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- Volume 73 (2020)
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Pachytomella parallela (Meyer-Dür 1843) enfin détecté en Belgique (Hemiptera, Miridae)
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Reçu le 18 novembre 2019, accepté le 22 juin 2020
Résumé
En 2019, Pachytomella parallela (Meyer-Dür 1843) est trouvé pour la première fois en Belgique où sa présence était supposée depuis longtemps. Un premier individu mâle a été collecté le 9 juillet 2019 à Gosselies (province de Hainaut) et deux autres le 27 septembre 2019 à Esneux (province de Liège). Cette espèce largement distribuée en Europe et vivant sur diverses graminées est fort probablement passée inaperçue par manque de recherche.
Abstract
In 2019, Pachytomella parallela (Meyer-Dür 1843) was found for the first time in Belgium, where its occurrence had been long time presumed. A first male specimen was collected on 9.VII.2019 at Gosselies (province of Hainaut) and two others males on 27.IX.2019 at Esneux (province of Liège). This widely distributed plant bug in Europe which living on various grasses has most probably been unrecorded before due to a lack of specific research.
1Les Miridae représentent la famille la plus riche de tous les Hétéroptères et comptent pas moins de 231 espèces en Belgique sur base de la synthèse la plus actuelle (Aukema et al., 2014). Cette richesse doit cependant être considérée comme minimale étant donné le nombre élevé d’espèces (> 80 !) signalées des régions limitrophes et donc susceptibles d’être trouvées un jour sur le territoire belge.
2L’une d’elles, Pachytomella parallela (Meyer-Dür 1843), dont la présence était présumée depuis longtemps, a été découverte seulement en 2019 dans deux localités wallonnes assez éloignées. Ces observations sont décrites et commentées ci-après.
2. Matériel et méthodes
3Les observations peuvent être qualifiées de fortuites et ne sont le fruit d’aucune recherche orientée, même si l’auteur s’intéresse aux Miridae depuis une vingtaine d’années. La première trouvaille (un mâle) a été effectuée dans le cadre d’un diagnostic biologique du Bois-Lombut à Gosselies, à la demande du propriétaire. La seconde (deux mâles) a eu lieu au cours d’un bref inventaire entomologique à la fin d’une journée de détente passée entre collègues à Esneux.
4Collectées au filet fauchoir parmi la végétation herbacée, les punaises ont été préparées et collées classiquement sur paillette, et ensuite identifiées à l’aide des ouvrages classiques de Wagner & Weber (1964) et Wagner (1974) complétés par la récente révision de Namyatova (2010). L’identité a été confirmée par l’examen des pièces génitales, illustrées en détail par ce dernier auteur. Deux spécimens de référence sont déposés dans les collections entomologiques de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB).
3. Résultats
5Le 9 juillet 2019, un premier mâle de Pachytomella parallela est découvert dans le Domaine du Bois-Lombut, à Gosselies (province de Hainaut, UTM 31UFR0391, altitude 175 m). L’endroit est un vaste parc paysager de 110 hectares, en grande partie classé comme site (Arrêté royal du 7 mai 1943)1, et actuellement enclavé dans une zone densément urbanisée en périphérie nord de l’aéroport de Charleroi. Cette propriété s’articulant autour d’un château et de ses dépendances comprend des prairies de fauche, des pâtures, des bosquets, un chapelet d’étangs ainsi que quelques terres cultivées. La punaise a été récoltée en fin de journée, au bord d’un chemin traversant des prairies et joignant le pavillon au château, en présence des Poaceae Agrostis capillaris L. et Holcus lanatus L. Trois autres Miridae ont été noté sur place, à savoir Lopus decolor (Fallén 1807), Leptopterna dolabrata (Linnaeus 1758) et Stenotus binotatus (Fabricius 1794).
6Le 27 septembre 2019, l’espèce est détectée 80 km plus à l’est, à Esneux, au lieu-dit « Heid des Corbeaux » (province de Liège, UTM FS8000, altitude 180 m). Les deux spécimens mâles y sont récoltés, comme à Gosselies, au filet fauchoir peu avant le coucher du soleil. Le biotope est une clairière herbeuse d’environ 1,5 hectare aménagée par la commune d’Esneux comme aire de pique-nique sur un plateau forestier, en rive gauche de l’Ourthe. La prairie, en légère pente orientée au nord, comprend diverses Poaceae comme Arrhenatherum elatius (L.) P.Beauv. ex J.Presl & C.Presl, Holcus lanatus, Festuca rubra L., Agrostis capillaris, etc. ; elle jouxte le site Natura 2000 BE33014 dénommé « Vallée de l’Ourthe entre Comblain-au-Pont et Angleur ». Le seul autre Miridae observé au même moment dans la station est le très commun Stenodema laevigata (Linnaeus 1758).
7La localisation de ces observations est illustrée sur la carte jointe
Figure 1: Localisation des observations de Pachytomella parallela (Région wallonne).
4. Discussion
8Au nombre de 6 dans la région paléarctique (Kerzhner & Josifov, 1999), les espèces du genre Pachytomella Reuter 1890 sont classées dans la sous-famille Orthotylinae et la tribu Halticini, au même titre que les genres Halticus Hahn 1832, Orthocephalus Fieber 1858 ou encore Strongylocoris Blanchard 1840 pour ne citer que les taxons belges.
9Ce sont de petites punaises noires ou brun foncé caractérisées au stade adulte par leur tête transverse, leurs téguments relativement luisants et couverts seulement de poils simples et courts, leurs appendices (pattes et antennes) dépourvus de structures particulières et le plus souvent de couleur sombre. La plupart des Pachytomella sont dimorphiques, c’est-à-dire que les individus adultes ont une apparence différente selon le sexe : ainsi, chez les mâles, le corps est plutôt allongé et les hémélytres généralement bien développés (macroptères), alors que les femelles sont plus robustes avec des hémélytres raccourcis (brachyptères).
10Les six espèces paléarctiques ont été revues par Wagner (1974) et plus récemment par Namyatova (2010) qui fournit notamment des clés, des données morphométriques ainsi que des illustrations des habitus et des pièces génitales des deux sexes.
11Pachytomella parallela (Figure 2) arbore une coloration entièrement noire à brun noir, à l’exception de la partie centrale des hémélytres du mâle qui est habituellement un peu éclaircie. En outre, les genoux des pattes sont en règle générale étroitement décolorés (extrémités apicales des fémurs et bases des tibias jaunâtres ou brunâtres) et ce aussi bien chez le mâle que chez la femelle. La taille varie (d’après Namyatova, 2010) entre 2,8 et 4 mm pour les mâles et de 2 à 2,3 mm pour les femelles. L’espèce est morphologiquement très proche de Pachytomella passerinii (A. Costa 1842) qui a les pattes toujours uniformément noires, des genitalia distincts et une distribution nettement plus méridionale (Namyatova, 2010).
12C’est de loin le Pachytomella le plus largement réparti en Europe: sur Fauna Europaea (Aukema, 2013), sa présence est établie avec certitude dans 21 Etats : Allemagne, Andorre, Autriche, Bulgarie, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suisse, Ukraine. Elle reste en outre à confirmer au Portugal. Il s’agit, avec Teratocoris saundersi Douglas & Scott 1869, d’un des deux seuls Miridae trouvés en Islande (Wheeler & Skaftason, 2010)2.
13Les adultes se rencontrent de mai à novembre en une génération annuelle, voire peut-être deux dans les régions de basse altitude (Wachmann et al., 2004; Aukema & Hermes, 2014). L’espèce passe la période hivernale sous la forme d’œuf et se développe aux dépens de différentes Poaceae (Wachmann et al. (2004) citent notamment Lolium, Poa, Calamagrostis, Holcus, Deschampsia, Phleum, Nardus)3 et probablement d’autres végétaux dont des Rosaceae du genre Potentilla (selon Southwood & Leston, 1959; Achtziger & Scholze, 1997; Gorczyca, 2007 et d’autres). Elle habite les prairies et les pâtures sèches à humides, voire marécageuses, dans des situations éclairées à modérément ombragées, depuis les plaines jusqu’aux montagnes à plus de 1600 mètres d’altitude. D’après certains auteurs, dont Dorow et al. (2004), Pachytomella parallela serait à considérer comme un élément de la faune boréo-montagnarde.
14D’une manière générale, Pachytomella parallela apparaît comme une espèce assez sporadique et plutôt rare, mais elle peut se révéler avec une certaine fréquence dans quelques contrées particulièrement propices à l’insecte (et qui ont fait l’objet de recherches orientées sur les Miridae). C’est ainsi que pour le territoire français, où la distribution du Miridae semble présenter de vastes lacunes, Ehanno (1987) indique qu’il s’observe, parfois en nombre, dans les massifs montagneux (Vosges, Massif central, Pyrénées, Jura, Alpes ?). En Alsace, Callot (2018) le dit assez commun et même localement très abondant dans les Hautes Vosges, tandis que Streito et al. (2014) estiment qu’il est répandu en Lorraine. En Allemagne aussi l’espèce peut abonder dans certains secteurs, particulièrement ceux sous influence océanique (Wachmann et al., 2004), comme par exemple à Rees, dans la vallée du Rhin peu avant son entrée aux Pays-Bas, où elle a été récoltée en grande quantité par H. Günther (in Bernhardt & Handke, 1988). Mais la situation sans doute la mieux documentée est celle des Pays-Bas, précisément, où la punaise est très commune et distribuée dans toutes les provinces selon Aukema & Hermes (2014) !
15Cette dernière indication rend d’autant plus étonnante et incompréhensible la découverte si tardive de Pachytomella parallela sur le territoire belge, alors que des localités néerlandaises frontalières sont connues depuis longtemps. Précisons encore qu’en dehors des deux localités décrites ici, il ne m’a pas été possible de trouver la moindre observation documentée sur les principaux portails naturalistes de portée belge (observations.be, OFFH, GBIF, …), pourtant riches de centaines de milliers de données d’Hétéroptères de provenances très diverses.
16Pour clore cette note, on soulignera avec intérêt l’occurrence remarquable et inattendue de Pachytomella doriae (Reuter 1884) dans le nord de la France (département de l’Aisne) signalée par Namyatova (2010), alors que ce taxon était seulement connu de Tunisie, du Maroc, d’Espagne et plus récemment de Syrie !
Figure 2: Pachytomella parallela mâle. L. 3,5 mm (photo J.-Y. Baugnée).
5. Remerciements
17Je tiens à remercier Mr le Vicomte Louis le Hardy de Beaulieu, propriétaire du Domaine du Bois-Lombut, pour son accueil bienveillant en juillet dernier, ainsi que plusieurs de mes collègues de la Direction de la Nature et de l’Eau (SPW-DEMNA): Frédéric Chérot, Cédric Delannoy, Luc Derochette et Yvan Barbier. Merci aussi à Jean-Yves Zimmer pour la relecture du texte.
Bibliographie
Achtziger R. & Scholze W., 1997. Seltene und gefährdete Wanzenarten aus Bayern. Beiträge zur bayerischen Entomofaunistik, 2, 23-38.
Aukema B., 2013. Fauna Europaea : Hemiptera Heteroptera. Fauna Europaea version 2017.06, https://fauna-eu.org, (04/11/2019).
Aukema B. & Hermes D.J., 2014. Verspreidingsatlas Nederlandse wansten (Hemiptera : Heteroptera). Deel III : Cimicomorpha II (Miridae). EIS Kenniscentrum Insecten en andere ongewervelden, Leiden, 296 p.
Aukema B., Chérot F., Viskens G. & Bruers J., 2014. Atlas des Miridae de Belgique (Insecta: Heteroptera). Faune de Belgique, Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique, 311 p.
Bernhardt K.-G. & Handke K., 1988. Bemerkenswerte Arthropodenfunde aus dem Emsland. Natur und Heimat, 48(4), 100-112.
Callot H., 2018. Liste de référence des Hétéroptères d'Alsace. Check-list of the Heteroptera of Alsace. Société Alsacienne d'Entomologie, 80 p. - www.societe-alsacienne-entomologie.fr, (04/11/2019).
Dorow W.H.O. et al., 2004. Rote Liste und Standardartenliste der Landwanzen Hessens (Heteroptera: Dipsocoromorpha, Leptopodomorpha, Cimicomorpha, Pentatomomorpha) mit Angaben zu Gefährdungsursachen und Habitatkorrelationen. Rote Listen der Pflanzen- und Tierarten Hessens, 80 p.
Ehanno B., 1987. Les Hétéroptères Mirides de France. Tome II B: Inventaire biogéographique et atlas. Inventaires de Faune et de Flore, fascicule 42, Muséum National d’Histoire Naturelle et Secrétariat de la Faune et de la Flore, ix + 426 p.
Gorczyca J., 2007. Plant bugs (Heteroptera: Miridae) of Poland. Part I. Subfamilies Isometopinae, Deraeocorinae, Bryocorinae, Orthotylinae, Phylinae. Catalogus faunae Poloniae, Natura optima dux Foundation, 216 p.
Kerzhner I.M. & Josifov M., 1999. Cimicomorpha II : Miridae. In: Aukema B. & Rieger C. eds, Catalogue of the Heteroptera of the Palaearctic Region, vol. 3. The Netherlands Entomological Society, Wageningen, xiv + 577 p.
Namyatova A.A., 2010. Revision of the genus Pachytomella (Heteroptera: Miridae: Orthotylinae: Halticini). Acta Entomologica Musei Nationalis Pragae, 50(2), 341-368.
Southwood T.R.E. & Leston D., 1959. Land and water bugs of the British Isles. Frederick Warne & Co. Ltd., London, 436 p.
Streito J.-C., Dabry J., Pichenot J. & Jacquemin G., 2014. Liste de référence des insectes de Lorraine. Heteroptera 2è édition. Société Lorraine d’Entomologie, 56 p.
Wachmann E., Melber A. & Deckert J., 2004. Wanzen. Band 2. Die Tierwelt Deutschlands 75. Teil. Goecke & Evers, Keltern, 288 p.
Wagner E., 1974. Die Miridae Hahn, 1831 des Mittelmeerraumes und der Makaronesischen Inseln (Hemiptera, Heteroptera). Teil 2. Entomologische Abhandlungen Staatlichen Museum für Tierkunde in Dresden, 39 (Suppl.) (1973), ii + 421 p.
Wagner E. & Weber H.H., 1964. Hétéroptères Miridae. Faune de France 67. Fédération Française des Sociétés de Sciences Naturelles, Paris, 590 p.
Wheeler A.G. & Skaftason J., 2010. Notes on the feeding behavior of Teratocoris saundersi (Hemiptera: Miridae) in Iceland: phytophagy, zoophagy, and adventitious biting. Acta Entomologica Musei Nationalis Pragae, 50(1), 45-52
Voetnoten
1 L’endroit figure également à l’inventaire des Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB) de la Région wallonne : http://biodiversite.wallonie.be/fr/3430-domaine-du-bois-lombut.html?IDD=251661946&IDC=1881
2 Une fiche descriptive accompagnée d’une carte de distribution en Islande est présentée sur le site internet https://www.ni.is/biota/animalia/arthropoda/hexapoda/insecta/hemiptera/miridae/pachytomella-parallela
3 Voir aussi la compilation bibliographique d’A. Müller publiée sur la page https://www.natur-in-nrw.de/HTML/Artenlisten/pflanzenwanzen.html