Cahiers Mémoire et Politique Cahiers Mémoire et Politique -  Cahier n°7. 30 ans de « lois mémorielles » ? 

La reconnaissance du génocide arménien par les parlementaires français
Examen des débats de 1998 à 2001

Jérôme Nossent

Assistant-doctorant en science politique à l’Université de Liège, rattaché au centre d’étude Démocratie et à l'Institut de la décision publique.

Introduction

1Du début des années 1990 au milieu des années 2000 ont éclos, dans plusieurs pays européens divers instruments mémoriels législatifs1, parmi lesquels on peut compter ce que certains nomment « lois mémorielles »2. Prenant surtout la forme de lois, ces instruments ont donné lieu à de nombreuses interprétations mais aussi à diverses polémiques tant sur leur pertinence que sur leurs effets. Pourtant, il ressort des débats scientifiques que peu d’attention a finalement été accordée aux principaux artisans de ces instruments, soit les parlementaires qui les ont adoptés. En effet, le rôle de ceux-ci est généralement ignoré, voire brièvement établi.

2L’origine des instruments mémoriels législatifs peut ainsi être expliquée de différentes façons, selon les auteurs et les instruments étudiés. L’on distingue essentiellement trois types d’approches. La première, généralement présente dans les commentaires juridiques dédiés à ces lois, a tendance à considérer « le législateur », « le parlement » ou « le gouvernement » comme des acteurs monolithiques producteurs des lois. Les lois sont le produit de la volonté des autorités politiques, dont la complexité interne est généralement délaissée ; elles sont l’expression publique du législateur, lequel est conscient de leur contenu et responsable de leurs effets. Il n’est cependant pas toujours facile de distinguer dans quelle mesure l’usage de ces termes englobants consiste en une figure de style commode ou est illustrative de la conception de l’auteur3.

3La deuxième approche voit plutôt les instruments mémoriels législatifs comme résultants de dynamiques, pour reprendre la typologie de la mise à l’agenda de Philippe Garraud, de mobilisation ou de corporatisme silencieux, auxquelles peut s’adjoindre celle de médiatisation4. La mobilisation renvoie à l’action de groupes organisés extérieurs au gouvernement, lesquels se mobilisent pour pousser le gouvernement à l’action. Elle se distingue de l’action corporatiste silencieuse en ce que cette dernière prend en considération l’action de groupes organisés auprès des gouvernements qui se fait en l’absence de conflit public5. Ces approches font notamment référence à l’action de groupes de pressions, de lobbies ou encore, pour reprendre la terminologie d’Howard S. Beckers, d’entrepreneurs politiques6. Ceux-ci sont susceptibles d’agir sur les deux plans pour arriver à leurs fins. On retrouve notamment ces explications dans le cadre des recherches consacrées à l’adoption de la loi de reconnaissance du génocide arménien, de la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité7, ou de l’institutionnalisation de la catégorie des « Justes de France »8.

4La troisième approche, celle de l’offre politique, repose sur la dénonciation ou la démonstration des intérêts d’organisations politiques qui s’emparent de certains sujets en raison de l’estimation qu’ils ont de leur rentabilité politique. Si on retrouve ce type d’approche dans le cadre du « paradigme stratégique » de la mémoire, sont particulièrement identifiés les hommes politiques (parlementaires, ministres, maires) qui misent sur les questions mémorielles en termes de rentabilité électorale. À titre d’exemple, on retrouve cette explication chez Anne-Chloé Foiry, qui pointe la proximité temporelle de l’adoption de certaines « lois mémorielles » avec des échéances électorales.

« Le simple rappel des dates d’adoption de ces textes, 2001, 2006, 2011, suffit à donner corps à un soupçon d’arrière-pensées électoralistes, teintées de communautarisme (les propositions émanant de représentants de circonscriptions abritant une forte communauté arménienne). Ce caractère ne concerne pas uniquement les textes sur le génocide arménien : la loi qualifiant l’esclavage et la traite occidentale de crimes contre l’humanité, portée par Christiane Taubira, députée de Guyane, date elle aussi de 2001, année préélectorale. »9

5Ainsi que je l’ai indiqué, l’étude des raisons des parlementaires qui sont intervenus pour déposer, discuter, défendre et adopter ces lois fait figure de parent pauvre des études mémorielles. Malgré la supposée perte d’autonomie des détenteurs du pouvoir législatif, ce sont ses membres qui, en dernier ressort, lèvent la main ou appuient sur le bouton du boîtier de vote, faisant passer ce qui n’est alors qu’un projet ou une proposition au statut de loi.

6Cette contribution s’inscrit dans le cadre de la septième édition des Cahiers Mémoire et politique consacrée aux « lois mémorielles ». Si l’on suit la logique des créateurs de cette catégorie, la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 191510 est considérée comme la deuxième des quatre « lois mémorielles ». Un statut particulier est conféré à cette loi dès lors qu’elle est considérée comme la seule « loi mémorielle » purement déclarative tant par une partie de la doctrine que par la mission d’information sur les questions mémorielles11. Ce cas unique de « lois mémorielle » dépourvue de normativité fait donc ici l’objet de mon attention.

Comment la littérature appréhende la reconnaissance du génocide arménien

7Les études qui prennent comme objet la reconnaissance législative du génocide arménien mettent généralement en avant un nombre raisonnable d’explications concernant l’émergence du débat et l’adoption de la loi.

8Premièrement, comme indiqué supra, l’adoption de la loi est mise en lien avec sa rentabilité électorale. La loi est ainsi adoptée en janvier 2001 alors que les élections municipales ont lieu en mars de la même année. C’est donc, selon certains observateurs, en raison d’une probable rentabilité électorale que la loi a été adoptée. D’autres éléments sont susceptibles de venir en soutien de cette hypothèse.

9Il en est ainsi de la pression exercée par certains groupes organisés d’Arméniens de France en faveurs de la reconnaissance du génocide par le parlement, le CDCA (Comité de Défense de la Cause Arménienne) ou le Comité du 24 avril, coupole rassemblant des associations arméniennes de France afin de coordonner leurs actions en faveur de la reconnaissance. À l’initiative du second sont ainsi organisées diverses manifestations publiques (rassemblements, défilés), au cours des années 1998-2001. À côté de ces actions publiques, le Comité entre en contact avec les élus afin de les convaincre du bien-fondé de l’adoption de la loi. Le poids électoral de la communauté arménienne de France est également rappelé par ses représentants, lesquels l’estiment à 450.000 Français, à travers la presse ou dans les déclarations du Comité12. Après la première adoption, par l’Assemblée nationale et alors que le texte est bloqué au Sénat, Alexis Govciyan, président du Comité, rappelle que « L'électorat d'origine arménienne en France se détermine de plus en plus en fonction de la reconnaissance du génocide »13. À la même époque, Serge Mardirossian, responsable du CDCA, relativise ce poids électoral, mais assume sa réalité14.

10Par ailleurs, il est possible, comme le firent Geoffrey Grandjean et Hadrien Macq, d’identifier les circonscriptions d’origine des parlementaires qui s’expriment en faveur de la condamnation des négateurs du génocide arménien et de croiser ces données avec la répartition de la diaspora arménienne de France15. Reportant ces données sur une carte, les auteurs montrent une certaine concomitance des données, les parlementaires se répartissant le long d’un axe Marseille-Lyon-Paris, lequel correspond aux lieux d’implantation de la diaspora arménienne16. Pareillement, si l’on se réfère à la liste des députés s’étant exprimés en faveur de la reconnaissance du génocide arménien, dans le cadre des commissions et débats publics, on voit que ceux-ci ont tendance à se répartir le long de l’axe précité17.

11Pour autant, le raisonnement qui transparaît au travers de ces assertions et des démonstrations évoquées parait assez déterministe. Il est en effet difficile de déterminer à partir de ce raisonnement si les parlementaires qui s’expriment en faveur de la reconnaissance du génocide le font afin de flatter leur électorat potentiel, ou s’ils ont été élus en raison de leurs positions favorables à la reconnaissance. Le doute s’immisce d’autant plus lorsque l’on replace les résultats du vote de la proposition par le Sénat, le 7 novembre 2000. Si l’on perçoit bien une légère augmentation des votes le long de l’axe précité, la répartition des votes sur l’ensemble du territoire atténue d’autant plus sa présence.

12Deuxièmement, ce sont des considérations internationales qui auraient guidé la décision des parlementaires. D’une part, concernant les relations entre la Turquie et l’Union européenne, Luis Bouza Garcia souligne que diverses mobilisations mémorielles, parmi lesquelles on peut classer la loi étudiée, ont lieu lors des négociations d’adhésions de la Turquie à l’Union européenne18. Alors qu’il a reconnu le génocide arménien par le biais d’une résolution dès 1987, le Parlement européen réitère sa volonté de reconnaissance de la part de la Turquie au moyen d’une nouvelle résolution en novembre 2000. Ce n’est pas anodin qu’il le fasse au travers de sa résolution sur le rapport régulier de 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion19. D’autre part, Patrick Fraisseix voit plutôt dans la loi de reconnaissance une tentative de contribuer aux bonnes relations entre les deux pays voisins20. En l’absence de certitude à ce sujet, il semble intéressant de revenir aux débats de l’époque pour voir ce qu’ont pu dire ceux qui y prenaient part et de cerner les causes et raisons qu’ils y exposent.

Le contexte politique

13Restituer un tableau large du contexte politique français à l’époque de la loi excéderait l’espace accordé à cette contribution. Néanmoins, la configuration politique peut être mentionnée afin de faciliter la compréhension des évènements décrits ci-après. Pour ce qui est de l’exécutif, Jacques Chirac (Rassemblement pour la république - RPR) exerce, depuis l’élection du 7 mai 1995, son premier mandat présidentiel. C’est l’époque de la troisième cohabitation, laquelle advient à l’issue des élections anticipées de 1997. Provoquées par Jacques Chirac afin de renforcer la majorité présidentielle21, celles-ci entraînent une chute de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale suite à la victoire de la « gauche plurielle ». Lionel Jospin (Parti socialiste – PS) est nommé premier ministre et prend la tête d’un gouvernement lui aussi de la « gauche plurielle »22.

14Au niveau législatif, les élections législatives ont certes entraîné une perte de majorité de la droite à l’Assemblée nationale, elles n’ont permis à aucun parti d’obtenir la majorité absolue seule. Le groupe socialiste doit donc composer avec d’autres groupes pour atteindre la majorité. Le Sénat, renouvelé au tiers lors d’élections en 1998, est en revanche composé d’élus qui sont majoritairement rattachés à des groupes politiques dits « de droite » (Union du centre, RPR et Républicains et indépendants)23. La majorité à l’Assemblée nationale est donc en concordance avec celle du gouvernement alors que la majorité au Sénat coïncide avec celle du Président24.

La loi du 18 janvier 2001

15Que ce soit lors des débats de 2001 ou dans les commentaires qui en sont fait, la loi de 2001 est systématiquement mise en lien avec une précédente tentative législative de reconnaissance du génocide arménien qui a lieu en 1998. Celle-ci avait passé le cap de l’adoption par l’Assemblée nationale puis était restée bloquée au Sénat, la Conférence des présidents et le gouvernement se renvoyant la responsabilité de sa mise en discussion.

I. Première tentative de 1998 - déroulement selon la procédure ordinaire

Assemblée nationale – 29 mai 1998

16La première proposition de loi est déposée le 13 mai 1998 auprès de la présidence de l’Assemblée nationale par Didier Migaud (SOC) et ses collègues. Elle ne contient qu’un article unique :

Article unique

La France reconnait publiquement le génocide arménien de 1915.

17Renvoyée à la commission des Affaires étrangères, elle y est débattue et est proposée à l’adoption par l’Assemblée nationale. Elle est inscrite à la discussion de la séance publique du 29 mai 1998 grâce à la mise en œuvre par le groupe socialiste du mécanisme de la « niche parlementaire », également appelé « ordre du jour réservé »25. À l’issue de la séance, la proposition de loi est adoptée à l’unanimité des députés présents26.

Sénat

18La « petite loi » restera ensuite définitivement bloquée au Sénat. Ni le gouvernement, ni la Conférence des présidents ne souhaite prendre la responsabilité de son inscription à l’ordre du jour. Elle sera néanmoins discutée en commission des Affaires étrangères27.

II. Deuxième tentative en 1999 – dépôt d’une proposition de loi identique

19En février 1999, une nouvelle tentative a lieu via le dépôt d’une proposition de loi par 51 sénateurs du groupe socialiste, 14 sénateurs issus du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) et 1 sénateur du groupe rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Le contenu de cette nouvelle proposition est identique à la proposition adoptée à l’Assemblée nationale. Lors de la séance du 21 mars 2000, une demande de discussion immédiate est déposée. La demande est mise au vote et rejetée à 172 voix contre 13028.

III. Troisième tentative de 2000-2001 – déroulement selon la procédure ordinaire

20Lors de la seconde tentative, la loi est adoptée suivant la procédure législative ordinaire.

Sénat – 7 novembre 2000

21La proposition de loi, cosignée par six sénateurs issus des six groupes politiques existants au Sénat, est déposée le 27 octobre 200029. Identique à celle de 1998, elle est renvoyée en commission des Affaires étrangères où elle n’a pas le temps d’être débattue puisqu’est lancée une procédure de discussion immédiate le 7 novembre 200030. Celle-ci réussit31. La discussion de la proposition débute donc le 8 novembre 2000, à 2h du matin. Elle est finalement adoptée le même jour à 5h30 du matin, à 164 voix contre 40 (4 abstentions)32.

22Le Sénat transmet alors cette nouvelle « petite loi » à l’Assemblée nationale33. Le même jour, Matignon et l’Élysée émettent un communiqué conjoint qui appelle au maintien des bonnes relations franco-turques, et qui indique que le vote du Sénat est de sa responsabilité et que la Turquie actuelle n’est pas concernée34.

Assemblée nationale - 18 janvier 2001

23Au sein de l’Assemblée nationale, la « petite loi » est examinée par la commission des Affaires étrangères le 10 janvier 2001 et est en proposée à l’adoption. La discussion du texte en séance publique a lieu le 18 janvier 2001 via l’inscription de celui-ci à l’ordre du jour réservé du groupe UDF35.

24À l’issue de la discussion, sans que l’article ne soit modifié, la proposition de loi est adoptée à l’unanimité des députés présents36. Elle est promulguée le 29 janvier 2001.

Acteurs et individualisme méthodologique

25Les parlementaires de l’époque de l’adoption de la loi font ici l’objet de notre attention. On peut considérer que les comportements individuels des membres des deux assemblées ont permis un changement sociétal formalisé au travers d’un texte émis au nom de l’une des trois branches de l’État qui qualifie et reconnaît la réalité d’un génocide. En cela, notre approche s’inspire directement de l’individualisme méthodologique de Raymond Boudon. En effet, cette méthode de recherche professe que la compréhension d’un phénomène social passe par deux étapes intrinsèquement liées. La première étape consiste à identifier les acteurs dont l’agrégation des comportements entraîne l’émergence du phénomène social étudié. La seconde étape, dite de compréhension, vise à « saisir le sens de ces actions individuelles, et plus précisément à retrouver les bonnes raisons pour lesquelles les acteurs ont décidé de les effectuer. »37 Les acteurs ont de « bonnes raisons » d’agir de la façon dont ils le font et la compréhension de leurs actions est accessible au chercheur38.

26Si les raisons intrinsèques des parlementaires à reconnaître le génocide arménien demeureront précisément inconnues, il est en revanche intéressant de se pencher sur la façon dont ceux-ci vont justifier leur action. Comment les parlementaires justifient leur vote en faveur de la reconnaissance du génocide arménien par la loi ?

27Les documents parlementaires permettent l’identification des parlementaires en faveur de cette reconnaissance. Je me base sur ces documents pour développer mes observations.

Analyse des débats

28Les débats qui ont eu lieux au sein des deux assemblées parlementaires, dans la période 1998-2001 font donc ici l’objet de notre attention. Plus précisément, ce sont les comptes-rendus intégraux in extenso (CRI) qui servent de base à l’analyse ici proposée.

29Plusieurs difficultés ont pu être pointées concernant l’usage des CRI. Cela tient notamment à leur nature et à leur fiabilité. Ainsi, le CRI « à la française » n’est pas un verbatim, il ne donne pas à voir une retranscription fidèle et exacte de ce que disent les parlementaires au cours des débats. Remis en forme par le service du compte-rendu de la séance, voire par les orateurs eux-mêmes, il se veut cependant une restitution fidèle des interventions et de leurs contenus39. Cela étant, il me parait préférable de privilégier une approche qualitative de ces débats plutôt qu’une analyse lexicale, laquelle est susceptible d’être faussée par le tamis de la retranscription.

30Au-delà de ces considérations tenant à la matérialité des données utilisées, les prises de paroles des parlementaires demeurent un objet particulier à appréhender en raison de leurs destinataires, de leurs émetteurs et de leur nature. Concernant les destinataires, Benjamin Morel propose une dichotomie, le parlementaire adoptant une logique binaire, son discours soit s’adressant au parlement, soit répondant à des intérêts locaux40. D’autant plus qu’il apparaît assez rapidement, notamment dans le cas qui me retient, que les destinataires de ces discours ne sont pas toujours définis a priori, voire sont susceptibles de changer au cours de celui-ci. Il peut s’agir tantôt des membres du groupe, tantôt des membres de la majorité ou de l’opposition, du ministre, du gouvernement, d’autres institutions, de particuliers ou de groupes extérieurs au parlement, de chef d’état, etc. Concernant enfin la nature du discours, il est nécessaire de prendre en compte un acquis issu d’autres recherches, à savoir que les discours déployés dans le cadre de ces débats ne visent pas à convaincre les autres parlementaires à se rallier à la cause de l’orateur, voire de modifier le contenu des textes débattus, mais plutôt à énoncer et à justifier ses positions ou celle de son groupe sur le sujet débattu. En cela, les débats parlementaires ne seraient que des simulacres de débats41.

I. Méthode

31L’analyse des débats que je souhaite ici présenter est résolument inductive et qualitative. Il ne s’agit pas de compter les occurrences des termes ou leur fréquence, mais de procéder à une analyse de contenu de ces discours politiques42. La méthode employée pour analyser les débat est inspirée de la méthode par théorisation ancrée telle que décrite par Christophe Lejeune, laquelle est adaptée afin d’être appliquée à l’objet particulier que sont les débats43. À ce stade de ma recherche, l’exercice est limité au codage ouvert. Celui-ci doit permettre la découverte des propriétés spécifiques au matériau étudié et la construction de catégories renvoyant à l’expérience telle que les intervenants la conçoivent. Ces catégories sont construites progressivement, de manière inductive, sur la base des étiquettes assignées systématiquement aux unités de texte retenue44. Afin de conduire cette analyse, j’ai recouru au logiciel Nvivo.

II. Au cœur des débats

32L’étude des débats qui entourent l’adoption de la proposition de loi de reconnaissance du génocide arménien permet la mise en évidence de la pluralité des raisons et des buts avoués par les parlementaires intervenants. En effet, les raisons de faire reconnaître le génocide arménien par le parlement, au travers de la loi ne se résument pas à un but purement d’attestation.

33Il est possible de distinguer trois catégories d’arguments mobilisés par les parlementaires afin de justifier leur désir de voir la loi adoptée. Pour désigner celles-ci, un verbe différent leur est assigné, afin d’insister particulièrement sur le caractère dynamique des causes précédant l’action des acteurs, leurs raisons, et sur celui de leurs intentions.

34« Recevoir », « s’affirmer » et « influencer » caractérisent les discours des intervenants. Par recevoir, il est indiqué que l’acteur se présente comme le récepteur d’un stimulus. Il peut s’agir d’une demande, d’une prise de conscience ou d’une observation. Ce qui compte, c’est cette image de passivité à laquelle renvoient les arguments qui en font partie : l’acteur se présente comme un relais.

35Les arguments repris dans la catégorie s’affirmer renvoient à l’idée que l’acteur, ou le groupe ou l’institution qu’il incarne (voy. supra), possède certaines capacités, certaines prérogatives qui lui permettent, voire lui intiment, d’agir dans le sens de la reconnaissance.

36Enfin, la catégorie influencer reprend les buts intermédiaires ou finaux que l’adoption de la loi permettrait d’atteindre, vis-à-vis d’une pluralité d’acteurs différents.

Recevoir

37Au sein de la catégorie recevoir, les causes de l’intervention législative peuvent être reprises au sein de quatre sous-catégories : imiter, réagir, remercier et relayer.

1.1. Imiter

38Premièrement, il s’agit de mettre en avant le fait que d’autres pays et organisations internationales, voire certaines institutions, ont reconnu le génocide arménien et, dans un sens, de les imiter. Le comportement vertueux d’autres acteurs doit être pris en exemple et reproduit.

39Au cours des débats, ce sont essentiellement les reconnaissances par l’ONU, au travers du rapport d’une sous-commission en 1985, et par le Parlement Européen, par une résolution de 1987, qui sont mises en exergue. Dans le cas de ce dernier, la question de la reconnaissance est intimement liée aux conditions d’adhésion de la Turquie dans l’Union européenne. Ainsi est citée, en plus de la résolution du 18 juin 1987, celle du 15 novembre 2000 qui, dans le cadre du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, l’enjoint à « la reconnaissance publique du génocide que cette minorité a subi avant l’établissement d’un État moderne en Turquie »45.

40L’action menée par les parlementaires est dès lors légitimée par ces exemples extérieurs qui démontrent le bien-fondé de la reconnaissance. Il s’agit de rejoindre le rang de ces acteurs, dont l’autorité ne fait ici aucun doute.

41Certains pays sont également nommément cités comme exemples antérieurs de reconnaissance. Il s’agit de la Belgique, de l’Italie, de l’Uruguay et de l’Argentine. Ce type de référence est cependant moindre par rapport à celles relatives aux organisations internationales précitées. Enfin, dans le cadre du débat qui a lieu au Sénat en novembre 2000, certains sénateurs mettront en avant l’adoption par l’Assemblée nationale de la première proposition comme un comportement à imiter. On peut noter que ce recours aux exemples extérieurs est également utilisé par les opposants à la proposition, qui indique que la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique a récemment, à la demande du président Bill Clinton, retiré une proposition de résolution sur la reconnaissance du génocide arménien.

1.2. Réagir

42Deuxièmement, les parlementaires entendent réagir à l’égard de deux phénomènes : la négation du génocide et les pressions dont ils font l’objet. D’une part, faisant état de manifestations négationnistes, imprécises quand elles ne sont pas directement rattachées à l’attitude des autorités turques, les parlementaires considèrent qu’il est de leur devoir de s’y opposer. François Rochebloine (UDF), s’appuie notamment sur les analyses du phénomène génocidaire effectuées par Yves Ternon, pour qui la négation fait partie intégrante de l’entreprise génocidaire46. Il s’agit dès lors d’y mettre un terme.

43D’autre part, plusieurs députés et sénateurs dénoncent les pressions dont ils sont victimes dans le cadre du processus d’adoption de la loi de reconnaissance (réception massive de courriers et de courriels, pressions exercées par certaines entreprises françaises). Certains anticipent le chantage que pourraient exercer les autorités turques. Ces pressions ont, contrairement aux effets escomptés, pour effet de renforcer la détermination des députés à rendre possible la reconnaissance du génocide arménien.

1.3. Remercier

44Troisièmement, la loi prend parfois la forme d’un acte de reconnaissance, de remerciement, vis-à-vis de la communauté arménienne, celle de France particulièrement. Comme l’indique Martine Hovanessian, la communauté arménienne de France a toujours joui d’une image positive dans l’imaginaire français depuis l’arrivée des premiers rescapés dans les années 1920 (hormis dans le courant des années 1930). Son intégration réussie vaut à l'« Arménien » d’être présenté comme l’archétype du « bon étranger »47. On retrouve cette représentation chez les parlementaires qui souhaitent au travers de la loi montrer leur reconnaissance à la communauté arménienne, tant pour la réussite de son intégration et ses apports à la France que pour les actes de bravoure qu’ont pu accomplir certains Français d’origine arménienne lors de la Seconde guerre mondiale. À titre d’exemple, la figure de Missak Manouchian et des membres de l’Affiche rouge apparaît à plusieurs reprises dans les débats48.

1.4. Relayer

45Quatrièmement, les parlementaires indiquent se faire les relais de demandes extérieures. Ceci participe notamment de l’action de remerciement exposée supra. Il s’agit dès lors d’accéder à la demande de certains groupes. Assez récurrent, ce lien est établi tant par les députés que par les sénateurs qui indiquent répondre aux appels de différents groupements arméniens. En effet, peuvent, selon les cas, être désignés comme demandeurs la communauté arménienne dans son ensemble, la communauté arménienne de France ou la République arménienne elle-même. Les parlementaires justifient leur action en tant qu’elle répond à ces demandes présentées elles aussi comme légitimes.

S’affirmer

46L’adoption de la loi de reconnaissance du génocide arménien par le parlement français apparaît comme un moyen pour ses défenseurs de s’affirmer, voire d’affirmer le rôle et les prérogatives des institutions qu’ils incarnent. Trois types d’arguments renvoient à cette idée.

2.1. Être le gardien de valeurs

47Tout d’abord, la reconnaissance du génocide arménien est une façon pour ses défenseurs de rappeler, voire de mettre en pratique certaines valeurs. Ainsi, la reconnaissance du génocide arménien participe des devoirs moraux que les députés, et à travers eux le parlement, entendent bien respecter. De plus, la légitimité de la France à appeler d’autres États à la reconnaissance du génocide est légitimée par le fait qu’elle a elle-même reconnu qu’elle avait « commis l’irréparable »49. Les évènements auxquels font références les parlementaires sont essentiellement la guerre d’Algérie et la reconnaissance récente de la responsabilité française dans le cadre de la rafle du Vel d’Hiv50. Certains députés se prévalent, eux, des valeurs dont l’Union européenne est porteuse et sur lesquelles elle ne peut transiger51. L’attachement de la Haute assemblée aux valeurs contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme lui intiment d’examiner la demande qui lui est soumise. À ces valeurs s’en ajoutent d’autres, parmi lesquelles celles de liberté, d’humanisme, de justice et de vérité. Dans le cadre de la confrontation entre le parlement et le gouvernement, ces valeurs visent à démontrer la supériorité de certains principes moraux sur les basses considérations économiques et politiques du gouvernement et des autres opposants français. À leur opposition à la proposition, attribuée au souci de ne pas fragiliser l’équilibre de la situation dans le Caucase et de conserver de bonnes relations économiques avec la Turquie, les parlementaires répondent par des principes qui se veulent supérieurs.

48La perspective économique, mercantile, qui est attribuée au gouvernement est également dénoncée. C’est particulièrement en tant que pays des droits de l’homme, ceux-ci étant supérieurs aux intérêts économiques, que la France doit agir.

49Pour finir, les parlementaires entendent démontrer leur respect de la mémoire, ou effectuer un « devoir de mémoire » pour reprendre l’expression qui devient formule à cette époque52. Érigée en valeur, la mémoire du génocide arménien fera partie des souvenirs qu’il faut conserver, mais également transmettre. Cette observation de la « valorisation » de la mémoire au travers des débats rejoint la réflexion que propose Henry Rousso lorsqu’il écrit que la mémoire a acquis une valeur, un droit humain, marqueur des sociétés démocratiques53. En effet, la consultation des débats donne à voir l’importance donnée par les parlementaires au « devoir de mémoire » vis-à-vis du souvenir du génocide arménien. Si ce souvenir est éventuellement conçu comme le préalable nécessaire à certaines actions ultérieures, comme cela peut être le cas dans la conception de la mémoire en tant que « vaccin », il est également cultivé et maintenu per se.

2.2. Augmenter ses prérogatives

50Ensuite, l’adoption de la proposition de loi de reconnaissance du génocide arménien apparait pour certains parlementaires comme un moyen d’affirmer la position des institutions qu’ils représentent au regard d’autres acteurs et institutions.

51Primo, l’adoption de la loi doit permettre de confirmer le rôle de la France dans le monde. En tant que gardienne des droits de l’homme, la France ne peut se soustraire à son devoir. La reconnaissance du génocide montrera que la France est capable de s’engager et de prendre des décisions exemplaires.

52Deuzio, l’adoption de la loi vise à l’affirmation de certains droits et prérogatives vis-à-vis du gouvernement concernant essentiellement les compétences des assemblées en matière de politique internationale. L’adoption de la loi est une façon, pour les députés essentiellement, soit de réclamer au Gouvernement le droit de reconnaître le génocide arménien, et ce faisant un droit d’avis en matière de relations internationales, soit d’affirmer ce droit.

53Tertio, le procédé utilisé par les parlementaires pour reconnaître le génocide s’apparente davantage à une résolution qu’à une loi. Or, ceux-ci ne possèdent pas de droit de résolution, ce qui justifie selon certain, le recours à la loi. Ce faisant la loi est un appel dirigé vers l’exécutif pour l’obtention d’un tel droit de résolution, comme c’est le cas chez Pierre Lellouche (RPR)54. Néanmoins, l’adoption de la loi démontrerait que le législatif, s’il n’obtenait pas ce droit, pourrait à l’avenir se contenter de recourir à cet autre moyen d’expression55.

54Si la question est peu abordée dans le cadre des débats au sein de l’Assemblée nationale, elle l’est davantage dans le cadre de ceux intervenant au Sénat. Ce sont principalement les sénateurs opposés à la proposition qui mettent en avant cette technique, que leurs adversaires assument. Les opposants, eux, indiquent que l’adoption de résolutions, fut-ce sous la forme de loi, est contraire à la Constitution56.

2.3. Qualifier l’Histoire

55Enfin, un autre enjeu de l’adoption de la loi réside dans la reconnaissance du parlement de pouvoir « qualifier » l’Histoire, pour reprendre les termes des parlementaires, ainsi que de la possibilité ou non de pouvoir y procéder au travers de la loi. Cette étape est un préalable nécessaire à l’action envisagée par la suite, l’« attestation » En effet, pour que le parlement puisse attester de l’existence du génocide, il doit d’abord justifier de sa compétence à ce sujet. C’est pourquoi plusieurs parlementaires affirment la légitimité du parlement de qualifier l’histoire, au nom de leur « responsabilité devant l’histoire » ou du « droit de mémoire » dont il est le garant.

56Au Sénat, on se réfère au Conseil constitutionnel et rappelle que les deux assemblées ont déjà adopté des lois à caractère historique, telle la loi du 10 juillet 2000, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France57.

57Toutefois, le seul moyen dont semble disposer les parlementaires pour qualifier l’Histoire, la loi, est particulièrement remis en question par les opposants à la proposition, essentiellement dans le cadre des débats qui ont lieu au Sénat. Plusieurs sénateurs s’interrogent en effet sur la possibilité qu’a la loi de qualifier l’Histoire, et y répondent négativement.

58Concernant cette question, peu de réponses sont données par les partisans de la proposition. Il est cependant possible de considérer la logique, énoncée par un sénateur concernant le droit de légiférer sur la question : si le parlement légifère sur le passé, c’est qu’il le peut. Par ailleurs, les tentatives précitées d’amender la proposition de loi afin de permettre la sanction de la négation du génocide participent de cette volonté de donner à la proposition un caractère juridique. Dès lors que sont attachées des sanctions à la négation du génocide reconnu, le texte entrerait dans le domaine de la loi.

Influencer

59La consultation des débats ayant lieu au sein des deux assemblées autour de la proposition de loi permet de constater que les parlementaires considèrent la reconnaissance comme un but en soi, mais également comme le moyen de parvenir à d’autres fins. Ainsi, le génocide arménien attesté par la loi aura certains effets, ou pourra permettre d’atteindre d’autres buts.

3.1. Attester

60Il ne faut toutefois pas négliger la reconnaissance per se, en tant que mode d’attestation. Selon Christopher Hood et Helen Margetts, l’attestation est un mode d’exercice de l’autorité publique le moins contraignant. Il s’agit de reconnaître qu’un objet possède certaines propriétés déterminées par l’autorité58. D’autant plus que cette attestation est un préalable bien souvent nécessaire aux autres finalités de la loi. En l’occurrence, les parlementaires attestent que les massacres ayant eu lieu dans l’Empire Ottoman en 1915 correspondent à la définition de ce qu’est un génocide. Cette attestation peut se faire de diverses manières. De un, il peut suffire d’une simple énonciation. Certains parlementaires attestent que l’objet de leur reconnaissance est un génocide. Ils expliquent notamment se baser sur le fait que la communauté scientifique a reconnu les faits.

61La reconnaissance par d’autres organisations internationales peut également faire office d’argument d’autorité pour justifier cette attestation59.

62De deux, d’autres parlementaires lient l’attestation au regard de la définition du génocide, notamment celle contenue dans la convention de 1948, l’équation étant relativement simple : dès lors que les massacres dont il est question remplissent les critères fixés par la convention, selon les parlementaires, il s’agit bien d’un génocide. Ce faisant le parlement valide officiellement l’attestation.

3.2. Inspirer

63Selon de nombreux députés, parmi ceux qui interviennent dans les débats, la reconnaissance du génocide par le parlement doit servir d’exemple pour d’autres acteurs, dont on attend d’eux qu’ils imitent l’acte exemplaire posé par les deux chambres60. L’exemple français doit à son tour servir d’inspiration pour la communauté internationale, mais aussi plus précisément pour la Turquie. Les députés sont confiants concernant leur capacité à inciter d’autres autorités, par-delà la France, à reconnaître également le génocide. Par ailleurs, plus précisément, l’exemple français doit être imité à plusieurs titres par la Turquie elle-même. Tout d’abord, celle-ci serait avisée de reconnaître le génocide arménien lui-même. Mais elle doit aussi prendre exemple sur la France qui a su reconnaître les erreurs commises par le passé.

64Le parallèle avec l’Allemagne elle-même est d’ailleurs fréquemment mobilisé dans le cadre des débats. Il s’agit alors de montrer que la reconnaissance de sa responsabilité dans le cas de la Shoah a été bénéfique à l’Allemagne. Ce parallèle s’inscrit dans le contexte de l’Union européenne, à laquelle la Turquie souhaite alors adhérer. Le recours indirect à un mythe, celui de l’édification européenne en réaction aux horreurs de la Seconde guerre mondiale est ainsi réactivé. La reconnaissance de leurs fautes par les responsables de crimes est conçue comme le préalable nécessaire à la construction européenne, c’est pourquoi la Turquie doit prendre exemple sur l’Allemagne d’après-guerre. Il est remarquable de retrouver cette analogie tant dans les débats ayant lieu au Sénat qu’à l’Assemblée, toutes époques confondues.

3.3. Prévenir

65Cette catégorie de vacciner renvoie à un attribut récurrent des politiques de mémoire. Il s’agit de prévenir la répétition de faits ou de phénomènes par la mise en mémoire de leur souvenir. Le terme est particulièrement utilisé par les chercheurs s’étant penchés sur les questions de transmission de la mémoire de la Shoah dans le contexte scolaire ou auprès de jeunes publics61. Elle prend le nom de « fonction de réflexivité » sous la plume d’Anne Muxel en ce que la mémoire de certains faits est maintenue par les individus à des fins de réflexion critique sur leur destinée62.

66Ainsi, la reconnaissance du génocide par la France, et par les autres acteurs qu’elle aura inspirés, doit permettre de conjurer la réitération d’autres massacres et génocides63. On retrouve là aussi cette aspiration dans toutes les assemblées, tant lors des débats entourant la première proposition que la seconde.

3.4. Apaiser

67La reconnaissance du génocide arménien apparaît, pour les parlementaires français, comme un moyen d’action vis-à-vis de la Turquie. Il s’agit de contrer le négationnisme d’État, voire d’encourager la Turquie à la reconnaissance du génocide arménien. La reconnaissance peut être une fin en soi, mais elle apparaît surtout comme un but intermédiaire : en renonçant à sa position et ses politiques négationnistes, la Turquie verrait s’évaporer certains obstacles à son adhésion à l’Union Européenne64. De plus, ses relations avec la République arménienne s’en trouveraient apaisées, rejoignant ainsi l’objectif de maintien de la stabilité dans la région brandi par les opposants à la loi de reconnaissance. La pertinence de cet objectif est d’ailleurs étayée par le fait que « le Président de la République arménienne, Robert Kotcharian, considère la reconnaissance du génocide par la Turquie comme nécessaire à l’établissement de relations bilatérales apaisées entre les deux États. »65

3.5. Punir

68Bien qu’elle ne figure ni dans la proposition initiale, ni dans le texte adopté, la question de la punition du négationnisme dans le cadre français est présente dans les débats. La reconnaissance du génocide arménien est selon les cas, un préalable nécessaire à la punition de sa négation, voire doit être d’ores et déjà accompagnée de sanctions empêchant légalement sa remise en cause. L’idée apparaît dès les débats en commission, en 1998, au travers du dépôt de plusieurs amendements. Deux d’entre eux, déposés par les membres du groupe communiste, visent à une extension de l’article 24bis et du code de procédure pénale afin de permettre la sanction de la contestation de « tout autre génocide tel que défini par l’article 211-1 du code pénal ou par les tribunaux internationaux, ou des organisations internationales reconnues par la France. »66 Deux autres amendements visent à une extension de la répression à la seule contestation du génocide arménien67.

Publicité des débats

69L’analyse des débats permet de mettre en évidence leur caractère public, au sens où l’entendent Dominique Cardon, Jean-Philippe Heurtin et Cyril Lemieux68. En effet, selon ces auteurs, une situation est dites « publiques » lorsque les acteurs se coordonnent en faisant référence à un tiers69. Ce faisant, les acteurs vont modifier leurs comportements en fonction de ces tiers : dans l’expression des acteurs, cela revient à élargir le dialogue en « je-tu » en y ajoutant le « il ».

70À l’aune des débats, force est de constater que les tiers sont multiples et omniprésents dans ce cadre et au travers des raisons que donnent les parlementaires. Il s’agit ainsi de l’exécutif – entendu soit au sens large, soit de façon plus ciblée (le président de la République, le premier ministre, le ministère des Affaires étrangères) – le gouvernement turc ou la Turquie, la communauté arménienne (de France, d’Arménie ou d’ailleurs), d’institutions internationales, de négationnistes, mais aussi de la communauté nationale.

71Tous ces acteurs sont intégrés dans une situation qui excède celle des débats et dialoguent entre eux. Les prises de paroles des parlementaires visent à répondre, à réagir ou à interpeller ces acteurs temporellement ou spécialement éloignés a priori, et sont intégrées dans une telle situation. Les débats ne sont qu’une séquence dans une temporalité plus longue, mais ils en exposent les acteurs, leurs positions et caractéristiques au travers du prisme discursif des parlementaires.

72Les différentes raisons identifiées peuvent d’ailleurs être rattachées à certains acteurs spécifiques, comme le montre le tableau ci-dessous :

Imiter

Institutions internationales – institutions étrangères

Réagir

Turquie

Remercier

Communauté arménienne

Relayer

Communauté arménienne

Être le gardien de valeurs

Exécutif

Scène internationale

Augmenter ses prérogatives

Exécutif

Attester

Turquie

Inspirer

Turquie et autres États

Institutions internationales

Vacciner

Communauté internationale

Apaiser

Exécutif

Turquie

Arménie

Communauté nationale

Punir

Communauté nationale

73Il n’est pas exagéré de considérer que les parlementaires dialoguent effectivement avec chacun de ces acteurs, malgré l’unidirectionnalité apparente des débats : les députés peuvent répondre à certains acteurs, ou attendre de ceux-ci une réponse. Ils sont ainsi pris dans un réseau dialogique, dont les débats ne sont qu’une séquence.

Image 100002010000062C0000039031F6BBF926B85AFF.pngDiagramme 1. Les réseaux dialogiques identifiés au travers des débats publics et en commission

74Ce qui est également remarquable est l’apparente absence d’une catégorie d’acteurs qu’on aurait tendance à situer comme interlocuteurs principaux dans ce type spécifique de situation : les parlementaires eux-mêmes. Si chaque député dialogue avec des acteurs extérieurs, il ressort que, dans la façon dont elles sont formulées, les explications de leurs raisons ne sont pas destinées à leur pair.

75Cette observation rejoint celle donnée par Jean-Noël Ferrié, Baudouin Dupret et Vincent Legrand dans leur article intitulé « Comprendre la délibération parlementaire »70. L’approche praxéologique de ces auteurs, appliquée à des débats du parlement égyptien, vise à rompre avec certaines conceptions abstraites de ce en quoi consistent les délibérations au sein de l’enceinte parlementaire, lesquelles relèvent davantage de la philosophie politique que de l’observation. Ce que ces auteurs tirent de leurs observations, c’est que les propos tenus par les parlementaires ne consistent pas en des argumentations rationnelles et ne visent pas à convaincre les autres protagonistes présents, même si les propos tenus semblent s’adresser à eux. Ce sont les audiences absentes qui sont visées, selon les auteurs dans un but spécifiquement électoraliste71.

76À propos de cette dernière assomption ne semble cependant pas applicable dans le cas des débats ici étudiés. En effet, vu la diversité des interlocuteurs pris en compte dans les différentes prises de paroles, il est difficilement possible de les considérer comme uniquement liés à ce motif électoraliste. Si l’on s’en tient à la seule parole des parlementaires, ceux-ci montrent également leur attachement à certains idéaux et conceptions, ce qui parait exclure les calculs fondés sur la rentabilité électorale seule. Certaines prises de positions paraissent d’ailleurs jouer en la défaveur d’une réélection potentielle, puisque susceptible de fâcher une partie de l’électorat français d’ascendance turque ou arménienne selon les cas.

Conclusion

77L’étude des débats parlementaires entourant la loi française de reconnaissance du génocide arménien de 1915 met en perspective certains des postulats présentés au départ de cette contribution. Elle contredit l’idée d’un parlement unitaire, celle-ci relavant davantage de la figure de style. Le processus d’adoption de la loi ainsi que les échanges qui ont lieu à son sujet mettent en exergue que différents courants, différents noyaux sont en relation et que ce sont ces configurations particulières qui engendrent l’adoption de la loi.

78Ensuite, la présence de groupe de pression extérieur aux chambres et susceptibles d’influencer les activités de celles-ci dans le cadre de l’adoption de la loi se retrouve jusque dans les prises de paroles des parlementaires et dans les justifications qu’ils mobilisent pour exposer leurs positions. Ils en font eux-mêmes la démonstration éclairante lorsqu’ils expliquent relayer la demande de ces groupes, bien que la présence de ces derniers soit plus discrète lors du recours à d’autres modes de justification.

79Si l’offre politique et la rentabilité électorale ressortent comme des raisons possibles de l’engagement des parlementaires, une autre modalité pointe le bout de son nez à l’étude des débats : celle de leur socialisation. En effet, les parlementaires en faveur de l’adoption de la loi mettent fréquemment en avant les liens qu’ils peuvent avoir avec certaines personnes d’ascendance arménienne ou font état d’expériences personnelles dans le cadre desquelles ils ont pris connaissance du génocide et de ses effets. Cela renverse la temporalité explicative des positions de ces parlementaires : l’action qu’il pose en faveur de la reconnaissance à un temps Y n’est pas destinée à avoir des effets (retombées électorales) à un temps Z, elle est davantage la conséquence d’évènements survenus à un temps X, qui précèdent donc leur engagement en faveur de la reconnaissance.

80Enfin, les considérations internationales, qui concernent essentiellement le processus d’adhésion de la Turquie dans l’Union Européenne, sous-tendent différentes justifications, la question de l’adhésion étant peu traitée explicitement. On retrouve ainsi des échos de la résolution du Parlement européen du 18 juin 1987 sur une solution politique de la question arménienne, laquelle voyait dans le refus de reconnaissance du génocide par la Turquie un obstacle incontournable à l’examen même d’« une éventuelle adhésion » à la Communauté européenne72. Ainsi, si la question de l’intégration européenne est sous-jacente dans les débats, elle n’est pas pour autant aussi explicite que d’autres justifications.

81Ainsi, l’étude des arguments utilisés dans les débats font état d’une grande diversité des positions et des rôles adoptés par les parlementaires. Elle ne permet pas de réduire ces débats à un enjeu unique de nature électorale ou internationale. Les débats montrent ainsi, au contraire, que d’autres facteurs interviennent pour comprendre les positions individuelles des parlementaires.

Notes

1 Grandjean Geoffrey, « Mémoires et contraintes déclinées. Classification des instruments mémoriels en Belgique et en France », in Grandjean, Geoffrey, Paulus, Julien et Henrard, Gaëlle (dir.), Mémoires déclinées. Représentations, actions, projections, Liège, Les Territoires de la Mémoire, Voix de la Mémoire, 2016, pp.  97‑115.

2 Concernant le concept de « lois mémorielles », voir l’introduction de ce numéro.

3 Le Crom Jean-Pierre, « Juger l’histoire », Droit et Société, 1998, vol. 38, no 1, pp.  33‑46; Brüll Christoph, « Les historiens et la mémoire », mémoire et politique, 29 mars 2011, disponible à d’adresse suivante : http://labos.ulg.ac.be/memoire-politique (consulté le 15 mars 2019).

4 Garraud Philippe, « Politiques nationales: élaboration de l’agenda », L’Année sociologique (1940/1948-), 1990, vol. 40, pp.  17‑41.

5 Kübler Daniel et Maillard Jacques de, Analyser les politiques publiques, Grenoble, Presses Universitaire de Grenoble, Politique <en +>, 2009, p. 24.

6 Voy. infra.

7 Loi n°2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

8 Michel Johann, Gouverner les mémoires: les politiques mémorielles en France, 1re éd, Paris, Presses universitaires de France, 2010, 207 p; Michel Johann, Devenir descendant d’esclave: enquête sur les régimes mémoriels, Rennes, Presses Univ, Collection Res Publica, 2015, 288 p; Grandjean Geoffrey et Macq Hadrien, « Dynamiques mémorielles autour de la répression de la négation du génocide des Arméniens en Belgique et en France », in Chabot Joceline, Doucet Marie-Michèle, Kasparian Sylvia et Thibault Jean-François (dir.), Le génocide des Arméniens : représentations, traces, mémoires, Québec, 2017, pp.  151‑170; Gensburger Sarah, Les Justes de France: politiques publiques de la mémoire, Paris, Presses de Sciences Po, Gouvernances, 2010, 239 p.

9 Foirry Anne-Chloé, « Lois mémorielles, normativité et liberté d’expression dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Pouvoirs, 11 décembre 2012, no 143, p. 145.

10 Loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (J.O. 30 janvier 2001).

11 Foirry Anne-Chloé, « Lois mémorielles, normativité et liberté d’expression dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit ; Puig Pascal, « La loi peut-elle sanctuariser l’Histoire ? », RTD Civ., 2012, p. 78 ; Rapport d’information fait en application de l’article 145 du règlement au nom de la mission d’information sur les questions mémorielles, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2008, Bernard Accoyer (président-rapporteur de la mission), treizième législature, n° 1262,  p. 29. Au terme « déclaratif » sont parfois substitués ceux de « symbolique », voire « mémoriel » pour exprimer l’absence de portée normative de la loi. voy. Frangi Marc, « Les « lois mémorielles »: de l’expression générale au législateur historien », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 1er janvier 2005, nᵒ 1. Cette absence de portée normative de la loi du 29 janvier 2001 a d’ailleurs été soulignée par le Conseil constitutionnel lorsque celui-ci s’est prononcé sur la constitutionnalité de la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi. Conseil Constitutionnel, 28 février 2012, n° 2012-647 DC.

12 En 1992, des associations arméniennes auraient appelé leurs membres à ne pas voter pour des députés socialistes en raison du refus de la France de suivre la dynamique de reconnaissance initiée par le Parlement européen notamment. Castagnet Mathieu, « Génocide. Le long combat des Arméniens de France », la Croix, jeudi 18 janvier 2001, p. 4.

13 Weill Nicolas, « Le Sénat refuse de se prononcer sur le génocide arménien », Le Monde, samedi 25 mars 2000, p. 14.

14 « Quand on voit que l'élection du maire se fait à 10 000 voix près, il ne peut se passer de 80 000 voix! Cela dit, c'est implicite, on n'en fait pas un argument ». Lacombe Marcia, « Le génocide arménien aux portes du Sénat », Libération, mardi 21 mars 2000, p. 14.

15 Grandjean Geoffrey et Macq Hadrien, « Dynamiques mémorielles autour de la répression de la négation du génocide des Arméniens en Belgique et en France », op. cit.

16 Kunth Anouche, « La diaspora arménienne », Études, 2007, Tome 406, no 3, p. 325.

17 Le vote de la proposition de loi ayant systématiquement eu lieu à main levée à l’Assemblée nationale, il n’existe pas de transcription des votes nominaux.

18 Bouza Garcia Luis, « Quatre registres de mobilisation mémorielle dans l’espace public européen », in Grandjean Geoffrey et Jamin Jérôme (dir.), La concurrence mémorielle, Paris, Armand Colin, Recherches, 2011, p. 119.

19 Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion (COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS))

20 Fraisseix Patrick, « Le Droit mémoriel », Revue française de droit constitutionnel, 2006, no 67, p. 487.

21 Cette possibilité est prévue par l’article 12 de la Constitution de 1958. Elle a été utilisée à quatre reprises sous le régime de la Ve République : en 1962, 1968, 1981 et 1988. voy. « La dissolution de l’Assemblée nationale, une arme présidentielle ? », Vie publique, 29 mars 2017, consulté le 21 novembre 2019.

22 Buffotot Patrice et Hanley David, « Chronique d’une défaite annoncée: Les élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997 », Modern & Contemporary France, février 1998, vol. 6, no 1, pp.  5‑19.

23 « Scrutin du 27 septembre 1998-résultats - Sénat ».

24 Sernin Jean de Saint, « La majorité sénatoriale sous la Ve République », Pouvoirs, 30 novembre 2016, N° 159, no 4, p. 60.

25 Cette procédure est introduite par la loi constitutionnelle no95-880 du 4 août 1995. L’article 48 al. 3 de la Constitution permet à l’Assemblée nationale, une fois par mois, de fixer prioritairement son ordre du jour, prérogative ordinairement réservée au Gouvernement. Dans la pratique, chaque groupe politique se voit attribuer une ou plusieurs séances au cours de la session, pour lesquelles il peut décider de l’ordre du jour. La procédure est également d’application au Sénat, lequel l’applique selon des procédures qui lui sont propres : la conférence des présidents y conserve notamment un pouvoir de décision. Dans la suite de mes propos, le terme d'« ordre du jour réservé » est utilisé. voy. Hérin, Jean-Louis, « L’ordre du jour réservé », Pouvoirs, 2003, no 105, pp.  159‑175 et « Connaissance de l’Assemblée n° 5 - Les étapes de la procédure législative », cité par Hérin.

26 Masseret Olivier, « « La France reconnaît le génocide arménien de 1915 » », Confluences Méditerranée, 2001, no 39, pp. 143‑144.

27 La possibilité pour les assemblées de fixer elles-mêmes leur ordre du jour apparaîtra à la faveur d’une modification de l’article 48 de la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. voy. Dord Olivier, « Vers un rééquilibrage des pouvoirs publics en faveur du Parlement », Revue française de droit constitutionnel, 17 mars 2009, n° 77, no 1, pp.  99‑118.

28 Proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, Sén., 1998-1999, 23 février 1999, no 238 ; Compte-rendu intégral, Séance du 21 mars 2000, Reconnaissance du génocide arménien. - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, Sén., 1999-2000, 21 mars 2000, p.14.

29 Proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, présentée par MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin, Sén., 2000-2001, 27 octobre 2000, n°60.

30 Compte-rendu intégral, Reconnaissance du génocide arménien - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, Sén., 2000-2001, 7 novembre 2000, p. 23.

31 Ibid. p.81

32 113 sénateurs ne prennent pas part au vote.

33 Proposition de loi adoptée par le Sénat relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, A.N., 2000-2001, 8 novembre 2000, no 2688.

34 « "la France souhaite continuer à entretenir et à développer avec la Turquie des relations de coopération étroite dans tous les domaines". Le vote du Sénat "intervenu à l'initiative du pouvoir parlementaire et qui relève de sa responsabilité, ne constitue pas une appréciation sur la Turquie d'aujourd'hui". », cité par François Loncle (SOC) au cours de l’examen de la proposition par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Compte-rendu de la Commission des Affaires étrangères, Archives de la XIe législature, A.N., 2000-2001, 10 janvier 2001, no 19.

35 Voy. supra l’explication de cette prérogative.

36 Pour rappel, l’absence de demande de scrutin public signifie que le vote se fait à main levée et que le détail de celui-ci n’est pas enregistré. Olivier Masseret indique qu’environ 50 députés étaient présents pour le vote. Masseret Olivier, « La France reconnaît le génocide arménien de 1915 », op. cit., p. 149.

37 Boudon Raymond et Fillieule Renaud, Les méthodes en sociologie, Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 41.

38 Boudon Raymond, « Théorie du choix rationnel ou individualisme méthodologique ? », Revue du MAUSS, 2004, no 24, no 2, pp.  281‑309.

39 Roussel Florence et Béclère Marc, « Les archives du législateur », in Cornu Marie, Fromageau Jérôme et Potin Yann (dir.), Les archives et la genèse des lois, Paris, L’Harmattan, Collection Droit du patrimoine culturel et naturel, 2016, pp. 70‑72; « Fiche de synthèse : Les services des comptes rendus - Rôle et pouvoirs de l’Assemblée nationale - Assemblée nationale », disponible à d’adresse suivante : assemblee-nationale.fr (consulté le 7 juin 2019).

40 Morel Benjamin, « Opportunities and Drawbacks of a Microsociological Approach to Studying Parliaments », in Brichzin, Jenni, Krichewsky, Damien, Ringel, Leopold et Schank, Jan (dir.), Soziologie der Parlamente: Neue Wege der politischen Institutionenforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, Politische Soziologie, 2018, p. 369.

41 Rozenberg Olivier et Benoît Cyril, « Les Legislative Studies : de l’art de couper des bûches et de collectionner les barils de porc », in Rozenberg Olivier et Thiers Éric (dir.), Traité d’études parlementaires, Bruxelles, Bruylant, Études parlementaires, 2018, pp. 318‑319.

42 Robert André D et Bouillaguet Annick, L’analyse de contenu, Paris, PUF - Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 1997, p. 51.

43 Lejeune Christophe, Manuel d’analyse qualitative: analyser sans compter ni classer, Bruxelles, De Boeck, Méthodes en sciences humaines (Bruxelles), 2014, 152 p.

44 Ici les paragraphes, à de très rares exceptions : soit lorsque ceux-ci s’avèrent particulièrement longs et comportent plusieurs unités de sens.

45 Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion, COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS), disponible à l’adresse suivante : eur-lex.europa.eu (consulté le 15 mars 2019).

46 Compte-rendu intégral, 1. Reconnaissance du génocide arménien - Discussion d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, A.N., 1997-1998, 29 mai 1998, pp.2-20.

47 Hovanessian Martine, « L’évolution du statut de la migration arménienne en France », Sociétés contemporaines, 1990, no 4, p. 61.

48 Missak Manouchian est un Arménien ayant appartenu à la résistance française. L’Affiche rouge désigne une affiche de propagande nazie émise à l’occasion de la condamnation à mort de Missak Manouchian et des 22 membres de son groupe de résistants, en 1944. La figure de Missak Manouchian et l’Affiche rouge ont, à travers le temps, fait l’objet d’une exploitation artistique, notamment par le PCF dans le cadre de sa propagande, ce qui a contribué à les populariser et à les inscrire dans l’imaginaire français. Atack Margaret, « Romans inachevés de l’Histoire et de la mémoire : Les ftp-moi et l’Affiche rouge », in Dambre, Marc (dir.), Mémoires occupées, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, Fiction/Non fiction XXI, 2017, pp.  175‑182. La référence à Manouchian, en particulier, est essentiellement le fait de parlementaires appartenant aux groupes communistes et socialistes.

49 Compte-rendu intégral, Reconnaissance du génocide arménien - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, Sén., 2000-2001, 7 novembre 2000.

50 L’Allemagne est également fréquemment citée à titre d’exemple, pour la gestion de son passé.

51 Compte-rendu intégral, Séances du 18 janvier 2001, 1. Reconnaissance du génocide arménien, Journal officiel de la République française, A.N., 2000-2001, 18 janvier 2001, no 6, p.568.

52 Ledoux Sébastien, Le devoir de mémoire - une formule et son histoire, CNRS Éditions, Paris, 2016, p. 195.

53 Rousso Henry, Face au passé, op. cit., pp. 9‑10.

54 Ibid., p.563.

55 La capacité d’adopter des résolutions sera accordée au parlement dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, voy. l’introduction de ce numéro des Cahiers Mémoire et politique.

56 La Constitution, dans son article 88-4, ne prévoyant de droit de résolution que pour ce qui concerne le domaine communautaire.

57 Marie-Claude Beaudeau in Compte-rendu intégral, Reconnaissance du génocide arménien - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, Sén., 2000-2001, 7 novembre 2000.

58 Hood Christopher et Margetts Helen, The tools of government in the digital age, New ed., Basingstoke, Palgrave Macmillan, Public policy and politics, 2007, 218 p.

59 Voire même, au sein du Sénat, la reconnaissance par l’Assemblée nationale en 1998. Jacques Peyrat in Compte-rendu intégral, Reconnaissance du génocide arménien - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, Sén., 2000-2001, 7 novembre 2000.

60 Ce projet n’apparaît au Sénat que dans les dires de Jacques Peyrat (RPR).

61 Fijalkow Jacques et Fijalkow Éliane, Des élèves face à des témoins de la Shoah: ils ne savaient pas, Paris, l’Harmattan, 2015, p. 344; Kattan Emmanuel, Penser le devoir de mémoire, 1re éd, Paris, Presses universitaires de France, Questions d’éthique, 2002, p. 76; Ernst Sophie (dir.), Quand les mémoires déstabilisent l’école: mémoire de la Shoah et enseignement, Lyon, Institut national de recherche pédagogique, 2008, p. 43; Shnur Emma, « La morale et l’histoire », Le Débat, 1er janvier 2011, no 96, p. 1.

62 Muxel Anne, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, Essais et recherches, 1996, p. 13.

63 Le lien avec la Shoah est d’ailleurs établi : l’absence de reconnaissance du génocide arménien aurait conforté Hitler dans ses ambitions génocidaires. Le rapporteur Rochebloine et Patrick Devedjian indiquent ainsi que le führer aurait déclaré « Qui se souvient du génocide arménien ?».

64 Cf. Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion (COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS)) voy. supra.

65 François Rochebloine in Compte-rendu intégral, Séances du 18 janvier 2001, 1. Reconnaissance du génocide arménien, Journal officiel de la République française, A.N., 2000-2001, 18 janvier 2001, no6, p.546.

66 Compte-rendu intégral, 1. Reconnaissance du génocide arménien - Discussion d'une proposition de loi, Journal officiel de la République française, A.N., 1997-1998, 29 mai 1998, p.20.

67 Si la pénalisation de la négation du génocide arménien ne fait pas partie du contenu de la loi de 2001, elle sera discutée par la suite, notamment au travers la proposition portant transposition du droit communautaire sur la lutte contre le racisme et réprimant la contestation de l’existence du génocide arménien déposée par la députée Valérie Boyer, adoptée en 2012 et déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012. Une autre tentative suivra dans le cadre de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, dont l’article 173, 2°, par une modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse devait permettre la pénalisation de la négation du génocide arménien. Par à la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, la disposition est déclarée non conformes à la Constitution. voy. de Bellescize Diane, La loi égalité et citoyenneté et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, Constitutions, 2017 p.127

68 Cardon Dominique, Heurtin Jean-Philippe et Lemieux Cyril, « Parler en public », Politix. Revue des sciences sociales du politique, 1995, vol. 8, no 31, pp.  5‑19.

69 Ibid., p. 6.

70 Ferrié Jean-Noël, Dupret Baudouin et Legrand Vincent, « Comprendre la délibération parlementaire », Revue française de science politique, 4 décembre 2008, vol. 58, no 5, pp.  795‑815.

71 Ibid., p. 801.

72 Résolution du Parlement européen du 18 juin 1987 sur une solution politique de la question arménienne (JO C 190 du 20.7.1987, p. 119.). En outre, le 15 novembre 2000, alors que la proposition de loi a été adoptée par le Sénat, mais pas encore à l’Assemblée nationale, la Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion réitère sa demande, appelant le Gouvernement turc et la grande Assemblée nationale turque à soutenir la minorité arménienne par la reconnaissance du génocide qu’elle a subi. voy. Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion (COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS) ) (COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS) )

Pour citer cet article

Jérôme Nossent, «La reconnaissance du génocide arménien par les parlementaires français», Cahiers Mémoire et Politique [En ligne], Cahier n°7. 30 ans de « lois mémorielles » ?, URL : https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=264.