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Sarkozy à l’assaut du Panthéon : à l’Homme révolté, la patrie reconnaissante
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En décembre 2009, le journal Le Monde révélait le dernier projet présidentiel : transférer la dépouille d’Albert Camus au Panthéon. Ce projet, perçu par la gauche comme une tentative éhontée de récupération politique, déclencha une vive controverse qui ne prit fin qu’avec le refus du fils de l’écrivain à consentir un tel transfert. Après un bref rappel des faits et la mise en exergue des enjeux politiques afférents, le présent article se propose de revenir sur cette question de la récupération politique. L’hypothèse qui nous guidera est que toute panthéonisation – ou tentative de panthéonisation – relève davantage d’une communication politique savamment réfléchie que d’une volonté du Président de manifester ses goûts ou convictions. Cette assertion une fois démontrée, il ne demeurera alors, comme ultime saillance de ce pugilat médiatique, qu’une violence qui sied fort peu avec Camus, y compris d’ailleurs – si ce n’est peut-être davantage – dans le chef de ceux qui se sont bien souvent considérés comme les défenseurs de sa mémoire.
Inhoudstafel
Introduction
1Le 19 décembre 2009, le Monde.fr révélait le dernier projet de Nicolas Sarkozy : faire transférer la dépouille d’Albert Camus au Panthéon. L’idée fait grand bruit, et divise. Si certains considèrent qu’il s’agirait là d’un hommage républicain amplement mérité, d’autres crient à la récupération politique et vitupèrent le président pour cet ultime blasphème. Mais récupération de quoi ? De l’écrivain ? Du résistant ? De l’Algérien pied noir ? De l’anticolonialiste ? Ou encore de l’humaniste de gauche ?1 Autant d’interrogations qui nous ont poussés à revenir sur cette controverse qui a déchiré hommes politiques et intelligentsia télévisuelle. Les développements qui suivent se divisent en trois parties. La première sera consacrée à un rapide rappel des faits. Nous étudierons ensuite, dans un premier temps, les enjeux politiques liés à cette velléité maladroite du président Sarkozy et tenterons de démontrer, dans un second temps, que toute panthéonisation procède d’un choix politique savamment réfléchi en termes de communication. Enfin, la troisième partie sera dédiée à des considérations davantage personnelles.
Un débat qui tourne au pugilat médiatique ; le fils de l’écrivain assène l’ultime estocade au projet présidentiel – Sarkozy est mis knockout
2L’idée de transférer la dépouille du prix Nobel de littérature au Panthéon intervient dans le contexte particulier du cinquantième anniversaire de sa mort. En novembre 2009, Nicolas Sarkozy déclarait : « la décision n’est pas encore prise mais ce serait un symbole extraordinaire de faire entrer Albert Camus au Panthéon. […] J’ai pensé que ce serait un choix particulièrement pertinent. […] Dans cet esprit, j’ai déjà pris contact avec les membres de sa famille, j’ai besoin de leur accord »2. La question du symbole évoqué par le président de la république est immédiatement posée, et divers hommes politiques, ainsi que des personnalités publiques, réagissent ; parfois même avec véhémence. Parmi eux, nombreux sont ceux qui y voient une tentative de récupération politique, relevant la distance intellectuelle séparant les deux hommes qui ne partageraient, en définitive, qu’une passion commune pour le football. Chacun y est alors allé de sa petite explication. Certains considéraient qu’il s’agissait d’une volonté du président de rompre avec l’image anti-intellectualiste qui lui était associée depuis qu’il avait remis en cause l’intérêt d’imposer aux lycéens la lecture de La Princesse de Clèves. D’autres, qu’il s’agissait de faire preuve d’une certaine ouverture dans le contexte, de plus en plus moribond, du débat sur l’identité nationale. Jean-Marie Le Pen perçoit, quant à lui, la nomination d’un pied noir, à quatre mois des élections régionales, comme un choix électoraliste3. Autrement dit, il s’agirait, dans le chef de Nicolas Sarkozy, de tenter de séduire une partie des pieds noirs. Or, si les données statistiques démontrent qu’il n’existe pas de vote « pied noir » à proprement parler, l’on constate qu’une partie des individus de ce groupe est fédérée derrière le label frontiste et manifeste une certaine hostilité à l’égard de l’immigration algérienne. D’où la remarque de Jean-Marie Le Pen, désireux de mettre en exergue une manœuvre destinée, selon lui, à séduire une partie de son propre électorat. Ce vote d’une partie des pieds noirs pour le Front National s’explique, pour Eric Savarese, par l’association entre immigrés et fellagas et s’inscrit dans ce qu’il appelle le modèle du « traumatisme historique »4. Il relève, de ce point de vue, que l’appartenance aux pieds noirs n’est plus incompatible avec un vote pour l’UMP, malgré sa tradition gaulliste, accréditant ainsi indirectement l’hypothèse d’une stratégie électoraliste de l’Elysée5.
3Divers spécialistes de l’écrivain sont également intervenus dans le débat, auréolés de l’autorité qu’ils incarnent en la matière, comme pour porter l’ultime estocade au projet présidentiel. Olivier Todd, auteur d’une biographie consacrée à Camus, fustige ainsi ceux qu’il appelle « les prétoriens intellectuels récupérateurs de l’Elysée »6. Selon lui, une telle nomination « ne colle pas du tout avec sa personnalité. Camus n’a rien à faire dans ce monument qui est l’un des plus laids de Paris avec le Sacré-Cœur »7. De même, Jean-Yves Guérin – qui vient de publier un dictionnaire Albert Camus – rappelle que Camus « a refusé de déjeuner à l’Elysée avec de Gaulle »8. Aussi, « comment y serait-il allé pour rencontrer Nicolas Sarkozy ? »9. Pour lui, la tentative de Nicolas Sarkozy est « idiote et scandaleuse »10. Les personnalités publiques plus généralement nimbées du statut d’« intellectuel » ne sont pas non plus en reste. Michel Onfray, par exemple, a adressé une lettre ouverte à l’Elysée, dans laquelle il interroge le président: « Et puis, Monsieur le Président, comment expliquerez-vous que vous puissiez déclarer que ‘désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit’, et, en même temps, vouloir honorer un penseur qui n’a cessé de célébrer le pouvoir syndical, la force du génie colérique ouvrier, la puissance de la revendication populaire ? »11. Cette lettre de Michel Onfray, référence à peine voilée à la chanson Le déserteur de Boris Vian, s’achève par cette imprécation : « Si vous aimez autant Camus que ça, devenez camusien »12.
4Une partie de l’opinion soutient cependant l’initiative présidentielle. Faisant fi – ou feignant, dans certains cas, de faire fi – d’une quelconque volonté de récupération dans le chef de l’Elysée, cette partie de l’opinion se borne à affirmer que Camus, l’un des plus grands écrivains français du vingtième siècle, y aurait tout à fait sa place13. Ainsi, pour Raphael Enthoven, la panthéonisation de Camus n’aurait rien d’absurde. Son œuvre, inclassable, n’aurait jamais souffert d’aucune récupération et n’en ferait jamais l’objet. Quant à l’homme, il n’aurait jamais refusé les honneurs, comme en atteste son prix Nobel14. De même, Franck Planeille remet en cause la légitimité de ces voix qui s’élèvent et s’arrogent le droit de condamner ce qui, au fond, n’est qu’une manifestation républicaine de reconnaissance à l’égard d’un homme qui, contrairement aux prétendus défenseurs de sa mémoire, s’est toujours abstenu de donner des leçons15.
5Après plusieurs jours d’une argumentation âpre et véhémente, les deux camps n’en démordent toujours pas. Le débat s’achève brutalement lorsque le fils de l’écrivain annonce qu’il refuse de donner son accord au transfert de la dépouille, craignant une récupération politique. Il donne ainsi indirectement raison à ceux qui se sont bien souvent perçus comme les défenseurs de la mémoire de l’écrivain, bien qu’aucun des protagonistes à ce pugila médiatique n’ait pu asséner d’argument péremptoire à son opposant.
Plus qu’un choix personnel de Nicolas Sarkozy : une communication politique savamment réfléchie
6Nous allons à présent aborder la question des enjeux politiques sous jacents à cette tentative de panthéonisation. Comme l’ont montré les développements précédents, différents enjeux politiques peuvent être mis au jour. Nous en établissons trois principaux.
7Le premier est lié à la récupération même de Camus, figure aux multiples facettes. Son œuvre fait transparaitre la modération d’un homme qui, contrairement à Sartre, a perçu très tôt les dangers du communisme et les excès auxquels il avait mené en URSS. Camus est aussi cet homme qui, dans les Justes, refuse de sacrifier la vie d’enfants pour un hypothétique avenir meilleur, et qui préfère, de manière générale, la révolte à la révolution. Bref, il est l’incarnation à la fois d’une modération et d’une clairvoyance que tente de se réapproprier Nicolas Sarkozy. Cette modération permet à l’écrivain de transcender tous les clivages politiques et de plaire tant aux hommes de gauche que de droite. Cette capacité fédératrice constitue un idéal pour tout président soucieux de représenter l’ensemble des Français, en dépassant toutes les oppositions et en se plaçant au-dessus de la mêlée. Ensuite, la figure de Camus en tant que pied noir algérien renvoie à l’immigration et permet, dans le contexte du débat national, de louer le modèle égalitaire français en montrant une intégration idéalisée. Camus est alors réduit à une simple réussite sociale : c’est ici l’image de Camus – né en Algérie et élevé par sa mère dans un milieu très modeste – devenu l’un des plus grands écrivains de son temps. Camus, dans le contexte de l’identité nationale, est donc réduit à une simple réussite sociale, dont l’exemple, érigé en modèle, prouve qu’en France il est possible pour un individu de s’élever socialement quelles que soient ses origines.
8Le deuxième enjeu politique qui peut être mis en évidence est lié au premier en ce qu’il en constitue, en quelque sorte, le pendant : c’est le fait qu’en mobilisant la personne de Camus, la droite prive la gauche de la capacité de le faire. Et revient alors cette conception de Camus en tant que modéré, comme si la droite rejoignait certains acquis issus de la lutte socialiste mais dénonçait, comme Camus en son temps, les dérives d’une gauche devenue aujourd’hui trop extrême.
9Enfin, le dernier enjeu politique n’est plus lié à la personne de Camus mais à la panthéonisation elle-même. Sarkozy, comme nous l’avons écrit précédemment, cherche à rompre avec une image anti-intellectualiste qu’il a depuis ses propos sur la Princesse de Clèves. Or, il existerait en France une nécessité pour le Président d’être perçu comme quelqu’un d’érudit. Cette nécessité s’explique, selon Olivier Darcos, par deux raisons principales. Premièrement, il y aurait « une conviction très française que nous avons une vocation universaliste à parler de culture aux autres civilisations, et que le président doit incarner cette conviction »16. Ensuite, il remarque que la France est « l’un des rares pays à avoir une politique culturelle d’État. Il n’y a pas de ministre de la culture aux États-Unis ou en Grande-Bretagne »17. À ces éléments, viennent s’ajouter la nostalgie d’une certaine époque à laquelle les milieux politiques et intellectuels se confondaient. Mais également la force des précédents. L’histoire politique a retenu l’érudition des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy. Qu’il s’agisse des qualités littéraires du général de Gaulle, de la passion de Clémenceau pour l’art contemporain et la poésie, de la culture scientifique de Valéry Giscard d’Estaing, des connaissances étendues de Mitterrand en histoire et littérature, ou encore de l’intérêt de Jacques Chirac pour les cultures asiatiques. Tous les présidents de la ve République ont su, à un moment donné, mettre en avant leur érudition, contribuant ainsi à forger une série de précédents, dont découle l’obligation d’intellectualisme à laquelle Nicolas Sarkozy tente aujourd’hui de se conformer.
10Toutefois, toute panthéonisation ne relève-t-elle pas en définitive, pour partie du moins, d’une communication politique destinée à produire ou à faire passer une certaine image ? Ne serait-il pas, à l’inverse, ingénu de penser qu’une telle nomination ne procède que de la volonté du président de marquer ses goûts et ses préférences personnelles ? Les développements qui suivent ont pour but de démontrer que toute panthéonisation s’apparente, pour partie du moins, à une récupération politique, en ce qu’elle vise à adresser un message ou produire une image que l’Elysée veut donner d’elle-même et s’apparente, de ce point de vue, à un exercice de communication politique. La personnalité transférée au Panthéon se voit ainsi « récupérée » au profit du message ou de l’image escompté par le pouvoir. Dans le but de réaliser une telle démonstration, nous reviendrons sur trois cas de panthéonisation, ayant eu lieu sous la ve République, particulièrement révélateurs de cette dimension de stratégie politique18.
11En 1964, de Gaulle fait entré Jean Moulin au Panthéon. Si cette nomination marque la reconnaissance de l’État à l’égard des résistants, elle constitue, pour le général, une manière détournée de rappeler son passé de sauveur de la France. La gloire érigée à Jean Moulin fait rejaillir celle du général de Gaulle. Le discours que prononça Malraux étaye ce point de vue, en ce qu’il rappelle le rôle du général dans la création du « Comité de Coordination » que présidera Jean Moulin et cite à de nombreuses reprises le président français. En outre, cette nomination permet de renforcer l’unité nationale à travers la glorification d’un personnage qui, d’une part, rappelle la grandeur de la nation française et qui, d’autre part, incarne lui-même un symbole d’unité à travers le « Comité de Coordination ».
12Le transfert, en 1995, des cendres de Pierre et Marie Curie fut l’occasion pour François Mitterrand de réparer l’injustice faite aux femmes. Cette décision consacre en quelque sorte un travail politique en faveur de la femme engagé dès son accession au pouvoir en 1981. Le 28 avril de cette année là, celui qui compta notamment parmi ses ministres Simone Veil est en pleine campagne lorsqu’il promet, lors d’un meeting organisé par le mouvement féministe Choisir, de créer un ministère des Droits des femmes. Durant les années qui suivront, diverses législations verront le jour : la loi relative à la couverture des frais afférents à l’interruption volontaire de grossesse non thérapeutique et aux modalités de financement de cette mesure, promulguée le 31 décembre 1982 ; la loi Roudy, du 13 juillet 1983, qui établit l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; ou encore la loi du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs.
13Enfin, en novembre 1996, Jacques Chirac fait transférer les cendres d’André Malraux, lors d’une cérémonie grandiose. Ce faisant, il ne se contente pas d’honorer l’écrivain et le résistant, mais il signifie sa volonté de s’inscrire dans la tradition gaulliste (Malraux ayant été, pour rappel, Ministre de la culture sous de Gaulle).
14Toute panthéonisation découle donc d’une décision politique savamment réfléchie en fonction du message ou de l’image que l’Élysée veut produire ou donner d’elle même ; c’est une mise en scène qui relève de la communication politique. Mais si aucune panthéonisation ne déroge à cela, pourquoi dès lors la tentative de Nicolas Sarkozy suscite-t-elle autant de réactions ? Dans la troisième partie, il s’agira de porter un jugement critique sur le comportement de chacun des protagonistes.
Une violence verbale fort peu « Camusienne »
15L’opposition que rencontre Nicolas Sarkozy et ceux qu’Olivier Todd appelle « les prétoriens intellectuels récupérateurs de l’Élysée »19 provient de ce que Camus n’appartiendrait pas à leur famille politique. Humaniste de gauche, l’écrivain serait aux antipodes de la politique menée par l’Élysée. Fervent défenseur de la lutte syndical, il ne pourrait qu’être opposé à un président ayant déclaré que « désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit »20. Toutefois, convaincus que toute panthéonisation relève, pour partie du moins, de la récupération politique, nous tenions davantage à attirer l’attention sur la maladresse de l’Élysée que sur une quelconque intention frauduleuse. Si un « acte d’accusation politique » doit être dressé, c’est selon nous le manque de prévoyance et de clairvoyance qui doivent y figurer. Le président et ses conseillers auraient en effet dû se douter que leur initiative engendrerait une levée de bouclier qui ne pourrait mener qu’à un échec retentissant. Cédant à la tentation de poursuivre la rédaction de ce que Nicolas Offenstadt a nommé l’« histoire bling-bling »21, le président et ses conseillers se sont fourvoyés quant à leurs chances de réussite.
16Mais, de son côté, la gauche n’est également pas exempte de tout grief. En affirmant que Camus relève de sa famille de pensée, elle s’accapare un homme dont l’œuvre appartient au peuple, privant ainsi ce dernier de manifester son admiration à l’un des plus grands écrivains de son histoire. Au fond, la gauche ne pense-t-elle pas le peuple capable de discerner pareille duperie ? Ne croit-elle pas également possible que le peuple laisse à ses bons soins la politique politicienne et qu’il désire simplement manifester sa reconnaissance? Il est étrange, en effet, de trouver parmi les hommes politiques tant de défenseurs de Camus, lui qui les jugeait comme « des hommes sans idéal et sans grandeur ». L’accaparement du débat par les élites a privé le peuple du pouvoir de décider. Or, l’histoire n’est ni une prérogative présidentielle ni l’objet exclusif d’une élite autoproclamée ; elle appartient au peuple et c’est à lui seul de choisir, parmi les hommes qui ont marqué cette histoire, ceux qu’il entend honorer.
17Mais ce qui marque encore davantage dans ce débat, c’est la véhémence et la virulence qui l’ont caractérisé. Les prétendus spécialistes de l’auteur se sont, de ce point de vue, particulièrement distingués. Ils se sont adonnés à un étalage de violence verbale qui sied fort peu à un défenseur de la non-violence tel que Camus. Aussi, sans remettre en cause les connaissances de ces éminents experts ayant contraint la plèbe ignare au silence, il nous parait néanmoins opportun de faire remarquer le peu qu’ils semblent avoir retiré, d’un point de vue personnel, de leur lecture. Nous n’avons, pour notre part, aucun souvenir de Sisyphe s’attaquant à sa pierre. Aussi faut-il peut-être avoir cette même indulgence envers nos hommes politiques. Fort heureusement, tous les experts ne se sont pas drapé des oripeaux d’un Caligula avide de violence pour ensuite aller se vautrer dans une fange polémiste nauséabonde. Franck Planeille a lui aussi dénoncé la violence des débats et souligné l’accaparement des élites, dans un texte intitulé « Albert Camus et l’opinion silencieuse »22. Il démontre ainsi que s’il y a des auteurs qui connaissent l’œuvre de Camus, il en est qui la comprennent.
18Au terme d’un débat pour le moins véhément entre gens policés et journalistes stipendiés, la dépouille de l’écrivain ne sera donc pas transférée au Panthéon – son fils s’y étant opposé. Mais que les partisans de l’ancien président se rassurent : Nicolas Sarkozy aura tout de même sa panthéonisation, en la personne d’Aimé Césaire. Une grande mise en scène pour alimenter son histoire bling-bling et marquer la résurgence du roman national ; mais surtout personne pour dénoncer une quelconque récupération politique. L’Élysée semble d’ailleurs avoir retenu la leçon, et l’on ne s’embarrasse plus d’une dépouille. Demeurée en Martinique, c’est une urne vide qui a servi de relique à cette mise en scène protocolaire. Qu’importe, Sarkozy s’est offert l’un des plus grands poètes français tout en manifestant sa sympathie aux populations d’outre-mer, à quelques mois des élections présidentielles. Quant à Camus, François Hollande l’a depuis érigé en modèle de sa méritocratie républicaine, lui, l’« enfant orphelin de père élevé par une mère pauvre, sourde et illettrée »23, devenu prix Nobel.
Voetnoten
1 Ajavon François-Xavier, « Albert Camus au Panthéon de la Sarkodyssée », Actu Philosophia, janvier 2010, disponible à l’adresse suivante : http://www.actu-philosophia.com/ (consultée le 10 novembre 2012).
2 Leménager Grégoire, « Sarkozy, Camus : même combat ? », Le nouvel observateur, 20 novembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://bibliobs.nouvelobs.com (consultée le 10 novembre 2012).
3 AFP, « Camus/Panthéon : électoraliste (Le Pen) », Le Figaro, 20 novembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://www.lefigaro.com (consultée le 10 novembre 2012).
4 Savarese Eric, « Un regard compréhensif sur le ‘traumatisme historique’. À propos du vote Front national chez les pieds-noirs », Pôle Sud, n° 34, janvier 2011, pp. 91-104.
5 Ibid., p. 97.
6 Haski Pierre, « Camus au Panthéon : le fils de l’écrivain refuse la récupération », les Inrocks, 23 novembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://www.lesinrocks.com (consultée le 11 novembre 2012).
7 AFP, « Albert Camus au Panthéon : sa fille réserve toujours sa réponse », La dépêche, 18 décembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://www.ladepeche.fr (consultée le 10 novembre 2012).
8 Leménager Grégoire, op. cit.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Onfray Michel, « Monsieur le président, devenez camusien », C@hiers de psychologie politique, janvier 2010, n° 16, disponible à l’adresse suivante : http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique (consultée le 10 novembre 2012).
12 Ibid.
13 Au terme d’une enquête réalisée conjointement par Le Monde et la Fnac sur base d’une liste de deux cents romans présélectionnés, les français ont élu L’étranger d’Albert Camus plus grand roman du xxème siècle. Classement disponible à l’adresse suivante : http://www.senscritique.com (consultée le 12 novembre 2012).
14 Enthoven Raphaël, « Pour Camus », L’Express, 27 novembre 200, disponible à l’adresse suivante : http://www.lexpress.fr (consultée le 11 novembre 2012).
15 Planeille Franck, « Albert Camus et l’opinion des silencieux », Le Monde, 2 décembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://www.lemonde.fr (consultée le 11 novembre 2012).
16 Bacqué Raphaëlle, « Un président doit-il être cultivé ? », disponible à l’adresse suivante : http://fredericcoulon.typepad.com (consultée le 11 novembre 2012).
17 Ibid.
18 Exemples tirés de Ajavon François-Xavier, op. cit.
19 Haski Pierre, « Camus au Panthéon : le fils de l’écrivain refuse la récupération », les Inrocks, 23 novembre 2009, disponible à l’adresse suivante : http://www.lesinrocks.com (consultée le 11 novembre 2012).
20 Onfray Michel, op. cit.
21 L’histoire bling-bling « décompose le passé en éléments épars, mis en scène et mélangés au point de perdre toute intelligibilité. En refusant contextualisation et explication, elle dépossède les citoyens de leur passé. L’histoire bling-bling est ainsi une histoire pour consommateurs, pas une histoire de citoyens. L’histoire bling-bling brille mais n’éclaire pas. Elle demande l’adhésion, pas la réflexion ». Offenstadt Nicolas, L’histoire bling-bling. Le retour du roman national, Paris, Stock, Coll. « Parti Pris », 2009, p. 26.
22 Planeille Franck, op. cit.
23 Pottier Jean-Marie, « L’histoire de France vue par François Hollande », 22 janvier 2012, disponible à l’adresse suivante : http://www.slate.fr (consultée le 13 novembre 2012).
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Over : Maxime Rahier
Titulaire d’un bachelier en science politique