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- Cahier n°20
- Espace urbain et lieux de culte. Le projet de mosquée à Glain, « objet de négociation et de controverse »
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Espace urbain et lieux de culte. Le projet de mosquée à Glain, « objet de négociation et de controverse »
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1Si « la ville, communauté humaine élargie, est à la fois un système d’individus et d’institutions en interdépendance, et un ordre spatial » (Grafmeyer, et al., 2004 : 23), il n’en reste pas moins que cette organisation de l’espace urbain est confronté à une recomposition constantes en fonction du jeu des acteurs en présence. Ainsi, dans cette contribution nous nous intéresserons plus particulièrement à l’intégration du facteur religieux dans l'espace urbain en prenant comme étude de cas le projet de construction d’une mosquée et d’un centre culturel turc dans le quartier de Glain à Liège (Belgique).
2Si l’héritage chrétien est présent depuis des siècles dans nos villes, quartiers et rues, voire fondu dans le paysage urbain, il n’en va pas de même de l’architecture orientale qui peut se manifester au travers de lieux de culte propres aux communautés musulmanes. Certes la géographie des religions n’est pas neuve, des auteurs comme P. Deffontaines (1948) ou X. de Planhol (1957) avaient entrevu les enjeux et controverses que pourrait générer la présence musulmane sur le plan urbanistique. Cependant, la visibilité du religieux, due notamment à la mondialisation du fait religieux (Geoffroy, et al., 2007) ou la remise en cause de nos sociétés suite aux conséquences de la modernité (Giddens, 2000) et de ses valeurs, par exemple, particulièrement à un niveau local, tendent à mettre sous tension la question de la place de ces projets particuliers. De manière générale, la déterritorialisation des religions (Willaime, 2004) – autrement dit, la distanciation qui s’opère entre le principe cujus regio, ejus religio et la réalité effective que vivent les acteurs et habitants de nos quartiers – conduit à de nouvelles configurations territoriales (Piet, 2010) qui rendent, d’une part, obsolète ce principe et, d’autre part, influencent considérablement la prise en compte des recompositions urbaines au regard de l’existence sociale des communautés musulmanes.
3Cette contribution met donc en perspective une controverse liée directement à la visibilité de l’islam au départ du projet de construction d’un lieu de culte dans l’espace urbain. Ce type de controverses revêt un enjeu culturel et identitaire clairement identifiable et permet « de préciser la nature des déplacements à l’œuvre dans les systèmes de représentations et de pratiques » (Despoix, 2005 : 13). La controverse qui nous occupe a cependant cela de spécifique qu’elle renvoie à un imaginaire et à une « production de l’espace » (Lefèbvre, 2001) que construisent les acteurs. Il conviendra, dans ce cas précis, de se replonger dans les méandres de cette combinaison entre l’espace urbain et la construction de nouveaux lieux de culte associés aux religions minoritaires, comme le cas de l’islam en Belgique, et ce, pour comprendre ce qui produit la situation aujourd’hui controversée d’une urbanisation envisagée plus de quatre ans avant la polémique. La question initiale tente d’identifier, dans un premier temps, le caractère négociable des lieux de cultes (« sont-ils toujours des espaces négociés ? ») et, dans un second temps, sur quoi porte la négociation (« restons-nous dans des considérations à prédominance religieuse ou est-ce, principalement, une négociation sur l’espace urbain et l’aménagement du territoire d’un quartier ou d’une ville ? »). Enfin, il s’agira de comprendre comment se combinent ces considérations religieuses et l’espace urbain.
4Afin de répondre au mieux à cette interrogation, l’orientation méthodologique s’inscrit dans la lignée des études sur les controverses proposées par B. Latour (2005 ; 2007) qui, à partir d’un objet, dresse toute une série d’associations « sociales » au départ d’un acteur-réseau qui tisse sa toile. La méthodologie mêle une analyse médiatique (une vingtaine d’articles de presse ont pu être identifiés ou même titre qu’une dizaine de reportages et interviews audio-visuels), des entretiens semi-directifs réalisés auprès des acteurs locaux impliqués dans la controverse et une analyse des débats d’un groupe créé au sein du réseau social Facebook (plus de quarante pages de débat ont pu être exploitées avant mars 2010 ; date à laquelle les débats n’ont plus été publics), et ce, au départ d’une approche inductive, en s’appuyant sur la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 2010). Les entretiens nous ont essentiellement permis de comprendre l’historique de la controverse, d’identifier les rapports de forces entre les acteurs et les relations particulières qui ont pu naître entre ces derniers. À cela s’ajoute une analyse des discours des différents acteurs et groupes d’acteurs afin de comprendre leur représentation de la controverse.
Un lieu de culte négocié ?
5La controverse débute en juillet 2008, au moment où les habitants prennent connaissance de l’avis d’urbanisme déposé sur un terrain appartenant à la Fondation religieuse islamique turque de Belgique. La communauté turque (ASBL Kanuni Sultan Suleyman Camii) implantée dans la commune voisine (Saint-Nicolas) souhaitait depuis le début des années 2000 disposer de sa propre mosquée. D’une superficie de près de 2000 m2, deux minarets d’une hauteur de plus de trente mètres et d’un dôme de dix-sept mètres de haut, ce projet initial englobant une mosquée et un centre culturel est très rapidement qualifiée de « pharaonique » par une partie des acteurs en présence.
6Si la question première de cette contribution porte sur les négociations de l’espace urbain et la place des lieux de culte, il convient de partir du « qui » négocie et « qui » y participe. Cela implique de facto de suivre les acteurs et leurs associations nouvelles ou préexistantes, et durables ou éphémères, mais également d’identifier les « tours » de négociation établis entre les acteurs. Partant, il importe de distinguer deux types d’acteurs (locaux et périphériques ou directement concernés et indirectement concernés par la controverse) et d’insister sur le fait que les acteurs périphériques, ne participant pas à la négociation, développent un discours particulièrement intéressant pour notre recherche sur le projet.
7Le premier ensemble identifié englobe les principaux acteurs concernés par le projet, tandis que le second regroupe des acteurs « externes » à la situation du quartier qui alimentent la controverse ou l’orientent vers d’autres débats, loin de la seule considération de la place d’une mosquée dans l’espace urbain. Débutant par l’identification des acteurs locaux, nous pouvons considérer l’ASBL KSS Camii (centre culturel turc) comme l’acteur originel de la controverse. Elle a trente-cinq ans d’existence et compte sept cents familles qui cotissent depuis dix ans dans la perspective de la construction de « leur » mosquée. C’est au départ de cette ABSL que deux projets de mosquée vont émerger ; nous les nommerons « premier projet » et « projet 1bis par apprentissage » étant donné que ce dernier ne s’apparente pas à un nouveau projet, mais à la conséquence du rejet du précédent. Une première commission (composée de membres de l’ASBL, de représentants de la Fondation religieuse islamique turque de Belgique et d’un promoteur) va travailler avec un architecte sur le projet à l’origine de la controverse. Selon les dires des acteurs, ce dernier est rapidement qualifié de « disproportionné » (« Glain n’est pas New York », il convient en effet d’« adapter les standards architecturaux à l’espace urbain »), et ne tient pas compte de la modernité des villes (un style architectural « trop » traditionnel, à l’image de Sainte-Sophie). Le comité de quartier et sa présidente se mobilisent rapidement contre le premier projet en relayant l’information dans les médias. L’étude d’incidence, réalisée dans un rayon de vingt-cinq mètres autour du projet de mosquée, révèle vingt-sept réclamations qui pointent le gigantisme du projet, des problèmes liés à la mobilité dans le quartier (place de parking, insécurité routière, etc.), la hauteur des minarets et les nuisances sonores dues au fait que les places de parking de la mosquée longent les habitations des riverains. Comme le soulignent les habitants du quartier, « nous aurions été dérangés par le va-et-vient des voitures et les claquements de portières ».
8L’autorité publique demande alors l’avis consultatif de la Commission communale de l’aménagement du territoire et de la mobilité (CCATM) qui se prononce en sa défaveur. La CCATM est composée de membres issus, pour une part, de représentants des différents partis politiques et, pour une autre part, de citoyens mandatés. On y retrouve la présidente du comité de quartier qui a réalisé un véritable travail d’intéressement et de mobilisation sur les membres de la CCATM pour que le projet ne puisse passer en l’état. La négociation est nécessaire puisque, pour les mandataires de la Commission, le projet est une belle opportunité pour la ville de Liège et pour son statut de métropole. De plus, son gigantisme ne laisse pas indifférent : d’aucuns trouvent le caractère architectural oriental « très beau ». La majorité n’y est donc pas opposée. La présidente du comité de quartier a donc « travaillé au corps », comme elle nous l’indique, les membres de la Commission en insistant sur le fait qu’elle trouve le projet positif pour la ville et pour la communauté turque mais pas à n’importe quel prix. Après ses tractations, l’avis consultatif de la CCATM est rendu négatif à la ville qui le suit et demande à l’ASBL KSS Camii de revoir sa copie.
9À l’automne 2008, l’ASBL se tourne vers un membre de sa communauté, que nous qualifions d’entrepreneur de la controverse pour repenser le projet. Les choses vont radicalement changer sous son influence et son « aura ». Tout d’abord, pour la composition de la commission du « projet 1bis par apprentissage », il va rompre avec les codes appliqués par la précédente commission. L’ASBL y est toujours représentée, la Fondation turque également (même si elle n’y participera que peu souvent). La nouveauté apparaît avec la participation, aux travaux de la commission, de deux femmes de la communauté turque. L’entrepreneur y participe également, mais en tant que consultant externe, afin d’éviter que son action n’interfère avec son mandat politique de conseiller communal pour le Parti socialiste (PS) à la ville de Liège. Très rapidement, sur le conseil du Directeur de l’urbanisme, l’entrepreneur de la controverse va faire un geste remarqué par tous les acteurs impliqués dans la controverse : il convie l’autorité publique (administration de l’urbanisme, échevinat de l’urbanisme et cabinet du Bourgmestre) à assister aux réunions de la commission afin d’avoir son avis à chaque étape de l’élaboration du « projet 1bis par apprentissage ». Tous répondent à l’invitation. La procédure de sélection des projets va également être revue. Alors que la première commission avait choisi un bureau d’architecture, la philosophie de la commission du « projet 1bis par apprentissage » est de faire un appel d’offre. Une dizaine de projets arrivent sur le bureau de la commission : deux seront combinés.
10À l’été 2010, le « projet 1bis par apprentissage » est présenté à un cercle restreint d’acteurs (les membres de la commission, la ville et la présidente du comité de quartier) : tous insistent sur leur devoir de réserve et évitent de communiquer sur le nouveau projet avant l’approbation par le conseil communal du projet et l’avis d’urbanisme. Après l’approbation du « projet 1bis par apprentissage » par le conseil communal en novembre 2010, une demande de permis d’urbanisme a été introduite. L’enquête publique s’est clôturée le 15 avril 2011. Du côté des citoyens, le projet leur a été présenté le 5 avril et, les aurait séduit. Il en va de même du côté de la CCATM qui a rendu un avis favorable à la vue du « projet 1bis par apprentissage » (brève présentation du projet accessible sur le site de l’ABSL, http://kss-cct.be/crbst_65.html).
11Pour ce qui est du second ensemble d’acteurs, la naissance d’un groupe Facebook (« Contre la construction d’une mosquée à Liège ») dès juillet 2008, et toujours actif à ce jour, est prise en compte, notamment, parce que les arguments et discours tenus sur le projet sont riches d’enseignement sur la perception de l’islam européen et son inscription dans l’espace urbain. L’analyse semble d’autant plus intéressante que ce groupe n’a aucun lien avec les acteurs locaux de la controverse, n’étant tenu informé que par les médias, qui relaient, selon les dires des acteurs locaux, une information quelque peu biaisée. Lors de nos entretiens, les acteurs locaux nous ont confirmé ne pas connaître l’existence de ce groupe. Les acteurs périphériques englobent également l’intervention d’experts des religions dans les médias et l’intervention d’autres dirigeants de lieux de culte qui prennent position sur la nécessité ou non, de joindre au projet de mosquée deux minarets.
12Dans ce maillage, quatre éléments revêtent un véritable intérêt pour l’apprentissage de la controverse. Le premier porte sur la proximité de l’ASBL KSS Camii avec l’entrepreneur de la controverse. Ce dernier fait partie de la communauté turque de Liège et, il y a trente-cinq ans, son père en était l’un des initiateurs. Le deuxième élément prend en compte le poids et l’influence que la présidente du comité de quartier a eus au sein de la CCATM. Le troisième s’apparente à la stratégie et au rôle de médiateur de l’entrepreneur, grâce à son mandat politique, entre la ville et l’ASBL, par l’intermédiaire de la commission en charge du « projet 1bis par apprentissage ». Nous sommes ici en présence de deux leaders (l’entrepreneur et la présidente du comité) qui ont réussi à mobiliser les intérêts du plus grand nombre et réussi à convaincre par leurs arguments et leurs stratégies. Enfin, le quatrième élément porte sur le rapprochement de ces deux acteurs majeurs qui prévoient aujourd’hui de mener des projets culturels communs en dehors de la controverse, et surtout, qui vont de concert porter le « projet 1bis par apprentissage », et ce, dans un respect mutuel et une confiance réciproque.
13Le premier apprentissage qu’apporte cette démarche micro-sociologique s’inscrivant dans les travaux sur l’intégration de l’islam en Europe et dans les travaux sur le territoire est la distinction entre les préoccupations des acteurs locaux et celles des acteurs extérieurs à la controverse. Pour les premiers, ce qui prime dans leur représentation du lieu de culte porte sur le territoire, la territorialité, le bien-être du quartier et son développement prochain (Piet, Brunet, à paraître). Pour les seconds, principalement les membres du groupe Facebook, ce qui importe s’apparente aux représentations du contexte international, voire du terrorisme islamiste. La richesse, selon nous, de la posture méthodologique choisie pour cette recherche et basée sur l’argumentation des acteurs locaux et sur la territorialité qui permet de dépasser cette dichotomie entre l’islam et l’occident qui caractérise certains courants théoriques actuels (Huntington, 2000).
Négocier les représentations de l’espace au départ des acteurs
14Il est également important de comprendre « sur quoi » a porté la négociation et quels en ont été les arguments. Le premier constat facilement identifiable s’apparente aux thématiques soulevées par les groupes d’acteurs (locaux et périphériques) identifiés. Avant toutefois de les analyser, une précaution méthodologique est nécessaire à ce stade. En effet, si nous avons défini au préalable deux groupes distincts d’acteurs en fonction de leur localisation plus ou moins éloignée de l’objet controversé, leurs discours et représentations ne répondent pas au même critère de distinction. En ce sens, les propos des acteurs périphériques issus du réseau social Facebook sont indéniablement singuliers. Les experts des religions et les dirigeants d’autres lieux de culte ont, pour leur part, tendance à débattre sur les mêmes sujets que les acteurs qualifiés de « locaux ». Si, pour la majorité des acteurs locaux et intervenants externes (expert des religions et autres gestionnaires de lieux de culte), l’essentiel de la controverse porte sur l’aménagement du territoire, le plan de mobilité du quartier, l’harmonisation architecturale de l’espace urbain entre ce qui préexiste et ce qui s’inscrit dans la représentation de nos sociétés multiculturelles, pour une minorité des acteurs locaux et la majorité des membres du groupe Facebook, les sujets sont d’un tout autre ordre. En effet, le débat repose davantage sur un ensemble de représentations du monde et moins sur la représentation de l’espace urbain. La peur de l’islam y est clairement identifiable, nourrie de la perception et de la récupération médiatique d’événements qui n’ont que peu de liens avec l’islam : actes terroristes, atteintes aux droits des femmes, xénophobie, racisme, etc. On peut également relever des évocations identitaires auxquelles le patrimoine est associé : l’identité européenne, l’Église catholique, Charles Martel sont tant de figures mobilisées pour refuser la présence musulmane. L’argument de comparaison par excellence sollicité par ces détracteurs externes fait état de la situation et la place qu’ont les religions d’une autre confession que la confession musulmane dans les pays qui sont soit musulmans, soit laïcs mais composés majoritairement de musulmans, comme la Turquie. Le discours initial est de considérer que, comme ces religions ne peuvent disposer de lieux de culte dans ces pays, l’islam n’a pas droit de cité en Belgique et, plus largement, en Europe – négligeant l’existence de nombreuses églises, synagogues et autres lieux de culte dans tous les pays du Moyen-Orient et du Maghreb et en écartant de l’équation tant la Constitution belge que le principe de la liberté religieuse qu’elle insuffle. De manière plus précise et, surtout, plus proche de la controverse, la question du financement de ces lieux de culte non catholiques est récurrente, allant à contre-sens de la question politique actuelle. En effet, cette dernière ne porte plus sur le financement des cultes, comme le soulèvent certains internautes, mais davantage sur la révision de la clé de répartition des moyens budgétaires entre les cultes et les philosophies reconnus en Belgique, étant entendu que la distribution des moyens affectés aux cultes « ne correspond plus à la réalité sociologique religieuse d’aujourd’hui […] dans la mesure où l’Église catholique reçoit plus de 85% » (Sägesser, 2009 : 97) des moyens budgétaires alloués aux cultes. Enfin, un glissement du débat sur la visibilité du fait religieux vers d’autres sujets est identifiable dans les propos de ces acteurs qui viennent à s’interroger sur l’opportunité de mener ce type de projet au détriment d’un parc, d’une plaine de jeux pour les enfants, d’abris pour les SDF, etc., omettant que le terrain à bâtir appartient à la Fondation religieuse islamique turque de Belgique et à l’ASBL KSS Camii. Il reste donc difficile dans l’analyse des sujets et arguments de ces acteurs externes de dégager un aspect négociable et localisable dans un espace urbain prédéfini. Par contre, cela est plus aisé dans le cas de la majorité des acteurs locaux, même si, dans les arguments des promoteurs des projets de mosquée et ceux des experts des religions, la présence de minarets peut difficilement être remise en question – notamment, au vu de leur caractère symbolique. Un dernier élément, cependant, va complexifier la négociation : un possible projet de mosquée dans le même quartier envisagé par la communauté maghrébine. Si le projet turc pose question sur sa taille future, sur l’environnement urbain et sur un plan de mobilité adéquat, le projet marocain modifie la production de l’espace, suscitant une inquiétude chez les habitants, alors entourés de deux mosquées : l’ethnicisation du quartier.
15Afin de bien comprendre ce qui peut être négocié et ce qui ne le sera pas ou peu, les sujets et arguments mobilisés par les acteurs locaux doivent faire l’objet d’une analyse plus fouillée. Ce faisant, nous pouvons différencier trois types de discours : « politique et religion », « représentation et symbolique » et « enjeux politiques ». Le premier insiste sur l’équité entre toutes les religions reconnues en Belgique, la liberté religieuse et la liberté de culte. Le deuxième met l’accent sur la place de l’identité et de la symbolique qui entoure le lieu de culte tandis que le troisième combine le caractère ethnique (Poutignat, et al., 1999) des communautés et les enjeux politiques.
16L’égalité est assurément un discours récurrent que mobilisent une partie des acteurs locaux en faveur du projet de construction. Les comparaisons ne manquent pas dans le quartier, au niveau de la ville de Liège, au niveau de la région, etc., que ce soit concernant la religion majoritaire en Belgique ou d’autres cultes minoritaires. Les comparaisons les plus souvent évoquées portent sur les lieux de culte catholiques ou juifs : il existe, par exemple, une synagogue et une cathédrale à Liège. Si le discours « égalitaire », reposant sur la pratique d’un culte et la liberté religieuse, est unanimement partagé par les acteurs locaux, le débat le plus intense s’apparente à la représentation et la visibilité du lieu de culte : leurs minarets, en particulier. En effet, avec des arguments d’ordre symbolique, les acteurs en faveur du maintien des minarets invoquent le fait qu’il n’y a pas d’église sans un clocher. Cette relation particulière entre la culture, le patrimoine, l’identité et la religion est un enjeu majeur dans des négociations relatives aux lieux de culte.
17Autour de ce constat, plusieurs remarques et commentaires naissent de la part des différents protagonistes à la controverse. Premièrement, il y a la peur de la différence qui est souvent évoquée. Deuxièmement, viennent les arguments qui contredisent la règle de « pas d’église sans clocher » étant donné que la nouvelle église du quartier a la particularité de ne pas avoir de clocher. Le cas de Verviers est également mis en exergue, avec une mosquée qui ne compte pas de minaret, et ce, pour deux raisons. La première renvoie au fait que le minaret n’est pas une obligation religieuse. Sa présence répond davantage à des critères d’ordre culturel. La seconde met en exergue l’image du minaret qui s’apparente à une représentation orientale du monde et a tendance à effrayer, peut-être davantage encore après le 11 septembre 2001 et le spectre du terrorisme islamiste ambiant. Partant, de nombreuses questions naissent de la présence des minarets : à quel moment sommes-nous dans une revendication religieuse légitime et à quel moment glissons-nous vers une revendication identitaire ? Quel rôle donner aux minarets ? Pour les promoteurs du projet, ils n’auraient qu’un rôle symbolique, ils ne seraient aucunement utilisés pour faire l’appel à la prière, aucun diffuseur ne serait d’ailleurs prévu à cet effet. Pour les riverains et la ville, par contre, un simple accord de principe ne peut suffire. Ils insistent également sur le manque de cadre légal ; ce qui ne les rassure pas.
18Enfin, le projet de mosquée maghrébin dans le même quartier a longtemps posé la question du projet commun. Néanmoins, les arguments d’ordre politique sont venus démontrer que l’aspect communautaire et les différences dans la pratique du culte (beaucoup moins importantes, cependant, que celles qui distinguent le protestantisme du catholicisme ou de l’orthodoxie), linguistiques ou socio-culturelles viennent interférer dans la possible communion des communautés musulmanes turque et maghrébine. Ce constat n’est d’ailleurs pas isolé, J. Cesari tirait des conclusions similaires dans une étude sur la rencontre entre l’islam et la ville : « la dimension universelle de la Umma s’efface devant la constitution effective du groupe, à partir des relations entretenues entre les membres d’une même ethnie, voire d’une même nationalité. La mosquée devient alors le lieu de rassemblement et de reconstitution d’une communauté ethnique » (Cesari, 1998 : 27).
19À cela s’ajoutent des discours relatifs à d’autres types d’enjeux politiques comme des considérations électoralistes. Certains acteurs locaux, en effet, font part de leur inquiétude vis-à-vis de faveurs qui seraient accordées à la communauté turque – espérant, en retour, un soutien lors des élections communales. Le refus du premier projet a, cependant, rapidement faire taire ce type d’arguments. D’un autre ordre politique, le projet de mosquée peut également être identifié dans le discours des acteurs locaux (entrepreneur de la controverse et autorité publique, essentiellement) comme un enjeu politique et multiculturel pour la ville de Liège, et ce, en promotionnant la diversité culturelle et en utilisant un projet privé pour donner un nouvel élan à un quartier pauvre de la ville.
20Au terme de la controverse, cependant, les types de discours se modifient. L’accent est à présent porté sur le processus décisionnel (particulier et innovant) réussi, l’urbanisme et le style architectural de la mosquée, sans oublier un discours plus symbolique (le nouveau caractère multiculturel du quartier, une nouvelle « âme » pour ce quartier qui manquait de caractère, selon les dires de certains acteurs). Le constat que nous pouvons tirer concerne une évolution des discours au fur et à mesure de la consolidation du dossier. Au même titre, les parties se rejoignent sur le bien-fondé de la nouvelle architecture et son rôle d’intégration réussie au sein du quartier.
21Toutefois, ce changement du discours et cette modification des arguments n’auraient pu être identifiés sans une méthode particulière de collectes de données. En effet, nous sommes d’abord partis d’une analyse des discours des premiers acteurs locaux de la controverse (juillet 2008) accessibles dans les médias (essentiellement interviews en ligne, reportages audio-visuelles, presse écrite). Le processus d’analyse n’a donc pas débuté par une phase d’entretiens, étant donné que nous ne nous sommes penchés sur cette controverse qu’en janvier 2010. À cette date, un suivi des acteurs tout au long du processus de redéfinition du projet est initié avec des entretiens réalisés avant et après le dépôt du « projet 1bis par apprentissage » ainsi qu’un suivi constants des médias (traditionnels et nouveaux).
Négocier l’espace urbain
22J.-P. Willaime insistait déjà, il y a plus d’une décennie, sur le fait que « la différence religieuse doit rester discrète pour être admise » (Willaime, 1996 : 296). Le constat actuellement dressé au regard de cette controverse renvoie à une considération similaire qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler une situation également dépeinte par F. Dassetto : « leur visibilité en général ne pose pas question dans la mesure où ces salles de prière, nombreuses, restent quelque peu occultes, dans des territoires résiduels de la ville […]. La question se complique lorsque les musulmans entendent bâtir un édifice de culte dont l’esthétique se manifeste explicitement comme musulmane » (Dassetto, 2004 : 92). La négociation doit immanquablement tenir compte de cet aspect. Aujourd’hui pourtant, la visibilité de l’islam peut revêtir différentes fonctions à utilité publique travaillant, d’une part, à la promotion d’une société multiculturelle et à la rencontre de l’autre et, d’autre part, à l’intégration des communautés musulmanes, non pas sous la forme d’une « intégration par segmentation » (Germain et Rose, 2000) des villes divisées en quartiers différenciés mais dans des quartiers interculturels et multiethniques demandant de facto une forme de compromis plus complexe, comme c’est le cas dans cette étude.
23Ce type de lieu ou d’édifice renvoie à une négociation particulière, et il convient de savoir ce que l’on négocie : ce qui pose la question de la fonction du lieu étudié. J.-P. Willaime distingue essentiellement deux ensembles de fonctions attribuables à l’analyse des édifices cultuels ou, plus largement, aux lieux de culte. Le premier regroupe les fonctions dites instrumentales et concerne « les usages sociaux du bâtiment » (Willaime, 2007 : 40). Le second englobe les fonctions dites symboliques (Willaime, 2007 : 40). En s’interrogeant tout d’abord sur les fonctions symboliques du lieu de culte, l’aspect sacré de l’édifice doit être envisagé. Si, pour le culte catholique, ce lieu revêt un caractère sacré important, il ne s’impose pas aussi clairement pour les autres cultes (Werckmeister, 1997). D’autant plus que, sur la symbolique du lieu, il persiste une double lecture : par les fidèles, et par les riverains et habitants du quartier. Concernant les fonctions instrumentales, le vocabulaire associé aux lieux de culte et aux édifices cultuels marque l’évolution de l’usage du bâtiment et de sa fonction. Les usages, aujourd’hui, sont multiples avec une part d’enseignement, d’activités culturelles, etc. Si ce que développe J.-P. Willaime est, en substance, une possibilité de rencontre et d’ouverture entre les membres d’une même communauté religieuse et un espace urbain particulier, notre étude de cas montre qu’un lieu plurifonctionnel n’est pas la seule option envisageable. Il reste en effet difficile pour les habitants d’un quartier ou d’une ville de franchir la porte d’un édifice cultuel, même plurifonctionnel, pour pratiquer une activité culturelle ou sportive. S’opère à ce moment une barrière symbolique tantôt associée au lieu de culte en tant que religion et croyance, tantôt en tant que représentation d’une autre culture que la sienne. À titre d’illustration, les architectes du « projet 1bis par apprentissage » envisagent alors des jardins et des parcs ouverts au public qui permettraient la rencontre et l’ouverture du site de la mosquée au quartier sans pour autant que le franchissement des portes de l’édifice cultuel soit la conditionnalité. Le terrain est ainsi partagé en deux parties : 3000 m2 d’espace privé (mosquée et centre culturel turc) et 7000 m2 d’espace vert. Les architectes et la seconde commission ont également voulu éviter tout cloisonnement du terrain avec des accès et chemins rejoignant la cité du Moulin et les autres rues du quartier. Le terrain de la mosquée et les jardins sont étudiés pour devenir le point central du quartier.
24L’intérêt pour ces parcs et jardins comme espace de rencontre entre habitants d’un même quartier a notamment été étudié par S. Thomann (2009) dans le cadre des relations intergénérationnelles dans les zones périurbaines ; espaces qui offrent « des conditions intéressantes de situations de coprésence » (Thomann, 2009) dans des lotissements résidentiels où un phénomène de « côtoiement d’habitants vieillissants et attachés à leur domicile et de familles plus jeunes de condition sociale différente » se développe (Thomann, 2009). La vision à long terme défendue par la ville de Liège pour le quartier vise à utiliser ces espaces verts pour lutter contre le repli domestique. Ce que J. Lévy définit comme le refus « de ce frottement assumé avec les autres » (Lévy, 2002 : 7), « la voiture prolongeant la maison » (Lévy, 2002 : 7).
25Une autre fonction importante du lieu de culte dans le paysage urbain renvoie à un rôle d’intégration des individus non plus uniquement dans une ville mais au sein d’une communauté. J. Cesari (1997) insiste pour sa part sur plusieurs fonctions sociales allant de la référence de groupe et la prise en considération du collectif des musulmans – ce que développe également C. Torrekens (2007) concernant le tissu associatif musulman à Bruxelles – à la construction de réseaux de solidarité, sans négliger les différents rites de passage qui se succèdent dans la vie des individus et de leurs familles (mariage, mort, etc.). C’est également ce sur quoi insiste A. Germain dans ses recherches en mettant en exergue l’importance du lieu de culte comme base à la « (re)construction communautaire et identitaire […], accueil et support fourni aux nouveaux immigrants […], aide destinée à certaines catégories sociales plus fragiles (aînés, enfants) […] et, de façon plus générale, développement du lieu social » (Germain, 2004 : 426).
26Il n’en reste pas moins que des questions en dehors de toute considération religieuse jaillissent, au même titre que la construction d’un centre sportif ou d’un centre commercial : comment peut-on quantifier le rayonnement de la construction de la mosquée (quartier, ville, alentours, Wallonie, pays frontaliers) ? Pour les promoteurs du projet, la mosquée ne fait qu’améliorer le lieu de culte et le bien-être de communauté musulmane turque passant d’une maison peu propice à la pratique d’un culte à un lieu qui lui est directement dédié. À cela s’opposent les chiffres du comité de quartier, s’appuyant sur le premier projet (une superficie de 2000 m2 et une salle de spectacle pouvant accueillir jusqu’à 2500 personnes). À nouveau, tout le débat et les points de vue se construisent sur des éléments différents : les uns partent de ce qui existe déjà dans le quartier tandis que les autres analysent l’ampleur du projet et font des projections et des probabilités (Tversky et Kahneman, 1974) – décider dans l’incertain – en fonction du rayonnement de l’édifice cultuel et de ses activités cultuelles mais également culturelles. De plus, le phénomène d’expansion régionale est apparu dans diverses recherches récentes qui montrent que « de nombreux lieux de culte ne sont plus des équipements de proximité et drainent désormais une clientèle régionale » (Germain, 2004 : 431). Le « projet 1bis par apprentissage » a toutefois intégré ses différentes données et a remplacé la salle de spectacle par une salle de conférence beaucoup plus petite et adaptée à la communauté.
27Qu’en est-il ensuite du plan de mobilité ? Que faire enfin de la mise en concordance du projet de construction avec l’aspect du quartier, des bâtiments préexistants, des commerces mais également d’une clinique et de divers centres de santé ? Les premiers arguments des riverains et des autorités communales allaient dans ce sens, notamment, lorsque d’aucuns insistaient sur le fait que le projet s’intégrerait « mal dans le quartier » fait de vieilles maisons de mineurs. Cette argumentation, insistant sur la rupture « totale » entre les bâtiments et habitations existantes, vient principalement de la ville de Liège, relayée par le chef de cabinet de l’Échevinat de l’Urbanisme. Quant au plan de circulation et aux risques qui lui sont associés, ils sont mis en exergue par l’autorité publique et les habitants du quartier qui craignent un flot continu de voitures dans les rues, ce qui augmenterait, selon eux, l’insécurité routière et la quiétude du quartier. Pour ce faire, des mesures d’évitement sont envisagées par les promoteurs du projet et par l’intermédiaire du cabinet du Bourgmestre de Liège. L’un des propositions serait, par exemple, de partager les emplacements de parking d’un supermarché situé dans le quartier. Toutefois, l’urgence d’un plan de mobilité a été rapidement relativisée au vu de la taille réduite du « projet 1bis par apprentissage » et du profil des croyants issus du quartier et venant à pied à la mosquée. Cependant, aucune solution n’a été encore trouvée avec le gérant du supermarché, ce qui pourrait produire à court terme un retour de la controverse. Selon nos dernières informations, un système de navettes serait envisagé lors des grandes fêtes turques afin de ne pas encombrer le quartier, et ce, au vu du nombre restreint de places de parking prévu dans le projet : trente-cinq places.
Les contraintes inhérentes à ce rapport entre espace urbain et lieux de culte
28Si l’espace urbain et sa relation particulière avec un lieu de culte est toujours négocié comme nous le démontrons et, comme a pu le développer L. Kong (1993), il convient de mettre en évidence certaines contraintes qui ne dépendent pas particulièrement de l’espace urbain ou du lieu de culte. En ce sens, quatre types d’entrave à la négociation de l’espace urbain viennent influencer et orienter les discussions. Il s’agit tout d’abord de prendre en compte la différence qui subsiste entre les divers systèmes de croyances (Braud, 2008) qui se superposent lorsque l’on confronte la ville à la religion. Ensuite, la part de symbolique ne peut être négligée, sachant qu’elle n’est pas intrinsèque au phénomène religieux mais davantage à l’évolution de la ville et de la conjugaison de l’espace urbain avec l’évolution de la société. Puis, la résistance au changement ainsi que la relation étroite et difficile qu’entretiennent les changements de nos sociétés et la tradition, d’où qu’elle vienne, font partie intégrante de l’équation et de la négociation, même s’il convient de reconnaître que ce facteur est plus insidieux. Enfin, la quatrième contrainte mise en avant est l’influence de la mondialisation et l’invitation du global dans le débat local, liée notamment à la mondialisation du phénomène religieux (Geoffroy et al., 2007) et plus particulièrement à l’« islam mondialisé » (Roy, 2002).
29Comprendre, d’abord, la mosaïque des systèmes de vérité en présence dans la controverse est important afin de saisir les origines et influences des perceptions et représentations des acteurs. Ces systèmes de représentation se basent en partie sur les stéréotypes mais il existe également une construction doctrinale et théorique de la réalité s’apparentant aux représentations du réel en conformité avec leurs propres principes fondamentaux. De plus, ces systèmes de croyances se superposent dans ce genre de controverse ; c’est pourquoi considérer une unique réalité ou lecture possible est un biais et prendre en compte les différents registres est une nécessité, si les acteurs souhaitent éviter toutes tensions présentes et futures et permettre ainsi une meilleure intégration. Au départ de cette controverse, les minarets, par exemple, renvoient à diverses constructions de la réalité. Ils ont tout d’abord une triple réalité religieuse : d’aucuns considèrent les minarets comme un élément symbolique important de l’architecture musulmane tandis que d’autres partent du postulat que ce n’est pas une obligation religieuse et donc que sa présence est négligeable. À cela s’ajoute le rôle attribué aux minarets, autrement dit, un instrument relatif à l’appel à la prière. Il y a ensuite une construction de la réalité de l’espace urbain. Dans ce registre, une série d’acteurs locaux mettent l’accent sur l’aménagement du territoire, un plan de mobilité adapté à une future fréquentation du lieu de culte et l’attrait éventuel que pourrait susciter cet édifice pour des fidèles étrangers au quartier ou à la ville. En négociation, il importe donc de prendre la mesure de la marge de manœuvre de chaque acteur et de son point de rupture.
30La symbolique de l’espace public va de facto influencer la négociation. Cette revendication symbolique que subit la ville n’est cependant pas la première : les maisons du peuple, les églises et leur clocher, les blasons, par exemple, ont fait partie d’un ensemble de constructions symboliques de la ville au travers des siècles, passant par des empreintes sociales, religieuses et politiques variées. La ville est faite de réappropriations par les habitants qui, à l’image de la société et de sa complexité, font bouger cet espace urbain au gré des nouvelles expressions de cette société cosmopolite. À nouveau, le minaret est au centre de cette récupération de la ville européenne, au centre de la controverse mais reste le miroir d’un débat de société plus large qui concerne l’intégration de l’islam européen dans le paysage de nos villes et de nos communes. N. Dris développe ce propos en insistant sur le fait que « les présupposés idéologiques de certaines réalisations architecturales façonnent de façon concrète l’image urbaine » (Dris, 2005 : 87). Mais également que toutes formes urbaines, que ce soit une mosquée et ses minarets, aujourd’hui, ou une maison du peuple, il y a un demi-siècle, participent à une construction de sens de la ville au travers de laquelle se joue un moment de l’histoire de l’évolution de nos sociétés européennes. Les minarets qui font débat s’inscrivent dans cette symbolique de l’espace public et, ce qui importe pour les promoteurs du projet, ce n’est pas tant la fonction des minarets que son caractère symbolique. La prise en compte dans ce cas d’étude du « vécu » et du « perçu » de la ville permet d’en apprendre davantage sur l’importance de ce caractère symbolique. Si le premier donne des indications quant à la réappropriation de l’espace urbain par les habitants, le second « favorise l’intégration urbaine dans le sens où il peut être pour ceux qui y vivent, éminemment valorisant » (Dris, 2005 : 90). Un dernier élément dans le trait symbolique du premier projet était son style architectural. Si une mosquée en soi a une portée symbolique forte, ce dernier l’était d’autant plus au vu de l’architecture particulière de ce lieu de culte identifié par les acteurs locaux (comité de quartier, en tête) à l’image de la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul. Le caractère identitaire se voyait prépondérant pour la communauté turque en important un élément de son patrimoine architectural d’Istanbul à Liège. La question qui se tisse en toile de fond de la considération symbolique renvoie au fait de savoir ce que les acteurs négocient : le lieu de culte est-il un endroit auquel « la tradition associe une religion », un espace « où la prière s’impose, en souvenir d’événements ayant marqué l’histoire d’une religion » ou un bâtiment où « les fidèles s’assemblent pour célébrer leur religion » (Basdevant-Gaudemet, 2007 : 9) ? La réponse n’est pas simple car notre cas d’étude démontre qu’il est à la fois un endroit chargé de traditions religieuses – ce qui pose la question du rôle des minarets – et un espace de prière associé à l’histoire d’une religion. Le « projet 1bis par apprentissage » change cependant la donne. Le style architectural est aujourd’hui complètement contemporain dans le respect de la tradition. L’apport des deux architectes est sur ce point une véritable réussite, selon les dires des acteurs. En effet, les acteurs soulignent que les architectes choisis pour le « projet 1bis par apprentissage » étaient véritablement motivés par le projet et que l’un s’est rendu en Turquie pour comprendre l’âme architecturale d’Anatolie Centrale tandis que l’autre a mené des recherches sur l’importance de la lumière dans la mosquée. Ces investissements traduisent pour la communauté turque un respect de la culture et de l’identité orientale. Des deux minarets initiaux, il n’en reste qu’un qui vient se fondre, au même titre que toute la mosquée et le centre culturel turc, dans cet esprit architectural contemporain, faisant dire à la présidente que l’édifice n’est pas sans rappeler les belles-fleurs des anciens charbonnages. Il reste malgré tout quelques anciens de la communauté turque qui trouvent le projet trop contemporain, rompant avec la tradition architecturale. Mais la deuxième commission insiste clairement sur le fait que nous ne sommes plus dans une perspective d’assimilation et d’importation de la culture traditionnelle mais dans une ouverture et une intégration réussie d’une communauté dans un espace urbain européen particulier.
31Il importe également de poser la question de la résistance au changement de l’individu qui n’est pas confronté, dans le cas présent, à la construction d’un supermarché dans son quartier ou à un nouveau stade de football mais à une mosquée, chargée a priori davantage symboliquement, culturellement et socialement. Le changement pour l’individu s’applique, bien entendu tant pour les habitants du quartier que pour les membres de la communauté musulmane. Pour le premier groupe, la mesure de l’évolution de la société, de son environnement, de la diversité culturelle, de l’époque, de la citoyenneté multiculturelle (Kimlycka, 2001), de la déterritorialisation des religions, prend tout son sens et une toute autre visibilité. Pour le second groupe, il faut s’interroger dans les mêmes termes en considérant que l’environnement est différent de la représentation identitaire générationnelle et de l’environnement musulman traditionnel. Sachant cela, les distensions entre les points de vue au sein des communautés musulmanes sont apparentes. D’aucuns mettent en exergue la différence à opérer entre ce qui a trait aux motivations culturelles et ce qui ressort de l’« obligation religieuse ». Les minarets ne seraient donc pas une « nécessité religieuse » mais travailleraient à la promotion de l’« identité » turque et à « l’identification » (Luque, 2002) de cette même communauté à son environnement urbain. « L’équilibre » entre tradition, patrimoine, culture et changements sociaux au sein de la ville est un enjeu majeur de nos sociétés cosmopolites et multiculturelles. Il interroge, en effet, la promotion de la reconnaissance et du vivre-ensemble tout en évitant une concentration spatiale des populations musulmanes au sein d’un même quartier, ce qui produirait une tendance au regroupement ethnique par quartier ou par commune comme l’illustrent certains cas d’étude bruxellois (Torrekens, 2007).
32Mais, plus largement, que peut nous apprendre l’analyse de la résistance au changement sur le cas présent ? De manière générale, la résistance au changement s’apparente à un refus, un blocage ou une résistance à changer son propre système de pensée, ses propres représentations du monde influencées par toute une série de clichés, stéréotypes et idéologies. Elle fait cependant partie intégrante de la nature humaine. De nombreux auteurs ont étudié les effets, causes et conséquences de la résistance au changement, à commencer par L. Festinger (1957) dans son étude et théorisation de la dissonance cognitive qui explique que l’être humain peut être mis en difficulté face à une remise en question de ses principes et valeurs lors d’un changement de sa situation, de son environnement. Différentes stratégies se distinguent alors (1) soit par un rejet pur et simple du changement, (2) soit par une adaptation de la représentation en fonction des informations nouvelles liées au changement de l’environnement, (3) soit par la mise en place d’une cohérence « forcée » sans préparation préalable (Dicquemare, 2000). Notre cas d’étude met en exergue un constat déjà opéré, notamment, par N. Sarthou-Lajus qui insiste sur le fait que le danger porte sur le fossé qui « se creuse entre ceux qui aspirent au changement et à l’invention de soi, et ceux qui cherchent simplement à rester ce qu’ils sont ; entre une élite cosmopolite, convaincue que l’avenir est au métissage culturel, et des peuples qui ont peur de perdre leur identité » (Sarthou-Lajus, 2010 : 149). Cela rejoint également ce sur quoi A. Tversky et D. Kahneman (1974) insistaient en mettant l’accent sur la prise de décision qui se fait par rapport à une série de croyances, de représentations, de prospectives et de probabilités, rendant le futur incertain quant à l’évolution et l’issue de situations et événements divers : « nous pensons que… », « il est probable que … », etc.
33Il convient enfin de ne pas négliger dans l’étude de la négociation que la controverse s’inscrit dans un débat plus large – local, régional, national et européen. Durant le mois de novembre 2009, par exemple, le vote suisse contre la construction de nouveaux minarets a été relayé au travers des différents médias en Europe qui se sont empressés de multiplier les sondages sur les territoires régionaux et nationaux qu’ils couvrent. Le cas belge illustre parfaitement la réaction en chaîne que le débat suisse a pu produire en Europe. Un sondage iVOX, réalisé entre le 3 et le 5 décembre 2009, mettait en lumière que près de 59,7 % des Belges rejoindraient l’avis exprimé par les Suisses sur l’interdiction de construction de minarets, en cas de consultation. Pour rappel, les citoyens helvétiques avaient voté l’interdiction à hauteur de 57,3 % des suffrages. Dans le même ordre d’idées, le concept de mondialisation est également riche d’enseignement, notamment par l’un des traits qu’en donnent D. Martin, J.-L. Metzger et P. Philippe (2003 : 9) : les nouveaux fonctionnements en réseau. Ces derniers vont avoir une influence sur la récupération de l’espace urbain, notamment, par effet de mimétisme ce qui a tendance à rassurer mais également à reproduire ce qui est fait ailleurs et qui nous est connu. La reproduction du style architectural oriental peut trouver un facteur explicatif dans ce phénomène, et ce, au même titre que son contraire, notamment, le refus de confronter la ville à son évolution ethnique.
34Important dans l’usage de ces nouveaux réseaux sur la Toile, le phénomène peut provenir de l’isolement des individus qui ne trouvent pas leur place dans une société où l’islam y est minoritaire, peu représenté ou peu valorisé. Ces individus cherchent alors à se construire autrement : « les internautes musulmans qui cherchent à y constituer une [Umma] virtuelle le font parce qu’ils se sentent isolés dans la société où ils évoluent et ne trouvent pas les moyens de vivre pleinement leur islam dans leur environnement quotidien » (Roy, 2002 : 171). La réappropriation de l’espace urbain travaille donc également au dépassement de cette construction virtuelle au détriment de l’environnement quotidien et recrée du lien social au sein d’une communauté, entre les communautés et, enfin, avec la société dans son entièreté.
35Nous pouvons identifier, au terme de cette analyse, une double logique dans la compréhension de l’événement : horizontale et verticale. Horizontale, d’abord, parce que la négociation de la mosquée du quartier de Glain n’est pas un cas isolé. Elle fait partie d’un débat plus large sur la construction de nouveaux minarets ou de nouvelles mosquées en Europe ; chaque débat européen nourrissant les autres. Verticale, ensuite, parce que, en toile de fond, l’intégration de l’islam en Europe, la recomposition urbaine et l’existence sociale de communautés musulmanes sont en jeu, et ce, au même titre que le modèle de vivre-ensemble que les sociétés européennes souhaitent promouvoir.
L’espace urbain comme miroir de l’évolution de nos sociétés
36Il est également intéressant de constater que cette controverse rencontre deux types de problème – public et politique (Lascoumes, Le Galès, 2006 : 67) – qui se superposent en fonction des thématiques abordées par les différents acteurs, et ce, au regard de leur localisation. Les résultats de la recherche permettent de mettre en exergue plusieurs éléments d’analyse mobilisables de façon transversale aux problèmes publics et politiques liés aux différents projets de construction de lieux de culte.
37Le premier porte sur le manque de garantie juridique concernant l’usage des minarets comme fonction symbolique unique ou, au contraire, comme vecteur de diffusion de l’appel à la prière. Dans le cas où la construction des minarets aurait été conservée, il restait difficile de juger sur le long terme ce qui pourrait être renégocié et source de reprise de la controverse. D’autant plus que la valorisation de ce type de monument dans l’espace urbain est loin d’être clairement établie en Belgique, avec un précédent dans une commune de Bruxelles : tout d’abord avec une interdiction de faire l’appel à la prière sur la voie publique et ensuite avec un statut administratif attribué aux minarets « similaire à celui d’une enseigne publicitaire » (Manço, 2005 : 97). Ce qui n’est pas pour mettre en valeur – cela aurait même tendance à discriminer – une partie d’un édifice cultuel qui se veut symbolique et qui revêt une réelle importance pour une part de la population belge de confession musulmane. Sur ce point, la commission du « projet 1bis par apprentissage » tente d’anticiper la résurgence de la controverse sur le statut ambigu qu’aurait le minaret, préférant, pour le moment, un système lumineux pour faire l’appel à la prière, comme cela a pu être fait à Marseille.
38Le deuxième élément pose la question du compromis dans la négociation, notamment, en matière d’architecture (Cesari, 1997) basé sur un modernisme des villes qui envisage l’environnement urbain dans son ensemble en y intégrant les lieux de culte. Le style architectural trop contemporain, voire postmoderne, du projet de construction de la mosquée a directement fait réagir la communauté turque, demandant une série d’ajustements architecturaux d’origine orientale d’Anatolie Centrale. L’édifice cultuel restant toujours chargé symboliquement, il subsiste donc une zone non négociable, malgré la présence de compromis et de formes ouvertes de négociation.
39Le dernier élément porte sur la notion d’hospitalité envers l’autre qui reste « une question sensible, c’est-à-dire une question à fort contenu symbolique qui mobilise les affects, témoigne d’une peur de stigmatiser mais s’avère en bout de ligne révélatrice de situations latentes » (Germain, 2004 : 442). En ce sens, l’espace urbain est le miroir de la société multiculturelle avec ses compromis et ses négociations constantes. Le plus difficile dans cette situation est la conciliation entre, d’une part, tout le poids du passé de l’État belge, en l’occurrence l’opposition historique au sein du clivage philosophico-religieux (Delwit, 2009), et la déterritorialisation du fait religieux et, d’autre part, ce mouvement antagoniste qu’est la revendication de visibilité au sein de l’espace urbain de l’islam. En d’autres termes, le phénomène de déterritorialisation du fait religieux occidental et traditionnellement chrétien intégré dans l’histoire de l’État belge se confronte à un phénomène de territorialisation de la présence de l’islam par de nouveaux lieux de culte. C’est de ce double mouvement « effacement » et « visualisation » que naît, en partie aujourd’hui, la controverse au sein de l’espace urbain. In fine, la difficulté réside dans la confrontation au sein de la négociation entre ce qui est négociable et qui relève d’un intérêt commun aux acteurs et ce qui est peu, voire difficilement, négociable, s’apparentant à la construction symbolique de l’espace urbain et, donc, à un système de valeurs préexistant. Comme le souligne E. Durkheim : « [il] existe des types différents de valeurs. Autre chose est la valeur économique, autre chose les valeurs morales, religieuses, esthétiques, spéculatives. Les tentatives si souvent faites en vue de réduire les unes aux autres les idées de bien, de beau, de vrai et d’utile sont toujours restées vaines » (Durkheim, 1967 : 95). Par l’intégration d’espaces verts dispersés tout autour de la mosquée et accessibles à tous les riverains, la ville de Liège espère toutefois dépasser ces frontières virtuelles et conflictuelles dans la relation quotidienne avec l’islam basées sur des représentations symboliques du monde et souhaite mettre en avant, aux dires des acteurs, des zones d’ouverture, de négociabilité et de compromis entre le politique et le religieux.
Conclusion : étudier la négociation
40Pour conclure, il peut être intéressant, d’abord, de comparer notre étude de la négociation des controverses au regard d’une théorie de la négociation développée par A. Strauss (1992) où l’idée d’arène prédomine, sans règle préétablie et où l’ordre social est constamment redéfini par l’interaction des acteurs en présence. A. Strauss parle d’un ordre négocié (negotiated order) (Strauss, 1992) où tout le monde est en train de négocier quelque chose. Pour A. Strauss, il importe de prendre en compte la temporalité (évolution des négociations au fil de la controverse, quand négocient-ils ?), les dynamiques entre les acteurs (associations d’acteurs pour négocier, qui négocie avec qui ?), les sujets soumis à la négociation (à propos de quoi négocient-ils ?) ainsi que les arguments des acteurs présents dans la négociation (sans en négliger la part de symbolique et de représentation, comment argumentent-ils la négociation ?). Partant, notre recherche permet de mettre en évidence cinq éléments complémentaires à la théorie de la négociation de A. Strauss. Le premier est l’importance de la mobilisation de savoirs particuliers de la part des acteurs et de leur expérience et expertise dans le domaine controversé. Dans notre cas d’étude, l’entrepreneur de la controverse et la présidente du comité de quartier ont l’expérience politique nécessaire pour comprendre ce qu’implique le dépôt de ce type de projet et les rapports de forces qui en résultent. Le deuxième élément est l’importance de la mobilisation d’un certain type de discours, comme dans le chef de l’entrepreneur de la controverse ou de la présidente du comité de quartier. Ces derniers se font porte-parole de la controverse et, de ce fait, mobilisent une série d’acteurs autour de leur projet tout en opérant un tri dans les arguments qu’ils souhaitent mobiliser dans la négociation. Un troisième élément essentiel, dans ces phases de négociation, est l’influence des relations particulières établies entre les acteurs pour négocier. Pour que la négociation fonctionne, le négociateur doit également être capable de prendre de la distance par rapport aux représentations et croyances. Partant, l’entrepreneur de la controverse arrive à s’éloigner des « anciens » de la communauté turque qui souhaitaient promouvoir un style architectural traditionnel tandis que la présidente du comité de quartier parvient à prendre position en faveur du « projet 1bis par apprentissage » et à préserver ce dernier relativement secret malgré la pression des habitants du quartier qu’elle représente. Enfin, pour négocier et accepter un projet, il faut être conscient que les termes ne sont pas parfaits et qu’ils risquent d’être renégociés à court ou moyen terme. En ce sens, la notion de risque doit être une considération majeure dans l’étude de la négociation.
41Ensuite, nous pouvons tenter de généraliser l’étude des négociations au travers de la prise en compte de l’entrepreneur de la controverse. Certes, la « construction du social » ne s’apparente pas, de prime abord, à l’innovation technologique, et pourtant, certaines leçons sont transversales. En effet, si « [le] destin de l’innovation, son contenu mais aussi ses chances de succès, résident tout entier dans le choix des représentants ou des porte-parole qui vont interagir, négocier pour mettre en forme le projet et le transformer jusqu’à ce qu’il se construise un marché » (Akrich et al., 1991 : 67-68), la « construction du social » répond également à cette considération, comme nous l’illustre le choix de l’entrepreneur de la controverse. De même, « [changez] le recrutement […], et c’est au mieux une autre innovation qui voit le jour et au pire pas d’innovation du tout » (Akrich et al., 1991 : 68). À nouveau, l’enseignement est valable à notre échelle puisque les deux commissions ont produit deux projets radicalement différents, et ce, à cause d’entrepreneurs de la controverse qui ont eu deux visions opposées de l’innovation et de la construction du social au sein d’un quartier restreint confronté à une communauté religieuse. Mais également, deux commissions qui ont des identités différentes (vision traditionnelle vs. vision contemporaine). De plus, la promotion d’une stratégie d’ouverture s’oppose à celle de fermeture en privilégiant (ou non) des interlocuteurs, voire de « bons interlocuteurs » (Akrich et al., 1991 : 69), et ce, en choisissant soigneusement ces derniers pour négocier le « projet 1bis par apprentissage ». Puis, le « projet 1bis par apprentissage » n’est pas resté figé, il a été négocié, renégocié, dessiné, redessiné, au même titre que l’innovation peut l’être. Comme le souligne M. Akrich et al., « [puisque] l’innovation va, au gré des réactions qu’elle suscite, de négociations en négociations et de redéfinitions en redéfinitions, tout dépend de l’identité des protagonistes qui sont mobilisés : dites-moi avec qui et avec quoi vous innovez et je vous dirai en quoi consistent vos innovations et jusqu’où elles se répandront » (Akrich et al., 1991 : 68).
42En dehors de ces considérations, nous considérons qu’au terme de notre recherche, l’étude des controverses et de leurs négociations permet d’avancer cinq caractéristiques essentiels pour leur compréhension : les formes de participation dans le processus décisionnel qui participent à l’intégration de divers acteurs dans la négociation, la construction sociale de la réalité et représentations qui doit être prise en compte dans l’analyse de l’argumentation et des freins à la négociation, l’étude de la mémoire collective de la controverse mobilisée différemment par les acteurs, l’étude de la mobilisation des acteurs en controverse qui met en avant les enjeux et intérêts des acteurs et, enfin, le cadre institutionnel de la négociation de la controverse qui analyse la flexibilité du cadre de négociation (Piet, Brunet, 2010).
43Décembre 2011
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83LEVY, J. (2002), Préface. Habiter l’espace avec, sans, contre les autres, La maison en ses territoires. De la villa à la ville diffuse, Paris : L’Harmattan, pp. 5-10.
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