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L’histoire politique, la mémoire et leur réception dans les médias belges, 2004-2014
Table des matières
1Le couple histoire-mémoire est l’un de ceux qui provoquent, dans la sphère des historiens professionnels, les débats les plus passionnés et les interrogations les plus nombreuses1. Comment concilier demande sociale, devoir de mémoire et recherche scientifique sans concessions ? Cette dernière interrogation renvoie, par exemple, à la notion des « valeurs » supposées justifier ou accompagner la recherche historique2. En outre, dans une société où l’évaluation et la promotion des enseignants-chercheurs n’est pas indépendante de la demande sociale (et donc, dans une certaine mesure, de leur disponibilité médiatique), la question du rapport de la presse à l’histoire politique et à la mémoire se pose avec acuité.
2À la fois acteurs et observateurs du champ historico-médiatique belge, nous entendons nous interroger, comme historiens, sur la manière dont la presse écrite belge traite de l’actualité de la recherche en histoire politique. Quels sont les ouvrages et les thèmes qui font l’objet d’une couverture médiatique et comment expliquer les choix opérés ? L’histoire est-elle traitée par des spécialistes et le parcours de ceux-ci peut-il expliquer les options qu’ils prennent ? Dans quelle mesure peut-on vérifier l’assertion selon laquelle il existe en Belgique deux opinions publiques (au moins…), deux sphères médiatiques et, partant, deux mémoires collectives3 ? Notre terrain d’analyse couvre la dernière décennie et notre corpus de presse rassemble les principaux quotidiens et magazines diffusés en Belgique (Le Soir, La Libre Belgique, La Dernière Heure, Le Vif/L’Express, Le Soir Magazine, De Standaard, De Morgen, Het Laatste Nieuws et Knack)4. Nous y avons recherché les articles de fond et recensions d’ouvrages concernant l’histoire politique de la Belgique contemporaine et avons confronté cette liste à celle des publications ayant fait l’objet de comptes rendus dans les principales revues scientifiques nationales (Revue Belge de Philologie et d’Histoire, Revue Belge d’Histoire Contemporaine et Cahiers d’Histoire du Temps Présent, les deux dernières revues ayant fusionné en 2012).
3Le premier constat est celui d’une histoire de Belgique qui émerge dans la presse autour de quatre thématiques principales : les grandes synthèses ou les (séries d’) ouvrages présenté(e)s comme telles ; les questions linguistiques et communautaires ; l’histoire coloniale ; la Seconde Guerre mondiale sous deux aspects (la persécution des Juifs et les questions de collaboration et de répression). D’emblée, on peut en déduire que le poids des problématiques et des débats politiques les plus récents guide ou influence largement l’attention portée à l’histoire et à la parole des historiens. Ainsi, l’évocation de la responsabilité des pouvoirs publics belges dans les déportations ou celle de la collaboration wallonne sont teintées d’une évidente actualité politique. De la même manière, la recherche sur le passé colonial de la Belgique est parfois instrumentalisée pour atteindre, par ricochet, l’institution monarchique et une partie de la presse conforte cette lecture. Le fait que plusieurs figures très médiatisées du champ politique soient des historiens (Ph. Moureaux, H. Hasquin et, bien sûr, Bart De Wever) joue peut-être un rôle dans cet intérêt affiché pour l’histoire ou, du moins, pour une histoire « utile », dotée de ce qu’il est désormais convenu d’appeler un « impact soci(ét)al ».
4Un deuxième constat, quantitatif et qualitatif, conduit à pointer, tant au Nord qu’au Sud, une importante disparité dans l’attention portée à l’histoire politique. En Belgique francophone, c’est La Libre Belgique (LLB) et Le Vif qui lui consacrent le plus d’intérêt, comme en témoignent le nombre d’articles publiés et d’ouvrages présentés mais aussi la teneur des billets et recensions. Là où La Dernière Heure se contente souvent de reprendre les communiqués de presse des éditeurs ou de proposer des présentations factuelles, La Libre Belgique, sous la plume de Christian Laporte, arrivé du Soir en 2004, offre des articles alternant réflexion de fond et billets d’humeur. Si Le Soir (LS) est au rendez-vous des grandes parutions, il privilégie les interviews d’auteurs aux analyses et décryptages de ses propres journalistes, même si la thématique coloniale, souvent traitée par Colette Braeckman, spécialiste de l’Afrique centrale, ou l’essayiste William Bourton, fait exception.
5Dans Le Vif, l’histoire est régulièrement présente, notamment par le biais de dossiers ou de séries, plus encore qu’au travers des nouveaux ouvrages parus. Le magazine se veut accrocheur et s’emploie à rebondir sur des questions parfois polémiques, qu’il s’agisse du « nationalisme wallon » (20/09/2013), dans la foulée d’une déclaration de Rudy Demotte, ou que soit menée une enquête sur la place ténue encore réservée à l’histoire de Belgique dans l’enseignement secondaire (10/12/2010) ou la connaissance collective des Belges (1/12/2006). Du côté flamand, les deux organes de presse les plus férus d’histoire sont De Standaard (DS) et Knack, que l’on pourrait qualifier de correspondants néerlandophones de La Libre et du Vif. Pour Knack et Le Vif d’ailleurs, la parenté est affichée par le groupe Roularta et les partages d’articles ou de sujets ne sont pas rares. Si De Standaard et La Libre Belgique n’ont aucun lien organique, ils sont historiquement les deux grands quotidiens d’inspiration catholique en Belgique. Comme Laporte du côté francophone, l’historien Marc Reynebeau, arrivé au Standaard en 2003 après plus de vingt ans à Knack, fournit des articles souvent bien documentés et parsemés d’opinions personnelles. Dans Het Laatste Nieuws et, dans une moindre mesure, De Morgen, les articles concernant l’histoire ne sont pas régulièrement signés. Ils sont aussi beaucoup plus factuels et, comme les deux quotidiens appartiennent à De Persgroep, il n’est pas rare de voir les mêmes textes reproduits.
6Nous n’avons pas intégré dans notre corpus les publications sur la Première Guerre mondiale qui, au moment du centenaire, mériteraient une analyse spécifique. De même, les travaux sur la Communauté germanophone n’ont pas été pris en compte avant tout parce que leur réception présente des caractéristiques très spécifiques et s’éloigne des thématiques évoquées dans le texte5.
Histoire(s) de Belgique : histoire politique et enjeux communautaires
7Au cours des dix dernières années, deux entreprises éditoriales d’ampleur et d’ambitions très différentes ont cherché à renouveler le champ de la synthèse d’histoire nationale : la Nouvelle histoire de Belgique (post-1830)6, de haute tenue scientifique, et L’histoire de la Belgique pour les nuls7, qui fait le pari de la vulgarisation intelligente en remontant à la Préhistoire. Dans les deux cas, les ouvrages ont bénéficié d’une publication simultanée en français et en néerlandais, ce qui est loin d’être automatique et souligne déjà un volontarisme dans le chef des auteurs. Les deux projets ont d’ailleurs largement axé leur communication sur leur caractère transcommunautaire. Ainsi, les co-directeurs de la Nouvelle histoire de Belgique disent avoir rassemblé des auteurs flamands et francophones qui, en toute liberté, ont pu démontrer qu’une histoire « nationale » était encore possible et que les divergences d’interprétation étaient minimes voire inexistantes dans la sphère scientifique, y compris sur l’histoire coloniale ou l’épuration8. Cette vision très irénique recèle un message politique et s’inscrit en faux contre une écriture régionale ou régionaliste de l’histoire, présentée comme anachronique. Un tel discours épouse et renforce le courant de pensée dominant dans la presse francophone belge, essentiellement bruxelloise, qui réserve à l’entreprise un accueil très favorable – dithyrambique même chez C. Laporte9. Nombre d’articles paraissent à la sortie des premiers tomes en 2005 mais aussi pour les volumes suivants, jusqu’en 2009, et lors de la réédition complète de fin 2010. La presse audiovisuelle n’est pas en reste. En décembre 2010, les co-directeurs ont les honneurs de la Chambre des Représentants et de plusieurs émissions spéciales de La Première et de Bel-RTL10.
8Toutefois, à y regarder de près, aucun des ouvrages de la série n’est vraiment le résultat d’un regard croisé entre historiens flamands et francophones. Un seul tome est réellement écrit à quatre mains et celles-ci sont francophones. Le premier « argument de vente » de la série semble donc bien devoir être relativisé. C’est sans doute en référence à cette expérience que les auteurs de L’Histoire de la Belgique pour les Nuls, le Flamand Fred Stevens (KUL) et le Wallon Axel Tixhon (UNamur) ont tant insisté, au moment sa sortie, sur leur propre mode opératoire, présenté comme différent. Dans une interview au Soir, Fred Stevens explique que chaque chapitre a été pensé à deux et qu’une grande convivialité a présidé à toute l’entreprise11. Tixhon ajoute cependant qu’il n’y a pas, dans l’ouvrage, de « véritable vision de l’histoire de la Belgique »12. Ni finalisme, ni profession de foi.
9Sur la réception des deux ouvrages, force est de constater un accueil moins enthousiaste au Nord qu’au Sud. En témoignent l’absence d’une version flamande de la réédition de la Nouvelle histoire de Belgique fin 201013 et la moindre attention accordée par les médias flamands. La Nieuwe geschiedenis van België est certes annoncée dans la presse mais non comme un réel « événement » historiographique. En outre, le journal qui lui accorde la couverture la plus large, De Standaard, ne se prive pas de formuler quelques remarques critiques. Selon M. Reynebeau, la série est très classique, tant par la priorité donnée à l’histoire politique que par son respect des grandes césures chronologiques. En outre, le chroniqueur observe que « uit de ‘Nieuwe geschiedenis van België’ spreekt niet één grote visie », ce qui renvoie à l’idée qu’il s’agit bien plus d’une œuvre aux points de vue multiples que d’une véritable synthèse. L’un des éditeurs, le Flamand Emmanuel Gerard, le reconnaît : « Eigenlijk zijn dit geschiedenissen van België. […] Elke auteur schrijft naar eigen inzicht, anders zou het een eenheidsworst geworden zijn »14. Alors que l’on insiste, côté francophone, sur la vision partagée d’une même histoire, l’accent est mis, dans la presse flamande, sur la diversité des approches, sur LES histoires de Belgique.
10Si la Nouvelle histoire de Belgique et l’Histoire de Belgique pour les nuls ont été immédiatement diffusées dans les deux langues, il s’écoule souvent plusieurs mois, voire plusieurs années avant qu’un ouvrage ne soit traduit, s’il l’est jamais. Cette réalité est cruciale en Belgique, dans la mesure où la presse ne rend que très rarement compte d’un livre publié exclusivement dans l’autre grande langue nationale. Une exception en la matière fut, en 2012, l’ouvrage de l’historienne et écrivaine flamande Brigitte Raskin consacré à la frontière linguistique15. C. Laporte lui réserva en effet un article enthousiaste dans La Libre Belgique, sans doute influencé par la présentation très consensuelle et « belgophile » que l’auteur fit du livre au Palais de la Nation et par l’apparente objectivité du dossier de presse16. Une lecture plus fine lui aurait permis de voir que De taalgrens est surtout un hommage à sens unique rendu au combat du mouvement flamand, dans sa composante démocrate-chrétienne, au prix de raccourcis parfois saisissants.
11L’enjeu de la traduction renvoie à la difficile réalité économique du monde de l’édition. Le marché belge est exigu et rares sont les éditeurs qui ont l’audace et les reins suffisamment solides pour s’engager dans une entreprise coûteuse sans garantie de résultats17. Les fonds nécessaires peuvent parfois être trouvés, notamment du côté de la Fondation universitaire, restée fédérale, mais ce n’est pas systématique. Ainsi, nombre d’ouvrages majeurs de l’historiographie flamande – les thèses de Bruno De Wever sur le VNV18 et de Nico Wouters sur les bourgmestres de guerre19, l’ouvrage sur la conduite de guerre de Léopold III20 et, plus récemment, les grosses biographies de Léopold Ier21 et d’Albert Ier22 – n’ont jamais été traduits en français. De la même manière, les biographies de Spaak23, Van Zeeland24, Duvieusart25 ou Harmel26 que l’on doit à Vincent Dujardin et / ou Michel Dumoulin n’ont jamais paru en néerlandais, pas plus que l’ouvrage majeur de José Gotovitch et Jules Gérard-Libois L’An 40. La Belgique occupée27.
12L’absence de traduction systématique ou d’ambition éditoriale bi-communautaire entraîne parfois des situations paradoxales. Ainsi, les deux volumes consacrés aux « lieux de mémoire belges » ont été publiés en 2008, en néerlandais, chez un éditeur... amstellodamois28. Ce dernier a voulu poursuivre sur la lancée des lieux de mémoire néerlandais29 et s’est tourné vers Jo Tollebeek, professeur à la KUL, qui a composé une équipe éditoriale comportant quatre Flamands et une francophone, la Bruxelloise Chantal Kesteloot. Au final, on retrouve dans les Parcours van herinnering trois fois plus de lieux situés en Flandre qu’à Bruxelles ou en Wallonie et une vision très classique de cette dernière, essentiellement axée sur son passé industriel. Par ailleurs, parmi les collaborateurs, on dénombre une quinzaine de francophones seulement sur soixante, dont trois ou quatre à peine peuvent être considérés comme wallons, par l’université dans laquelle ils enseignent ou leur ancrage géographique personnel. En outre, aucun spécialiste étranger de la Belgique (tels Marie-Thérèse Bitsch, Hans-Joachim Lope ou Martin Conway) n’a été sollicité30.
13Comme nous l’a confirmé C. Kesteloot31, il n’entrait nullement dans les intentions de l’éditeur de proposer une version française de l’ouvrage. Dès lors, l’absence d’incitant et l’orientation très « nordiste » des volumes n’ont guère encouragé les éditeurs francophones à s’investir dans un tel projet. La version belge du monument de Pierre Nora n’a donc pas fait l’objet d’une dynamique plurielle et collective, susceptible d’intégrer les multiples facettes de la mémoire en Belgique. Si la réception des Parcours van herinnering dans les médias francophones a été quasi inexistante, De Standaard leur a consacré une série d’articles signés par le photographe et réalisateur Michiel Hendryckx32 et un compte rendu par Marc Reynebeau33. Dans Knack, Guido Lauwaert en a fait, lui aussi, l’objet d’un article34. Aucun d’eux cependant n’a mis à l’avant-plan le déséquilibre communautaire. N’ont-ils pas voulu s’y appesantir ou ne l’ont-ils simplement pas vu, tant il est vrai que chaque communauté (et il faudrait parler en outre des Bruxellois et des germanophones…) semble de plus en plus méconnaître les lieux qui marquent la mémoire de l’autre ?
14En réalité, et pour en revenir à la question de la traduction, seuls sont traduits les ouvrages dont on présume qu’ils se vendront et qu’ils bénéficieront d’une couverture médiatique importante parce qu’ils seront, parfois à tort, présentés comme des scoops voire, mieux encore, des « briseurs de mythes » ou parce qu’ils relèvent de thèmes « universalisants » et vecteurs de mémoire. Par ailleurs, on mentionnera un phénomène aussi intéressant que récent : la décision prise par certains auteurs, surtout flamands, de se faire traduire en anglais pour toucher un plus large public au plan international. C’est le cas de l’ouvrage que l’historien et juriste anversois Herman Van Goethem a consacré en 2008 à une histoire « communautaire » de la monarchie belge. Il y souligne que la dislocation de la Belgique était prévisible sinon inévitable mais que la scission est impossible. Il y affirme en outre que la monarchie a aujourd’hui perdu sa valeur d’arbitre parce qu’elle est considérée par la Flandre comme francophone en raison, notamment, d’une affirmation royaliste trop ostensible au Sud du pays35. Que l’auteur n’envisage pas une traduction de sa thèse à destination de ce public précis est évidemment significatif… En conséquence, les médias francophones n’ont que très peu mentionné l’existence de l’ouvrage.
L’histoire coloniale et les incompréhensions belgo-belges
15Le débat intense le plus récent concernant la traduction a trait à l’ouvrage Congo de David Van Reybrouck36. À mi-chemin entre le récit de vie, l’épopée, le recueil de témoignages et l’ouvrage d’histoire, le livre est rapidement devenu un best-seller international. La question de sa publication en français (avant la version anglaise mais après la version allemande) a fait couler beaucoup d’encre, notamment celle du Standaard. L’auteur et le monde médiatique flamand ont plaidé l’importance de l’enjeu non pas pour les Belges francophones mais pour les Congolais eux-mêmes, encore très imprégnés de culture française et désireux de mieux connaître leur propre histoire. Si le gouvernement flamand a refusé de fournir des crédits supplémentaires au Vlaamse Fonds voor de Letteren, soulignant que sa coopération au développement ne s’orientait prioritairement ni vers le Congo, ni vers le secteur culturel37, une édition française a néanmoins été publiée, à Paris, chez Actes Sud à la rentrée littéraire 201238. Dès lors, l’ouvrage de Van Reybrouck, salué depuis 2010 par de nombreux articles et émissions – en Flandre39 surtout mais également du côté francophone – a bénéficié d’une deuxième vague médiatique, renforcée à la fois par l’obtention de plusieurs prix littéraires et par la procédure judiciaire enclenchée par les ayants-droits du vieillard congolais figurant sur la couverture de la version néerlandaise. Dans le cas du livre Congo, l’absence de version française n’a donc pas empêché la presse francophone d’évoquer l’ouvrage40. Plusieurs raisons semblent devoir être évoquées : la personnalité de l’auteur, déjà connu au Sud comme écrivain, dramaturge et chroniqueur, le succès de vente inattendu de Congo et le sujet même de l’ouvrage, à savoir l’histoire coloniale et postcoloniale.
16En effet, la question coloniale – particulièrement le rôle du Roi Léopold II – est perçue de manière partiellement différente par les opinions publiques du Nord et du Sud41, quel que soit le consensus politique, d’ailleurs plus apparent que réel, qui semble aujourd’hui se dégager sur d’autres moments clés42. Des deux côtés de la frontière linguistique, un courant anticolonialiste, ancré à gauche voire à l’extrême-gauche mais avec également un versant chrétien, dénonce vigoureusement le « Roi génocidaire », celui du « caoutchouc rouge » et des « mains coupées », que l’on pense aux manifestations pour déboulonner sa statue ou à la demande de dévisser la plaque « Aux héros morts pour la civilisation » à l’Hôtel de Ville de Liège. Mais cette dénonciation se double d’une dimension anti-belge chez certains Flamands, plus sensibles aussi aux débats anglo-saxons suscités par l’écrivain américain Adam Hochschild43. Contester la colonisation du Congo, qui a forgé, bon an mal an, une part de l’identité belge, c’est rejeter de fait cette « Belgique de papa », chercher à embarrasser l’institution monarchique et affirmer une proximité avec les Congolais, dans une logique nationaliste flamande qui se revendique, elle aussi, d’une oppression, d’une forme de colonisation par la Belgique44.
17La couverture médiatique accordée en Flandre aux actes d’un colloque consacré à la politique extérieure et coloniale de Léopold II a ainsi témoigné, en subliminal, de cette réalité et nous semble, à ce titre, tout à fait exemplative. Elle s’inscrit au cœur d’une séquence éditoriale flamande très riche en ouvrages polémiques largement médiatisés – et tous traduits – concernant la monarchie et la famille royale45. Le colloque, qui a rassemblé des chercheurs flamands (6) mais surtout francophones (12) et un seul congolais, s’est déroulé à l’UCL et les actes ont été publiés dans les deux langues sous la responsabilité de cette université sous le double titre Léopold II, entre génie et gêne – Leopold II, ongegeneerd genie ?46. On notera que le jeu de mots n’a pas le même sens en français et en néerlandais mais on soulignera surtout que les commentaires en Flandre vont concerner presque exclusivement la question du Congo, occultant les autres thèmes développés, tels la politique étrangère ou militaire du Roi mais aussi son image dans la caricature, par exemple. Dans De Standaard, M. Reynebeau, qui n’est pourtant pas l’éditorialiste flamand le plus radical mais dont l’histoire personnelle est liée au Congo, où il est né et a vécu durant ses douze premières années, remet en perspective l’historiographie flamande sur les « abus » de Léopold II, œuvre d’écrivains, de diplomates et d’anthropologues plus que d’historiens. Il ironise ensuite sur les organisateurs du colloque, « een groep vooral Franstalige historici », qui se posent à ses yeux en parangons d’objectivité, telle que la science seule pourrait en fournir. Et de condamner « de indruk van een corporatistische reflex tegenover de media of de ‘autodidacten’ » avant de souligner que l’indulgence du monde académique francophone pour Léopold II est contestée, en Wallonie et à Bruxelles, par de nombreuses ONG47.
18Plus corrosif : sur le site d’information Apache.be, le sociologue Ludo De Witte, proche de l’extrême-gauche et auteur de l’ouvrage contesté qui contribua à provoquer une commission d’enquête parlementaire sur les responsabilités belges dans le meurtre de Lumumba48, insinue que certains universitaires s’autocensurent pour ne pas se voir refuser des crédits publics ou l’accès aux archives (il évoquait bien sûr l’époque, entre 1999 et 2004, où le ministre des Affaires étrangères, Louis Michel, était wallon). Il reproche également aux historiens du colloque d’avoir renvoyé l’évocation des écrits flamands polémiques dans l’inoffensive seconde partie intitulée « Représentations et mémoire » et de les avoir ainsi subtilement décrédibilisés49. En juin 2010 encore, évoquant l’anniversaire de l’indépendance du Congo, Rik Van Cauwelaert, éditorialiste de Knack, écrit qu’avec Léopold II, entre génie et gêne, des historiens francophones se sont livrés à « een schuchtere poging tot rehabilitatie, waarbij heel wat verpletterende bewijslast werd vergeten »50.
19Du côté francophone en revanche, l’ouvrage est présenté de façon beaucoup moins critique. Dans La Libre Belgique, C. Laporte livre un article balancé, entre lecture personnelle et interview des éditeurs. Ces derniers s’emploient à montrer les facettes multiples de leur volume. Soulignant l’absence de toute commémoration officielle belge pour les cent ans de la disparition de Léopold II, Laporte rappelle, non sans raison, que celui-ci « a subi ces dernières années moult attaques frontales sur fond de repentances et de réécriture moralisatrice du passé colonial. Au point d’avoir été traité très anachroniquement de ‘roi génocidaire’ dans un document de la BBC51 généralement moins approximative ». Le journaliste achève en outre son article par une remarque acerbe : « Mais la mémoire de Léopold II n’est pas seulement belge : elle est encore et toujours aussi congolaise. Avec un Congo qui ne connaît pas notre manichéisme et où la statue du Roi n’est pas déboulonnée, ni au propre ni au figuré. Car le présent préoccupe plus le peuple congolais que le passé »52. Si le propos de Laporte verse, lui aussi, dans une forme de simplisme, il semble avant tout un message destiné aux anticolonialistes européens. Du côté du Soir, la parole est également donnée à l’un des éditeurs scientifiques, Tanguy de Wilde d’Estmael, tandis que Colette Braeckman livre un compte rendu sobre et succinct de l’ouvrage, en regrettant toutefois que le colloque n’ait pas approfondi « le caractère financier de l’entreprise coloniale » et « l’œuvre urbanistique et architecturale du roi », soit les deux points « qui, aujourd’hui encore, suscitent curiosité et polémiques »53.
Entre dialogue de mémoires et devoir de mémoire : travaux historiens sur la Seconde Guerre mondiale dans la presse belge
20Étonnamment, il n’existe à ce jour aucun véritable travail de synthèse sur les années de guerre en Belgique réalisé par les historiens sur base de l’état actuel de la recherche. Les avancées de celle-ci durant les quatre dernières décennies ont toutefois pu être mesurées grâce au Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique (2008)54. Les auteurs francophones y dominent largement (deux tiers) mais des spécialistes flamands y signent de nombreux articles majeurs pour lesquels ils sont scientifiquement en pointe (l’économie, les administrations locales sous l’occupation…). La très sensible thématique de la collaboration est abordée à quatre mains afin de faire entendre la sensibilité de chacun. Ruben Mayeur, un chercheur flamand, soulignera que le dictionnaire, bien que destiné à un public francophone, n’accorde aucune prééminence aux thèmes liés à la Belgique francophone et tient largement compte de l’historiographie flamande55, ce que C. Laporte note également : « Bigre, voilà – enfin… – un dictionnaire de haute tenue scientifique sur la Seconde Guerre mondiale dans notre pays qui – ce qui en accroît encore l’intérêt – fait, une fois n’est pas coutume, le point sur les principaux travaux menés non seulement en Communauté française mais aussi en Flandre »56. Un bon point donc pour le livre, mais une réflexion qui confirme l’existence d’une césure.
Le difficile dialogue de mémoires : collaboration et répression
21Le 21 septembre 2010, en pleine crise gouvernementale, Bart De Wever, choqué par un reportage de la télévision publique francophone amalgamant erronément le passé nationaliste flamand de son grand-père, condamné à l’issue de la guerre pour collaboration politique, à un engagement armé au service des nazis, consacre son billet hebdomadaire du Standaard à la dénonciation d’une amnésie wallonne volontaire à l’égard de sa contribution à la collaboration politique et militaire. Il s’agit là d’une énième dénonciation, partiellement justifiée d’ailleurs, de la simplification abusive de l’histoire par l’opinion publique et certains leaders wallons : Flandre collaboratrice ou fascisée versus Wallonie résistante ou antifasciste. Toutefois, Bart De Wever va plus loin et coiffe la casquette de l’historien en affirmant que « het historisch onderzoek naar de Franstalige collaboratie blijft tot vandaag dan ook bijzonder summier » et que « het contrast met Vlaanderen kan niet groter zijn ». Puis il accuse les francophones « over anderen te oordelen vanuit een misplaatste morele superioriteit gebaseerd op collectieve onwetendheid »57. Dans un contexte belge électrique, cette attaque frontale est perçue comme un affront par le monde politico-médiatique et les historiens francophones58. Dans une chronique pour De Standaard, Béatrice Delvaux, la rédactrice en chef du Soir, se demande ainsi à quoi sert de relancer le concours du « ‘zwartste’ Belg », soit du plus grand « collabo » de Belgique59?
22Mais le débat sur la collaboration va surtout remettre à l’avant-plan un ouvrage paru en 2008 sous le titre volontairement accrocheur : Ils ont pris les armes pour Hitler60. La thèse majeure de l’auteure, Flore Plisnier, dont la recherche a été supervisée par le CEGES, est que la collaboration armée fut proportionnellement plus importante en Wallonie qu’en Flandre, dans la mesure même où ses membres furent entraînés dans une spirale destructrice avec constitution de bandes ultra-violentes car les actions de la résistance étaient, elles aussi, plus nombreuses et plus violentes au Sud qu’au Nord. Elle montre, d’autre part, que les collaborateurs wallons étaient certes, à la base, des militants idéologiquement convaincus, fascistes et anticommunistes, recrutés surtout dans la bourgeoisie catholique, mais qu’arrivèrent ensuite, surtout dans le Hainaut, de gros contingents issus du prolétariat, jeunes en rupture de ban, ayant souvent un casier judiciaire, acculés par la misère et qui se sont vendus au plus offrant.
23Les comptes rendus et les multiples articles de presse qui ont accompagné la sortie du livre ont été très élogieux et n’ont pas manqué d’en exagérer la portée, ce que l’auteure elle-même a déploré : il fut de bon ton de parler d’un livre qui brise un mythe, détruit un tabou, bref de miser sur l’aspect « scoop » de l’ouvrage en oubliant qu’il s’appuie largement sur des recherches antérieures, bien connues des historiens de métier et que Plisnier cite d’ailleurs consciencieusement. On a même pu lire sous la plume de C. Laporte : « On le savait évidemment déjà dans le monde des adeptes de Clio [que la Wallonie exclusivement résistante était un mythe] mais il n’y avait pas encore eu de démonstration étayée par une historienne digne de ce nom »61. Les historiens cités par Flore Plisnier ont dû apprécier…62
24Il n’est pas surprenant que l’ouvrage de Plisnier ait bénéficié d’une traduction immédiate en néerlandais. De fait, il est « vendeur » en Flandre d’insister sur la collaboration wallonne mais il semble que cela soit également le cas dans la presse francophone. Des deux côtés de la frontière linguistique, la presse généraliste va largement relayer la parution du livre, ce qui est loin d’être automatique pour un ouvrage d’histoire tiré d’une recherche universitaire. Le cas le plus éloquent est celui du Vif et de Knack qui publient, en parallèle, des extraits du livre sur cinq à six pages sous le titre « Ce que les Wallons ne veulent pas savoir » – « Op alle fronten in het nauw ». Il y est question d’un ouvrage « explosif et dérangeant »63.
25Dans La Libre, Laporte évoque, lui, un livre « décoiffant » en insistant sur l’origine ouvrière des collaborateurs armés. Son article s’ouvre par ailleurs sur un rappel politique : « Lors des commémorations du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les autorités régionales wallonnes avaient souligné non sans quelque assaut lyrique l’engagement des Wallons dans la lutte contre le nazisme. Force est de constater que le mythe est ébranlé »64. Dans le chef du journaliste, il s’agit bien de faire passer, via l’histoire, un message politique, celui de La Libre Belgique, bruxelloise, chrétienne de centre-droit, toujours critique vis-à-vis des régionalistes wallons, souvent issus de la gauche laïque. Quant à M. Reynebeau, il évoque la publication dans un article du Standaard, alliant critique du livre et allusion à la mythologie belge : « Het boek blijft summier in de behandeling van zijn onderwerp […]. Het is niettemin moedig omdat het afscheid neemt van de politieke vooringenomenheid waarmee Franstalig België doorgaans tegen zijn oorlogsverleden aankijkt. Die moet in niets onderdoen voor de mythes die sommige Vlamingen nog altijd in stand willen houden »65. Il est toutefois intéressant de constater que, plus récemment, la recherche substantielle sur le caractère idéologique de la collaboration flamande menée par l’historienne gantoise Aline Sax66 a été présentée sobrement et de façon critique par la presse flamande67, sans trouver aucun écho du côté francophone. Le livre, il est vrai, n’a pas été traduit…
26Il y a donc en Flandre une demande sociale autour de l’étude de la collaboration et de l’épuration. Appelant à clore le débat initié par De Wever et à « stopper la polarisation » autour de la collaboration, H. Van Goethem s’interroge ouvertement dans De Standaard : pourquoi étudie-t-on si peu la Résistance en Flandre ? Pourquoi parle-t-on tant des 242 fusillés pour collaboration et si peu des milliers de Flamands déportés ? Pourquoi tant de Flamands associent-ils exclusivement la Libération aux violences de l’épuration sauvage ? Et d’en conclure qu’en Belgique, tant Flamands que francophones ont encore beaucoup à apprendre de leur histoire68. L’appel de Van Goethem à la fin d’un débat jugé stérile s’adresse également au Soir qui avait été particulièrement virulent à l’encontre de Bart De Wever. Le journal bruxellois délaisse ensuite la polémique pour adopter un ton plus sobre en ouvrant ses pages aux historiens universitaires. Côté flamand, c’est Bruno De Wever qui est interrogé69 tandis que, côté francophone, le louvaniste Xavier Rousseaux et le Liégeois Daniel Droixhe70 prennent les médias à témoin des nombreux mémoires de maîtrise qu’ils ont lus ou promus sur la collaboration wallonne, tout en soulignant que la vraie difficulté réside dans la possibilité d’être édité et de rendre ainsi sa recherche plus visible. Autrement dit, les éditeurs flamands seraient plus réceptifs, pour partie par volontarisme idéologico-scientifique mais surtout parce qu’il existe un lectorat.
27Néanmoins, la véritable question n’est pas de peser le nombre d’ouvrages ou d’études consacrés, de part et d’autre, à la collaboration mais de comprendre pourquoi le monde scientifique flamand s’est tant investi dans ce domaine. Sur ce point, C. Laporte, dans son compte rendu du livre de Plisnier, offre une réponse intéressante : « À la Libération, les rexistes qui s’étaient compromis furent sévèrement punis pour leur engagement politique mais davantage encore pour la violence qu’ils avaient semée. Ils ne furent jamais réhabilités et personne ne réclama l’amnistie pour leurs coupables égarements »71. Le mot est lancé : amnistie. En Flandre, ce combat est mené très tôt dans les milieux nationalistes et trouve progressivement des adeptes dans les partis traditionnels. L’amnistie renvoie à un sentiment d’injustice, à l’impression (fausse et cela a été clairement démontré par des historiens flamands72) que la répression de la collaboration a été plus dure au Nord qu’au Sud, que l’état belge a exercé une sorte de vengeance et a ainsi voulu casser la dynamique du mouvement flamand. Ce lien entre collaboration, répression et mouvement flamand nourrit le débat public mais également le débat historique. Les historiens ont donc été amenés à revisiter la réalité de guerre et les procès qui l’ont suivie pour éclairer ce débat qui s’inscrit dans la réalité sociétale flamande. Du côté francophone, rien de tel ou de comparable, si ce n’est l’intérêt pour la personne de Degrelle73 et la manière dont il a pu échapper à la répression.
28Le débat autour des déclarations de Bart De Wever se calme à peine que la thématique revient avec force dans l’actualité. Le 4 mai 2011, le Vlaams Belang soumet au Sénat une proposition de loi visant l’amnistie pour les condamnés de la répression74. Qui plus est, tous les partis flamands s’expriment en faveur de la prise en considération de la proposition. La levée de boucliers du côté francophone et, plus en retenue, du côté de la presse flamande75 est alors renforcée par un concours de circonstances. Lorsque la presse francophone interroge des historiens flamands sur la question, elle apprend qu’un jeune chercheur, Koen Aerts, défend sous peu une thèse consacrée à la problématique à l’université de Gand76. Le promoteur du travail, Bruno De Wever, explique à La Libre que les résultats de Koen Aerts « nuancent, voire contredisent certaines dispositions de la proposition de loi du VB »77. Le doyen de la recherche flamande sur la répression, Luc Huyse, revendique dans De Standaard que « Geef de jaren veertig terug aan de bevolking en historici » en se référant à la thèse d’Aerts78. Durant les semaines suivantes, la presse se tourne directement vers ce dernier. De manière significative, c’est surtout le constat le moins novateur de son travail qui est retenu par la presse : la répression n’était pas une opération anti-flamande79. On lie donc une nouvelle fois recherche fondamentale et actualité, aux dépens de la présentation des résultats très riches que le travail d’Aerts fournit sur la question de la réintégration des « inciviques » après la guerre. On peut retenir que la presse, surtout francophone d’ailleurs, témoigne d’un souci de faire dialoguer les mémoires sur la guerre et la répression dans ce dossier. Que cela ne se fasse pas toujours avec un souci d’approfondir la question et d’aller au-delà de la posture du « briseur de tabou » est toutefois évident.
L’historien et le devoir de mémoire : la Shoah
29Le 13 février 2007, l’historien flamand Rudi Van Doorslaer, directeur du CEGES, présente devant le Sénat, dans une ambiance chargée d’émotion, un rapport d’expertise, résultat des travaux d’une commission d’historiens bicommunautaire, concernant le rôle des autorités belges face à la persécution des Juifs par l’occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale. Le titre La Belgique docile est explicite : à travers les 1600 pages que comporte la version publiée80, les auteurs montrent que les autorités belges ont joué un rôle actif – « indigne d’une démocratie » selon Van Doorslaer – dans la persécution des Juifs, sans pourtant aller jusqu’à une collaboration d’État81. L’enquête repose sur la proposition d’Alain Destexhe (MR) et Philippe Mahoux (PS) de confier une mission de recherche au CEGES « relative à l’établissement des faits et des responsabilités éventuelles des autorités belges dans les persécutions et la déportation des Juifs en Belgique au cours de la Seconde Guerre mondiale », car « comme d’autres pays, la Belgique, qui s’est illustrée en enquêtant sur la mort de Lumumba et sur son rôle dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, doit aussi affronter, dans le cadre d’un débat démocratique, les pages les plus sombres de son histoire »82.
30Dans un article consacré à l’héritage politique de la Seconde Guerre mondiale, Rudi Van Doorslaer, avait déjà émis en 2003 l’hypothèse que la Shoah serait peut-être un de ces thèmes autour desquels Flamands et francophones pourraient se retrouver parce que cette mémoire dépasse le cadre national par sa dimension éthique – même si des spécificités régionales s’y inscrivent83. Il est vrai que la réception de La Belgique docile n’a pas été marquée par la question communautaire, mais s’est généralement caractérisée par le ton qu’Hugues Dorzée a adopté dans Le Soir : « La Belgique est désormais confrontée à ses ‘sombres feux du passé’. Un rapport historique étayé […] évoque, sans ambiguïté, la responsabilité des autorités belges dans la persécution des Juifs en Belgique […]. Certes, ce n’est pas le premier ‘devoir de mémoire’. […] Mais trop souvent, ces travaux [d’historiens comme Maxime Steinberg] sont restés confinés dans les cénacles d’experts »84. Il est intéressant de noter que le journaliste évoque des travaux d’historiens comme des « devoirs de mémoire », expression rarement utilisée dans ce contexte. L’accueil du rapport par les scientifiques fut très similaire des deux côtés de la frontière linguistique. En général, si on a loué des efforts minutieux, on a regretté que cette minutie ait pour prix un manque de questionnement scientifique cohérent85.
31Toutefois, sur le plan quantitatif, la couverture médiatique a été très différente au Nord et au Sud. Van Doorslaer le confirme à Knack en mai 2007 en s’interrogeant : « is dit de laatste oorlogstaboe in Vlaanderen ? »86. En réalité, dans la presse écrite, c’est surtout Le Soir qui revient régulièrement sur le rapport dont il dévoilait déjà la teneur à la veille de la présentation87 et dont il rappellera la « sévérité »88. Dans La Libre, C. Laporte souligne l’importance de la recherche effectuée, tout en constatant qu’elle ne « présente pas de réelles surprises »89. À travers une interview avec E. Debruyne, l’un des auteurs, les journalistes du Vif pointent l’ignorance par la plupart des Belges de l’ampleur de la persécution des Juifs et « la reconnaissance symbolique de [la] responsabilité des autorités »90. Le magazine soulève également la question d’« une demande solennelle d’excuses » à fournir par le gouvernement belge, au sujet de laquelle Le Soir publiera plusieurs contributions des organisations représentant la communauté juive en Belgique91. Il donne aussi la parole à des voix qui rappellent « le courage des Belges » ayant caché des enfants juifs ou qui tiennent à contester la comparaison entre l’attitude des autorités belges et le régime de Vichy92. Dans La Libre, Laporte souligne également qu’il « serait injuste de vouloir comparer la situation belge à celle du régime de Vichy », mais insiste sur une question qui lie la Shoah en Belgique à la problématique de la collaboration : « […] il est difficile de comprendre que la docilité n’ait pas été sanctionnée après la guerre. Il est vrai que le dossier avait été classé sans suite ‘parce que trop délicat’ »93.
32La publication du rapport du CEGES conduit le bourgmestre d’Anvers Patrick Janssens (SP.A) à présenter ses excuses à la communauté juive de sa ville pour l’attitude des autorités communales lors des persécutions. Après l’ouvrage de Lieven Saerens94, le rôle de la métropole scaldienne venait d’être une nouvelle fois épinglé par les historiens de l’institution scientifique fédérale. Le président de la N-VA Bart De Wever, critiquera Janssens et qualifiera les excuses de « gratuit », provoquant en Flandre une vague de protestations aussi bien dans le monde politique95 que dans la presse96. L’historienne bruxelloise Chantal Kesteloot (CEGES) posera alors dans Le Soir une question qui touche directement au rapport entre mémoire savante et mémoire culturelle : « Mais combien de travaux historiques faudra-t-il pour que certains en Flandre regardent ce passé autrement ? »97. On peut dire que ce débat ne faisait finalement que préfigurer celui autour de la collaboration et de la répression de 2010-2011.
33Au fil du temps, La Belgique docile est devenue une référence de plus en plus symbolique, même si le Sénat belge, commanditaire du rapport, a mis six ans à inscrire à son ordre du jour le débat autour de ses résultats98. Certains, comme l’historien Maxime Steinberg et l’administrateur de l’Association pour la mémoire de la Shoah Éric Picard, ont pourtant rappelé au monde politique sa responsabilité dans la mise en place d’une politique officielle de reconnaissance, inspirée du discours de Jacques Chirac en 199599.
34Toutefois, la dynamique de recherche sur la Shoah en Belgique est loin d’être brisée par les difficultés des parlementaires à en débattre sereinement. Sur le plan local, le modèle d’Anvers est d’ailleurs suivi par le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer (PS), qui, le 1er mars 2010, présente les excuses officielles de sa ville pour l’attitude des autorités liégeoises face aux mesures de persécution anti-juives. L’occasion lui est fournie par la parution de l’étude de Thierry Rozenblum, Une cité si ardente, dans laquelle l’auteur documente l’implication de l’administration liégeoise dans la politique de l’occupant100. Presque tous les commentateurs francophones de cette sortie de presse opposent l’image de « Liège, l’héroïque », haut-lieu de la Résistance, à celle de « Liège, la docile », qui délaissa ses Juifs comme les autres grandes villes belges101. Même son de cloche dans Knack qui publie une interview de Rozenblum102. Le journaliste francophone Christophe Deborsu (RTBF) consacre également une chronique dans De Standaard aux excuses de Willy Demeyer en citant largement l’auteur d’Une cité si ardente103.
35À l’automne 2010, La Belgique docile fait l’objet d’une synthèse par l’historienne Anne Roekens (UNamur), qui n’avait pas fait partie du groupe de recherche. Il s’agit de diffuser plus largement les résultats de l’enquête du CEGES, notamment dans l’enseignement. Force est de constater que le financement de la traduction néerlandaise n’a jamais été trouvé. Laporte note à cet égard : « certains, principalement au nord du pays, n’apprécient que très modérément les recherches sur les tabous sur le passé de guerre ». Et d’évoquer un « légalisme presque suspect » de la Communauté flamande – le CEGES, comme institution fédérale, n’a pas droit à des subsides communautaires – qui « évacue singulièrement le devoir de mémoire fédéral »104.
36Si le travail de Roekens a le mérite de synthétiser dans un langage de « haute vulgarisation scientifique » des résultats connus de la recherche, le débat autour de la « solution finale » en Belgique s’intensifie avec l’ouvrage de l’historienne allemande Insa Meinen105. Die Shoah in Belgien est le premier travail qui analyse le sujet à travers les sources allemandes, comme le souligne Knack. Piet de Moor commente la parution et observe que, selon l’auteur, la plupart des victimes juives n’ont pas été arrêtées lors des grandes rafles mais lors d’actions d’organismes allemands contre des réfugiés juifs106. S’il est déjà rare que la presse belge commente un livre en langue allemande, le délai entre la parution de celui-ci et ses traductions néerlandaise (2011) et française (2012) s’avère également relativement court. À la sortie du livre en néerlandais, la presse souligne que Meinen a su replacer l’Occupation dans un contexte plus général et qu’elle a développé une perspective critique sur la défense des dirigeants de l’administration militaire allemande en Belgique, von Falkenhausen et Reeder, lors de leur procès en 1951107. C. Laporte insiste – sous le titre quelque peu maladroit : « La Shoah belge aurait surtout été une affaire allemande » – sur les nuances que Meinen apporte aux conclusions de La Belgique docile108. Pour la sortie de presse de la version française, Le Vif publie une interview de l’auteur109 et lie le passé à l’actualité en consacrant un éditorial « au livre conseillé à Bart De Wever »110. Pour La Libre, C. Laporte réalise également une interview avec l’historienne allemande qui consiste essentiellement en une comparaison entre les autorités belges et celles de Vichy. Selon Meinen, en Belgique, « on est loin de la police Vichy »111. Suite à la parution de l’interview, l’historienne allemande tient cependant à faire savoir par une mise au point qu’elle ne sous-estime aucunement le rôle des collaborateurs belges dans la « solution finale »112. On touche à un point sensible que Walter Pauli avait déjà identifié dans De Morgen à la parution de la version néerlandaise en faisant allusion au débat sur l’amnistie qui battait toujours son plein : « Belgische historici leggen volgens [Meinen] te eenzijdig de nadruk op de eigen schuld, terwijl de voornaamste schuldigen de Duitsers zijn, en zij allen. Die conclusie wordt nu her en der zelfs politiek opgeraapt in het actuele amnestiedebat : zie je wel dat al dat geweeklaag over eigen schuld en verantwoordelijkheid een vorm van historisch masochisme is ? Dat is natuurlijk niet zo […] »113. Pauli critique également le fait que Meinen consacre beaucoup d’espace aux débats entre scientifiques. En effet, ceux-ci semblent moins intéresser les journalistes belges. Les débats très âpres que Meinen et certains historiens belges se livrent actuellement dans les revues scientifiques ne sont d’ailleurs pas relatés dans les journaux114. Est-ce dû à leur complexité ou parce qu’ils remettent en question un passé devenu trop consensuel ?
Quelques observations finales
37Les historiens qui se sont exprimés dans la presse à l’occasion de la parution d’ouvrages ou des débats évoqués dans cette contribution ont souvent regretté la place réduite qu’occupe l’Histoire dans les débats publics belges, reprochant parfois à la société d’être à certains égards « tristement amnésique »115. En forçant quelque peu le trait, ils regrettent et se plaignent de ne pas être lus. Ils constatent aussi que les résultats de leur recherche ont du mal à atteindre un public plus large et, dans le meilleur des cas, à remettre en question certaines représentations du passé. Nous avons montré que les raisons de ces difficultés sont multiples et tiennent à des considérations politiques, économiques et mémorielles. En découle, selon nous, le choix très prévisible des ouvrages recensés, débouchant souvent sur des recensions peu surprenantes voire – osons le mot – convenues.
38Qui faut-il blâmer ? Accuser les seuls journalistes serait à la fois une injustice et une solution de facilité. Cela reviendrait en outre à ignorer les réalités actuelles du monde de la presse. Et pourtant, comment ne pas critiquer un manque de volonté d’approfondir certains sujets, de dépasser des représentations trop consensuelles de l’histoire ? Certes, la presse s’emploie à déconstruire des mémoires conflictuelles ou en panne de dialogue ; certes, elle contribue – avec, souvent, une fierté affichée – à « casser les mythes », mais sans réellement s’interroger sur la persistance de ceux-ci dans les discours publics.
39Ceci étant, les historiens doivent, eux aussi, faire leur autocritique. S’efforcent-ils suffisamment de propager, au-delà des sphères universitaires, les résultats de leurs recherches et d’en nourrir le débat public ? Tel était, notamment, la volonté affichée à la refondation de la Revue Belge d’Histoire contemporaine en 2012116 mais force est de constater que le résultat n’est pas probant. L’absence en Belgique – toutes communautés confondues – d’un réel espace de discussion entre intellectuels peut être l’un des facteurs explicatifs de cette frilosité apparente. Plus que jamais, la question du rôle de l’historien dans la cité s’avère crucial, d’autant que les nouvelles technologies interrogent aussi les modes de transmission du savoir historique ou de la mémoire savante. Il est certain toutefois que l’histoire contemporaine ou du temps présent ne peut y perdre son potentiel critique. Pour utiliser un langage plus accrocheur, les historiens se doivent de rester des « empêcheurs de tourner en rond ».
Notes
1 Raxhon Philippe, « Essai de bilan historiographique de la mémoire », Cahiers du Centre de Recherches en Histoire du Droit et des Institutions, n° 30, Bruxelles, FUSL, 2008, pp. 11-94.
2 Voir notamment les « Messages et valeurs » du plan d’action de « Commémorer 14-18 en Wallonie et en Communauté française » : http://www.commemorer14-18.be/ (consulté le 4 juin 2014).
3 Luminet Olivier (dir.), Belgique – België : un État, deux mémoires collectives ?, Wavre, Mardaga, 2012.
4 Ce corpus compte à la fois les principaux quality papers et des titres relevant de la presse populaire. Parmi ceux-ci, Het Laatste Nieuws est le plus fort tirage de la presse belge, selon les chiffres authentifiés du Centre d’Information sur les Médias.
5 Voir Brüll Christoph, « Historiographie und Zeitgeschichte in der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens », in Id. (éd.), ZOOM 1920-2010. Nachbarschaften neun Jahrzehnte nach Versailles, Eupen, Grenz-Echo, 2012, p. 145-162.
6 Nouvelle histoire de Belgique, Bruxelles, Complexe puis Le Cri, 2005-2009, 5 vol., rééditée en version revue et augmentée en 9 vol. fin 2010 (en néerl. chez Lannoo).
7 Stevens Fred et Tixhon Axel, L’histoire de la Belgique pour les nuls, Paris, First, 2010 = De geschiedenis van België voor dummies, Amsterdam, Pearson Education Benelux, 2011.
8 Voir les interviews accordées par M. Dumoulin, M. Van den Wijngaert et G. Vanthemsche dans LS, 14/11/2005.
9 D’une manière générale, la lecture « régionaliste » de l’histoire de Belgique et de Wallonie, essentiellement portée par les publications de l’Institut Destrée, bénéficie d’une couverture médiatique plus limitée même si les derniers ouvrages de Paul Delforge (La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, 2008 et L’Assemblée wallonne, 1912-1923 : premier Parlement de la Wallonie ?, 2013) ont fait l’objet d’articles dans LS (27/3/2009 et 24/12/2012) et LLB (8/4/2009 et 19/12/2012) et si l’historien et prospectiviste Philippe Destatte est fréquemment cité par la presse.
10 Voir le compte rendu sur le site du Centre d’Étude d’Histoire de l’Europe contemporaine de l’UCL : http://www.uclouvain.be/356878.html (consulté le 4 juin 2014).
11 LS, 24/11/2010.
12 Ibid.
13 Cette réédition en deux coffrets, aujourd’hui épuisée, tient aussi au fait que Le Cri souhaitait, sans doute, proposer l’ensemble de la série à son catalogue. L’éditeur a fait faillite à l’automne 2013.
14 DS, 7/10/2005.
15 Raskin Brigitte, De taalgrens of wat de Belgen zowel verbindt als verdeelt, Louvain, Davidsfonds, 2012.
16 LLB, 7/9/2012.
17 On reconnaîtra, avec V. Dujardin, que les moyens accordés à la recherche et à l’édition d’ouvrages historiques sont plus importants au Nord qu’au Sud (LS, 14/11/2005).
18 De Wever Bruno, Greep naar de macht : Vlaams-nationalisme en Nieuwe Orde : het VNV 1933-1945, Tielt, Lannoo, 1994.
19 Wouters Nico, Oorlogsburgemeesters 40/44 : lokaal bestuur en collaboratie in België, Tielt, Lannoo, 2004.
20 Velaers Jan et Van Goethem Herman, Leopold III : de koning, het land, de oorlog, Tielt, Lannoo, 1994. H. Van Goethem, attribue la frilosité des éditeurs francophones au coût de l’opération mais aussi au fait que le public francophone serait « peu réceptif » à un ouvrage sans concession pour Léopold III (Vif, 29/3/2013, p. 62).
21 Deneckere Gita, Leopold I, de eerste koning van Europa, Anvers, De Bezige Bij, 2011.
22 Velaers Jan, Albert I : Koning in tijden van oorlog en crisis 1909-1934, Tielt, Lannoo, 2009.
23 Dumoulin Michel, Spaak, Bruxelles, Racine, 1999.
24 Dujardin Vincent et Dumoulin Michel, Paul van Zeeland, 1893-1973, Bruxelles, Racine, 1997.
25 Dujardin Vincent, Jean Duvieusart (1900-1977) : Europe, Wallonie-Bruxelles, Léopold III, Ottignies, Quorum, 2000.
26 Dujardin Vincent, Pierre Harmel. Biographie, Bruxelles, Le Cri, 2004.
27 Gérard-Libois Jules et Gotovitch José, L’an 40 : La Belgique occupée, Bruxelles, CRISP, 1971.
28 Tollebeek Jo, Buelens Geert, Deneckere Gita, Kesteloot Chantal et De Schaepdrijver Sophie (dir.), België, een parcours van herinnnering, Amsterdam, Bakker, 2008, 2 vol.
29 Bossenbroek Martin et al. (dir.), Het geheugen van Nederland: de twintigste eeuw in 101 markante beelden, Amsterdam, Bakker, 2006.
30 Voir le compte rendu d’Hubert Roland dans les Cahiers d’Histoire du Temps Présent, n° 21, Bruxelles, 2009, p. 259-262.
31 Courriel à C. Lanneau, 27/1/2011.
32 DS, du 18/4 au 20/6/2009.
33 DS, 30/10/2008.
34 Knack, 23/5/2011.
35 Van Goethem Herman, De monarchie en ‘Het einde van België’ : een communautaire geschiedenis van Leopold I tot Albert II, Tielt, Lannoo, 2008 = Belgium and the Monarchy: From National Independence to National Disintegration, Anvers, University Press Antwerp, 2011.
36 Van Reybrouck David, Congo : een geschiedenis, Amsterdam, De Bezige Bij, 2010.
37 DS, 20/1/2011.
38 DS, 20/9/2012.
39 En Flandre, l’ouvrage a aussi subi quelques comptes rendus assassins, qu’ils émanent du sociologue Ludo De Witte (Knack, 26/6/2010) ou du biologiste et écrivain Dirk Draulans (Knack, 8/7/2010), tous deux fins connaisseurs de l’Afrique centrale, qui ont accusé l’auteur d’embellir la période coloniale et de taire certaines interventions occidentales.
40 LLB, 11/12/2010 et LS, 26/10/2010.
41 Voir Dumoulin Michel, Léopold II, un Roi génocidaire ?, Bruxelles, Académie royale de Belgique (Classe des Lettres), 2005 et Van Schuylenbergh Patricia, « Trop-plein de mémoires, vide d’histoire ? Historiographie et passé colonial belge en Afrique centrale », in Van Schuylenbergh Patricia, Lanneau Catherine et Plasman Pierre-Luc (dir.), L’Afrique belge aux xixe et xxe siècles. Nouvelles recherches et perspectives en histoire coloniale, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2014, p. 31-71.
42 En 2002 (séances des 5 et 21 février), le vote à la Chambre, par 106 voix contre 18 et 1 abstention, du rapport de la « Commission Lumumba » cache les importantes dissonances qui l’ont précédé sur le passé colonial, son instrumentalisation supposée par le ministre Louis Michel, le poids de la guerre froide ou le rôle du Roi Baudouin. Si la ligne de partage fut plus idéologique que communautaire (opposition CVP-PSC contre majorité arc-en-ciel), il n’en demeure pas moins que les attaques les plus dures dirigées contre la monarchie provinrent de la Volksunie-ID et du Vlaams Blok et les défenses vigoureuses du Roi, présenté comme un symbole du pays attaqué comme tel, du PSC et du PRL-FDF-MCC.
43 Hochschild Adam, King Leopold’s ghost : a story of greed, terror, and heroism in colonial Africa, Boston, Houghton Mifflin, 1998, traduit la même année en fr. et en néerl.
44 Rosoux Valérie et van Ypersele Laurence, « Le passé national belge : entre commémoration et silence », in Luminet Olivier (dir.), Belgique – België, op. cit., p. 67-72.
45 Parmi d’autres, citons Danneels Mario, Het trauma van de troon, Louvain, Van Halewijck, 2007 ; Debels Thierry, Koning Boudewijn : Een biografie, Anvers, Houtekiet, 2010 ; Debels Thierry, Het verloren geld van de Coburgs, Anvers, Houtekiet, 2010.
46 Dujardin Vincent, Rosoux Valérie, de Wilde d’Estmael Tanguy, Planche Stéphanie et Plasman Pierre-Luc, Léopold II, entre génie et gêne, Bruxelles, Racine, 2009 et Dujardin Vincent, Rosoux Valérie, de Wilde d’Estmael Tanguy, Planche Stéphanie et Plasman Pierre-Luc, Leopold II, ongegeneerd genie ?, Tielt, Lannoo, 2009.
47 DS, 27/11/2009. À noter aussi l’ouvrage en ligne de l’écrivain et libraire Daniel Olivier, qui se veut une « réplique violente » à Léopold II, entre génie et gêne, sorte de pamphlet humoristique confinant au règlement de compte personnel sous le titre Léopold II, Génioccidaire-Sang Gêne (www.vho.org/aaargh/fran/livres10/Leo2.pdf). Olivier s’y positionne sur le terrain de l’éthique et reproche aux scientifiques de chercher à redorer le blason du Roi sans remettre en cause la légitimité de la colonisation.
48 De Witte Ludo, De moord op Lumumba, Louvain, Van Halewyck, 1999 (éd. fr. : Karthala, 2000).
49 De Witte Ludo, « De geesten van Leopold II en Lumumba dwalen nog steeds door dit land », sur http://www.apache.be/ (article publié le 12/4/2010 et consulté le 4 juin 2014). Le site Apache.be est un « pure player » né en 2009 à l’initiative d’anciens du Morgen et de la Gazet van Antwerpen.
50 Knack, 29/6/2010.
51 Il s’agit de White King, Red Rubber, Black Death, de Peter Blake, dont la diffusion en 2004 par la RTBF et la VRT avait provoqué, surtout en Belgique francophone, des réactions nombreuses et contrastées.
52 LLB, 27/11/2009.
53 LS, 27/11/2009.
54 Aron Paul et Gotovitch José (dir.), Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille, 2008.
55 Mayeur Ruben, « Recension : Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique », Bulletin de l’Association Belge d’Histoire contemporaine, 2009/2, p. 58-59.
56 LLB, 22/02/2008. Michel Grodent (LS, 07/03/2008) se réjouit d’un ouvrage qui « comble une lacune historiographique ». Voir aussi Marc Reynebeau dans DS, 18/04/2008.
57 De Wever Bart, « Vlaamse nazi’s », DS, 21/09/2010.
58 LS, 23/09/2010.
59 DS, 23/09/2010.
60 Plisnier Flore, Ils ont pris les armes pour Hitler. La collaboration armée en Belgique francophone 1940-1944, Bruxelles, Luc Pire / CEGES, 2008 = Te wapen voor Hitler. De gewapende collaboratie in Franstalig België 1940-1944, Anvers, Meulenhoff / Manteau, 2008.
61 LLB, 28/02/2008.
62 Aucun journaliste ne relèvera le compte rendu assez critique du Professeur Francis Balace (ULg)… dans une revue scientifique (Cahiers d’Histoire du Temps Présent, n° 20, 2008, p. 307-310).
63 Vif, 21/2/2008, p. 48 et sv. et Knack, 20/2/2008, p. 30 et sv.
64 LLB, 28/2/2008.
65 DS, 18/4/2008.
66 Sax Aline, Voor Vlaanderen, volk en Führer de motivatie en het wereldbeeld van Vlaamse collaborateurs tijdens de Tweede Wereldoorlog, 1940-1945, Anvers, Manteau, 2012.
67 Reynebeau Marc, « Gaat recht uwen weg », DS, 05/12/2012 ; Verbeke Thomas, « De meeste collaborateurs hielden van Hitler », Knack, 19/09/2012, p. 38 ; Stevens Jan, « Adolf Hitler was de messias », De Morgen, 06/10/2012, p. 55 (interview d’A. Sax).
68 Van Goethem Herman, « Stop de polarisering », DS, 25/09/2010.
69 LS, 27/11/2010.
70 LS, 01/10/2010.
71 LLB, 28/2/2008.
72 Huyse Luc et Dhondt Steven, Onverwerkt verleden : collaboratie en repressie in België : 1942-1952, Louvain, Kritak, 1991 = La répression des collaborations : 1942-1952 : un passé toujours présent, Bruxelles, CRISP, 1993.
73 Christophe Deborsu dans DS, 09/05/2009.
74 Sénat de Belgique, Session 2010-2011, 04.05.2011, Doc. 5-1001/1.
75 Pauli Walter, « Het zwart van de driekleur », De Morgen, 17/05/2011.
76 Aujourd’hui publiée : Aerts Koen, Repressie zonder maat of einde ? De juridische reïntegratie van collaborateurs in de Belgische Staat na de Tweede Wereldoorlog, Gand, Academia Press, 2014.
77 LLB, 14/05/2011. En outre, De Wever et Pieter Lagrou (ULB) exposent clairement la problématique dans une interview au Soir (17/5/2011).
78 DS, 18/05/2011. Voir aussi son interview par Laporte (LLB, 21/5/2011).
79 Vanoverbeke Dirk, « Anti-flamande, la répression ? Non », LS, 19/05/2011 ; Laporte Christian, « L’amnistie n’a plus de sens en 2011 » et « La répression, pas anti-flamande ! », LLB, 19/05/2011 ; Pauli Walter, « Na-oorlogse repressie was milder dan wordt verteld », De Morgen, 19/05/2011 ; Reynebeau Marc, « Wie lijdt nu no gonder de repressie ? » et Buelens Geert, « Wiens amnesie ? », DS, 21/05/2011 ; Cattebeke Hannes, « Nuances bij de repressie », Knack, 08/06/2011, p. 24.
80 Van Doorslaer Rudi, Debruyne Emmanuel, Seberechts Frank et Wouters Nico, La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale, 2 vol., Bruxelles, Pire, 2007 (Gewillig België en néerl.).
81 Pour les échos de la présentation, voir Reynebeau Marc, « Vervolgde Jooden konden nooit op Belgische overheid rekenen », DS, 14/02/2007 ; Dorzée Hugues et Mouton Olivier, « Leçon d’Histoire au Sénat », LS, 14/02/2007.
82 Sénat de Belgique, Session 2002-2003, 16 octobre 2002, 2-1311/1.
83 Van Doorslaer Rudi, « Gebruikt verleden. De politieke nalatenschap van de Tweede Wereldoorlog in België, 1945-2000 », in Deneckere Gita et De Wever Bruno (dir.), Geschiedenis maken. Liber Amicorum Herman Balthazar, Gand, Tijdsbeeld/AMSAB, 2003, p. 227-249. Voir aussi Kesteloot Chantal, « Histoire et politique : pression, dialogue, convergence ou indifférence ? », in Zélis Guy (dir.), L’historien dans l’espace public. L’histoire face à la mémoire, à la justice ou au politique, Bruxelles, Labor, 2005, p. 123.
84 LS, 14/02/2007.
85 Sax Aline, « Recension : Gewillig België », Bulletin de l’Association Belge d’Histoire contemporaine, 2008, n° 4, p. 37-40.
86 Knack, 05/05/2007, p. 40.
87 LS, 13/02/2007.
88 LS, 14/02/2007 et 20/2/2007.
89 LLB, 14/02/2007.
90 Vif, 16/02/2007, p. 14.
91 Collectif de signataires, « Carte blanche : Pour une véritable reconnaissance officielle de la complicité de l’État belge dans la Shoah », LS, 27/04/2007.
92 Vaes Bénédicte, « La Belgique indocile » et « Non la Belgique n’était pas Vichy », LS, 23/02/2007.
93 LLB, 05/10/2007.
94 Saerens Lieven, Vreemdelingen in een wereldstad. Een geschiedenis van Antwerpen en zijn joodse bevolking (1880-1944), Tielt, Lannoo, 2000 = Étrangers dans la cité. Anvers et ses Juifs (1880-1944), Bruxelles, Labor, 2005.
95 De Gucht Karel, Dewael Patrick et Somers Bart, « Open brief van Open VLD. Verwerkt verleden? », DS, 30/10/2007.
96 Reynebeau Marc, « Het nut van het verleden » et Goossenaerts Kris, « Antwerpen hielp nazi’s meer dan andere steden », DS, 02/11/2007.
97 Kesteloot Chantal, « Carte blanche : Un passé qui dérange ? », LS, 03.11.2007.
98 On citera sans aucune prétention à l’exhaustivité : Van Goethem Herman, « Niks passiefs aan het aanleggen van een Jodenregister », De Morgen, 18/01/2012 ; Laporte Christian, « Les nouvelles excuses de l’État », LLB, 10/09/2012 ; Id., « Shoah belge : le Sénat reconnaît les complicités officielles », LLB, 11/01/2013 ; Id., « Sénat trop docile ? Attention, danger », LLB, 17/01/2013 ; De Lobel Peter, « België erkent andeel in Jodenvervolging », DS, 24/01/2013 ; Warny Heinz, « Belgiens Mitschuld an der Judenverfolgung », GrenzEcho, 30/01/2013.
99 Laporte Christian, « Des excuses très partielles », LLB, 21/04/2009 ; Picard Eric, « Carte blanche : La frilosité à reconnaître la complicité de l’État dans la déportation des Juifs de Belgique », LS, 04/09/2009.
100 Rozenblum Thierry, Une cité si ardente... : les Juifs de Liège sous l’Occupation (1940-1944), Bruxelles, Pire, 2010.
101 Laporte Christian, « Liège, l’héroïque fut aussi docile », LLB, 02/03/2010 ; Metdepenningen Marc, « Shoah, les excuses du bourgmestre de Liège », LS, 02/03/2010 ; Id., « Liège l’insoumise délaissa ses Juifs », LS, 03/03/2010.
102 Knack, 14/04/2010, p. 100.
103 DS, 16/03/2010.
104 LLB, 13/10/2010. Le Vif croit avoir besoin d’un titre plus saisissant pour présenter l’ouvrage : Royen Marie-Cécile, « La vérité sur la persécution des Juifs » (25/10/2010).
105 Meinen Insa, Die Shoah in Belgien, Darmstadt, WBG, 2009.
106 Knack, 14/07/2010, p. 20.
107 Reynebeau Marc, « De Shoah in België », DS, 10/06/2011 ; De Moor Piet, « België in tijden van Holocaust », Knack, 25/05/2011, p. 30 (interview d’I. Meinen).
108 LLB, 28/05/2011.
109 Royen Marie-Cécile, « Une nouvelle approche de la Shoah en Belgique », Le Vif, 28/09/2012. Le Soir publie un compte rendu de Pascal Martin au contenu comparable (17/10/2012).
110 Fiorilli Thierry, « La Shoah en Belgique : le livre conseillé à Bart De Wever », Le Vif, 27/09/2012.
111 LLB, 03/10/2012.
112 LLB, 10/10/2012.
113 Morgen, 08/06/2011.
114 Nous ne citerons que le dernier exemple : Meinen Insa, « Why the Belgian perspective cannot account for the Holocaust : A Response to Lieven Saerens’ critique of my book on the Shoah in Belgium », Revue Belge d’Histoire contemporaine, XLIII, 2013, n° 4, p. 213-230.
115 L’expression est utilisée par Rudi Van Doorslaer, directeur du CEGES, dans La Libre Belgique (24/09/2010).
116 Voir sa « déclaration de mission » : http://www.journalbelgianhistory.be/ (consulté le 4 juin 2014).
Pour citer cet article
A propos de : Christoph Brüll
Chercheur qualifié FRS-FNRS à l’Université de Liège.
A propos de : Catherine Lanneau
Chargée de cours à l’Université de Liège.