Tropicultura

0771-3312 2295-8010

 

ya que 10 marzo 2019 :
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Moussa Gnissien, Kalifa Coulibaly, Mamadou Traore, Mipro Hien, Bertrand Mathieu & Hassan Bismarck Nacro

Effets des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures et le stock de carbone du sol à l’Est du Burkina Faso

(Volume 39 (2021) — Numéro 3)
Article
Open Access

Résumé

Les pays sahéliens sont confrontés au problème récurrent de la baisse de fertilité des sols. En réponse à cette baisse de fertilité des sols, diverses stratégies sont mises en œuvre par les producteurs en vue d’améliorer la fertilité des sols. L’étude a été conduite en milieu paysan, dans les villages de Bilanga yanga, Tiguili et Kolomi à l’Est du Burkina Faso. Elle a eu pour objectif d’évaluer les impacts de pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques, le stock de carbone du sol et les rendements de sorgho. Les entretiens avec les producteurs ont permis de retenir les pratiques les plus répandues. Ce sont : Cordons Pierreux (CP) + Enfouissement de la paille de céréales (Enf) + Fumure Organique (FO) (5 parcelles), CP + FO (5 parcelles), CP + Zaï + FO (5 parcelles), Enf + FO (4 parcelles), FO (5 parcelles) et Témoin (5 parcelles). Globalement, les pratiques intégrant les cordons pierreux ont amélioré significativement (p < 0,05) les caractéristiques chimiques et le stock de carbone du sol. Les résultats ont montré une augmentation du stock de carbone de 20 % à 46 % pour les pratiques intégrant les cordons pierreux. Les pratiques agro-écologiques comportant les cordons pierreux seraient-elles les plus performantes dans l’amélioration de la fertilité des sols à l’Est du Burkina Faso ?

Index de mots-clés : cordons pierreux, zaï, fumure organique, enfouissement de résidus, fertilité du sol

Abstract

The Sahelian countries are faced with the recurrent problem of declining soil fertility. In response to this decline in soil fertility, various strategies are implemented by producers to improve soil fertility.The study took place in farmer’s fields in the villages of Bilanga yanga, Tiguili and Kolokomi (in eastern Burkina Faso). The objective was to assess the impacts of agro-ecological practices on chemical characteristics, soil carbon stock and sorghum yields. The interviews with the producers made it possible to select the most widespread practices. These practices are: Stony lines (CP) + Burying Cereal Straw (Enf) + Organic Fumure (FO) (5 repetitions), CP + FO (5 repetitions), CP + Zaï (5 repetitions), Enf + FO (4 repetitions), FO (5 repetitions) and Control (5 repetitions). For the evaluation of sorghum yields, four (4) practices were selected: CP + Enf + FO, CP + Zaï, Enf + FO and Control. Overall, practices incorporating stone lines recorded the highest grades (p < 0,05) for chemical characteristics and soil carbon stock. The results showed an increase in carbon stock showed from 20 % to 46 % of practices incorporating stony lines. Are agro-ecological practices with stony lines the most effective in improving soil fertility in eastern Burkina Faso?

Index by keyword : stony lines, zaï, organic manure, burying of residues, soil fertility, carbon stock.

Introduction

1L’agriculture burkinabé est confrontée à d’importantes contraintes limitant sa production (16). Parmi ces contraintes figurent les conditions pédoclimatiques défavorables (20) et les facteurs anthropiques basés sur la pratique d’une agriculture extensive avec un faible niveau de restitutions organiques (3). Ces contraintes ont accéléré la dégradation des terres entrainant une baisse de la fertilité des sols (7 ; 13; 14). Face à cette baisse de la fertilité des sols, les producteurs ont expérimenté des pratiques mettant l’accent sur les processus naturels de gestion des agrosystèmes, dites pratiques agro-écologiques. Les pratiques agro-écologiques désignent des techniques utilisant les ressources et processus naturels pour améliorer la fertilité des sols et assurer la protection des cultures contre les bio agresseurs. Ainsi, l´agro-écologie a à son actif une gamme variée de composantes basées sur les pratiques naturelles endogènes dont la mise en œuvre est fonction des réalités locales de chaque région (22).

2Dans différentes localités du Burkina Faso, les cordons pierreux, le zaï, l’enfouissement des résidus de récolte / paillage et l’apport de la fumure organique en tant que techniques CES/DRS ont été utilisés individuellement ou en combinaison comme techniques de restauration et/ou de maintien des propriétés physiques et chimiques du sol (17 ; 24 ; 29). Aussi, des investigations sur les pratiques de l’agriculture de conservation, qui comprennent la réduction du travail du sol à la couverture permanente du sol et à l’association et / ou la rotation des cultures, rapportent une réduction du ruissellement (19) et l´augmentation du stock de carbone du sol (6 ; 11 ; 21).

3Ces pratiques concourent au même résultat que la mise en œuvre des techniques CES/DRS précédemment mentionnées. La plupart des travaux portant sur l’effet des techniques CES / DRS sur la fertilité des sols a été effectuée dans les parties Nord, Centre-Nord et Centre du pays, pourtant ces techniques sont aussi mises en œuvre par les producteurs dans les parties comme l’Est. Généralement l’effet des techniques CES / DRS a été évalué sur le court-moyen terme. En plus, des travaux réalisés, la contribution de ces techniques au stockage du carbone dans le sol a été peu abordée. Cet article présente les effets à moyen-long termes des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures et le stock de carbone des sols à l’Est du Burkina Faso.

Matériel et méthodes

Milieu d’étude

4L’étude a été conduite dans la région Est du Burkina Faso, dans la commune rurale de Bilanga, située à l’extrême sud de la province de la Gnagna, entre 12°32'52" de latitude Nord et 0°2'10" de longitude Ouest, avec une altitude de 271 m. Les données ont été collectées dans les villages de Bilanga Yanga, Tiguili et Kolokomi. Le milieu d’étude appartient au secteur nord soudanien (10), avec un climat de type soudano-sahélien et des précipitations annuelles moyennes de l’ordre de 700 mm. Plusieurs types de sols sont rencontrés dans la province de la Gnagna, mais les lixisols (27) sont les plus dominants (5). Ce sont des sols carencés en phosphore, avec une faible teneur en matière organique (moins de 1 %), la somme des bases échangeables et la Capacité d’échéance cationique sont basses à moyennes. Ces sols sont rencontrés sur les plateaux, les pentes de glacis (hauts, bas et moyennes) avec des textures variables : sablo-limoneuse, limono-sableuse, argilo-sableuse (5).

Collecte des données

5La méthode active d’approches et de recherche participative (MARP) a été utilisée pour la collecte des données et cela à travers le déroulement de certains outils tels que le transect pour la collecte des échantillons de sol, le choix des champs pour le suivi agronomique et la description de l´environnement physique, les interviews semi-structurées en groupes cible et individuelles, les entretiens avec les services techniques et autres personnes de ressources pour la collecte et/ou pour recouper les informations socio-économiques. La seconde phase de la collecte des données a consisté au suivi des parcelles dans les champs des producteurs retenus à l´issue des différentes phases d´entretiens.

Caractérisation des pratiques agro-écologiques et choix des traitements

6Une pré-enquête effectuée en mai 2017 sous forme de focus group avec 97 producteurs a permis d’identifier en plus de la pratique Témoin, cinq (05) types de pratiques agro-écologiques combinées ou pas. Des interviews individuelles auprès de 58 producteurs sélectionnés de façon aléatoire, a permis de retenir 29 parcelles où sont mises en œuvre différentes pratiques agro-écologiques (Tableau 1).

7Cette enquête a également permis de relever la durée de mise en œuvre des pratiques agro-écologiques par les producteurs. La réalisation des cordons pierreux et l’enfouissement de la paille de céréales sont mises en œuvre depuis 12 ± 8 ans en moyenne, la fumure organique est apportée sur les parcelles depuis 11 ± 7 ans et le zaï est pratiqué depuis 4 ± 1 ans. Les cordons pierreux sont placés suivant les courbes de niveau et sont espacés de 34 ± 5 m, la paille de céréales est enfouie annuellement par le labour à une quantité de 1080 ± 372 kg / ha. La fumure organique est appliquée annuellement par épandage avant le labour à une dose de 2475 ± 447 kg / ha. Les trous de zaï sont creusés manuellement en fin de saison sèche, et la fumure organique est déposée au fond des trous sur une année. La fumure organique associée aux différentes pratiques agro-écologiques est généralement sous la forme de compost obtenu par décomposition de la biomasse et de déjections animales.

Tableau 1: Pratiques agro-écologiques mises en œuvre par les producteurs de la zone d'étude

Pratiques agro-écologiques

Abréviation

Nombre total de parcelles (29)

Cordons Pierreux + Enfouissement de la paille de céréales + Fumure Organique

CP + Enf + FO

5

Cordons Pierreux + Fumure Organique

CP + FO

5

Cordons Pierreux + Zaï + FO

CP + Zaï + FO

5

Enfouissement de la paille de céréales + Fumure Organique

Enf + FO

4

Fumure Organique

FO

5

Témoin

Témoin

5

Collecte des échantillons de sol

8La plupart des parcelles étaient situées sur des moyennes et bas de pentes de glacis. Les précédents culturaux étaient constitués principalement de sorgho et de mil qui sont les spéculations les plus produites dans la zone. L’engrais NPK et l’urée sont les fertilisants minéraux utilisés. Il faut cependant signaler que leur utilisation par les producteurs demeure marginale en raison de leur coût jugé élevé par ces derniers.

9Les prélèvements de sol ont été effectués avant les semis de la campagne 2017-2018. Ainsi, suivant une diagonale, trois échantillons de sol ont été prélevés respectivement sur les profondeurs 0-10 cm et 10-20 cm du sol pour la détermination des caractéristiques chimiques majeures du sol. Concernant le stock de carbone, les prélèvements ont concerné uniquement la profondeur 0-10 cm pour l’évaluation du stock de carbone. Dans le cas des parcelles avec cordons, les prélèvements ont été effectués entre les cordons pierreux à au moins 2 m des cordons. Pour les parcelles avec zaï, les prélèvements ont été effectués dans les trous et entre les trous de zaï et mélanger pour obtenir des échantillons composites.

Analyses chimiques du sol

10Les échantillons de sol prélevés ont été séchés à l’air libre et à l'ombre avant d’être tamisés à 2 mm pour obtenir la fraction fine. Les analyses ont porté sur les pH eau et pH KCl (1), le carbone total (26), l’azote total (12), le phosphore total et le potassium total (18), le phosphore assimilable avec la méthode de Bray I (4). Quant au potassium disponible, il a été extrait selon la méthode de l’acétate d’ammonium.

11Ces analyses ont été réalisées par le Laboratoire Sols-eaux-plantes de l’Institut National de Recherches Agricoles et Environnementales à Farako-Bâ (Burkina Faso).

Détermination du stock de carbone

12La détermination du stock de carbone du sol a été faite selon la méthode de (2). Pour cela, des carottes de sol prélevées à l’aide d’un cylindre de volume connu ont été séchées à l’étuve à 105 °C pendant 24 heures, suivi de la détermination de la densité apparente selon la formule (I)

Image 10000201000003DA0000004B2406D0C822E6C5C6.png

13avec ρ = densité apparente (en g. cm -3),

14M= masse de l’échantillon de sol séché à l’étuve (en g) et ,

15V son volume en cm3.

16Le calcul du stock de carbone se fait en multipliant la concentration de carbone (%) de la fraction fine du sol (fraction de diamètre < 2 mm) par la densité apparente (ρ), la profondeur de sol prélevé (D) et la proportion de la fraction fine du sol ( comme suit :

Image 10000201000003D6000000555792022C2654EFA9.png

17Le stock de carbone sur la profondeur 0-10 cm a été exprimé en t. ha-1 en convertissant les grammes (g) en tonnes (t) et les cm-2 en ha-1 ; ce qui revient à multiplier l’équation (1) par 100.

18La fraction grossière (frag) a été obtenue par tamisage à 2 mm des échantillons de sol utilisés pour la détermination de la densité apparente. Les refus de taille supérieure ou égale à 2 mm qui ont constitué la fraction grossière ont ainsi été pesés. Le poids de la fraction fine a été calculé à partir de celui de la fraction grossière par la formule fraction fine = (1- frag).

19La charge en éléments grossiers (EG) a été calculée en faisant le rapport du poids de la fraction grossière par celui de la carotte de sol séché à l’étuve à 105 °C.

20EG (%)= frag / Poids carotte de sol * 100

Analyses statistiques

21Les données de sol et des rendements ont été soumises à une Analyse de Variance (ANOVA) avec le logiciel R, version 3.4.2. Avant de procéder à l’ANOVA, la normalité des données a été vérifiée par le test de Shapiro-Wilk.

Résultats

Effets des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures du sol

22Les résultats des analyses chimiques des échantillons de sols des différentes pratiques agro-écologiques sont consignés dans le Tableau 2. Pour la profondeur de sol 0-10 cm, le pH eau a varié de 6,39 (FO) à 7,07 (CP + Zaï) ; le pHKCl a varié de 5,28 (Témoin) à 6,28 (CP + Zaï). Au niveau des éléments totaux, les teneurs sont comprises entre 0,49 % et 1,23 % pour le carbone ; 0,04 % et 0,12 % pour l’azote et 116 et 269 mg / kg de sol pour le phosphore total La pratique CP + FO a enregistré les plus fortes teneurs en carbone (1,23 %), azote (0,12 %) et phosphore total (269 mg / kg de sol).

23Le Témoin a enregistré les plus faibles teneurs en carbone (0,49 %), azote (0,04 %) et phosphore total (116 mg / kg de sol). Les teneurs en phosphore assimilable sont comprises entre 2,7 mg (FO) et 14,7 mg / kg de sol (CP + FO). Pour le potassium disponible, les teneurs sont comprises entre 89 mg / kg de sol (Témoin) et 414 mg / kg de sol (CP + Zaï). Les valeurs des caractéristiques chimiques sur la profondeur 10-20 cm ont évolué dans le même sens que sur celle de 0-10 cm. L’analyse de variance (ANOVA) a montré une différence significative (au seuil de 5 %) entre les pratiques pour les différentes caractéristiques chimiques du sol quelle que soit la profondeur.

Tableau 2: Effets des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures du sol

Profondeur

(cm)

Pratiques AE

pHeau

pHKCl

C total

(%)

N total

(%)

P total

(mg / kg sol)

P ass

(mg / kg sol)

K dispo

(mg / kg sol)

CP + Enf + FO

6,82 ± 0,15 ab

5,71 ± 0,23 ab

0,87 ± 0,14 ac

0,07 ± 0,01 ab

135,07 ± 9,40 a

3,78 ± 0,75 a

140,58 ± 25,52 a

CP + FO

6,94 ± 0,07 ab

6,03 ± 0,11 ab

1,23 ± 0,07 c

0,12 ± 0,01 c

269,05 ± 14,67 b

14,65 ± 2,02 b

245,70 ± 49,04 ab

CP + Zaï

7,07 ± 0,26 b

6,28 ± 0,26 b

1,00 ± 0,10 bc

0,08 ± 0,01 b

169,94 ± 34,27 a

6,27 ± 1,69 ab

413,77 ± 91,57 b

Enf + FO

6,93 ±0,20 ab

6,03 ± 0,30 ab

0,51 ± 0,07 a

0,05 ± 0,01 ab

125,43 ± 22,96 a

12,70± 7,00 ab

111,34 ± 13,55 a

0-10

FO

6,39 ± 0,16 a

5,37 ± 0,18 a

0,63 ± 0,05 ab

0,04 ± 0,00 a

130,20 ± 6,59 a

2,65 ± 0,21 a

102,24 ± 15,54 a

Témoin

6,42 ± 0,05 a

5,28 ± 0,10 a

0,49 ± 0,10 a

0,04 ± 0,01 a

116,31 ± 11,63 a

2,83 ± 0,35 a

89,22 ± 11,54 a

Probabilité

0,0237

0,0103

0,0000387

0,000000803

0,0000497

0,0052

0,000253

Signification

S

S

HS

THS

THS

HS

HS

CP + Enf + FO

6,80 ± 0,17 ab

5,62 ± 0,26 ab

0,85 ± 0,17 ab

0,07 ± 0,01 ac

130,79 ± 10,33 ac

2,18 ± 0,18 a

146,85 ± 48,92 a

CP + FO

6,99 ± 0,11 ab

5,97 ± 0,15 ab

1,01 ± 0,6 b

0,10 ± 0,01 c

257,23 ± 14,34c

8,31 ± 1,43 ab

155,47 ± 25,31

CP + Zaï

7,28 ± 0,21 b

6,32 ± 0,23 b

1,04 ± 0,6 b

0,08 ± 0,00 bc

169,34 ± 25,27 bc

4,40 ± 0,92 a

341,01 ± 62,64 b

Enf + FO

6,75 ± 0,23 a

5,86 ± 0,28 ab

0,45 ± 0,3 a

0,04 ± 0,00 ab

159,31 ± 47,87 ab

10,41 ± 5,94 b

141,33 ± 34,91 a

10-20

FO

6,43 ± 0,16 a

5,28 ± 0,16 a

0,57 ± 0,6 a

0,04 ± 0,00 a

128,64 ± 7,31 a

1,96 ± 0,28 a

87,80 ± 16,57 a

Témoin

6,40 ± 0,08 a

5,23 ± 0,06 a

0,50 ± 0,9 a

0,04 ± 0,01 a

104,31 ± 14,97 a

2,58 ± 0,57 a

68,47 ± 5,51 a

Probabilité

0,0072

0,0046

0,000179

0,000906

0,00074

0,0234

0,000534

Signification

HS

HS

THS

THS

THS

S

THS

Les valeurs portant les mêmes lettres dans la même colonne ne sont pas statistiquement différentes au seuil de 5 % (test LSD de Student Newman-Keuls) pour le paramètre chimique considéré. Les chiffres précédés du signe ± désignent l’erreur standard au sein d’une même pratique agroécologique. N.S : Non Significatif, S : Significatif, H.S : Hautement Significatif et T.S.H : Très Hautement Significatif au seuil de 5 % (Student Newman-Keuls). * CP : Cordons Pierreux ; Enf : Enfouissement de la paille de céréales ; FO : Fumure organique ; Zaï= il s’agit du zaï avec apport de fumure organique

Effets des pratiques agro-écologiques sur le stock de carbone du sol

24Le Tableau 3 présente la variation de la densité apparente, de la charge en éléments grossiers et du stock de carbone du sol sur la profondeur 0-10 cm sous les différentes pratiques agro-écologiques.La pratique CP+ Zaï + FO enregistre la densité apparente la plus élevée (1,82 ± 0,11 g / cm3 de sol) et la pratique FO la plus faible densité (1,53 ± 0,04 g / cm3 de sol).

25La charge en éléments grossiers est plus élevée en CP + FO (35,27 ± 6,77 %) et plus faible chez le Témoin (2,65 %). La pratique CP + FO enregistre le stock de carbone le plus élevé (12,75 ±1,06 t / ha), tandis que la pratique Enf + FO présente la plus faible quantité de carbone (6,94 ± 1,52 t . ha). L’ANOVA a montré une différence significative entre les pratiques AE pour la densité apparente, la charge en éléments grossiers et le stock de carbone (Probabilité < 0,05).

Tableau 3:Variation de la densité apparente, de la charge en éléments grossiers et du stock de carbone sur la profondeur 0-10 cm au niveau des différentes pratiques agro-écologiques

Pratiques A-E

D.a (g / cm3 de sol)

Charge en E G ( %)

Stock C (t / ha)

CP+Enf+ FO

1,57 ± 0,03 ab

16,21 ± 3,73 ac

10,45 ± 0,67 ab

CP+ FO

1,81 ± 0,09 c

35,27 ± 6,77 c

12,75 ±1,06 b

CP+ Zaï + FO

1,82 ± 0,11 c

31,06 ± 5,55 bc

11,41 ± 0,89 ab

Enf+ FO

1,66 ± 0,07 b

18,67 ± 8,01 ac

6,94 ± 1,52 a

FO

1,53 ± 0,04 ab

6,73 ± 1,95 ab

9,57 ± 0,64 ab

Témoin

1,55 ± 0,05 ab

2,65 ± 1,12 a

8,04 ± 1,05 a

Probabilité

0,0203

0,000489

0,00681

Signification

S

THS

HS

CP= Cordons Pierreux ; Enf= Enfouissement ; FO= Fumure Organique ; Zaï= il s’agit du zaï avec apport de fumure organique

Discussion

26L’analyse des données sur les échantillons de sol indique que les pratiques agro-écologiques (AE) intégrant les cordons pierreux améliorent parfois les caractéristiques chimiques du sol par rapport aux pratiques sans cordons pierreux. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les cordons pierreux favorisent la sédimentation des particules de matière organique issues des eaux de ruissellement et de la fumure organique. De même, la matière organique est piégée au niveau des trous de zaï, réduisant ainsi les pertes par ruissellement. Plusieurs auteurs (8, 23 ; 24 ; 29) ont également montré que la technique du zaï avec apport de fumure organique et combinée ou pas à la réalisation des cordons pierreux amélioraient sensiblement les caractéristiques chimiques du sol.

27Les pratiques Zaï + FO et CP +Zaï+ FO ont permis d’augmenter la teneur en matière organique du sol respectivement de 23,19 % et 17,3 % par rapport au témoin absolu sur une période de trois ans (28). De même, la pratique du zaï sur une période de six ans a induit des augmentations de 38 % pour le carbone et de 31 % pour l’azote du sol (24). Yaméogo et al.(28) ont montré que la combinaison des cordons pierreux au zaï et le zaï seul augmentaient la teneur en matière organique respectivement de 88,68 % et 113,21 % comparativement au témoin absolu après 10 ans sous forêt en zone sud-soudanienne du Burkina Faso. Ces auteurs précisent également que les teneurs d’azote ont quasiment doublé au cours de la même période pour les mêmes pratiques.

28Par ailleurs, Dagnachew et al. (9) en Ethiopie ont rapporté que les techniques CES / DRS à base de terrasses amélioraient les caractéristiques chimiques des sols des champs comparativement aux champs sans terrasses. Toutefois l’apport de la fumure organique et de la paille de céréales en l’absence de dispositifs antiérosifs présente des risques de perte de matière organique par ruissellement et, d’épuisement de nutriments du sol ; ce qui pourrait expliquer les faibles teneurs des caractéristiques chimiques souvent enregistrées. Les cordons pierreux joueraient un rôle dans la lutte contre la dégradation des sols à travers une réduction du ruissellement (30).

29Les résultats sur la densité apparente et la charge en éléments grossiers indiquent que les valeurs les plus élevées ont été enregistrées sous techniques CES / DRS. Cela pourrait s’expliquer par la présence d’une forte proportion de graviers et cailloux en raison de la nature gravillonnaire qui caractérisait les sols où étaient mises en œuvre ces techniques. C’est du reste ce qu’ont affirmé les producteurs expérimentateurs. Yaméogo et al. (28) ont obtenu des charges en éléments grossiers du sol de 45 % et 49 % respectivement sur les profondeurs 0-20 cm et 20-40 cm sous combinaison zaï et cordons pierreux dans la forêt classée de Kuinima en zone sud soudanienne du Burkina Faso. Par contre, Tadesse et al. (25) en Ethiopie ont trouvé que la densité apparente du sol était faible sous techniques CES / DRS comparativement au témoin absolu.

30Concernant le stock de carbone, les teneurs sont plus fortes pour les pratiques intégrant les cordons pierreux surtout pour les pratiques CP + Zaï + FO et CP + FO. Le piégeage de la matière organique et des débris végétaux aussi bien par les cordons qu’au niveau des trous de zaï pourrait expliquer ces valeurs. Nos résultats pourraient aussi s’expliquer par les différences de densité et de charge en éléments grossiers qui sont plus élevées en CP + FO et CP + Zaï + FO. On note en effet que plus la charge en éléments grossiers est importante, plus le stock de carbone est élevé (). Les éléments grossiers par leurs agencements et leurs formes dans le sol offriraient des interstices qui permettent d’accumuler plus facilement le carbone.

31Tadesse et al. (25) ont également obtenu des résultats similaires avec les diguettes en terre végétalisées (12,48 t / ha) comparativement au témoin sans dispositif CES / DRS (4,7 t / ha). La pratique CP + Enf + FO a présenté une augmentation du stock de 76,22 % par rapport à la pratique Enf + FO ; pour la pratique CP + FO cette augmentation est de 34,67 % comparativement à l’apport de la fumure organique (FO). Ces augmentations peuvent être attribuées en grande partie au fait que ces pratiques favorisent la sédimentation de la matière organique provenant des eaux de ruissellement et de la fumure organique, mais également aux différences de densité apparente de sol observées. La combinaison de pratiques intégrant les cordons pierreux semble être la mieux indiquée en termes de stockage de carbone sur la profondeur 0-10 cm du sol. Yaméogo et al. (28) ont enregistré des augmentations du stock de carbone de 166 %, 77 % et 21 % respectivement des pratiques de zaï forestier, Zaï forestier combiné aux cordons pierreux et des cordons pierreux comparativement au témoin absolu.

32Nos résultats sont également en adéquation avec les travaux de Coulibaly et al. (6), qui ont montré que la pratique de l’agriculture de conservation permettait, au bout de 4 ans, d’accroître le stock de carbone du sol (de 69 %) comparativement au système conventionnel en zone sud soudanienne du Burkina Faso. Aussi, Mahajan et al. (15) en Inde, rapportait, sur un essai longue-durée, que le stock de carbone du sol était deux à trois fois supérieur sous bourrelets en terre végétalisés que chez le témoin absolu suivant différentes profondeurs du sol.

Conclusion

33La présente étude a été conduite fin d’évaluer à moyen-long terme, les effets des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures et le stock de carbone du sol (0-10 cm) Les combinaisons de pratiques agro-écologiques intégrant les cordons pierreux ont souvent amélioré les caractéristiques chimiques majeures et le niveau de stock du carbone du sol. Ainsi, des augmentations de stock de carbone de 33,11 % à 36,67 % ont été enregistrées au niveau des pratiques comportant les cordons pierreux comparativement à l’apport de la fumure organique seul. Les pratiques intégrant les cordons pierreux et le zaï pourraient contribuer à accroître la productivité des sols de l’Est du Burkina Faso.

Remerciements

34Nos remerciements s’adressent au projet CALAO qui a financé ces travaux. Ils vont également à l’endroit des producteurs qui malgré leurs travaux champêtres sont restés toujours disponibles pour la conduite de l’expérimentation dans leurs champs.

Bibliografía

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Para citar este artículo

Moussa Gnissien, Kalifa Coulibaly, Mamadou Traore, Mipro Hien, Bertrand Mathieu & Hassan Bismarck Nacro, «Effets des pratiques agro-écologiques sur les caractéristiques chimiques majeures et le stock de carbone du sol à l’Est du Burkina Faso», Tropicultura [En ligne], Volume 39 (2021), Numéro 3, URL : https://popups.uliege.be/2295-8010/index.php?id=1862.

Acerca de: Moussa Gnissien

Laboratoire d’Etude et de Recherche sur la Fertilité du Sol (LERF), Université Nazi BONI, Bobo-Dioulasso, BP 1091 Burkina Faso. Auteur correspondant : Tel : 00226 71 79 56 16 Email : moussa.gnissien@yahoo.fr

Acerca de: Kalifa Coulibaly

Laboratoire d’Etude et de Recherche sur la Fertilité du Sol (LERF), Université Nazi BONI, Bobo-Dioulasso, BP 1091 Burkina Faso

Acerca de: Mamadou Traore

Laboratoire d’Etude et de Recherche sur la Fertilité du Sol (LERF), Université Nazi BONI, Bobo-Dioulasso, BP 1091 Burkina Faso

Acerca de: Mipro Hien

Laboratoire des Systèmes Naturels, Agro-systèmes et de l'Ingénierie de l'Environnement (Sy.N.A.I.E), Université Nazi BONI, Bobo-Dioulasso, BP 1091 Burkina Faso

Acerca de: Bertrand Mathieu

Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières

Acerca de: Hassan Bismarck Nacro

Laboratoire d’Etude et de Recherche sur la Fertilité du Sol (LERF), Université Nazi BONI, Bobo-Dioulasso, BP 1091 Burkina Faso