ya que 05 febrero 2011 :
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Ben Moussa A., Chahlaoui A. & Chahboune M.

Typologie des eaux superficielles de l’Oued Khoumane. Moulay Idriss Zerhoun, Maroc

(Volume 71 (2018))
Article
Open Access

Notes de la rédaction

Reçu le 20 novembre 2017, accepté le 26 février 2018.

Résumé

La présente étude est une contribution à la typologie de l’Oued Khoumane qui traverse la ville de Moulay Idriss Zerhoun (région de Meknès, Maroc). Ceci à travers un suivi de l’évolution longitudinale des différents paramètres abiotiques (physico-chimie) et biotiques (macroinvertébrés) de cet écosystème aquatique. Les résultats des analyses physico-chimiques ont montré que les eaux de l’Oued au voisinage de la ville et en aval sont caractérisées par une minéralisation importante. Aux mêmes endroits, essentiellement en période estivo-automnale et en période de la trituration des olives,  ces eaux ont présenté au niveau des mêmes points, une pollution organique élevée. L'analyse de la structure biotypologique de l’Oued Khoumane montre que plus nous avançons vers l'aval, plus nous assistons à une diminution voire une disparition des macroinvertébrés polluo-sensibles tels que les Plécoptères; inversement des organismes polluo-tolérants tel queles Chironomidae et les Oligochètes s’y observent en abondance. L’oued Khoumane est un cours d’eau que nous pouvons considérer comme pauvre en faune(quant à la présence /absence des espèces et leurs abondance); comparé à la faune inventoriée dans les cours de la région de Meknès.

Mots-clés : faune, Inventaire, Oued khoumane, physicochimie

Abstract

The present study is a contribution to the typology of Khoumane River which crosses the city of Moulay Idriss Zerhoun (region of Meknes). This is by monitoring the longitudinal evolution of the different abiotic (physicochemical) and biotic (macroinvertebrate) parameters of this aquatic ecosystem. The results of the physico-chemical analyzes showed that the waters of the River in the vicinity of the city and downstream are characterized by significant mineralization. In the same places, mainly in the summer-autumn period and during the crushing of the olives, these waters presented at the same points, a high organic pollution. The analysis of the biotypological structure of the Khoumane River shows that the further we go downstream, the more we observe a decrease or even a disappearance of pollen-sensitive macroinvertebrates such as the Plecoptera; conversely, pollutant-tolerant organisms such as Chironomidae and Oligochaeta are observed in abundance.  Khoumane River is a stream that we can consider as poor in wildlife (as to the presence / absence of species and their abundance); compared to the fauna inventoried in the courts of the region of Meknes.

Keywords : fauna, Inventory, Khoumane River, physicochemistry

INTRODUCTION

1L’eau est une ressource naturelle indispensable à la vie dans tous les écosystèmes. La conservation de sa qualité devrait être une préoccupation pour toute la société.

2Au Maroc, les ressources en eau sont menacées par des problèmes multiples.  Elles sont limitées en raison du climat semi-aride à aride dans la majeure partie du pays, des sécheresses épisodiques et des utilisations intensives.

3La ville de Moulay Idriss Zerhoun est située à 25 Km de la ville de Meknès (centre de Maroc). Elle est bâtie sur le piton rocheux dominant la vallée de l'Oued Khoumane et la plaine de l'ancienne ville romaine de Volubilis.

4Les premières études écologiques réservées aux cours d’eau de la région de Meknès (Oued Boufekrane, Oued Ouislane et Oued BouIshak) se sont intéressées à l’aspect biotypologique (Chahlaoui, 1996; Aboulkacem, 2007; Karrouch & Chahlaoui, 2007; El addouli, 2010). Quelques conclusions synthétiques ont été tirées concernant la caractérisation écologique (richesse taxonomique) de ces cours d’eau.

5L’Oued Khoumane constitue un milieu récepteur des différents polluants. En effet, de l’amont vers l’aval, il reçoit les eaux de la source thermale Ain Hamma Moulay Idriss et aussi les eaux usées domestiques de la ville, les effluents de l’abattoir, les margines, les lixiviats des décharges sauvages, les déchets solides de différentes natures et les effluents issus des élevages.

6L’Oued Khoumane a un régime caractérisé par l’irrégularité des écoulements et par des manifestations hydrologiques brutales. Le régime annuel est marqué par un écoulement faible en été et en automne et par un écoulement important en hiver et au printemps (Ben moussa et al., 2012).

7Afin d’établir une typologie de cet Oued, nous avons fait un suivi de l’évolution spatio-temporelle de certains paramètres physico-chimiques et une analyse la structure faunistique de ce cours d’eau.

MATERIEL ET METHODES

Zone d’étude et stations de prélèvement

8Selon le découpage administratif, la ville de Moulay Idriss Zerhoun fait partie de la province de Meknès, elle-même est incluse dans la région de Fès-Meknès.

9Pour se renseigner sur les différentes sources de pollution et sur les différents usages de ce cour d’eau, nous avons entamé une prospection sur le terrain qui a aboutit au choix de sept stations de prélèvement nommées S1, S2, S3, S4, S5 ; S6 et S7 (Figure 1).

10S1 (N: 34°.02.058 ; O: 005°.28.058) : est située en amont de l’Oued Khoumane Moulay Idriss Zerhoun et juste en aval immédiat du ruisseau provenant de la borne fontaine Ain Chench. Ce point est considéré comme station de référence.

11S2 (N: 34°.03.310 ; O: 005°.30.748) : est située en amont immédiat de la zone de la confluence de l’oued avec les eaux de la source thermale Ain Hamma Moulay Idriss.

12S3 (N: 34°.03.323 ; O: 005°.30.810): est située en aval immédiat de la zone de la confluence de l’oued avec les eaux thermales de la source Ain Hamma Moulay Idriss.

13Le choix des stations S2 et S3 a pour but d’évaluer la qualité des eaux de l’oued avant et après le mélange avec les eaux thermales et avant qu’elles soient mélangées avec les rejets domestiques et les autres effluents de la ville de Moulay Idriss.

img-1.pngS4 (N: 34°.03.238 ; O: 005°.31.047): reçoit d’une part les eaux résiduaires rejetées (en amont de cette station) par un premier exutoire important de point de vue débit, et d’autre part, les déchets et les lixiviats d’une décharge publique non contrôlée. Cette station est située en aval de l’exutoire.

14S5 (N: 34°.03.098 ; O: 005°.31.633): les eaux de cette station reçoivent d’une part, les eaux usées domestiques d’un deuxième exutoire important et d’autre part, les déchets issus de l’élevage des ovins et bovins qui représente la principale activité des habitant riverains de ce tronçon de l’oued. Ce dernier reçoit également les eaux de certaines sources d’eau naturelle et des margines d’une huilerie au cours de la période de la trituration des olives.

15S6 (N: 34°.03.224 ; O: 005°.34.420): est située juste en aval du dernier exutoire important des eaux usées (aval de la ville). Ces eaux reçoivent donc la totalité des rejets polluants accumulés depuis l’amont.

16S7 (N: 34°.05.018 ; O: 005°.34.420): est située plus en aval de l’oued et en aval de la ville historique Romaine de Volubilis. Ce site est censé nous renseigner sur la qualité des eaux de l’oued en s’éloignant de la ville de Moulay Idriss Zerhoun et donc sur l’existence d’une éventuelle autoépuration des eaux de l’oued.

17Le but du choix des S4, S5 ; S6 et S7 est d’étudier la contribution des polluants de la ville Moulay Idriss Zerhoun sur la qualité de l'eau de l’oued.

Échantillonnage et analyses

18L’établissement du calendrier des compagnes d’échantillonnage a pris en considération les conditions climatiques et les caractéristiques hydrologiques des sites (pluie, période des crues, etc.). Après une période des crues entraînant un charriage du fond, un délai de 10 à 15 jours a été respecté pour que l’oued puisse retourner à son état initial avant la crue. L’échantillonnage de l’eau et de la faune benthique a été effectué mensuellement au cours d’un cycle d’étude d’une année.

Étude des paramètres physico-chimiques

19A l’exception des bouteilles spéciales pour la mesure de la DBO et de l’oxygène dissous (flacon spécial à bouchon rodé à 250 ml), les flacons utilisés sont en polyéthylène d’un volume de 2 litres, lavés au préalable par l’acide chlorhydrique, puis successivement avec de l’eau de robinet et de l’eau distillée (Rodier et al., 2009). Le transport des échantillons au laboratoire est effectué dans des glacières à ±4°C.

20Pour les analyses physico-chimiques, nous avons adopté les techniques décrites par Rodier   etal., (2009). Au total, 12 paramètres sont étudiés. Nous distinguons les mesures in-situ (température de l’eau, potentiel hydrogène (pH) et conductivité) et les analyses au laboratoire [Chlorures, Sulfates, Dureté totale, Orthophosphates, Nitrates, Oxygène dissous, Demande biologique en oxygène pendant cinq jours (DBO5), Demande chimique en oxygène (DCO) et Matières en suspension (MES)].

Étude des macroinvertébrés benthiques

21Les Macroinvertébrés benthiques de l’Oued Khoumane ont été prélevés dans les 7 stations précitées à l’aide d’un échantillonneur de type « Surber » équipé d’un filet avec une maille d’ouverture de 500 μm et pourvu d’une base de surface de 1/20 m² et à l’aide d’un autre échantillonneur de type « troubleau» d’une largeur de 30 cm avec une maille d’ouverture de 600 μm.

22Sur le terrain nous avons procédé à un pré-tri de nos échantillons pour limiter les risques de détérioration de la faune et pour réduire le volume d’échantillon à fixer et donc celui du récipient. Chaque échantillon conservé dans un récipient adapté, est ramené au laboratoire pour tri, détermination et analyse. Au laboratoire, nous avons procédé au tri et à l’identification de notre faune à l’aide de la loupe binoculaire et du microscope optique. Après cette identification, ces organismes sont transvasés délicatement, à l’aide des pinces entomologiques, dans des récipients contenant de l’alcool à 85% (Oualad Mansour et al., 2009).

23La détermination des spécimens récoltés est réalisée en utilisant des ouvrages, collections et clés de détermination des macroinvertébrés : Poisson, 1957 ; Tachet et al.,1980 ; Amors, 1984 ; Tachet et al., 1987; Clergue–Gazeau, 1991; Dakki, 1992; Dommanget, 1994; Tachet et al., 2000; Diomande et al., 2000; Belqat et Dakki, 2004; Moisan, 2006; Tachet et al., 2006; Moisan, 2010; Martin et Ait Boughrous, 2012.

24Pour analyser les données, les principales méthodes statistiques multivariées utilisées dans notre travail s’appuient sur l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) et la classification ascendante hiérarchique (CAH) en utilisant le logiciel Statistica (version 2009).

25A fin de réduire les fortes disparités entre les abondances des taxons à forts effectifs et celles des taxons à faibles effectifs, nous avons procédé à une transformation des abondances en classes. Ainsi, à chaque couple taxon - station, nous avons associé une note d'abondance des individus de chaque taxon dans le peuplement définie (Tableau 1).  

26La matrice de données utilisées dans notre étude  correspond à la somme des valeurs de l'abondance de chaque taxon n dans la station p au cours des 12 campagnes de prélèvements. Cette méthode qui consiste à prendre la somme des abondances individuelle annuelle de chaque espèce s'est avérée efficace pour l'établissement d'une structure biotypologique des oueds. L'analyse multivariée de l’ensemble des données ni pi (avec n : taxon considéré et p : station retenue) positionne dans un espace de N dimensions les stations les unes par rapport aux autres en fonction de leurs peuplement. De même, les taxons sont classés en fonction de leurs profils d'abondance dans les différents milieux.

RESULTATS ET DISCUSSION

Étude des paramètres physico-chimiques

27L’objectif de la présente partie est la description des principales caractéristiques physiques et chimiques des eaux de l’oued, le suivi de leur évolution spatio-temporelle et la compréhension des mécanismes fondamentaux qui les régissent. Les résultats obtenus sont résumés dans le Tableau (2).

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28La variabilité spatiale des températures moyennes des eaux de l’Oued Khoumane, varie entre  18,8±5,22°C (en S1) et 24,84±6,42°C (en S3). Durant la période d’étude, les eaux de la station S3 ont présenté les températures les plus élevées. Les températures de l’eau mesurées dans toutes les stations de l’oued sont inférieures à 35°C, considérée comme valeur limite indicative pour les eaux destinées à l'irrigation (Norme Marocaine de qualité des eaux, 2002). Le déversement des eaux thermales de la source Ain Hamma Moulay Idriss réchauffe les eaux de l’oued et expliquerait les valeurs maximales enregistrées au niveau de S3. Le déversement, en aval de S3, des eaux de quelques sources naturelles (Ain Bousaid, Ain Rjal, Ain Oulili) dilue les eaux de l’oued et pourrait expliquer la diminution de la température (par rapport à S3) des eaux en aval.

29Les valeurs moyennes du pH des eaux de l’Oued Khoumane se trouvent dans la zone comprise entre 6,5± 0,47 et 6,75± 0,42.

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30Les eaux de l’oued sont caractérisées par une conductivité moyenne importante. Elle augmente de S1 vers S3, après elle diminue de S3 vers l’aval. L’Oued Khoumane passe ainsi d’une conductivité moyenne de 2024,25 ± 1493,04 μS/cm à 25 oC en S2 à 3024,83 ± 1487,96 μS/cm à 25oC en S3. Le déversement direct des eaux de la source thermale Moulay Idriss dans l’oued augmente sa conductivité. Les résultats obtenus nous permettent de conclure que les eaux de l’oued sont minéralisées. Cette minéralisation dépasse largement celle montrée dans les oueds : Tizguit (Touabay et al., 2002), Boufekrane (Lamrani et al., 2011) et Ouislane (Aboulkacem, 2007).

31Les teneurs moyennes en matières en suspension au niveau de l’oued augmentent selon un gradient croissant de l’amont (65,77 mg/L en S1) vers l’aval (420,39 mg/L en S6) ce qui concorde avec le résultat de la majorité des travaux effectués sur les cours d’eau superficielles du Maroc (Chahlaoui, 1996; El addouli, 2010; Aboulkacem, 2007; Karrouch & Chahlaoui, 2007; Lamrani et al., 2012). Les valeurs élevées sont probablement le résultat des manifestations hydrologiques (crues) et anthropiques (rejet important et inquiétant des margines dans l’oued pendant la période de trituration des olives et rejet des eaux usées).

32La variation spatiale des Chlorures dans les eaux de l’Oued Khoumane montre que les teneurs les plus élevées sont enregistrées dans les stations en aval. La comparaison des moyennes en chlorures révèle l’existence d’un gradient croissant de l’amont vers la station S3 puis, un gradient décroissant vers l’aval. La diminution des teneurs par rapport à celles en S3 est vraisemblablement liée à la dilution des eaux de l’oued par les sources d’eau recensées en aval (Ain Oulili, Ain Rjal). Les concentrations en chlorures enregistrées en aval sont supérieures à celles des eaux de l’oued en S1, ceci peut être expliqué par la contribution d’un apport anthropique qui peut être d’origine urbaine aussi bien qu’industrielle (eaux usées et des margines) et d’un autre apport important lié aux rejets directs des eaux de la source Ain Hamma Moulay Idriss très chlorées (Ben moussa et al., 2011), ainsi que les lessivages des sols sans oublier l’impact des effluents d’élevages surtout au niveau de la station S5. Les concentrations en chlorures des eaux de l’Oued Khoumane sont élevées comparativement à celles obtenues dans des études antérieures sur les deux oueds Boufekrane (Chahlaoui, 1996) et Ouislane (Aboulkacem, 2007); comme elles sont faibles par rapport à celles enregistrées en aval de l’Oued Bouishak (Karrouch, 2010) et en aval de l’Oued Moulouya (Makhoukh et al., 2011). Selon la classification proposée par Nisbet & Verneaux (1970), exception faite pour les eaux de la station S1 (échelonnées sur la classe 6), les eaux de l’oued présentent des teneurs échelonnées sur la classe 7, qui correspond aux eaux plus ou moins polluées.

33Les concentrations moyennes en sulfates dans les eaux de l’oued augmentent de S1 (105±74,19 mg/L) vers S3 (890,44±335,68 mg/L) puis diminuent de S3 vers S7 (371,50±142,64 mg/L) tout en restant supérieures à la moyenne notée en S1. Les apports anthropiques (surtout les effluents urbains) et les apports de la source Ain Hamma (Ben moussa et al., 2011) contribuent à l’enrichissement de l’oued en sulfates. Ces apports sont dilués en aval par les eaux de certaines sources (Ain Oulili, Ain Rjal) ce qui explique la diminution des teneurs de ce paramètre en aval de S3.

34L’évolution spatio-temporelle de la dureté totale montre un gradient croissant des teneurs de la dureté totale de l’amont de l’oued vers S3 puis, un gradient décroissant de S3 vers l’aval (S7). L’augmentation de la dureté totale des eaux le long de l’oued est vraisemblablement liée d’une part, à la nature des terrains calcaires traversés dans la région et d’autre part, par le déversement des eaux thermales de la source Ain Hamma Moulay Idriss très dures (190,58±21,04 ºf) (Ben moussa et al., 2011) et par les apports anthropiques rejetés directement dans l’oued. A titre de comparaison, d’après Karrouch (2010), la dureté totale au niveau de l’Oued Boufekrane et l’Oued Ouislane variait respectivement entre 26,4 ºf et 76 ºf et entre 30 ºf et 116 ºf, alors que dans l’Oued Bouishak elle est remarquablement élevée (supérieur à 200 °f en moyenne).

35Le suivi des teneurs en nitrates révèle l’existence d’un gradient croissant de l’amont vers l’aval. Ce gradient est lié au gradient croissant de degré de pollution en se dirigeant vers la ville de Moulay Idriss Zerhoun. La zone en aval reçoit davantage les apports polluants (eaux usées de la ville, effluents d’élevages d’animaux, lixiviats des décharges sauvages; eaux de drainage des terrains agricoles, etc.).

36Les concentrations des orthophosphates enregistrées durant la période d'étude montrent des variations importantes. Dans le tronçon amont de l’oued (stations S1, S2 et S3), les teneurs en orthophosphates sont les plus faibles (< 1,75 ±0,84 mg/L), ce qui s’explique par l’absence d’effluents polluants importants. Ces teneurs deviennent de plus en plus importantes vers le tronçon aval en marquant 4,34 ±2,35 mg/L en S6. L’augmentation des teneurs en orthophosphates dans les stations en aval pourrait s’expliquer par l’impact des activités agricoles et les rejets domestiques chargés en orthophosphates. Toutefois les teneurs enregistrées restent inférieures à celles enregistrées par Karrouch (2010) au niveau des eaux des Oueds Boufekrane, Ouislane et Bouishak, et supérieures aux teneurs enregistrées dans les Oueds Merazig et Guenniche en Tunisie (Hammami et al., 2005).

37L’analyse de nos résultats montre que la DCO évolue selon un gradient croissant de l’amont vers S6. Les valeurs moyennes sont comprises entre 70,95±19,59 mg/L enregistrée en S1 et 527,61±196,58 mg/L en S6. Les eaux des stations situées en aval sont caractérisées par une charge importante en pollution. En effet, nous avons enregistré respectivement au niveau des stations S4, S5, S6 et S7 des valeurs moyennes de DCO suivantes : 413,88 ±145,43 mg/L, 430,85 ± 169,11 mg/L, 527,61 ± 196,58 mg/L et de 518,12 ± 192,91 mg/L.

38Les valeurs enregistrées, en DBO5, au niveau des stations de l’oued S1, S2 et S3 sont relativement faibles par rapport aux autres stations avec des valeurs respectivement de 6,92 ± 3,35 mg/L; 43,42 ± 16,31 mg/L et 56,18 ± 23,11 mg/L. La situation est différente au niveau des stations en aval. Une augmentation des valeurs est observée au voisinage de l'agglomération de la ville de Moulay Idriss Zerhoun; ainsi les valeurs de 145,44±61,03 mg/L; 149,78 ±61,96 mg/L; 192,35 ±65,85 mg/L et de 190,89 ±74,34 mg/L sont enregistrées respectivement en S4, S5, S6 et S7. Ceci pourrait être dû aux polluants déversés par les populations riveraines, notamment les produits d'origine domestique et agricole (eaux usées et effluents des élevages riches en matières organiques et en substances nutritives).

39Selon nos résultats, la comparaison des valeurs moyennes de l’oxygène dissous révèle en général un gradient amont-aval de l’oued : ces teneurs diminuent de l’amont vers S3, presque se stabilisent entre S3, et S5, puis diminuent en S6 pour augmenter en S7.

Typologie de la structure du peuplement benthique de l’Oued Khoumane

40L’inventaire faunistique récapitulé (Tableau 3), montre la répartition quantitative des peuplements dans les différentes stations échantillonnées.

41Au total, les échantillons récoltés durant la période d’étude au niveau de toutes les stations de l’oued, renferment 17124 spécimens appartenant à 40 Familles et à 60 espèces appartenant aux Annélides, Mollusques et Arthropodes.

42La répartition de ces organismes par station, varie entre 441 et 6298 spécimens. Ces variations spatiales pourraient être attribuées aux caractéristiques du biotope. En effet, un cours d’eau perturbé peut créer des conditions défavorables pour certains organismes et modifier la structure de leur communauté. Sous des conditions altérées, les organismes aquatiques sensibles aux perturbations émigrent, ou meurent, cédant la place à d’autres organismes plus tolérants.

43D’après cet inventaire, nous constatons la présence d’espèces à large distribution, qui figurent dans l'ensemble des stations, et d’espèces exclusives localisées dans une seule station ou dans des stations bien déterminées.

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44Les résultats de l’analyse de la matrice des données « 60 taxons × 7 stations » (Tableau 4),  révèlent que les deux premiers axes factoriels totalisent un pourcentage d’inertie de  67,26%  (F1 : 35,10%; F2 : 32,16) (Tableau 5).

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45La Figure (2), présente les résultats de l’AFC réalisée sur la matrice des 7 stations* 60 taxons. Ainsi, nous pouvons signaler que:

  • Sur l’axe F1, les stations S4, S5, S6 et S7sont corrélées négativement  avec cet axe et correspondent aux eaux polluées et menacées par les rejets domestiques de la ville de Moulay Idriss Zerhoun et par les eaux thermales de la source Ain Hamma Moulay Idriss. Le degré de pollution élevé dans ces stations pourrait expliquer l’abondance des espèces polluo-résistantes dans ces zones. Parmi ces organismes, nous citons essentiellement les taxons :Eiseniella sp. (T1), Tubifex tubifex (T3) et Chironominus sp. (T12); ainsi que Tanytarsus sp. (T13), Haplotaxis sp. (T2), Hirudo medicinalis (T4), Helobdella (T5), Glossiphonia (T6).

  • L’axe factoriel F2 :

46* Sur l'axe F2, on note que les stations S1 et S2 présentent une forte contribution négative avec cet axe. Trois taxons très polluo-sensibles ont une forte contribution avec cet axe: Capnia sp. (T18), Capnioneura sp. (T19), Leptophlebia sp. (T36) et à un degré moindre : Epeorus sp. (T39), Potamanthus sp. (T42) et Rhithrogena sp. (T44). Le premier facteur traduira donc l'importance relative des 6 espèces dans le peuplement; ces espèces caractérisent les stations S1 et S2 correspondant aux stations les moins polluées.

47* De plus, nous notons que la station S3 présente une contribution positive avec cet axe. C’est une station qui se situe en aval direct de la source thermale Ain Hamma Moulay Idriss et qui est caractérisée par des eaux plus minéralisées et plus chaudes que les autres eaux de l’Oued Khoumane. D’après la figure (2), nous notons que le peuplement contribuant à la constitution de cet axe appartient essentiellement à l’ordre des odonates : Cordulegaster sp. (T55), Orthetrum sp. (T56), Platycnemis sp. (T57), Sympecma sp. (T58), Gomphus sp. (T59), Ischnura sp. (T60). D’autres macroinvertébrés contribuent aussi à moindre degré à ce peuplement, il s’agit des taxons Noterus sp. (T29),  Enochrus sp. (T30) et le taxon Libellula sp. (T53).

  • Dans un espace constitué par les deux  axes F1 et F2, l’axe F2 oppose nettement  le groupe constitué par les stations S1 et S2 en position négative au groupe constitué par la  station S3, en position positive.

48L’axe F1 permet la distinction du groupe formé par les stations recevant les eaux domestiques  (S4, S5, S6 et S7).

49La classification ascendante hiérarchique de nos données permet  de visualiser la distribution des stations sur la base des variables faunistiques (Figure 3).

50Ainsi, l’analyse statistique nous a permis d’individualiser en général les stations de l’Oued Khoumane en quatre classes (Tableau 6).

51Le dendrogramme de cette classification est illustré par la Figure 4 :

  • C1 : une classe correspondant à la station S1, pollution faible, plus oxygénée et moins polluées microbiologiquement. Le peuplement faunistique dans cette zone est diversifié avec la présence des taxons polluo-sensibles.

  • C2 : cette classe correspond à la station S2 : plus polluée que S1 et non menacée directement par les rejets de la source thermale A2 et par les rejets domestiques de la ville de Moulay Idriss Zerhoun. Au niveau de cette zone, la faune est assez diversifiée.

  • C3 : classe de la station S3, les eaux de cette zone sont plus menacées par les eaux thermales de la source thermale A2. Cette une station très minéralisée et correspond aux eaux avec des températures élevées. La faune de cette zone est représentée essentiellement par les Odonates. Ceci nous permet de dire que peut être les odonates sont des organismes qui préfèrent ou supportent des eaux avec un degré de minéralisation élevée et des températures de l’eau assez élevées comme celles enregistrées dans notre étude.

52 C4 : cette classe regroupe les stations très polluées (S4, S5, S6 et S7).

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CONCLUSION 

53L’effectif du peuplement benthique a montré que les Oligochètes, les Diptères, les Hétéroptères et les Trichoptères sont dominants.  Les Crustacés, les Coléoptères et les Odonates ne constituent qu’une faible fraction de la faune récoltée. Les taxons Tubifex tubifex (3060 individus), Hydropsyche (2657 individus), Physaacuta (2138 individus), Chironominus sp. (1832 individus), Micronecta (1688 individus) sont les plus représentés numériquement.

54La richesse spécifique de l’Oued dépend des conditions écologiques au niveau de chaque station; elle est d'autant plus élevées que le biotope est hétérogène et moins influencée par les activités anthropogéniques. L’Oued Khoumane est un cours d’eau que nous pouvons considérer comme pauvre en faune (quant à la présence/absence des taxons et leurs abondance); comparé à la faune inventoriée dans l’Oued Boufekrane (l’Oued le plus étudié dans la région de Meknès).

55L'analyse de la structure biotypologique (Plan F1 x F2 de l'A.F.C) de l’Oued Khoumane montre que plus on avance vers l'aval, plus nous assistons au remplacement des taxons polluo-sensible tel que les Plécoptères et les Éphéméroptères par les taxons polluo-tolérants comme les Chironomidae et les Oligochètes.

Bibliographie

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Para citar este artículo

Ben Moussa A., Chahlaoui A. & Chahboune M., «Typologie des eaux superficielles de l’Oued Khoumane. Moulay Idriss Zerhoun, Maroc», Entomologie faunistique - Faunistic Entomology [En ligne], Volume 71 (2018), URL : https://popups.uliege.be/2030-6318/index.php?id=4174.

Acerca de: Ben Moussa A.

Laboratoire de Santé Publique (SRES)  Délégation de la Santé, Avenue Nihrou Ville, Nouvelle Meknès 5000. Maroc. Email :alidoctorant@gmail.com

Acerca de: Chahlaoui A.

Équipe de Gestion et Valorisation des Ressources Naturelles, laboratoire de l’environnement et Santé, Faculté des Sciences de Meknès, Département de Biologie. Faculté des Sciences, Université Moulay Ismail, BP 11 201 Zitoune Meknès, Maroc.

Acerca de: Chahboune M.

Laboratoire des Sciences et Technologies de la santé, Institut Supérieur des Sciences de la Santé, Université Hassan premier, Settat, Maroc.