Bulletin d'Analyse Phénoménologique Bulletin d'Analyse Phénoménologique -  Volume 13 (2017)  Numéro 2: L'acte d'imagination: Approches phénoménologiques (Actes n°10) 

Sur la relation entre imagerie mentale et perception : Analyse à partir des contributions théoriques et empiriques

Danilo Saretta Verissimo
Université de l’État de São Paulo (UNESP)

Résumé

Dans cet article, nous abordons la description et l’examen des études empiriques et théoriques, en psychologie et en sciences cognitives, qui font référence aux relations entre l’imagerie mentale et l’expérience perceptive. Nous partons de préceptes phénoménologiques fondamentaux sur la proximité entre imagination et perception. Notre analyse met en évidence la nature sensible de l’imagerie, aussi bien que son caractère sensorimoteur, elle souligne les limites de l’approche qui la considère comme un complément nécessaire aux lacunes perceptives, et montre l’importance de l’attention dans le passage à l’imagerie.

Introduction

1Il est courant d’étudier l’imagination en se basant sur ce qui la distingue de la perception. Contrairement à l’acte perceptif, l’imagination est associée à la représentation des choses qui ne sont pas directement présentes aux sens. On attribue également à l’imagination la possibilité de combiner des images en des formes chimériques. En outre, dans les conceptions antiques, mais aussi dans les usages modernes et contemporains, on retrouve l’idée que l’objectivité perceptive, tout comme sa dimension catégorique, exige l’exercice de l’imagination1.

2Dans la tradition phénoménologique, à partir de laquelle nous menons nos recherches théoriques sur les processus cognitifs de base, on note des exemples significatifs de comparaison entre la conscience perceptive et la conscience imaginante. Dans le champ des investigations phénoménologiques, le thème reste ouvert, surtout après la publication de plusieurs manuscrits de Husserl consacrés à l’étude de l’imagination.

3Des recherches et des débats contemporains en psychologie, sciences cognitives et philosophie de l’esprit alimentent et actualisent ces discussions. Nous voudrions, dans le présent article, aborder la description et l’examen des études empiriques et théoriques, en psychologie et en sciences cognitives, qui font référence au dialogue entre l’imagerie mentale et l’expérience perceptive. En termes généraux, on définit l’imagerie mentale comme une expérience quasi-perceptive, dans laquelle, par exemple, un processus de visualisation se produit en l’absence d’un stimulus externe approprié2.

4Notre travail se compose de trois parties. Dans la première partie, nous nous rapportons, succinctement, à des principes phénoménologiques sur la relation entre perception et imagination. Notre but est d’établir la base théorique à partir de laquelle nous élaborons l’analyse des recherches empiriques et théoriques sur cette relation en psychologie, ainsi que d’exposer les outils conceptuels de base qui guident notre exercice critique. Dans un second temps, nous mettons en lumière trois travaux expérimentaux en psychologie appartenant à un premier mouvement de recherche sur la relation entre perception et imagerie mentale. Ces études supposent l’imbrication entre perception et image mentale, et donnent des indications sur le caractère sensorimoteur du vécu imagétique. Dans la troisième partie, nous caractérisons une seconde phase d’études dans le domaine des sciences cognitives autour de la perception et de l’imagerie mentale. Nous nous concentrons, dans cette section, sur la controverse théorique concernant le rôle de l’imagerie mentale dans la perception amodale. De l’analyse d’une position complémentariste, tournée vers l’image comme complément nécessaire aux processus perceptifs, la question évolue vers une posture capable de sauvegarder le fait que les indéterminations de la perception font partie de l’activité perceptive elle-même.  

1. Base conceptuelle philosophique-descriptive

5Thomas3 estime qu’il est important de souligner l’obscurité du concept d’imagination, et classe comme douteux le débat scientifique autour de la nature et du rôle cognitif de l’imagerie mentale. L’auteur considère, en outre, que les théories de l’imagerie mentale ne doivent pas être assimilées immédiatement et complètement à l’imagination, malgré la relation étroite entre ces deux types d’activité cognitive. Ayant à l’esprit ce cadre d’incertitude, et étant donné l’importance de clarifier l’orientation théorique qui sous-tend notre étude, nous aimerions faire référence aux préceptes conceptuels phénoménologiques sur la relation entre perception et imagination. S’il n’y a pas lieu, ici, de présenter et analyser de manière détaillée la phénoménologie de l’imagination entreprise par des auteurs tels que Husserl, Sartre et Merleau-Ponty, il faut, cependant, signaler quelques éléments cardinaux de ces célèbres recherches.

6Un premier point concerne la relation entre ce que Husserl4, dans ses manuscrits sur l’imagination, appelle imagination physique et phantasia. Dans l’imagination physique, on part d’un support, comme une toile peinte, ou le papier sur lequel est imprimée une photographie. Le tableau ou la photo, pris comme des choses, sont donnés perceptivement. En ce sens, on dit qu’un tableau est sur le mur, ou que la photo est délavée. Grâce à des formes et à des couleurs, apparaît ce que Husserl appelle objet-image (Bildobjekt), et qui se distingue de l’image physique, ou du support : un chevalier en image, un enfant en image, etc. L’objet-image diffère, à son tour, du chevalier visé, ou de l’enfant visé. Dans l’objet-image on a la figuration de l’objet visé, appelé sujet-image. L’imagination physique nous donne, donc, trois objets: l’image physique, l’objet-image et le sujet-image5. L’objet-image est un fictum, dit Husserl, un objet de perception, et pourtant un objet apparent (Scheinobjekt). La conscience imaginative dans ce cas provient du croisement entre la conscience du fictum et la conscience de la représentation (Repräsentation), du conflit entre le fictum et l’imaginatum.

7Comme dans le cas de la perception et de l’image physique, dans la phantasia quelque chose apparaît. L’apparition de l’objet-de-phantasia a lieu, cependant, hors du champ visuel. Husserl déclare : « La conscience-de-non-présence (Nichtgegenwärtigkeits-Bewusstsein) appartient à l’essence de la phantasia. Nous vivons dans un présent, nous avons un champ visuel de la perception mais à côté nous avons des apparitions qui représentent un non présent entièrement en dehors de ce champ visuel »6. Les représentations-de-phantasia, en outre, se distinguent de l’image physique par leur instabilité. Les images, dans la phantasia, subissent des changements dans l’adéquation de la figuration, en se présentant souvent avec des formes vagues, une faible saturation et une plénitude flottante. On observe, en ce sens, que l’unité de la représentation-de-phantasia ne peut pas être sauvegardée, contrairement à l’unité synthétique de l’enchaînement des esquisses d’un objet perçu, ou de l’enchaînement de notre relation à l’image physique prise en charge dans un seul profil de la chose figurée.

8En ce qui concerne la relation entre la perception et la phantasia, Husserl souligne les principes de contraste et de conflit. Il existe une tension entre le champ de la perception et celui de la phantasia. Absorbés dans ce dernier, nous ne faisons pas attention aux objets de perception, bien qu’ils se manifestent continuellement. D’autre part, ce qui est en conflit avec l’apparition actuelle de l’objet de perception ne peut pas être présent, atteste Husserl. « L’apparaissant en phantasia est donc non présent », dit-il7. Dans un autre passage de ses manuscrits, il écrit :

Il est clair qu’un champ-de-phantasia ne se rapporte pas au champ perceptif comme par exemple le champ visuel au champ auditif [...]. On prétend que la phantasia compléterait souvent la perception mais elle ne peut jamais le faire au sens en cause ici. On ne peut jamais jeter le regard sur le champ perceptif et en même temps sur le champ-de-phantasia. Dès lors que nous faisons attention aux objets de perception, le champ-de-phantasia est parti8.

9Sartre appréhende l’imagination comme « la grande fonction ‘irréalisante’ de la conscience »9 et l’imaginaire comme le corrélat intentionnel, ou noématique, de cette structure particulière de la conscience dénommée imagination. On doit comprendre l’imaginaire comme l’ensemble des images que nous produisons, de sorte que Sartre se propose de faire la description phénoménologique de l’image. Pour le philosophe, il faut, tout d’abord, être sûr de s’éloigner de ce qu’il appelle « illusion d’immanence »10. Dans le registre de l’illusion d’immanence, on conçoit, selon la tradition empiriste, que l’image est dans la conscience et que l’objet de l’image est dans l’image. L’expression d’ » image mentale » induit ce raisonnement dans la mesure où elle appartient à cette tradition. Au contraire, dit Sartre, que nous percevions ou imaginions, par exemple, une chaise de paille, elle reste quelque chose qui demeure en dehors de la conscience, une chose vers laquelle nous nous tournons, tantôt perceptivement tantôt par image. L’image configure donc une forme de relation à quelque chose. Sartre écrit :

Le mot d’image ne saurait donc désigner que le rapport de la conscience à l’objet ; autrement dit, c’est une certaine façon qu’a l’objet de paraître à la conscience, ou, si l’on préfère, une certaine façon qu’a la conscience de se donner un objet11.

10Hormis le caractère intentionnel qui unit la perception et l’image, Sartre constate une différence essentielle entre les deux notions. Dans la perception, les objets se présentent à la limite de la perspective que nous prenons par rapport à eux. Quand nous percevons visuellement un cube, nous ne pouvons pas saisir plus de trois de ses côtés à la fois. Quoique nous voyons, au premier coup d’œil, un cube, il faut à la rigueur le prendre dans une succession d’observations. Ces trois profils, en outre, ne se présentent pas comme des carrés; ils se trouvent déplacés, avec des angles aigus, et configurent la série d’esquisses et de projections qui caractérise l’expérience perceptive. Le cube perçu est donc l’ » unité synthétique d’une multiplicité d’apparences »12. Cela signifie que, dans la perception, « un savoir se forme lentement »13. Elle exige une multiplication des points de vue, capables même de nous surprendre. Nous pouvons, par exemple, constater qu’une des faces d’un certain cube a été peinte avec des traits psychédéliques, ou même qu’une de ses faces, précédemment cachée, a une topographie irrégulière, ou pyramidale, nous obligeant, dans ce dernier cas, à quitter la définition initiale de l’objet. Sartre montre que, dans les images, les objets sont également donnés par esquisses et projections, mais, contrairement à ce qui se passe dans la perception, l’image n’exige pas d’apprentissage. « Quand je dis : ‘l’objet dont j’ai en ce moment l’image est un cube’, je porte ici un jugement d’évidence: il est absolument certain que l’objet de mon image est un cube »14. Tourner un cube-image en pensée n’apportera rien de nouveau, dit Sartre. L’image est donnée en bloc. La certitude offerte par l’image par rapport à la perception est traitée par le philosophe comme « une espèce de pauvreté »15, face à laquelle l’attitude envers l’objet de l’image peut être appelée « quasi-observation »16.

11Merleau-Ponty, quant à lui, n’a jamais entrepris une analyse systématique de l’imagination. Sa philosophie de la perception, cependant, s’exprime par des formules qui parlent de « la texture imaginaire du réel »17 et de la « chair de l’imaginaire »18. Le perspectivisme de la perception, indiqué précédemment dans la description sartrienne de l’expérience perceptive, dénote le caractère lacunaire de la donnée perceptive. Aucun objet perceptif ne se livre entièrement, sans compter que la fixation du regard sur une parcelle du champ perçu implique la dissimulation d’autres objets, qui se manifestent latéralement, à titre d’horizon à être exploré. Les faces non exposées de l’objet lui-même, aussi bien que son environnement, acquièrent tout au long de l’œuvre de Merleau-Ponty la valeur d’une latence correspondant à la dimension imaginaire du réel19. Selon Merleau-Ponty, nous ne pouvons pas nous limiter à l’examen de « l’image statique du monde perçu »20, l’image qui fait référence à l’un de ses instants. Une analyse du monde au-delà des aspects sensoriels révèle un monde sensible « plein de lacunes, d’ellipses, d’allusions »21. La chose perçue, dans sa qualité transcendantale, nous échappe. Sa plénitude réside dans son état inépuisable, dans le fait de ne pas être complètement « actuelle sous le regard »22. Dans la mesure où elle se trouve ici, la chose promet son actualité au milieu des Abschattungen ou des esquisses perceptives sans fin. Le perçu est donc insaisissable et largement virtuel.

12Pour Merleau-Ponty, on doit éviter la confusion entre la perception spontanée et la perception méticuleuse, voire scientifique, parce que, dans ce cas, on perd de vue l’origine commune du réel et de l’imaginaire. Nous percevons des choses variées sans se préoccuper de leurs détails. Le philosophe note: « [...] les objets sont des ‘physionomies’, des ‘comportements’ [...] »23. Nous ne saurions pas dire, selon ses exemples, combien de colonnes on trouve au Panthéon, combien de côtés a un certain objet en fil de fer, ou quelle est la couleur des yeux de celui avec qui nous parlions plus tôt. La difficulté de décrire et d’énumérer des caractéristiques des choses ne provient pas exclusivement du monde imaginaire. Nous pouvons, pourtant, avec un effort d’attention, et moyennant l’actualisation de notre puissance motrice, compter les colonnes du Panthéon ou nous informer perceptivement sur les caractéristiques de notre interlocuteur d’autrefois.

13En ce qui concerne le sujet de la perception et de l’imagination, Merleau-Ponty soutient qu’il doit être décrit « non comme conscience », mais comme celui à qui sont ouverts « les champs praxiques non moins que sensoriels »24. Quand il parle du rêve, et de la relation entre la veille et le sommeil, Merleau-Ponty assure que la « conscience imageante », la conscience « vide », maintient une relation de « référence de champs au monde »25. Le monde n’est donc pas annulé pendant le rêve. Il continue à exister, aussi bien que notre situation en lui, de sorte que le corps, et non pas la conscience imageante, reste le sujet de l’imagination.

14La présence ou l’absence de support dans la configuration de l’image, le passage de l’acte perceptif à l’acte imaginatif et le rôle de l’attention dans cette transition, la variété des possibilités réunies au sein de l’image, ainsi que sa nature praxique, sont des aspects importants dans les recherches et discussions que nous présentons dans la suite de notre article.

2. Perception et imagerie mentale dans la psychologie cognitiviste

15Il est possible d’identifier, tout au long du xxe siècle, une période de stagnation des théories psychologiques dédiées à l’imagination. Cet événement négatif est attribué à la combinaison du tournant linguistique dans la philosophie et de la prédominance du behaviorisme en psychologie. À partir des années 1960, avec l’établissement du mouvement cognitif en psychologie, les thèmes liés à l’imagination sont redevenus des objets de discussions, et le problème de l’imagerie mentale s’est avéré être un sujet respectable pour la recherche expérimentale psychologique26. Un premier afflux d’études empiriques sur la relation entre perception et imagerie mentale marque cette période. Nous discutons ci-dessous quelques-uns de ces travaux, sélectionnés pour l’importance de leurs auteurs dans le domaine scientifique en question. Ces recherches mettent en évidence l’hypothèse concernant l’empiétement de la perception et de l’imagerie mentale. Ils présentent, d’autre part, quelques bases qui sont insuffisantes pour une conceptualisation solide de l’imagerie mentale, ce qui caractérise, en général, les travaux de la période considérée.

16Segal et Fusella27 partent de l’hypothèse selon laquelle l’image et la perception sont des processus similaires, où l’imagerie visuelle dépend de l’activité du système nerveux visuel et où l’imagerie auditive dépend des structures auditives. Afin d’analyser cette idée, ils ont enquêté sur l’interférence possible entre perception et imagerie. Ils ont alors élaboré des expérimentations qui combinaient des stimulus visuels et auditifs, ainsi que des injonctions incitant les sujets à produire des images visuelles et auditives. Les auteurs ne se soucient pas d’offrir une définition du terme « imagerie » (imagery). Il ne se réfèrent qu’à des éléments imaginés mentalement et à des images visuelles et auditives, par opposition à la détection des signaux visuels et auditifs. Le test d’imagerie mentale faisait appel à des instructions comme celle d’imaginer « voir un volcan », ou d’imaginer « le son d’une machine à écrire »28, pendant que des signaux lumineux et auditifs simples et ponctuels étaient présentés. Il n’y avait donc aucun support physique à l’imagerie visuelle et auditive, seulement des informations linguistiques fournies par les chercheurs. Les résultats suggèrent que l’imagerie mentale bloque la détection de signaux visuels et auditifs. Les auteurs ont constaté une faible sensitivité de la part des participants au cours de l’exercice d’imagination, une confusion entre les images auditives et les signaux auditifs, ainsi qu’entre les images visuelles et les signaux visuels. Les résultats se sont montrés encore plus probants lorsque les participants imaginaient des objets moins familiers. Selon les auteurs, ces données font également allusion à l’importance du rôle de l’attention dans l’interaction entre la perception et l’imagerie mentale. L’imagerie mentale semble concourir avec les stimuli externes dans l’espace attentionnel. Cette économie de l’attention ouverte aux images mentales indique que celles-ci ont des effets sensoriels, et, selon les auteurs, renforce l’idée qu’il pourrait y avoir une certaine similitude fonctionnelle entre l’imagerie et la perception.

17Il est utile de rappeler que Husserl29 mentionne la possibilité d’apparitions de phantasiai claires et stables, qui respectent la continuité empirique des apparences, de façon que leur plénitude sensible se rapproche de la perception. On peut, dans de tels cas, hésiter entre une appréhension perceptive et une appréhension-de-phantasia. La simplicité des stimuli sensibles utilisés par Segal et Fusella crée une condition opposée. Le manque de force ou de fraîcheur des stimuli sensoriels ponctuels peut contribuer à l’hésitation.

18Le travail de Shepard et Metzler30 est, quant à lui, un exemple inaugural d’étude de ce qu’on a appelé la rotation mentale. Les auteurs rapportent une expérimentation dans laquelle ils ont présenté aux participants des paires diverses de dessins en perspective, et qui figuraient des formes tridimensionnelles. L’objectif était que les participants évaluent les paires de figures en répondant s’il s’agissait des mêmes formes en perspectives distinctes, ou de formes simplement différentes. Selon la Figure 1, les dessins sont des variations des parties d’un cube où sont conservés trois angles droits. Quelques paires ont été composées à partir de la simple rotation de la figure-base sur un même axe (paires type A), d’autres ont été élaborées à partir de la rotation dans le sens de sa profondeur (paires type B), et d’autres paires étaient composées par des dessins différents (paires type C). L’expérimentation a été conçue pour fournir des informations sur le temps moyen nécessaire pour déterminer l’identité des formes.

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Fig. 1 — Des exemples de paires de figures en perspective présentées
aux sujets par Shepard et Metzler.

19Les résultats montrent que, plus grande était la différence angulaire entre les paires de figures, quel que soit le type de figure, A, B ou C, plus le temps nécessaire pour trouver la réponse était long. Les interviews post-expérience ont été cruciaux pour les auteurs de la recherche. Les participants ont décrit leur procédure fondamentale: essayer de faire tourner, en image mentale, la pointe d’une des figures de chaque paire de dessins jusqu’à trouver la perspective dans laquelle ils pourraient être comparés. Non seulement ils imaginaient la rotation des objets, mais encore ils considéraient les dessins dans l’espace tridimensionnel. Le processus de rotation mentale avait lieu, donc, dans un espace de temps corrélatif au mouvement imaginaire nécessaire à parvenir au point de comparaison avec la figure-base. Il faut noter l’utilisation, dans cette expérimentation, d’une image physique, ou support. On peut dire, en nous permettant d’utiliser un concept husserlien, que, dans la tâche proposée, l’objet-image est mis en mouvement de rotation, et que cette activité imaginaire permet que l’on trouve la réponse concernant l’égalité ou la différence de la figure par rapport à l’image-base. Il est intéressant de noter que Shepard et Metzler ne s’occupent pas non plus du concept d’imagination ou d’imagerie. Ils n’utilisent même pas un vocabulaire lié à l’imaginaire, et se limitent à la référence à l’activité mentale relative au mouvement de l’objet-image mobilisée par les expériences.

20La recherche de Shepard et Metzler sert de référence à Neisser et Kerr31 pour défendre une conception de l’imagerie basée sur notre expérience active dans l’espace. Neisser et Kerr affirment que « posséder des images visuelles est, en quelque sorte, comme voir »32. Compte tenu de cette hypothèse, et en considérant que la perception est un processus complexe, il en découle, selon les auteurs, qu’imaginer recouvre au moins certaines dispositions similaires ou identiques au percevoir. Il est donc raisonnable d’attendre des théories de la perception qu’elles conduisent à des hypothèses ou des prévisions sur l’imagerie mentale. Les auteurs ont recours à Gibson, et mettent en évidence sa théorie selon laquelle la lumière qui atteint les yeux d’un observateur contient des informations sur l’arrangement (layout) des objets qui l’entourent. Lors de la récolte de ces informations, l’observateur appréhende directement cet arrangement. Cette conception est contraire à l’approche traditionnelle, selon laquelle la perception de la profondeur dépend d’opérations secondaires réalisées sur la mosaïque des sensations visuelles. Tout se passe, dans les théories traditionnelles, comme dans les fondements des techniques projectives de la peinture, qui visent à susciter l’inférence des images tridimensionnelles à partir d’images planes. C’est la raison pour laquelle ces théories de la perception sont désignées par l’expression picture theory. Or, qu’est-ce que la théorie de Gibson implique à l’égard des images mentales ? « Pris à la lettre », disent Neisser et Kerr, « cela suggère que les images devraient être comme des ‘arrangements mentaux’ [mental layouts] plutôt que des ‘images mentales’ [mental pictures], ils devraient représenter la structure d’un environnement tridimensionnel aussi promptement qu’une peinture bidimensionnelle »33. Les auteurs ont développé alors des expériences dont le but était de faire le test de la conception basée sur des arrangements mentaux (mental layouts). L’hypothèse est qu’» il devrait être aussi facile d’imaginer un objet dans une boîte fermée que sur une table, ou aussi facile de visualiser des objets l’un derrière l’autre que côte à côte »34. Dans les expérimentations, les participants devraient imaginer, sans le soutien de support physique, des paires d’objets dans des arrangements divers, classés essentiellement selon une condition picturale et selon une condition cachée (concealed), et se rappeler, ensuite, la condition de l’objet imaginé. Les résultats montrent que les objets cachés servent à des fins mnésiques aussi bien que les objets imaginés picturalement. En effet, en prenant en considération les récits des participants autour de leurs productions imaginantes en condition cachée, on remarque que beaucoup d’entre eux ont fait des descriptions de mouvement ou de changement de position, dans la perspective de l’observateur, de manière à amener l’objet caché à la vue. Dans le cas, par exemple, où l’on devrait imaginer un objet caché à l’intérieur de la torche de la Statue de la Liberté, l’un des participants a dit: « Je suis allé à l’intérieur de la Statue de la Liberté pour la voir »35.

21Comme nous le disions, ces travaux, et notamment l’étude de Seagal et Fusella, impliquent une correspondance étroite entre les intentions perceptives et imaginantes, y compris entre les structures et les mécanismes neuronaux sous-jacents. Dans cette mesure, ils cherchent à instaurer un dialogue avec la recherche en neurophysiologie cognitive, selon la tradition de la psychologie expérimentale, où l’on n’opère pas la critique de l’attitude naturelle, et où la description du vécu psychologique rencontre la dimension physiologique. Ce rapprochement avec la neurophysiologie peut être attribué à l’effort de légitimer l’imagination en tant que sujet de la psychologie objective, par opposition aux critiques qui liaient l’étude de l’imagerie mentale à des doctrines introspectionnistes36. Dans un cadre spécifiquement descriptif, ces travaux permettent de clarifier la relation entre la perception et l’imagerie mentale, y compris par l’ébauche d’une piste de recherche axée vers l’inscription sensorimotrice des actes imaginatifs. Shepard et Metzler ont mis en évidence la mobilité de l’image mentale. Comme dans la perception, on peut accéder à différentes esquisses de l’objet imaginé par le mouvement de l’objet lui-même, ce qui implique nécessairement une dimension spatiale de l’imaginaire accordée, en quelque sorte, avec notre expérience de l’espace. La rotation mentale, mentionnée par les auteurs, se donne sous la forme d’une inspection de l’image qui conserve certaines propriétés spatiales. Dans le cas de Neisser et Kerr, le mouvement imaginaire reprend de l’importance, cette fois en référence à l’observateur lui-même. Nous sommes capables, en imagination, de chercher expressément l’exposition des objets cachés et de leurs faces invisibles. Le caractère praxéologique de l’image mentale est renforcé par le recours de Neisser et Kerr à la théorie écologique de la perception de Gibson. Les images se présentent, d’après les auteurs, dans un environnement tridimensionnel, ou, conformément aux mots de Neisser et Kerr, selon des arrangements mentaux (mental layouts), qui font référence directe à l’espace et au mouvement. Ces résultats sont cohérents avec l’approche intentionnelle du problème de l’image. Les processus d’imagerie correspondent à une forme d’» exteroception »37, et non pas à des processus mentaux déconnectés du vécu spatial. De cette constatation ne suit pas, cependant, une conception mixte des actes perceptifs et imaginatifs. Nos perceptions sont pleines de discontinuités. Comment représente-t-on l’invisible dans la perception? Quand nous le visons, avons-nous nécessairement recours à l’imagerie? C’est à ce type de questions que nous nous attacherons à répondre dans la suite de notre article, dans la mesure où ils nous aident à penser la relation entre la perception et l’imagination.

3. Le problème des images dans les débats sur la perception amodale

22Une deuxième vague des recherches consacrées à l’examen de la relation entre la perception et l’imagerie mentale peut être identifiée dans des travaux qui déterminent l’imagerie comme une composante de la perception qui déterminent l’imagerie comme une composante de la perception amodale. Avant d’entrer dans le débat contemporain sur le rôle de l’imagerie mentale dans la perception amodale, nous voudrions faire référence à des aspects historiques de ce concept. On y perçoit déjà le problème de la relation avec l’image.

23La perception amodale a été désignée comme telle par Michotte38 et plus tard par Michotte, Thines et Grabbe39. Dans une étude antérieure aux premières références à l’aspect amodal des expériences perceptives, Michotte40 lie la question de la permanence phénoménale d’objets à la constance perceptive. On constate cette constance quand les propriétés fondamentales des choses, couleur, grandeur et forme, ne changent pas sensiblement, tandis que des changements remarquables sont attestés au niveau du système d’excitation qui leur correspond. Ces aspects ont été mis en évidence dans les passages que nous avons consacrés plus tôt à la description sartrienne de la perception. « L’identité de l’objet peut résister même à sa disparition partielle ou totale du champ sensoriel », nous rappelle Michotte41. Qu’est-ce qui, après tout, persiste sans s’identifier avec ses propriétés apparentes ? Est-ce que ce « quelque chose » qui reste est donné dans l’expérience ? Ne s’agit-il pas simplement d’une construction mentale? Ceci est la manière philosophique traditionnelle de penser, nous avertit l’auteur. Nous construirions une croyance dans la permanence de l’objet qui se fonde à partir des indices fournis par l’expérience. La question qui habite Michotte est alors la suivante: la permanence n’existerait-elle que dans le plan de l’esprit ?

24Ce que Michotte appelle « l’aspect ‘amodal’ de l’expérience »42 se réfère à l’absence de stimulation sensorielle relative aux parties cachées des choses, qui sont pourtant phénoménalement données comme des totalités dotées de formes continues et volumineuses. Nous pouvons tenir une bouteille par son col, sans faire contact visuel avec elle, et nous aurons toujours le sens de la présence de la bouteille entière par l’expérience proprioceptive de son poids. Si l’on regarde un chat assis derrière une clôture, nous aurons l’expérience de l’animal dans son ensemble, en dépit de ses parties cachées par les poteaux. Si l’on regarde une tomate à partir d’un certain point de vue, nous éprouvons un fruit solide et volumineux, bien que nous ayons un accès visuel expositif à une seule de ses faces43. Selon l’intellectualisme philosophique dont ont hérité diverses branches de la psychologie cognitive, la perception amodale est définie en référence à la représentation des parties cachées des objets perçus, ou, plus précisément, de ces segments des objets qui ne donnent pas lieu à une stimulation sensorielle. Comment nous représentons-nous les parties de la bouteille et de l’animal qui ne sont pas exposées sensiblement? Est-ce qu’il faut se les représenter expressément pour les percevoir?

25La perception amodale, ou complément amodal, est étudiée expérimentalement, depuis Michotte, à partir de modèles bidimensionnels dans lesquelles des surfaces planes sont présentées de telle sorte qu’elles aient des parties partiellement recouvertes par d’autres surfaces, ou figures44. Plus récemment, des approches fondées sur des dispositions d’images qui se réfèrent à des milieux tridimensionnels, et centrées sur des formes volumineuses, sont également mises au point, comme en témoigne le travail de Tse45. La Figure 2 est un exemple classique d’image destinée à l’étude de la perception amodale. Nous n’avons pas l’impression, en la regardant, d’avoir quatre portions figuratives dans un même plan de profondeur. Ce que nous voyons est une surface blanche délimitée par un contour gris et partiellement recouverte par une bande grise. Cela implique de percevoir la bande dans un plan plus proche en terme de profondeur, tandis que la surface blanche apparaît en repos derrière le ruban46.

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Fig. 2 — Exemple d’image où l’on identifie le complément amodal

26Dans la Figure 3, les deux formes indéfinies qui apparaissent sur les deux côtés d’une image cylindrique sont perçues en connexion, composant une seule totalité qui se plie autour du cylindre47.

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Fig. 3 — Exemple d’image où l’on identifie le complément amodal dans les formes volumineuses

27À en juger d’après Michotte et alii48, la partie de la Figure 2 cachée par la bande grise comporte une forme de « présence » qualifiée d’» amodale », dans la mesure où elle est dépourvue de qualités modales, c’est-à-dire, de qualités visuelles telles que luminosité et couleur. Il s’agit d’une situation dans laquelle « l’unité de la forme d’ensemble et le caractère complet de son contour s’imposent avec une évidence perceptive »49, y compris la partie amodale. Michotte et alii distinguaient déjà la perception amodale des processus d’inférence ou de « projection d’une ‘image mentale’ »50. On n’affirme pas que cette projection ne puisse pas se produire, mais dans ce cas les caractères modaux doivent être présents, puisqu’» une ‘image visuelle’, proprement dite, comporte des parties sombres et claires et même, ordinairement, de la couleur »51. Les auteurs admettaient ne pas posséder de données précises sur les cas où le complément comporte une nature imaginative52.

28Nanay53 ouvre une deuxième phase de débats sur la relation entre la perception et l’imagerie mentale. L’auteur défend l’idée « controversée » selon laquelle « l’imagerie mentale est nécessaire à la perception »54. Pour Nanay, nous nous représentons par imagerie mentale les parties cachées des choses que nous percevons. Sa définition de l’imagerie mentale est formulée comme suit: il s’agit d’expériences quasi-sensorielles dont nous sommes conscients (aware), malgré l’absence de stimulus qui produiraient des faits perceptifs authentiques. L’auteur nous avertit : il ne veut pas répondre à ce que nous voyons dans le cas du chat derrière la clôture ou aux figures des études expérimentales, mais à « la façon dont nous nous représentons ces parties des objets qui ne sont pas visibles pour nous »55. Il ne s’agit donc pas d’explorer le caractère phénoménal de la perception amodale, mais la représentation des parties cachées des objets. Nous nous représentons la queue du chat recouverte par la clôture par le moyen de l’imagerie mentale. Nous pouvons également produire des images mentales assez précises du chat dans la chambre d’à côté, ou à des kilomètres de distance. Nous avons, en bref, dans tous ces cas, le même type de production d’image. Selon l’auteur, il faut y opérer, néanmoins, une distinction importante: visualiser exige un effort, dans la mesure où il s’agit d’un acte actif et intentionnel, pas dans le sens de la théorie phénoménologique de l’intentionnalité, mais dans la connotation habituelle du terme. L’imagerie mentale peut, cependant, être passive et involontaire. Nous touchons, ici, selon l’auteur, à l’importance de l’attention dans la perception amodale. Dans la plupart des cas, nous ne nous tournons pas expressément vers la forme, la taille et la couleur des parties invisibles d’un objet, parce que nous ne prêtons pas attention à eux et nous ne sommes pas amenés à les visualiser. Dans tels cas, nous avons conscience de ses parties cachées par imagerie involontaire.

29Nanay nous amène à envisager le problème d’une représentation imaginaire expresse versus une représentation imaginaire pré-réflexive, en évitant la question de l’imagination versus la perception. Cette stratégie est, néanmoins, fragile et palliative. Son objection à la compréhension du caractère amodal de la perception par Gibson nous aide à identifier la présupposition qui sous-tend la formulation de ses problèmes et de ses positions. Gibson affirme: « la perception de l’occlusion, me semble-t-il, exige la perception de quelque chose qui est caché »56. Au contraire, Nanay dit: nous ne pouvons pas percevoir ce qui ne vient pas de la stimulation sensorielle. Ceci est la condition nécessaire pour percevoir quelque chose. Pour l’auteur, il faut un acte de représentation distinct de la perception dont l’activité serait en grande partie destinée à combler les lacunes perceptuelles. Et c’est là le rôle de l’imagerie mentale, qui soutiendrait dans plusieurs cas la présence perceptive même.

30La discussion des arguments de Nanay exige quelques distinctions d’idées. Imaginons la situation suivante: nous voyons le chat derrière la clôture; nous le voyons comme un objet volumineux. Selon la description phénoménologique, nous le voyons directement, disposé spatialement, ce qui implique la présence invisible de ses parties non exposées à nous. Quelqu’un peut alors faire les questions suivantes, comme dans un jeu de devinettes: comment sont les parties du chat cachées par les poteaux? Est-ce que sa queue a des taches de couleurs différentes? Quelle est l’apparence de la partie postérieure du chat? Nous avons, essentiellement, trois solutions. Nous pouvons d’abord, s’il nous l’est permis, nous mouvoir pour vérifier l’animal, de façon à augmenter la déterminité de sa présentation perceptive. Il s’agit, alors, d’actualiser notre puissance motrice dans un effort d’attention, comme nous le disions à propos des considérations de Merleau-Ponty sur la perception et le champ praxique. Nous pouvons également l’imaginer de la manière la plus spontanée et directe possible, comme on fait dans les tests de personnalité par l’examen d’images. Ou nous pouvons enfin imaginer les parties couvertes après un exercice de jugement, une sorte de déduction, menée avec soin à partir d’une observation minutieuse des parties exposées. Dans ce cas, l’imagination sera soutenue par une pensée et aura des traces d’une opinion probabiliste. Tout d’abord, il y a donc une expérience perceptive directe. Elle est brisée par le jeu, qu’installe une intention expresse, attentive, portée vers les parties de l’animal qui manquent d’une exposition intuitive. De nouveaux actes de détermination perceptive, ainsi que des actes d’imagination et de pensée, peuvent alors intervenir.

31En ce qui concerne les actes de perception, il convient de rappeler qu’aucune perception n’est dépourvue de mouvement. Nous sommes toujours dans une position ou une autre pour voir quelque chose, pour ne pas mentionner les mouvements incessants du tronc, du cou et des yeux qui changent les apparences des objets perçus et leurs régions amodales sans modifier leur permanence perceptuelle. Sans oublier également la possibilité du mouvement de l’objet même de la perception. Une compréhension du problème de la perception amodale construite sur la nature praxéologique de l’acte perceptif peut être liée à ce que Briscoe57 appelle le complément moteur. Il s’agit dans ce cas de considérer les aspects invisibles des objets comme présents dans notre espace comportemental, espace qui comprend nos actions et arrangements possibles.

32Noë58, en discutant la perception amodale, parle de la nécessité de distinguer le « sens perceptuel »59 de la présence de choses par rapport à des actes de pensée, de jugement, ou d’imagination. Les objets perçus nous sont donnés comme des totalités. Noë propose de comprendre le sens de la présence perceptuelle a partir d’un paradigme sensorimoteur. Les choses qui nous entourent « sont perceptivement présentes dans le sens où elles sont perceptivement accessibles à nous »60, affirme l’auteur, qui ajoute :

Mon sens de la présence du chat entier derrière la clôture consiste, précisément, en ma connaissance, ma compréhension implicite du fait qu’avec un mouvement des yeux, ou de la tête, ou du corps, je peux apporter à la vue des parties du chat qui sont pour l’instant cachées. Il s’agit d’une des prétentions centrales de l’approche énactive ou sensorimotrice de la perception61.

33Il faut faire attention, néanmoins, à la référence de Noë à une « dualité de contenus »62. Pour lui, la compréhension tacite de la relation entre la face exposée d’une tomate, nos mouvements corporels, et le volume et la tridimensionnalité du fruit suppose qu’apparence et réalité de l’objet soient représentés par le sujet en tant que tels, c’est-à-dire, comme aspect et comme totalité, conjointement. Ne serions-nous pas en train d’évoquer, par conséquent, la nécessité d’un acte intentionnel non perceptif capable de relier la partie au tout ? Dans la phénoménologie de la perception, l’acte perceptif implique l’apparaître des choses dans un sens réaliste. Les objets apparaissent, et non les parties exposées des objets. Bimbenet reprend la tradition phénoménologique et nous avertit que, dans la perception, nous oublions notre perspectivisme et nous nous précipitons sur la chose « au détriment des apparences qui la donnent »63. La fidélité à l’expérience perceptive dans la description exige, simultanément, une interruption réflexive de l’expérience naïve. C’est le moment où l’apparence et l’objectivité perceptuelles sont remises en cause. Le sens pratique, ou sensorimoteur, tel que défini par Noë, opère à son tour la rupture entre l’apparent et l’objectif au niveau de l’expérience perceptive même, en la reliant à une sorte de regard réflexif tacite. La description de Noë semble attacher alors la chose perçue à la représentation des contingences sensorimotrices, bien que celle-ci ne soit pas clairement exprimée, en exigeant une espèce d’intellection destinée à combler la dualité entre l’apparence et le sens de la réalité. On maintient, de cette façon, les conditions théoriques pour l’approche complémentaire, proposée par Nanay, de la relation entre la perception et d’autres actes intentionnels, tels que l’imagination.

34Dans le cas de la production des images mentales, on peut considérer que tout se passe comme l’affirment Neisser et Kerr64 à propos des dispositions mentales. Nous imaginons ce que nous verrions si le chat avait bougé, en exposant ses parties avant cachées, ou si nous-même aurions bougé, ou encore ce qu’autrui verrait s’il était dans une position privilégiée par rapport aux parties cachées pour nous65. Il est important de considérer que ce « imaginer comme si » ne doit pas être nécessairement lié à un acte intentionnel express. Cette multiplicité de perspectives peut faire partie d’un schéma moteur actualisé spontanément. La production imagétique peut également être soutenue par le jugement, en ajustant les dispositions mentales à ce qui semble être le plus probable, en prenant en compte aussi bien les éléments perceptifs actuels que les informations qui nous viennent de notre expérience avec les animaux, par exemple. Si l’on ne peut pas établir de limites rigides entre la perception, l’imagerie mentale et le jugement, on ne doit non plus déconsidérer les différents sens que ces expressions portent.

35Il est utile de revenir aux analyses de Husserl66 sur les variétés d’intentions objectivantes. Les perceptions extérieures fournissent incessamment des exemples d’incomplétude et d’indétermination. Dans de nombreux cas, il peut se produire ce que le philosophe appelle une relation d’attente (Verhältnis von Erwartung). Normalement, affirme l’auteur, les intentions n’ont pas le caractère d’attente.

Quand je vois un dessin incomplet, par exemple celui de ce tapis qui est partiellement recouvert de meubles, le morceau que j’ai vu est, en quelque sorte, chargé d’intentions qui renvoient à des compléments (nous sentons, pour ainsi dire, que les lignes et les formes colorés continuent dans le ‘sens’ de ce qui a été vu) ; mais nous n’attendons rien. Nous pourrions attendre si le mouvement nous permettait de voir plus loin67.

36Selon Husserl, les intentions peuvent acquérir un caractère de relation d’attente lorsque la perception devient fluide, donnant lieu à une série continue de perceptions. Nous sommes très proches de l’exemple qui nous avons utilisé ci-dessus, sauf par le fait que nous attribuons l’état d’attente à l’établissement d’un regard attentif. Notre position est que, l’état d’attente installé, de nouveaux actes objectivants peuvent être mobilisés, et non pas seulement des actes de nature perceptive, en visant une forme de conscience de remplissement, dans le sens où l’entend Husserl.

37De retour dans le domaine de la recherche empirique en psychologie, nous devons nous rappeler les arguments de Kanizsa68, qui, sur la base de ses recherches sur la perception amodale réalisées tout au long de deux décennies, proposait déjà la différenciation entre les intégrations cognitives et l’intégration perceptive, ou, en d’autres termes, entre les processus secondaires et les processus primaires. La perception se réfère, selon l’auteur, à l’intégration objectale « directement visible », « vécue comme un ‘donné’ réellement présent, non seulement imaginé ou pensé »69. Dans le cas où le complément amodal est pris comme complément mental, il faut le considérer comme le « résultat d’une interprétation des indices fournis par la partie qui se trouve directement visible »70. Il faut noter également que, dans ce cas, le complément peut prendre une forme quelconque. Les compléments mentaux, bien que guidés par des indices, donnent lieu à des solutions variables et facilement modifiables. Kanizsa affirme, cependant, que la continuation perceptive, en dépit d’être amodale, c’est-à-dire, dépourvue d’attributs chromatiques, « peut être une véritable présence perceptive »71. Celle-ci s’impose à l’observateur et, contrairement à ce qui se passe dans les phénomènes d’imagination ou de la pensée, elle n’est pas facilement sensible à la connaissance, aux attitudes de l’observateur ou à sa volonté. C’est ce que montrent les cas où le résultat perceptuel est différent de ce que l’esprit peut attendre par raisonnement logique (voir Figure 4).

img-4.jpg

Fig. 4 — Dans l’organisation visuelle, on observe que le complément des parties cachées de la forme A se produit selon la forme B, malgré la suggestion logique qui se rapporte à la figure d’un octogone de plus.

38En suivant de près les solutions proposées par Kanizsa, Briscoe72 affirme que le complément amodal est un processus dirigé d’abord par les stimuli, et devrait donc être considéré comme non-cognitif. Les cas où les compléments se montrent dépendants des croyances et des connaissances de l’observateur devraient, en ce qui les concerne, être traités comme des compléments cognitifs. Selon Briscoe, l’approche de la perception centrée sur l’imagerie mentale s’applique aux cas de complément cognitif.

4. Considérations finales

39Nous sommes donc partis de préceptes phénoménologiques fondamentaux traitant de l’approximation entre imagination et perception, pour ensuite présenter et discuter des recherches empiriques et des débats théoriques, issus de la psychologie contemporaine, autour du lien entre imagerie mentale et perception.

40La phénoménologie établit un registre qui permet non pas seulement de contraster les intentionnalités perceptive et imaginante, mais, également, d’examiner leur réciprocité. Le caractère lacunaire de la donnée perceptive représente une invitation constante à l’investigation d’une dimension imaginaire du réel. L’appartenance de l’imagination à un champ praxique, qui ne cesse jamais d’être référence, est témoin de cette réciprocité. Le sujet de l’imagerie se manifeste continuellement comme être-à-l’espace.

41Les recherches sur la relation entre perception et imagerie mentale confirment ce domaine de superposition. Sans vouloir procéder à une enquête exhaustive, nous avons mis en évidence des études représentatives de deux moments de recherches et de discussions, en psychologie, autour de la perception et de l’imagerie mentale. Nous n’avons pas trouvé des définitions satisfaisantes du concept d’imagerie mentale. Qualifiée d’expérience quasi-perceptive, l’imagerie mentale semble constituer une forme d’énonciation propre au champ d’empiétement entre la perception et l’imagination.

42Parmi les trois premières études analysées, deux aspects doivent être soulignés. D’abord, l’examen de la corrélation entre les intentions perceptives et imaginatives présuppose la correspondance entre ces actes intentionnels et les mécanismes neuronaux qui leur sont sous-jacents. L’autre point concerne l’identification, dans ces recherches, d’une piste de travail liée à l’inscription sensorimotrice des actes imaginatifs, et qui couvre la mobilité de l’objet imaginé et la mobilité imaginaire de l’observateur lui-même. Cette façon de penser appuie la prise en compte de l’imagerie comme un processus mental ancré dans l’action et dirigé vers l’espace.

43Le second moment d’études et de discussions autour de la relation entre perception et imagerie mentale que nous avons abordé se réfère à la controverse sur le rôle que l’imagerie pourrait jouer dans la perception amodale. Deux positions ont été confrontées. Dans l’une, on soutient que l’expérience perceptive correspond à ce qui pourrait advenir de la stimulation sensorielle et que, dans cette mesure, l’imagerie mentale est un ingrédient nécessaire pour la représentation des parties cachées des choses perçues. Dans une autre, on considère que la présence perceptive comprend les zones amodales sans la complémentation des actes imaginaires.

44La pertinence de cette deuxième position, que nous défendons, et qui tend à préserver les spécificités de la perception face à l’imagination, pourrait être renforcée par des études approfondies sur le rôle de l’attention dans la constitution des différents actes intentionnels, thème à peine entrevu dans nos analyses. Dans le cas de la perception amodale, par exemple, nous avons vu que la rupture de l’expérience sensible perceptive par l’adoption d’une attitude réflexive change le sens des parties absentes, ou non exposées, des objets, en accentuant la dimension de modification qui imprègne la relation entre perception et imagerie mentale. Le phénomène de l’attention perceptive implique la fermeture de l’horizon au profit du cadrage d’un objet, qui ne s’expose jamais complètement. L’objet appelle à l’exploration dans la mesure de l’absence qu’il manifeste. On peut également diriger l’attention sur les lacunes perceptives, ce qui peut motiver des activités diverses, telles que de nouveaux actes de perception, de mémoire ou d’imagination.

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Notes

1  N. Thomas, « Imagination », in E. Hochstein (ed.), Dictionary of Philosophy of Mind [En ligne], 2004, URL : https://sites.google.com/site/minddict/imagination ; N. Thomas, « Mental imagery », in E. Zalta (ed.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy [En ligne], 2014, URL : http://plato.stanford.edu/entries/mental-imagery.

2  N. Thomas, « Mental imagery », art. cit.

3  N. Thomas, (1999), « Are theories of imagery theories of imagination? An active perception approach to conscious mental content », Cognitive Science, 23(2), 1999, p. 227-245.

4  E. Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, Paris, Jérôme Millon, 2002.

5  Ibid., p. 63-64.

6  Ibid., p. 95 (souligné par l’auteur).

7  Ibid., p. 102.

8  Ibid., p. 103.

9  J-P. Sartre, L’imaginaire : Psychologie phénoménologique de l’imagination (1940), Paris, Gallimard, 2007, p. 13.

10  Ibid., p. 17.

11 Ibid., p. 21.

12 Ibid., p. 24.

13 Ibid., p. 25.

14 Ibid., p. 24-25.

15 Ibid., p. 26.

16 Ibid., p. 28. En latin, le terme quasi a le sens de « comme si ».

17 M. Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit (1964), Paris, Gallimard, 2005, p. 24.

18  M. Merleau-Ponty, Notes de cours au Collège de France: 1958-1959 et 1960-1961, Paris, Gallimard, 1996, p. 173.

19  F. Colonna, « Merleau-Ponty penseur de l’imaginaire », in R. Barbaras, M. Carbone, L. Lawlor (eds.), Chiasmi International: Merleau-Ponty: Le réel et l’imaginaire (p. 111-147), Milano/Paris/Memphis, Mimesis/Vrin/University of Memphis, 2003.

20  M. Merleau-Ponty, L’institution, la passivité: notes des cours au Collège de France (1954-1955), Paris, Belin, 2003, p. 167.

21  Ibidem.

22  M. Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible (1964), Paris, Gallimard, 2006, p. 245.

23  M. Merleau-Ponty, L’institution, la passivité, op. cit., p. 167.

24 Ibidem.

25 Ibid., p. 196.

26  N. Thomas, « Are theories of imagery theories of imagination? An active perception approach to conscious mental content », art. cit. ; N. Thomas, « Mental imagery », art. cit.

27  S. Segal, V. Fusella, « Influence of imaged pictures and sounds on detection of visual and auditory signals », Journal of Experimental Psychology, 83 (3), 1970, p. 458-464.

28  Ibid., p. 460.

29  E. Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 101.

30  R. Shepard, J. Metzler, « Mental rotation of three-dimensional objects », Science, 171, 1971, p. 701-703.

31  U. Neisser, N. Kerr, « Spatial and mnemonic properties of visual images », Cognitive Psychology, 5, 1973, p. 138-150.

32 Ibid., p. 138.

33 Ibid., p. 139.

34 Ibidem.

35 Ibid., p. 144.

36  D. Hebb, « Concerning imagery », Psychological Review, 75(6), 1968, p. 466-477.

37  Ibid., p. 468.

38  A. Michotte, « Perception et cognition », Acta Psychologica, 11, 1955, p. 70-91.

39  A. Michotte, G. Thinès, G. Crabbé, Les compléments amodaux des structures perceptives, Louvain/Paris, Publications Universitaires de Louvain, Éditions Béatrice-Nauwelaerts (Collection Studia Psychologica), 1964.

40  A. Michotte, « A propos de la permanence phénoménale: faits et théories », Acta Psychologica, 7, 1950, p. 298-322.

41  Ibid., p. 300.

42  A. Michotte, « Perception et cognition », art. cit., p. 73.

43  A. Noë, Action in perception, Cambridge/London, The MIT Press, 2004.

44  R. Van Lier, W. Gerbino, W., « Perceptual completions », Manuscrit [En ligne], s/d, URL : http://www.gestaltrevision.be/pdfs/oxford/van_Lier&Gerbino-Perceptual_completions.pdf ; J. Wagemans, R. Van Lier, B. Scholl, « Introduction to Michotte’s heritage in perception and cognition research », Acta Psychologica, 123, 2006, p. 1-19.

45  P. Tse, « Volume completion », Cognitive Psychology, 39, 1999, p. 37-68.

46  R. Briscoe, « Mental imagery and the varieties of amodal perception », Pacific Philosophical Quartely, 92, 2011, p. 153-173.

47  P. Tse, « Volume completion », art. cit.

48  A. Michotte, G. Thinès, G. Crabbé, Les compléments amodaux des structures perceptives, op. cit.

49 Ibid., p. 13.

50 Ibidem.

51 Ibidem.

52 Ibid., p. 17.

53  B. Nanay, « Perception and imagination: amodal perception as mental imagery », Philosophical Studies, 150, 2010, p. 239-254 ; B. Nanay, « Imagination and perception », Manuscrit [En ligne], 2016, URL : http://uahost.uantwerpen.be/bence.nanay/publ.htm.

54  B. Nanay, « Imagination and perception », art. cit., p. 17.

55  B. Nanay, « Perception and imagination: amodal perception as mental imagery », art. cit., p. 241.

56 Ibid., p. 242.

57  R. Briscoe, « Mental imagery and the varieties of amodal perception », art. cit.

58  A. Noë, Action in perception, op. cit. ; A. Noë, Varieties of Presence, Cambridge/London: Harvard University Press, 2012.

59  A. Noë, Action in Perception, op. cit., p. 60.

60 Ibid., p. 63.

61 Ibid., p. 63-64.

62 Ibid., p. 163.

63  E. Bimbenet, L’invention du réalisme, op. cit., p. 76.

64  U. Neisser, N. Kerr, « Spatial and mnemonic properties of visual images », art. cit.

65  La présence d’autrui et son mouvement, effectifs ou présumés, constituent une dimension importante de la question qui nous occupe, mais qui ne sera pas développée dans ce texte.

66  E. Husserl, Recherches logiques, tome troisième: éléments d’une élucidation phénoménologique de la conaissance, Paris, Vrin, 1961.

67 Ibid., p. 56.

68  G. Kanizsa, « Seeing and thinking », Acta Psychologica, 59, 1985, p. 23-33.

69 Ibid., p. 28.

70 Ibid., p. 29.

71 Ibidem. (souligné par l’auteur).

72  R. Briscoe, « Mental imagery and the varieties of amodal perception », art. cit.

Pour citer cet article

Danilo Saretta Verissimo, «Sur la relation entre imagerie mentale et perception : Analyse à partir des contributions théoriques et empiriques», Bulletin d'Analyse Phénoménologique [En ligne], Volume 13 (2017), Numéro 2: L'acte d'imagination: Approches phénoménologiques (Actes n°10), URL : https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=951.

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