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- Cahier n°18
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Participation électorale des étrangers aux communales de 2006
Le cas des Turcs d’Herstal et de Saint-Nicolas
Inhoudstafel
1. Introduction
1La Belgique a toujours été un pays d’immigration. Ce n’est cependant qu’après la seconde guerre mondiale que le pays se lancera dans une vaste politique d’immigration pour combler le déficit de main d’œuvre en particulier dans le secteur de l’extraction minière. Pendant près de trente ans, à coups d’accords bilatéraux passés d’abord avec l’Italie en 1946, puis avec la Grèce en 1957, le Maroc et la Turquie en 1964, la Belgique importe chaque année plusieurs dizaines de milliers de travailleurs étrangers (le record étant de près de 85.000 en 1964),1 qui arrivent par vagues, en fonction des besoins de l’économie.2
2Durant ces années, l’immigration était encore perçue comme un phénomène conjoncturel et temporaire, les travailleurs étrangers étaient supposés rentrer chez eux lorsque l’économie belge n’aurait plus besoin d’eux ou lorsqu’ils auraient épargné suffisamment d’argent. La politique d’immigration se limitait à la régulation des flux migratoires et au contrôle des étrangers. Après l’arrêt officiel de l’immigration en 1974, les travailleurs ne sont pas rentrés chez eux et l’immigration a continué, principalement sous la forme du regroupement familial et de l’importation de conjoint. L’immigration a révélé son caractère structurel et définitif. La politique d’immigration a commencé, seulement alors, à se soucier de l’intégration de ces personnes dans le pays d’accueil.3
3La question de l’intégration politique des étrangers n’a longtemps suscité que peu d’intérêt.4 Aujourd’hui, le monde académique a largement investi le sujet et les recherches abondent sur la question. Mais l’opinion publique perçoit encore difficilement l’importance de l’intégration politique pour le renforcement de la démocratie. Peut-être les dimensions économiques et sociales de l’intégration paraissent-elles plus urgentes ?5 Il n’en demeure pas moins que les étrangers ont aujourd’hui obtenu le droit de vote à l’échelon local et que l’octroi de ce droit s’inscrit explicitement dans la politique d’intégration des étrangers.
4L’intégration politique, au sens large, des immigrés peut être appréciée à différents niveaux : par rapport, premièrement, aux droits politiques qui leur sont accordés par le pays d’accueil ; deuxièmement, par rapport à leur identification à la société d’accueil ; troisièmement, par rapport à l’adoption par l’immigré de valeurs et de normes démocratiques ; et enfin, par rapport à leur participation politique.6 L’objet de ce Cahier portera sur la dernière dimension de l’intégration politique, la participation politique, et plus spécifiquement sur la participation électorale des étrangers au niveau local. La première dimension sera également abordée, celle des droits politiques accordés par le pays d’accueil.
5Les premières lignes de ce Cahier offrent une approche théorique sur la participation électorale des étrangers au niveau local. Nous verrons que la participation repose avant tout sur l’obtention du droit de vote. Deux politiques belges seront mises en évidence : la politique qui consiste à renforcer le droit du sol dans la législation sur la nationalité et la politique d’octroi du droit de vote aux étrangers aux élections locales. Ce sont ces deux politiques qui ont permis aux populations immigrées et d’origine immigrée de participer au processus électoral. L’obtention du droit de vote n’est cependant pas suffisante : nous verrons que la participation électorale dépend aussi d’une série de facteurs qui influencent l’exercice effectif du droit de vote. Nous nous attacherons en particulier à vérifier l’influence du facteur communautaire sur la participation électorale des étrangers, à travers l’étude de deux cas : la participation des Turcs d’Herstal et des Turcs de Saint-Nicolas aux élections communales de 2006. L’étude s’appuie principalement sur des entretiens avec les acteurs de terrain, mais aussi sur des données statistiques. Nous pourrons ainsi comparer le niveau de participation des deux communautés et tenter de comprendre de quelle manière la forte structuration et le caractère communautaire d’une population d’origine immigrée influencent sa participation électorale.
2. Approche théorique de la participation électorale des étrangers au niveau local
6Jusqu’au début des années 1970, l’opinion générale, tant dans le monde politique que dans le monde scientifique, a considéré les travailleurs immigrés comme « une masse apolitique et passive qui acceptait sans broncher le rôle exclusivement économique qui lui était réservé ».7 Cette thèse de la passivité politique des immigrés trouvait deux types d’explication.8 Celle des chercheurs marxistes soutenait, d’une part, que l’exclusion des immigrés du processus électoral les empêchait de jouer un rôle politique dans leur pays d’accueil et, d’autre part, que les immigrés étaient intéressés seulement par des objectifs économiques à court terme et non par la politique. La deuxième explication, non-marxiste, reposait en outre sur l’idée que les immigrés n’avaient aucune culture politique et démocratique, les pays d’origine étant souvent gouvernés par des régimes autoritaires ou récemment démocratisés.
7Les deux explications sont critiquables à bien des égards.9 La théorie des non-marxistes s’appuie sur des considérations manifestement ethnocentristes et paternalistes. La plupart du temps au contraire, les immigrés avaient déjà été politisés et arrivaient avec une culture politique forte et des aspirations démocratiques. Quant aux marxistes, ils ne perçoivent l’immigré qu’à travers son rôle de facteur de production dont la vie est entièrement déterminée par les structures macro-économiques et macro-sociales. Cela contribue à déshumaniser le travailleur immigré et à en faire un agent exclusivement économique. Enfin, l’une comme l’autre réduit la participation politique à la seule participation électorale. Or, la participation politique peut prendre plusieurs formes, plus ou moins conventionnelles.
8Quelle que soit l’explication, cette thèse de la passivité politique des immigrés n’a pas résisté à l’épreuve des faits. Les immigrés ont toujours développé des formes d’activités politiques en marge ou en dehors des institutions de l’État.10 Les différentes formes de participation politique peuvent être classées, en utilisant la typologie de MARTINIELLO,11 sur base de deux critères : le niveau géopolitique de la participation et la distinction entre participation politique étatique et non-étatique.
9Dans la distinction entre participation politique étatique et non-étatique, l’État se définit par « l’ensemble des institutions politiques formelles qui forment le cœur des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ».12 Il y a principalement trois formes de participation politique étatique : la participation électorale, la participation par la représentation au sein des assemblées élues et la participation par la consultation. Mais la vie politique ne se cantonne évidemment pas à l’État et se développe aussi en dehors de ces institutions. On trouve quatre formes majeures de participation politique non-étatique : la participation par l’engagement dans les partis politiques, la participation syndicale, la mobilisation ethnique et la participation à d’autres groupes de pression.13 Chacune de ces sept formes de participation politique peut se développer à différents niveaux géopolitiques, qui correspondent aux différents niveaux de pouvoir. En Belgique, il y a le niveau communal, le niveau provincial, le niveau régional et communautaire, le niveau fédéral et enfin, le niveau européen.
10Les immigrés disposent ainsi d’une multitude de canaux potentiels de participation politique. L’ensemble de ces canaux forme ce que l’on appelle « la structure des opportunités de participation politique ».14 Celle-ci dépend de la mise en œuvre de mécanismes d’inclusion-exclusion par l’État et le système politique ; elle est variable dans le temps et dans l’espace.15 Au début des vagues migratoires, à un moment où l’obtention de la nationalité belge était encore difficile, où il n’existait pas encore de conseils consultatifs des immigrés et où les étrangers n’avaient pas encore le droit de vote, la structure des opportunités de participation politique qui s’offrait aux immigrés était bien plus restreinte. Elle n’est pas la même non plus d’un État à l’autre. Tout dépend des législations nationales sur l’obtention de la nationalité, des droits politiques accordés aux étrangers, du système électoral qui peut être plus ou moins favorable à la représentation des immigrés, etc. « By granting or denying voting rights to foreigners, facilitating or impeding access to citizenship and nationality, granting or constraining freedom of association, ensuring or blocking the representation of migrants’ interests and by establishing or not establishing arenas and institutions for consultative politics, states open or close avenues of political participation for migrants and either provide them with more or fewer opportunities to participate in the management of collective affairs ».16
11La structure des opportunités représente seulement les différentes possibilités de participation. Les immigrés les saisiront ou ne les saisiront pas en fonction d’une série de variables, qui peuvent d’ailleurs être très différentes d’une forme de participation à une autre. Il faut s’attendre, par exemple, à ce que les variables qui influencent la participation par la représentation dans des assemblées élues et celles qui influencent la participation électorale ne soient pas identiques. La participation politique des immigrés dépend donc de deux éléments.17 Elle dépend d’abord de la structure des opportunités de participation politique présente à un moment donné et dans une société donnée. Pour ce qui concerne la participation électorale au niveau local, il s’agira de voir si cette structure des opportunités inclut ou non le droit de vote pour les étrangers. Elle dépend ensuite d’une série de facteurs qui influencent leur participation effective. Ces deux éléments sont exposés dans les sections qui suivent.
2.1. La structure des opportunités politiques : le droit de vote
12Le droit de vote, et les droits politiques de manière plus large, constituent le terrain où les inégalités entre étrangers et nationaux sont les plus difficiles à résorber. Dans la plupart des État aujourd’hui, l’exercice des droits politiques est réservé le plus souvent aux personnes possédant la nationalité de l’État en question.18 La nationalité, notion qui renvoie à l’idée d’appartenance à une communauté, est ainsi confondue avec celle de citoyenneté, notion qui évoque, quant à elle, l’idée de participation au pouvoir au sein d’une société.19
13La tendance n’est pas différente en Belgique. Le droit de vote a longtemps été refusé aux étrangers ; il fallait nécessairement être belge pour exercer les droits politiques. Ce principe est d’ailleurs consacré dans l’article 8 de la Constitution. La question est pourtant apparue sur la scène politique belge dès les années 1970. Mais elle a systématiquement été écartée au profit de réformes facilitant l’accès à la nationalité belge. C’est le cas du moins jusqu’en 1999 lorsque le droit de vote est étendu aux étrangers nationaux d’un État membre de l’UE, puis en 2004 à l’ensemble des étrangers. Concrètement, deux politiques ont ainsi permis aux immigrés et à leurs descendants de devenirs des électeurs : les réformes du Code de la nationalité et, bien entendu, l’octroi du droit de vote aux étrangers.
2.1.1. Les réformes du Code de la nationalité
14Historiquement, le principe qui s’est imposé pour gouverner l’accès à la nationalité belge a été le jus sanguinis, la transmission intergénérationnelle de la nationalité. C’est depuis 1984, avec le vote du nouveau Code de la nationalité, que le principe du jus soli, la nationalité selon le lieu de naissance, a été progressivement introduit dans la législation.20 Depuis cette date, le Code de la nationalité a été modifié à de multiples reprises, chaque fois dans le sens d’une libéralisation plus importante de l’accès à la nationalité belge. Ces réformes s’inscrivaient explicitement dans la politique d’intégration des étrangers et avaient pour objectif de leur donner accès aux droits politiques.21
15Cette politique a eu un impact démographique considérable. Après chaque réforme importante (28 juin 1984, 3 septembre 1991, 13 avril 1995 et 1er mars 2000), on enregistre un accroissement du nombre de changements de nationalité, permettant à une part considérable de la population immigrée de devenir belge. On estime que si ces « changements de nationalité, […], n’avaient pas eu lieu, et en supposant que les personnes qui sont devenues Belges au cours de ces dernières années soient « affectées » des mêmes probabilités de sorties d’observation (par décès et par émigration) que les étrangers, le nombre d’étrangers en Belgique approcherait probablement aujourd’hui 1.500.000 personnes, alors qu’ils ne sont officiellement que 850.000 au 1er janvier 2003 ».22 Ces personnes possèdent désormais la nationalité belge et toute trace de leur nationalité d’origine disparaît dans les statistiques officielles.23
16Les changements de nationalité dans la population immigrée ont aussi eu un impact électoral et sans doute un impact sur le discours politique. Dans certaines localités à fortes populations immigrées, les Belges d’origine étrangère constituent désormais une part non négligeable du corps électoral.24 Plusieurs études menées sur les communes bruxelloises ont relevé des conséquences de l’accroissement sans précédent du nombre d’électeurs d’origine étrangère aux élections communales d’octobre 2000, sous l’effet de la dernière réforme de la nationalité.25 Bien que ce ne soit pas l’objet du présent Cahier, nous pouvons citer brièvement quelques-unes de ces observations. Tout d’abord, les partis politiques ont entrepris une campagne active auprès des populations immigrées (visite de mosquées, d’associations, de cafés, etc.). Ils ont aussi présenté de nombreux candidats d’origine étrangère sur leurs listes électorales. Ces candidats ont souvent récolté un nombre considérable de votes de préférence dans les communes à forte population immigrée. Les votes immigrés ont peut-être même contribué à modifier les rapports de forces et les prévisions électorales. En effet, aux élections communales de 2000 en Région bruxelloise, on s’attendait à une avancée des libéraux au détriment des socialistes. Or, contrairement aux prévisions, ce sont les socialistes qui progressent et les libéraux qui reculent. Certains observateurs expliquent ce résultat par « l’accession à la citoyenneté politique d’une partie importante des classes populaires bruxelloises, suite à l’acquisition de la nationalité belge par de nombreux immigrés ».26 Il n’y a cependant aucune enquête qui permette d’appuyer cette hypothèse.
17Enfin, l’influence des changements de nationalité sur le discours des partis politiques est particulièrement flagrante chez les libéraux francophones au sujet du droit de vote. Lorsque l’élargissement futur du droit de vote aux étrangers ressortissant de pays hors Union européenne (ci-après dénommés « étrangers non-UE ») est devenu une évidence, ils sont devenus en l’espace de quelques mois les champions de la lutte pour l’octroi du droit de vote aux étrangers, alors qu’ils s’y étaient toujours opposés.27 Cette attitude s’explique en partie par la crainte d’une sanction de l’électorat étranger et d’origine étrangère au moment des élections.
2.1.2. L’octroi du droit de vote aux étrangers
18La question remonte en Belgique, comme nous l’avons dit, au début des années 1970.28 La Constitution belge réserve l’exercice des droits politiques aux seuls Belges. Toute avancée dans cette matière nécessite un large accord entre les principaux partis politiques afin de procéder à une révision de la Constitution. Mais pendant près de 30 ans, et malgré la signature en 1992 du Traité de Maastricht qui introduit la citoyenneté européenne et prévoit le droit de vote et l’éligibilité pour les étrangers ressortissant d’un État membre de l’Union européenne (ci-après dénommés « étrangers UE ») au niveau local, l’idée est écartée pour des raisons qui tiennent tour à tour à l’instabilité gouvernementale, au contexte anti-immigré, à la radicalisation des libéraux sur la question, à la montée de l’extrême droite, aux conflits entre flamands et francophones. À la place, la plupart du temps, on préfère réformer le Code de la nationalité.29
19Les observateurs attribuent le retour en force de la question sur la scène politique à un fait divers : la découverte, en mars 1997, du corps d’une petite marocaine, victime de pédophilie, et l’intervention en public de sa sœur ainée pour calmer la foule menaçant le Palais de Justice de Bruxelles.30 Ces évènements ont un impact considérable sur les consciences et, du jour au lendemain, la question du droit de vote pour l’ensemble des étrangers devient envisageable. En 1998, les partis politiques atteignent finalement un compromis et modifient la Constitution pour permettre l’extension du droit de vote. Une loi est adoptée le 27 janvier 1999, octroyant le droit de vote aux étrangers UE.31 Pour les étranges non-UE, la loi intervient le 19 mars 2004, donc après les élections communales de 2000 auxquelles les étrangers UE ont déjà pu participer.32
20En Belgique, on a finalement affaire à trois niveaux de citoyens : les Belges, les étrangers UE et les étrangers non-UE.33 L’octroi du droit de vote aux étrangers constitue, certes, un progrès important, mais il perpétue certaines inégalités entre ces trois types de citoyens. En effet, les Belges (d’origine étrangère ou non) jouissent de l’ensemble des droits politiques à tous les niveaux de pouvoir. Les étrangers UE ont le droit de participer aux élections européennes et aux élections communales et les étrangers non-UE uniquement aux élections communales, sans compter que seuls les étrangers résidant légalement sur le territoire belge et inscrits dans les registres de la population ou dans le registre des étrangers sont concernés. Les étrangers non-UE ont uniquement le droit de vote, tandis que les étrangers UE ont en plus le droit d’éligibilité et même le droit d’occuper un poste exécutif (celui d’échevin), même s’ils sont soumis à des conditions d’éligibilité plus restrictives que les Belges.
21En ce qui concerne les conditions d’électorat, en plus des conditions qui s’appliquent aux Belges, les étrangers doivent en remplir une autre : celle de s’inscrire au préalable au moyen d’un formulaire en mentionnant leur nationalité et leur adresse de résidence. Les étrangers non-UE sont soumis à deux obligations supplémentaires par rapport aux étrangers UE. Premièrement, ils doivent signer une déclaration par laquelle ils s’engagent à respecter la Constitution, les lois du peuple belge et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette exigence est évidemment dégradante et empreinte de préjugés. Les étrangers non européens ont-ils une propension plus importante à violer les lois, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ? Où est-ce simplement une concession faite à certains fragments de l’électorat ? Quoi qu’il en soit, cette condition a très peu d’effet en pratique : la plupart du temps, les personnes signent sans vraiment savoir de quoi il s’agit. Par contre, la deuxième condition spécifique aux étrangers non-UE, à savoir la durée de résidence de cinq ans, est pleinement justifiée et a un impact bien réel. Elle est justifiée par le fait qu’un immigré a toujours besoin d’un temps d’adaptation. Le temps de se poser, d’apprendre le fonctionnement des institutions, de se familiariser avec les différents partis politiques, etc. Mais cela concerne aussi les étrangers UE. Or ceux-ci peuvent participer sans délai à la vie politique locale. L’exigence d’une durée de résidence de cinq ans a également pour conséquence de restreindre le nombre d’électeurs potentiel parmi les étrangers non-UE.
22Une autre différence importante entre les trois types de citoyens a trait à la nature obligatoire du vote pour les Belges et facultative pour les étrangers. Les étrangers doivent manifester leur volonté d’exercer le droit de vote en Belgique. Cela implique au minimum qu’ils soient informés de leur droit. Or, si rien n’est fait pour cela, il y a peu de chance pour qu’ils le soient. Ensuite, ils doivent passer par des démarches administratives qui dissuadent d’emblée pas mal de monde. Une fois qu’ils sont inscrits sur la liste des électeurs, ils sont, certes, soumis à l’obligation du vote, mais avec la possibilité de se désinscrire après les élections.
2.2. Les facteurs de participation électorale
23La structure des opportunités politiques informe seulement sur les possibilités de participation politique. Reste maintenant à savoir quels sont les facteurs qui peuvent influencer la participation effective des immigrés. Nous nous attacherons plus particulièrement à mettre en lumière l’influence du niveau de structuration d’une communauté d’origine immigrée sur sa participation électorale.
2.2.1. Facteur « structuration »
24L’exercice du droit de vote n’est pas obligatoire pour les étrangers et il s’agit de surcroît d’un nouveau droit dont ils n’ont pas forcément connaissance. Nous fondons notre raisonnement sur l’idée que plus un électorat potentiel sera la cible de campagnes électorales, plus son taux de participation sera important. Or, à l’échelle locale où plus qu’ailleurs chaque voix a de l’importance, c’est la perspective d’un vote ethnique qui motive les campagnes électorales auprès des étrangers.
25Le vote ethnique peut faire référence à deux phénomènes.34 Premièrement, il se définit comme le vote individuel d’un électeur en faveur d’un ou de plusieurs candidats de cette même origine ethnique, ou pour un parti qui regroupe des candidats de ce même profil ethnique. Dans ce cas, l’électeur fait son choix en fonction de l’appartenance ethnique, quel que soit le programme politique, car il considère que le candidat qui partage la même identité ethnique est mieux à même de le représenter. Deuxièmement, on parle de vote ethnique lorsque les électeurs d’une catégorie ethnique particulière décident collectivement de soutenir tel ou tel candidat de tel ou tel parti, quelle que soit son origine ethnique. Cela peut arriver lorsqu’il y a certain marchandage politique entre le candidat et le groupe ethnique ou bien lorsque le groupe ethnique a la conviction que ce candidat pourra mieux défendre ses intérêts. La différence fondamentale réside dans le caractère individuel du premier et collectif du second, c’est pourquoi nous parlerons de « vote ethnique individuel » et de « vote ethnique collectif ». Il est cependant évident aussi que les deux démarches peuvent se confondre. Le groupe ethnique peut très bien décider, collectivement, de soutenir un candidat de la même origine ethnique.
26Des études ont déjà établi l’existence du vote ethnique. Celle de JACOBS, MARTINIELLO et REA sur la participation politique des Belges d’origine étrangère dans la Région de Bruxelles-Capitale aux communales 2000 arrive à la conclusion qu’il existe bien un vote ethnique, même s’il n’est pas possible d’en déterminer l’importance.35 Mais ce qui est plus important encore, c’est que les partis politiques et les candidats semblent avoir intégré l’existence du vote ethnique dans leur stratégie électorale.36 C’est particulièrement le cas au moment de la constitution des listes. Dans les localités à fortes populations immigrées, les listes électorales comprennent systématiquement des candidats d’origine immigrée. Or, ce n’était pas le cas lorsque ces populations n’avaient pas le droit de vote. Ce qui nous pousse à affirmer que cette tendance à inclure des candidats d’origine étrangère correspond davantage à une stratégie électorale qu’à une volonté d’ouverture guidée par les valeurs d’un parti politique. Les populations d’origine immigrée sont plus que jamais la cible des campagnes électorales. Les candidats font campagne à travers les associations immigrées pour gagner les voix de telle ou telle communauté immigrée. C’est avec les associations qu’ils négocient des votes groupés.37 Le schéma classique consiste à gagner le soutien des responsables d’associations immigrées qui, à leur tour, mobilisent leur communauté. Ainsi, non seulement les candidats considèrent le vote ethnique comme un fait, mais en plus ils l’encouragent à travers leur campagne.
27Le phénomène du vote ethnique est lié à la structuration d’une communauté et cela de deux manières. Premièrement, le fait qu’une population d’origine immigrée soit structurée implique nécessairement qu’il y ait une identité collective, un sentiment d’appartenance au groupe. L’identité collective est en effet indispensable à la naissance et au développement d’une dimension organisationnelle.38 Or le vote ethnique ne peut se concevoir, dans le premier comme dans le second sens, s’il n’y a pas d’identité collective. Deuxièmement, comme nous venons de le dire, c’est à travers les organisations immigrées que les candidats font campagne pour un vote ethnique collectif.
28La forte structuration d’une communauté d’origine immigrée encourage les campagnes pour le vote ethnique (dans le premier comme dans le second sens) qui poussent à la participation électorale des étrangers. Deux autres variables doivent en outre être prises en compte lorsqu’il s’agira d’étudier le taux de participation. Le volume de l’électorat potentiel. Il est évident qu’une population d’une ou de deux personnes ne constitue pas un électorat intéressant. Elle ne sera donc pas la cible de campagnes électorales. En plus, on ne peut pas comparer le taux de participation d’une population d’un électeur potentiel (taux de participation soit de 100% soit de 0%) avec celui d’une population de 500 électeurs potentiels, par exemple. Ensuite, la présence de candidat d’origine étrangère doit aussi être prise en compte. Le candidat d’origine étrangère aura en effet tendance à faire appel au vote ethnique et donc à faire campagne auprès de l’électorat de son origine.
2.2.2. Autres facteurs envisageables
29Nous avons fait le choix d’étudier l’influence du facteur « structuration » sur la participation électorale. Il y a évidemment d’autres facteurs susceptibles d’influencer la participation électorale. Citons tout d’abord la concentration à l’échelle des quartiers. La concentration ne peut que renforcer l’identité collective et aussi faciliter la circulation de l’information au sein de la communauté. Cela pourrait jouer en faveur de la participation en cas de mobilisation pour un vote ethnique. D’ailleurs, dans les quartiers à forte concentration de populations immigrées, la campagne électorale est particulièrement intense et vivante. Les vitrines sont tapissées d’affiches multicolores plus qu’ailleurs. Il serait difficile dans cet environnement de manquer l’approche des élections.39
30Le niveau de connaissance de la langue du pays d’accueil est un facteur de participation qui est souvent mis en évidence dans la littérature sur l’immigration. Dans l’étude de JACOBS, PHALET et SWYNGEDOUW, la faible participation des Turcs par rapport aux Maghrébins à Bruxelles est expliquée en partie par leur bien moindre connaissance du français.40
31Toujours dans la littérature sur l’immigration, le facteur de la participation au sein d’associations, à un niveau individuel, et celui du capital social, à un niveau collectif, ont aussi suscité une littérature abondante.41 La théorie du capital social repose sur le postulat selon lequel plus le réseau associatif est dense au sein d’une communauté ethnique, plus il y a de confiance politique et de participation politique. Le haut niveau de capital social d’une communauté ethnique entraine une forte participation électorale. Les différences de participation entre communautés ethniques sont donc expliquées par leur différent niveau de capital social. Le facteur de la participation au sein d’associations repose sur cette même théorie, mais appréciée à un niveau individuel. Dans une population, plus il y a de personnes qui sont membres d’associations, plus il y a de participation politique.
32Enfin, il y a aussi une série de variables classiques en sciences politiques qui permettent d’expliquer la participation électorale.42 Le niveau de scolarisation est sans doute la variable la plus significative. L’intérêt pour la politique croît en effet avec le niveau de scolarisation. Le statut social est plus difficile à apprécier, mais il semble être lié à la scolarisation : l’intérêt pour la politique croît avec le niveau d’instruction et la progression vers des professions requérant une scolarisation plus longue. Le degré d’urbanisation du lieu de résidence semble aussi influencer l’intérêt pour la politique. Les grandes villes sont en effet au centre de l’attention des média, elles polarisent l’information. Le sentiment de citoyenneté en serait renforcé. La variable sexe est aussi très classique en sciences politiques, mais elle semblerait jouer moins qu’auparavant. La tendance d’un plus faible intérêt des femmes pour la politique semble en effet disparaître à mesure de l’émancipation de celles-ci. Quant à la variable de l’âge, elle suscite un plus vif intérêt, notamment lorsqu’il s’agit d’étudier l’intérêt des jeunes pour la politique. L’âge a cependant relativement peu d’influence, vu les divergences de résultats dans les recherches. Il semblerait néanmoins qu’après un certain âge (plus ou moins 75 ans), la participation diminue.
3. L’immigration turque en Belgique
3.1. Bref historique
33Les causes de l’émigration turque sont à rechercher dans les mutations socio-économiques et en particulier dans les transformations du monde rural qu’a connues la Turquie après la seconde guerre mondiale.43 Après la défaite du parti kémaliste (Parti républicain du peuple) aux législatives de 1950, le nouveau parti au gouvernement, le parti de l’opposition bourgeoise et des grands propriétaires fonciers (Parti démocrate), adopte une politique d’encouragement du capital étranger, de libéralisation du commerce et de transfert du capital public vers le privé.44 Après trente ans d’étatisme, les années 1950 voient ainsi l’intégration de la Turquie dans l’économie capitaliste mondiale et la pénétration du capitalisme dans l’agriculture.45 Cette politique a des conséquences désastreuses dans le monde rural. La Turquie connaît alors un exode rural massif. Le chômage devient un des problèmes majeurs de l’économie turque. C’est dans un contexte de crise économique, sociale et politique que démarre l’émigration turque vers l’étranger à la fin des années 1950.46 Les premiers accords sont signés avec l’Allemagne (en 1957, puis 1961), ensuite avec l’Autriche (1964), la Belgique (1964), les Pays-Bas (1964), la France (1965), la Suède (1967), l’Australie (1967) et enfin avec les pays arabes. L’émigration est encouragée par le gouvernement turc comme moyen pour faire face au chômage et pour rétablir l’équilibre de la balance des paiements (grâce à l’envoi de devises par les travailleurs émigrés).47
34En Europe, au début des années 1960, l’économie est croissante et il y a une demande élevée de main d’œuvre peu qualifiée. La Belgique, qui a recouru jusque là à la main d’œuvre en provenance d’Italie, puis d’Espagne et de Grèce, élargit son horizon à la Turquie et au Maroc.48 L’immigration turque organisée vers la Belgique commence donc en 1964 avec la signature d’un accord bilatéral initié par la Fédération charbonnière belge.49 Au cours des cinq années suivant la convention, près de 14.000 travailleurs sont engagés par les mines. L’accord prévoit la possibilité pour les travailleurs de faire venir leur famille au bout d’un mois de travail. En plus de l’immigration officielle et du regroupement familial, il y a aussi un flux informel très important (des personnes qui arrivent comme « touristes » et qui se font régulariser une fois sur le territoire), sans compter les réfugiés politiques dès 1971.50 Après l’arrêt officiel de l’immigration en 1974, la population turque de Belgique continue d’augmenter du fait des naissances (la population immigrée turque est en effet caractérisée par une forte natalité), du regroupement familial et de l’arrivée de conjoints.51
3.2. Caractéristiques
3.2.1. Volume de la population
35Environ 40.000 ressortissants turcs vivent actuellement en Belgique.52 Mais ce nombre ne rend pas compte de l’ensemble de la population turque et d’origine turque de Belgique puisque bon nombre d’entre eux possèdent désormais la nationalité belge. On observe en effet une forte tendance à la naturalisation parmi les Turcs de Belgique.53 La communauté turque de Belgique est estimée au total à quelque 150.000 individus.54 Cette population continue d’augmenter sous l’effet de deux facteurs essentiellement : premièrement, le taux de fécondité élevé des Turcs, qui est toutefois en baisse depuis quelques années, et, deuxièmement, la poursuite de l’immigration par les regroupements familiaux et les importations de conjoints.55
3.2.2. Concentration géographique
36La population turque est caractérisée par une forte concentration géographique, bien que cette caractéristique s’applique à l’ensemble de la population étrangère et d’origine étrangère.56 Les Turcs sont majoritairement installés dans le Nord du pays, surtout à Anvers et à Gand mais nombreux résident aussi dans la Province du Limbourg. Ils sont également très concentrés dans certaines communes bruxelloises comme Schaerbeek, Saint-Josse et Bruxelles-ville. Enfin, les Province de Liège et du Hainaut accueillent également une forte population turque. Environ 60% des immigrés turcs habiteraient sur le territoire de dix communes seulement.57
37Cette concentration géographique s’observe aussi à l’échelle des quartiers.58 Mais contrairement aux autres nationalités, chez les Turcs on observe le maintien de cette concentration malgré l’amélioration de la situation sociale des ménages, ce qui montre leur stratégie collective d’intégration qui contraste avec les stratégies individuelles des autres groupes.59
3.2.3. Une identité collective
38Il est bien entendu difficile de savoir s’il y a une identité collective au sein d’une population d’origine immigrée. L’identité collective et le sentiment d’appartenance à une communauté sont des réalités difficiles à mesurer. Il y a toutefois des indices qui permettent d’affirmer que la population turque et d’origine turque est caractérisée par une identité collective forte.
39Premier indicateur, les Turcs de l’immigration ont une très bonne maîtrise de leur langue d’origine, à la différence des Maghrébins par exemple.60 Les familles turques sont en effet très attachées à leur langue d’origine.61 D’après les données de l’Ambassade de Turquie, pas moins de 8.000 enfants d’origine turque suivraient les cours de langue turque en horaire décalé.62 On estime ainsi à moins de 5% la proportion de jeunes issus de l’immigration turque ne parlant pas le turc.63 Cette aisance dans la langue d’origine est sans doute favorisée par la relative homogénéité linguistique et dialectale de la Turquie et par l’utilisation de l’alphabet latin.64
40La forte pénétration des média turcs au sein de la population immigrée est un autre indicateur. La très grande majorité des Turcs lit occasionnellement la presse quotidienne du pays d’origine.65 Les grands quotidiens ont d’ailleurs des éditions spéciales pour les Turcs de l’immigration et sont imprimés en Europe. « Près de 5.000 quotidiens turcs sont vendus chaque jour dans plus de 6.500 points de vente en Belgique […] ».66 Ces média ont une influence considérable sur l’opinion publique des Turcs de l’immigration.67 On observe une pénétration plus forte encore de la télévision turque dans les ménages.68 Rares sont en effet les ménages qui ne captent pas plusieurs chaînes de TV turques. C’est également le cas de la musique turque,69 qui a presque autant de succès chez les jeunes que chez les plus âgés.
3.2.4. Une forte organisation
41Dès le début des années 1970, des associations d’immigrés turcs voient le jour.70 La population immigrée développe un réseau dense d’associations, qui se regroupent pour certaines dans des fédérations et confédérations à l’échelle européenne. En plus, la concentration géographique dans certaines localités amène à une forte organisation de la population au niveau local.
42Ce qui est à l’origine de cette multitude d’associations, c’est avant tout l’hétérogénéité même de la population turque. L’immigration turque est en effet caractérisée par une diversité politique, ethnique, religieuse et régionale (lieu d’origine). Les organisations peuvent ainsi être classées en différents types. Il y a d’abord les organisations religieuses : les sunnites (Diyanet, Milli Görüs), les nombreuses sectes islamistes (les nurcu, les süleymanci, les fethullahci, etc.), les alévis, les chrétiens, etc. Il y a aussi des organisations à base ethnique : les Kurdes, les Araméens, les Arméniens, etc. On retrouve aussi de nombreuses associations sur base de la région d’origine et parfois même du village d’origine. Enfin, il y a les organisations à base politique : kémalistes, laïques, gauchistes, nationalistes, de droite islamiste, etc.
3.3. Une « communauté » d’origine immigrée ?
43On peut parler de communauté d’origine immigrée lorsqu’une collectivité, issue de l’immigration et d’une même origine nationale, présente en plus deux caractéristiques : une identité collective et un certain degré d’organisation.71 Pour pouvoir parler de communauté, il faut avant tout un sentiment d’appartenance au groupe ou une identité commune.72 Cette première caractéristique est indispensable à la naissance et au développement de la dimension organisationnelle d’une communauté qui en constitue la deuxième caractéristique.73 S’il n’y a pas de sentiment d’appartenance, il n’y a pas de tissu organisationnel. Les organisations constituent une émanation de cette conscience subjective de partager une même identité. Une troisième caractéristique, la concentration géographique dans certaines localités ou quartiers, n’est pas nécessaire pour parler de communauté.74 Néanmoins, la concentration géographique ne peut que renforcer l’aspect communautaire. De plus, on constate qu’une communauté s’organise à l’échelle de la localité ou à l’échelle du quartier. La concentration géographique est donc de facto liée au fait communautaire.
44Peut-on parler à propos de la population turque et d’origine turque de Belgique d’une « communauté » d’origine immigrée telle que définie ? Les caractéristiques que nous venons d’exposer paraissent correspondre à cette définition. Mais s’il est vrai que la population d’origine turque présente les caractéristiques d’une communauté, cela ne doit pas pour autant voiler sa nature profondément clivée et hétérogène, mise en lumière par la diversité des organisations.75 Donc, si l’on parle d’une communauté turque, il faut garder à l’esprit que celle-ci est traversée de clivages politiques, religieux, culturels et ethniques. Il existe en effet de nombreux sous-groupes, qui ne se mélangent pas et au sein desquels règne une forte cohésion sociale.76 Peut-être n’existe-t-il pas d’identité commune à l’ensemble de la population turque ? Mais malgré tout, nous pensons que la logique communautaire caractérise bel et bien l’immigration turque, si ce n’est au niveau de l’ensemble de la population, du moins au niveau de ses sous-groupes.
45Finalement, l’organisation d’une communauté s’opérant à l’échelle des localités ou des quartiers,77 il peut y avoir des différences dans le degré de structuration d’une communauté d’une localité à une autre. L’identité collective peut aussi être plus ou moins forte d’un endroit à l’autre. L’aspect communautaire de l’immigration turque n’exclut donc pas qu’il y ait des nuances d’une localité à une autre.
4. La participation électorale des Turcs d’Herstal et de Saint-Nicolas
4.1. Méthodologie
46Ce Cahier a pour objet de vérifier l’influence du facteur « structuration » sur la participation électorale des étrangers à travers l’étude de deux cas : celui des Turcs d’Herstal et celui des Turcs de Saint-Nicolas, dans le cadre des élections communales d’octobre 2006. La démarche a d’abord consisté à comparer, dans les deux communes, la population turque concernée par le droit de vote aux communales de 2006 (les électeurs turcs potentiels) et leur taux effectif de participation (électeurs turcs effectivement inscrits). Nous avons ensuite tenté de comprendre, par une démarche de type qualitatif, quels sont les facteurs qui ont pu influencer la participation de part et d’autre, et si la forte structuration et le caractère communautaire d’une population d’origine immigrée influencent ou non sa participation électorale.
47L’étude s’est appuyée sur deux sources d’informations complémentaires : des entretiens et des données statistiques. Vingt-trois entretiens ont été menés entre avril et août 2007 : cinq par téléphone et le reste en face à face.78 Les entretiens n’étaient pas enregistrés mais accompagnés de prises de notes. Dans les deux communes, tous les candidats d’origine turque et les responsables de toutes les associations turques ont été interviewés. Nous avons rencontré en plus des fonctionnaires communaux et des responsables politiques. Il y avait également, parmi les personnes interviewées, des témoins privilégiés, choisis pour leur connaissance du monde associatif turc, de la communauté turque d’Herstal ou de Saint-Nicolas ou parce qu’ils étaient susceptibles d’apporter un point de vue contrasté sur la question.
48L’étude s’est également fondée sur une deuxième source d’informations, les données statistiques fournies par l’Institut National de Statistiques (INS), mais aussi directement par les administrations communales. Les données sur le taux de participation des étrangers aux élections étaient relativement précises. Elles renseignaient sur le nombre d’électeurs potentiels et le nombre d’électeurs inscrits, donnant le taux de participation, et cela par commune, par type d’électeurs (citoyen UE ou citoyen non-UE), par nationalité et par sexe.
4.2. Présentation générale
4.2.1. Volume de la population
49Herstal et Saint-Nicolas sont deux communes de la périphérie liégeoise qui abritent une forte communauté turque. Le nombre de Turcs pouvant potentiellement s’inscrire comme électeurs s’élève à 136 personnes à Herstal et à 140 à Saint-Nicolas. En province de Liège, les seules communes qui dépassent ce nombre sont Liège avec 687 Turcs, Verviers avec 262 et Seraing avec 178. À Visé, ils sont un peu moins nombreux, soit 127 individus. En dehors de ces six communes, aucune autre ne présente une population significative.79 C’est dorénavant à ces six communes que nous nous réfèrerons pour effectuer des comparaisons.
(DGIP - Registre National)80
50Il faut rappeler que ces personnes, potentiellement électrices, sont les Turcs qui n’ont pas la nationalité belge, qui ont 18 ans minimum et qui résident en Belgique légalement depuis cinq ans au moins. La population de nationalité turque totale s’élève à 413 personnes à Herstal (1,09 % de la population totale et 5,76 % de la population étrangère totale) et à 280 personnes à Saint-Nicolas (1,24 % de la population totale et 5,32 % de la population étrangère totale).
(SPF Intérieur, Office des étrangers et INS)81
51Quant à la population turque totale, comprenant les personnes issues de l’immigration turque mais de nationalité belge, les chiffres ne sont pas connus. Le volume de la population de nationalité turque peut toutefois constituer un indice du volume total de la population turque et d’origine turque. Donc, même si on n’en connaît pas les chiffres exacts, il peut être établi qu’en province de Liège six communes abritent une forte communauté turque. Il s’agit, par ordre d’importance, de Liège, Verviers, Seraing, Herstal, Saint-Nicolas et Visé.
52Bien qu’il y ait une communauté turque importante à Herstal comme à Saint-Nicolas, les Turcs ne représentent la première communauté étrangère dans aucune de ces deux communes. En effet, à Herstal comme à Saint-Nicolas, la première communauté étrangère en nombre est celle des Italiens. À Herstal, la population de nationalité italienne est constituée de 4165 individus (contre 413 Turcs, pour rappel). Ils représentent 58% de la population étrangère totale d’Herstal. Il y a aussi une forte population espagnole dans cette même commune : 673 Espagnols, 9% de la population étrangère totale. Les Turcs ne constituent en nombre que la troisième nationalité étrangère. À Saint-Nicolas, la population italienne est plus dominante encore : elle représente 76% des étrangers (4020 personnes). Ensuite viennent les Turcs avec 280 individus. Donc dans les deux communes, les Turcs ne représentent que la deuxième (à Saint-Nicolas) ou la troisième communauté étrangère (à Herstal).
(SPF Intérieur et Office des étrangers)82
4.2.2. Structuration des deux communautés
53Les deux communautés présentent a priori un niveau de structuration semblable. À Herstal, il y a deux associations turques : le Centre culturel turc d’Herstal avec sa mosquée Ertugrul et le Foyer culturel des Syriaques de Liège. À Saint-Nicolas, on retrouve trois associations turques dont deux mosquées : le Centre culturel turc avec la mosquée Kanuni Sultan Suleyman, le Centre culturel et d’entraide de la mosquée Fatih et l’association Mozaïk. Nous tâcherons dans cette section de décrire brièvement les différentes associations en les situant, autant que possible, dans leur appartenance idéologique, religieuse ou ethnique ; nous verrons également le niveau de fréquentation de chaque association, leur influence sur la communauté turque ainsi que les relations qu’elles entretiennent entre elles et avec les autorités locales.
4.2.2.1. Herstal
54Le Centre culturel turc d’Herstal (CCTH) est une organisation à base essentiellement religieuse ; elle abrite en effet la mosquée Ertugrul. Elle est fédérée à la Fondation religieuse islamique turque en Belgique, établie à Bruxelles, elle-même liée à la Diyanet, le Directorat des Affaires Religieuses du gouvernement turc, représenté en Europe par la voie diplomatique.83 Le CCTH fait également partie de la Fédération liégeoise des associations turques. En réalité, la Fédération regroupe les mosquées de la Diyanet de la Province de Liège.84 Des collaborations informelles existaient déjà entre elles depuis plusieurs années, mais elles ont souhaité favoriser ces collaborations dans le cadre d’une structure distincte. La Fédération a été créée en 2006. Elle réunit tous les présidents une fois par mois. Seule la mosquée Kanuni Sultan Suleyman de Saint-Nicolas ne fait pas partie de la Fédération.85
55Le CCTH existe depuis 1982. Il est longtemps resté cantonné à ses activités cultuelles, se résumant simplement à une mosquée et à un café. Depuis quelques années cependant, l’association fait preuve d’une ambition qui se manifeste tant dans son offre d’activités que dans ses projets autour de l’acquisition d’un nouveau bâtiment. Au niveau des activités, la volonté est de les élargir en dehors du culte. L’association offre aujourd’hui des activités classiques telles que des cours de religion, des cours de langue turque, des activités sportives, et comprend un comité de femmes. Des activités plus originales se développent également, comme la musique, le théâtre et la danse folklorique. L’idée des responsables est de structurer ces activités en trois associations distinctes de façon à les séparer de la mosquée. Quant aux locaux, ceux-ci sont vieux et inadaptés aux besoins. Un projet de déménagement est en cours pour créer un grand complexe qui offrirait un espace pour l’ensemble de ces associations et pour la mosquée. La volonté des responsables est d’offrir à ce bâtiment toute l’apparence extérieure d’une mosquée, avec son minaret et son architecture classique.
56Sur base des listings qu’ils tiennent, les responsables sont en mesure d’estimer la fréquentation de leur association à environ 300 familles. Les relations avec les autorités locales sont longtemps restées quasi inexistantes. Mais la nouvelle direction, en place depuis 2003, manifeste beaucoup d’intérêts à investir dans ces relations. La mosquée Ertugrul a été reconnue par la Région wallonne le 19 juin 2007.86
57Herstal compte également une autre association turque : le Foyer culturel des Syriaques de Liège. Il s’agit d’une association d’Araméens, des Turcs chrétiens.87 Ce Foyer culturel des Syriaques de Liège a été créé en 2000. C’est une organisation à base ethno-religieuse. Leurs activités sont principalement centrées sur l’enseignement de la culture syriaque et l’entraide au sein de la communauté. Ils organisent des animations à destination des enfants, ils ont également un comité de femmes qui propose notamment des excursions. Leur local se résume à une grande salle avec un bar et quelques tables. Inadapté à des activités éducatives, comme des cours de langue par exemple, il constitue par contre un lieu de réunion idéal pouvant accueillir beaucoup de monde. Ils organisent souvent des soirées, mais aussi des débats électoraux à l’approche des élections.
58Le Foyer culturel accueillerait à peu près 150 Araméens de toute la région liégeoise. Cela représente, certes, moins de monde que le Centre culturel turc, mais la communauté syriaque compte également moins d’individus. Au contraire, au sein de sa communauté, le Foyer culturel jouit d’une forte fréquentation et d’une influence certaine. Mais il accueille des Turcs de toute la région et, sur la commune d’Herstal, il touche incontestablement moins d’individus que le Centre culturel turc. Selon les affirmations des responsables, il ne semble exister aucune relation – bonne ou mauvaise – entre les deux associations, ni au niveau des directions, ni au niveau du public. Ce qui renforce l’idée, évoquée plus haut, que le caractère communautaire de la population turque réside avant tout au niveau de ses sous-groupes.
4.2.2.2. Saint-Nicolas
59À l’instar du CCT d’Herstal, le Centre culturel turc de Saint-Nicolas avec sa mosquée Kanuni Sultan Suleyman fait également partie de la Fondation religieuse islamique turque de Belgique, attachée à la Diyanet. Datant de 1976, elle est l’une des plus anciennes de la communauté turque de Belgique. Elle est aussi l’une des mosquées turques les plus fréquentées de la région. Leur listing inclut quelque 650-700 familles, et lors de certains évènements comme la clôture du ramadan, quelque 800-1200 personnes, de Saint-Nicolas et environs, assistent à la prière. Le local de la prière déborde littéralement : les gens vont jusqu’à prier dans les couloirs et dans le jardin. L’association a acheté un bâtiment à Glain pour pouvoir s’y installer plus confortablement. Ils ne seront donc bientôt plus sur le territoire administratif de la commune de Saint-Nicolas, mais sur celui de Liège. La commission en charge du projet de déménagement réunit non seulement les responsables du Centre culturel, mais aussi le président de l’association Mozaïk dont nous parlerons plus loin.
60Les activités se concentrent essentiellement sur le culte et les cours de religion pour les enfants. Quelques autres activités sont organisées, comme les cours de français et d’informatique, mais rencontrent peu de succès. Les activités culturelles sont organisées en partenariat avec Mozaïk. Il y a également un comité de femmes qui organise des excursions pour les femmes et parfois des évènements tout public. À l’occasion de la fête des mères, le dimanche 13 mai 2007, elles avaient organisé une après-midi festive dans la salle « Turquoise » à proximité. L’approche des élections fédérales expliquait aussi la présence de plusieurs candidats politiques. De tels évènements réunissent beaucoup de monde à Saint-Nicolas. La fête des mères avait rassemblé environ 400-500 personnes. La fête des enfants, organisée le dimanche 27 avril 2007, cette fois par les professeurs de langue turque, avait rassemblé plus de monde encore.
61La mosquée Kanuni Sultan Suleyman n’a pas été reconnue par la Région wallonne. Les responsables attribuent cela à un simple ennui administratif et affirment qu’elle ne devrait pas tarder à être reconnue. Elément intéressant, parmi les mosquées de la Diyanet, celle de Saint-Nicolas est la seule à ne pas faire partie de la Fédération des associations de la région liégeoise, dont nous avons parlé plus haut. Nous ne pensons pas que ce soit dû à une mésentente entre les responsables. La mosquée de Saint-Nicolas semble entretenir de bonnes relations avec les autres mosquées. Elle participe d’ailleurs aux actions de la Fédération mais elle a refusé d’être inscrite dans les statuts. La mosquée de Saint-Nicolas a une influence importante dans la communauté turque et ses responsables ont un leadership incontestable. Nous pensons que leur refus de se fédérer à une organisation distincte réside dans leur volonté de conserver leur autonomie et leur influence sur « leur territoire ».
62Nous avons cité plus haut l’association Mozaïk. C’est une association encore récente. Elle a été créée en 2002 par son directeur actuel, Hasan MALKOC, le secrétaire et porte-parole actuel du Centre culturel, Sezai OKSUZ, et Birol COKGEZEN, candidat aux élections communales à Saint-Nicolas en 2006. L’association se veut ouverte à tous les Turcs, mais pas nécessairement qu’aux Turcs. C’est ainsi que les responsables justifient le choix du nom « Mozaïk » (mosaïque). On ne peut donc pas réellement la classer dans un courant religieux, idéologique ou dans un groupe ethnique. Tout ce que nous pouvons relever, c’est les nombreux liens qui existent entre le Centre culturel et Mozaïk. Ils sont géographiquement proches. Les comités de direction regroupent parfois les mêmes personnes. Le président de Mozaïk fait aussi partie de la commission du CCT chargée du projet du nouveau bâtiment. Le secrétaire du Centre culturel a participé à la création de Mozaïk et en a été le secrétaire pendant un certain temps. Certaines activités ou évènements sont organisés en partenariat entre les deux associations.
63Mozaïk est une association essentiellement culturelle et sportive. Des cours de saz sont organisés, de danse moderne, de danse folklorique et de calligraphie arabe. Une équipe de mini foot est en création et il existe déjà un club de taïbo. Mozaïk fournit aussi des cours de turc langue étrangère (pour les non Turcs) et il y a aussi les balbutiements d’une école de devoirs. L’association manque cependant de moyens financiers et surtout de l’intérêt de la communauté turque de Saint-Nicolas.
64Il existe encore une dernière association turque à Saint-Nicolas : le Centre culturel et d’entraide avec sa moquée Fatih. À la différence des mosquées Ertugrul et Kanuni Sultan Suleyman, celle-ci appartient au mouvement du Milli Görüs (Vision Nationale). Les mosquées du Milli Görüs se regroupent en Belgique au sein de la Fédération islamique de Belgique (BIF – Belcika Islam Federasyonu), qui se trouve à Bruxelles. Il s’agit d’un mouvement nationaliste, fédéré au niveau européen à l’Organisation de la Vision Nationale en Europe (OVNE, ou AMGT en turc), établie à Cologne depuis 1974.88
65La très large majorité des mosquées turques appartient soit à la Diyanet, soit au Milli Görüs. Il n’y a pas de différence au niveau du culte : les deux sont sunnites Les différences résident essentiellement sur le plan politique et idéologique. Il est vrai que l’on observe un certain rapprochement entre les deux organisations depuis que l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) est au pouvoir en Turquie. Les principaux leaders de l’AKP (ERDOGAN, premier ministre, et GUL, président de la République) sont en effet issus du MSP (Parti du Salut National), qui dirige le Milli Görüs. La séparation entre Diyanet et Milli Görüs demeure toutefois. Parmi les mosquées turques de Belgique, la majorité appartient à la Diyanet et un peu plus du quart au Milli Görüs.89 En Province de Liège, on compte trois mosquées du Milli Görüs : la mosquée Fatih de Saint-Nicolas, la mosquée Sultan Ahmet de Verviers et la mosquée Aya Sofya de Visé. Seule cette dernière n’a pas été reconnue le 19 juin 2007.
66La mosquée Fatih a été reconnue par la Région wallonne mais, étonnamment, pas par la commune de Saint-Nicolas. Celle-ci ne reconnaît qu’une seule mosquée turque sur son territoire, et c’est la mosquée Kanuni Sultan Suleyman. La mosquée Fatih est installée à Saint-Nicolas depuis 2003. Avant cela, elle se trouvait rue Neuvice à Liège. Elle jouissait à l’époque d’une très forte fréquentation. L’association a cependant décidé de déménager à Saint-Nicolas où elle a acquis un immense bâtiment. Elle a rencontré de nombreuses difficultés avec les autorités locales. Ils ne peuvent d’ailleurs pas afficher de pancarte à l’entrée, si bien que la mosquée passe très inaperçue. Les habitants ne sont pas toujours au courant de la présence d’une mosquée dans leur quartier. Quatre ans après son installation, la commune n’avait toujours pas reconnu la mosquée Fatih. Nous ne pouvons affirmer les raisons avec certitude. Toutefois, avec la reconnaissance par la Région wallonne, peut-être la commune devra-t-elle revoir sa position… C’est bien ce qu’espèrent les responsables de la mosquée.
67Dans ce contexte, la mosquée a dû faire preuve d’une certaine discrétion. En dehors du lieu de culte, l’association n’organise que des cours de religion pour les enfants. À peu près dix à quinze enfants assistent à ces cours. Une cinquantaine de familles fréquentent la mosquée, mais ils viennent de partout (Seraing, Herstal, Liège, etc.). En revanche, la mosquée est très peu fréquentée par les Turcs de Saint-Nicolas. Elle ne semble avoir aucun lien réel non plus avec les deux autres associations, Mozaïk et le Centre culturel turc.
4.2.3. Les candidats d’origine turque
68Dans les deux communes, plusieurs candidats d’origine turque s’étaient présentés sur les listes électorales pour les communales de 2006. À Saint-Nicolas, Birol COKGEZEN, dont nous avons déjà parlé plus haut, était candidat pour la commune sur la liste PS en 26e place ; Metin AYHAN était candidat, pour la commune également, sur la liste ECOLO en 19e place ; Hasan MALKOC était quant à lui candidat PS à la province en 4e place. Seul B. COKGEZEN a été élu.
69À Herstal, il y avait également trois candidats d’origine turque, tous trois candidats aux élections communales Il y avait Ayhan AKTÜRK, candidat sur la liste PS en 26e place. C’est le seul à avoir été élu. Il y avait aussi deux candidats sur la liste PTB, Nuri GURKAN et Laurence UTKAN GÖNGÜR (dont seul le père est turc), respectivement en 15e et 8e position.
4.3. Taux de participation
70Nous venons d’étudier la dimension organisationnelle des deux communautés turques qui comprenaient par ailleurs approximativement le même nombre d’électeurs turcs potentiels et le même nombre de candidats et d’élus d’origine turque. Nous avons vu que les deux communautés présentaient un niveau de structuration semblable. D’autres caractéristiques générales rapprochent aussi les deux communes : ce sont toutes deux des communes de la périphérie liégeoise, géographiquement proches, politiquement identiques (à très forte majorité socialiste), de tailles semblables, de situations socio-économiques comparables.
71On devrait donc s’attendre à une forte participation des Turcs dans les deux communes ou, du moins, à un score assez semblable. Or, nous constatons que la participation des étrangers de nationalité turque s’élève à Herstal à 63,2 % (86 personnes sur 136) et à Saint-Nicolas à 6,4% (9 personnes sur 140). On pouvait difficilement imaginer un résultat aussi contrasté. D’autant que, lorsque l’on observe les résultats de la participation des Turcs dans les autres communes à forte population turque de la Province de Liège (Liège 12,4%, Verviers 19,5%, Seraing 16,9% et Visé 33%), on constate qu’Herstal est très au-dessus de la moyenne et que Saint-Nicolas est nettement en dessous.
(Registre National)90
72À l’échelle nationale, les Turcs ont affiché une participation de 15,8% (3075 personnes sur 19482). C’est dans la moyenne de la participation des étrangers non-UE (15,7%) et un peu au-dessus de celle des Maghrébins (11,4%). À Herstal, les Turcs se sont donc inscrits 4 fois plus que la moyenne nationale et 3,3 fois plus que la moyenne en Province liégeoise (19,4%, 372 individus sur 1915). Plus significatif encore, 23,1% des inscrits turcs de la Province de Liège étaient des Turcs d’Herstal (86 des 372 inscrits), alors que les électeurs turcs potentiels d’Herstal ne représentaient que 7,1% des électeurs turcs potentiels de la Province (136 des 1915 électeurs potentiels). Par contre à Saint-Nicolas, les Turcs se sont inscrits 2,5 fois moins que la moyenne nationale et 3 fois moins que la moyenne en Province de Liège. Les Turcs inscrits à Saint-Nicolas ne représentaient que 2,4% de tous les inscrits turcs de la Province, alors que le nombre d’électeurs turcs potentiels de Saint-Nicolas représentait 7,3% des électeurs turcs potentiels au niveau provincial.
(Registre National)91
73Comment expliquer une telle différence entre ces deux communes pourtant si similaires ? Cette différence concerne-t-elle uniquement la communauté turque des deux communes ? Les autres communautés étrangères d’Herstal ont-elles aussi affiché un taux de participation plus important que la moyenne ? De même à Saint-Nicolas, cette faible participation concerne-t-elle l’ensemble des étrangers ?
74À Herstal, le taux de participation des étrangers non-UE atteint 44,1%, c’est-à-dire 2,8 fois la moyenne nationale (15,7%). Parmi les étrangers non-UE, les Turcs et les Marocains sont les plus nombreux en termes d’électorat potentiel. Les Marocains, comme les Turcs, ont une participation très élevée à Herstal (plus de 4 fois leur moyenne nationale). Quant aux étrangers UE, ceux-ci affichent 36% de participation, donc 1,7 fois le résultat à l’échelle nationale (20,9%). L’écrasante majorité de ceux-ci sont des Italiens mais ont voit que les autres étrangers UE ont aussi fortement participé. C’est le cas des Espagnols et des Français. On peut conclure qu’à Herstal, le taux de participation est très élevé pour toutes les nationalités, même si les Turcs affichent proportionnellement le meilleur score.
(Registre National)92
75Ce n’est pas le cas de Saint-Nicolas. Bien au contraire, il est frappant de voir la différence de participation entre les communautés. Les étrangers non-UE ont une participation légèrement plus faible que la moyenne nationale (13% contre 15,7%). Mais ce sont les Turcs qui font chuter cette moyenne. Ils constituent en effet près de la moitié des électeurs potentiels non-UE et ont un taux de participation de 6,4% tandis que les Marocains, qui en constituent presque le quart, ont un taux de participation de 18,3%. Quant aux étrangers UE, leur taux de participation, de 33,3% contre 20,9% de moyenne nationale, est très proche du résultat d’Herstal (36%). Ce taux élevé est principalement à attribuer à la forte participation des Italiens, qui représentent près de 90% de l’électorat potentiel UE. On constate donc à Saint-Nicolas un écart étonnant entre la très forte participation des étrangers UE, une participation un peu plus élevée que la moyenne des Marocains, et une très faible participation des Turcs.
4.4. Tentative d’explication
76Dans les deux communes, les listes électorales comptaient des candidats d’origine turque. Herstal comme Saint-Nicolas abritent une communauté turque nombreuse, bien qu’elle ne soit dans aucune des deux la plus large communauté étrangère. Les deux communautés turques présentent un niveau de structuration semblable. Comment peut-on expliquer des taux de participation à ce point différents ?
77Au terme de notre enquête, nous avons pu établir que deux types de motivation justifiaient les campagnes en faveur de l’inscription des étrangers. La première motivation était électorale. Les étrangers constituaient un électorat intéressant pour certains candidats. On encourageait les étrangers à s’inscrire parce qu’ils allaient voter dans un certain sens (pour un vote ethnique, la plupart du temps). La deuxième motivation était celle de favoriser l’intégration des étrangers dans la vie politique ou bien de promouvoir la participation citoyenne de manière plus large. Il est évident aussi que ces deux motivations pouvaient se retrouver chez les mêmes personnes.
4.4.1. Campagnes pour le vote ethnique
4.4.1.1. Herstal
78Le candidat d’origine turque du PS, Ayhan AKTÜRK, est aussi le président du Centre culturel turc depuis 2003. La quarantaine, en Belgique depuis une quinzaine d’années (« conjoint importé », comme il le dit lui-même), diplômé d’université en Turquie, il travaille dans une fabrique de plastique comme ouvrier qualifié. Il a un bon niveau de français, bien qu’il soit plus à l’aise en turc, et parle aussi l’anglais.
79C’est un président d’association dynamique, plein de projets pour la communauté turque d’Herstal, qui a réussi à gagner la confiance des membres et qui est très apprécié au sein de la communauté. Il attribue lui-même cette confiance à la transparence de gestion qu’il a introduite et à l’énergie qu’il déploie pour la communauté. C’est lui qui a imaginé l’architecture du nouveau bâtiment ainsi que le projet de séparer la mosquée des autres activités et de créer de nouvelles structures associatives.
80Il est très important selon lui de pouvoir gérer l’outil associatif. L’association doit pouvoir représenter les intérêts de la communauté et être un interlocuteur pour les autorités locales. AKTÜRK compare la situation des Turcs d’Herstal à celle des Italiens. Ces derniers organisaient le 27 avril 2007 un village italien, avec le soutien de la ville. Les Turcs, eux, n’ont pas su développer les liens avec les autorités locales. « Il fallait avoir un pied dans la politique. C’est ça l’intégration ! ». Alors il est devenu membre du PS local avec une dizaine d’autres Turcs, « en prévision », pour que l’un d’entre eux puisse se porter candidat.
81Ayhan AKTÜRK avait donc mûri depuis longtemps l’idée d’une éventuelle candidature aux élections locales. Il ne s’est pas vu proposer une place en dernière minute à l’approche des élections. Une fois candidat, il a réussi à obtenir une liste des Belges d’origine turque d’Herstal, évidemment très utile pour sa campagne, sans compter le listing du Centre culturel. Le nombre d’électeurs d’origine turque dépasserait les 850 personnes à Herstal. Il va sans dire que sa campagne était exclusivement axée sur l’électorat turc et d’origine turque. Dès le mois de mai, il disposait de la liste des ressortissants turcs de sa commune. Avant les vacances d’été, il a commencé à faire du porte à porte chez ces personnes, avec des formulaires d’inscription. Il aurait ainsi récolté une centaine d’inscriptions, sans toutefois faire très attention au respect des conditions de sorte qu’un certain nombre n’a pas été accepté.
82Ayhan AKTÜRK a entrepris une campagne active pour le vote ethnique auprès des Turcs d’Herstal. Il a obtenu 553 voix et siège désormais au conseil communal. En tant que président du Centre culturel turc, il avait accès à des informations très utiles pour sa campagne (liste des Turcs et des Belges d’origine turque, adresses, etc.). Il faut remarquer à cet égard la bonne coopération de la commune avec le candidat.
83Quant aux Syriaques, ils ont, semble-t-il, été actifs aussi lors de la campagne électorale. André NAMOTTE, actuel échevin de la culture et tête de liste d’EPH (Ensemble Pour Herstal – liste émanant du CDH), affirme avoir obtenu un soutien important des Turcs du Foyer culturel syriaque. Ceux-ci auraient donc fait campagne en faveur d’EPH. Eux-mêmes ne l’ont pas exprimé clairement lors de l’entretien, mais ils ont affirmé plusieurs fois leur volonté de se rapprocher davantage de l’association La Charlemagn’rie avec laquelle ils collaborent déjà. Il se trouve que le président de La Charlemagn’rie est aussi André NAMOTTE. On peut donc affirmer, sans trop de risque de se tromper, que les Syriaques d’Herstal ont fait campagne pour la liste d’André NAMOTTE. Ils ont également ciblé les personnes qui n’avaient pas la nationalité belge en organisant notamment des réunions d’information pour les inscriptions. Il est donc probable qu’une partie des électeurs turcs inscrits à Herstal l’aient été par le biais des Syriaques. Les campagnes en faveur de l’inscription sont, ici aussi, motivées par le vote ethnique.
84Les deux autres candidats d’origine turque d’Herstal, Laurence UTKAN GONGUR et Nuri GURKAN, tous deux au PTB, ont appris leur candidature relativement tard dans la campagne. Ce sont les membres du PTB qui leur ont proposé de se porter candidats. Ils disent eux-mêmes n’avoir fait inscrire aucun Turc comme électeur et d’ailleurs ne pas avoir fait campagne du tout pour les faire inscrire. Ils ne sont pas élus. N. GURKAN a obtenu 29 voix et L. UTKAN GONGUR 31 voix.
4.4.1.2. Saint-Nicolas
85Il pourrait être éclairant d’explorer le contexte politique des élections de Saint-Nicolas. La nouvelle règle de désignation du Bourgmestre – qui prévoit que sera Bourgmestre celui qui récoltera le plus de voix de préférence au sein de la liste la plus forte de la majorité – était appliquée pour la première fois aux élections communales de 2006. Cette règle a eu un impact direct sur les campagnes électorales. À Saint-Nicolas, il était déjà certain que le Bourgmestre serait un socialiste. Le PS jouit en effet d’une majorité absolue dans cette commune. Le comité de l’Union socialiste communale (USC) a décidé qu’il n’y aurait d’affiches individuelles que pour la tête de liste, le Bourgmestre sortant Patrick AVRIL. Les autres candidats ne devaient pas imprimer d’affiches individuelles. La quasi-totalité du comité était derrière le Bourgmestre pour le faire réélire. En effet, le risque existait pour AVRIL de se faire détrôner par l’échevin sortant, Abdelkarim BENMOUNA (d’origine maghrébine). Quant à Birol COKGEZEN (candidat d’origine turque), il pouvait également faire beaucoup de voix, même s’il avait peu de chance de réaliser le meilleur score. COKGEZEN pensait pouvoir décrocher un poste d’échevin s’il faisait suffisamment de voix et il se disait aussi qu’il aurait plus de chance de devenir échevin avec BENMOUNA comme Bourgmestre. La décision du comité était manifestement contraire à leurs intérêts : l’objectif était de favoriser AVRIL face à la menace que représentaient BENMOUNA et COKGEZEN. Ceux-ci ont donc fait le choix d’aller à l’encontre de la décision du parti : ce sont les deux seuls candidats à avoir sorti des affiches individuelles et ce, dès le début de la campagne. Ils se sont vite retrouvés isolés au sein de leur USC.
86COKGEZEN a récolté 681 voix, BENMOUNA 2218 et AVRIL 3333. C’est le peloton de tête. Les suivants arrivent loin derrière en termes de voix de préférence. AVRIL reste Bourgmestre. BENMOUNA n’est même plus dans l’exécutif. Quant à COKGEZEN, il a revendiqué un échevinat… qui lui a été refusé, le contexte de la campagne n’aidant évidemment pas.
87Ce contexte politique a-t-il pu avoir un impact quelconque sur le nombre d’inscription des Turcs ? Pour rappel, la faible participation à Saint-Nicolas n’a affecté que les étrangers non-UE. Les étrangers UE, principalement constitués d’Italiens, ont affiché un taux de participation élevé. Il est probable, du moins pourrait-on penser, qu’une forte participation des étrangers non-UE, dont près de 75% sont constitués des Maghrébins et des Turcs, aurait bénéficié aux candidats BENMOUNA et COKGEZEN. Mais, à part cette simple observation, rien ne nous permet d’affirmer que le contexte politique aurait amené à ne pas favoriser les inscriptions des non-UE, car électeurs potentiels de BENMOUNA et de COKGEZEN.
88Parmi les trois candidats d’origine turque de Saint-Nicolas, Birol COKGEZEN (PS – 26e place) est le seul à être élu. Au moment de l’enquête, il travaillait depuis six ans comme chauffeur au service du Ministre DAERDEN. Né à Saint-Nicolas, 34 ans, il a notamment participé à la création de l’association Mozaïk. Mais il est relativement peu impliqué dans la vie associative turque. D’ailleurs, il maitrise mieux le français que le turc. Birol COKGEZEN n’a pas fait campagne auprès de la communauté turque. Il n’a visité ni les associations turques, ni les mosquées, ni les cafés. Il n’a fait inscrire aucun Turc comme électeur. En revanche, il semble avoir fait inscrire de nombreux Italiens de sa commune.
89Hasan MALKOC était quant à lui candidat socialiste à la Province. Il est président de l’association Mozaïk. La communauté turque de Saint-Nicolas manifeste toutefois peu d’intérêt pour cette association. Mozaïk a peu d’influence sur la communauté, mais elle est souvent à l’origine de manifestations culturelles en collaboration avec la mosquée Kanuni Sultan Suleyman qui rassemble beaucoup de monde. Hasan MALKOC est un militant socialiste actif depuis de nombreuses années. Il s’est porté candidat à la commune mais il n’a pas été accepté (on a préféré COKGEZEN à la commune). Il a dû se rabattre à la quatrième place à la Province où ses chances d’être élu étaient quasi inexistantes. Il a obtenu 1701 voix dont 1274 dans le canton de Saint-Nicolas, ce qui représente un taux de pénétration important, malgré qu’il n’ait pas fait campagne auprès de la population turque. On peut comprendre, surtout dans le contexte politique que nous avons évoqué, qu’on ait préféré lui proposer une place à la Province plutôt qu’à la commune. Quoi qu’il en soit, à la Province les étrangers ne pouvaient pas voter pour lui. Leur droit de vote se limite en effet au niveau communal. Il n’était donc pas électoralement intéressant pour lui de faire campagne pour les inscriptions. Il affirme d’ailleurs n’avoir effectué aucune démarche en ce sens.
90Il y avait un autre candidat d’origine turque pour la commune de Saint-Nicolas. Metin AYHAN était candidat sur la liste ECOLO. On lui a proposé une place sur la liste en « last minute », pour reprendre son expression. Il n’a su qu’il serait candidat que très tardivement, bien après la date limite du 1er août pour les inscriptions. Il n’a d’ailleurs pas fait campagne. Il a récolté quelque 105 voix et n’a pas été élu.
91Venons en finalement à la mosquée Fatih. Nous l’avons évoqué ci-dessus, les responsables ne sont pas en très bons termes avec le Bourgmestre, qui refuse toujours de la reconnaître. À l’approche des communales, la mosquée a chargé un de ses responsables, Abdulkerim ZORLU, de « discuter » au sujet des élections. Les responsables de la mosquée affirment ouvertement avoir soutenu le candidat BENMOUNA. Ils estiment que ce dernier, alors échevin de la culture, a fait beaucoup pour le sort de la mosquée. En plus, ces deux personnes sont amies, ce qui n’est pas sans conséquence. La mosquée Fatih a fait une campagne active auprès de sa communauté. Ils ont mené des campagnes d’information pour les inscriptions, mis des formulaires à disposition, encouragé les personnes à s’inscrire. Leur action a été relativement ciblée. Ils ont d’abord recherché dans leur listing quels étaient les personnes qui n’avaient pas la nationalité belge pour ensuite s’étendre à l’entourage, de bouches à oreilles.
92Mais, nous l’avons dit plus haut, la mosquée Fatih n’a pas beaucoup d’influence sur les Turcs de Saint-Nicolas. Très peu d’entre eux fréquentent la mosquée Fatih. On peut dès lors estimer que la campagne menée par la mosquée Fatih n’a pas eu d’impact significatif sur le taux d’inscription des Turcs dans la commune de Saint-Nicolas.
93En revanche, la mosquée Kanuni Sultan Suleyman jouit d’une large audience à Saint-Nicolas. Elle est ancrée dans la vie communautaire locale depuis plus de trente ans. Pour les élections communales, la mosquée n’a pas pris position ouvertement pour tel ou tel candidat. Ils se disaient ouverts à tous, et que tous les candidats qui le souhaitaient pouvaient visiter la mosquée. Le Bourgmestre AVRIL l’a d’ailleurs fait, mais il n’a pas été le seul. Pourtant, les discours changent en fonction des responsables interrogés. L’un d’entre eux affirme qu’ils ont soutenu BENMOUNA. Ils sont cependant en bons termes avec le Bourgmestre et si tel a été le cas, ils devaient évidemment faire preuve de retenue. La mosquée n’a pas apporté son soutien au candidat d’origine turque COKGEZEN. Celui-ci, d’appartenance alévie (minorité religieuse), ne fréquente pas non plus la mosquée.
94La mosquée Kanuni Sultan Suleyman n’a pas fait de véritable campagne en faveur de l’inscription des étrangers. Pourtant, pour les élections de l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), les responsables avaient fait du porte à porte auprès des ménages turcs pour les inscrire. La mosquée avait alors mené une vaste campagne et récolté de nombreuses inscriptions, démontrant une capacité de mobilisation dont ils n’ont pas usé pour les élections communales.
4.4.2. Campagnes en faveur de la participation citoyenne
95Les campagnes en faveur de l’inscription des étrangers n’ont pas été uniquement motivées par un but électoral. D’autres acteurs, d’autres associations, ont mené des campagnes d’information et de sensibilisation à destination des étrangers dans le cadre de leurs missions d’intégration des étrangers à la vie politique ou de promotion de la participation citoyenne de manière plus large. Faute de données suffisantes, nous ne pouvons pas comparer la campagne effectuée par le secteur associatif et par les services publics dans les deux communes. En revanche, l’étude de la campagne effectuée par le CRIPEL et le degré de coopération qu’elle a rencontrée dans chacune des communes peut constituer un indice important. L’action du CRIPEL s’appuie en effet sur la collaboration avec les acteurs de terrain (les diverses administrations publiques et associations).
4.4.2.1. La campagne « Je m’inscris » de la FéCRI et du CRIPEL
96En Région liégeoise, les campagnes en faveur de l’inscription des étrangers ont été largement encouragées et coordonnées par le Centre régional d’intégration pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège (CRIPEL). Le CRIPEL ainsi que les six autres centres régionaux d’intégration se regroupent au sein de la Fédération des centres régionaux d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère en Wallonie (FéCRI).93
97C’est au sein de la FéCRI qu’est née, dès l’été 2004, l’idée d’une vaste campagne de sensibilisation au droit de vote des étrangers en prévision des élections communales d’octobre 2006.94 Le projet s’inscrit dans le cadre de la promotion de la participation des étrangers à la vie politique, culturelle, sociale et économique. Le faible résultat de la participation des étrangers UE en 2000 et la volonté de ne pas répéter un tel résultat avec les étrangers non-UE a poussé les centres régionaux d’intégration à réaliser une telle campagne. La FéCRI voulait d’abord informer les personnes de leur droit, mais elle voulait aussi les sensibiliser et les inciter à prendre part au processus démocratique.
98La FéCRI a d’abord conçu une série de supports matériels pour la campagne : affiches, brochures, folders, etc. Une fois les supports réalisés, le CRIPEL s’est ensuite chargé de contacter les différents opérateurs de terrain dans la région liégeoise (associations, administrations communales, services publics, etc.). Une lettre a été envoyée à chacun pour les sensibiliser sur l’importance de leur rôle dans cette démarche et leur proposer les différents outils de campagne élaborés par la FéCRI. Ensuite, une séance d’information a été organisée à destination de ces partenaires pour expliquer les aspects juridiques de la loi du 19 mars 2004 et présenter les outils qui leur sont mis à disposition par le CRIPEL.
99Le CRIPEL a également travaillé dans le cadre de partenariats dans quatre communes : Liège, Seraing, Ans et Herstal. Dans chacune de ces communes, le CRIPEL et ses partenaires ont réalisé une exposition sur le vote des étrangers et les modalités d’inscription. Le contenu de cette exposition a ensuite été repris dans un diaporama qui s’est ajouté à l’ensemble des outils de campagne.
100Outre les supports matériels et les expositions organisées dans les quatre communes, des séances d’informations ont aussi été proposées. Le CRIPEL envoyait un animateur aux associations ou administrations qui souhaitaient organiser dans leurs propres locaux une séance d’information sur le vote.
101Au total, 109 partenaires ont utilisé les outils du CRIPEL dont 73 associations, 19 administrations communales, 14 services publics et 3 partis politiques. Ces partenaires ont surtout fait appel aux brochures (6000), folders (2200) et affiches (700), mais 60 CD diaporama ont aussi été distribués et une vingtaine de séances d’information et huit expositions ont été organisées.
102Le CRIPEL a voulu travailler en partenariat avec les différents acteurs de terrain et les a incités à jouer leur rôle pour que les étrangers puissent prendre part au processus démocratique et à la vie politique de leur commune. Les outils et les diverses actions étaient proposés à tous de la même manière. Le reste ne dépendait que de la volonté de chacun. La réussite de la campagne dépendait donc largement de la coopération des acteurs locaux.
4.4.2.2. Les partenariats du CRIPEL à Herstal et à Saint-Nicolas
103Faute de pouvoir évaluer le travail effectué par les services communaux et les associations dans le cadre de l’intégration des étrangers ou de la participation citoyenne, nous proposons de comparer les collaborations obtenues par le CRIPEL dans les deux communes. Pour cela, nous nous appuyons principalement sur le rapport d’évaluation du CRIPEL sur la campagne et sur l’entretien avec le directeur Jean-Michel HEUSKIN.
104À Herstal, le projet a rencontré de nombreuses collaborations, que ce soit de la part des pouvoirs publics ou des associations. Herstal fait partie des quatre communes avec lesquelles le CRIPEL a eu des partenariats privilégiés. La coordination multiculturelle d’Herstal, mise en place le 14 septembre 2005 sur initiative du CRIPEL et en partenariat avec la commune, a joué un rôle important dans la diffusion des différents matériels de campagne. La coordination regroupe en effet une quarantaine d’associations, dont le Centre culturel turc et le Foyer culturel des Syriaques. Le service population de la commune d’Herstal a aussi demandé des brochures, affiches et CD diaporama et le service jeunesse a en plus organisé une séance d’information. La régie des quartiers a également demandé des brochures et affiches. La commune a, en outre, renforcé ce travail d’information par l’envoi d’un courrier individuel aux personnes concernées. L’administration communale s’est donc activement impliquée dans la campagne pour le vote des étrangers. Le FIPI (fonds d’impulsion pour la politique des immigrés) a également coopéré avec le CRIPEL. Les autres associations qui ont collaboré sont le Centre culturel turc, le Foyer culturel des Syriaques, la Charlemagn’rie, le MAEEB (Mouvement associatif d’émigrés espagnols en Belgique) et la TICT (Technologie de l’information et de la communication pour tous).
105En revanche, à Saint-Nicolas, les collaborations ont été quasi inexistantes. L’administration communale a, certes, commandé des brochures et des affiches, ainsi que la régie des quartiers de Saint-Nicolas. Mais cela s’arrête là ! Pour ce qui est des services communaux, à l’exception du travail de la régie des quartiers, aucune campagne n’a été effectuée. Aucun service communal n’avait la charge d’encourager la participation citoyenne des étrangers. La différence entre les deux communes est évidemment flagrante.
4.5. Autres facteurs envisagés
106Notre hypothèse de départ était de considérer le facteur communautaire comme un facteur de participation électorale, expliquée notamment par les campagnes électorales motivées par un vote ethnique. Dans la foulée, nous avons constaté qu’un autre type de campagne pouvait avoir influencé le taux de participation : les campagnes d’information et de sensibilisation en faveur de l’inscription des étrangers comme électeurs et motivée par des objectifs d’intégration des étrangers ou de participation citoyenne. Mais en dehors de cela, d’autres facteurs ne peuvent-ils pas expliquer cette différence de participation entre Herstal et Saint-Nicolas ?
107Plusieurs autres facteurs ont ainsi été envisagés. Une première catégorie de facteurs n’a pas pu être étudiée faute de données disponibles. Il s’agit du niveau d’instruction, du statut social et de la connaissance de la langue. D’autres facteurs ont par contre pu être analysés, sur base de données de l’Institut national de Statistique (INS) : le sexe, l’âge, le niveau d’urbanisation et la concentration par quartier. Il apparaît, après étude, qu’aucun de ces facteurs n’est significatif dans l’explication du taux de participation électorale.
108En effet, à Herstal, l’électorat turc potentiel était constitué de 47,8% d’hommes contre 52,2% de femmes et à Saint-Nicolas de 41,4% d’hommes et de 58,6% de femmes.95 L’électorat belge au niveau national est constitué de 48% d’électeurs hommes et de 52% d’électeurs femmes. À Herstal, la composition tourne autour de cette moyenne ; par contre, les femmes sont légèrement surreprésentées à Saint-Nicolas. Quant au facteur de l’âge, les deux communautés turques présentent une pyramide des âges identique, la tranche d’âge la plus représentée étant les 25-29 ans, ensuite les 30-34 ans et les 20-24 ans.96 Dans les deux communes, la population turque en âge de voter est majoritairement composée de personnes de moins de 40 ans. Selon la classification de l’INS, les deux communes se caractérisent par un niveau d’urbanisation morphologique identique (forte), mais ils se différencient néanmoins sur leur niveau d’urbanisation fonctionnelle (forte pour Herstal et faible pour Saint-Nicolas).97
109Il nous parait intéressant de nous attarder quelque peu sur le facteur de la concentration par quartier. Comme évoqué ci-dessus, il s’agit d’un facteur qui est lié et qui renforce l’aspect communautaire. Pour comparer le niveau de concentration par quartier des deux communautés, nous avons entrepris de comparer leur répartition par secteur statistique dans les deux communes.98 À première vue, il semblerait qu’à Saint-Nicolas certains quartiers concentrent une population turque plus importante que dans les quartiers d’Herstal. Cette opération présente cependant de nombreux biais qui empêchent de tirer toute conclusion sur l’impact du facteur « concentration ». Premièrement, les données les plus récentes sur la répartition par secteur statistique datent de 2003.99 Ensuite, elles prennent en compte uniquement les personnes de nationalité turque et non l’ensemble de la population d’origine turque. Finalement, les « quartiers » sont fixés de manière abstraite sur base de secteurs statistiques et la répartition tient compte du lieu de résidence. Cela ne reflète pas la réalité de certains quartiers peuplés de commerces turcs et fortement investis et fréquentés par la population turque, même si celle-ci n’y habite pas.
5. Conclusion
110C’est l’intensité des campagnes menées en faveur de l’inscription des étrangers qui est déterminante dans leur participation électorale. Nous n’avons pas envisagé que ces campagnes puissent être motivées par autre chose qu’un but électoral. Or, il y a bien deux types de campagnes : les campagnes pour le vote ethnique et les campagnes pour l’intégration politique des étrangers. Herstal se distingue justement de Saint-Nicolas sur ces deux champs : par l’intensité des campagnes menées, d’un côté, par les associations turques et par le candidat d’origine turque dans le cadre d’un vote ethnique et, de l’autre, par les administrations publiques et les associations en faveur de l’intégration des étrangers et la participation citoyenne.
111À travers le cas des Turcs d’Herstal et de Saint-Nicolas, nous avons voulu comprendre de quelle manière la structuration d’une communauté d’origine immigrée influençait sa participation électorale. Alors quel rôle a-t-elle joué dans l’un et l’autre cas ? La forte structuration est-elle réellement un facteur de participation ?
112Prenons d’abord les campagnes pour l’intégration des étrangers et la participation citoyenne : la structuration de la communauté d’origine immigrée n’a apparemment eu aucun impact. Le rôle de ces campagnes n’avait pas du tout été envisagé au début de la recherche. Mais force a été de constater qu’elles constituent un élément non négligeable dans l’explication du taux de participation. Le caractère lacunaire des informations nous a empêchés d’évaluer l’intensité des campagnes menées à Herstal et à Saint-Nicolas. Mais les deux communes se distinguent à coup sûr sur deux points : les coopérations avec le CRIPEL et l’existence de services communaux chargés de promouvoir la participation. C’est ce qui nous permet de dire que les campagnes en faveur de la participation des étrangers ont été très intensives à Herstal et quasi inexistantes à Saint-Nicolas.
113Le rôle primordial que jouent ces campagnes dans la participation électorale des étrangers nous amène à faire la remarque suivante : il est parfois nécessaire que l’octroi d’un droit s’accompagne de mesures qui permettent de l’exercer réellement. Surtout lorsqu’il s’agit d’un droit aussi fondamental que le droit de vote. C’est peut-être ce qui nous permet de comprendre le caractère obligatoire du vote pour les Belges. L’obligation d’exercer ce droit assure, certes, une certaine légitimité démocratique au pouvoir, mais il empêche surtout le citoyen d’être victime de sa propre condition. L’obligation d’exercer un droit est bien souvent une garantie qui protège les plus faibles de la société. Et encore, même avec l’obligation d’exercer le vote et l’existence de sanctions, cela n’empêche pas un taux d’absentéisme relativement important à chaque élection. Alors que dire des étrangers ? Si le vote n’a pas été rendu obligatoire pour eux, pour une raison ou pour une autre, il faudrait à tout le moins mettre en place des dispositifs qui permettent une forte participation et des politiques d’information et de sensibilisation efficaces. C’est tout le contraire de l’attitude qui consiste à concéder une parcelle de citoyenneté et à attendre de voir si les étrangers participent ou pas.
114Pour ce qui est des campagnes pour le vote ethnique, la forte structuration n’entraine pas toujours une campagne intensive pour le vote ethnique. C’est ce que nous apprend le cas de Saint-Nicolas. Remarquons qu’apparemment la présence de candidat d’origine étrangère n’entraine pas non plus toujours une campagne pour le vote ethnique : aucun des trois candidats de Saint-Nicolas n’a en effet fait campagne auprès des Turcs. La structuration n’est donc pas un facteur suffisant pour qu’il y ait une forte participation électorale. L’influence de la structuration semble se situer à un autre niveau. Il semblerait en effet qu’une communauté structurée génère des « leaders communautaires ». La structuration et, plus globalement, le caractère communautaire renforcent en réalité l’influence de ces leaders sur leur communauté. À Herstal, le président du Centre culturel (et candidat) a mené une campagne active au sein de sa communauté. À Saint-Nicolas en revanche, les responsables du Centre culturel se sont distingués par leur passivité. Ces mêmes responsables avaient pourtant réussi à mobiliser leur communauté lors des élections pour l’Exécutif des musulmans. Dans les communautés fortement structurées, l’attitude des leaders communautaires semble jouer un rôle important dans la participation politique. Cela reste cependant une simple hypothèse, mais qui pourrait ouvrir des perspectives de recherches.
115Finalement, cette étude aura permis de répondre à la question de l’influence du facteur communautaire sur la participation électorale. Le facteur communautaire peut effectivement, lorsque les leaders ethniques jugent utile ou opportun de mobiliser leur communauté, constituer un facteur de participation électorale. Mais cette conclusion amène inévitablement à une question, plus fondamentale, qui est de savoir si le facteur communautaire constitue, pour autant, un facteur d’intégration.
116Février 2010
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