Tropicultura

0771-3312 2295-8010

 

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C. Akalakou, C. Kinkela, J. Belani, R. Ntoto, A. Nzama, P. Lebailly & A. Biloso

Pratique agricole innovante: l'acceptabilité du palmier « Tenera » et la création des plantations collectives par les organisations paysannes de Mateko en République Démocratique du Congo

(Volume 37 (2019) — Numéro 4)
Article
Open Access

Editor's Notes

Reçu le 02.02.16 et accepté pour publication le 24.04.19

Résumé

La diffusion des nouvelles technologies comme celles de nouvelles pratiques agricoles pose généralement la question de leur acceptabilité. Dans le cadre de la présente étude, nous cherchons à évaluer ex ante les facteurs qui ont favorisé l'adoption du palmier à huile du type Tenera (innovation technologique) au lieu du Dura habituellement exploité, et la création de palmeraies collectives par les organisations paysannes (OP) de Mateko, dans le territoire d'Idiofa en République Démocratique du Congo. Notre enquête a été réalisée auprès de 300 membres des OP existantes dans cette zone, dont 200 sont impliquées dans le projet «accroitre le revenu des ménages avec la culture du palmier à huile du type Tenera pour la zone de forêt et l'Acacia auriculiformis en savane» initié par l'ONG Centre pour le Développement Intégral (CDI) de Bwamanda. Il relève de ces enquêtes que certains facteurs sociodémographiques influencent fortement l'acceptation de ces innovations en plus des facilités offertes par le CDI. A cet effet, un modèle Logistique a été utilisé et les résultats de l'analyse révèlent que les facteurs âge, sexe et statut du membre dans le village, selon qu'il est autochtone ou allochtone, ont beaucoup influencé la décision d'accepter le Tenera et la création des plantations collectives. Les OP où les membres avaient plus de 30 ans, celles où l'effectif des hommes est majoritaire et celles où la proportion des membres allochtones était importante, ont le plus adhérer au projet.

Abstract

Innovative Agricultural Practice: The Acceptability of the "Tenera" Palm Tree and the Creation Collective Plantation by Farmers' Organizations in Mateko, Democratic Republic of the Congo

The diffusion of new technologies such as those of new agricultural practices generally raises the question of their acceptability. In the context of this study, we seek to evaluate ex ante the factors that favored the adoption of the Tenera-type oil palm (technological innovation) instead of the Dura usually exploited, and the creation of collective palm groves by farmers' organizations. (OP) of Mateko, in the Idiofa territory in the Democratic Republic of Congo. Our survey was carried out among 300 members of existing POs in this area, of whom 200 are involved in the project "Increasing household income with oil palm cultivation of the Tenera type for the forest zone and Acacia auriculiformis in savannah "initiated by the NGO Center for Integral Development (CDI) of Bwamanda. According to these surveys, certain socio-demographic factors strongly influence the acceptance of these innovations in addition to the facilities offered by the CDI. For this purpose, a Logistic model was used and the results of the analysis reveal that age, sex and member status factors in the village, whether Aboriginal or non-native, greatly influenced the decision to accept the Tenera and the creation of collective plantations. POs with members over 30 years of age, those with a majority male membership and those with a high proportion of non-Aboriginal members, were the most adherents to the project.

Index by keyword : innovation, adoption, farmer organization, Tenera, Mateko - Democratic Republic of the Congo

Introduction

1Les cultures annuelles traditionnelles comme le maïs ont montré, par suite de la faiblesse de leur rendement et de l'irrégularité des recettes, des limites pour sortir les agriculteurs de la pauvreté dans plusieurs régions d'Afrique subsaharienne (36), particulièrement en RDC. La diversification des cultures a depuis lors été préconisée comme une des stratégies d'accroissement de revenu et comme moyen de réduction des risques liés aux aléas naturels chez les petits exploitants familiaux (17). Il s'agit de l'agriculture familiale durable qui met l'accent sur la diversité biologique et l'association des cultures. Cette agriculture s'appuie sur les connaissances traditionnelles des populations, mais s'enrichie de techniques et de technologies modernes qui limitent l'usage des intrants externes (12). Elle est perçue comme un moyen pouvant permettre aux paysans de mettre sur le marché, à chaque période de l'année, des productions végétales et/ou animales à des prix rémunérateurs. S'agissant des contraintes à cette agriculture familiale, Moustier (22) met en évidence sa complexité due aux rapports entre pratiques traditionnelles et l'innovation. S'inspirant des concepts utilisés par Alter (3), ces pratiques agricoles peuvent aussi concerner la forme d'organisation du travail par les agriculteurs. Il faut souligner que le paradigme productif sous-jacent cette organisation repose toujours sur la production agricole dans les champs individuels des ménages (9) même si des formes d'entraide entre ces ménages individuels existent à certaines étapes de cycle de production (défrichement, entretient et récolte). L'adoption de nouveau matériel de palmier à huile du type Tenera relève de l'innovation technique alors que l'acceptation par les agriculteurs de la création des plantations collectives de palmier à huile est une nouvelle pratique, une innovation sociale. L'orientation des producteurs de la zone de Mateko vers ces deux innovations initiées par le CDI Bwamanda à travers le projet agricole « accroitre le revenu des populations par la culture du palmier à huile pour la zone de forêt et l'Acacia auriculiformis en savane » est intervenue dans cette optique de promotion d'une agriculture durable. Le projet vise à diversifier et à stabiliser les revenus monétaires des populations tout au long de l'année. En effet, dans un contexte de pauvreté et en l'absence des appuis attendus des services publics et autres partenaires au développement agricole, les paysans de cette zone géographique ont développé à partir de 1990 et grâce au concours des sœurs religieuses de la Mission Mateko un mouvement paysan remarquable. Ce dynamisme, au niveau, a été stimulé en vue d'aider les populations à se prendre en charge après la faillite de l'huilerie qui pourvoyait de l'emploi et du revenu à plusieurs ménages de cette zone. Car l'économie de Mateko était fortement tributaire de la Compagnie du Kasaï et de l'Equateur (CKE), la seule huilerie du type industriel installée dans la zone d'Idiofa Nord précisément à Mateko de 1960 à 1993. Elle a démarré la production de l'huile de palme avec les régimes achetés auprès des villageois qui pratiquaient la cueillette dans les « palmeraies naturelles ». Ensuite, l'huilerie a installé ses propres plantations pour optimiser la production de l'usine qui tournait au tiers de sa capacité de production. Le réseau d'exploitation ainsi constitué offrait les emplois directs à des centaines des récolteurs et des dizaines des travailleurs à l'huilerie. En 1993, l'huilerie est tombée en faillite suite aux nombreuses contraintes économiques (la charge sociale des travailleurs) et politiques (événements malheureux connus par le pays). Parmi ces dernières, il y a la « zaïrianisation » en 1974, la rupture de la coopération internationale, les pillages de 1990 et 1993 (25). A travers la zaïrianisation, les entreprises appartenant aux expatriés y compris les huileries ont été confisqué par le pouvoir public et confier aux nationaux. Mais faute des compétences, la quasi-totalité de ces entreprises sont tombées en faillite. Pour ce qui concerne la CKE, il est important de souligner que la faillite a été effective suite aux pillages. Suite à cela, des premières initiatives menées par le mouvement paysan ont concerné la diversification des spéculations vivrières, avec une production plus importante du maïs destiné à la vente. L'organisation du circuit de commercialisation et la structuration des producteurs ont permis ensuite d'accroitre le revenu des producteurs mais pas de manière durable car, le maïs génère des revenus saisonniers insuffisants pour couvrir les besoins annuels. D'où l'initiative de CDI de promouvoir les cultures pérennes, notamment le palmier à huile. Pour être appuyé par ledit projet financé par la Commission Européenne, chaque organisation paysanne (OP) existante devait accepter le principe du travail collectif et de partage de revenu qui en découlerait en plus de ce nouveau matériel le Tenera. De son côté le projet devait fournir les plants de *Tenera * à productivité élevée, en remplacement de *Dura rependu dans les palmeraies naturelles.* Chaque OP devait en recevoir des plants pour 5 ha. Outre les intrants, le projet devait également assurer l'appui technique en termes de suivi et de formation. Les bénéficiaires, de leur côté, devaient aussi s'occuper des travaux de préparation de terrain et d'entretien mais payables par le projet. La récolte et la transformation au moyen des techniques artisanales d'usage à Mateko, le tambour de trituration des drupes (le malaxeur) seraient des tâches réservées aux OP. S'agissant de cette transformation artisanale, le projet devait également appuyer l'amélioration du procédé afin d'accroitre le rendement d'extraction en huile. Cette étude est réalisée sous forme de monitoring scientifique depuis le début du projet en 2011 mais les données pour l'analyse statistique ont été collectées à la quatrième année 2014. Elle cherche à identifier, en dehors du stimulus apporter par le projet, les facteurs qui ont le plus influencés la décision des membres des OP d'adhérer au projet.

Regard rétrospectif sur la culture du palmier dans la zone de Mateko

2La zone de Mateko est retenue par le Projet CDI Bwamanda pour la relance de l'élaiculture, du fait qu'elle compte parmi les zones traditionnelles de production d'huile de palme en RDC. L'historique du développement élaeicole dans cette zone s'articule en trois temps, l'ère d'exploitation traditionnelle (avant 1960), la période du développement industriel qui s'étend jusqu'à la faillite de la CKE (en 1993) et la période post faillite de la CKE au cours de laquelle sont développées les plantations villageoises par le projet.

3L'exploitation de la palmeraie dite « naturelle » par les communautés locales constitue un héritage social et culturel, la principale source à la fois de corps gras alimentaire et de revenus. Avant 1960, le palmier n'était pas cultivé en plantation. A cette époque, les peuplements subspontanés existants de palmiers « sauvages » (non sélectionnés) étaient exploités en cueillette. C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'appellation de palmeraie « naturelle » par les colonisateurs, comme l'explique Ndjogui au Cameroun (23). L'extension et le maintien de cette palmeraie « naturelle » n'étaient pas totalement indépendants de l'activité humaine.

4L'exploitation de ces palmiers s'effectuait par cueillette des régimes, alors que l'extraction de l'huile de palme contenue dans la pulpe des fruits s'effectuait en plusieurs phases notamment l'égrappage des régimes, la cuisson des fruits, le pilage au mortier ou le malaxage à l'aide du tambour de trituration, la récupération de l'huile lorsqu'il s'agissait du pressage manuel. Mais avec le malaxage, le mélange obtenu grâce au tambour de trituration passe d'abord à la clarification par chauffage avant de récupérer l'huile.

5Vers 1911, le développement de la production industrielle de l'huile de palme a été rendu possible dans le Kwilu grâce aux actions menées par la société « Lever Brothers » après la signature de la convention avec l'Etat Congolais, visant l'augmentation de la production d'huile de palme de qualité à partir des palmeraies naturelles.

6Mais c'est plutôt vers 1960 que l'usine s'est installée au village Olenge (3 km de la mission catholique Mateko) dans le secteur de Sedzo. La construction de cette usine a favorisé l'établissement des plantations en plus des palmeraies naturelles (4).

7En dehors de l'huile de palme, la CKE a rendu possible l'extraction d'huile de palmiste à partir des amandes des fruits, alors que les coques pouvaient être utilisées pour l'aménagement des pistes de desserte dans la zone. Sur base des engagements sociaux contenus dans le contrat de la compagnie avec l'Etat congolais, notamment la construction des équipements sociaux, médicaux, scolaires ainsi que le réseau routier en faveur des populations autochtones, la zone de Mateko comme d'autres dans certains territoires du Kwilu (Masimanimba, Bulungu, Gungu) ont connu une véritable construction des infrastructures. Mais ces charges sociales de plus en plus importantes ont réduit la croissance de l'huilerie. Lorsque les pillages de 1990 et 1993 se sont ajoutés, la CKE est tombée en faillite 1993. Cet effondrement a eu comme conséquence la destruction du tissu économique dans la zone. Les conséquences directes de cette faillite sont entre autres la perte d'emploi et de revenu, la dégradation profonde des infrastructures de base telles que les routes, les hôpitaux, les écoles, etc.

8Après la fermeture de l'usine de la CKE, les paysans ont poursuivi artisanalement l'exploitation des palmeraies naturelles et des plantations abandonnées par l'huilerie. Sur le plan national l'essentiel de la production de l'huile de palme viendrait des unités artisanales estimée à 200.000 t d'huile rouge (6).

Structure d'accompagnement : le CDI-BWAMANDA

9Le CDI-Bwamanda est une association sans but lucratif (Asbl), une Organisation Non Gouvernementale de développement (ONGd) de droit congolais. Il a démarré des actions spécifiques dans l'ancienne province de Bandundu à partir de 2005. Le tout premier projet de « Relance agricole au Bandundu », a été financé par la Commission Européenne entre décembre 2004 et mai 2008. Malgré la faible consommation traditionnelle de maïs à Mateko, cette zone de l'actuelle province du Kwilu a été choisie en fonction de la possibilité qu'elle offre de produire en contre saison par rapport à la province historique d'intervention du CDI, l'Equateur. L'action de ce premier projet visait d'abord la production et l'achat du maïs pour permettre le fonctionnement à temps plein et la rentabilisation de son usine de production de la farine à Kinshasa dont la grande partie est racheté par le Programme Alimentaire Mondiale (PAM). Pour cet organisme, l'idée de collaborer avec le CDI est motivée par la volonté manifeste de valoriser les produits locaux plutôt que de recourir aux farines importées. En dehors de la production du maïs, ce projet a permis de désenclaver une zone d'approximativement 2.500 km2, car le projet a réhabilité plus de 400 kilomètres de route en zones rurales agricoles. Il faut admettre ici que le succès de ce projet a été aussi rendu possible grâce à l'implication active des religieuses de la congrégation des « sœurs de Marie mère des pauvres » basées dans la cité de Mateko. Ce premier projet de CDI a permis de rehausser les volumes de maïs achetés aux paysans dans la zone d'intervention. Mais il est considéré comme un échec car les bénéficiaires n'ont pas pu maintenir un environnement propice au développement de la filière. Le réseau constitué n'a pas survécu après le projet d'autant plus que les questions liées au prix (niveau bas, volatil et spéculatif) du maïs sont restées non résolues. La faiblesse structurelle des prix payés aux producteurs et l'irrégularité de ce revenu du maïs ont constitué indiscutablement pour le CDI, deux raisons majeures pour envisager les cultures pérennes notamment le palmier à huile qui génère de revenu plus ou moins régulière au cours de l'année. C'est à cette occasion qu'arriva le Projet "Augmentation de la production agricole et accroissement des revenus par une gestion durable des écosystèmes au départ des associations paysannes du Kwilu" en 2010. Ce projet qui fait l'objet de cette étude est également financé par la Commission Européenne pour appuyer les plantations villageoises de palmiers à huile en zone de forêt étant donnée le vieillissement des palmeraies naturelles. La mise en œuvre dudit projet a débuté par la sensibilisation auprès des parties prenantes: les membres du Conseil Agricole Rural de Gestion (CARG), les représentants de 175 Organisations Paysannes (OP) identifiées dans la zone d'intervention et les autorités coutumières. Il a été question lors de cette sensibilisation d'expliquer les critères d'adhésion de l'OP au projet (statut, règlement d'ordre intérieur, lettre de demande d'adhésion et d'acceptation du principe d'un travail collectif signée par tous les membres ainsi que la preuve de réalisations antérieures). Il a été également précisé que les palmeraies installées deviendraient la propriété des OP. Après la sensibilisation, s'en est suivie la sélection des OP. Ainsi 125 OP ont déposé les dossiers (dont 90 pour le palmier et 35 pour l'Acacia) après l'appel lancé par le CDI. Les 50 autres sont restés en dehors du projet.

10Après la phase de sensibilisation, la mise en place effective du projet a commencé en respectant les termes de la convention de partenariat entre le projet et les OP. Les autres composantes : la réhabilitation des pistes de dessertes, l'appui à la transformation et le renforcement des capacités étaient totalement pris en charge par le projet.

Cadre conceptuel et théorique de l'étude

Théorie sur l'adoption et diffusion de nouvelles cultures

11Il existe différents types de modèles pour expliquer la décision d'adoption des nouvelles technologies. Toutefois, aucun modèle unique ne peut englober et expliquer tous les aspects de l'adoption et les attitudes traditionnelles des petits planteurs envers les technologies (2, 28).

12Face à une innovation, les raisons de l'adoption ou non par les personnes visées peuvent être multiples. Plusieurs synthèses ont été réalisées à ce sujet (1, 15, 21). Ces études montrent que les décisions d'adoption des agriculteurs peuvent être influencées par deux types de déterminants : ceux relatifs aux caractéristiques individuelles des agriculteurs (marges de manœuvre, attitudes personnelles face au changement et au risque, accès au conseil, etc.) et ceux relatifs aux caractéristiques des innovations (traits techniques et performances associées). Pour Rogers (27), les facteurs qui influencent le taux d'adoption d'une innovation sont: les caractéristiques de l'innovation, l'unité de prise de décision, le canal de communication, la nature du système social et la compétence du vulgarisateur. L'intérêt majeur de la théorie de Rogers est qu'elle permet de décrire tout le réseau social de circulation d'une innovation au sein d'une société. Burnod et Colin (5) soulignent quant à eux que l'adoption et la diffusion de nouvelles cultures et pratiques culturales est favorisée par: les acquis des institutions de recherche et leur appui ; la fourniture d'intrants, de crédits et l'accompagnement technique assurés par l'agro-industrie et/ou les structures agricoles de l'Etat ; la circulation informelle d'informations, et surtout, le développement progressif d'une nouvelle filière.

13Dans le cadre du partenariat établi entre le CDI-Bwamanda et les associations des producteurs à Mateko, l'adoption de l'approche collective et du nouveau matériel, palmier du type Tenera cultivé en plantation est favorisée par ce que Glover (16) appelle «une convention» matérialisée par un « contrat de collaboration » entre les deux parties. La première partie (CDI) a apporté l'investissement (fourniture des intrants y compris les plants, la subvention couvrant les frais des travaux d'ouverture de terrain et l'encadrement technique), la seconde (OP) a bénéficié de l'investissement total moyennant le facteur travail (plantation, entretiens, récolte et transformation). La commercialisation de l'huile se fera librement par les OP. Pour ces types d'arrangements, Glover (16) précise que « le succès de l'agriculture contractuelle est, entre autres, envisagé sous deux perspectives : la pérennité du système contractuel et la concrétisation d'effets distributifs ». Les études de cas ont montré que les effets positifs de l'agriculture contractuelle ne sont pas strictement liés, sur le long terme, au maintien des contrats. Une large diffusion et adoption d'une culture rémunératrice en milieu paysan, grâce à l'impulsion initiale donnée par l'organisation contractuelle de la production, peut représenter un facteur de réussite pour le développement rural. Malgré cette impulsion, il peut y avoir toujours des personnes qui n'acceptent pas l'innovation. Il convient à propos de souligner que le fait de ne pas adopter une innovation est souvent dû à des barrières de croyances ou encore à l'analyse de l'information disponible (19). On divise ainsi les non-adoptants en trois groupes : les opposants, les retardataires et les indifférents. Les premiers sont des individus qui refusent l'utilisation d'une technologie. Les seconds retardent leur adoption en attendant un changement dans l'une des variables importantes. Enfin, les derniers se montrent indifférents à la technologie ou ne sont tout simplement pas conscients de son existence. Selon Rogers (27), la résistance n'a pas que du négatif. En l'analysant, il est possible de mieux comprendre s'il y a un élément de la conception qui entraîne la non-adoption. Dans le cadre de cette étude qui concerne à la fois les innovations technique (introduction du palmier du type Tenera cultivé en plantation) et sociale (organisation du travail collectif par les OP), la préoccupation est de savoir lesquels des facteurs, qu'ils soient liés à l'adoptant ou aux caractéristiques de l'innovation (traits techniques, performance, marché) ont prévalu chez les 90 OP favorables pour le palmier sur un ensemble de 135 OP identifiées dans la zone de forêt.

Cadre théorique de la recherche

14L'adoption de la culture du palmier à huile telle que décrite dans ce papier est un processus mental communément connu sous le concept de processus « d'innovation-décision » (27). Les agriculteurs passent par l'étape de conscientisation pour être informés de la nouvelle technologie agricole, afin de prendre une attitude positive ou négative envers l'innovation, et finalement, de décider de l'opportunité d'adopter la technologie ou non. Ce processus peut être influencé par un éventail de facteurs, y compris les caractéristiques (socio-économiques, les ressources de base, et de contacts avec l'extérieur ou « extension » ) du ménage, les facteurs communautaires (accès à la vulgarisation, l'éducation, le marché, les infrastructures, les connaissances autochtones et les facteurs écologiques) et les facteurs institutionnels (services de vulgarisation, de formation et d'appuis en matériel, par le gouvernement et les ONG nationales /locales).

15La figure 1 présente un cadre schématique simple pour étudier l'adoption du palmier par les agriculteurs impliqués dans le projet CDI.

16Ce cadre a été largement appliqué pour investiguer sur l'adoption de diverses technologies agricoles, en particulier l'adoption de variétés de céréales à haut rendement et les pratiques connexes (14). Raintree (26), Evans (11), Caveness et Kurtz (7), Alavalapati et al. (2) et Neupanea et al. (24) en ont fait usage pour étudier l'adoption de l'agroforesterie. Il constitue donc la base de sélection des variables pertinentes qui ont influencé l'adoption des innovations technique et sociale à Mateko.

17Des études empiriques et théoriques antérieures indiquent que l'adoption des nouvelles technologies par les agriculteurs peut être caractérisée par une fonction logistique (13, 18). Par conséquent, quand une nouvelle technologie est introduite, l'adoption est d'abord lente. Grâce aux effets de ''démonstration'' réalisés par des adoptants précoces, l'information, les connaissances et l'expérience de la nouvelle technologie sont propagées vers d'autres adoptants potentiels et le taux d'adoption augmente. Ce processus se poursuivra jusqu'à ce que tous les candidats à l'adoption soient informés et adoptent la nouvelle pratique. Dans une analyse empirique, il est important de définir l'adoption en termes d'une mesure quantitative appropriée. Pour l'analyse de l'adoption au niveau de l'exploitation agricole, l'adoption est habituellement définie en termes de résultat dichotomique (utilisation/non- utilisation) (14). Aux fins de cet article, l'adoption a été définie en termes d'une variable dichotomique ou binaire. Pour l'analyse longitudinale, une mesure continue (par exemple le nombre d'ha de palmier installé) serait peut-être une mesure plus appropriée à utiliser étant donné que le projet prévoyait un minimum de 5ha par OP sur toute la durée (4 ans). Ceci permettrait de mesurer l'adoption avec une mesure quantitative. Dans le cas de cette étude, cette mesure n'a pas été faite d'autant plus que toutes les OP se retrouvaient dans une situation d'égale réalisation suite à l'appui du projet avec au moins 2ha de palmier à huile plantés. En définitive, les facteurs explicatifs de l'adoption du palmier par les OP sont repris dans la figure 1.

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Figure1 : Cadre conceptuel de l'adoption du palmier.

*Extension réfère aux contacts établis par l’OP avec le monde extérieur, elle sera mesurée par le nombre de visites effectuées et de formations suivies par le membre en dehors de l’OP.

L'introduction et l'acceptation du palmier Tenera dans la collectivité de Mateko. Milieu d'étude

18Cette étude a été réalisée dans la « zone de Mateko » qui, en réalité est composée de quatre secteurs d'intervention du projet (Sedzo, Bulwem et Mateko dans la partie Nord du territoire d'Idiofa et Dwe dans le territoire de Bulungu, province du Kwilu en RDC) (Carte 1). Mais les activités de plantation de palmier sont plus concentrées sur Sedzo et Dwe. La zone de Mateko est caractérisée par un climat de type AW3 de la classification de Koppen (20). Elle est située à 400m d'altitude, les précipitations moyennes annuelles oscillent entre 1000mm et 1200mm avec une longue saison de pluie entre septembre et janvier mais aussi une courte saison de pluie entre avril et mi-mai. Durant la saison sèche, mai à mi-août, la pluviométrie est quasi nulle. La texture des sols est sableuse ou sablo-argileuse, avec une couche importante de matière organique. La température moyenne annuelle quant à elle, est d'environ 25°C. La végétation est variée, on y trouve des savanes offrant des pâturages adéquats au bétail, des forêts du type guinéen, et des galeries forestières. La population globale des trois secteurs est estimée à 300.000 habitants selon les rapports des services publics locaux en 2011. Au début du projet en 2010, le CDI avait estimé le nombre total des bénéficiaires à 200.000 personnes pour les trois secteurs. La superficie moyenne cultivée par un agriculteur pour les cultures de base (manioc, maïs et arachide) varie de 0,540 à 3 hectares (8).

Image 100000000000092200000676314277292B092E06.pngCarte 1 : Zone d'intervention du projet CDI Bwamanda à Mateko

Matériel et Méthode

Niveau d'échantillonnage

19Les données utiles à cette analyse ont été obtenues après un échantillonnage par choix raisonné à trois niveaux. D'abord au niveau des secteurs, les secteurs Sedzo et Dwe ont été retenus sur les quatre qui composent la zone d'intervention du projet. Ce choix se justifie par le fait que 98% des activités déployées par le projet sur le palmier sont concentrées entre ces deux secteurs, dont 93% dans le premier et 5% dans le second secteur. Le tirage de l'échantillon a été ensuite effectué au niveau des organisations paysannes (OP). Sur un total de 135 OP identifiées au départ pour le palmier, 94 ont été retenues (41 n'ont pas répondu aux critères de sélection). Pour constituer l'échantillon de cette recherche, 52 OP ont été tirées parmi celles ayant planté les au moins 2 ha de palmier en 2014 et 41 OP parmi celles n'ayant pas déposé le dossier après la sensibilisation. La présence du dossier de l'OP et l'accessibilité au village de localisation ont été les critères de choix. Au troisième niveau, 300 membres dont 200 répondants impliqués dans le projet et 100 répondants non impliqués, ont finalement été sélectionnés en appliquant le pas de sondage sur les listes des membres.

20L'enquête pour cette étude a eu lieu au cours du premier trimestre de 2014, les informations en rapport avec la situation socio-économique des ménages ainsi que les organisations paysannes dans lesquelles ils évoluent ont été recueillies.

21La distinction entre les membres bénéficiaires et non-bénéficiaires à l'action du projet a permis par la suite de catégoriser l'échantillon des OP en deux sous-groupes les « adoptants et non-adoptants de la culture du palmier Tenera».

22L'adoption de la culture de palmier a été définie comme une variable dépendante dichotomique ou binaire. Lors de la saisie, ladite variable a été codifiée par la valeur 1 lorsque le membre est un adoptant et la valeur 0 dans le cas contraire. Les autres variables relatives à cette analyse seront évoquées dans la section sur la spécification du modèle.

Spécification du modèle Logistique d'analyse

23Pour déterminer lesquelles des variables explicatives présentées dans la figure 1 ont significativement influencé l'adoption du palmier à huile « Tenera » sous les conditions exigés par le projet DCI-FOOD, l'analyse statistique par la régression logistique sera mise à contribution. Sans cela la probabilité de la variable dichotomique expliquée (adoption ou non-adoption) dépendrait de l'ensemble de ces variables supposées influencer celle-ci. La variable a été codifiée 1 si l'agriculteur a donné son avis positif pour la mise en œuvre de la convention de partenariat entre son OP et le projet « c'est-à-dire adopté la culture du palmier de type Tenera sélectionné en plantation et 0 sinon.

24Le modèle de régression logistique de l'adoption du palmier Tenera et du travail collectif par les membres des OP dans le projet DCI-FOOD est spécifié dans l'équation I.

Image 10000201000001780000002E37215643263105E3.png

25(I)

26Pi est la probabilité que Yi prenne la valeur 1, puis (1-Pi) la probabilité que Yi soit égale à 0 et e la constante exponentielle.

27Après transformations, le modèle spécifié est défini dans l'équation II.

Image 10000201000002410000002F1C22AE9DAAFE0DC8.png(II)

28Où l'indice i désigne la i-ème observation de l'échantillon, P est la probabilité du résultat, 0 est le terme d'interception et 1,2,3..., k sont les coefficients associés à chaque variable explicative X1, X2, ..., Xk. Il convient de noter que les coefficients estimés n'indiquent pas directement l'effet du changement de la variable explicative correspondante dans la probabilité (P) du résultat.

29Les X-variables impliquées dans le modèle de régression logistique pour l'adoption du palmier Tenera par les OP et leurs descriptions sont présentées dans le tableau 1. La plupart des variables sont explicites sauf l'extension (X18) et le type de gestion pratiquée dans l'OP (X17). La variable extension a été déduite de deux facteurs la participation aux formations ainsi que les visites d'échanges effectués par le répondant. Ces facteurs sont supposés accroître les connaissances des producteurs. La satisfaction quant à elle, se réfère à la gestion en vigueur dans l'OP. C'est un facteur subjectif déduit à partir de l'appréciation du répondant sur la prise de décision, la cohésion et la planification des activités dans le groupe.

30La variable âge (X1, X2 et X3) renseigne sur la structure de la population et particulièrement sur le potentiel de la main d'œuvre. La disponibilité de la main-d'œuvre familiale est effective avec les membres de ménage âgés d'au moins 13 ans révolu. Ceux âgés de 7 à 12 ans constituent par contre une force de travail potentielle sur laquelle l'adoptant peut compter au moment de la décision. Le sexe de l'adoptant (X4) est pris en compte afin d'examiner le rôle du genre dans l'adoption du palmier. La taille du ménage (nombre de dépendants X5, X6, X7, X8 et X9) est également un indicateur de la force ouvrière mais il renseigne aussi sur la charge familiale. L'éducation (X10 et X11) est importante parce qu'il est prouvé qu'il existe un lien indissociable entre le niveau d'éducation et le progrès technique. L'ethnie du chef de ménage (X12), est également par hypothèse, supposée avoir de l'influence sur l'adoption du palmier à huile par ses effets sur les valeurs, les croyances, et le statut socio-économique de l'adoptant. L'adhésion de l'agriculteur dans plusieurs OP (X13) devra en principe avoir une incidence négative sur le choix de l'adoptant dans le sens que ces multiples engagements réduisent le temps de travail pour les activités individuelles. La connaissance historique de la culture palmier à huile (X14), dans la région de Mateko en termes de l'impact économique, la possibilité que la production artisanale de l'huile de palme donne actuellement à certains membres peut accroître l'intérêt du répondant sur sa décision d'adopter le palmier Tenera. Le statut du membre dans le village (X15) permet d'analyser l'attitude des allochtones et des autochtones dans le cadre de la pratique d'une culture pérenne. Avec cette variable, la stabilité des gens dans la zone peut être appréhendée. La mise en place des nouvelles plantations sera confrontée au problème de débouchés, un mauvais accès au marché (X16) peut donc avoir une influence négative à court terme sur la décision de l'adoptant.

Tableau 1 : Description des variables indépendantes utilisées dans le modèle logistique.

Variable

Modalités des Variables

indice

Signe attendu

Description

Age

Age ≤ 30 ans

(X1)

+

Age du répondant (homme ou femme) inférieur ou égal à 30 ans

Age 31 - 50

(X2)

+

Age du répondant (homme ou femme) compris entre 31 et 50 ans

Age>50

(X3)

±

Age du répondant (homme ou femme) supérieur à 50 ans

Sexe

Sexe

(X4)

+

Valeur 1 si le répondant est un homme, autrement 0

Dépendants du chef de menage

Total Dépendants

(X5)

+

Taille du ménage, valeur 1 si No de dépendants ≤ 7, autrement 0

Dépendants 7 à 12 ans

(X6)

+

No de dépendants (filles ou garçons) âgés de 7 à 12 ans

Dépendants 13 à 18 ans

(X7)

±

No de dépendants (filles ou garçons) âgés de 13 à 18 ans

Dépendants 19 à 30 ans

(X8)

+

No de dépendants (hommes et femmes) âgés de 19 à 30 ans

Dépendants de ≥31 ans

(X9)

+

No de dépendants (hommes et femmes) âgés de plus de 30 ans

Education

Education≥12 années

(X10)

+

No d'année d'études du répondant supérieur ou égale à 12 (codifié 1)

Education<12 années

(X11)

+

No d'année d'études du répondant inférieur à 12 (codifié 0)

Ethnie

Ethnie

(X12)

±

Valeur 1 si répondant est membre d'une ethnie géographiquement proche de CDI*, autrement 0

Engagement

Engagements dans les OP

(X13)

±

Valeur 1 si répondant est engagé dans +sieurs OP, autrement 0

Connaissance du palmier

Connaissance du palmier à huile

(X14)

-

Valeur 1 si le répondant a déjà réalisé la production de l'huile de palme, autrement 0

Statut du répondant (migration)

Statut du répondant dans le village

(X15)

+

Valeur 1 si le répondant est installé dans le village dès la naissance, autrement 0

Accès aux marchés

Accès aux marchés

(X16)

-

Valeur 1 si répondant juge l'accès au marché bon, autrement 0

Satisfaction

Satisfaction gestion OP**

(X17)

+

Valeur 1 si le répondant est satisfait de la gestion de l'OP, autrement 0

Extension

Extension

(X18)

+

Valeur 1 si le répondant a participé au moins à une formation, une visite d'échange ou un atelier, autrement 0

Résultats et discussion

Caractéristiques de l'échantillon

31Les données socio-économiques retenues pour décrire l'échantillon sont présentées en termes de membres impliqués et ceux non-impliqués dans le projet afin de mettre en évidence les caractéristiques propres à chaque sous-groupe. Il s'agit notamment des variables telles que les pratiques agricoles, la taille et la composition du ménage, le niveau d'instruction du répondant, la production artisanale de l'huile de palme, la taille du cheptel et l'installation dans le village.

Tableau 2 : Caractéristiques des ménages de membres appartenant aux OP impliquées et non impliquées dans la plantation du palmier à huile à Mateko.

Caractéristiques

Bénéficiaires (N=200)

Non bénéficiaires (N=100)

Ensemble (N=300)

Capital physique des ménages

Population engagée dans l'agriculture (%)

77

76

76,7

Dimension moyenne champs vivriers (ha)

0,6

0,6

0,6

Cheptel bovin (effectif)

3

4

4

Cheptel petit bétail (effectif)

3

4

3

Cheptel volaille (effectif)

6

6

6

Taille et composition du ménage

Nombre de membres du ménage (moyenne)

7

7

7

Nombre d’Enfants de ≤ 12 ans (mode)

5

4

9

Nbre de Garçons de 13 à 18 ans (mode)

1

1

2

Nbre de Filles de 13 à 18 ans (mode)

1

1

2

Nbre d’Hommes de 19 à 30 ans (mode)

1

1

2

Nbre de Femmes de 19 à 30 ans (mode)

1

1

2

Nbre d’Hommes de 31 à 65 ans (mode)

1

1

2

Nobre de Femmes de 31 à 65 ans (mode)

1

1

2

Nbre d’Hommes et femmes de + de 65 ans (mode)

1

1

2

Niveau d'instruction

Hommes (en %) avec niveau secondaire

65

68

65

Femmes (en %) avec niveau secondaire

50

74

65

Populations analphabètes (en %)

25

9

7

Population avec graduat (en %)

19

16

6

Population déjà impliquée dans la production de l'huile de palme (%)

76

77

78

Appartenance ethnique et durée d'installation dans le village

Lori (% de l'échantillon total)

29

11

23

Ngoli (% de l'échantillon total)

0

1

0,3

Ding (% de l'échantillon total)

64

76

67

Mputu (% de l'échantillon total)

8

12

9

Pop. installée depuis moins d'1 an (%)

1

3

23

Pop. installée depuis plus d'une année (moyenne 15 ans, en %)

36

18

30

32Il existe une différence significative en termes de nombres d'années d'instruction entre les hommes et les femmes bénéficiaires et non-bénéficiaires du projet (Khi-carré 0,02 avec 3dl). Les hommes et les femmes appartenant aux OP non bénéficiaires sont globalement les plus instruits. Dans le groupe d'analphabètes, la proportion des non-bénéficiaires est faible (9% de l'échantillon total) par rapport aux bénéficiaires (25%). Par contre, pour ceux qui ont terminé le cycle secondaires, la proportion des membres bénéficiaires est plus importante (19%). Outre le niveau d'instruction, la variable appartenance ethnique a également révélé une différence significative entre les bénéficiaires et non-bénéficiaires (Khi-carré à 0,006 avec 4 dl), le reste des variables n'ont montré aucune différence significative entre les deux groupes d'OP.

Identification des facteurs de décision de l'adoption du palmier Tenera et du travail collectif par la corrélation des variables.

Tableau 3 : Corrélations des variables explicatives avec l'appartenance ou non dans la structure d'encadrement.

Modalités de Variables

Structure d'encadrement (var, dépendante); Statistiques: corrélation de Pearson (sign. Bilatérale).

Structure d'encadrement

1

Age du répondant ≤ 30 ans

-0,130 (0,024)*

Age du répondant 31 à 50 ans

0,072 (0,213)

Age du répondant > 50 ans

0,021 (0,712)

Sexe du répondant

0,114 (0,048)*

Nombre total des dépendants

0,019 (0,741)

Dépendants âgés de 7 à 12 ans

-0,063 (0,277)

Dépendants âgés de 13 à 18 ans

-0,005 (0,931)

Dépendants âgés de 19 à 30 ans

0,082 (0,158)

Dépendants âgés de 31 ans et plus

-0,016 (0,788)

Nbre. d'années d'études du répondant (≥ 12 ans)

-0,042 (0,472)

Nbre. d'Années d'études du répondant (< 12 ans)

0,042 (0,472)

Ethnie du répondant

0,074 (0,200)

Engagement dans les OP

-0,102 (0,078)

connaissance du palmier

-0,039 (0,504)

Statut du répondant dans le village

-0,206 (0,000)**

Accès aux marchés

0,039 (0,506)

Satisfaction sur la gestion de l'OP

0,099 (0,088)

Extension

0,047 (0,413)

*la corrélation est significative au niveau 0,05 (bilatérale) ; **la corrélation est significative au niveau 0,01 (bilatérale). Extension est déduite de la participation du répondant soit à une formation, un atelier ou une visite d’échange.

33Trois variables ont montré une forte corrélation au seuil de 5% (voire 1%) avec l'adoption du palmier Tenera ainsi que la pratique du travail collectif. Il s'agit de l'âge, du sexe et du temps d'installation du répondant dans le village selon qu'il est natif ou allochtone (statut dans le village) le sexe et l'âge du répondant.

34En ce qui concerne la variable âge, les résultats présentés dans le tableau 3 révèle une relation négative entre l'appartenance au projet de CDI Bwamanda et les répondants dont l'âge est ≤ 30 ans (14% de l'échantillon). Cette catégorie des membres sont en proportion importante parmi ceux qui n'ont pas adopté le produit. En revanche, ce résultat voudrait dire que ce sont les producteurs âgés de plus de 30 ans qui ont plus influencé la décision d'adopter le palmier. Ce résultat s'explique sans doute par la charge familiale supportée par les producteurs de plus de 30 ans. La connaissance historique de la valeur économique de l'huile, les caractéristiques du Tenera plus productif et dont l'entrée en production est précoce que le Dura rependu dans la zone de Mateko feraient également partie des motivations. Pour le sexe, l'échantillon étant constitué dès le départ de plus d'hommes (86%) que de femmes (14%), l'analyse a consisté à vérifier si cette différence est statistiquement significative. La corrélation positive de 0,114 au seuil de 0,05 veut dire que la décision d'accepter de créer des plantations collectives de palmier Tenera est venue plus des hommes que les femmes suite à la répartition de l'échantillon. La corrélation négative de 0,206 au seuil 0,01 (tableau 3) veut dire que les producteurs non natif du village ont plus adopté le palmier que les autochtones du village (χ= 12,737 ; p=0,000 à 1ddl). Dans une perspective de diversification des moyens de survie et de consolidation des actifs du ménage, il est normal que les personnes venues s'implanter dans le village, confrontées souvent aux limites d'accès à la terre, surtout quand il s'agit des cultures pérennes, saisissent l'opportunité d'avoir la production de l'huile de palme comme nième source de revenu. L'entrée précoce en production ainsi que le rendement élevé du Tenera par rapport au Dura; l'appui du CDI Bwamanda et la sécurité de la plantation par le groupe justifient sans doute ce résultat. Parmi les producteurs qui ont accepté de prendre part à la plantation des palmiers l'analyse a révélé que la proportion des producteurs allochtones est plus importante (40%) que dans les OP qui n'ont pas adhérées (20%). Ceci démontre donc leur influence certaine sur la décision du groupe.

35Lorsqu'on admet que la possibilité d'erreur dans ces résultats est de 10% au lieu de 5%, on s'aperçoit qu'il existe une relation positive (0,099) entre la satisfaction des répondants sur la gestion des OP et la décision d'adopter le Tenera en plantation collective. En d'autres termes, ceci voudrait dire que plusieurs membres sont satisfaits de la gestion de leurs OP et cela a favorisé l'acceptation du principe d'un travail collectif. Par contre avec le même niveau d'erreur, on observe une relation négative (-0,102) entre les engagements du membre et la double adoption. Ceci signifie que les gens qui sont engagés dans plusieurs OP (38% des cas) étaient autant de fois moins concernés à adopter le palmier que ceux qui n'appartiennent qu'à une OP.

Identification des facteurs de décision de la double adoption suivant les résultats de la régression logistique

36Avant de procéder à l'interprétation des résultats de la régression, il est important de renseigner sur validité du modèle dans son ensemble. Deux paramètres permettent de le faire, la valeur du R2 ainsi que le pourcentage totale du modèle spécifié. L'analyse indique que le R² s'élève à 0,14, ce qui est jugé satisfaisant compte tenu du caractère exploratoire de cette étude (tableau 5 en annexe : Récapitulatifs du modèle). Pour ce qui est du pourcentage total du modèle, il est indiqué 66,7%, à l'étape de départ et 70,7% à l'étape 1, ce qui signifie que le modèle est vrai à 70,7% des cas. En d'autres mots, si un répondant répond aux caractéristiques énumérées dans le tableau 1 et dans le sens de la prédiction des signes, il fera partie du groupe des adoptants à 70,7% des cas (Tableau 6 en annexe).

Tableau 4 : Variables explicatives de l'acceptation du palmier Tenera et de la création des plantations collectives

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37Pour identifier les variables indépendantes expliquant les mieux l'adoption du palmier par les OP de Mateko, il importe premièrement d'observer les variables qui ont une valeur inférieure ou égale à 0,005 dans la sixième colonne (Sign.) du tableau 4 ci-haut. Pour le cas présent, il n y a que la variable Migration correspondant au statut du répondant dans le village qui a révélé une relation positive comme prédit. Une fois que les coefficients significatifs sont identifiés, on procède à l'interprétation de leurs rapports de cote qui se situent dans la colonne 7 Exp (B). Les résultats présentés dans le tableau 4 révèlent que la probabilité d'avoir les signes dans le sens qui était prédit dans le tableau 1 est très grande (la marge d'erreur est estimé à 0,001 inférieur à 0,05). Le signe négatif devant le coefficient 1,029 voudrait dire que dans la zone les autochtones sont moins probables de faire partie du groupe des adoptants que les allochtones. Le rapport de cote estimé à 0,357 signifie que si un membre s'ajoute dans le groupe des adoptants du palmier, il serait 0,357 fois plus possible que ce soit un producteur allochtone.

38A travers cette analyse, cinq variables sociodémographiques ont montré une relation positive avec l'adoption du palmier Tenera et la création des plantations collectives par les OP à Mateko. Il s'agit notamment du statut du répondant dans le village --autochtone ou allochtones-, l'âge des membres des OP, le sexe, le nombre d'engagement qu'un producteur a pris au sein d'autres organisations paysannes et le type de gestion exercée dans l'OP.

39Des études similaires renseignent des résultats semblables, au Nigreria par exemple, Dimelu et Anyaiwe [10], renseignent que les adoptants de la culture du palmier à huile étaient plus âgés de 56 ans en moyenne, avec une expérience de 16 ans, détenant 2 hectares de plantation et ayant un niveau d'étude supérieur (51% d'entre-eux). Parmi les facteurs ayant limité l'adoption du palmier, l'étude a mentionné l'accès au marché (crédit), l'utilisation du matériel végétal moins productif, les équipements et la technologie à faible rendement.

Conclusion

40Il revient, au terme de cette étude, que pour accroître le revenu agricole dans la région de Mateko jusque-là tributaire des cultures vivrières, le Centre de Développement Intégral de Bwamanda (CDI Bwamanda) a misé sur la promotion des cultures de rente, notamment sur le palmier à huile du type Tenera. Le CDI, a de ce fait, initié la création des plantations collectives de palmier au bénéfice des OP ouvrant déjà dans cette zone. Pour mettre en exergue les facteurs de décision qui ont concouru à l'adoption de ce produit, les données socio-démographiques des membres de ces OP ont été collectés par enquête, ensuite analysées en utilisant la méthode de régression logistique. De ces analyses, il ressort qu'en dehors de l'appui technique, matériel et financier du CDI, la décision d'adopter le palmier Tenera par les OP a été influencée positivement par la présence des membres ayant le statut d'allochtone dans le village, par la prépondérance des hommes que les femmes dans les OP ainsi que l'âge notamment avec les membres âgés de plus de 30 ans. La bonne gestion du groupe a été également identifiée comme facteur ayant influencé l'adhésion des OP au projet de plantation de palmier. A l'inverse parmi, les facteurs ayant influencé négativement cette décision de non adoption, il faut mentionner l'appartenance des membres à plusieurs organisations paysannes. En mettant en exergue ces sous-groupes d'agriculteurs dans l'échantillon, cette étude exploratoire a révèlé la nécessité de la catégorisation des bénéficiaires --producteurs- avant la mise en œuvre des projets de ce genre car suivant cette approche, l'action deviendrait plus ciblé et l'impact probablement grand. En termes de perspectives, il serait intéressant que des études ultérieures mesurent l'adoption de ces palmiers Tenera en termes de surfaces plantées et entretenues par chaque OP après l'appui financier du CDI.

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To cite this article

C. Akalakou, C. Kinkela, J. Belani, R. Ntoto, A. Nzama, P. Lebailly & A. Biloso, «Pratique agricole innovante: l'acceptabilité du palmier « Tenera » et la création des plantations collectives par les organisations paysannes de Mateko en République Démocratique du Congo», Tropicultura [En ligne], Volume 37 (2019), Numéro 4, URL : https://popups.uliege.be/2295-8010/index.php?id=1306.

About: C. Akalakou

Congolais (RD), Doctorant, Université de Kinshasa, Faculté des sciences agronomiques, département d'économie agricole, Kinshasa, République Démocratique du Congo. Email: cmayimba@gmail.com

About: C. Kinkela

Congolais (RD), PhD, Professeur, Université de Kinshasa, Faculté des sciences agronomiques, département d'économie agricole, Kinshasa, République Démocratique du Congo.

About: J. Belani

RD Congo, MSc, Chef des travaux, Université de Kinshasa, Faculté des sciences agronomiques, département d'économie agricole, Kinshasa, République Démocratique du Congo.

About: R. Ntoto

Congolais (RD), PhD, Professeur, Université de Kinshasa, Faculté des sciences agronomiques, département d'économie agricole, Kinshasa, République Démocratique du Congo.

About: A. Nzama

Congolais (RD), MSc., Chef des Travaux, Institut Supérieur pour le Développement Rural, Mbéo, Kwilu, République Démocratique du Congo.

About: P. Lebailly

Belgique, PhD, Professeur, Université de Liège, Gembloux Agro-Biotech, Unité d'économie et développement rural, Gembloux, Belgique.

About: A. Biloso

Congolais (RD), PhD, Professeur, Université de Kinshasa, Faculté des sciences agronomiques, département d'économie agricole, Kinshasa, République Démocratique du Congo.