Cahiers Mémoire et Politique https://popups.uliege.be/2295-0311 fr « La France a une part d’Afrique en elle ». Microgéographie de deux nécropoles dédiées aux tirailleurs sénégalais https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=290   La mémoire des anciens combattants africains a été au cœur de l’actualité en 2023 avec la sortie du film Tirailleurs. Le film a dépassé le million d’entrées et constitue d’ores et déjà une étape importante dans la mise en mémoire publique des tirailleurs dits « sénégalais ». Ces derniers formèrent un corps de l’armée de terre française créé en 1857 au Sénégal, puis dissous au début des années 1960, moment des indépendances africaines. Le qualificatif « sénégalais », comme nom générique, masque en réalité les origines de ces hommes qui provenaient de l’ensemble des colonies françaises subsahariennes. Ils participèrent aux principaux conflits contemporains dans lesquels la France et son empire colonial furent impliqués. Ils firent partie de « la Coloniale », c’est-à-dire des troupes coloniales, devenues, au moment des indépendances, les troupes de marine. Si l’histoire de ces hommes commence à être portée à la connaissance du plus grand nombre, l’historiographie est en grande partie établie désormais, comme en atteste la synthèse récente d’Anthony Guyon1. Depuis les travaux pionniers de Marc Michel2 et de Myron Echenberg3, elle a été approfondie4, mais seuls quelques travaux se sont concentrés spécifiquement sur l’aspect mémoriel des tirailleurs. Martin Mourre a ainsi conduit une anthropologie historique de la mémoire du massacre de Thiaroye au Sénégal5. Cheikh Sakho a lui étudié les commémorations de ces hommes et leurs représentations jusqu’aux indépendances africaines6. Gl Sun, 31 Dec 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=290 Le déboulonnage des monuments au Canada : une stratégie de résistance convergente des militants autochtones, noirs et antiracistes, ainsi que des Canadiens français, pour faire face aux héritages coloniaux https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=314 « Détruire les monuments qui représentent l’esclavage, le colonialisme et la violence. »1 Introduction Dans les démocraties libérales, et plus particulièrement dans les sociétés ayant un passé colonial, les discours plaidant pour la chute ou le renversement des monuments (« fallism » que nous traduisons par déboulonnage) fonctionnent comme un outil permettant aux groupes historiquement marginalisés de revendiquer une identité collective en produisant de nouvelles significations eu égard à l’effacement historique qu’ils ont subi2. Un exemple récent de cette mouvance est la mobilisation étudiante #RhodesMustFall débutée en 2015 en Afrique du Sud3, ou encore, le renversement de monuments associés à l’esclavage durant les manifestations Black Lives Matter (BLM) en 2020 aux États-Unis4. Bien entendu, les actions visant à faire tomber les figures historiques associées à d’anciens régimes ne sont pas inédites, nous n’avons qu’à penser aux Roumains et aux Éthiopiens détruisant les statuts de Vladimir Lenin en 1991, ou encore, aux Irakiens portant la monumentale représentation de Saddam Hussein au sol en 20035. Que ces gestes soient produits au grand jour, ou encore, incognito, le postulat de base de la réflexion qui suit est qu’en agissant sur la matière (la pierre, le bronze, etc.), ces acteurs s’engagent dans un double mouvement : l’un de reconnaissance (« nous » objet de mépris/sujets pensant et agissant) et l’autre d’écriture (au sens large). Ainsi, cet article s’intéresse à la s Sun, 31 Dec 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=314 Se mobiliser contre une politique mémorielle au nom du héros du village. Les itinéraires du rejet de l’aménagement de l’esplanade devant accueillir le monument de Ruben U https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=317 Introduction Le rejet de l’implantation de la stèle de Ruben Um Nyobe au carrefour Mobil Njoh Njoh, dans le quartier Kumassi dépendant de la commune de Douala Ier, fait écho aux contestations et aux résistances locales quant à un usage exclusif étatique du passé dans cette ville1. L’entretien des non lieux de mémoire par l’État, épouse dans un contexte plus large, une crise mémorielle séante au Cameroun. Elle fait suite au « retour du refoulé national » lié au retour de l’évocation de l’Union des populations du Cameroun-UPC et de son leader principal, Um Nyobe dans l’espace public2. Père et figure cardinale du mouvement nationaliste camerounais, ce secrétaire général de l’UPC a promu et défendu les idées de la Réunification et de l’indépendance du Cameroun sous tutelle française et britannique à l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU), avant son assassinat en pleine Guerre d’Indépendance (1956-1971) dans une forêt en 19583. L’interdiction de l’UPC est allée de pair avec une censure étatique autour de cette figure tutélaire jusqu’à une anamnèse en 1991. Un monument en mémoire du Mpodol est construit par son beau-fils Pierre Sendé, député et maire UPC à Éséka, sa région d’origine4. Cette action publique symbolique en pays Bassa s’inscrivant dans une ruralisation identitaire des lieux de mémoire au Cameroun, est cependant perçue comme une tribalisation de sa mémoire5. Le projet de construction d’un autre lieu de mémoire en son honneur par la Communauté Urb Sun, 31 Dec 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=317 « Le devoir de mémoire » de Johann Michel — Focus sur les référents d’une formule https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=278 Le devoir de mémoire1, de Johann Michel, entreprend d’éclairer les développements qu’a connus, dans un passé proche, l’injonction à se souvenir. Le devoir de mémoire, en tant que formule, a déjà fait l’objet de recherches très complètes (on retiendra particulièrement la thèse de Sébastien Ledoux consacrée au sujet, Le devoir de mémoire — une formule et son histoire), mais ce que propose ici Johann Michel est une exploration de son référent, celui de la mémoire obligée (p. 4). À cet effet, seul le cas de la France contemporaine fait l’objet de ses réflexions (p. 5). La période concernée englobe essentiellement les trente dernières années, bien que certains des phénomènes décrits remontent au sortir de la Première Guerre mondiale, voire même d’auparavant. Le premier chapitre permet à Johann Michel l’identification et la présentation de différents « paradigmes de la mémoire obligée » (p. 18). Selon les indications de l’auteur, l’expression renverrait à la façon dont est construit le souvenir de certains évènements, les perspectives adoptées dans ce cadre, mais surtout au fait que les approches adoptées ont valeur exemplaire : en cela elles peuvent être reprises et adaptées à d’autres évènements2. L’auteur focalise l’essentiel des développements à partir de deux paradigmes ayant émergés au cours du xxe siècle, reprenant la distinction effectuée par Serge Barcellini : le « paradigme des morts pour la France » et le « paradigme des morts à cause de la France »3. Johann Michel effec Wed, 02 Nov 2022 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=278 Le rôle du droit dans la résistance des « inutiles au monde » : les ambiguïtés d’un outil éminemment politique https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=279 Les termes d’utilité et d’inutilité sont omniprésents dans la sphère politique et se sont imposés comme des qualificatifs déterminant la valeur politique des objets concernés. Le couple d’antagonistes est appliqué à des réalités protéiformes très diverses du champ politique. On parle indistinctement et sans précision supplémentaire d’institutions politiques, de guerres, de professions, de lois, d’infrastructures utiles ou inutiles. L’omniprésence du vocabulaire de l’utilité tient d’abord à l’abondance des objets qu’il étudie, mais aussi au foisonnement d’énonciateurs et de destinataires qui font vivre ce qui semble s’imposer comme un concept fondamental de la vie politique. Surtout, les vocables inutile et utile se présentent comme des jugements catégoriques, en ce qu’ils prétendent déterminer la légitimité politique de l’objet qualifié. À en croire l’omniprésence du couple d’antonymes, il semble qu’il y ait une prolifération des inutiles à faire disparaître de la société. Qui sont-ils ? Comment saisir ceux qui composent cet ensemble si vaste et indistinct, qui semblent ne se définir qu’en creux de la norme de l’utilité ? Un bref passage par l’étymologie peut aider à saisir les contours de ceux qu’on nomme inutiles. Elle nous renvoie au latin utilitas, nom commun dérivé du verbe utor associé à plusieurs pôles de traduction (« se servir de », « mettre à profit » ou encore plus simplement [et plus indistinctement] « être en relation avec quelqu’un »), qui traduit aussi bien «  Wed, 02 Nov 2022 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=279 Contestations féminines de la mémoire générationnelle en Turquie https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=281 Introduction : Les générations politiques et le cas de la Turquie En Turquie, les générations politiques sont plus que des étiquettes que les chercheurs peuvent assigner à des militants aguerris pour des fins d’analyse. Les membres des générations politiques y jouissent de présence et de visibilité publiques réelles1. On a affaire non seulement à des « 68’tards », la génération politique « intellectuelle » avec une résonance globale, mais aussi à des « 78’tards », les militants entrés dans la lutte politique dans les années 1970 quand les mouvements sociaux se sont popularisés et massifiés2. Les adeptes des générations politiques ont publié plus d’une centaine de mémoires. Dans leurs témoignages autobiographiques, les anciens militants glorifient les mobilisations sociales et politiques des années 1960 et 1970 et dénoncent la gouvernance autoritaire et les interventions militaires ayant mené à une série de coups d’État et ayant mis fin à la plupart des structures organisées au sein de la société. Le récit générationnel qui émerge à partir de leurs écrits alimente un discours contre-hégémonique vis-à-vis de l’histoire officielle. Les générations politiques constituent un sujet très étudié dans le contexte turc, mais ces études restent difficilement accessibles aux lecteurs non-turcophones. De surcroît, étant donné la quantité du matériel publié par les anciens militants, celui-ci reste largement sous-exploité par les chercheurs qui privilégient des entretiens. Les mémoires m Wed, 02 Nov 2022 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=281 La justice transitionnelle, outil juridique de résistance ou de résilience dans le Chili post-Pinochet (1989-2013) https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=287 Certains éléments repris dans la cette contribution sont issus de la thèse de doctorat de l'auteur « La diaspora chilienne en France, l'exil et le retour (1973-1994) ». Introduction Le 14 décembre 1989, l’élection de Patricio Aylwin marque le retour formel de la démocratie au Chili. Mais celui-ci doit aussi se matérialiser en instituant une justice transitionnelle. Celle-ci est élaborée autour de commissions ad hoc, une méthode expérimentée en Argentine dès 1984. Ce type d’institutions sert alors d’exemple à d’autres pays sortant de nombreuses années de dictature telle l’Afrique du Sud et sa notoire Truth and Reconciliation Commission en 1995. Le contexte chilien est particulier, car Augusto Pinochet a verrouillé le système constitutionnel dès 1989, ce qui garantit en sus de certaines protections juridiques, l’impunité aux responsables des violations des droits de l’homme. Ainsi au gré des différentes présidences et des changements du rapport de force entre les militaires et les civils, la pratique de la justice transitionnelle n’a pas réussi totalement à aboutir à la concorde mise en avant par Patricio Aylwin, lors de sa prise de fonction. Elle était basée sur la volonté contradictoire, d’établir la vérité et préserver l’avenir de la transition en évitant tout conflit avec l’institution militaire. Ce pragmatisme ou cette Realpolitik résulte d’un désir de démocratie visant à remplacer un régime autoritaire et à « y substituer des procédures de légitimation exigeant un temps Wed, 02 Nov 2022 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=287 Résistances coloniales et mémorielles de collectifs militants partisans de l’Algérie française face à la politique de réconciliation des mémoires algériennes du président Macron https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=285 En janvier 2021, la remise au président de la République française par l’historien Benjamin Stora1, d’un rapport officiel dressant un état des lieux sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » et formulant des recommandations dans l’espoir d’aller vers une réconciliation2, montre que ce passé continue d’être sensible et de diviser la société française devenue multiculturelle et accueillant en son sein des personnes originaires des anciennes colonies3. Depuis le début de son premier quinquennat, le président de la République, Emmanuel Macron, a en effet initié une politique de réconciliation des mémoires algériennes en France, ainsi qu’avec l’Algérie, dans laquelle il reconnaît officiellement certains drames subis par les différents groupes mémoriels avec pour principe « Non à la repentance, oui à la reconnaissance »4. Toutefois, elle n’a pas reçu l’accueil espéré au sein de l’ensemble des associations porteuses de mémoires algériennes en France en raison des plaies mal cicatrisées de la guerre d’Algérie (1954-1962), et d’enjeux de reconnaissance matérielle ou symbolique qui s’inscrivent dans le présent. Elle n’a pas trouvé d’écho en Algérie, auprès des autorités politiques, où elle s’est soldée par une crise diplomatique5. Au moment des bilans avec les commémorations des 60 ans de l’indépendance algérienne et la disparition des témoins, constatons l’absence de récit national officiel en France (son élaboration est en construction) et Wed, 02 Nov 2022 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=285 Entretien avec Boris Adjemian https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=272 Quel regard portez-vous sur l’adoption de la loi de reconnaissance française en 2001 ? L’adoption de la loi de 2001 « portant reconnaissance du génocide de 1915 » a eu une grande importance symbolique pour les Arméniens de France, qui représentent la principale communauté arménienne en Europe (hors Russie). En effet, la reconnaissance du génocide était alors loin d’être acquise dans la sphère publique, où elle se heurtait encore au scepticisme – notamment dans certains milieux universitaires – ou à l’indifférence. En ce sens, le moment qui m’a vraiment paru important, plus que le vote du Sénat en 2001 qui permit l’adoption de la loi, est celui de l’Assemblée nationale qui le précéda, en 1998. C’était la première fois qu’un texte engageant la République française parlait ouvertement du génocide des Arméniens. L’irruption de cette parole officielle paraissait mettre fin à une longue solitude, du point de vue des militants de la reconnaissance du génocide et des descendants de rescapés ou d’immigrants arméniens. L’adoption de la loi trois ans plus tard, après le vote du Sénat, ne fut que la confirmation – un peu laborieuse car l’exécutif fit traîner les choses – de ce premier tournant. La France n’était pas le premier pays à reconnaître publiquement le génocide (le premier à l’avoir fait est l’Uruguay en 1965), mais elle se portait désormais à l’avant-garde d’un lent mouvement international de reconnaissance. Et il est certain que cette adoption de la loi de 2001 a eu un fort éc Wed, 17 Jun 2020 00:00:00 +0200 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=272 30 ans de « lois mémorielles ? » — Faire le point en 2019 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=266 Le 18 novembre 2008 est enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le rapport « au nom de la mission d’information sur les questions mémorielles », laquelle était présidée par Bernard Accoyer, président de l’Assemblée. En conclusion de ce rapport, la mission indiquait ne pas remettre en cause « les lois dites ‘mémorielles’ existantes, en particulier la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien, la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité et la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés », mais « considère que le rôle du Parlement n’est pas d’adopter des lois qualifiant ou portant une appréciation sur des faits historiques, a fortiori lorsque celles-ci s’accompagnent de sanctions pénales. » La mission estime plutôt la possibilité d’adoption de résolutions, prévue par l’article 34-1 de la Constitution, lequel a été introduit lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, comme « un meilleur outil d’expression sur l’histoire lorsqu’il souhaite reconnaître des évènements significatifs pour l’affirmation des valeurs de la citoyenneté républicaine. »1 Si la mission d’information a l’occasion d’aborder d’autres sujets dans le cadre de ses activités, les lois « mémorielles » apparaissent à la fois comme le déc Mon, 01 Jun 2020 00:00:00 +0200 https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=266