La pratique de l’entomologie du terrain au conservatoire ou l’essentiel est de bien transmettre
Résumé
Les principes et conventions concernant la récolte, la mise à mort, le traitement, la préparation et le classement des insectes en collection sont abordés dans cette note. Une attention particulière pour l’étiquetage des insectes ainsi que des éléments s’y rapportant sont rappelés dans le but d’harmoniser les pratiques et de corriger les dérives observées au cours du temps.
Abstract
The principles and conventions concerning research, killing, treatment, preparation and classification of insects in collections are discussed in this note. A special attention to the labeling and related items are recalled with the aim of harmonizing practices and correcting drifts observed over the time.
Reçu le 21 janvier 2022, accepté le 28 avril 2022
Cet article est distribué suivant les termes et conditions de la licence CC-BY http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr
Acronymes
ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Maisons-Alfort, France
RBINS Royal Belgian Institute of Natural Sciences, Bruxelles.
SPW ARNE Service Public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement
1Tuer des insectes sans les munir d’une étiquette précise est un massacre inutile et stupide.
2Au cours de nos travaux en entomologie, que ce soit lors de l’examen de collections privées ou publiques, ou dans nos tentatives d’apprentissage des bases de l’entomologie à de nombreux élèves et étudiants, ou encore au hasard de visites de musées ou de bourses d’échange, nous avons pu observer de nombreuses pratiques s’éloignant parfois largement des conventions simples et logiques communément adoptées par la communauté scientifique internationale en matière de présentation d’insectes naturalisés. Dans de nombreux cas, nous avons eu entre les mains des spécimens épinglés n’importe comment et avec, trop souvent, une étiquette ne donnant aucune précision utile permettant une étude sérieuse sur l’espèce, le genre ou la biogéographie y afférant.
3Dans de telles circonstances, la récolte et la mise à mort de ces insectes équivaut à un massacre gratuit et égoïste de la part du collectionneur. Dans certains cas, nous avons trouvé comme seule étiquette le nom du vendeur, la date et le prix d’achat. Certains ont enlevé les étiquettes existantes, purement et simplement, ôtant de ce fait aux spécimens tout intérêt scientifique. D’autres ont remplacé les étiquettes d’origine par les leurs, toutes identiques dans la forme, avec les risques d’erreurs de transcription et de ré-étiquetage liés à cette pratique inutile et contreproductive. La qualité de l’étiquetage est primordiale dans la pratique de l’entomologie quel que soit le niveau auquel elle est pratiquée. Le profane amateur d’aujourd’hui peut devenir demain une sommité dans son domaine et regretter alors ses négligences du passé.
4Alors que nous effectuions des recherches sur un tout autre sujet dans des publications anciennes, nous avons redécouvert quelques pages écrites à la sortie de la seconde guerre mondiale dans Lambillionea par Lucien Berger (alors Directeur de la revue) sur les bonnes pratiques en matière d’étiquetage des spécimens mis en collection. Nous nous sommes très largement inspirés de son texte pour écrire ce qui suit, le modernisant quelque peu et apportant des remarques découlant de notre expérience. Peu d’articles ou de manuels sont disponibles sur le sujet, ou sont très anciens (Berger, 1944, 1945), très sommaires et superficiels (Colas, 1947, 1974) ou alors destinés à l’étude de groupes particuliers (Mouret et al., 2007). Il nous est paru opportun de produire cette mise au point généraliste sur l’étiquetage en entomologie.
5Comprenons-nous bien ! Nous n’inventons rien, nous transmettons…
De la collection d’insectes
6En concordance avec ce qui précède, cette note s’inscrit dans une démarche scientifique1. Il en découle que capturer, et donc tuer, un insecte n’est envisageable qu’avec un apport d’informations scientifiques rigoureuses en lien avec la protection des espèces et de leur environnement. Collectionner pour collectionner n’a aucune justification et cette façon de voir doit être claire pour tout naturaliste qui se respecte et qui respecte la nature. Les collections permettent de prendre objectivement conscience du monde entomologique. Elles nous montrent ce que nous avons mais aussi ce que nous avons perdu.
7Le collectionneur acharné, sans scrupules, l’amateur d’insectes qui veut posséder pour posséder, qui fait commerce des insectes n’est ni un scientifique ni un naturaliste. Ce mode de fonctionnement est à proscrire et aujourd’hui intolérable et contraire à l’esprit de la conservation de la nature.
8La collecte d’insectes ne peut s’envisager que pour une étude sérieuse et motivée, à court ou à long terme, dans la mesure où elle fait avancer les connaissances (Figures 1 et 2). Est-il encore nécessaire de répéter que pour bons nombres de groupes d’insectes, la récolte et l’examen minutieux sont nécessaires pour une identification certaine ? Bien sûr, avec la pratique et l’expérience, l’entomologiste reconnait plus facilement les espèces sur le terrain. Il capture de moins en moins. L’œil devient plus précis quand il est aidé par les connaissances.
9Mais ne perdons pas de vue que le spécimen est le seul témoin attestant de la présence d’une espèce à un endroit, à un moment donné. Que feront les générations futures désireuses d’étudier une famille particulière si aucune donnée historique ne se trouve dans les musées ou institutions scientifiques ? Les étiquettes associées aux spécimens sont le lien entre la taxonomie, la biogéographie, l’écologie et l’histoire (Colvin, 2014 ; Barclay, 2019). Les collections des très nombreux entomologistes amateurs ne doivent pas rester momifiées au fond des greniers, des caves ou des garages.
10De plus en plus de naturalistes photographient les insectes. Si la méthode peut se montrer intéressante dans un souci d’inventaire, il s’agirait au niveau d’une collection, d’un bien piètre pis-aller tout à fait inefficace et éphémère au vu de l’hétérogénéité des formats et des soucis de conservation des fichiers numériques. Récolter des insectes et les conserver dans de bonnes conditions, c’est élaborer une archive de la diversité de la planète pour le présent et pour les études de nos descendants (Figure 1). Il faut fréquenter les musées pour s’en rendre compte.
Figure 1 : Boites de rangement, identifiées, classées et conservées dans un musée (Photo RBINS).
11Par ailleurs, nous sommes évidemment convaincus que la modification du milieu et la disparition des habitats sont les facteurs essentiels du déclin de la faune en général et des insectes en particulier. Sauf en ce qui concerne quelques espèces remarquables, celles précisément recherchées par ceux qui pratiquent des récoltes abusives et commerciales comme évoqué ci-avant, il est inutile et absurde de stigmatiser les entomologistes et de les rendre responsables de la raréfaction voire de la disparition des insectes. Mais nous soulignerons néanmoins que tout n’est pas permis (Leclercq, 2001, in litt). L’Homme responsable se doit d’afficher une éthique irréprochable dans sa pratique de l’entomologie : éthique dans la récolte, éthique dans la manipulation des spécimens récoltés, éthique par rapport aux propriétés visitées, …
12Des lois existent. Il n’est pas question de les enfreindre. Le « pas vu-pas pris » jette le discrédit sur l’ensemble de la communauté. C’est du braconnage. Dans la plupart des régions européennes et du monde, les gouvernements ont élaboré des listes d’espèces protégées. En Wallonie, ces espèces sont reprises dans les annexes de la Loi sur la Conservation de la Nature en lien avec la protection des habitats. Des dérogations à cette loi pour la capture peuvent être demandées au SPW ARNE pour des motifs légitimes (la recherche ou l’éducation par exemple) et pour autant que le projet s’inscrive dans un des objectifs prévus par la loi, qu’il n’y ait pas d’autre solution satisfaisante et que l’action ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable d’une ou plusieurs population(s) d’espèces. Certes, la procédure est lourde et prend du temps mais elle est nécessaire.
13Nous ne nous étendrons pas plus sur le sujet et renvoyons le lecteur à la belle synthèse, utile pour la Belgique, publiée récemment dans le bulletin de la Société royale belge d’Entomologie (Thomaes et al., 2018).
Figure 2 : Un chercheur au travail examinant les spécimens d’une récolte afin de les préparer et de les intégrer à sa collection (Photo RBINS).
De la transmission
14Nous évoquions l’éthique vis-à-vis des insectes, elle doit prévaloir aussi vis-à-vis des collègues entomologistes. Garder des insectes en collection demande beaucoup de travail et une organisation stricte et rigoureuse. Il s'agit de garder ce patrimoine en bon état afin qu’il puisse encore servir dans plusieurs décennies ou siècles à venir (Lincoln & Sheals, 1979 ; Quickelberge, 1988). Tout commence dans la nature…capturer peu, tuer proprement, préparer correctement, garder en parfait état et conserver longtemps. C’est un investissement à long terme pour les générations futures et nul ne sait quand la relève prendra le relais (Lechene, 1974).
Comment capturer les insectes ?
15Les techniques de capture sont nombreuses, depuis la plus simple, la main (Figure 3), à vue, jusqu’aux plus sophistiquées (piégeages de tout style).
Figure 3 : Il est tout à fait possible de récolter un certain nombre d’insectes à la main. Ici, un couple de Leptura quadrifasciata Linnaeus 1758 (Coleoptera, Cerambycidae) (Photo J. Fagot).
16Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Elle doit être adaptée au groupe d’insectes visé et aux objectifs des prélèvements (Lincoln & Sheals, 1979 ; Lhoir et al., 2003). Dans les anciens ouvrages, le sujet était évoqué au travers de récits concernant un certain nombre d’espèces choisies pour leurs mœurs particulières (Montillot, 1934). À noter également que, pour l’étude de certains groupes d’insectes, la collecte et la préparation des spécimens peuvent différer légèrement de ce qui est présenté ci-après (lire par exemple Rasmont et al. (2021) en ce qui concerne les bourdons).
17Pour découvrir les insectes, il faut faire preuve d’imagination. La Nature offre une multitude de biotopes et de niches permettant d’accueillir les insectes à l’un ou l’autre stade de leur vie. Les champs, les bois, les carrières, les plans d’eau, les cadavres ou les excréments sont autant d’endroits où il faudra les chercher. L’efficacité de la prospection grandira avec la connaissance que l’on aura acquise des insectes et des milieux fréquentés. Il n’est nul endroit à négliger et il ne sera pas ridicule de chercher dans des situations parfois inattendues, terriers de mammifères, nids d’oiseaux, arbres calcinés récemment ou feu de branchages par exemple (Fagot, 2005).
18Insistons sur la multiplicité des techniques (Figure 4). Il n’y a pas de moment, de saison, de lieu ou de substrat particulier pour atteindre l’objectif recherché. Il est vrai toutefois que l’on observe deux pics de présence et d’abondance au cours de l’année. Les insectes semblent plus actifs au printemps, mai-juin, et au milieu de l’été, avant l’arrivée des frimas automnaux et l’endormissement de la nature.
19Du point de vue prospection proprement dite, il ne suffit pas de se promener les mains dans les poches. Certains outils sont nécessaires pour fouiller dans les endroits les plus inattendus. Que ce soit une griffe de jardinier, un piochon, un couteau, mais aussi du matériel plus spécifique à la discipline comme un filet pour faucher dans l’herbe ou fouiller dans l’eau, un parapluie japonais pour le battage de la végétation ou un aspirateur pour les spécimens plus petits et difficiles à maitriser du bout des doigts.
20Au minimum, vous devrez vous munir d’un ou plusieurs bocaux, petits ou un peu plus grands, c’est selon, mais vous permettant de capturer un certain nombre d’individus sans craindre le cannibalisme et surtout de changer de bocal lorsque vous changez d’endroit de récolte. Bien entendu, le meilleur moyen d’éviter le cannibalisme est de tuer les insectes immédiatement lors de la capture selon un des procédés présentés plus loin. L’utilisation d’un aspirateur, d’un filet ou d’un parapluie japonais apportera un plus en efficacité.
Figure 4 : Auxiliaires de capture sur le terrain : aspirateur, filet à papillons et parapluie japonais (Photos ANSES, J. Fagot, Nature Anim’Environnement).
21Outre la prospection active, certains vous diront que le meilleur système est le piégeage des insectes : le piège à fosse (Pitfall trap), le piège Malaise et autres pièges d’interception (cadre vitré par exemple) ou encore les pièges lumineux (Figure 5). Le piégeage permet effectivement de capturer des espèces rares ou discrètes en plus grand nombre, mais aussi des espèces communes en très grandes quantités. Le piégeage sur de longues périodes, plusieurs années parfois, permet également de récolter des données sur la phénologie des espèces.
22Attention ! Dans de nombreux pays ou régions, et la nôtre en particulier, le législateur envisage des listes d’espèces protégées mais, afin de les protéger au mieux, les modes de capture sont eux aussi règlementés. Ainsi, en Belgique, la capture aveugle par un piégeage de masse est interdite. Il est donc question de se renseigner au préalable à toute opération de ce type .
23Quoi qu’il en soit, du point du vue efficacité du piégeage, l’utilisation d’un appât peut être un plus mais il risque aussi d’entrainer du cannibalisme ou de la prédation. Y compris avec des phéromones, les dégâts collatéraux peuvent être importants. Ensuite, et c’est certainement le plus important, il est primordial que chaque ensemble récolté à un endroit, à un moment donné soit muni de son étiquette avec les circonstances de récolte. Le moindre mal étant d’avoir un numéro d’échantillon faisant référence au même numéro dans un carnet de récolte où sont consignées toutes les circonstances du jour. Notez que cette façon de faire est peu fiable pour assurer une transmission correcte des données et informations d’un scientifique à un autre ou d’une génération à une autre. Il n’est pas du tout garanti que ledit carnet de notes ou le fichier informatique accompagne toujours les bocaux de récolte ou les boites en collection.
Figure 5 : Illustration de quelques pièges fréquemment utilisés : piège Malaise en activité avec au point le plus haut le dispositif de récolte, piège coloré et piège lumineux (Photos RBINS, J. Fagot, RBINS).
Comment tuer les insectes ?
24Plusieurs méthodes sont envisageables. Les substances utilisées sont souvent volatiles et nocives pour l’homme et certaines sont prohibées (le cyanure par exemple). Il s’agit donc d’être prudent !
25Nous préconisons l’usage de l’acétate d’éthyle. Il a l’avantage de conserver aux insectes une souplesse favorisant leur préparation ultérieure. Si les insectes craignent l’humidité (Lépidoptères ou Hyménoptères Anthophiles par exemple), il faudra prévoir un dispositif pour qu’ils ne soient pas en contact direct avec le liquide et également veiller à ce que les vapeurs ne soient pas trop abondantes au risque de coller les poils et de modifier sensiblement l’aspect de l’animal.
26En pratique, il suffit d’imbiber du papier absorbant à l’aide d’acétate d’éthyle et de coincer ce papier dans le couvercle du pot utilisé. On peut aussi faire une pelote d'ouate ficelée avec du coton. Grâce à ces dispositifs, on évite que les pattes des insectes ne soient enchevêtrées dans les fibres d'ouate.
27Attention néanmoins, l’acétate d’éthyle peut dissoudre certains types de plastique. Il y a lieu de choisir judicieusement le matériel utilisé au risque de perdre les insectes récoltés.
28Au contraire, si les insectes supportent l’humidité (les Coléoptères par exemple), il est possible de les plonger directement dans une fiole contenant de l’alcool dénaturé. L’inconvénient lié à cette pratique est le raidissement des insectes. Il est obligatoire que l’alcool soit dilué à 40-70% sinon les insectes seront très difficiles à manipuler par la suite. Dans cette façon de procéder, il est important d’écrire les renseignements utiles (Figure 13) de manière indélébile, au crayon ou à l’encre de Chine, sur un papier plongé dans le flacon de récolte.
29Une troisième technique consiste à garder les insectes vivants et les ramener au domicile pour les tuer au congélateur. Encore faut-il que le trajet ne soit pas trop long entre le lieu de récolte et le domicile pour que les animaux ne s’abîment pas. La mise au congélateur des pots de capture constitue une bonne solution alternative. Les insectes entrent rapidement en léthargie et meurent.
30Bien entendu, lors de certaines recherches, nécessitant des analyses biochimiques moléculaires par exemple, il faut parfois adopter un protocole de récolte, de mise à mort et de conservation spécifique mais ceci est une autre histoire et nous éloigne de la simple collection d’insectes.
Comment présenter les insectes ?
31L’objectif de la récolte et de l’examen d’un insecte est de faire en sorte de pouvoir le déterminer et de lui attribuer un nom d’espèce sans ambigüité. Pour ce faire, le spécimen doit pouvoir être examiné sous toutes ses faces.
32Deux cas de figure peuvent se présenter : soit les insectes ont une taille trop raisonnable que pour être épinglés sans être abîmés, soit ils sont trop petits et, dans ce cas, il faudra procéder autrement. Ainsi pour certains invertébrés ou les stades larvaires ne supportant pas d’être préparés par les méthodes ci-dessous, il est indispensable de les conserver en alcool. Conserver les insectes imago dans l’alcool reste une pratique d’attente et est à proscrire lorsqu’on a la possibilité d’agir autrement. En effet, à l’exception des espèces ne présentant pas de difficulté de détermination, un très petit nombre en fait, chaque fois qu’il s’agira de regarder, comparer, déterminer, échanger, il faudra préparer les insectes au risque de décourager toute étude ultérieure tant la tâche sera alors fastidieuse.
33Dans la pratique, deux cas peuvent à nouveau se présenter : soit, idéalement, les insectes sont préparés immédiatement après avoir été tués, soit un laps de temps trop long s'écoule entre la mise à mort et la préparation. Ensuite, comme dit plus avant, la préparation des petits insectes suit une procédure qui est propre à la famille ou au groupe envisagé.
Préparation immédiate après la mise à mort
34L’insecte est monté sur une épingle entomologique spécialement conçue pour cet usage. Ces épingles sont de préférence en acier inoxydable (stainless steel) plutôt qu’en métal émaillé noir (black enamelled). Il en existe de différentes grosseurs à choisir en fonction de la taille de l’insecte concerné. Il n’y aura qu’un seul insecte par épingle. Celle-ci doit être perpendiculaire à l'axe longitudinal des insectes. Une distance d’environ 10 mm doit séparer la tête de l'épingle du corps de l'insecte, ce qui permet de manipuler l’ensemble sans risque pour l’insecte. Le point d'insertion de l'épingle dans le corps de l’animal varie selon les ordres (Figure 6). L'insecte sera muni d’une étiquette provisoire portant mention des données de récolte.
Figure 6 : Illustration des points de pénétration des épingles dans le corps des insectes en fonction de l’ordre concerné (Van Assche, sans date).
35Dans un premier temps, il s’agit de préparer l’insecte provisoirement sur un support tendre (polystyrène (frigolite), polyuréthane, émalène, …) en maintenant les pattes, les antennes et les ailes au moyen d'un certain nombre d’épingles (Figure 7). Les insectes ainsi étalés seront placés dans un environnement sec et aéré pendant un minimum de 10 jours.
36L'insecte est prêt maintenant à être exposé dans la boîte de collection muni de son étiquette définitive (voir point 4).
Figure 7 : Les insectes sont préparés et, avant leur incorporation en collection, sont maintenus le temps du séchage sur un support libre grâce à de nombreuses épingles (Photo RBINS).
Conservation provisoire des insectes
37Plusieurs possibilités s’offrent à vous lorsque la préparation des insectes est différée par rapport à la mise à mort :
38Les insectes maintenus en bocaux hermétiques dans une atmosphère saturée en acétate d’éthyle se conserveront au moins une semaine en gardant une certaine souplesse permettant d’étaler facilement les pattes, les ailes et les antennes. On gagnera cependant à les étaler le plus rapidement possible. Les couleurs pourront parfois s’altérer et l’hyperlaxité atteindre jusqu’au démembrement.
39Il est possible de conserver les insectes au congélateur pendant plusieurs mois. La décongélation ne prend que quelques minutes. Les insectes se sont partiellement rigidifiés et il sera parfois difficile d’étaler les appendices, surtout sur les individus de petite taille. Il faut alors avoir recours à une méthode de ramollissement expliquée plus loin.
40Les insectes peuvent être conservés en alcool 40-60% mais leur souplesse sera souvent altérée. La conservation en alcool à 70% ou 90% a tendance à rigidifier les insectes encore plus. Cette méthode ne convient pas pour les insectes fragiles ou qui présentent des poils ou des écailles dans leur ornementation (les papillons, les moustiques). Elle est pourtant de plus en plus utilisée par certains entomologistes pour remplacer l’habituel montage sur aiguille jugé fastidieux et chronophage surtout pour les petits spécimens. Un inconvénient majeur à l’usage de l’alcool tient au manque d’étanchéité des contenants sur le long terme. L’alcool s’évapore et les insectes sont alors conservés à sec. Un insecte prélevé dans un bocal de récolte ou de stockage doit impérativement être accompagné des renseignements d’origine (lieu, date ou N° d’échantillon) sous peine de ne plus savoir de quel bocal il provient. Ce risque n’existe pas si l’insecte est épinglé et étiqueté.
41Lors de missions entomologiques, l’entomologiste ne dispose pas de temps pour étaler directement les insectes capturés. Il utilise alors la solution suivante, absolument universelle, dite en couches ou en papillotes (Figure 8):
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Faire sécher les insectes sans les étaler puis les conserver au sec dans une boîte hermétique. Pour éviter des dégâts tels que le bris des pattes ou des antennes, faire alterner une couche de papier absorbant, une couche d'insectes, une couche de papier absorbant, ... jusqu'à remplir la boite. Les insectes fragiles, les papillons par exemple, peuvent être traités individuellement, chaque spécimen étant au préalable emballé dans un morceau de papier pour former une papillote.
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Avant d'étaler les insectes, parfois après plusieurs années, il faut les ramollir en les plaçant dans une enceinte dont le taux d'humidité est très élevé (Figure 9). Des cristaux de thymol (vendus en pharmacie) placés dans l'enceinte empêchent le développement de moisissures.
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Préparation longtemps après la mise à mort
42Parfois, certains spécimens doivent être ramollis pour un examen complémentaire tel que l’extraction des genitalia par exemple. Dans ce cas, les insectes secs doivent retrouver une certaine souplesse. Ils seront maintenus dans une atmosphère de vapeur d’eau ou d’acétate d’éthyle pendant le temps nécessaire.
43Par le passé, le dispositif de la figure 9 était traditionnel et convenait parfaitement pour tous les ordres. Ces récipients, encore appelés cristallisoirs ou ramollisseurs, existent en différentes contenances et sont encore utilisés pour traiter un grand nombre d’individus en un seule opération ou pour des insectes appartenant à des ordres supportant mal l’humidification (Lépidoptères, Hyménoptères, …). Pour les Coléoptères, une bonne méthode est sans doute de les traiter individuellement en les plaçant dans un pilulier ou un récipient étanche contenant un peu d’eau chaude et quelques gouttes d’acétate d’éthyle. L’ajout d’une goutte d’un agent mouillant (savon liquide) favorise également le ramollissement des insectes. Attention, pas de distraction. Il convient d’avoir une certaine organisation pour ranger les contenants d’une part et les étiquettes de chaque insecte d’autre part dans un ordre et un endroit à l’abri de tout dérangement.
Figure 8 : Ensemble de papillotes préparées sur le terrain (Photo RBINS).
Figure 9 : Dispositif de ramollissement des insectes en vue de leur préparation (Photo J. Fagot).
Préparation des insectes de petites tailles
44La procédure traditionnelle décrite plus avant ne s'applique pas aux petits insectes d'une taille inférieure à 2 mm. Ces petits spécimens doivent être présentés sur un montage minutie-support ou collés (colle à tapisser, colle de poisson ou colle arabique phénique p.ex.) sur une paillette (Figure 10). Il s’agit d’un petit morceau de papier épais rectangulaire ou triangulaire. Dans ce dernier cas, la pointe du triangle est éventuellement pliée pour former un angle de 90° avec la partie principale de la paillette et doit être appliquée sur le côté gauche du thorax (pleures) de l’insecte. Certains entomologistes utilisent du vernis ou de la colle à bois. C’est très efficace. Dans ce cas, s’il s’avère nécessaire de décoller l’insecte, il faudra utiliser de l’acétone ou un autre solvant. Dans ce cas de figure, il est appréciable d’avoir dans la boite une indication de la colle utilisée. Afin de pouvoir examiner la face ventrale de l’insecte, il est possible également de le coller sur une lamelle en matière plastique mais la colle utilisée empêche parfois d’atteindre le résultat escompté. De nombreux types de colle existent avec leurs avantages et inconvénients (Deans, 2018).
Figure 10 : Insectes montés sur une paillette rectangulaire avec un orifice pour l’observation du phallus (à gauche), sur une paillette triangulaire (au centre) et à l’aide d’une minutie sur un bloc synthétique (à droite) (Photo J. Fagot).
45Lors de la manipulation d’un insecte, il peut se faire qu’une partie de celui-ci soit cassée (tête, antenne, patte, …). Dans ce cas, cette partie détachée est collée à côté de l’insecte (Figure 10, insecte du milieu) ou collée séparément et piquée sur la même épingle.
46Dans tous les cas, le mot d’ordre est rigueur !
47Chaque individu doit être porteur de tous les renseignements le concernant. Outre son nom, il s’agit aussi de toutes les données concernant sa vie, son histoire, son rang. L’entomologiste ne doit surtout pas se fier à sa mémoire. Celle-ci est illusoire et devient inutile lorsque la collection change de mains. Il s’agit de multiplier autant de fois que nécessaire les renseignements pris lors de la récolte sur le terrain.
48Le nombre d’étiquettes sur une épingle n’est pas limité mais encore faut-il garder une juste mesure. Les moyens techniques d’écriture, d’impression et de reproduction permettent aujourd’hui de noter beaucoup de renseignements sur une et une seule étiquette tout en lui conservant des dimensions raisonnables (10x20 mm maximum). Pour les petits insectes, la taille des étiquettes est le facteur limitant pour le stockage dans les boites.
49Les informations fournies par les étiquettes des vieilles collections (avant 1950) sont, dans bien des cas, trop peu nombreuses et le plus souvent absentes pour que nous fassions de même envers les générations futures qui réexamineront nos récoltes.
Étiquette de récolte
50Directement sous l’insecte, cette première étiquette est primordiale (Figure 10). Elle comporte a minima les renseignements suivants :
51Et pour être plus précis :
52Voici quelques commentaires sur la façon d’indiquer le lieu, la date et les autres précisions concernant la récolte :
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Le lieu de capture. Il convient en la matière d’être le plus précis possible mais indiquer un détail comme le nom d’un lieu-dit, d’un hameau ou le nom d’un bois, sans en indiquer le village ou la ville à proximité, la province ou le département où il se trouve et bien sûr le pays, rend l’indication sommaire et inutile. Combien d’endroits en notre pays ne s’appellent-ils pas « Sart » par exemple ou « Villers ». Depuis la fusion des communes, ne donner que le nom de la nouvelle entité gomme la précision attendue (Jalhay par exemple, une des plus grandes communes de Wallonie). Il en est de même avec les grandes villes. Que penser de la seule indication « Bruxelles » ou « Antwerpen » ou « Forêt de Soignes » ? Aussi, n’est-il pas inutile d’indiquer, en plus du texte de localisation, les coordonnées géographiques de l’endroit où l’insecte a été récolté (XY Lambert, UTM ou autre). Des outils modernes tels les GPS ou certains appareils de photographie donnent ces précisions géographiques. Il ne faut pas perdre de vue que les insectes sont susceptibles de voyager. Les échanges, les demandes d’avis ou de détermination ne sont pas rares (Arnett & Samuelson, 1985). Le correspondant lointain qui reçoit un insecte avec une étiquette portant la seule indication « Kempen », « Alpes » ou « Maroc » sera bien dubitatif sur le sérieux du récolteur et bien démuni dans son travail de cartographie voire même de détermination. De même, le recours aux abréviations est contre toute la logique énoncée ci-avant (Figure 11).
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La date. La précision est aussi de mise ici (Figures 12 et 13). Le choix de la police de caractères ne peut en aucun cas induire le moindre doute dans la lecture de celle-ci. Aussi, la convention est d’écrire les jours et années en chiffres arabes et les numéros d’ordre des mois, à défaut d’être écrits de façon explicite (12 février 2018), en chiffres romains (12.II.2018 ou 12.ii.2018). Pour toute étude de phénologie, les trois parties de la date sont utiles. Une espèce rencontrée souvent une année peut l’être nettement moins une autre année à la même date. Le mois renseigne sur les saisons d’activité de l’espèce envisagée et le jour apporte encore plus de précision sur cette question. Les collections traversant les siècles, l’année est indiquée par quatre chiffres et non simplement par le millésime.
53Si le piégeage est pratiqué plusieurs jours sans que les insectes ne soient récupérés, il convient d’indiquer la période d’activité du piège (1/V/2022-10/V/2022, par exemple).
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En trois, le cas échéant, toute indication jugée utile sur le plan biologique, éthologique ou environnemental : l’altitude en montagne, le biotope fréquenté (sec, humide, sableux, tourbeux, pelouse calcaire, etc.), le mode de capture (piège lumineux, fauchage, tamisage de terre, battage de la végétation, issu d’élevage, etc.), l’appât utilisé, la température, la plante nourricière, l’activité de l’insecte, ..., et tant d’autres choses encore, les coordonnées géographiques, mort ou « Domi » pour domicile, par exemple. Le cas échéant, par manque de place, ces renseignements peuvent figurer sur une seconde étiquette (Figure 13). Dans certains cas particuliers, tels que la mise en élevage ou la récolte de bois, de fruits ou de graines colonisés par les insectes, le lieu renseigné sur l’étiquette est bien entendu l’endroit où ont été prélevés les œufs, larves, bois, fruits ou graines.
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Enfin, le nom du récolteur indiqué par l’abréviation « Rec. : Nom P. » ou « Leg. : Nom P. » ou de la collection d’origine indiqué par l’abréviation « Coll. : Nom P. » ainsi que, de façon facultative, un numéro d’ordre de mise en collection. Ce numéro renvoie à une note dans un carnet de terrain ou, à notre époque, à un fichier numérique, éventuellement partagé sur le net, dans lequel sont consignés tous les renseignements jugés utiles au sujet du spécimen considéré, renseignements provenant éventuellement du carnet de terrain et retranscrits à des fins d’archivage plus facilement consultable, à des fins de cartographie ou d’échange de données entomologiques avec les collègues. On y trouve aussi tous les autres renseignements qu’il n’est pas possible d’inscrire sur une étiquette (chemin d’accès au site, problèmes rencontrés, découvertes éventuelles, relevé botanique, …).
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Dans les universités et autres écoles où il est demandé de présenter une boite d’insectes, l’étudiant indique également son nom, le nom de l’établissement et son niveau d’apprentissage et ce sur une étiquette supplémentaire s’il n’y a plus de place sur la première.
54Ces renseignements ont leur utilité car une fois déterminés par les spécialistes, les insectes récoltés par les étudiants seront insérés dans les collections des établissements d’origine. Il s’agit en fait du même principe qu’au point précédent. En outre, il n’est pas rare que les étudiants récoltent sans le savoir des espèces intéressantes. L’étudiant étant connu, le spécialiste pourra lui demander des précisions sur les circonstances de la récolte.
Figure 11 : Exemples d’étiquettes farfelues (Photos J. Fagot).
Figure 12 : Exemples d’étiquettes minimalistes et perfectibles (Photos J. Fagot).
Figure 13 : Exemples d’étiquettes correctes et très complètes (Photos J. Fagot).
Étiquette de détermination
55Cette étiquette est la dernière et se situe sous celles qui servent à décrire l’origine et le parcours de l’insecte. Tous les insectes d’une collection devraient en principe porter une étiquette de détermination. C’est du moins l’objectif. La seule étiquette globale sur le fond de la boîte ne suffit pas. Un individu qui, pour une raison ou une autre, voyage pour examen à l’autre bout du monde, doit pouvoir retrouver sa place au retour sans aucune erreur.
56Sur cette étiquette apparaitra le nom du déterminateur, ou du réviseur le cas échéant, indiqué par l’abréviation « Det. : Nom P. » ou « Rev. : Nom P. » suivie de la date. Il est convenu que, dans ce cas, l’année suffit (Figure 14).
57S’en suit le nom scientifique complet du spécimen concerné : genre, espèce, voire sous-espèce, le descripteur et la date de la description.
58S’il s’agit d’une révision, que ce soit pour soi-même ou pour un autre entomologiste, il est hors de question d’enlever la première étiquette. Il n’est pas interdit ni honteux de reconnaître que l’on s’est trompé et il est utile et instructif de garder le souvenir de ce avec quoi on a un jour confondu l’espèce. En outre, il est possible que l’insecte ait été cité dans un article sous sa première identification d’où l’importance de ne pas supprimer cette première identification même erronée. Par ailleurs, certains groupes d’insectes sont régulièrement révisés sur le plan taxonomique. Il en résulte alors parfois des changements de nom et il est important de garder cette information avec le spécimen.
Figure 14 : Illustration des étiquettes de révision (Photo J. Fagot).
Cas particulier : étiquettes « Type »
59Certains insectes feront inévitablement l’objet d’un traitement particulier. Il en est ainsi notamment des types et autres spécimens associés (holotype, paratype, lectotype, etc.). Dans tous les cas, l’exemplaire ayant servi à réaliser une description originale portera une étiquette « Type », ou plus correctement « Holotype » (quel que soit le sexe). Nous ne détaillerons pas plus avant ce sujet complexe de la typicité (se référer pour plus de renseignements au Code international de nomenclature zoologique (CINZ, 2022)) mais qu’il s’agisse d’allotype, paratype, topotype, ou autre encore, il est judicieux de signaler la présence de tels insectes dans la collection en leur apposant une étiquette distinctive de couleur rouge afin de les repérer rapidement et individuellement (Figure 15). Lorsque de tels individus sont examinés, il n’est pas question de détermination bien entendu mais on peut éventuellement signifier que l’on a pris connaissance de leur statut en apposant une étiquette Vidit à notre nom (abréviation « Vid. : Nom P., date ») sur la même épingle.
Figure 15 : Illustration de la notion de « type » (Photo RBINS).
60Indépendamment de ce complexe très particulier, les insectes ayant fait l’objet d’une publication ou d’un traitement particulier seront eux aussi identifiés ou commentés par une étiquette ou un signe adapté et notamment, les insectes ayant été disséqués et dont une partie est dissociée. Les deux parties de l’insecte portent les mêmes renseignements et une étiquette supplémentaire avec la mention Genitalia, préparation N°…, la date de l’opération et le nom du responsable de l’acte. Ceci bien entendu dans le cas où la partie séparée n’est pas présente sur la même épingle sous une forme ou sous une autre.
61Un numéro de rappel est aussi utile dans le cas de deux insectes trouvés in copula. Outre cette mention, le numéro renvoie les deux individus l’un vers l’autre sans ambigüité. La même pratique sera appliquée concernant une proie et son prédateur ou encore l’hôte et son parasite. De même, sera signalé le fait que le spécimen a fait l’objet d’un dessin, d’une photographie, d’une mention dans un travail ou de toute autre action.
62Enfin, il convient qu’un insecte reçu d’un collègue conserve ses étiquettes originales, même si l’aspect esthétique est déplorable, même s’il y a erreur de détermination. L’entomologiste sérieux ajoutera une étiquette à son nom avec les rectificatifs éventuels. Il est de coutume de joindre une étiquette telle que « Don de Nom P., date ». De surcroit, de vieilles étiquettes sont une mine d’informations même si elles sont parfois très laconiques ou à la limite de la lisibilité. Avec le temps et un peu de pratique, on peut reconnaître le style et l’écriture de l’entomologiste disparu (Figure 16). En lisant, en se documentant et en partageant cette expérience, on peut savoir à quelle période celui-ci a été actif et dans quelle région il avait l’habitude de prospecter préférentiellement. Notons au passage tout l’intérêt, pour les générations futures d’entomologistes, de faire part à la communauté scientifique des découvertes et autres observations circonstanciées faites au cours de notre vie. C’est la seule pratique rationnelle permettant de progresser collectivement dans l’exercice de la discipline.
Figure 16 : Exemples d’étiquettes identifiées ou d’écritures connues: R. Mayné, Dr F. Lechanteur, Dr Laurent (Photos J. Fagot).
De la taille et de la présentation
63Après quelques années de pratique de l’entomologie, on prend rapidement conscience de l’espace nécessaire pour organiser une collection d’insectes selon les règles. Il apparait aussi à l’évidence que le facteur limitant, ou encombrant c’est selon, est la dimension des étiquettes. Ce fait est évidemment plus aigu pour les insectes de petite taille que pour les plus imposants d’entre eux. Aussi, nous nous attacherons à minimiser l’influence négative de la taille des étiquettes sur l’efficacité du stockage des individus dans les boites. Mais attention ! Nous notons à l’heure actuelle une tendance à la miniaturisation extrême de l’écriture (et pas nécessairement des étiquettes) à un point tel qu’il faut quasi l’usage de la loupe binoculaire pour en lire le contenu. C’est là une très mauvaise tendance et il ne faut certes pas en arriver là. La taille de la police de caractères sera aussi grande que possible tout en permettant de garder une dimension d’étiquettes convenable. La lecture doit rester « confortable ».
64Nous conseillons de ne pas dépasser la dimension de 10x20 mm (moins si possible) et d’utiliser un papier blanc épais ayant une bonne tenue sur l’épingle (densité de 120 à 160 g/m2 minimum). Bien souvent, l’exploitation rationnelle de l’espace disponible permet de réduire encore la taille de l’étiquette. La découpe du papier se fera au ras du texte. Il n’est nul besoin de réserver un espace blanc tout autour ou de tracer un cadre, fut-ce dans un souci de présentation esthétique ou de personnalisation des étiquettes. Une collection d’insectes n’est pas une œuvre d’art. C’est un travail utile à la science et le fond a plus d’importance que la forme même si l’un n’empêche pas l’autre.
65Un autre souci est la pérennité des inscriptions. De fait, les indications doivent traverser les années et rester lisibles. Trois solutions existent.
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La machine à écrire : il existe des machines équipées de caractères de petite dimension parfaites pour le travail qui nous occupe (Figure 10, à droite). Sinon, il est toujours possible d’écrire sur une machine traditionnelle et de réduire le texte par photocopie sur un papier ad hoc. Ce genre de pratique et d’outil n’est plus très utilisé.
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L’ordinateur et l’utilisation d’un traitement de texte ou d’un tableur. La facilité et la rapidité du travail s’en trouvent grandement améliorées mais encore faut-il que l’impression se fasse avec une encre ne disparaissant pas à la lumière ou au soleil. Même si la qualité et la durabilité des encres a bien évolué, il convient en ces circonstances d’utiliser une imprimante laser afin que l’encre soit cuite et non simplement projetée sur le papier. Si l’étiquette doit séjourner dans l’alcool, l’utilisation du crayon ou de l’encre de Chine reste une solution très efficace et durable.
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Si le collectionneur a une écriture impeccable, le temps et la patience d’écrire le texte à la main sur les étiquettes, le mieux est certainement l’écriture à la plume ou au Rotring et à l’encre de Chine noire. L’expérience montre que les mots tracés résistent à l’épreuve du temps. Par contre, la lecture n’en est pas toujours évidente et les indications sont parfois ambigües et partant inutilisables. Cela est en partie dû au fait que la calligraphie évolue avec les époques et peut devenir indéchiffrable pour certains de nos descendants.
66Les étiquettes seront disposées de façon à être lues par la droite (Figures 10 et 14), l’insecte étant regardé de dos (tête vers le haut de la boite). Elle sera disposée de telle manière que l’insecte (et non l’épingle) soit centré sur l’étiquette. Il est important également de percer l’étiquette en dehors du texte afin d’en conserver toute la lisibilité. Les papillons en collection se présentant selon un mode plutôt horizontal, les lépidoptéristes ont pris le pli de disposer les étiquettes transversalement, lecture par l’arrière de l’insecte.
67Il est de coutume d’utiliser un papier de couleur particulière pour les étiquettes des insectes provenant des différentes régions biogéographiques du monde (Figure 17). Il s’agit de conventions adoptées depuis longtemps par la communauté scientifique et conservées même si les appellations des régions et parfois les limites ont été modifiés. Le blanc correspond à la région paléarctique, la nôtre.
Figure 17: Carte du monde montrant les limites des différentes régions biogéographiques utilisées dans les collections du RBINS et exemples d’étiquettes, colorées différemment pour chaque région (Système de Sclater - Wallace (1858), modifié © RBINS).
De la mise en collection
68Pour la construction des boites, un bois dur sera utilisé avantageusement (le hêtre par exemple). Un bois plus durable comme le cèdre convient mieux encore mais le coût de revient est nettement plus élevé. La boite doit être hermétique. Une double feuillure sur le cadre est un bon moyen de tendre vers cette qualité (Figure 18). Enfin, pour protéger le bois un peu plus encore et pour éviter qu’il ne travaille et se déforme sous l’action de la chaleur et de la sécheresse, l’application d’une lasure ou d’un vernis de protection est souhaitable. Elles auront des dimensions variables en fonction de leur utilisation (transport, stockage, …) et parfois aussi de la taille des insectes qu’elles contiennent. De grands insectes (Lépidoptères par exemple) trouveront une meilleure place dans des boites de 40x60 cm mais il faut savoir que celles-ci seront plus encombrantes et d’une utilisation moins aisée. Dans la majorité des cas, une boite de 30x40 cm constitue le compromis répondant à la plupart des situations. Pour le transport ou le prêt de quelques individus, on préfèrera des boites non vitrées, beaucoup plus petites, plus maniables et moins fragiles.
69Pour la garniture du fond, la plupart des entomologistes utilisent aujourd’hui une résine de type émalène/ Plastazote® ou toute autre de même nature. L’intérêt est de pouvoir retirer une épingle sans que le trou reste visible après le retrait. Sauf exceptions justifiées, le fond de la boîte est blanc.
Figure 18 : Boites entomologiques à double feuillure (à gauche) et à simple feuillure (à droite). Le fond est garni d’émalène préencollé (Photos J. Fagot).
70Pour la conservation, nous conseillons de ne surtout pas utiliser de produits toxiques pour l’homme, même si les boites sont hermétiques. Un séjour de 2 ou 3 semaines (ou plus et plusieurs fois si infection majeure) au surgélateur (-25°c minimum) vient généralement à bout des œufs, larves et adultes des insectes indésirables (anthrènes, psoques, teignes, …). Renouveler l’opération à chaque ouverture de la boîte et surtout avant toute manipulation de boites reçues des collègues. Au sortir du congélateur, il convient de laisser la possibilité aux boites de sécher sans les ouvrir afin d’éviter la prolifération éventuelle de champignons. L’utilisation d’un sachet hermétique en plastique empêche l’intrusion des parasites entres deux ouvertures de la boite si celle-ci n’est pas hermétique ou mal fermée.
71Dans tous les cas de figure, il convient de garder les boites vitrées dans l’obscurité, à l’abri de la lumière du soleil et de la lumière artificielle. Cela évite le jaunissement des étiquettes, du fond de la boite et le changement de couleur des insectes. Il est impératif de maintenir l’ensemble en atmosphère sèche, de température peu variable (16°-18°) et de vérifier régulièrement l’état de conservation de chaque boite individuellement. Idéalement, le tout est enfermé dans une armoire fermant hermétiquement (Figure 19).
Figure 19 : Un chercheur au travail et derrière lui des armoires étanches contenant les boites d’insectes (Photo RBINS).
72Une boite se « lit » dans le sens paysage (Figures 20). Elle est compartimentée en un certain nombre de colonnes qui se lisent de haut en bas et de gauche à droite. Un ensemble d’étiquettes disposées horizontalement dans lesdites colonnes documentent le contenu de la boite. Selon les cas, figurent les noms de la famille (sous-famille, tribu, …), du genre, de l’espèce ou de toute autre mention. Rien n’interdit de faire figurer également un texte exposant l’une ou l’autre particularité de la collection (Figure 20).
Figure 20 : Exemple de disposition des insectes dans une boite présentant plusieurs colonnes, la lecture s’effectuant de haut en bas et de gauche à droite (Photo collection Alexis, RBINS).
Les collections hors boîtes
73En compléments aux points précédents, nous ajouterons qu’il existe d’autres façons de conserver les insectes. Plutôt que de les mettre dans des boites sèches, ils peuvent être conservés en fioles contenant de l’alcool dénaturé (Figure 21), en couches ou en papillotes (Figure 8), ou encore sur préparations microscopiques (par exemple pour les Puces, les Mallophages, les Culicoides, etc.). Certains entomologistes, en complément ou indépendamment de toute mise en boite, possèdent une collection de photographies, argentiques ou numériques, de portraits d’espèces ou de biotopes fréquentés. D’autres ont collecté et conservé des fragments végétaux : des feuilles minées, des galles, des écorces, des traces de vie des insectes, des empreintes diverses. Ici aussi, il convient de garder la même philosophie et d’entourer tous ces objets des mêmes soucis de précision, de durabilité et de rigueur dans les renseignements qui les accompagnent individuellement. Il vaut mieux jeter un spécimen pour lequel un doute existe quant à la provenance ou la date plutôt que de transmettre des données erronées à la postérité (Quickelberge, 1988).
Figure 21 : Ensembles de piluliers (en haut à gauche), d’Eppendorfs (en bas à gauche) et de bocaux (à droite) contenant le fruit de campagnes de récolte. Tous les contenants sont étiquetés de façon non équivoque dessus et dedans (Photos J. Fagot et RBINS).
Conclusions
74Dans la pratique, l’étiquetage des insectes ou des objets associés peut être relativement simple dans la majorité des cas (lieu, date, circonstances, identité). Il suffit d’avoir à l’esprit que les spécimens accumulés au cours du temps doivent encore être utiles dans un avenir parfois éloigné. L’entomologie est un art collectif que l’on pratique individuellement ou une passion personnelle que l’on partage collectivement. La question se pose de savoir comment transmettre et laisser à disposition des générations futures le fruit de toute une vie de passion et de dévouement scientifique. Que ce soient 500 boites d’insectes, un herbier de 2 m3, un dossier numérique avec 100 000 clichés, les premières questions qui viennent à l’esprit sont : où, quand, comment ? Les institutions du pays sont demandeuses. Que ce soient les universités (telles que Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), ULB-VUB (Bruxelles), UMons, …) ou des musées (tels que RBINS (Bruxelles), Musée royal d’Afrique centrale (Tervuren), Hexapoda - Insectarium Jean Leclercq (Waremme), …), tous seront heureux de vous recevoir, de vous aider et de collaborer à vos travaux. Ils accueilleront volontiers vos collections avec le souci de les préserver dans les règles de l’art, de les faire connaître et de les rendre utiles à la communauté scientifique, de votre vivant bien entendu mais après aussi.
75Tout entomologiste voulant contribuer aux progrès de la biogéographie devrait toujours penser (n'est-ce pas agréable ?) que sa collection doit lui survivre, qu'elle méritera des réexamens, qu'elle restera un témoin. Il lui incombe donc de prévenir la perte d'informations, conséquence d'un étiquetage insuffisant. (Leclercq, 1979)
76Si vous êtes naturaliste débutant, gardez à l’esprit et pensez bien que votre travail peut et doit servir à d’autres. Ce qui est vrai pour l’entomologie l’est aussi pour d’autres disciplines telles que la botanique, la minéralogie, la bryologie, etc. Si vous êtes entomologiste passionné, ne reproduisez pas ce que certains anciens ont mal fait.
77Si vous êtes entomologiste chevronné, oubliez ce que vous venez de lire et continuez comme par le passé.
78L’essentiel est de bien transmettre…
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(31 Ref.)
Notes
1 Certaines de ces considérations sont issues d’un échange épistolaire (2005) avec feu le Professeur Jean Leclercq (Beyne-Heusay 1921 - Jupille (Les Bruyères) 2018) à propos d’une de ses très nombreuses contributions (Leclercq, 1979). Nous voulions ici en faire écho et évoquer sa mémoire en tant que, d’une part, défenseur de longue date de l’environnement, d’autre part, entomologiste reconnu mondialement pour ses travaux sur les Hyménoptères Sphecidae Crabroniens mais encore en tant que chantre engagé de la langue française dans les sciences.