Technologie de Cultures Associées et Efficacité Technique des Ménages Agricoles au Burkina Faso
Résumé
Ce papier analyse l’effet de la culture associée sur l’efficacité technique des ménages agricoles au Burkina Faso, par l’approche fonction distance directionnelle. Les données proviennent de 303 ménages, collectées en 2012 et 2013 par le Laboratoire d’Analyse Quantitative Appliquée au Développement-Sahel de l’Université Thomas Sankara. Il ressort que l’intensification de la culture associée améliore l’efficacité technique, de même que l’éducation et la traction animale. L’âge du chef de ménage et le ratio de dépendance réduisent en revanche l’efficacité technique. Afin d’améliorer durablement l’efficacité technique des ménages agricoles, les actions doivent viser prioritairement l’intégration de la culture associée dans les plans et programmes de développement agricole, le renforcement des capacités par la formation et l’encadrement agricole, l’amélioration de l’accès aux équipements agricoles et aux services sociaux de base (éducation).
Abstract
Intercropping Technology and Technical Efficiency of Farm Households in Burkina Faso.
This paper analyzes the effect of intercropping on the technical efficiency of agricultural households in Burkina Faso, using the directional distance function approach. The data were collected from 303 households in 2012 and 2013 by the Laboratory of Quantitative Analysis Applied to Development-Sahel of the Thomas Sankara University. Evidence shows that intensification of intercropping improves technical efficiency, as well as education and animal traction. In contrast, the age of the household head and the dependency ratio reduce technical efficiency. In order to sustainably improve the technical efficiency of farm households, actions should focus on integrating intercropping into agricultural development plans and programs, building capacity through training and agricultural supervision, and improving access to agricultural equipment and basic social services (education).
Introduction
1La faible performance du secteur agricole constitue l’une des principales causes de l’insécurité alimentaire dans le monde et particulièrement dans les pays en développement (PED). Cette contreperformance s’explique par plusieurs facteurs, dont les effets des chocs climatiques sur les variables économiques comme la production agricole (Nordhaus, 2018 ; Dell et al., 2014), mais aussi par la mauvaise allocation des ressources disponibles dans le processus de production (Benin et Nin-Pratt, 2016 ; Coelli et Rao, 2003).
2Les PED et particulièrement ceux de l’Afrique Subsaharienne (ASS) enregistrent, en effet, les faibles rendements agricoles au monde (FAO et BAD, 2015). De même, l’ASS est la seule région où la croissance de la productivité totale des facteurs (PTF) à long terme du secteur agricole est restée inférieure à 1% (Fulgie et Wang, 2012). Cependant, selon la théorie néoclassique, l'augmentation de la PTF constitue, avec l’accumulation des facteurs, les deux principales sources de croissance de la production globale (Felipe, 1999). La PTF est l’une des principales sources de la croissance de la production agricole. La croissance de la PTF provient théoriquement de l'amélioration de l'efficacité technique et allocative, du progrès technique et des changements des rendements d'échelle (Kumbhakar et Lovell, 2000).
3Dans les PED, l’efficacité technique est une source particulièrement importante de l’accroissement de la PTF, et contribue au moins de moitié à la croissance de cet indicateur (Benin et Nin-Pratt, 2016 ; Coelli et Rao, 2003). Ces constats (faible PTF et forte contribution de l’efficacité technique à la PTF) font penser que la faible performance agricole dans les PED et notamment ceux de l’ASS est due en partie à la faiblesse de l’efficacité technique des exploitations agricoles. L’amélioration de l’efficacité technique pourrait être, par conséquent, la clé pour accroître la productivité agricole dans les PED. En effet, elle contribue à élever la productivité sans une augmentation des ressources de base et le développement de nouvelles technologies. L’efficacité technique est donc un élément fondamental en termes d’analyse de performance productive agricole dans les PED.
4L'efficacité technique est une composante de l'efficacité économique et reflète la capacité d'une entreprise à maximiser la production à partir d'un niveau d'intrants donné. Elle signifie donc, qu’à dotation d’inputs donnée, l’entreprise réalise le niveau maximal de production qu’elle peut obtenir ou alternativement pour un objectif d’output défini, les quantités minimales d’inputs qu’elle peut se limiter à utiliser. Les travaux de Benin et Nin-Pratt (2016) et Coelli et Rao (2003) montrent que l’efficacité technique des exploitations agricoles dans les PED est faible et baisse continuellement. La FAO, le FIDA et le PAM (2015) ont montré que dans ces pays, la pression démographique et de l’impact des changements climatiques mettent une pression continue et réduisent continuellement les ressources en terres et en eau. De ce fait, une croissance continue et durable de la production alimentaire dans les PED nécessiterait une intensification agricole durable par l'introduction de nouvelles technologies et une gestion intensifiée des terres. Ces propositions se résument à un besoin de stratégies agricoles durables.
5Dans cette perspective, les travaux tels que ceux de Hong et al. (2019) et de Raseduzzaman et Jensen (2017) ont montré que les systèmes agricoles basés sur la monoculture n’offrent pas de possibilités d’accroissement durable de l’efficacité. Dans ce système de culture, le changement climatique réduit significativement la stabilité et les niveaux des rendements agricoles (Raseduzzaman et Jensen, 2017). Cela est dû au fait que la monoculture demande une utilisation intensive et non durable d'engrais minéraux, de pesticides et d'eau d'irrigation (Hong et al., 2019), ce qui provoque une dégradation de la qualité des sols et de l'eau.
6Une intensification agricole durable est donc nécessaire pour produire plus de rendement par unité de terre cultivée tout en réduisant les impacts nuisibles sur l'environnement. La culture associée pourrait jouer ce rôle au regard des multiples avantages qu’elle offre (Martin-Guay et al., 2018). C’est une technologie de production agricole définie par Andrews et Kassam (1976) comme la culture simultanée d’au moins deux espèces végétales dans un même espace et pendant une durée significative de leur cycle.
7La culture associée permet une plus grande efficacité d'utilisation des terres avec des avantages agroécologiques qui améliorent l’efficacité technique. La littérature montre également qu’elle est un moyen pour réduire les risques de production et les contraintes de terres cultivables causés par la pression démographique et la dégradation continue des sols, et entraîne pour cela une efficacité plus élevée (Raseduzzaman et Jensen, 2017).
8C’est aussi un moyen d’amélioration et de stabilisation des rendements agricoles, d’utilisation plus efficace de l’espace et du temps (Chavas et Di Falco, 2012 ; Andrews et Kassam, 1976). La culture associée permet aussi un rendement relatif élevé et supérieur à 1 selon la méta-analyse réalisée par Yu et al. (2015). Ces auteurs ont utilisé un échantillon combiné de 100 publications (parues entre 1978 et 2012), 189 expériences et 746 enregistrements de données réalisés en Europe, l’Afrique, l’Amérique Latine, l’Amérique du Nord et l’Océanie.
9Les résultats de l’analyse donnent un rendement d’équivalence terre moyen de 1,17 qui signifie qu’un hectare en culture associée produit autant que 1,17 ha en culture pure. Dans le même ordre d’idée, Hummelstein et al. (2017) ont aussi réalisé une autre méta-analyse à l’aide de 58 publications indépendantes effectuées en Afrique et ont montré qu’en moyenne, les cultures associées augmentent les rendements de 23%.
10L’analyse de la culture associée s’inscrit dans le cadre de la théorie de production multiproduit. La théorie multiproduit vient de Panzar et Willig (1981) et Baumol et al. (1982) qui ont proposé le concept d'économies de gamme pour mesurer les avantages en termes de réduction des coûts pour une entreprise à produire plus d'un produit. Ces auteurs ont suggéré deux conditions pouvant conduire à des économies de gamme dans les exploitations multiproduits : la complémentarité des coûts entre les cultures et/ou le partage ou l'utilisation conjointe d'intrants quasi fixes par ces cultures.
11Dans ces conditions, l'augmentation de la taille des exploitations peut entraîner des coûts, mais la présence d'économies de gamme dans des exploitations diversifiées par rapport à des exploitations spécialisées peut avoir tendance à faire baisser les coûts en termes de niveau de production comparable. Mafoua (2002) et Baumol et al. (1982) ont également montré que de fortes économies de gamme peuvent conduire à des économies d’échelle globales pouvant être supérieures à un, même s’il existe des économies d’échelle par produit constantes ou en diminution. Cela entraine de meilleures performances et, par conséquent, une efficacité technique supérieure.
12En revanche, si les conditions posées par Baumol et al. (1982) ne sont pas réunies, la production simultanée de plusieurs produits peut alors être moins efficace et plus coûteuse que lorsqu’ils sont produits séparément. Dans cette logique, la culture associée pourrait avoir des effets négatifs sur la performance agricole à cause des déséconomies de gamme et du besoin de main d’œuvre relativement important (Vedenov et al., 2007 ; Coelli et Fleming, 2004). Mkamilo (2004) a constaté que l'utilisation de la main-d'œuvre en culture associée maïs/sésame dans le sud-est de la Tanzanie était beaucoup plus élevée (42% plus élevée en moyenne) que lorsqu’elles sont cultivées seules.
13Dans un secteur agricole où le marché de travail est quasi-absent, comme celui des pays de l’ASS, le besoin intensif en main-d’œuvre peut affecter négativement la production. La culture associée peut donc entrainer un niveau d’efficacité technique relativement faible comparativement à la monoculture.
14En résumé, l’effet de la culture associée sur l’efficacité technique est à priori indéterminé. Les travaux empiriques économiques qui ont estimé l’effet direct de la culture associée sur l’efficacité technique sont actuellement très limités en nombre à notre connaissance. i) Tchale et Sauer (2007) ont trouvé un effet positif de l’adoption de la culture associée sur l’efficacité technique chez des producteurs du maïs au Malawi. ii) Dlamini et al. (2012) ont montré que l’association du maïs avec d'autres espèces au Sud-Est du Swaziland contribuait à augmenter l’efficacité technique des agriculteurs.
15Dlamini et al. (2012) et Tchale et Sauer (2007) n’ont donné aucune analyse approfondie sur l’adoption de la monoculture ou de la culture associée. iv) Hong et al. (2019) ont trouvé une contribution positive de la technologie de cultures associées sur l’efficacité technique des petits producteurs de la région de Gaotai en Chine. Le fait que l’effet de la culture associée sur l’efficacité technique soit susceptible de varier, selon les caractéristiques des zones et les conditions socio-économiques et démographiques, suscite un intérêt particulier pour cette recherche.
16Les travaux ont montré, par ailleurs, que le secteur agricole au Burkina Faso enregistre un taux moyen de croissance annuelle de PTF qui figure parmi les plus faibles en Afrique, avec une contribution importante de l’efficacité technique à cet indicateur (Benin et Nin-Pratt, 2016 ; Combary et Savadogo, 2014). Par ailleurs, les scores moyens d’efficacité technique enregistrés par les exploitations agricoles du pays sont relativement faibles (Combary, 2017 ; Savadogo et al., 2016). La présente recherche essaye d’apporter une lumière sur la contribution probable de la culture associée à l’efficacité technique des ménages agricoles dans un autre espace.
17Cela pourrait contribuer à agrandir le champ d’analyse et la compréhension des motivations d’adoption de la culture associée par les producteurs. En outre, en théorie de diversification agricole, la méthodologie utilisée permet de capter l’aspect association de culture sur une même parcelle et en même temps l’aspect diversification en termes d’exploitation de plusieurs produits par un même exploitant. C’est, en effet, la pratique fondamentale observée dans l’agriculture au Burkina Faso. Cette recherche pourrait donc contribuer à améliorer la manière de traiter les questions agricoles, notamment dans son aspect association des cultures au niveau des parcelles.
18Pour mieux comprendre le rôle de la culture associée dans les PED, notamment ceux de l’ASS, le Burkina Faso est donc une zone d’étude idéale pour la présente recherche. L’agriculture est le premier secteur économique au Burkina Faso avec une contribution importante de 30% à la formation du PIB et emploie près de 80% de la population active (Ministère de l’Economie et des Finances, 2016). Mais, cette partie de la population (rurale) qui y consacre sa vie peine à couvrir totalement ses besoins essentiels.
19Pendant la campagne agricole 2013-2014, près de 48% à 76% des ménages n’ont pas couvert leurs besoins céréaliers à partir de leur seule production agricole (Global Water Partnership, 2015). Le taux de personnes sous alimentées au Burkina Faso est l’un des plus élevés en Afrique de l’Ouest (FAO, FIDA et PAM, 2015). Cette situation est liée à la faible performance du secteur agricole, l’un des moins performants en Afrique de l’Ouest. Selon la Banque Mondiale (2013), les rendements agricoles des principales cultures baissent continuellement au Burkina Faso.
20En plus de sa faible performance, le secteur agricole au Burkina Faso est confronté à des contraintes climatiques, environnementales et infrastructurelles auxquelles s’ajoutent la faible technicité des producteurs (Banque mondiale, 2013). Le besoin d’une intensification agricole durable à travers une utilisation efficace des ressources (terre, eau) et qui offre une possibilité de réduction des effets nuisibles sur l’environnement devient nécessaire et pressant. La culture associée peut être une des solutions idoines pour accroître l’efficacité et par la suite stimuler la productivité agricole. La question fondamentale qui se pose est donc de savoir si les possibilités offertes par la technologie de cultures associées sont suffisamment exploitées par les ménages agricoles pour contribuer à améliorer leur efficacité technique au Burkina Faso ? La présente recherche cherche donc à analyser l’effet de la technologie de cultures associées sur l’efficacité technique de ces ménages agricoles. Pour ce faire, elle postule que la mise en œuvre de la technologie de cultures associées a un effet positif sur l’efficacité technique des ménages agricoles.
21À notre connaissance, l’effet des technologies agricoles (monoculture et culture associée) sur l'efficacité technique des ménages n'a pas encore été examiné dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, particulièrement au Burkina Faso. Il n’y a pas eu non plus une comparaison de l’efficacité de ces technologies. Cependant, l’amélioration des performances dans toute production passe avant tout par la maîtrise de la technologie utilisée ; c’est ce qui motive aussi la présente recherche. Le reste de l’article est organisé en trois sections traitant respectivement du cadre d’analyse, des résultats obtenus des estimations et des principales conclusions de la recherche.
Matériel et méthodes
Modèle théorique d’analyse de l’efficacité technique
22La fonction distance directionnelle (FDD) constitue une meilleure représentation de la technologie de production multi-inputs/multi-outputs (Färe et al., 2009). La détermination de la forme fonctionnelle la plus appropriée pour la modélisation de cette fonction se fait en utilisant la dualité qui repose fondamentalement sur les propriétés de translation et d’homogénéité. Färe et Sung (1986) ont démontré que seules les formes quadratiques développées par Diewert (2002) et translog introduites par Christensen et al. (1971) sont les mieux appropriées pour les fonctions distance.
23Färe et Primont (2006) précisent, toutefois, que la propriété d’homogénéité s’accommode facilement avec les fonctions translog, tandis que la propriété de translation est facilement modélisée avec des formes fonctionnelles quadratiques. Coelli (1996) montre qu’en général, les formes Cobb-Douglass et translog sont les plus utilisées dans l’estimation. Au Burkina Faso, les travaux utilisent en général la forme translog (Combary, 2017 ; Savadogo et al., 2016) ; elle est donc adoptée dans cette recherche pour des besoins de comparabilité.
Spécification fonctionnelle du modèle théorique
24La spécification de la forme fonctionnelle de la FDD qui mesure l’efficacité technique est représentée par l’équation (1) comme suit :
25En admettant Tt une technologie décrivant la transformation du vecteur d’input
26en vecteur d’output
au cours d’une période t=1,2,…,H. La technologie Tt est donnée par :
27Supposons que Tt vérifie les propriétés établies sur l’ensemble de production et plus particulièrement celles de la fermeture, de la convexité et de la divisibilité parfaite des inputs et des outputs.
28Partant de Färe et Primont (2006), la spécification de la forme fonctionnelle exacte, passe par la détermination d’un vecteur directionnel
29La FDD de la technologie sur est définie par :
30L’objectif dans cette recherche est de savoir pour un volume de capital donné, par exemple, quel est l’effort à fournir par un exploitant pour réduire son inefficacité technique. La direction output est donc adaptée. En fixant , on obtient la fonction distance directionnelle output (FDDO) donnée par :
31Où
est un ensemble d’output. Noter que Färe et Primont (2006) montrent que
possède plusieurs propriétés utiles telles que la translation (définie à partir de l’équation (a)), l’homogénéité de degré – 1 en (– gx , gy), non-décroissant en , non-croissant en et concave en (x , y).
32La FDDO
33dans sa forme translog adaptée au besoin de cette recherche est donnée par :
34(1)
35Le vecteur d’output correspondant est donc : gy = (1 ,1 ,…, 1), un vecteur 1 x M (le nombre de colonne) vaut 4 et correspond ici aux quatre groupes de spéculations). Finalement, le modèle économétrique qui permet d’analyser l’efficacité technique est construite par ajout du terme d’erreur (ut) à l’équation (1).
Modèle empirique et méthode d’estimation
36L’utilisation de l’équation (1) pour représenter la FDDO n’est pas possible car il n’y a pas d’observations sur la variable dépendante
37permettant d’estimer le modèle. Dans cette optique, des transformations préalables sont effectuées selon la démarche proposée par Kumbhakar et Lovell (2000). En effet, ces auteurs proposent de poser :
38Avec
39Cela signifie que l’inefficacité technique des ménages ruraux par rapport à leurs activités agricoles est, en réalité, une variable aléatoire de moyenne non nulle et ne provient donc pas d’une décision délibérée.
40L’équation (2) peut être réécrite comme suit :
41En posant εt = vt – μt, l’équation (2) devient :
42Färe et Primont (2006) montrent que de l’équation (3), la propriété d’homogénéité en peut se traduire mathématiquement par :
43L’introduction du logarithme permet de réécrire l’équation (4) de la façon suivante :
44De l’équation (5), on obtient l’équation suivante :
45La FDDO dans l’équation (6) a la même spécification que celle dans l’équation (1), l’équation (6) étant obtenue à partir de cette dernière par simple transformation de chaque
Il faut remarquer aussi que
46Koutsomanoli-Filippaki et al. (2009b) ont proposé d’introduire une erreur composite qui permet de distinguer l’inefficacité déterministe de l’inefficacité aléatoire pour avoir une forme plus flexible que la relation (7). On réécrit l’équation (7) comme suit :
47Le terme d’erreur est modélisé ici comme l’inefficacité spécifique de chaque ménage agricole (Battese et Coelli, 1995) ; les variables dans sont donc les facteurs spécifiques censés influencer l’inefficacité technique des ménages agricoles. Dans cette logique, la FDDO mesure l’inefficacité technique.
Méthode d’estimation
48Pour générer les scores d’efficacité et les différents paramètres utiles à la recherche, la relation (8) est estimée selon la méthode en une étape suivant les recommandations de Färe et al. (2007). La spécification fonctionnelle qui lie et les facteurs spécifiques du producteur est celle de Battese et Coelli (1995), qui spécifie comme une fonction linéaire des facteurs spécifiques du ménage. Par ailleurs, le contrôle du biais d’endogénéité dans la relation (8) se fait en utilisant des variables spécifiques à chaque ménage comme instruments de E(μt) :
49q(zt) est une forme linéaire avec zt les facteurs explicatifs de l’efficacité technique et δ le vecteur des paramètres à estimer. On remarque aussi que l’inefficacité des producteurs a une distribution normale tronquée. Cette distribution est indépendamment mais non identiquement distribuée à travers les ménages. Dans la relation (9), wt est une variable aléatoire normale tronquée, c’est-à-dire, wt ≥ ─ q (zt) δ , de moyenne nulle et de variance σ2. Par la méthode du maximum de vraisemblance, on estime simultanément la relation (7) intégrant la relation (9). Suivant Battese et Coelli (1993), la fonction de vraisemblance correspondante et sa distribution possèdent les caractéristiques suivantes sur les variances :
50σ2s représente la variance totale et la variance qui mesure la part de la variance de l’inefficacité spécifique (σ2) dans la variabilité totale de l’inefficacité. L’indice d’efficacité technique du producteur au temps t est alors calculé en estimant l’espérance conditionnelle de la distribution de uit étant donné εit. Battese et Coelli (1988), montrent que l’efficacité technique du ménage i est donnée par l’expression :
Données collectées utilisées
51Les données utilisées dans cet article ont été collectées auprès des ménages agricoles par le LAQAD-S1 en collaboration avec IER-UH-J2, dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet de recherche agricole visant à comprendre la dynamique de l’agriculture burkinabé. L’échantillonnage a combiné les méthodes raisonnées (pour le choix des zones d’études) et aléatoires (pour le choix des ménages dans les villages retenus).
52Cinq régions sur treize que compte le Burkina Faso ont été retenues en tenant compte des zones pluviométriques : une région dans la zone sahélienne (Sahel) caractérisée par une forte dominance de l’élevage, une autre dans la zone soudanienne (le Nord) où cohabitent l’agriculture et l’élevage et enfin trois régions dans la zone préguinéenne (les Cascades, les Hauts-bassins et la Boucle du Mouhoun) caractérisée par une forte dominance de l’agriculture. La zone préguinéenne est subdivisée en deux sous zones : la zone sud-guinéenne (Cascades) et la zone nord-guinéenne (Hauts-bassins et Boucle du Mouhoun).
53Au total, 18 villages ont été retenus, en raison de trois villages par région (sauf pour les Hauts-bassins et le Sahel qui comptent chacun respectivement huit et deux villages). Le choix de huit villages dans les Hauts-bassins est lié au fait que c’est la principale zone de production agricole du pays. Les villages ont été regroupés en deux strates selon le degré d’accessibilité : facile et difficile. Le choix des villages dans chaque strate a été fait de façon aléatoire.
54L’enquête a porté sur 360 ménages. Compte tenu des difficultés liées aux données de panel avec des observations entrantes et sortantes, les données utilisées proviennent de 354 ménages portant sur la campagne agricole 2011/2012 et celle de 2012/2013.
55L’analyse effectuée dans cette recherche a porté sur toutes les spéculations majeures à savoir : mil, sorgho, maïs, riz, niébé, coton, poids de terre, arachide, sésame et fonio. Elle a tenu compte de toutes les associations de cultures qui ont été faites par les exploitants.
Description des variables
Variables explicatives de la fonction de production
56Les produits agricoles retenus sont regroupés par type de cultures, à savoir les oléagineux (arachide, sésame et voandzou), les légumineuses (niébé/haricot), les céréales (sorgho, mil, maïs, riz et fonio) et le coton. L’indicateur utilisé pour mesurer les productions respectives est la quantité totale produite en kg par ha. La variable dépendante est représentée par la production de céréales en kilogramme. Ce choix se justifie par le fait que la quasi-totalité (99,72%) des ménages agricoles produit des céréales. Quant aux légumineuses et aux oléagineux, respectivement 49,36% et 29,56%, des ménages n’en produisent pas. Les inputs retenus sont le travail, la superficie et l’engrais chimique pour l’ensemble de la production du ménage.
57Les données du tableau 1 montrent qu’en termes de volume de production, les céréales dominent très largement la production agricole des ménages (3193,15 kg en moyenne par ménage, soit environ 65% de leur production totale). Cela se justifie, car l’activité agricole au Burkina Faso est de type d’autosubsistance avec les céréales comme aliments de base. Les légumineuses et les oléagineux sont utilisés comme compléments et/ou destinés à la vente en vue de satisfaire d’autres besoins (y compris les besoins alimentaires en cas d’insuffisance des récoltes de céréales). Du fait de leur cycle relativement court, elles sont aussi consommées en période de soudure lorsque les céréales ne sont pas à maturité.
58Dans cette même logique, les superficies affectées, tout comme le travail alloué, respectent quasiment le même ordre. Pour la superficie, par ménage on enregistre en moyenne 4,02 ha ; 1,39 ha ; 0,96 ha et 0,39 ha respectivement pour les céréales, le coton, les oléagineux et les légumineuses. C’est donc une agriculture dominée par de petites exploitations familiales de 6,77 ha en moyenne. Par ailleurs, chaque ménage alloue en moyenne 160,67 hommes-jours (h-jrs) ; 155,12 h-jrs ; 78,15 ; 1,93 et 38,37 h-jrs respectivement pour l’exploitation des oléagineux, des céréales, des légumineuses et du coton, soit une moyenne globale de 154,74 h-jrs/ha.
59Le calcul des h-jrs a été fait en fonction de l’âge. Ces exploitations utilisent des quantités relativement faibles d’engrais chimiques (46,47 kg/ha). En se référant au coton, considéré comme la spéculation qui demande le plus d’engrais chimiques (78,05 kg/ha), la quantité utilisée est en dessous de la norme technique recommandée (200 kg/ha au niveau national). Il n’y a que la quantité allouée aux céréales qui se rapproche de la norme (111,28 kg/ha) ; cela suggère un détournement des fertilisants destinés au coton au profit de la production des céréales.
Tableau 1 - Statistiques descriptives des variables de la fonction de production
Production (Kg) |
Marge brute de production (FCFA/ha) |
Main-d’œuvre (homme-jour/ha/an) |
Superficie/ exploitation (ha) |
Engrais (kg/ha) |
|
Céréales |
3193,15 |
149714,6 |
155,12 |
4,02 |
111,28 |
Oléagineuses |
387,28 |
169744,9 |
160,67 |
0,96 |
10,78 |
Légumineuses |
123,43 |
72209,68 |
78,15 |
0,39 |
63,48 |
Coton |
1024,38 |
63867,06 |
38,37 |
1,39 |
78,05 |
Moyenne |
165413,4 |
154,74 |
6,77 |
46,47 |
Source : Calculs à partir des données d’enquête du Projet "LAQADS/IER3", 2012 et 2013/Burkina Faso
Variables explicatives de l’efficacité technique
60Les variables explicatives de l’efficacité technique des ménages agricoles sont choisies sur la base de la littérature. La variable d’intérêt de la recherche est la part de la superficie consacrée à la culture associée par le ménage (Intercrop). Des facteurs favorables à l’acquisition de « package » technologique, des moyens de production et du capital humain sont aussi considérés.
61Théoriquement, et même au regard des travaux empiriques, l’effet de la culture associée sur l’efficacité technique peut être positif (Hong et al., 2019 ; Dlamini et al., 2012) ou négatif (Vedonov et al., 2007 ; Mafoua, 2002). Dans le cadre de cette recherche, les données montrent que même si cette part est relativement faible (en moyenne 46% de la superficie totale du ménage), la grande majorité des ménages (66%) consacrent au moins une parcelle à la culture associée.
62Le facteur favorable à l’acquisition de « package » technologique est capté par l’accès au crédit. Le crédit peut être orienté vers l’investissement agricole ou l’acquisition de moyens de production ; dans ce cas, un signe positif sur l’efficacité technique peut être observé. Dans le cas contraire, l’effet sera négatif, comme le montrent les travaux de Helfand et Levine (2004) sur les petits exploitants qui utilisent ces fonds à d’autres fins.
63L’utilisation d’équipements plus productifs, à savoir la traction animale, est importante pour les producteurs agricoles d’un pays sahélien comme le Burkina Faso. Les statistiques montrent que 73,41% des ménages possèdent la traction animale. La traction animale est un support qui vient réduire la pénibilité et améliorer la productivité du travail (Savadogo et al., 1994). Son signe attendu sur l’efficacité technique est positif.
64Le capital humain regroupe l’éducation et l’âge du chef de ménage. L’éducation est appréhendée par le nombre moyen d’année d’éducation formelle cumulée de tous les actifs. Le signe attendu est positif. En effet, même si le chef de ménage n’a aucun niveau, un autre membre éduqué du ménage peut contribuer énormément à travers des conseils avisés. Les agriculteurs les plus instruits sont supposés avoir une meilleure capacité à comprendre et à appliquer les technologies de production (Coelli et Battese, 1996).
65La relation entre l’âge et le niveau d’efficacité peut être négative ou positive (Coelli et Battese, 1996). Les producteurs âgés peuvent être plus efficaces que les jeunes, car l’âge est source d’expérience, de pratiques et de savoir-faire qui sont des atouts non négligeables. Cependant, les exploitants agricoles les plus âgés peuvent être moins efficaces que les jeunes, car ils sont également susceptibles d'être plus conservateurs et donc moins disposés à adopter de nouvelles technologies. Contrairement, les jeunes sont aptes à rechercher les informations nécessaires et à adopter de nouvelles technologies (Coelli et Fleming, 2004).
66Au regard de la spécificité de la recherche, qui traite de la culture associée, une technologie relativement intensive en main d’œuvre, le ratio de dépendance est aussi inclus dans les variables explicatives de l’efficacité pour capter le poids des inactifs économiquement parlant sur l’efficacité technique des ménages. Il est donc logiquement attendu que l’accroissement du ratio de dépendance affecte négativement l’efficacité technique, car cela implique plus de mobilisation de ressources pour satisfaire une plus grande consommation (Asefa, 2011).
Tableau 2 - Statistiques descriptives des variables explicatives de l’efficacité technique
Variables |
Unité de mesure |
Moyenne |
Signe attendu |
|
Age |
Nombre d’année du chef de ménage |
51,99 |
+/- |
|
Traction (%) |
0 si le ménage n’utilise pas et 1 si Oui |
0,74 |
+ |
|
Nbre_Educ |
Nombre moyen d’année d’éducation des actifs |
0,61 |
+ |
|
RatioDpdce |
Ratio de dépendance=actifs/taille du ménage |
1,76 |
- |
|
Intercrop |
Superficie culture associée / superficie totale du ménage |
0,46 |
+/- |
|
Crédit (%) |
0 si le ménage n’a pas accès et 1 si Oui |
0,44 |
+/- |
Source : Calculs à partir des données d’enquête du Projet "LAQADS/IER", 2012 et 2013/Burkina Faso
Résultats et discussions
Fonction de production et efficacité technique
67Afin d’apprécier la robustesse des résultats robustes en termes économétriques, des tests de spécification ont été construits sur les restrictions imposées au modèle (que sont l’adéquation de la spécification de la fonction distance directionnelle, la distribution des termes d’erreurs et l’existence ou non d’effets d’inefficacité technique). Pour ce faire, la statistique du ratio de vraisemblance généralisé LR est utilisée. Partant des résultats des tests de LR présentés dans le tableau 3, le choix anticipé de la forme Translog constitue une représentation adéquate. La valeur de montre que l’écart par rapport à la frontière est expliqué par l’inefficacité technique des ménages agricoles à 93%. On en déduit que l’aléa ne représente que 7% dans l’explication de ce même écart (Tableau 4). Les autres constats portant sur les différents tests d’hypothèses à travers le ratio de vraisemblance généralisé ont donné les résultats et les conclusions suivantes :
-
L’hypothèse nulle définie par H0 : γ = δ0 = δ1 = δ2 = … = δ6 = 0, qui spécifie qu’il n’y a point d’effets d’inefficacité technique dans le modèle, est rejetée (Tableau 3). Il y a existence d’effets d’inefficacité technique dans le modèle étant donné le niveau de technologie.
-
L’hypothèse H0 : γ = 0, qui spécifie que les effets d’inefficacité ne sont pas stochastiques, est rejetée (Tableau 5). La fonction distance directionnelle (FDD) est significativement différente de la réponse de la fonction traditionnelle et constitue une représentation adéquate des données. L’estimation d’une régression simple par les moindres carrés ordinaires n’est donc point efficace, et les résultats seront biaisés.
-
Enfin, l’hypothèse nulle H0 : δ0 = δ1 = δ2 = … = δ6 = 0 qui indique que les effets d’inefficacité ne sont pas une fonction linéaire des variables explicatives de l’inefficacité, est aussi rejetée. Les effets joints des facteurs explicatifs de l’inefficacité technique de la production sont globalement significatifs (Tableau 3).
68En somme, les tests de robustesse suggèrent que les résultats de l’estimation de la fonction distance directionnelle orientation output (FDDO) sont consistants et peuvent donc servir de base pour dériver des implications de politiques agricoles.
Tableau 3 - Tests d’hypothèses sur les paramètres du modèle
Hypothèse nulle (H0) |
Log L(H0) |
Log L(H1) |
LR |
χ2 0,99 (n) |
Décision sur H0 |
γ = δ0 = δ1 = δ2 = … = δ6 = 0 |
-840,94 |
-721,86 |
238,16 |
20,09 (8) |
Rejet |
δ1 = δ2 = … δ6 = 0 |
-810,89 |
-721,86 |
178,06 |
16,81 (6) |
Rejet |
Source : Auteur, estimation sur FRONTIER 4.1c
Estimations de l’efficacité technique
69Le test de différence de moyenne montre que les ménages agricoles sont techniquement inefficaces au seuil de 5% (Tableau 4). Le niveau de l’efficacité technique moyen est d’environ 60% avec un intervalle de confiance qui est compris entre 58,04% et 61,39%. Ainsi, au score de 60%, ces ménages pourraient donc augmenter en moyenne leur niveau de production d’environ 40% sans accroître le niveau de leurs facteurs de production.
70Des études similaires portant sur les producteurs agricoles au Burkina Faso ont été réalisées entre autres par : Savadogo et al. (2016) qui trouvent un score de 65,2%, et Combary (2017) avec un score d’inefficacité coût calculé de 35,8%, soit un score d’efficacité technique de 64,2%. Par ailleurs, au seuil de 1%, le teste de différence de moyenne indique que les ménages qui ont adopté la culture associée sur au moins une de leurs parcelles enregistrent en moyenne un score d’efficacité technique (61,25%) significativement supérieur à celui des ménages qui n’ont point adopté cette technologie (56,70%) durant la période d’étude.
Tableau 4 - Distribution des scores d’efficacité technique
Groupe |
Efficacité technique moyenne (%) |
Erreurs types |
Intervalle de confiance à 95% |
|
Non-adoptants |
56,7 |
1,6 |
53,54 |
59,84 |
Adoptants |
61,25 |
0,99 |
59,3 |
63,2 |
Ensemble |
59,71 |
0,85 |
58,04 |
61,39 |
Différence |
- 4,55*** |
1,8 |
-8,08 |
-1,02 |
*** Significatif au seuil de 1%. Le test porte uniquement sur la différence de moyenne. Source : Calculs à partir des données d’enquête du Projet "LAQADS/IER", 2012 et 2013/Burkina Faso
Facteurs explicatifs de l’efficacité technique
71Ce point analyse les facteurs explicatifs de l’efficacité technique des ménages agricoles. Les résultats des estimations sont présentés dans le tableau 5. Par construction, les coefficients issus de l’estimation ne peuvent être interprétés directement. Ce papier s’intéresse spécifiquement au signe et la significativité de l’effet des variables explicatives sur l’efficacité technique. L’analyse met donc l’accent sur les déterminants de l’efficacité technique.
Culture associée et efficacité technique
72Il est attendu que la technologie de cultures associées améliore l’efficacité technique des ménages agricoles, car c’est une stratégie d’adaptation ancienne au Burkina Faso. De ce fait, cette pratique devrait être relativement maîtrisée et, par conséquent, donner des résultats encourageants. Les résultats montrent que la part de la superficie consacrée à la culture associée a un effet direct positif et significatif au seuil de 1% sur l’efficacité technique des ménages agricoles. Les ménages ayant utilisé intensivement la culture associée sont les plus techniquement efficaces. Ce résultat peut s’expliquer par les avantages qu’offre la culture associée : utilisation plus efficace des ressources (terre, eau), réduction des risques de chocs climatiques (Lithourgidis et al., 2011).
73Au Burkina Faso, Coulibaly et al. (2012) ont trouvé un rendement relatif du maïs en association avec le mucuna dans l’ordre de 4,67. Par ailleurs, Hong et al. (2019) ont montré qu’un accroissement de 1% de la superficie consacrée à la culture associée entraine une hausse du score de l’efficacité technique de l’exploitant de 0,744%. Dlamini et al. (2012) et Tchale et Sauer (2015) ont également trouvé que l’adoption de la culture associée améliore l’efficacité technique des producteurs de maïs au Swaziland et au Malawi respectivement.
Capital humain et efficacité technique
74Le capital humain est ici représenté par le nombre moyen d’années d’éducation formelle des actifs du ménage et l’âge du chef de ménage. L’éducation influence positivement l’efficacité technique des ménages. Un ménage qui dispose d’un niveau d’éducation relativement élevé parvient à améliorer son efficacité technique dans la production de céréales comparativement à ceux qui en ont moins. En effet, les actifs instruits ont une propension beaucoup plus grande à adopter les nouvelles techniques agricoles plus productives.
75Aussi, un producteur instruit maîtriserait plus facilement les techniques modernes de production et a plus d’opportunité d’avoir les informations nécessaires sur les prix de marché des inputs et pourrait donc les avoir à moindre coût. L’éducation constitue donc l’un des facteurs majeurs d’amélioration de l’efficacité technique des agriculteurs africains. De façon globale, les résultats de divers travaux réalisés dans le contexte des PED (Savadogo et al., 2016 ; Mamam et al., 2016) confortent ces résultats.
76L’âge du chef de ménage, en revanche, réduit significativement l’efficacité technique. Les chefs de ménage les plus âgés sont donc techniquement moins efficaces que les jeunes. Cela s’explique par le fait qu’au Burkina Faso, comparativement aux plus jeunes, les producteurs relativement plus âgés sont plus réticents à adopter les nouvelles technologiques disponibles, tandis que les jeunes sont, en général, favorables à ces technologies et plus aptes à collaborer avec les services de vulgarisation et de démonstration et à aller vers l’information. Des travaux empiriques réalisés au Burkina Faso et en Afrique Sub-saharienne ont abouti aux mêmes résultats Bako (2016) pour le Burkina Faso, Nuama (2006) pour la Côte d’Ivoire).
Traction animale et efficacité technique
77L’utilisation de la traction animale influence positivement l’efficacité technique. Cela signifie que si l’on passe d’un ménage qui ne l’utilise pas à un ménage qui en utilise, son efficacité technique s’améliore significativement. En général, dans le contexte du Burkina Faso, la traction animale vient remplacer un outil de travail rudimentaire qu’est la daba, et réduit, par conséquent, la pénibilité du travail tout en permettant un gain énorme de temps. Elle améliorerait aussi significativement la productivité de la terre et du travail au Burkina Faso (Savadogo et al., 1994). Mamam et al. (2016) trouvent qu’elle améliore significativement l’efficacité technique des producteurs de maïs au Bénin.
Poids des inactifs économiques et efficacité technique
78Le dernier facteur qui affecte significativement l’efficacité technique des ménages agricoles dans cette recherche est le ratio de dépendance. Les estimations montrent que les ménages qui ont un nombre élevé d’inactifs comparativement aux actifs sont techniquement moins efficaces que les autres. En général, un ratio de dépendance élevé peut entraîner un détournement des ressources destinées à la production au profit, par exemple, de l’éducation, de la santé et de l’alimentation des membres économiquement inactifs. Un ratio de dépendance élevé signifie donc des besoins plus importants et une capacité de production moindre. Par conséquent, ces ménages peuvent avoir du mal à acquérir des technologies agricoles améliorées telles que les engrais, les variétés de semences améliorées, en raison de contraintes de liquidité (Asefa, 2011). Asefa (2011) a trouvé des résultats similaires chez les ménages agricoles de l’Éthiopie.
Tableau 5 - Estimation des paramètres de la FDDO et des facteurs d’efficacité technique
Variables |
Paramètres |
Erreurs types |
Variables |
Paramètres |
Erreurs types |
Constante |
6,27 *** |
0,2 |
lnLeg*lnSuperficie |
0 |
0 |
lnOléagineux |
- 0,88E-6 *** |
0 |
lnLeg*lnEngrais |
0,02 *** |
0 |
lnLégumineuses |
- 0,34 *** |
0,03 |
lnCoton*lnTravail |
0,70E-7 * |
0 |
lnCoton |
- 0,29E-7 * |
0 |
lnCoton*lnSuperficie |
0 |
0 |
lnSuperficie |
0,07 * |
0,03 |
lnCoton*lnEngrais |
0 |
0 |
lnTravail |
- 0,12E-6 *** |
0 |
|||
lnEngrais |
0,01 |
0 |
Modèle d’inefficacité technique |
||
(lnOléagineux)2 |
- 0,27E-7 * |
0 |
|||
(lnLégumineuses)2 |
0,09 |
0,08 |
Constante |
0,37 |
0,71 |
(lnCoton)2 |
0 |
0 |
Age |
0,009 *** |
0 |
(lnSuperficie)2 |
- 0,15 *** |
0,04 |
Traction |
- 0,0000007 ** |
0 |
(lnTravail)2 |
0 |
0 |
Nbre_Educ |
- 0,004 ** |
0 |
(lnEngrais)2 |
0,13 *** |
0,01 |
RatioDpdce |
0,0000004 *** |
0 |
lnOleag*lnLeg |
0,87E-7 * |
0 |
Intercrop |
- 0,81 *** |
0,21 |
lnOleag*lnCoton |
- 0,03 *** |
0 |
Crédit |
0 |
0 |
lnLeg*lnCoton |
0,31E-7 ** |
0 |
|||
lnTravail*lnSuperficie |
0,006 * |
0 |
Variance des paramètres |
||
lnTravail*lnEngrais |
- 0,65E-7 *** |
0 |
σ2 |
2,39 *** |
0,75 |
lnSuperficie*lnEngrais |
0,003 *** |
0 |
γ |
0,93 *** |
0,02 |
lnOleag*lnTravail |
0 |
0 |
Log de vraisemblance |
-721,86 |
|
lnOleag*lnSuperficie |
0,20 *** |
0,04 |
LR test |
238,15 *** |
|
lnOleag*lnEngrais |
0 |
0 |
|||
lnLeg*lnTravail |
0,04 ** |
0,01 |
Nombre d’observation |
706 |
Source : Estimation sur FRONTIER 4.1c
Conclusion
79L’objectif de la recherche était d’analyser l’effet de la technologie de cultures associées sur l’efficacité technique des ménages agricoles au Burkina Faso. A la fin des investigations, cette recherche a montré que l’efficacité technique des ménages agricoles s’améliore avec l’intensification de la culture associée, et aussi avec le nombre d’année d’instruction et l’utilisation de la traction animale. Mais, elle se détériore avec l’âge du chef de ménage et le ratio de dépendance.
80Les résultats obtenus offrent des implications en termes de politiques et de stratégies d’amélioration et de stabilisation durables de l’efficacité technique des exploitants agricoles. Dans ce sens, les actions doivent viser prioritairement à intégrer la technologie de la culture associée dans les plans et programmes stratégiques de développement agricole, le renforcement des capacités des ménages agricoles à travers la formation et l’encadrement agricole. Dans une vision transversale, les décideurs publics devraient aussi mettre l’accent sur l’allègement des conditions d’accès des ménages aux équipements agricoles et sur l’amélioration de leur accès aux services sociaux de base, notamment le service éducatif. L’accès moins contraignant des ménages aux moyens de production plus productifs qui peut se faire sous forme de crédit agricole est capital pour l’intensification agricole.
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Notes
1 Laboratoire d’Analyse Quantitative Appliquée au Développement-Sahel de l’Université Ouaga II (Burkina Faso)
2 Institute of Economic Research, University of Hitotsubashi–Japan
3 Laboratoire d’Analyse Quantitative Appliquée au Développement – Sahel/ Institute of Economic Research, University of Hitotsubashi–JAPAN