Cahiers de Science politique

Université de Liège

1784-6390

 

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Guillaume Albessard

Gestion de l’immigration clandestine : la puissance normative de l’Union européenne à la dérive ?

(Cahier n°32)
Article
Open Access

Résumé

L’immigration clandestine ne cesse d’alimenter les débats nationaux et européens. A travers cet article, la gestion européenne des phénomènes migratoires est mise en relation avec l’attachement historique à la norme et au soft power émanant de l’Union européenne. L’hypothèse principale consiste à affirmer que cette gestion représente une rupture avec le pouvoir normatif européen. Le poids des intérêts nationaux et l’approche intergouvernementale permettent d’abord de mettre au jour une vision « insécurisante » de l’immigration. Par ailleurs, le processus d’externalisation des frontières remet en cause l’attachement manifeste à la liberté et la sécurité. Quant à Frontex, son rôle semble paradoxal au regard des principes de bonne gouvernance et de rejet de la « norme », au profit de la force. Enfin, l’idée d’ « Europe forteresse » désignerait moins les effets de la politique migratoire européenne que ses intentions.


Introduction

1La migration est au cœur des débats tant nationaux qu’européens, et ce depuis de nombreuses années. En 2000, année de signature de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne1, une dépêche de l’agence Belga titre « Vienne critique l'UE sur l'immigration ». 2 En 2015, année clef dans les flux migratoires, le journal Le Soir titre « Explosion des entrées en Europe ».3 Plus récemment, l’accord entre la Turquie et l’Union européenne marque pour certains un virage dans la politique européenne migratoire. Au sein de la recherche universitaire, les approches multidisciplinaires fleurissent : économie4, anthropologie5, sociologie6, droit7, science politique8 sont autant d’angles permettant d’aborder les phénomènes migratoires.

2L’Union européenne au fil des traités s’est vu joué un rôle croissant dans la gestion des flux migratoires irréguliers. Ce processus s’est accompagné de plusieurs controverses tant sur la nature de ce rôle jouée par l’Union que sur son fonctionnement interne.

3Ces controverses s’enracinent souvent dans l’image singulière qu’a développé cette entité supranationale qui préférerait la norme à la force et miserait sur la séduction pour influencer son environnement. Ces deux éléments font écho aux concepts repris par Zaki Laïdi9 : puissance normative10 et soft power11.

4Tout d’abord, le pouvoir normatif ou la puissance normative12se rattachent à l’idée d’une puissance civile où le droit primerait sur la souveraineté. La « norme » serait centrale dans la puissance européenne. Passant par la règle de droit, elle sous-entend un consentement, une adhésion. Par conséquent, elle permet la discipline et la prévisibilité ainsi qu’une intériorisation des risques et une anticipation des problèmes. La puissance devient normative, et non pas empirique, car celle-ci ne passe pas par des démonstrations physiques de force, des conquêtes ou une domination territoriale. Cette primauté de la norme renvoie finalement à une entité post-westphalienne et la fin d’une vision réaliste des relations internationales où existeraient une anarchie et un égoïsme entre Etats13. Ce dernier traduit l’impossibilité de comprendre le rôle de l’Union au moyen d’une grille de lecture classique associant puissance, force et Etat-nation. Bien que la norme et la force ont en commun la volonté de contraindre, les moyens ne sont pas les mêmes.

5Ensuite, le soft power14 fait le lien entre la puissance d’une entité et sa capacité de séduction et d’attractivité. L’Union européenne serait cette puissance qui arrive à convaincre d’accepter ses préférences, sans utiliser la force. En d’autres mots, l’Union séduit sans effrayer. Ceci s’opposerait donc au hard power, c’est-à-dire une coercition par la force et une volonté d’être craint15. Par ailleurs, Zaki Laïdi inclut également la prise au sérieux des droits individuels et la volonté de les élargir ainsi que la compassion politique face aux déséquilibres sociaux mondiaux comme caractéristiques de la puissance européenne.16

6La question posée par cet article est celle-ci : « Dans quelle mesure la gestion de l’immigration irrégulière par l’Union européenne est-t-elle en contradiction avec son image de puissance normative ? ». L’hypothèse est celle-ci : Cette gestion européenne traduirait une coercition par la force et une volonté d’être craint. Elle se retrouverait ainsi en rupture avec son attachement historique à la norme et au soft power.

7Afin de répondre à cette question, l’article se divise en cinq parties. La première s’attache à mettre en évidence le poids des intérêts nationaux dans le rôle croissant de l’Union européenne. La deuxième montre montrer la vision dominante de l’immigration tout au long de l’histoire de cette gestion européenne. La troisième étudie l’externalisation des frontières, une des composantes majeures de la politique européenne. La quatrième analyse l’agence Frontex et son fonctionnement. La cinquième et dernière distingue les intentions des effets liés à l’expression d’« Europe forteresse ».

8Les sources se limitent aux articles de revue scientifique, aux ouvrages, à la législation, aux documents officiels et à certains articles de presse. Afin de garder un recul suffisant, les éléments très récents sont soit écartés soit utilisés avec précaution. Le choix a également été de laisser une place mineure aux enjeux purement nationaux, pour mieux se concentrer sur l’arène politique européenne.

9Au travers des différents écrits, l’immigration est qualifiée d’irrégulière, d’illégale ou de clandestine. En apparence, ceux-ci constituent des synonymes. Cependant, l’adjectif « illégale » laisse penser, à tort, que le migrant est « hors du droit »17. « Clandestine » laisse une image spécifique, souvent mobilisée pour justifier des politiques répressives. Immigration irrégulière semble être le plus adéquat et renvoie à une idée plus neutre du phénomène.18 Pour plus de lisibilité, les trois termes seront utilisés indifféremment.

L’Union européenne au service des intérêts nationaux

10Les politiques migratoires au sein de l’Union sont partagées entre les Etats-membres et les institutions européennes. Néanmoins, ces politiques ont fait l’objet d’une européanisation et se retrouvent dans le champ des compétences partagées, de « l’espace de liberté, de sécurité et de justice ».19

11Cette partie s’attache à mettre en évidence le rôle des intérêts nationaux dans l’intégration européenne. Deux réflexions théoriques sont abordées. La première associe cette européanisation à un effet d’engrenage et un Etat passif et contraint, dans une mondialisation croissante, d’abandonner ses prérogatives devenues caduques.20 Cela caractérise une approche fonctionnaliste de l’intégration. La deuxième y voit un Etat rationnel, maximisant ses intérêts au niveau supranational. C’est l’approche intergouvernementale libérale.21

12Cette deuxième approche permet réellement de comprendre le rôle croissant de l’Union dans les politiques migratoires. Les Etats-membres, proactifs, agiraient uniquement dans la perspective de réaliser leurs propres politiques au sein des institutions européennes. À cet égard, Andrew Geddes affirme que l’Europe serait une réponse pour contrer la globalisation, un pansement, une externalisation.22 La preuve de cette rationalité étatique serait la présence forte des Ministres de l’Intérieur dans l’élaboration des politiques migratoires, via le Conseil, au détriment des institutions européennes communautaires (Commission, Parlement et Cour). Les développements des compétences « immigration » ne sont pas le fruit de changement de préférences et d’identité au sein des Etats, comme pourrait le sous-entendre une approche fonctionnaliste23, mais plutôt d’une démarche rationnelle pour atteindre leurs objectifs et augmenter leur souveraineté, plus que de l’affaiblir. Le choix de l’Europe est en fait la preuve d’une faible régulation internationale.

13Virginie Guiraudon parle de « venue shopping » ou « recherche de nouvelles arènes institutionnelles ». Ce concept développé par Baumgartner et Jones24 se caractérise par le comportement d’un acteur consistant à défendre ses intérêts en s’adressant aux instituions les plus à même de l’écouter et de le soutenir.25 Ils identifieraient donc une arène favorable à leurs intérêts et chercheraient à faire avancer leur agenda. Les Etats membres s’échapperaient au niveau européen, pour éviter les controverses nationales. Derrière ce concept, il se dégage une vision rationnelle et opportuniste des acteurs.

14Au regard de différentes harmonisations choisies par les Etats membres, Givens Terri et Adam Luedtke26 démontrent que c’est l’environnement domestique qui conditionne l’harmonisation des politiques migratoires. La présence d’institutions étatiques à même de défendre le droit des migrants serait un facteur. En l’occurrence, l’Allemagne possède une Loi fondamentale et un pouvoir judiciaire très « enclins à défendre le droit des migrants ». Par conséquent, nous constatons une volonté d’harmonisation européenne – restrictive – pour contourner ses règles internes. A l’inverse, le Royaume-Uni, possédant un pouvoir judicaire faible du côté de la défense du droit des migrants, n’est généralement pas partisan d’une harmonisation européenne.27

15Le quasi-monopole de la mise en œuvre des décisions européennes constitue également un argument en faveur d’une approche intergouvernementale. Quand Jeffrey Pressman et Aaron Wildavsky écrivaient « Mise en œuvre : Comment les espérances fortes de Washington se brisent en Oakland »28, d’autres écrivent « De grandes espérances à Bruxelles peuvent être démenties à Brindisi »29. Ce parallèle repose sur l’idée que les grandes décisions prises par le niveau « au sommet » ont souvent du mal à se réaliser concrètement sur le « terrain ». Les textes votés à Bruxelles, par l’Union européenne au sens large, dépendent fortement de la bonne volonté et des compétences des exécutants, les Etats membres. En d’autres mots, quand la Commission européenne décide, les Etats n’appliquent pas toujours.

16Récemment, les mécanismes de relocalisation et de réinstallation des demandeurs d’asile30, engagés en 2015, prouveraient cette primauté des intérêts nationaux et donc de la pertinence d’une perspective intergouvernementale. Le mécanisme de réinstallation visant à répartir les migrants arrivés dans les pays limitrophes – Italie et Grèce repose au final sur la seule volonté des Etats membres. En mai 2016, seuls 1500 demandeurs sur les 160 000 prévus ont été « relocalisés » dans différents Etats membres, à l’exception de l’Autriche, la Croatie, la République tchèque, le Danemark, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie qui n’ont opéré aucune relocalisation.31

17En résumé, l’approche intergouvernementale permet de mettre en évidence le poids des Etats dans la construction de la politique migratoire.

L’argument de la sécurité comme moteur d’européanisation

18Au fil du temps, le besoin de sécurité apparait comme un élément majeur pour justifier la nécessité d’une politique migratoire européenne. Cette partie s’attache à montrer la construction du lien entre migration et insécurité et l’origine de celui-ci. Ce développement laisse entrevoir la réponse « logique » à ce lien.

19Dans le Traité de Rome en 1957, la lutte contre l’immigration irrégulière n’apparait nulle part. Ce n’est qu’au début des années 70 qu’un processus de coopération est lancé. Différents groupes et clubs d’Etats européens informels se constituent dans la perspective de la liberté de circulation et de ses conséquences32. Il faut donc comprendre que la coopération est lancée sur base d’une approche « pragmatique »33, mais surtout s’établit entre les différents corps de police.

20Parmi ces groupes, le « Groupe de Trevi » sera le plus abouti. En effet, ce Groupe – informel et donc assez discret –  se réunit pour la première fois en 197634. Il se réunit jusque début des années 90 et est considéré comme celui qui « a contribué de manière sensible au processus d’intégration européenne dans le domaine de la sécurité intérieure »35. Il apparait aussi que le Groupe de Trevi va contribuer à lier « immigration et asile » aux questions sécuritaires et policières. En effet, la perspective de libre circulation en Europe amène à penser qu’il faut renforcer les frontières extérieures. Dans les documents produits par le Groupe, nous retrouvons l’immigration clandestine liée au trafic de stupéfiant, au terrorisme et au crime transnational36.

21Le raisonnement permettant de lier ces problématiques sont ceux-ci : les actes de terrorisme seraient le fait d’étrangers – étant supposés majoritairement clandestins ou entrés sous couvert d’asile. Pour traiter du terrorisme, il faut donc s’attaquer aux procédures d’asile et à la clandestinité. Flux migratoires et criminalité seraient ainsi liés. Le traitement de ces questions par les corps de police et les délégués des ministères de l’Intérieur amène à voir l’immigration irrégulière sous le prisme de la (in)sécurité intérieure.37

22« Schengen », initié hors cadre communautaire en 1985, va constituer un laboratoire européen. Le processus de Schengen va faciliter le franchissement des frontières entre les pays signataires38, en supprimant par exemple les contrôlés d’identité aux frontières. Le traité, signé en 1985, permet de répondre à la demande de liberté de circulation, notamment des transporteurs routiers, mais également de renforcer la collaboration en matière de contrôle des frontières « extérieures » entre les différents corps de police. La crainte d’une augmentation de la criminalité et la fraude anime les Etats. Le Système d’Information Schengen (SIS) constitue dès lors une « mesure compensatoire » (à l’ouverture des frontières) et rassemble dans un même fichier des armes volées et des étrangers faisant l’objet de mesure d’expulsion. Ce système est décrit comme « solution technique où les policiers pouvaient revendiquer une expertise plus légitimement que les fonctionnaires des Affaires étrangères ».39 Une certaine confusion est présente. Liberté de circulation et insécurité se retrouvent liées.

23Le traité de Maastricht institue le troisième pilier « Justice et Affaires Intérieures » dans lequel les questions liées à l’immigration irrégulière seront traitées, à côté des matières comme la « lutte contre le terrorisme » ou la « criminalité liée à la drogue ». Ensuite, la parenthèse du Traité d’Amsterdam, consistant à découpler la migration de sécurité, se fermera avec le onze septembre, la fin d’une conjoncture économique positive et le succès des discours populistes. Selon les déclarations de l’époque, la politique d’immigration40 devait se cantonner à la lutte contre les clandestins. Nous pourrions cependant y pointer une contradiction. Alors que les Etats membres s’évertuent à contrer l’extrême droite, la politique migratoire semble alimenter l’idée selon laquelle la migration est un danger.

24A travers ces développements, la vision européenne semble ne pas pouvoir se défaire d’une conception où l’immigration et insécurité sont liés. L’argument de la sécurité reste l’élément essentiel qui a contribué à développer une politique migratoire européenne. En établissant ce lien, le pouvoir politique appelle à voir l’immigration comme une menace et à y réagir en conséquence. Ce dernier élément sera développé plus bas.

Des frontières repoussées

25Depuis plus de vingt ans, l’Union européenne agit donc dans les politiques migratoires, avec la plupart du temps, un objectif de sécurité et de réponse à une menace. L’option choisie par l’Union pour gérer les phénomènes migratoires est celle de l’externalisation des frontières.

26L’externalisation a pour objectif de déplacer la responsabilité de la surveillance des frontières sur les Etats-tiers, la plupart étant les pays d’origine des migrants, ou sur certains acteurs non-étatiques41. Le but serait en quelque sort de contrôler les frontières à distance et de déléguer la responsabilité à des tiers. Il faut cependant distinguer deux faces d’une même pièce : La délocalisation des contrôles des frontières, d’un côté, et la tentative de burden shifting ou charge renvoyée, de l’autre.42

27D’une part, la délocalisation des contrôles des frontières inclut un certain nombre de mesures différentes. Cela passe par la présence d’agent de liaison « immigration »43. Ces agents, détachés par les Etats membres dans un pays tiers, sont chargés d’identifier les routes migratoires et d’échanger les informations concernant ces flux.44 D’autres mesures ont également été proposées: mise en place d’infrastructure d’accueil des demandes d’asiles - « hotspot » -, développement de structure d’enregistrement publique ou campagnes de sensibilisation.45 Le programme AENAS, mis en place 2004, établit d’ailleurs  « une assistance technique et financière en faveur des pays tiers dans le domaine des migrations ».46 Denis Duez analyse cette politique de visa Schengen, impulsé au Traité de Maastricht, comme un moyen de repousser la frontière européenne ou, du moins, de créer une frontière « administrative »47. Avec ce visa, les acteurs de contrôles incluraient donc en plus des douaniers, les agents consulaires ou des acteurs privés48. Concernant ces acteurs privés, l’externalisation s’exprime par les sanctions à l’égard des transporteurs – aériens et terrestres – qui n’auraient pas préalablement vérifié la possession ou validité des documents détenus par les étrangers utilisant leurs services. Ils ont également l’obligation de les ramener à la frontière.49 La responsabilité est à nouveau portée par « l’extérieur ». Dans ce cas-ci, ce sont les transporteurs.

28D’autre part, le burden shifting est une notion qui mélange deux éléments. D’un côté, l’Union européenne se doit de respecter les accords internationaux, notamment sur l’asile et les droits fondamentaux. D’un autre côté, l’UE veut pouvoir réduire le flux migratoire irrégulier. Le moyen d’atteindre cet objectif consiste donc à transférer la maitrise des flux (contrôle des frontières) à ses pays voisins. De la sorte, l’Union européenne se déchargerait de ses responsabilités.  Cette notion de charge renvoyée se réalise notamment par les clauses de réadmissions.50 En effet, la logique de coopération avec les pays d’origine constitue un exemple. Celle-ci repose sur leur rôle potentiel dans la réduction des flux de migration, mais également sur leur nécessaire accord pour les renvois forcés.

29Cependant, les effets de cette politique d’externalisation ne révèlent pas toujours être un avantage pour l’Union européenne. En effet, il en résulte une instrumentalisation par certains pays-tiers. Après la Conférence euro-africaine de 2006, la Lybie (non signataire de la convention de Genève), partenaire officiel du dialogue sur la politique d’immigration, a menacé de libérer deux millions de sans-papiers. La politique d’externalisation a donné finalement une crédibilité et une visibilité à la Lybie, toujours sous le pouvoir du Général Kadhafi. Le Maroc posséderait lui aussi une forme de rentre géographique51. En effet, l’externalisation52 des frontières et de sa surveillance via le Maroc a permis à celui-ci de se faire une place privilégiée dans les discussions et d’en profiter pour lier son aide à l’argent européen. El Qadim Nora parle d’« emboîtement (issue-linkage) entre enjeux migratoires et enjeux économiques »53, comme un moyen pour le « gouvernement marocain de négocier des aides au développement ou un accès au marché européen [dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage] qu’il n’aurait sans doute pas obtenu [sans cette responsabilité] »54. En d’autres mots, le Maroc accepte de sous-traiter la surveillance des frontières de l’Union à condition d’obtenir les fonds européens d’aide au développement.

Frontex, l’agence tout risque

30L’Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures55constitue un des instruments importants de la gestion européenne des flux migratoires irréguliers. Créée en 2004, sur les bases du groupe de travail du Conseil nommé CSIFA, le Comité stratégique sur l'immigration, les frontières et l'asile, elle est le fruit d’un compromis entre le Conseil, la Commission et les Etats membres. Sa vocation se trouve tant à l’intérieur de l’Union qu’à l’extérieur. En effet, elle doit, d’une part, amener les Etats-membres à coopérer, et d’autre part, surveiller les frontières et sauver les candidats à la migration en danger.56

31Cette partie analyse la place de l’agence Frontex dans la politique migratoire telle que décrite plus haut. L’action de Frontex laisserait place à une image qui lie immigration et sécurité et délasserait la norme au profit de la force dans sa gestion des flux migratoires.

32Luisa Marin pointe une militarisation technique du contrôle des frontières, derrière un discours technocratique et lisse de l’Agence57. Frontex fonctionnerait avec des équipements militaires58 allant de l’équipement classique aux méthodes de surveillance sophistiquée (« intelligence ») ainsi que l’usage de drone. Ceux-ci posent à la fois le problème de la relation entre surveillance et démocratie ainsi que la proportionnalité des moyens face à la nature de la menace59.  La communication de l’Agence, via son site internet et ses vidéos, laissent justement entrevoir une image assez militarisée de son action60. Une controverse existe également sur le cadre légal dans lequel s’exercent les opérations en mer61 et la responsabilité finale de l’Agence. D’un côté, ce serait les Etats membres qui resteraient responsables des opérations car Frontex ne ferait qu’encourager la coopération. De l’autre, l’autonomie laissée à l’Agence – notamment dans le déclenchement des missions – amènerait à la rendre responsable de ses missions62.

33Pour formaliser ses relations avec l’extérieur, l’Agence peut prendre des initiatives avec les pays-tiers à l’aide de « working arrangements ».63 Outre l’expulsion par « vols groupés »64 ou la « détection et investigation de la criminalité aux frontières »65, Frontex établit des accords bilatéraux avec les gardes-frontières ou la police des pays-tiers, et non les gouvernements66. Le but serait au final d’avoir l’accord des autorités pour naviguer dans leur territoire maritime et également d’impliquer directement l’Etat-tiers dans la lutte contre l’émigration67, s’inscrivant dans une externalisation des frontières.

34Néanmoins, cet instrument soulève des questions au regard des principes de transparence et de sécurité. La nature politique ou technique des « working agreements » n’est pas clairement distinguée. Frontex assure que ces accords sont purement techniques, non politiques, et excluent donc de facto tout contrôle juridictionnel ou débat au Parlement européen. L’argument repose sur leurs effets : ils n’auraient aucun effet sur les individus, et donc ne nécessiteraient pas de contrôle démocratique. Les différentes opérations laissent pourtant penser que l’Agence aurait bel et bien un effet « sur les individus ». La nature confidentielle de ces accords ainsi que l’absence de contrôle de la Commission européenne sur ceux-ci (jusque 2010) ont également créé la controverse.68

35Dans son rôle de coordination interne, différentes missions sont organisées. Citons notamment « Hera », entre les côtes ouest-africaines et les îles Canaries, « Nautilus », en Méditerranée centrale, ou encore « Hermès » en février 2011 pendant le Printemps arabe. Toutes ces missions ont fait l’objet de critiques, notamment du côté de l’ONG Human Right Watch. Elle soupçonne l’Agence de pratiquer le « push back », consistant à repousser, illégalement, les migrants et les empêcher la poursuite de leur chemin.

36L’opération « Triton », une joint operation, a été lancée le 1er novembre 2014, pour prendre le relai de « Mare Nostrum »69 dont l’Italie ne pouvait plus assumer seule la gestion. « Triton » a elle aussi été pointée du doigt. Alors que l’Italie avait mis en place une mission de sauvetage, coutant jusqu’à 9 millions d’euros par mois et couvrant les eaux internationales70, le mandat de Frontex71 n’inclut au départ que 2,9 millions d’euros mensuels et vise à contrôler les frontières, ne dépassant pas les eaux territoriales européennes.72 Le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU s’était lui-même inquiété de cette décision.73 Son budget s’est finalement vu augmenté, atteignant 38 millions d’euros pour l’année 201574 et 45 millions75 d’euros en 2016.

37L’opération « Sophia », décidée par le Conseil le 18 mai 2015, s’inscrit, pour la première fois, dans la Politique de Sécurité et de Défense Commune. Cette opération peut être vu comme une réponse à l’émotion suscitée par le naufrage du 29 avril 2015, entrainant la mort de 800 migrants76, mais aussi à la proposition de l’Italie de « détruire, à l’aide de drones armés, les bateaux des passeurs sur les côtes libyennes ».77 Au-delà de la potentielle dangerosité accrue des routes migratoires, cette proposition confirmerait une volonté de militariser la perception des flux migratoires. L’opération « Sophia » ou « Navfor Med » a, selon Federica Mogherini, pour l’objectif de « rendre impossible, pour les organisations criminelles, de réemployer les instruments qu’elles utilisent pour faire mourir des personnes en mer »78, autrement dit arrêter le « business model » des passeurs et trafiquants, mais aussi de « contribuer à réduire le nombre de mort en mer ».79 Cette opération se singulariserait dans la dernière de ses trois étapes, « l’élimination des navires, de préférence avant utilisation, et appréhender les trafiquants et les passeurs ». Ce serait la première mission « avec un mandat potentiellement et ouvertement coercitif ».80 Un mandat de l’ONU est cependant toujours nécessaire.

38A cet égard, des décisions ont été prises le 2081, 2282 et 2883 juin 2016 et la lecture croisée de celles-ci permet de mettre en évidence trois principaux éléments. Premièrement, l’opération Sophia se voit prolongée d’un an et complétée d’un mandat obtenu auprès de l’ONU84 qui a pour unique but de mettre en œuvre « l'embargo des Nations unies sur les armes, en haute mer, au large des côtes libyennes ».85 A défaut d’avoir pu obtenir un mandat de l’ONU plus coercitif, l’Union européenne semble s’être contentée d’une mission supplémentaire et peu en lien avec l’objectif initial. Deuxièmement, la décision de créer le corps européen de garde-frontière et de garde-côtes est entérinée dans le but « d'assurer un niveau élevé de sécurité au sein de l'Union »86 via « la mise en place d'une stratégie opérationnelle ».87 Troisièmement, est confirmée la volonté d’approfondir « la coopération en matière de réadmission et de retour », elle-même constituant « un critère décisif pour évaluer le partenariat entre l'UE et ces partenaires ».88 Ces décisions ne semblent donc marquer une rupture. Néanmoins, ces éléments nécessitent du recul et méritent d’être suivis, tout comme la nouvelle stratégie européenne de sécurité.89

39Bien que Frontex donne l’impression d’une agence technique et assurant la sécurité, elle peut cependant être associé à une rupture avec l’image de soft power européen, n’excluant pour la première fois pas officiellement l’usage de la force dans la gestion des phénomènes migratoires.

Une « Europe forteresse », des intentions plus que des effets ?

40Le terme « Europe forteresse » relève du langage médiatique et renvoie à une certaine vision portée sur la gestion des flux migratoires. Cette expression, spontanée, peut néanmoins être le point de départ d’une réflexion sur les intentions et les effets de cette politique de « fortification ».

41L’idée d’ « Europe forteresse » renvoie une idée bien particulière de l’Europe et ses frontières. L’Union européenne serait un ilot inaccessible et hermétique, à l’abri de toute migration. La forteresse implique l’idée d’une organisation souveraine qui a la capacité de réguler les entrées et venues90. Elle permettrait également de décourager les candidats potentiels et amènerait donc une forme de sécurité. Néanmoins, une analyse plus globale des politiques migratoires européennes rendrait le concept d’« Europe forteresse » erroné selon plusieurs auteurs.

42L’existence d’une « Europe forteresse » est simplement « fausse », selon Adrian Favell, et profite aux gouvernements laissant croire l’idée d’une véritable maitrise des flux.91 L’idée d’Europe forteresse serait plus appropriée pour parler des intentions que des effets. En effet, les Etats n’auraient simplement pas la capacité de contrôler les migrations.92 Selon lui, nous sommes face à une mauvaise compréhension des phénomènes migratoires de la part des décideurs. Alors que la gouvernance est restée tournée vers une définition politique du phénomène (catégorisation légal/illégal, droit à la citoyenneté, etc), la migration en Europe devrait être comprise comme une auto-régulation où l’offre et la demande seraient les facteurs déterminants dans le choix de migrer et de l’endroit où migrer.93 L’intégration économique internationale serait déterminante, bien plus que des volontés politiques.

43Ce concept renverrait à une Europe qui ne laisserait passer personne. Cependant, certains auteurs proposent la métaphore d’une « gated community »94 ou « résidences collectives fermées et surveillées ». En effet, l’UE serait animée par un besoin de confort et une peur de perdre ce confort (sécurité sociale, emplois, salaires), lié à un mode de vie capitaliste. La stratégie serait donc de ne laisser « entrer » que les personnes permettant de conserver ou améliorer ce confort, se rapprochant d’une forme de protectionnisme95. Logiquement, la baisse du nombre de demandeurs d’asile est souvent perçue comme un succès et les discours s’obstinent à séparer migration « économique » et « humanitaire », alors que cette distinction entre migrants économiques, climatique et politique tend à devenir de plus en plus floue96. Les frontières seraient devenues des « deadlines » et les centres fermés, des lieux d’exception. Paradoxalement, l’histoire de l’Union européenne est fondée sur des idées libérales qui perçoivent les frontières comme des contradictions au regard du principe d’égalité et de liberté de mouvement.

44Si l’ « Europe forteresse », vue comme une entité inaccessible, renvoie donc plutôt aux intentions politiques qu’aux effets sur les flux migratoires, la tendance semble se tourner vers une surveillance accrue des frontières, comme l’analyse de Frontex a pu le montrer. L’Union européenne n’est pas devenu inaccessible, mais plus difficilement accessible. Il convient logiquement de s’interroger sur l’effet de cette accessibilité réduite, autrement dit de la surveillance plus intense et militarisé des frontières.

45Bien que son effet soit faible sur le flux de migrants irréguliers, le renforcement des frontières aurait tout de même deux effets majeurs : une modification des routes migratoires empruntées et une dangerosité accrue de ces routes qui renforcerait le rôle des passeurs.

46Premièrement, l’Europe ne serait pas une forteresse, mais dévierait simplement les différentes routes migratoires. En effet, les opérations menées en Méditerranée permettent de réduire les flux aux endroits concernés et de sauver des vies, mais « on peut légitimement se demander si [ces opérations] n’ont pas détourné ces flux vers d’autres routes et d’autres filières, rendant peut-être le voyage plus dangereux encore ».97  Concrètement, « la fermeture des accès à l’Europe par l’Espagne et l’Italie »98, fin des années 2000, a simplement déplacé les flux vers la Turquie, Israël et la Grèce. Le cas précis de la Grèce était jugé en 2009 comme inquiétant par « le commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Thomas Hammarberg, la Commission des libertés civiles du Parlement européen, le UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), et la Commission européenne »99, en raison du faible taux de reconnaissance de statut de réfugié et des dysfonctionnements du système d’asile. Ce rapport inquiète d’autant plus que la Grèce a été en 2015 la principale porte d’entrée européenne des migrants.

47Dans la gestion actuelle des frontières, deux présupposés sont présents. Le renforcement des frontières serait efficace car il permettrait de refuser le migrant sans visa, d’une part, et découragerait les candidats potentiels, d’autre part. Cela permettrait d’atteindre simultanément les objectifs de réduction du nombre de migrants pénétrant dans l’Union Européenne et de réduction du nombre de mort aux frontières. Il y a pourtant « une littérature empirique croissante montrant l’effet nul ou faible du renforcement des frontières »100, comme le montre le travail de Christiana Gathmann101.

48Deuxièmement, l’effet du renforcement des frontières serait de pousser les migrants vers des routes plus dangereuses et plus lucratives pour les réseaux de passeurs. Les réseaux mafieux, via les passeurs, ont pu faire grimper les prix des traversés grâce aux contrôles des frontières toujours plus renforcés.102 En effet, les passeurs nationaux103 seraient les plus aptes à repérer les lieux stratégiques de passage, et non pas le candidat à la « traversée ».104 Ils détiennent une forme de monopole, tenant les candidats passeurs sous emprise. L’explication réside dans la difficulté croissante et évolutive de passer la frontière ainsi que l’écart de connaissance croissant entre le passeur et l’immigrant. Fermer les frontières fait de l’immigration un délit et contraient le migrant à se tourner vers d’autres moyens, non légaux. Les quatre à dix milles105 dollars nécessaires pour une traversée ne seraient pas l’échec d’une politique trop douce, mais bien les effets d’une politique restrictive.106 En d’autres mots, la surveillance accrue des frontières a ouvert un marché pour les trafiquants, générant une demande de l’aide pour entrer sur le territoire illégalement.

49Considérant que les objectifs consistent à diminuer le flux migratoire et à sécuriser la vie des « réfugiés », que les moyens sont ceux décrits tout au long de l’article – approche intergouvernementale, externalisation et appui à la gestion des frontières via Frontex – et que les effets seraient au final une « déviation » et une « dangerosité accrue » des routes migratoires, la politique migratoire ne serait ni effective, ni efficace, ni efficiente. En effet, la politique n’induit pas le changement escompté et n’a donc qu’un impact faible sur le problème considéré, alors qu’elle mobilise de grands moyens.

Conclusion

50Au fil de son existence, l’Union européenne s’est érigée en pouvoir normatif et en modèle de  « soft power ». La gestion de l’immigration irrégulière par les institutions européennes semble s’écarter de ce schéma. La migration est vue comme une menace et la coercition est mobilisée pour y faire face. Dans cette perspective, l’approche intergouvernementale est privilégiée, permettant de mieux cerner la place importante des Etats et de leurs intérêts, comme la sécurité. Considérant ces éléments, la politique migratoire a consisté à repousser physiquement les frontières et à en céder une partie de la responsabilité, quitte à coopérer avec des pays peu démocratiques. Frontex joue un rôle important dans cette politique et contribue à percevoir l’immigration comme un risque technique. Le concept d’« Europe forteresse », découlant de la gestion européenne des migrations, témoigne au final l’idée d’une dangerosité accrue des routes migratoires.

51L’Union européenne rompt ainsi avec son attachement historique à la norme, dans la gestion des flux migratoires irréguliers, au profit d’une volonté d’être craint et d’un usage de la force potentiel.

52Zaki Laïdi met en perspective le rôle de la coercition et de l’Union européenne. La tradition voudrait que l’Union laisse aux Etats-membres le soin de recourir à la force. La politique migratoire donnerait naissance à un phénomène inverse : les Etats-membres utilisent l’Union pour justifier les choix « coercitifs »107, comme si les relations bilatérales ou multilatérales des Etats membres ne permettraient pas d’imposer ces choix-là. Face à cette perception, l’Union, via sa politique, s’autoriserait à déroger aux règles de transparence, de sécurité ou de liberté.

53L’enjeu actuel ne devrait être de rassurer les citoyens européens par des discours répressifs et stato-centré, mais bien de changer la perception de l’immigration. L’Europe a été rythmée par les migrations et s’est nourrie de celles-ci tant matériellement qu’intellectuellement. L’Union européenne devrait jouer le rôle historique qu’est le sien : une créatrice de paix, qui se détache conceptuellement de l’Etat-nation. Une image apaisée de l’immigration et un changement de politique extérieure permettraient une gestion plus accueillante et moins méfiante des flux migratoires. Seul ce changement de discours permettra une réelle réforme de la politique européenne et la création d’un climat favorable à tous. Sans cela, c’est le risque de la prophétie auto-réalisatrice : une disparition de la cohésion européenne.

54Juillet 2016

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Voetnoten

1  Union européenne, Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne, Journal officiel, 2000/C 364/01, 18 décembre 2000

2 Belga, « Vienne critique l'UE sur l'immigration et la taille de la Commission », 1er décembre 2000

3  Bersipont Ann-Charlotte, "Explosion des entrées en Europe", Le Soir, Jeudi 5 mars 2015, p. 3  

4  Castles, S. et Vezzoli S., “The Global economic crisis and migration: temporary interruption or structural change?”, Paradigmes, 2, Juin 2009, pp. 68-75. Les auteurs montrent les limites des effets des crises économiques sur les flux migratoires, en distinguant court et long terme, réfugiés et migrants, rationalité économique et liens affectifs ainsi que les périodes avant et après la fin de la Guerre froide.

5  Andersson, R., “Hunter and Prey: Patrolling Clandestine Migration in the Euro-African Borderlands”, Anthropological Quarterly, 87(1), 2014, pp. 118-149. Cet article se focalise sur la lutte contre l’immigration clandestine dans les pays d’origine ou de transit et explique ce que la qualification “illégal” produit à la fois sur les migrants, les gardes-frontières, leurs perceptions respectives mais également sur la façon de détecter cette illégalité, dans les comportements ou les intentions. La qualification d’illégal produit à elle seul de sens qui mène à créer ce que les gardes tentent de chasser.

6  Martiniello M., “Towards a Post-ethnic Europe”, Patterns of Prejudice, 35(1), 2001, pp. 59-69. L’article se nourrit de l’expérience ethnique américaine pour proposer une identité européenne post-ethnique, ouverte, flexible et inclusive. Il mobilise les concepts de citoyenneté, de multi-culturalité, de cosmopolitisme de nationalisme et d’ethnicité.

7  Carlier, J-Y., « Droits de l’homme et nationalité ». Annales de droit de Louvain, 63(3), 2003, pp. 243-257. L’auteur pose les limites du droit à la nationalité, au regard des droits de l’Homme, de différents arrêts et du principe de non-discrimination.

8 Kaunert C. et Léonard S., “The Development of the EU asylum policy: venue-shopping in perspective”, Journal of European Public Policy, 19(9), 2012, pp. 1396-1413. Les deux auteurs questionnent le rôle et les intérêts des Etats dans la construction de la politique européenne d’asile et de migration.

9  Laïdi Zaki, La norme sans la force, Paris, Presses SciencePo, 2013

10 Manners Ian, “Normative power Europe: A contradiction in terms?”, Journal of Common Market studies, Volume 40, Issue 2, 16 décembre 2002, pp. 235-258

11 Nye Joseph, Soft Power. The means to success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004, 191 p.

12 Manners Ian, “Normative power Europe: A contradiction in terms?”, Journal of Common Market studies, Volume 40, Issue 2, 16 décembre 2002, pp. 235-258

13  Ibidem, p. 239

14 Nye Joseph, Soft Power. The means to success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004, 191 p.

15  Laïdi Zaki, La norme sans la force, Chapitre 1, Paris, Presses SciencePo, 2013, 17-53 p

16  Ibidem

17  Duez Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008,  p.23

18  Ibidem,  p.20

19  Article 4 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). Union européenne, Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), Journal officiel, n° C 326, 26 octobre 2012

20  Geddes Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No 4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015), p.3 ou Favell, Adrian, « L’européanisation ou l’émergence d’un nouveau « champ politique » : le cas de la politique d’immigration », Cultures & Conflits [En ligne], 38-39 | 2000, mis en ligne le 20 mars 2006, URL : http://conflits.revues.org/274 (consulté le 21 septembre 2014), p. 2

21  Moravcsik A., "Preferences and power in the European Community : a liberal intergovernmentalist approach", Journal of Common Market Studies, 31/4, Décembre 1993, pp. 473-524

22  Geddes Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No 4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015),  p.10

23  Favell  Adrian, « L’européanisation ou l’émergence d’un nouveau « champ politique » : le cas de la politique d’immigration », Cultures & Conflits [En ligne], 38-39 | 2000, mis en ligne le 20 mars 2006 (consulté le 21 septembre 2014), URL : http://conflits.revues.org/274,  p. 2

24  Baumgartner F et Jones B, Agendas and instability in American Politics, Chicago University Press, 1993

25 Kübler, D. & De Maillard, J., Analyser les politiques publiques, Éd. PUG, 2009, p. 221.

26  Givens Terri et Luedtke, Adam « The Politics of European Union Immigration Policy: Institutions, Salience, and Harmonization » The Policy Studies Journal, Vol. 32, No. 1, 2004, p. 151

27  Ibidem, p. 155-160

28  Pressman Jeffrey et Wildavsky Aaron, Implementation: How Great Expectations in Washington are Dashed in Oakland, Berkeley CA: University of California Press, 1973

29  Geddes Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No 4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t, consulté le 15 janvier 2015,  p.13 “Great expectations in Brussels can be confounded in Brindisi”

30 Commission européenne, « Un Agenda européen En Matière De Migration », COM(2015) 240 final, Bruxelles, 13 mai 2015

31 Commission européenne, « Relocation et réinstallation – état des lieux », Bruxelles, 13 mai 2016

32  Entre autres, Club de Berne (1971), Club de Vienne (1979), Groupe drogue (1989).

33  Barbe Emmanuel, « Justice et affaires intérieures dans l'Union européenne. Un espace de liberté, de sécurité et de justice », Paris, La documentation française, 2002, p.17

34  Duez Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008, p.78.

35 Ibidem, p.80.

36  Groupe de Trevi, Programme d’action relatif au renforcement de la coopération en matière de et de lutte contre le terrorisme et autres formes de criminalité organisée, juin 1990.

37  Julien-Ferrière François, « Les structures et les conventions européennes concernant la libre circulation des personnes en Europe », in ID (éd), Europe : Montrez patte blanche. Les nouvelles frontières du « laboratoire Schengen », Genève, Centre Europe-Tiers Monde, 1993, p. 36

38  France, Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas comme fondateurs

39  Guiraudon Virginie, « Les effets de l'européanisation des politiques d'immigration et d'asile », Politique européenne, 2010/2 n° 31, p. 13

40  Conseil européen de Séville (juillet 2002) et de Thessalonique (juin 2003)

41  Valluy Jérôme, « Contribution à une sociologie politique du HCR : le cas des politiques européennes et du HCR au Maroc », Recueil Alexandries, Collections Etudes, mai 2007, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article571.html (consulté le 30 mai 2016)

42 Wa Kabwe-Segatti Aurelia, « Dimension extérieure de la politique d’immigration de l’Union européenne », Hommes et migrations, 1279 | 2009, p. 144

43 Union européenne, « Réseau d'officiers de liaison «Immigration» », Synthèses de la législation de l'UE, http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigration/l14511_fr.htm (consulté le 11 mars 2015)

44  Décision 2005/267/CE du Conseil, du 16 mars 2005, établissant un réseau d'information sécurisé connecté à l'internet pour les services des États membres chargés de la gestion des flux migratoires, Journal officiel L 83 du 1.4.2005.

45  Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne, Journal officiel C 142 du 14.06.2002

46  Duez Denis, L'Union européenne et l'immigration clandestine : de la sécurité intérieure à la construction de la communauté politique, Bruxelles, Presses des Editions Université de Bruxelles, coll. Etudes européennes 2008,  p.167

47  Ibidem,  p.123

48  Bigo Didier et Guild E, La mise à l'écart des étrangers: La logique du Visa Schengen", Cultures et Conflits, No. 49, 2003, Article Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23699496, p. 7 et 28

49 Union europenne, directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985

50 Wa Kabwe-Segatti Aurelia, « Dimension extérieure de la politique d’immigration de l’Union européenne », Hommes et migrations, 1279 | 2009, p.145

51  Ibidem, p. 146

52  Notamment via la signature d’accord de réadmission

53 El Qadim Nora, « La politique migratoire européenne vue du Maroc : contraintes et opportunités », Politique européenne, 2010/2 n° 31, p. 109

54  Ibidem

55  Expression empruntée à Claire Rodier

56  Marin Luisa, “Policing the EU' s External Borders: A Challenge for the Rule of Law and Fundamental Rights in the Area of Freedom, Security and Justice? An Analysis of Frontex Joint Operations at the Southern Maritime Border”, Journal of Contemporary European Research, Volume 7, lssue 4, 2011, p. 471

57  Ibidem, pp. 138-139

58  Moyens mis à disposition pour l’opération Triton : 3 navires patrouilleurs de haute mer, 2 navires de patrouille côtière, 2 vedettes côtières, 2 avions et 1 hélicoptère.

59 Marin Luisa, “Is Europe Turning into a ‘Technological Fortress’? Innovation and Technology for the Management of Eu's External Borders. Reflections on Frontex and Eurosur”, September 5, 2011, Criminal Justice, Borders and Citizenship Research Paper No. 2492058. Available at SSRN: http://ssrn.com/abstract=2492058 (consulté le 11 mars 2015), p. 145

60 Frontex, site internet de l’Agence, http://frontex.europa.eu/ (consulté le 11 mars 2015), on peut y voir des tenues bariolées, des avions de combats, des vues en infrarouges ainsi que des hélicoptères militaires.

61  Marin Luisa, « Policing the EU's External Borders: A Challenge for the Rule of Law and Fundamental Rights in the Area of Freedom, Security and Justice? An Analysis of Frontex Joint Operations at the Southern Maritime Border », Journal of Contemporary European Research, Volume 7, lssue 4, p. 482

62  Ibidem, p. 474

63 Fink Melanie: "Frontex Working Arrangements: Legitimacy and Human Rights Concerns Regarding ‘Technical Relationships’", Merkourios 2012 – Volume 28/Issue 75

64  Rodier Claire, « Frontex, l'agence tout risque », Plein droit, 2010/4 n° 87, p. 9.

65 Conseil européen, « Council Conclusions on Justice and Home Affairs Council », Bruxelles, 4-5 décembre 2006

66  Rodier Claire, « Frontex, l'agence tout risque », Plein droit, 2010/4 n° 87, p. 8.

67  Fink Melanie: "Frontex Working Arrangements: Legitimacy and Human Rights Concerns Regarding ‘Technical Relationships’", Merkourios 2012 – Volume 28/Issue 75, p. 28

68  Ibidem, p. 31

69  Etablie le 18 octobre 2013 par l’Italie, Mare Nostrum se concentrait sur la région de la Sicile, après le drame de Lampedusa.

70  Ministero della Difensa (Italie), « Mare Nostrum Operation », http://www.marina.difesa.it/EN/operations/Pagine/MareNostrum.aspx (consulté le 28 mai 2016)

71 Commission européenne, « Échange de vues avec Cecilia Malmström, membre de la Commission en charge des affaires intérieures », LIBE/8/00913, 3 septembre 2014

72 Frontex, « Activités de Frontex en Méditerranée : Exposé de Gil Arias Fernández, directeur exécutif adjoint de Frontex », LIBE/8/01027, 4 septembre 2014

73 Spindler William, « Le HCR est préoccupé par la cessation de l'opération de recherche et sauvetage Mare Nostrum en Méditerranée », 17 octobre 2014, http://www.unhcr.org/fr/54415437c.html (consulté le 28 mai 2016)

74 Frontex, “Frontex Expands Its Joint Operation Triton”, 26 mai 2015, http://frontex.europa.eu/news/frontex-expands-its-joint-operation-triton-udpbHP (consulté le 28 mai 2016)

75  En incluant l’opération « Poséidon »

76 AFP et HuffPost, « Le naufrage de migrants en Méditerranée dimanche 19 avril a fait 800 morts », 21 avril 2014, http://www.huffingtonpost.fr/2015/04/21/naufrage-migrants-mediterranee-bilan-800-morts_n_7105518.html (consulté le 29 mai 2016)

77 Haski Pierre, « L’Italie veut détruire les bateaux (vides) de migrants avec des drones », Rue89, 22 avril 2015, http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/22/litalie-veut-detruire-les-bateaux-vides-migrants-drones-258797 (consulté le 28 mai 2016)

78 Baron Léa, « Migrants : comment l’Europe va-t-elle s’attaquer aux trafiquants ? », 19 mai 2015, http://information.tv5monde.com/info/migrants-comment-l-europe-s-attaque-aux-trafiquants-34117 (consulté le 29 mai 2016)

79 Service européen pour l’action extérieure, “European Union Naval Force – Mediterranean”, 19 mai 2016, http://www.eeas.europa.eu/csdp/missions-and-operations/eunavfor-med/pdf/factsheet_eunavfor_med_en.pdf (consulté le 30 mai 2016)

80 Tardy Thierry, “Operation Sophia Tackling the refugee crisis with military means”, European Union Institute for Security Studies, Septembre 2015, 4 p.

81  Conseil de l’UE, « EUNAVFOR MED opération SOPHIA: mandat prorogé d'un an, deux tâches supplémentaires », Communiqué de presse, 365/16, 20 juin 2016

82  Conseil de l’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec le Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016

83  Conseil européen, “Réunion du Conseil européen (28 juin 2016) – Conclusions », Bruxelles, EUCO, 26/16 CO EUR 5 CONCL 3, 28 juin 2016

84  Nations Unies, « Résolution 2292 (2016) du Conseil de sécurité » , S/RES/2292 (2016), 16-09889 (F), 14 juin 2016

85  Conseil de l’UE, « EUNAVFOR MED opération SOPHIA: mandat prorogé d'un an, deux tâches supplémentaires », Communiqué de presse, 365/16, 20 juin 2016

86  Conseil de l’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec le Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016

87  Conseil de l’UE, « Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil confirme l'accord avec le Parlemen », Communiqué de presse, 373/16, 22 juin 2016

88  Conseil européen, “Réunion du Conseil européen (28 juin 2016) – Conclusions », Bruxelles, EUCO, 26/16 CO EUR 5 CONCL 3, 28 juin 2016

89 Service Europeen Pour L’action Exterieure, “Shared Vision, Common Action: A Stronger Europe A Global Strategy for the European Union’s Foreign And Security Policy”, 28 juin 2016

90 Favell Adrian et Randall Hansen “Markets against politics: migration, EU enlargement and the idea of Europe", Journal of Ethnic and Migration Studies, Vol. 28, No. 4, Octobre 2002, p. 582

91  Ibidem

92  Ibidem, p. 583

93  Ibidem, p. 597

94 van Houtum Henk et Pijpers Roos « The European Union as a Gated Community: The Two-faced Border and Immigration Regime of the EU », Journal compilation, 2007 Editorial Board of Antipode, p. 299

95  Ibidem, p. 302

96  COWI Evaluation report, 15.1.2009, p. 19-20

97  Duez Denis, « L'Europe et les clandestins : la peur de l'autre comme facteur d'intégration ? », Politique européenne, 2008/3 n° 26, p. 106

98  Basilien-Gainche Marie-Laure, « Sécurité des frontières et/ou protection des droits », Cités, 2011/2 n° 46, p. 56

99  Ibidem

100  Speciale Biagio, « Immigration policies in the EU : challenges and priorities », Reflets et perspectives de la vie économique, 2010/2 Tome XLIX, p. 132

101 Gathmann Christiana, "Effects of enforcement on illegal markets: Evidence from migrant smuggling along the southwestern border". Journal of Public Economics, 92, 2008, p. 1926-1941. « a growing empirical literature showing a small or null deterrence effect of border enforcement »

102  Basilien-Gainche Marie-Laure, « Sécurité des frontières et/ou protection des droits », Cités, 2011/2 n° 46, p. 65 et 68.

103  «Passeurs nationaux » : les passeurs venant du pays de départ du voyage clandestin, les passeurs se trouvant là où les lieux de passage sont.

104  Laacher Smaîn, « L'État, la frontière et l'étranger « indélicat » », Revue internationale et stratégique, 2003/2 n° 50, p. 128

105 Organisation Mondiale pour les Migrations (OIM), « L’Italie publie de nouvelles données à jour sur les arrivées de migrants », posté le 12 décembre 2014, http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/news-and-views/press-briefing-notes/pbn-2014b/pbn-listing/italy-releases-new-data-on-migra.html (consulté le 18 mars 2015) et Organisation Mondiale pour les Migrations (OIM), «L’OIM apporte son aide dans les enquêtes sur la disparition en Méditerranée de centaines de migrants », posté le 23 septembre 2014, http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/news-and-views/press-briefing-notes/pbn-2014b/pbn-listing/iom-assists-probes-into-the-deat.html (consulté le 18 mars 2015)

106  Geddes Andrew, “Still Beyond Fortress Europe? Patterns and Pathways in EU Migration Policy”, Europe in the World Centre/School of Politics and Communication Studies, University of Liverpool, Queen’s Papers on Europeanisation, No 4/2003, avril 2003, http://goo.gl/sdsF8t (consulté le 15 janvier 2015), p.13

107  Laïdi Zaki, La norme sans la force, Paris, Presses Science Po, 2013, p. 280  

Om dit artikel te citeren:

Guillaume Albessard, «Gestion de l’immigration clandestine : la puissance normative de l’Union européenne à la dérive ?», Cahiers de Science politique [En ligne], Cahier n°32, URL : https://popups.uliege.be/1784-6390/index.php?id=874.