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Formation et évolution des mémoires de guerre : Analyse diachronique de figures historiques
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La sociologie de la mémoire française a atteint ces dernières années un consensus sur les conditions de formation d’une mémoire collective. C’est en effet dans la tension entre le poids du passé et les enjeux sociopolitiques du présent que semble se résoudre l’équation d’un concept demeuré longtemps insaisissable. En effet, l’interaction entre poids et usages du passé a réussi à intégrer les apports de ceux qui prônent une lecture constructiviste du phénomène mémoriel et de ceux qui en attribuent la source exclusive à la capacité de résistance des faits originels. D’autres travaux, faisant écho à l’intuition première des « lieux de mémoire » de Nora, montrent qu’un troisième facteur mérite d’être pris en compte : les usages antérieurs du passé remémoré. C’est dans cette perspective que cet article propose une analyse diachronique de deux types de figures historiques, à savoir la figure du collaborateur de la Seconde Guerre mondiale en Belgique et la figure du martyr de la guerre civile au Liban. Ces deux études de cas indiquent que l’efficacité des stratégies de rapprochement destinées à transcender un passé conflictuel dépend largement de la manière dont ce passé a été utilisé dans des phases antérieures. L’analyse montre que les attributions de sens successivement effectuées par les entrepreneurs de mémoire déterminent l’émergence ultérieure de représentations spécifiques du passé. Une telle perspective invite à concevoir la mémoire comme un mille feuilles dont les couches les plus invisibles se révèlent décisives.
Table des matières
1La sociologie de la mémoire française a atteint ces dernières années un consensus sur les conditions de formation d’une mémoire collective. C’est dans la tension entre le poids du passé et les enjeux sociopolitiques du présent que semble se résoudre l’équation d’un concept demeuré longtemps insaisissable. En effet, l’interaction entre poids et usages du passé1 a réussi à intégrer les apports de ceux qui prônent une lecture purement constructiviste du phénomène mémoriel2, et de ceux qui en attribuent la source exclusive à la capacité de résistance des faits originels3. D’autres travaux, faisant écho à l’intuition première des « lieux de mémoire » de Pierre Nora4, suggèrent qu’un troisième facteur mérite d’être pris en compte : les usages antérieurs du passé remémoré. Comme l’article le montrera, l’évolution des représentations du passé est déterminée par le contexte actuel5, par les propriétés de l’événement ou de la figure remémoré(e), ainsi que par les usages antérieurs dont ce passé a déjà fait l’objet6. En d’autres termes, l’acteur qui souhaite faire usage du passé se trouve limité dans son effort interprétatif par le contexte sociopolitique dans lequel il évolue, par les caractéristiques premières de l’événement ou figure historique, mais aussi par le matériau historique en question que d’autres acteurs ont préalablement déjà modelé. Cette perspective invite ainsi à considérer le temps intermédiaire qui relie passé et présent comme l’une des sources de formation des mémoires. C’est dans cette optique qu'est proposée une analyse diachronique de deux types de figures historiques, à savoir la figure du martyr de la guerre civile au Liban et la figure du collaborateur de la seconde guerre mondiale en Belgique. L’examen de ces figures, à travers deux études de cas, indique que l’efficacité des stratégies de rapprochement destinées à transcender un passé conflictuel dépend largement de la manière dont ce passé a été utilisé dans des phases antérieures. Cet article tente en somme d’éclairer les mécanismes mémoriels en prenant pleinement en compte les attributions de sens effectués dans la longue durée7.
2L’analyse repose sur deux corpus de discours faisant référence à l’histoire nationale des deux cas analysés. Afin de s’approcher d’un corpus qui soit le plus représentatif possible, la sélection de discours a été élargie à toute la classe politique du Liban et de la Belgique, aussi bien au pouvoir que dans l’opposition. Une méthode de recueil des discours répliquée dans chaque casa permis de recueillir 111 discours émis de 1999 à 2011 en Belgique8, et 382 discours produits entre 2005 et 2008 au Liban9. Dans chacun des cas, l’examen du corpus confirme la place centrale que les acteurs politiques accordent à la figure historique mentionnée plus haut10. La moitié des 382 discours – soit 161 – contenant une référence historique émanant de personnalités politiques libanaises évoquent les martyrs de la guerre civile (1975-1990) et en majorité l’ancien président assassiné Bachir Gemayel alors que plus du tiers des 111 discours des politiciens belges – précisément, 41 – se réfèrent aux collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale11.
3En retraçant l’évolution parallèle des usages successifs de ces figures, il est possible de souligner comment la remémoration du passé conflictuel opère selon des dynamiques identiques dans deux contextes significativement différents. Nous défendons l’idée qu’aussi bien au Liban qu’en Belgique les représentations actuelles des deux figures historiques dépendent largement de la manière dont elles ont été utilisées à des époques antérieures. La sélection des cas libanais et belge se fonde en outre sur la méthode des « cas divers » qui, en permettant une variation sur des dimensions-clés, assure une représentativité de l’échantillon en relation avec le phénomène étudié12. Dans nos cas, la variation existe au niveau des usages du passé illustrant différentes voies par lesquelles la mémoire de guerre prend forme dans les sociétés divisées le long de clivages linguistiques ou religieux.
4Les deux figures étudiées, l’une individuelle, l’autre collective, reflètent des contextes différents. Sans devenir pour autant similaires, elles partagent toutefois certaines caractéristiques communes. Primo, elles émergent en période de guerre et sont liées à une forme de collaboration avec l’ennemi, israélien dans le cas libanais, allemand dans le cas belge. Secundo, la mémoire de ces « ennemis intérieurs » est revendiquée par ceux qui estiment que leur action résultait avant tout d’une forme d’idéalisme et que le sort qui leur fut réservé, que ce soit la mort ou l’infamie, demeure dès lors intolérable. Tertio, la demande adressée par les forces politiques chrétiennes pour obtenir une reconnaissance musulmane de leur lutte pour l’indépendance du Liban, et la demande répétée d’amnistie adressée aux Belges francophones par les nationalistes flamands transforment paradoxalement les deux figures en symboles potentiels pour favoriser un rapprochement intercommunautaire.
5En témoigne par exemple l’appel lancé par un parlementaire flamand, Alfons Borginon – lui-même petit-fils d’Hendrik Borginon, un ancien collaborateur condamné puis réhabilité – pour obtenir une mesure symbolique vis-à-vis des anciens collaborateurs :
« Je voudrais […] répondre aux Francophones. La rancœur flamande s'explique en grande partie par la manière dont la Belgique […] n'assume pas son passé de guerre. Pour évacuer cette rancœur et favoriser la pacification communautaire, il faut à tout le moins accepter de parler d'un sujet qui préoccupe un tel nombre de personnes. […] Que le bon sens l'emporte donc enfin ! »13.
6Dans le camp chrétien libanais, des voix similaires s’élèvent pour solliciter une reconnaissance de leur héros, Bachir Gemayel, de la part des représentants musulmans. S’adressant à la formation chiite du Hezbollah, le député chrétien Sami Gemayel formule ainsi sa demande :
« Nous respectons votre lutte et votre résistance […] parce que, nous aussi, nous avons résisté et lutté, nous aussi, nous avons nos martyrs [...]. Vous êtes libanais comme nous, alors de la même façon que nous sommes conscients de tout ce que vous avez réalisé en faveur de ce pays, reconnaissez notre lutte, notre défense du Liban face à l'occupation syrienne et à l'implantation des réfugiés palestiniens »14.
7Toutefois, si la figure de Bachir Gemayel a pu contribuer au rapprochement interconfessionnel, celle du collaborateur – même présenté comme victime – n’a fait que renforcer la polarisation communautaire en Belgique. On peut de fait observer que depuis 1999, la Belgique ne cesse de connaître des polémiques récurrentes au sujet du passé. L’objet du litige porte précisément sur la décision d’accorder aux collaborateurs, si ce n’est une amnistie, du moins des mesures financières et symboliques au vu du traitement injuste qu’ils auraient subi à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Soucieux de ne pas mettre sur un pied d’égalité bourreaux et victimes, les francophones ont systématiquement rejeté de telles demandes, même lorsqu’elles étaient présentées sous l’angle de la « réconciliation ». À plusieurs reprises ces dernières années, ce différend mémoriel a pris la forme d’un conflit communautaire lors d’épisodes chargés sur le plan émotionnel et largement médiatisés15. Au Liban, les discours prononcés entre 2005 et 2008 présentent une vision de Bachir Gemayel favorable à un rapprochement communautaire. Autrefois incarnation d’un ennemi sanglant et haineux pour ses contempteurs traditionnels dans les communautés musulmanes (sunnites, druzes et chiites), il prend progressivement les traits d’un héros national, sacrifié pour le Liban tout entier.
8L’objet des pages qui suivent est de reconstituer les trajectoires parallèles de ces figures. À première vue, les usages dont elles font chacune l’objet pourraient ne s’expliquer que par les particularités des contextes politiques libanais et belges contemporains. Durant la période récente, le Liban devient le théâtre d’un conflit entre d’une part certains acteurs nationaux, toutes confessions confondues, et d’autre part, la Syrie qui occupe le pays pendant trois décennies. Au moment du départ des troupes d’occupation syriennes en 2005, chrétiens et musulmans (sunnites et druzes) ont en quelque sorte un ennemi commun. La création de coalitions politiques islamo-chrétiennes expliquerait ainsi l’évolution des représentations de la guerre civile libanaise (1975-1990) opposant chrétiens et musulmans. Or l’observation des discours des hommes politiques musulmans révèle que ces derniers, s’ils ont valorisé la figure de Bachir Gemayel, n’ont pas pour autant endossé la représentation chrétienne d’autres figures ou évènements comparables. Il en va ainsi de quasiment toutes les figures miliciennes chrétiennes et de nombreux évènements déterminants de la guerre, comme l’accord avorté dit du « 17 mai » 1983, censé représenter l’ébauche d’un traité de paix avec Israël. Défendu dans plusieurs discours après 2005 comme l’expression d’une volonté de restauration de la souveraineté libanaise par des personnalités politiques chrétiens de premier plan, ces derniers seront critiqués avec virulence par leurs alliés sunnites et druzes qui n’accepteront pas la réhabilitation même rhétorique d’une telle étape historique. Loin d’être entamée par le rapprochement communautaire en cours, la représentation extrêmement négative de ce passé perdure chez les acteurs musulmans16. Cet exemple indique que la transformation des représentations du passé de guerre ne relève pas seulement d’une forme d’ajustement aux exigences politiques du présent.
9D’où l’importance de s’interroger au-delà des choix stratégiques des acteurs. Si la plupart des matériaux historiques disponibles demeurent discrédités par les nouveaux alliés, pourquoi la figure de Bachir Gemayel passe-t-elle d’une connotation particulièrement négative à une valorisation consensuelle ? Quant à la Belgique, pourquoi la figure des « victimes » de la répression continue-t-elle de polariser les acteurs politiques ? Ce décalage peut être éclairé par les usages antérieurs de chacune de ces figures.
10Après l’assassinat de Bachir Gemayel, ses partisans chrétiens construisent un récit de vie qui a d’emblée pour souci d’intégrer l’Autre musulman. Sans altérer la perception négative qui a prévalu après son décès, entre 1983 et 2004, ce récit crée le potentiel pour une relecture positive de la figure quand les circonstances le permettront. Lorsqu’en 2005 les politiciens musulmans et chrétiens exploitent le répertoire symbolique lié à la guerre pour cimenter leur rapprochement, ils trouvent en Bachir Gemayel un symbole de réconciliation mis en place auparavant.
11En Belgique, la période qui suit la condamnation des collaborateurs est marquée par la naissance du mythe du collaborateur idéaliste, condamné injustement par un État belge oppresseur. Les nationalistes flamands qui diffusent ce mythe auprès de la totalité du spectre politique du nord du pays élaborent un récit qui s’oriente de manière exclusive autour du vécu de leur propre groupe. Les francophones y sont représentés comme les promoteurs principaux de la répression frappant en priorité ceux qui affichaient des convictions flamingantes. Dans cette perspective, le principal objectif poursuivi par les francophones serait l’élimination politique du mouvement flamand dont la lutte historique contre l’État belge, initialement francophone, consiste précisément à rehausser le statut subalterne du néerlandais face au français. Jusqu’aux années 1980, des dizaines de propositions de loi d’amnistie sont présentées sans succès par les nationalistes et les sociaux-chrétiens flamands. À partir des années 1990, ces demandes d’amnistie se transforment en propositions de réhabilitation sous l’effet du travail historiographique flamand qui démystifie la légende du collaborateur innocent17. La position francophone ne change pourtant pas. Il n’est à aucun moment question de revenir sur ce passé et ce, malgré une volonté déclarée de la part des acteurs politiques francophones de viser une pacification communautaire susceptible d’apaiser les revendications d’autonomie flamande.
12Ici encore, les seules contraintes du présent – à savoir la nécessité absolue pour les partis francophones d’éviter la dislocation du pays – ne permettent pas d’expliquer la totalité du processus mémoriel observé. Le refus de toute ouverture de la part des francophones s’éclaire quand on considère également les conditions d’élaboration du récit proposé. Conçu à l’origine pour confirmer la vision émancipatrice de l’histoire du mouvement flamand, le récit de la collaboration et de la répression a soit exclu l’autre francophone, soit stigmatisé cet autre tenu pour responsable des abus dénoncés. Aucun potentiel de ralliement symbolique n’est initialement envisagé. Loin de toute promesse de rapprochement, les conditions héritées des usages antérieurs de la figure du collaborateur injustement puni continuent d’entraver les efforts déployés par les partis flamands pour proposer des mesures acceptables aux francophones, rendant improbable la constitution d’une mémoire commune au-delà de la frontière linguistique belge.
13C'est en retraçant le parcours de leurs représentations d’origine jusqu’à leurs représentations actuelles que l’observation des trajectoires de la figure du collaborateur et du martyr incarné par Bachir Gemayel permet de rendre compte des spécificités de chaque cas. Sous cet angle, il convient tout d’abord de pointer les moments de ruptures après lesquels on observe une stabilité dans le contenu des représentations du passé18. Il s’agit ensuite de se concentrer sur la période dite intermédiaire qui sépare la survenance de l’événement initial et les opérations récentes de remémoration. Dès lors, l’analyse vise trois périodes : la description des faits originels, les usages intermédiaires de la figure et les opérations de remémorations récentes. Le protocole de recherche lié à ce séquençage est répliqué dans chaque cas.
14La première période voit l’émergence des figures. Il s’agit de relever, au moment même de la guerre, les représentations partagées par les contemporains de Bachir Gemayel et des collaborateurs, notamment flamands. La deuxième période fait suite à une rupture. Au Liban, il s’agit de la fin de la guerre civile. En Belgique, elle se traduit par l’achèvement de la Seconde Guerre mondiale. S’ouvre alors une nouvelle période qui s’intercale entre les évènements initiaux et les opérations actuelles de remémoration. La troisième période correspond aux usages récents de la figure. Elle s’étend de 1999 à 2011 pour la Belgique et de 2005 à 2008 pour le Liban. L’analyse de cette séquence repose sur l’étude du corpus de discours politiques. Elle montre comment les politiciens libanais utilisent la figure du martyr de Bachir Gemayel pour créer une dynamique de rapprochement islamo-chrétien. D’autre part, elle montre comment les politiciens belges ne cessent de s’opposer quant à la figure du collaborateur.
15La troisième période correspond aux usages récents de la figure. Elle s’ouvre à partir de 1999 pour la Belgique et de 2005 pour le Liban. L’analyse de cette séquence repose sur l’étude du corpus de discours politiques. Elle montre comment les politiciens libanais utilisent la figure du martyr de Bachir Gemayel pour créer une dynamique de rapprochement islamo-chrétienne. D’autre part, elle montre comment les politiciens belges ne cessent de s’opposer autour de la figure du collaborateur.
Liban : la figure de Bachir Gemayel
Période 1 : Usages initiaux
16 L’œuvre politique de Bachir Gemayel est diversement évaluée par ses contemporains. Au sein de sa communauté les choix posés par Bachir Gemayel sont perçus comme légitimes ou en tout cas acceptables. Ils sont à l’inverse dénoncés par les autres groupes nationaux. Lorsque débute la guerre civile libanaise en 1975, Bachir Gemayel est un jeune responsable au sein de la branche armée du parti phalangiste Kataëb. La guerre qui oppose les chrétiens aux Palestiniens alliés à des groupes armés islamo-progressistes conduit Bachir Gemayel à fonder en 1976 la milice des Forces libanaises qui contrôlera l’essentiel des régions chrétiennes. Il prend alors la tête de la nouvelle structure militaire qui se voit impliquée dans divers massacres qui touchent la population musulmane. Enfin, l’alliance conclue avec les Israéliens contribue à son accession au pouvoir. Élu le 23 août 1982, il est assassiné le 14 septembre avant d’avoir prêté serment.
17Pour une frange largement majoritaire chez les chrétiens, Bachir Gemayel incarne tout à la fois le chef militaire courageux et le leader politique qui montre la voie à suivre pour sortir les chrétiens et le Liban de leurs malheurs. Il représente aussi durant sa vie le refus de la compromission avec l’occupant syrien et plus généralement le défenseur de l’indépendance et de la souveraineté du Liban19. En revanche, du côté musulman, Bachir inspire une crainte sécuritaire. Durant la guerre, la population musulmane semble « terrorisée » par l’image d’un « homme sans pitié, assoiffé de vengeance, capable d’écraser les musulmans le jour où […] ils ne seraient plus protégés »20. Loué par les chrétiens et vilipendé par les musulmans, Bachir Gemayel reste une figure ambivalente tout au cours de sa vie. Admiré ou redouté, il incarne la vision chrétienne de l’identité libanaise21.
Période 2 : Usages intermédiaires
18La période qui fait suite à la fin de la guerre au Liban entraîne une évolution des représentations de la figure de Bachir Gemayel. Après sa mort, la tension qui oppose chrétiens et musulmans se transforme en clivage mémoriel autour de son symbole. Les premiers construisent des monuments à sa gloire, alors que les seconds s’estiment débarrassés par son décès du spectre d’une victoire chrétienne. La fin de la guerre et l’entrée de l’armée syrienne en 1990 dans les régions chrétiennes installent des gouvernements prosyriens à chaque élection jusque 2005. Les références au passé de guerre constituent progressivement un discours dominant qui marginalise toute autre mise en récit du passé. Il s’agit globalement de la vision musulmane de la guerre civile dans laquelle le rôle de la Syrie est positivement valorisé, et celui des forces chrétiennes - rapprochées d’Israël - systématiquement terni22. L’hégémonie de ce discours jette un discrédit sur la mémoire chrétienne de la guerre. La représentation de Bachir est celle d’un aventurier sanglant qui a trahi le Liban et la cause arabe23. En l’absence des principaux leaders chrétiens exilés ou emprisonnés, les politiciens musulmans, voire certains chrétiens alliés à la Syrie, confirment cette image négative24. Parallèlement, le récit qui se construit depuis sa mort dans les milieux chrétiens fidèles au président assassiné cherche à améliorer son image auprès des musulmans. Ses partisans entreprennent, en effet, de mettre en relief les faits et les gestes de l’ancien président qui peuvent être interprétés comme autant de signes de conciliation à l’égard des musulmans.
19L’élection de Bachir Gemayel avait déjà été l’occasion d’opérer une rupture entre son rôle de chef au sein d’une milice communautaire et la fonction nationale et unifiante de la présidence de la République à laquelle il accède le 23 août 1982. C’est précisément la mémoire des 22 jours qui séparent son élection et son assassinat qui est l’objet d’une stratégie discursive. L’objectif est simple : présenter le président défunt sous un jour nouveau. Le premier élément clef de cette transformation réside dans la mise en lumière d’une réunion qualifiée d’« historique » après l’élection présidentielle25 entre Bachir Gemayel et Saëb Salam, leader sunnite de Beyrouth. Le récit qui en est fait deux ans plus tard par un proche conseiller du président est celui d’une révélation surprenante pour l’opinion publique musulmane : « Bachir nous raconte avoir, d'emblée, refusé la place d'honneur à la table des conversations, que voulait lui voir occuper Saëb Salam. Ce dernier insiste : ʻDorénavant, vous êtes le chef de l'Étatʼ. Et le président élu de lui répondre : ʻJe ne suis que Bachirʼ, s'attirant de son interlocuteur, touché, le commentaire suivant : ʻL'un s'appelle Pierre [Gemayel], l'autre Camille [Chamoun] et le troisième Raymond [Eddé]. Vous êtes le seul à porter un prénom arabe ! Vous êtes le seul à porter un prénom arabe !ʼ »26. Au-delà de l’anecdote, le message transmis ici révèle la découverte par un représentant de la communauté musulmane du « vrai Bachir », loin de l’image du milicien violent, anti-arabe et anti-musulman qui leur était véhiculé. Il apparait humble, attentif au statut de son partenaire sunnite. On découvre également son acceptation de la composante arabe de l’identité du Liban par un prénom aux consonances orientales qu’il revendique et qui le singularise par rapport à la connotation étrangère des prénoms des autres leaders chrétiens.
20S’il représente la voie de passage pour un Liban débarrassé de ses maux, attirant en pleine guerre « une population [musulmane] de plus en plus sensible au modèle d’ordre qu’il proposait »27, il est surtout le défenseur d’un Liban unifié après tant d’années de déchirements internes. C’est ainsi que le slogan « 10452 km2 », soit la surface du pays des Cèdres rappelé à chaque occasion de commémoration de son assassinat, est formulé par Gemayel pour taire les velléités fédéralistes de son camp, préférant ainsi le maintien de la coexistence islamo-chrétienne28. Ce slogan comprend un autre message. Il signifie également qu’aucune partie du territoire ne sera cédée à la Syrie, mais aussi qu’aucune région ne sera laissée sous le contrôle de l’occupant israélien. La désignation de ce dernier acteur, même de manière indirecte, est décisive. Elle met en scène une volonté de distanciation avec l’État hébreu, allié devenu encombrant après l’élection d’août 1982.
21À cet égard, plusieurs historiens et partisans rapportent par le menu détail l’ambiance orageuse de la rencontre du 1er septembre 1982 à Nahariya, au nord d’Israël, entre le premier ministre israélien et le président élu. Ce dernier signifie à son interlocuteur que, contrairement à ce que ses alliés israéliens attendent de lui, il ne signera un accord de paix que s’il est accepté par « un gouvernement qui représentera une part importante de la population musulmane »29. La position de Bachir Gemayel qui se montre défavorable à une normalisation avec Israël aurait été guidée par son souci de prendre en compte le choix de ses compatriotes musulmans. Cette attitude est créditée « à son honneur et à l'honneur de cette majorité de Libanais, toutes confessions confondues, qui s'était ralliée à sa position à la veille de son élection »30. Ainsi, c’est parce qu’il n’a pas voulu « entraver le processus de réconciliation nationale » et en particulier pour cette réorientation à l’égard d’Israël qu’il fut assassiné par un attentat à la bombe le 14 septembre 198231.
22Bachir Gemayel aurait ainsi tout fait pendant les 22 jours qui suivent son élection pour conquérir ses opposants et les convaincre de sa sincérité. Un ralliement aurait même eu lieu. Il est perceptible lorsque certains représentants musulmans présentent sa mort comme un « second drame », après celui de son élection : le chef chrétien était devenu entre-temps le chef de tous les Libanais. Sélim Abou aborde en ces termes cette double dramaturgie : « On ne saura jamais le nom de ce musulman qui, quelques jours après l’assassinat de Béchir Gemayel, dit à son collègue chrétien : ʻVous, vous n’avez pleuré qu’une fois ; nous, nous avons pleuré deux foisʼ […] »32. La réaction populaire musulmane de dépit et de tristesse serait également partagée par son élite. Saëb Salam qui avait pourtant déclaré à son élection que Bachir Gemayel restait pour lui un « chef de milice », aurait confié à sa mort : « J’aurais préféré ne pas connaitre ce jeune homme ; je n’aurais pas éprouvé la peine que j’éprouve »33. Reprenant à leur compte ces différents éléments - réels ou exagérés - de la biographie du président défunt, ses partisans se sont efforcés de lier le sacrifice de Bachir, présenté comme martyr de tout un peuple, et la défense d’une souveraineté nationale tant recherchée. Comme le note Haugolle, les usages publics de la figure de Bachir Gemayel dans la période qui suit son décès se concentrent essentiellement sur sa symbolique intercommunautaire, reléguant les évocations les moins consensuelles dans « l’intimité culturelle de la mémoire communautaire » chrétienne34. Cette stratégie s’efforce en somme de rendre acceptable, au-delà du camp chrétien, la mémoire d’un nationaliste maronite qui a vraisemblablement cherché une reconnaissance musulmane dans les tout derniers jours de sa vie. Si les adversaires de Bachir Gemayel parviennent à noircir son image en jetant l’opprobre, du fait de ses choix politiques, sur la partie qui le soutient, le caractère central de la figure est cependant préservé à travers les commémorations dont il fait l’objet au sein de sa communauté. Mais la caractéristique principale qui surgit durant cette période réside dans la construction, en parallèle, d’un récit ouvert par les promoteurs chrétiens de la figure de Bachir. Il se caractérise par l’inclusion des musulmans libanais dans une narration qui les présente comme des partenaires valables et qui repose sur des valeurs à portée universelle telles que le courage, le sacrifice, la liberté, l’indépendance et la souveraineté.
Période 3 : Les usages actuels
23Les spécificités du choix mémoriel posé au Liban après la guerre se révèlent déterminantes. Après 2005, la mémoire de Bachir Gemayel fait en effet l’objet d’un travail symbolique qui renforce une coalition politique interconfessionnelle. Une nette convergence de vue rassemble progressivement druzes, sunnites et chrétiens à son sujet. C’est principalement à travers le rappel de l’assassinat des anciens leaders communautaires que le rapprochement interconfessionnel est mis en œuvre sur le plan discursif. La plupart des déclarations publiques alignent en suivant l’ordre chronologique les noms des différents martyrs assassinés pendant la guerre - en prenant soin de choisir une figure de chaque communauté. En témoigne la déclaration suivante du parti chrétien des Forces Libanaises :
« Il est venu le temps de faire le bilan de ce que les Libanais ont payé à un prix exorbitant pour préserver leur liberté, leur indépendance. Si bien que le convoi des martyrs s’allonge : de Kamal Joumblatt, à Bachir Gemayel, au Mufti Hassan Khaled, à René Mouawad, […] en passant par les martyrs de la [nouvelle] indépendance, éternels et vivants, Rafic Hariri, Samir Kassir etc. »35.
24Ainsi, le dignitaire sunnite Hassan Khaled et le druze Kamal Joumblatt, anciens ennemis de Bachir Gemayel, se retrouvent a posteriori partenaires de ce dernier dans un seul et même combat en faveur de l’indépendance du Liban. À ces martyrs de la guerre correspondent aujourd’hui d’autres martyrs, comme l’ex-premier ministre sunnite Rafic Hariri ou le journaliste chrétien Samir Kassir, deux figures dont la mort violente traduit la confluence post mortem de leurs projets politiques. La même dynamique de réinterprétation du parcours des martyrs est à l’œuvre dans d’autres discours, comme celui du chef des Forces Libanaises :
« L’occasion du 14 février est sur le plan humain le jour de commémoration de l’assassinat de Rafic Hariri mais politiquement et moralement […] elle est aussi une commémoration de l’assassinat de Kamal Joumblatt, de Bachir Gemayel […] tombés sur le chemin de l’indépendance du Liban. […] la plupart des martyrs proviennent de la coalition du 14 mars »36.
25Les divergences politiques s’estompent avec la survenance de la mort violente qui crée le sentiment d’un destin partagé. Durant la guerre, les forces politiques ont certes opté pour des voies distinctes, mais celles-ci se rejoignent finalement en véhiculant une même représentation du sacrifice37. Cette communauté de sacrifice voit sa solidarité renforcée par la constance de l’identité de l’auteur accusé de commettre les assassinats, à savoir la Syrie.
Ainsi, « les mêmes forces [syriennes] ont eu raison de Kamal Joumblatt qui a refusé de rentrer dans la grande prison au nom de l’unité arabe. Elles ont aussi éliminé Bachir Gemayel parce qu’il a cru, même avec une vision dont on ne partage pas tous les détails, aux ‘10452 km2’ [surface du Liban, synonyme d’attachement à la souveraineté – cf supra]. Elles ont éliminé aussi Hassan Khaled […] »38.
26L’usage de la figure de Bachir Gemayel permet un rapprochement islamo-chrétien qui repose essentiellement sur un ralliement à sa ligne politique souverainiste. Il représente une source d’inspiration des principaux politiciens sunnites qui lui empruntent les concepts popularisés par ses partisans après sa mort, que l’on songe aux « 10452 km2 » ou au slogan « Liban d’abord »39. De manière générale, pour les composantes musulmanes et chrétiennes de la coalition du « 14 mars » réunies chaque année autour de la commémoration du président assassiné, les évolutions qui consolident l’indépendance du Liban sont l’accomplissement à plusieurs décennies d’intervalle du « rêve » de Bachir Gemayel40.
27En bref, l’utilisation de la figure du martyr, et spécifiquement celle de Bachir, ouvre une brèche dans le cloisonnement des mémoires communautaires. Elle met en évidence une identité de vue et de vécu à l’égard du passé conflictuel et esquisse les voies d’une mémoire commune de la guerre libanaise. La proximité soulignée entre Bachir Gemayel et ses ennemis rejaillit sur leurs communautés respectives qui se voient ainsi confirmées dans leur volonté actuelle de rapprochement. Ces figures tutélaires, parmi lesquelles seul Bachir Gemayel représente le camp chrétien, préfigurent en quelque sorte l’alliance en cours41.
Belgique : la figure du collaborateur
Période 1 : Usages initiaux
28Pendant la Seconde Guerre mondiale, la figure du collaborateur en Belgique est diversement valorisée en fonction de l’appartenance communautaire. En Wallonie, la collaboration politique et militaire est principalement le fait du mouvement politique Rex, parti nationaliste dirigé par Léon Degrelle. On estime à près de 10.000 Belges francophones le nombre de ceux qui se sont activement engagés sur le plan militaire auprès des Allemands. En Flandre, si la collaboration fut moins homogène qu’au sud du pays, elle trouva néanmoins un représentant dominant dans le Vlaams Nationaal Verbond (VNV), dont les quelques 30.000 affiliés s’impliquèrent dans la répression des résistants et dans la gestion de certains secteurs de l’administration42. La vision qui, après la guerre, assimile la collaboration à la Flandre et la résistance à la Wallonie prend sa source dans la politique d’occupation mise en œuvre par l’Allemagne en Belgique. Comme après la Première Guerre mondiale, où nombre de commentateurs associent « activisme » et « flamingantisme » dans la presse francophone43, la période qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale connaît le même glissement.
29Les caractéristiques de la deuxième occupation expliquent en partie la formation de ces images contrastées. Abordant les communautés belges avec un biais favorable à la Flandre, les autorités allemandes mènent une politique préférentielle qui s’exprime dans des mesures telles que l’application complète des lois linguistiques promouvant l’usage du néerlandais ou l’attribution des plus hauts postes administratifs aux nationalistes flamands44. Cette préférence en faveur de l’une des communautés linguistiques belges constitue l’un des ferments des divisions mémorielles d’après-guerre. Dès 1944, se développent dans les mouvements de résistance wallons, davantage travaillés par les idées de gauche, des « critiques à l’égard d’une population flamande que d’aucuns estiment sinon collaboratrice, du moins trop passive »45. À partir de 1944, 53.000 collaborateurs sont jugés et condamnés par des tribunaux militaires46.
30En Wallonie, le collaborateur est présenté comme un traître, alors qu’il semble à tout le moins toléré dans nombre de milieux flamands. La répression et le développement du mythe de l’activiste flamand idéaliste, incompris et condamné pour ses seules convictions flamingantes transforment cette tolérance en célébration victimaire. En Wallonie par contre, le souvenir du collaborateur ne sera pas associé à une figure injustement traitée.
Période 2 : Usages intermédiaires
31Avec la fin de la répression débute le processus d’élaboration des différentes représentations de l’occupation et de ses conséquences, à commencer par la collaboration. Ce processus se déroule dans les premières années aux marges de tout débat public, dans une sorte de clandestinité mémorielle et de « silence pesant »47. Une véritable sous-culture des « victimes de la répression » se développe auprès des anciens collaborateurs, particulièrement actifs au sein de l’opinion flamande48. En 1949, cependant, puis en 1954, ces derniers jettent les bases d’un premier parti nationaliste flamand, le Vlaamse Concentratie, puis d’un second, la Volksunie, dans le but d’assurer une amnistie aux collaborateurs. Parallèlement, les sociaux-chrétiens flamands manifestent dans les années cinquante une proximité de vue avec ces deux derniers partis s’agissant du passé de guerre et de la dénonciation de la répression comme une campagne judiciaire anti-flamande49.
32Très tôt, le mouvement flamand défend l’idée que la répression a davantage frappé la Flandre, que ce soit quantitativement au vu du nombre élevé de condamnés ou qualitativement en raison la dureté des peines infligées. D’après les détracteurs de cette politique discriminant supposément sur base de la langue, les raisons de cet écart résideraient dans la volonté des forces anti-flamingantes, regroupées autour des belgicains francophones et de la Résistance dominée par la gauche wallonne, de saper les revendications du mouvement flamand50.
33Dans la rhétorique des défenseurs de l’amnistie, la collaboration des activistes flamands, « idéalistes » pour la plupart, aurait été essentiellement désintéressée, ne recherchant que l’égalité des droits sociaux et linguistiques. Plus subtile encore, une certaine vision du passé de guerre propagée par les tenants de l’amnistie met en avant la fermeté très répandue de ceux qui, tout en subissant le fait accompli, ont tenté de préserver l’intérêt du peuple flamand. Il s’agit de la multitude de personnes investies d’une autorité, qui se sont dévouées pour répondre aux besoins urgents de la population, et qui, prenant acte du pouvoir exercé de fait par l’occupant, ont essayé de le canaliser dans l’intérêt du pays en traitant habilement avec les Allemands ou même parfois en acceptant un certain degré de conflit avec eux. Sous cet angle, l’ensemble de la collaboration flamande devient en quelque sorte une forme de résistance contre l’impérialisme allemand. Cette requalification de la collusion avec l’occupant s’effectue parce qu’une frontière poreuse est établie entre collaboration et résistance, le discours flamand soulignant la présence « d’idéalistes » et de « profiteurs » aussi bien au sein des collaborateurs que parmi les résistants, surtout ceux de « dernière minute »51. En raison donc de la nature de l’« amour du peuple » qui caractérise les collaborateurs flamands, les « inciviques » ont finalement droit à une rémission complète qui doit aller jusqu’à l’effacement des faits incriminés52. En contrepoint de cette représentation partagée au sein de la droite flamande, les élites du sud du pays établissent une distinction entre le collaborateur flamand et le collaborateur wallon. Admettant qu’en Wallonie et à Bruxelles certains se sont compromis avec l’ennemi, ces élites s’attellent dans l’après-guerre à souligner la différence d’acceptation sociale du phénomène entre le Nord et le Sud du pays. D’après eux, le nationaliste flamand qui collabore évolue dans un environnement communautaire sinon complice du moins passif vis-à-vis de l’occupant53. À l’opposé, le collaborateur wallon, abstraction faite de tout cadre légal, et quelle que soit la motivation de sa geste, est en rupture politique et morale avec son peuple, dont il sera dorénavant ostracisé54.
34La figure du collaborateur, bien que globalement présentée par les autorités belges sous un jour qui lui est défavorable, garde sa centralité identitaire pour les acteurs qui la défendent, grâce notamment aux nombreuses commémorations et célébrations dont elle fait l’objet. Durant cette période où s’impose un discours dominant, les promoteurs flamands de la figure du collaborateur élaborent un récit parallèle du cheminement identitaire flamand : la longue marche vers l’émancipation d’un peuple opprimé par la Belgique. Les qualificatifs qui l’accompagnent n’ont pas de portée universelle, ne dépassant pas la frontière du groupe, qu’il s’agisse de l’idéalisme des collaborateurs, de l’opportunisme de certains résistants ou encore de la recherche de l’égalité linguistique, même en temps de guerre. Les francophones sont peu présents dans ce récit. Lorsqu’ils sont évoqués, ils apparaissent comme les inspirateurs ou les complices d’une campagne de répression ayant pour but inavoué l’élimination du mouvement flamand.
Période 3 : Les usages actuels
35La recherche d’une approche apaisée du passé national n’a pu empêcher que la figure du collaborateur « victime de la répression » suscite aujourd’hui encore un intense conflit mémoriel entre francophones et Flamands55. Ce conflit apparaît à la moindre proposition de loi visant la réhabilitation des collaborateurs. Impliquant la reconnaissance du sort injuste subi par les collaborateurs, chacune de ces propositions entraîne un rejet en bloc de la part des francophones. En 1999, une proposition de loi en faveur de l’octroi d’une aide aux « victimes de la répression » conduit un député libéral francophone à déclarer que même « la discussion de cette proposition consisterait à discuter de l'effacement de la mémoire collective, alors que nous revendiquons la fidélité à cette mémoire ! »56. Un député socialiste abonde dans le même sens et considère que « ceux qui ont trahi le pays et ceux qui ont collaboré avec l'occupant nazi n'ont pas à bénéficier de mesure de clémence »57. Un an plus tôt, les politiques francophones réagissent tout aussi vivement à l’adoption par le parlement flamand d’un décret « visant à assouplir les conséquences de la répression ». Pour certains d’entre eux, une telle mesure signifie « une gifle au civisme et aux serviteurs de la patrie »58. Ils condamnent un « décret révisionniste »59 et opposent, au prétendu traitement injuste enduré par les collaborateurs, les faveurs accordées par l’occupant aux seuls prisonniers de guerre flamands libérés dès 1940 – faveurs qui expliquent que « sur les plus ou moins 70.000 prisonniers de guerre belge, 67.000 étaient wallons et [seulement] 3.000 étaient flamands »60. Plus d’une décennie plus tard, en 2011, le même type de réactions se reproduit au sein de la classe politique francophone suite au vote par les partis flamands au Sénat de la prise en considération d’une proposition de loi d’amnistie pour les collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale, émanant de l’extrême droite61. Plus récemment encore, le vice-premier ministre flamand Jan Jambon relance le débat en expliquant que « les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons »62.
36Les partis flamands réfutent de leur côté l’accusation de dénaturation du passé de guerre en unifiant leur position autour d’une résolution adoptée au parlement flamand en 2002. Celle-ci tente d’introduire des nuances dans la vision de la collaboration, ne demandant plus l’amnistie mais seulement la prise en compte des conséquences sociales de la répression. Selon l’ancien ministre-président de la région flamande, le socialiste Norbert de Batselier, certains collaborateurs « se sont engagés par idéalisme ou par attachement à la cause flamande » tout en soulignant « que la répression d'après-guerre n'a pas traité équitablement tous les prévenus »63. Ancien Ministre-président de la région flamande, Patrick Dewael, se prononce quant à lui pour une double garantie de la mémoire de la guerre sous forme d’un « musée de l'holocauste et un autre de l'émancipation flamande » sur fond de « réconciliation qui tourne [simultanément] la page de la collaboration […] et de la répression »64. Pour le social-chrétien flamand, Marc Van Peel, il y a des « gradations dans la collaboration » avec d’un côté un mouvement flamand mû par « un idéalisme » et qui « s'est trompé en croyant que l'occupation allemande permettrait la libération flamande », et de l’autre une « collaboration économique plus grave, parce qu'elle relève de l'opportunisme ». C’est pourquoi « après 54 ans, laisser [les collaborateurs] souffrir du point de vue social n'est pas défendable »65. Cette sollicitude vis-à-vis des « victimes de la répression » acquiert tout son sens lorsqu’on se penche sur le parcours individuel des promoteurs de l’amnistie. L’exemple du président actuel du parlement flamand, Jan Peumans, est emblématique à cet égard. Comme il l’explique lui-même, ses orientations politiques se sont construites au sein d’une famille où on évoquait sans cesse « les humiliations subies par les Flamands et l’arrogance […] du pouvoir francophone ». Flamingant « pur et dur », son oncle Jules était « un […] membre du VNV. Il a été tué sous les yeux de ses élèves, au milieu de la cour de récréation de son école à Riemst, par des lâches ». Ses propres enfants « ont été régulièrement insultés à l’école, traités de “zwarten”, ce quolibet dont on affublait les inciviques, tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir collaboré avec l’occupant nazi »66. Égrenés au fil des ans, ces discours montrent, avec constance, la portée de la dissonance entre les représentations francophones et flamandes de la collaboration.
37Les références récentes aux deux figures étudiées prennent particulièrement sens à la lumière des usages antérieurs divergents. Le caractère inclusif ou non du récit initialement développé permet de mieux comprendre pourquoi la connotation négative d’une figure historique peut, à terme, devenir positive.
38Comme cela a été précisé, l’insertion de la figure de Bachir Gemayel dans la trame symbolique construite par la coalition interconfessionnelle du « 14 mars » a certes été facilitée par les circonstances politiques : les événements de 2005 – l’assassinat de l’ancien premier ministre sunnite Rafic Hariri et le retrait syrien – provoquent un rapprochement des politiciens sunnites, druzes et chrétiens. Mais cette condition, pour être nécessaire, ne semble pas suffisante puisque les autres événements et figures de la guerre évoqués par les représentants chrétiens sont publiquement désavoués par leurs alliés musulmans.
39Au-delà des changements d’ordre contextuel, il importe en effet de prendre en considération les usages précédents de la figure de Bachir Gemayel. Cherchant à ne pas heurter la vision musulmane du passé de guerre, le récit développé dès la fin du conflit ne cherche pas à mettre en question les choix musulmans durant cette période. Il insiste d’emblée sur l’envergure nationale et non strictement confessionnelle du martyr et souligne des éléments de conciliation et des valeurs partagées. Sans réussir dans l’immédiat à modifier la mauvaise réputation de Bachir Gemayel auprès des musulmans, ses défenseurs construisent dès 1982 un récit ouvert, susceptible d’intégrer des significations historiques portées par d’autres entrepreneurs mémoriels. Ce faisant, ils préparent le terrain pour les prochaines opérations interprétatives, rendant ainsi possible une relecture du passé conflictuel.
40Dans le cas belge, la scène politique est régulièrement mise à mal par des conflits de mémoire entre francophones et Flamands. Un nouveau contexte aurait pourtant pu créer des conditions favorables à un rapprochement intercommunautaire au sujet de la collaboration. Les recherches historiques flamandes ont progressivement démystifié le mythe du collaborateur innocent en montrant que la collaboration en Flandre plonge moins ses racines dans la quête d’égalité linguistique portée par le mouvement flamand que dans l’attrait exercé par le modèle antidémocratique du fascisme allemand67. De plus, le discours des sociaux-chrétiens et des nationalistes flamands est sensiblement modifié suite à ces avancées historiographiques : ces formations n’évoquent plus l’amnistie, jetant ainsi les bases d’un possible compromis avec les partis francophones. Enfin, plusieurs personnalités francophones de premier plan, dont le vice-premier ministre libéral Louis Michel68, et le premier ministre socialiste Elio Di Rupo69, ont émis, lorsqu’ils étaient en fonction, le souhait de ne pas laisser la demande flamande d’un réexamen du passé de guerre insatisfaite. L’ensemble de ces facteurs favorables n’a pourtant pas permis d’entreprendre un travail de mémoire sur le plan national. Les tensions communautaires se sont au contraire cristallisées ces dernières années sur la question de la collaboration.
41 Il est certainement utile de réfléchir à cette impasse à partir des notions de poids et de choix du passé, mises en évidence par la sociologie de la mémoire70. Le poids du passé ne fait ici aucun doute au vu du caractère passionnel des débats, que ce soit d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique. Quant au choix du passé, il est tentant d’interpréter la stigmatisation systématique des nationalistes flamands en tant que défenseurs de la collaboration comme une arme politique à part entière. Au-delà des interactions entre poids et choix du passé, il est éclairant de réfléchir aux usages antérieurs de la figure du collaborateur. Contrairement au Liban où la représentation de la figure historique analysée s’est d’emblée orientée vers un rapprochement intercommunautaire, la représentation du collaborateur « victime de la répression » est restée confinée à un espace identitaire exclusivement flamand. Destiné à souligner la répétition dans le temps des injustices commises par la Belgique à l’égard de la Flandre, ce récit n’a pu constituer un répertoire de sens accommodant. L’autre francophone y est absent ou condamné en tant qu’ennemi du mouvement flamand. Et c’est « la logique interne du récit stéréotypé flamand sur l’occupation et la répression » qui expliquerait pourquoi ce récit a pu conserver une telle « crédibilité » et une telle « attractivité »71. L’historien Bruno de Wever résume habilement la situation lorsqu’il souligne que « dans l’image qui s’est formée pendant le demi-siècle qui nous sépare de l’occupation », les défenseurs des collaborateurs ont « dessiné quelque chose qui s’apparente à la quadrature du cercle – à savoir l’assimilation de la collaboration politico-idéologique en Flandre à ʻl’intérêt flamandʼ, et l’assimilation de l’épuration d’après-guerre à ʻune injustice faite au flamandʼ »72. Dans ces circonstances, la reproduction ininterrompue de schémas narratifs clos a posé des contraintes telles aux entrepreneurs de mémoire flamands que même lorsque qu’ils ont engagé un effort interprétatif dans le but d’obtenir l’assentiment des partis francophones, la valeur négative attachée au « collaborateur réprimé » a perduré.
42Sur le plan théorique, ces deux études de cas indiquent le caractère déterminant des récits élaborés à la marge des discours dominants. Plus ou moins ouverts à la perception de l’exo-groupe, ils contiennent des promesses de rapprochement ou au contraire des obstacles considérables à toute mise en récit commune du passé. Ils tendent à montrer, de façon contre-intuitive, qu’une modification du discours dominant sur le passé peut advenir grâce à la dimension « empathique » du discours marginal initial. Par ses propriétés plus universelles, ce discours marginal érode progressivement le monopole interprétatif exercé par le discours dominant. Le but d’un tel constat n’est pas d’identifier des usages du passé qui seraient en soi positifs ou négatifs. Loin de toute portée prescriptive, le propos vise à comprendre pourquoi certaines figures sont mobilisées à des fins de rapprochement alors que d’autres semblent constituer des obstacles infranchissables.
43En prêtant attention aux usages antérieurs du passé, la réflexion montre que la mémoire n’est pas cantonnée à une interaction unique entre faits historiques et contexte présent. Elle invite à considérer l’ensemble des interprétations du passé, et ce, dans la durée. En cela, elle rejoint la notion de « lieu de mémoire » qui met précisément l’emphase sur l’existence d’un ensemble sédimenté d’interprétations historiques. Une telle perspective invite à concevoir la mémoire comme un mille feuilles dont les couches les plus invisibles se révèlent décisives.
Notes
1 Lavabre Marie-Claire, « Du poids et du choix du passé. Lecture critique du ‘syndrome de Vichy’ », in Peschanski Denis, Pollak Michael et Rousso Henry (dir.), Histoire politique et sciences sociales, Bruxelles, Complexe, collection Questions au XXe siècle, 1991, pp. 265-278.
2 Hobsbawm Eric et Ranger Terence (dir.), The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University press, 1983, 320 p.
3 Schudson Michael, « The present in the past versus the past in the present », Communication, 1989, no 11, pp. 105-113.
4 Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, Vol. 1, 1984, 720 p.
5 Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Alcan, 1925, 404 p.; Lowenthal David, The Heritage Crusade and the Spoils of History, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, 338 p.
6 Ollick Jeffrey, « Genre Memories and Memory Genres: A Dialogical Analysis of May 8, 1945. Commemorations in the Federal Republic of Germany », American Sociological Review, 64, Vol. 3, 1999, pp. 381-402; Jansen Robert, « Resurrection and Appropriation: Reputational Trajectories, Memory Work, and the Political Use of Historical Figures », American Journal of Sociology, 112, Vol. 4, 2007, p. 961.
7 Sur le concept de mémoire collective, voy. notamment Viaud Jean « Contribution à l’actualisation de la notion de mémoire collective », in Laurens Stéphane et Roussiau Nicolas (dir.), La mémoire sociale. Identités et représentations sociales, Rennes, Presses Universitaires Rennes, 2002, pp. 21-32.
8 Le choix de ce début réside dans le fait que cette année constitue sur le plan politique une rupture. Le scrutin fédéral de 1999 propulse les libéraux comme la famille politique ayant le plus de voix et de sièges. Le CVP, le parti social-chrétien, est détrôné pour la première fois également de son statut de parti dominant en Flandre au profit des libéraux du VLD. Les revendications flamandes franchissent du reste une nouvelle étape et prennent la forme, dans les résolutions du Parlement flamand de mars 1999, de demandes pour une très large autonomie allant dans le sens confédéral. Ce qui ouvre des perspectives d’incompatibilité d’objectifs avec les francophones partisans d’une stabilité institutionnelle. En d’autres termes, en mettant sous tension les représentants des groupes linguistiques au sujet de la réforme de l’État, la décennie qui s’ouvre est le siège de vives tensions communautaires où le passé se trouve mis à profit des stratégies politiques des acteurs concernés.
9 La première limite temporelle correspond à l’année au cours de laquelle un changement majeur se produit sur la scène libanaise. L’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri le 14 février déclenche d’importantes mobilisations populaires contre l’occupant syrien qui conduisent à son retrait. Le discours politique entre aussi dans une ère nouvelle. Après quinze années où le régime mémoriel imposé consiste à mettre sous le boisseau la responsabilité de la classe politique et de l’occupant dans le déroulement de la guerre civile, on assiste à une irruption massive de déclarations politiques faisant référence à la période de conflit. La deuxième limite temporelle se justifie par les heurts interconfessionnels qui ont lieu le 8 mai 2008 et qui clôturent le cycle ouvert par l’assassinat de Rafic Hariri.
10 Les deux corpus étudiés ont été constitués à partir des bases d’archives de quotidiens nationaux. Les journaux représentent une base de données essentielle pour repérer le poids et les usages du passé. Nulle part répertoriées comme telles, ces dernières peuvent être mises en lumière soit par une revue systématique des bases d’archives, soit par l’introduction de mots-clés. La première méthode se révèle rédhibitoire au vu des deux cas étudiés et de la période couverte pour chacun d’entre eux. La deuxième méthode, qui a été choisie, a l’avantage de cibler directement les données pertinentes. En outre, pour atténuer l’écueil du biais de sélection, il a été demandé à 8 personnes pour chaque cas, de différents milieux socioprofessionnels, d’établir une liste de mots-clés faisant référence à l’histoire nationale en général. Sans être nécessairement exhaustive, cette méthode se rapproche fortement de la démarche systématique comme l’atteste la quantité de discours recueillis. Pour le cas du Liban, le corpus a été sélectionné à partir d’une base d’archives de tous les quotidiens nationaux essentiellement arabophones (multidataonline.com). Du côté belge, le corpus a été récolté sur base de deux journaux francophones, La Libre et Le Soir, et de deux quotidiens néerlandophones, De Standaard et De Morgen. L’examen systématique des annales du Parlement fédéral a ensuite permis de compléter le corpus belge de manière aussi représentative que possible.
11 Le corpus a été étudié par le biais de l'analyse thématique, une méthode mettant l'accent sur l'identification de thèmes prédominants (Braun Virginia et Clarke Victoria, « Using Thematic Analysis in Psychology », Qualitative Research in Psychology, 2006, vol. 3, no 2, pp. 77-101). Une fois dégagés, ces thèmes peuvent subir soit une analyse sémantique limitée soit un examen des structures sous-jacentes, des idéologies et des hypothèses dont on pense qu’ils modèlent le contenu sémantique. Dans ce dernier cas, la recherche des raisons donnant aux thèmes leur forme et leur signification particulière est essentielle et l'enquête génère une description qui est déjà elle-même une théorisation. En répondant à des questions spécifiques telles que « pourquoi ce thème est-il si fréquent ? », « quel est l'objectif de ces discours ? », « pourquoi y a-t-il un déséquilibre dans le recours au passé entre les principaux acteurs ? », des significations surgissent et permettent de délimiter ce qui est réellement en jeu dans les discours.
12 Seawright Jason et Gerring John, « Case selection techniques in case study research: A menu of qualitative and quantitative options », Political Research Quarterly, 2008, vol. 61, no 2, pp. 294-308.
13 Borginon Alfons, « Compte rendu intégral », Chambre des Représentants de Belgique, Séance plénière, 28 octobre, 1999.
14 Gemayel Sami, L’Orient-le-Jour, 11 décembre 2009.
15 En 2011, par exemple, le ministre de la justice Stefaan De Clerck soutient un geste de conciliation envers les collaborateurs pour enfin « oublier, parce que c’est du passé », enflammant la scène politique nationale (Le Soir, 15 mai 2011).
16 Malgré leur participation à la coalition interconfessionnelle du « 14 mars », les personnalités musulmanes ont continué à dénoncer l’accord du 17 mai en critiquant les alliés chrétiens qui le défendent, plus précisément l’ancien président Amine Gemayel, frère de Bachir. C’est le cas du premier ministre sunnite Fouad Siniora (Tichrine, 26 octobre 2005) ou du député druze Marwan Hamadeh (Al-Mustaqbal, 27 octobre 2005).
17 De Wever Bruno, Greep naar de macht. Vlaams-nationalisme en Nieuwe Orde. Het VNV 1933-1945, Tielt/ Gent, Lannoo/Perspectief, 1994. Au sujet des motivations et conditions de la collaboration flamande lors de la Seconde Guerre mondiale, voy. Sax Aline, Voor Vlaanderen volk en Führer : demotivatie en het wereldbeeld van Vlaamse collaborateurs tijdens de Tweede Wereldoorlog, 1940-1945, Anvers, Manteau, 2012, 424 p. Pour la collaboration wallonne, voy. notamment : Conway Martin, Collaboration in Belgium: Léon Degrelle and the Rexist movement 1940-1944, New Haven, Yale University, 1993, 384 p.
18 Jansen Robert, « Resurrection and Appropriation: Reputational Trajectories, Memory Work, and the Political Use of Historical Figures”, op. cit.
19 Lefort Bruno, « Représentations du leadership et mémoires vives chez les militants aounistes”, in Mermier Frank et Mervin Sabrina (dir.), Leaders et Partisans au Liban, Paris, Karthala, 2010, pp. 253-259.
20 Abou Sélim, Béchir Gemayel ou l'esprit d'un peuple, Paris, Anthropos, 1984, p. 61.
21 Sur l’action politique de Bachir Gemayel et sa perception par ses contemporains, voy. Abou Sélim, Béchir Gemayel ou l'esprit d'un peuple, op. cit., pp. 17-26; Sneiffer-Perri Régina, Guerres Maronites 1975-1990, Paris, Harmattan, 1995, 204 p.; Menargues Alain, Les secrets de la guerre au Liban: du coup d'État de Bachir Gémayel aux Massacres des Camps Palestiniens, Paris, Albin Michel, 2004, 554 p.
22 Haugbolle Süne, “Public and Private Memory of the Lebanese Civil War”, Comparative Studies of South Asia, Africa and the Middle East, 2005, vol. 25, no 1, pp. 191-203.
23 Haugbolle Süne, War and memory in Lebanon, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 180-182.
24 Au cours de la période 1990-2005, les forces politiques dominantes alliées à la Syrie tentent de discréditer l’héritage politique de Bachir Gemayel, considéré comme un aventurier, responsable de la guerre druzo-chrétienne de la Montagne en 1983 et sacrifiant le Liban à Israël (Joumblatt Walid, Al-Shark Al-Awsat, 11 septembre 2003).
25 Chomsky Noam, Fateful triangle: the United States, Israel, and the Palestinians, Cambridge, South End Press, 1999, p. 358.
26 Pakradouni Karim, La paix manquée. Le mandat d'Elias Sarkis, 1976-1982, Beyrouth, Editions FMA, 1984, p. 258.
27 Kassir Samir, La guerre du Liban. De la dissension nationale au conflit régional, Paris, Karthala, Cermoc, 1994, p. 476.
28 Haugbolle Süne, War and memory in Lebanon, op. cit. p. 170.
29 Shiffer Shimon, Opération Boule de neige: les secrets de l'intervention israélienne au Liban, Paris, Lattès, 1984, p. 206.
30 Azzam Roger, Liban, l'instruction d'un crime : 30 ans de guerre, Paris, Cheminements, 2005, p. 346.
31 El Ezzi Ghassan, L'invasion israélienne du Liban: Origines, finalités et effets pervers, Paris, L'Harmattan, 1990, p. 116.
32 Abou Sélim, Béchir Gemayel ou l'esprit d'un peuple, op. cit., p. 61.
33 Ibid.
34 Haugbolle Süne, War and memory in Lebanon…op. cit. p. 180.
35 Parti des Forces Libanaises, Al-Mustaqbal, 16 novembre 2006.
36 Geagea Samir, Al-Nahar, 23 janvier 2007.
37 Voy. le propos du chef druze : Joumblatt Walid, Al-Mustaqbal, 26 décembre 2006.
38 Hamade Marwan, Al-Nahar, 3 juin 2005.
39 Hariri Saad, Al Anwar, 5 octobre 2005.
40 Gemayel Solange, Al-Siyassa, 26 octobre 2006.
41 Sassine Sassine, Al-Mustaqbal, 22 mars 2007.
42 De Vos Luc, La Belgique et la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, Editions Racine, 2004, pp. 213-215.
43 Rousseaux Xavier et Van Ypersele Laurence, « La répression de l’incivisme en Belgique au travers de la presse bruxelloise francophone et des procès de la cour d’assises du Brabant (1918-1922) », in Van Ypersele Laurence (dir.), Imaginaires de guerre: l’histoire entre mythe et réalité, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2003, p. 290.
44 Maerten Fabrice, « L’impact du souvenir de la Grande Guerre sur la résistance en Belgique durant le second conflit mondial », in Van Ypersele Laurence (dir.), Imaginaires de guerre: l’histoire entre mythe et réalité, op. cit., p. 306.
45 Ibid. p. 321.
46 Witte Els, Craeybeckx Jan et Meynen Alain, Political History of Belgium from 1830 Onwards, Brussels, Vubpress, 2010, p. 235.
47 Deloge Pascal et Grosbois Thierry, « La Seconde Guerre mondiale et ses suites: la Belgique entre l’image du passé et la réalité historique”, in Van Ypersele Laurence (dir.), Imaginaires de guerre: l’histoire entre mythe et réalité, op. cit., p. 122.
48 Beyen Marnix, « Elle est de plus en plus noire, la masse des flamingants: Comment s’est forgée l’image de l’occupation et de la répression en Flandre, 1945-2000 », in Gotovich José et Kesteloot Chantal (dir.), Collaboration, répression. Un passé qui résiste, Bruxelles, Éditions Labor, 2002, p. 99. Sur la réintégration des anciens collaborateurs, voy. Koen Aerts, "Repressie zonder maat of einde?" De juridischereïntegratie van collaborateurs in de Belgische Staat na de Tweede Wereldoorlog, Gand, Academia Press, 2014, 568 p.
49 Ibid. p. 103.
50 Huyse Luc et Dhondt Steven, La répression des collaborations 1942-1952 – Un passé toujours présent, CRISP, Bruxelles, 1993, 345 p..
51 Beyen Marnix et Beyen Marnix, « Elle est de plus en plus noire, la masse des flamingants: Comment s’est forgée l’image de l’occupation et de la répression en Flandre, 1945-2000 », in Gotovich José et Kesteloot Chantal (dir.), Collaboration, répression. Un passé qui résiste, op. cit., p. 109.
52 Witte Els, Craeybeckx Jan et Meynen Alain, Political History of Belgium from 1830 Onwards, op. cit., p. 237.
53 Balace Fabrice, « Collaboration et répression en Wallonie: un regard particulier », in Gotovich Jose et Kesteloot Chantal (dir.), Collaboration, répression. Un passé qui résiste, op. cit. p. 52.
54 Van Dam Denise, « Histoire du mouvement wallon », in Martiniello Marco et Swyngedouw Marc, Où va la Belgique ? Les soubresauts d'une petite démocratie européenne, Paris, Éditions L’Harmattan, 1998, pp. 77-78.
55 Luminet Olivier (dir.), Belgique – België: un État, deux mémoires collectives ?, Bruxelles, Mardaga, 2012, 192 p.
56 Bacquelaine Daniel, « Compte rendu intégral », Chambre des Représentants de Belgique, Séance plénière, 28 octobre, 1999.
57 Eerdekens Claude, « Compte rendu intégral », Chambre des Représentants de Belgique, Séance plénière, 28 octobre1999.
58 Propos rapportés d’un représentant du PSC, Jacques Lefèvre, Le Soir, 12 juin 1998.
59 Propos rapportés d’un représentant du PSC, Guy Lutgen, Le Soir, 12 juin 1998.
60 Propos rapportés d’un représentant du PS, Jose Happart, Le Soir, 12 juin 1998.
61 La Libre, 15 juillet 2011.
62 Jambon Jan, De Standaard, 15 octobre 2014.
63 De Batselier Norbert, Le Soir, 21 février 2002.
64 Dewael Patrick, Vooruitzien – Ideeën over een kleurrijk Vlaanderen, 2001.
65 Van Peel Marc, Le Soir, 13 juin 1998.
66 Peumans Jan, Le Soir, le 6 février 2010.
67 De Wever Bruno, Greep naar de macht. Vlaams-nationalisme en Nieuwe Orde. Het VNV 1933-1945, op. cit., 1994.
68 Michel Louis, La Libre, 10 mai 2001.
69 Di Rupo Elio, Le Soir, 17 juillet 2010.
70 Lavabre Marie-Claire, « Du poids et du choix du passé. Lecture critique du ‘syndrome de Vichy’ », in Peschanski Denis, Pollak Michael et Rousso Henry (dir.), Histoire politique et sciences sociales, Bruxelles, op. cit., pp. 265-278.
71 Beyen Marnix, « Elle est de plus en plus noire, la masse des flamingants: Comment s’est forgée l’image de l’occupation et de la répression en Flandre, 1945-2000 », in Gotovich José et Kesteloot Chantal (dir.), Collaboration, répression. Un passé qui résiste, op. cit., p. 111.
72 De Wever Bruno, « La collaboration en Flandre », in Gotovich Jose et Kesteloot Chantal (dir.), Collaboration, répression. Un passé qui résiste, op. cit., pp. 39-48.
Pour citer cet article
A propos de : Nadim Farhat
Chercheur en sciences politiques, post-doctorant à l’Université du Luxembourg (UL).
A propos de : Valérie Rosoux
Maître de recherches du FNRS et professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL).