ou pendant la Guerre d’Algérie :

Leur refus de parler est « avenir pur », radical arrachement par rapport à toutes les conditions, à toute facticité, à toute temporalité. Il s’agit de nier l’engrenage du temps et de la souffrance, de « remonter au-delà de la naissance », de ne plus provenir que de soi23.

9Que faut-il penser de l’abandon d’un projet aux résultats duquel Sartre disait tenir malgré tout ?

10Pour finir, je ferai l’hypothèse que cette question suppose qu’on réponde d’abord à celle-ci : qu’en est-il donc, au fond, du rapport de Sartre à la trajectoire du « structuralisme » dans la philosophie française de l’après-guerre ? En première approximation, on dira sans grand risque que Sartre abandonne l’ouvrage de morale qu’il est en train d’écrire pour se jeter à corps perdu dans la rédaction de ces plus vastes chantiers biographiques. Ainsi, en 1950, il publie dans Les Temps Modernes six fragments de ce qui deviendra deux ans plus tard le Saint Genet comédien et martyr. Il semble en aller de même après la publication des Mots et les Choses. Sitôt le livre de Foucault paru, Sartre reprend, semble-t-il, son projet de biographie de Flaubert : il en publie cinq extraits dans sa revue entre mai et octobre 1966. Les trois tomes achevés de L’Idiot de la famille sortiront quelques années plus tard, les deux premiers en 1971, le troisième en 1972. L’impasse de la morale laisse donc le champ libre au débordement de la psychanalyse existentielle : Sartre y met, dans les deux cas, en jeu l’ensemble de la philosophie sur l’étude d’un cas. S’agissant du Saint Genet, les cours de Merleau-Ponty en Sorbonne, qui ont précisément été prononcés de 1949 à 1952, en apportent une confirmation indirecte : dans ses cours, Merleau-Ponty cherche à tenir ensemble la tradition française de la philosophie, disons cartésienne, représentée par Alain et par Sartre, et les apports théoriques de Lévi-Strauss et de Lacan24 marqués par la psychanalyse freudienne. Il ne peut être question ici même de résumer l’enseignement de Merleau-Ponty. Je relève simplement que le dernier cours, consacré à « L’expérience d’autrui » s’achève sur une référence à peine voilée au Saint Genet comédien et martyr de Sartre :

Dans les récents écrits de Sartre il y a une certaine tendance à concevoir que toute donnée en nous vient d’autrui. Il rejoindrait alors, en un certain sens, l’analyse fameuse de l’amour chez Alain qui reprend l’idée de Pascal : « On n’aime jamais quelqu’un, on n’aime que des qualités. » […] La liberté du sujet se fascine en se livrant à l’image d’elle-même qu’elle a donnée à l’autre par les mots (Macbeth dominé par l’idée : « Tu seras Roi »)25.

11Le propos de Merleau-Ponty n’est pas sans prudence ni sans réserves, peut-être accentuées par la découverte récente du livre de Sartre, mais on y reconnaît sans difficulté le « Tu seras un voleur » qui scelle, selon Sartre, le destin du futur écrivain. Et il ne fait pas de doute que Merleau-Ponty a compris que la biographie existentielle de Sartre constituait une réponse aux recherches de ceux qu’il appelle quelques pages plus loin les « auteurs de l’école structuraliste »26 auxquels il semble laisser le dernier mot. La publication récente du premier cours de Merleau-Ponty au Collège de France, Recherches sur l’usage littéraire du langage27, qui date de 1953, devra peut-être nous amener à faire une hypothèse différente. Dans ces cours, qui portent sur Stendhal et surtout sur Valéry, Merleau-Ponty n’a peut-être jamais été aussi près de la psychanalyse existentielle de Sartre. Peut-être n’est-ce que la rupture entre les deux hommes, en juillet de cette même année 1953, qui aura tenu dans l’ombre cet étrange mais révélateur mouvement de la pensée et de la parole merleau-pontiennes28 ?

12En 1955, Merleau-Ponty a changé son fusil d’épaule et fait paraître Les Aventures de la dialectique. En guise de réponse, au moins par provision, Sartre écrit « Questions de méthode ». Il évoque Paul Valéry dans un passage resté célèbre : « Valéry est un intellectuel petit-bourgeois, cela ne fait pas de doute. Mais tout intellectuel petit-bourgeois n’est pas Valéry29. » Sartre ne pense peut-être pas au cours de 1953, mais il n’en a nul besoin : une longue note de la Phénoménologie de la perception n’a pas pu lui échapper, qui met Merleau-Ponty sur la voie de la psychanalyse existentielle, dans un passage manifestement ajouté en dernière minute où il cherche déjà, de son côté, à articuler les méthodes marxiste et psychanalytique30. Mais Sartre passe vite à Flaubert (apparemment pour répondre à un autre défi, celui de Garaudy), s’intéresse pour la première fois, de façon précise, à la condition de l’enfant et jette les bases de la théorie de l’« homme fils de l’homme » qu’il développera ensuite dans sa morale des années 1960. Sartre écrit : « c’est l’enfance qui façonne des préjugés indépassables »31. Sartre est sur tous les fronts. Quelques pages plus loin, il donne peut-être la clé, très simple, de ce qui l’a amené à s’occuper de Genet puis à Flaubert : se glisser dans un point aveugle des Structures élémentaires de la parenté. Dans « Questions de méthode », Sartre cite en effet un passage du livre de 1949 où Lévi-Strauss soutient l’idée que le mariage est dans les sociétés primitives, du fait de la rareté des femmes, une institution économique absolument fondamentale. Reprenons ce passage :

Il n’est donc pas exagéré de dire que, dans de telles sociétés, le mariage présente une importance vitale pour chaque individu. Car chaque individu est doublement intéressé, non seulement à trouver pour soi-même un conjoint, mais aussi à prévenir l’occurrence, dans son groupe, de ces deux calamités de la société primitive : le célibataire et l’orphelin32.

13Genet et Flaubert, l’orphelin et le célibataire, l’un et l’autre, les deux à la fois, orphelins et célibataires, ne seraient-il pas alors, très naturellement, les figures de l’entêtement sartrien à soutenir que, si l’enfance nous contraint d’abord à une « intériorisation de l’extériorité »33, le champ social dans lequel nous vivons n’a de consistance que rapporté au « non-être de l’humanité » et à la « multiplicité des relations et de relations entre ces relations »34 que chaque existence humaine est amenée à vivre dans sa singularité. Pour lui répondre, Sartre se serait ainsi intéressé aux marges des analyses de Lévi-Strauss, les retournant afin de découvrir, au point où les rapports de parenté se détraquent, les « relations concrètes » entre les individus constituent « une donnée immédiate de la vie sociale »35. Autrement dit, c’est à partir de la « déshumanité », à partir d’un « homme [qui] se définit négativement par l’ensemble des possibles qui lui sont impossibles », que Sartre peut soutenir, dans un passage que Bourdieu retiendra, que « la société se présente pour chacun comme une perspective d’avenir »36. En passant, il donne ainsi l’impulsion à un ouvrage comme Les Héritiers : « Tant qu’on n’aura pas étudié, écrit Sartre, les structures d’avenir dans une société déterminée, on s’exposera nécessairement à ne rien comprendre au social37. »

14Dans la Conférence de Cornell, par-delà les critiques de La Pensée sauvage, Sartre use d’un procédé similaire à l’égard de l’anthropologie structurale désormais assumée comme telle. Mais il ne se contente plus, comme il le faisait dans le Saint Genet et encore dans Questions de méthode, de s’approprier les figures de la marginalité sociale dont le sorcier est au fond chez Lévi-Strauss le prototype38. Il s’empare de la triade par laquelle Lévi-Strauss a résumé l’ensemble des rapports sociaux dans « La notion de structure en ethnologie » : communication des femmes, communication des biens, communication des messages. À partir de ces trois dimensions des rapports sociaux dégagées par Lévi-Strauss, Sartre veut établir sa propre « science » des mœurs, c’est-à-dire mettre en évidence les grandes « dimensions normatives régissant les conduites humaines »39 qui sont en excès par rapport aux relations réglées par les contraintes et les sanctions formelles des institutions, dont il a déjà traité dans Critique de la Raison dialectique. J. Simont, de nouveau, a cerné très précisément ce régime de normativité : « Dans les mœurs, deux dimensions principales : valeur et bien. Le bien est ce qui se possède éthiquement, la valeur est ce qui se propose éthiquement tout en restant hors d’atteinte40. » Sans qu’il n’y ait là rien d’accidentel, Sartre donne à comprendre ces deux dimensions à partir de trois (!) exemples qui reprennent, en creux et par la négative, c’est-à-dire à titre d’exigence inconditionnelle, la triade de Lévi-Strauss. On dirait volontiers qu’il les redéfinit sous les figures de la virginité, de la mort et du mensonge : pour Sartre, la virginité est un bien ; le risque de la mort (à ne pas confondre avec le choix de mourir) fait surgir la vie comme une valeur alors qu’elle n’est dans les autres circonstances qu’un bien ; le mensonge — le mensonge qu’on fait pour cacher à celle/celui qu’on aime la gravité de sa maladie —, désigne pour sa part, non pas le renoncement à l’inconditionnel comme s’il s’agissait d’adapter ses normes à la situation, mais bien un conflit entre deux inconditionnels, entre deux éthiques, par exemple vérité versus compassion ou espérance41. L’opération peut paraître biscornue. Elle respecte pourtant scrupuleusement les consignes de Lévi-Strauss42 : considérer les trois dimensions fondamentales de la vie sociale de façon analogue et en même temps différenciée, à partir d’une même méthode. Chez Sartre, cette méthode est bien sûr la liberté, qui est pour lui la seule méthode en tant qu’elle cherche à rejoindre, chez soi-même comme chez les autres, ce qui est position d’une fin à atteindre — fût-ce le plus souvent pour ne pas l’atteindre — ou, c’est la même chose, transformation du monde.

15On connaît la critique de Foucault : ce n’est pas l’humanisme moderne qui a fait de l’homme un objet digne de savoir, c’est à l’inverse en tant qu’« objet d’un savoir possible » que s’est développée une préoccupation morale43. On ne reprendra pas ici le détail de cette critique. D. Giovannangeli a étudié le dossier dans toute sa largeur. Je me demanderai seulement pour finir si et comment Sartre a relevé le défi. À l’impossible, peut-être. Tournons-nous brièvement vers L’Idiot de la famille. Non sans ironie, s’identifiant à Flaubert, Sartre accepte d’être, selon les termes bien connu de Foucault, cet « homme du XIXe siècle » qui essaie de « penser le XXe siècle »44. Et la courte préface du livre ne renonce pas à accoler la figure de l’homme à ces savoirs qui semblent le condamner. Que peut-on savoir d’un homme aujourd’hui ? Et, au diable Lévi-Strauss, il faudra bien se mesurer au mythe de la Révolution française. Remarquons toutefois que Flaubert autorise à Sartre une ultime pirouette ou un ultime écart : chercher à comprendre une vie qui, par l’art, « contempl[e] du dehors »45 ce que normalement elle peut seulement intérioriser (vivre, souffrir), l’impossible ou la mort. Comme l’exprime parfaitement Hadi Rizk, Flaubert est « un suspect dont le premier mouvement est de se mettre hors de l’humanité »46. Cela n’a pas empêché qu’on considère Madame Bovary comme une œuvre réaliste et qu’on prenne du coup le roman de Flaubert pour « une description de la nature humaine »47. Il n’y aurait donc nulle incompatibilité de principe entre une phénoménologie de l’imaginaire et une philosophie profondément réaliste.

16En 1939-1940, comme on sait, Sartre a essayé de comprendre sa drôle de guerre à partir de « l’horizon d’après » charrié, dans l’après-coup, par les témoignages divers, historiens ou littéraires, de la Première Guerre mondiale. Il s’agissait alors pour lui de prendre la mesure de la crise de la conscience européenne, dont sa phénoménologie ontologique est, dans le temps long de sa maturation, elle-même un témoignage sur le vif qui expose son auteur à affronter objectivement (théoriquement) mais aussi subjectivement le néant de son époque. Il le fait alors avec méthode, en profitant pour situer dans leur temps, à savoir l’entre-deux-guerres, les savoirs de son époque, phénoménologie, psychanalyse, anthropologie et sciences sociales, littérature et critique littéraire. Trente ans plus tard, devenu « Sartre ou presque », Sartre dépose un livre hors normes où, apparemment sans méthode (« on entre dans un mort comme dans un moulin »), il produit une œuvre sans public au moment même où il choisit de plonger dans son temps la tête la première. Du mouvement de 68, Sartre retient alors, à partir de Foucault — qu’il retrouve autour du GIP — et de Bourdieu48, le « refus radical » des conditions de l’oppression : « racisme, misogynie, défiance envers les paysans », et de « l’idéologie bourgeoise qui sépare et justifie les séparations », ainsi que, par suite de ce refus, la restitution de la contradiction fondamentale entre culture bourgeoise et culture populaire : « Il existe donc deux types de culture et partant deux justices : la culture bourgeoise, complexe et différenciée, n’en est pas moins fondée sur l’oppression-répression et l’exploitation qu’elle justifie ; la culture populaire fruste, violente et peu différenciée est pourtant la seule valable ; elle est fondée sur la réclamation de la liberté plénière. Par quoi il ne faut pas entendre : licence. Mais, tout au contraire : la souveraineté pour chaque travailleur et la responsabilité49. » Sartre sait bien que la culture bourgeoise a souvent le dessus, parce qu’elle « règn[e] déjà jusque — négativement — en de nombreux milieux populaires. Mais il choisit la culture populaire parce qu’elle est exigence de la liberté pure : « décider l’action en tout temps »50. Dans son débat avec les « structuralistes » Sartre n’aura jamais renoncé à l’instant de la décision. C’est ce qu’il appelait à bon droit — et D. Giovannangeli à la suite51 — sa passion de la liberté.

Voetnoten

1  M. Merleau-Ponty, « Avant-propos », dans Phénoménologie de la perception (1945), Paris, Gallimard, 1998, p. I.

2  Ibid., p. III.

3  D. Giovannangeli, « Entre Sartre et Foucault : l’homme en question », dans Figures de la facticité, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 94.

4  D. Giovannangeli, « Image et négativité chez Sartre », dans Figures de la facticité, op. cit.ibid., p. 230.

5  J.-P. Sartre, « L’universel singulier », Galleria, vol. XVII, n° 3-6, 1967, p. 257. Cité dans M. Contat, Pour Sartre, Paris, PUF, 2008, p. 166, n. 2. Sartre en donne une autre formulation remarquable, juste après la publication de la Critique de la Raison dialectique, dans sa conférence brésilienne à Araraquara, lorsqu’il plaide une nouvelle fois pour « la réintégration du cogito dans la dialectique » : « Il faut que nous comprenions — et c’est là que le cogito explose en dialectique — que si l’histoire […] est vraiment une signification qui se totalise, ou la totalisation en marche de significations, si l’histoire est vraiment cela, alors n’importe qui est toujours la totalité de l’histoire, pris d’un point de vue singulier. C’est la singularisation d’une totalité. » (J.-P. Sartre, Sartre no Brasil. A conferência de Araraquara (1960, 1986), Sao Paolo, UNESP, 2005, p. 102. La formule « la réintégration du cogito dans la dialectique » se trouve juste après p. 104.)

6  Dans sa thèse de doctorat, D. Giovannangeli exprimait ce suspens, à partir de Derrida, sur le mode du « dépassement de la phénoménologie et du structuralisme ». Cf. D. Giovannangeli, Écriture et répétition, Paris, Union Générale d’Éditions, 1979.

7  P. Verstraeten, « Lévi-Strauss ou la tentation du néant », Les Temps Modernes, 206, 1963, p. 66.

8  Voir J.-P. Sartre, Cahiers pour une morale (1946-1949), Paris, Gallimard, 1983, p. 382-393.

9  Comme le suggère un plan de travail qu’on trouve dans les mêmes Cahiers : « Étudier : Bergson — Deux Sources, Brunschvicg : Progrès-conscience. Histoire Réforme. Comparer Bainville et Benda. » (Ibid., p. 117.)

10  S. de Beauvoir, La Longue Marche, Paris, Gallimard, 1957.

11  Voir S. de Beauvoir, La Force des choses (1963), Paris, Gallimard, « Folio », 1999, p. 78-79, 94-96.

12  J.-P. Sartre, Sartre no Brasil. A conferência de Araraquara, op. cit., p. 72, 74.

13  Le texte complet préparé par Sartre pour sa conférence à l’Institut Gramsci, dont il n’a prononcé qu’une petite partie, sera publié en 2015 dans Études sartriennes, 19, 2015 par les soins de Jean Bourgault et de moi-même.

14  D. Giovannangeli, « Entre Sartre et Foucault : l’homme en question », p. 87. Et Giovannangeli de citer ce trait décisif du livre de Foucault : « pour la pensée moderne, il n’y a pas de morale possible » (M. Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 339.

15  D. Giovannangeli, « Entre Sartre et Foucault : l’homme en question », art. cit., p. 91.

16  C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale (1958), Paris, Plon, 1985, p. 353.

17  Id.

18  D. Giovannangeli, « Entre Sartre et Foucault : l’homme en question », art. cit., p. 89 (y compris la note 14) qui évoque la triade vie/travail/langage.

19  Ibid., p. 90.

20  J.-P. Sartre, « J.-P. Sartre répond », L’Arc, 30, 1966, p. 93. Cité dans D. Giovannangeli, « Entre Sartre et Foucault : l’homme en question », art. cit., p. 93.

21  J. Simont, « “Morale et Histoire” (conférences dites “de Cornell”) », dans F. Noudelmann & G. Philippe (dir.), Dictionnaire Sartre, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 328 : « L’éthique est irréductible et entachée de limites inertes. » La plus grande part du manuscrit « Morale et histoire — Cornell » a été publié en 2005 dans Les Temps Modernes, 632-634, 2005, p. 268-414 (éd. J. Simont et G. Cormann). Dans la suite de ce texte, je suivrai de près la remarquable notice de J. Simont.

22  Ibid., p. 327.

23  Ibid., p. 329.

24  C’est aussi en 1949 que Lacan publie son article célèbre sur « Le stade du miroir ». Dans son enseignement en Sorbonne, sur la psychologie et la pédagogie de l’enfant, Merleau-Ponty s’empare immédiatement de l’article de Lacan qu’il articule brillamment à une relecture du chapitre VII des Structures élémentaires de la parenté sur « L’illusion archaïque ».  

25  M. Merleau-Ponty, Merleau-Ponty à la Sorbonne. Résumés de cours 1949-1952, Paris, Cynara, 1988, p. 565.

26  Ibid., p. 569.

27  M. Merleau-Ponty, Recherches sur l’usage littéraire du langage. Cours au Collège de France. Notes, 1953, éd. B. Zaccarello & E. de Saint Aubert, Genève, MetisPresses, 2013.

28  L’éditrice du cours de Merleau-Ponty, Benedetta Zaccarello considère que le cours de Merleau-Ponty est une première attestation de la rupture avec Sartre. B. Zaccarello, « Valéry théoricien de la littérature selon Maurice Merleau-Ponty »,Fabula, Colloque Valéry, 2011, http://www.fabula.org/colloques/document1422.php. J’essaie ici, au contraire, de l’attirer au plus près de la psychanalyse existentielle. Il ne faudrait toutefois pas considérer trop vite ces deux positions comme contradictoires. Il n’y a nulle raison de repousser l’hypothèse que c’est après s’être approché autant qu’il lui était possible de Sartre que Merleau-Ponty se trouve à la fois capable et obligé de rompre.

29  J.-P. Sartre, Questions de méthode (1957), Paris, Gallimard, 1986, p. 55.

30  M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 201-202 : « Il serait absurde de considérer la poésie de P. Valéry comme un simple épisode de l’aliénation économique : la poésie pure peut avoir un sens éternel. Mais il n’est pas absurde de chercher dans le drame social et économique, dans le mode de notre Mitsein, le motif de cette prise de conscience. […] Ainsi Marx, non content d’être fils d’avocat et étudiant en philosophie, a pensé sa propre situation comme celle d’un “intellectuel petit bourgeois”, et dans la perspective nouvelle de la lutte des classes. Ainsi Valéry transforme en poésie pure un malaise et une solitude dont d’autres n’auraient rien fait. »

31  J.-P. Sartre, Questions de méthode, op. cit., p. 58.

32  C. Lévi-Strauss, Structures élémentaires de la parenté, Paris, PUF, 1949, p. 48-49 (p. 46 de l’édition de 2002). Cité dans J.-P. Sartre, Questions de méthode, op. cit., p. 71.

33 Ibid., p. 61.

34 Ibid., p. 75, 72.

35 Ibid., p. 77.

36  Ibid., p. 89, 90.

37  Ibid., p. 90. Cf. PBourdieu & J.-C. Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964. On peut estimer qu’une bonne partie de la sociologie bourdieusienne sort tout armée de ces quelques pages de Questions de méthode (comme, d’ailleurs, des quelques pages de la fin de L’être et le néant sur la psychanalyse existentielle). On ne sera donc pas étonné que, quelques années plus tard, Bourdieu devenu collaborateur régulier des Temps Modernes, publie dans la revue un article sur « Les relations entre les sexes dans la société paysanne » où figure pour la première fois la scène du « bal des célibataires » (« Les relations entre les sexes dans la société paysanne », Les Temps Modernes, 195, 1962, p. 320-321).

38  Voir, pour mémoire, l’article de Lévi-Strauss, « Le sorcier et sa magie », publié dans Les Temps Modernes, 41, 1949, p. 3-24.

39  J. Simont, « “Morale et histoire” (conférences dites “de Cornell”) », art. cit., p. 328.

40 Ibid., p. 329.

41  Cf. ibid., p. 328.

42  Je les rappelle : « Par conséquent, l’étude du système de parenté, celle du système économique et celle du système linguistique offrent certaines analogies. Toutes trois relèvent de la même méthode ; elles diffèrent seulement par le niveau stratégique où chacune choisit de se situer au sein de l’univers commun. » (C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 353.)

43  M. Foucault, « L’homme est-il mort ? » (1966), dans Dits et écrits, Paris, Gallimard, 2001, p. 569.

44  Ibid., p. 570.

45  Je suis ici la très belle lecture d’Hadi Rizk, « L’Idiot de la famille », dans F. Noudelmann & G. Philippe (dir.), Dictionnaire Sartre, op. cit., p. 235. J’ajoute simplement que Sartre réactive sur ce point, très habilement, la notion de situation-limite qu’il a trouvée très tôt chez Jaspers (et, soyons juste, chez Gabriel Marcel).

46  Ibid., p. 236.

47  Ibid.

48  Dans sa conférence à Bruxelles en 1973, « Justice et État », Sartre propose en particulier une très belle interprétation de l’entretien de Foucault sur « La justice populaire paru quelques mois plus tôt dans Les Temps Modernes. J.-P. Sartre, « Justice et État » (1973), dans Situations, X, Paris, Gallimard, 1976, p. 48-74 ; M. Foucault, « Sur la justice populaire. Débat avec les maos », Les Temps Modernes, 310 bis, 1972, p. 355-366. S’agissant de Bourdieu, qui continue à collaborer avec Les Temps Modernes au début des années 1970, on remarquera, d’une part, que Sartre renvoie à plusieurs reprises aux Héritiers, qu’il avait déjà lu en 1964-1965. J.-P. Sartre, « Je — Tu — Il » (1970), dans Situations, IX, Paris, Gallimard, 1972, p. 284 ; « Justice et État », art. cit., p. 51-65. On soulignera, d’autre part, que Bourdieu publie dans la revue de Sartre son texte d’intervention « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps Modernes,318, 1973, p. 1292-1309.

49  J.-P. Sartre, « Justice et État », art. cit., p. 55.

50  Id.

51  Je retrouve ici subrepticement la lecture de la liberté sartrienne que D. Giovannangeli donnait, à partir d’une double référence à Descartes et à Mauss, dans La passion de l’origine. D. Giovannangeli, « L’imprésentable », dans La passion de l’origine, Paris, Galilée, 1995, p. 95-104.

Om dit artikel te citeren:

Grégory Cormann, «Questions de méthodes : Sartre, Giovannangeli, la phénoménologie et les « structuralistes »», Bulletin d'Analyse Phénoménologique [En ligne], Volume 10 (2014), Numéro 11: Don — Langage — Contretemps: Diagonales giovannangeliennes (Actes n°7), URL : https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=765.

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