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- Volume 40 (2022)
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- Caractérisation des déchets ménagers et assimilés dans deux résidences universitaires : Ex-Habitat et Hasnaoua 2 (Tizi-Ouzou, Algérie) et essais de compostage des biodéchets
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Caractérisation des déchets ménagers et assimilés dans deux résidences universitaires : Ex-Habitat et Hasnaoua 2 (Tizi-Ouzou, Algérie) et essais de compostage des biodéchets
Résumé
La présente étude porte sur la caractérisation des déchets ménagers et assimilés générés dans deux résidences universitaires, Ex-Habitat et Hasnaoua 2, sises dans la ville de Tizi-Ouzou, en Algérie, afin de connaître leurs quantités et leur typologie pour mieux les gérer. Les résultats obtenus montrent que les déchets organiques représentent la fraction la plus dominante, soit 87,95% au niveau de l’Ex-Habitat et 96,57% au niveau de Hasnaoua 2. Le ratio est de 0,29 kg/personne/jour pour la première résidence et de 0,22 kg/personne/jour pour la seconde. Pour traiter in-situ les déchets organiques générés en grande quantité et éviter ainsi leur acheminement vers le CET de Oued-Falli (Tizi-Ouzou), deux modes de compostage ont été utilisés : en tas et dans des composteurs. Le suivi du processus de compostage nous a permis d’obtenir des résultats satisfaisants en utilisant comme apport carboné le grignon d’olives, la sciure du bois, des feuilles d’arbres sèches et du papier carton. Les températures les plus élevées ont été obtenues avec le grignon d’olives, la sciure du bois et les feuilles sèches, ce qui indique un bon déroulement du processus de dégradation des biodéchets mélangés avec ces matières carbonées. Quant au papier/carton, les résultats relèvent une activité microbienne moins intense où les températures maximales n’ont pas dépassé les 37,5°C dans les tas et les composteurs où les biodéchets ont été mélangés avec cet apport carboné. Ces résultats nous permettent de conclure que l’utilisation du papier/carton comme apport carboné n’est pas à recommander car sa présence dans le substrat empêche le bon déroulement du processus de compostage : une mauvaise circulation de l’oxygène, ce qui provoque un ralentissement de la dégradation des biodéchets et l’émanation d’odeurs nauséabondes.
Abstract
Characterisation of household and similar waste in two university residences : Ex-Habitat and Hasnaoua 2 (Tizi-Ouzou, Algeria) and bio-waste composting trials.
The aim of the present study is the characterisation of the household and assimilated wastes generated by two university residences (Ex Habitat and Hasnaoua), both located in TIZI-OUZOU (Algeria), to know their typologies and quantities for better management. The results show that the organic wastes represent the dominating fraction with 87,95% in the Ex-Habitat and 96,57% in Hasnaoua 2. The ratio was 0,29kg/person/day for the first university residence and 0,22% for the second one. Two methods of composting were used to treat large quantities of organic waste in-situ: in piles and composters thus to prevent them from being sent to the Oued-Falli landfills (Tizi-Ouzou). The composting process monitoring allowed us to get satisfying results using olive pomace, sawdust, dry tree leaves and cardboard paper as a carbon input. The highest temperatures were obtained with olive pomace, sawdust and dry leaves, indicating a good progression of the degradation process of the biowaste mixed withthese carbonaceous materials. As for paper/cardboard, the results show a less intense microbial activity where the maximum temperatures did not exceed 37.5°C in the piles and composters where the biowaste was mixed with this carbon input. These results allow us to conclude that paper/cardboard as a carbon input is not recommended because its presence in the substrate prevents the smooth running of the composting process: poor oxygen circulation, which slows down the degradation of the biowaste and produces foul odours.
Table des matières
Introduction
1La croissance démographique, l’urbanisation rapide ainsi que les mutations des modes de consommation qu’a connues l’Algérie ces dernières décennies ont pour impact une production importante de déchets ménagers et assimilés (DMA), avec un ratio de 0,7 kg/jour/habitant dans les zones urbaines et de 0,9 kg/jour/habitant dans les grandes villes (Kehila, 2010). La gestion de ces déchets est loin d’être efficiente car, à ce jour, leur élimination par enfouissement et par leur mise en décharge demeure la solution appliquée à 97% dans le cadre de leur traitement (Djemaci, 2018).
2En effet, les collectivités locales éprouvent des difficultés dans la collecte, le transport et surtout dans le traitement efficace et écologique des déchets ménagers et assimilés. Les services concernés peinent à appliquer le schéma directeur tel qu’il est décrit par la loi algérienne n° 01-19 du 12 décembre 2001 (loi relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets), qui préconise la valorisation des biodéchets et des déchets recyclables.
3De part leur composition, où la fraction organique représente plus de 70% par rapport aux fractions recyclable et ultime (AND, 2006), le traitement des DMA en Algérie doit être impérativement basé sur le tri sélectif et la valorisation de chaque type pour épargner l’environnement des impacts négatifs qu’ils sont susceptibles d’engendrer et pour en tirer un profit économique.
4L’objectif de cette étude consiste à la réalisation d’une caractérisation quantitative et typologique des déchets ménagers et assimilés générés au niveau de deux résidences universitaires Ex-Habitat et Hasnaoua 2 et de valoriser sur place et par compostage la fraction organique.
Matériel et méthodes
Présentation des sites d’étude
5Les résidences universitaires Ex-Habitat et Hasnaoua 2 sont rattachées à la Direction des Œuvres Universitaires Hasnaoua (DOUH) de l’université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou. La première est située à la sortie de la ville de Tizi-Ouzou vers la ville d’Azazga, la seconde est située près du boulevard Krim Belkacem dans la même ville. La résidence Hasnaoua 2, qui se trouve à proximité d’un campus universitaire, est plus grande avec une superficie de 137 477 m2 dont 15 485 m2 bâtis. Elle est destinée à héberger des étudiantes avec une capacité d’hébergement de 2535 lits. Ex-Habitat, une résidence dortoir, s’étend sur une superficie de 17938 m2 dont 2799 m2 bâtis. Elle est destinée à héberger des étudiants garçons avec une capacité d’hébergement de 360 lits.
Au niveau de la résidence universitaire Ex-Habitat
6La caractérisation a consisté à évaluer la quantité et la typologie des déchets générés au niveau des différentes structures de la résidence (pavillons d’hébergement, administration, foyer et restaurant) durant une semaine d’étude. Le ratio journalier a été également calculé. Pour se faire, trois (03) bacs ont été déposés au niveau de chaque structure pour assurer la collecte sélective des déchets : un pour les déchets organiques, un autre pour les déchets ultimes (déchets qui ne sont plus valorisables, ni par recyclage ni par valorisation énergétique), et un troisième bac est destiné à collecter les déchets recyclables (papier/carton, plastique, verre, métaux…etc.). Tous les types de déchets étaient pesés à la fin de chaque journée sauf ceux du restaurant qui étaient pesés au moment du déjeuner et du dîner. Le ratio était calculé selon la formule suivante :
7Ratio = Quantité globale des déchets / Nombre d’étudiants / Nombre de jours
8Ensuite, la fraction organique des déchets générés au niveau du restaurant de la résidence (une quantité de 135 kg) a été valorisée par compostage (figure 1). Une plateforme a été aménagée pour la réalisation des essais de compostage. Trois tas ont été mis en place (figure 2) :
-
Le tas (A) est constitué de 45 kg de biodéchets et 5 kg de papier/carton découpé en petits morceaux,
-
Le tas (B) est formé de 45 kg de biodéchets mélangés avec 5 kg de la sciure de bois,
-
Le tas (C) est composé de 45 kg de biodéchets et 5 kg de feuilles d’arbres sèches découpées.
9Durant 50 jours, les biodéchets en décomposition ont été entretenus en effectuant des retournements périodiques pour assurer l’aération des tas. Pour vérifier l’humidité, nous avons utilisé le test de la poignée. Les tas ont été arrosés quand le compost était sec. Pour suivre l’évolution de la biodégradation des déchets, nous avons suivi deux paramètres : la température à l’intérieur des tas et le poids des déchets en décomposition.
Figure 1 : Biodéchets à composter
Figure 2 : Mise en tas des déchets
Au niveau de la résidence universitaire Hasnaoua 2
10Cette résidence universitaire est, contrairement à l’Ex-Habitat, plus grande avec un plus grand nombre d’étudiants, 3922 étudiantes contre seulement 360 étudiants pour l’Ex-Habitat. Nous avons choisi de caractériser uniquement les déchets générés au niveau du restaurant pour connaître la quantité globale ainsi que les différents types de ces déchets et pour calculer le ratio journalier.
11La même démarche a été adoptée et qui a consisté à collecter les déchets séparément (tri sélectif) : 03 bacs ont été mis à la disposition des étudiantes et du personnel de la cuisine, destinés à collecter les biodéchets, les déchets recyclables, et les déchets ultimes. Les différents types ont été pesés à la fin de chaque service du déjeuner et du dîner. Cette opération a été renouvelée quotidiennement pendant une période de 08 jours.
12Pour le traitement et la valorisation des biodéchets générés au niveau du restaurant (figure 3), nous avons opté pour le compostage dans des composteurs. Durant une période de 25 jours, la quantité générée chaque jour était mise dans les composteurs (figure 4). Nous avons utilisé comme apport carboné le grignon d’olives, la sciure de bois et le papier/carton générés dans la résidence et découpé en petits morceaux. Les biodéchets en décomposition ont été arrosés quand ils étaient secs. Neuf (09) composteurs (de 1 m3 chacun) ont été mis en place selon le protocole expérimental suivant :
-
Trois composteurs (A, B et C) ont été utilisés pour accueillir les biodéchets mélangés au papier/carton (PC). Ces composteurs ont été nommés respectivement PCA, PCB et PCC.
-
Trois composteurs (D, E et F) ont été utilisés pour accueillir les biodéchets mélangés à de la sciure de bois (SB). Ces composteurs ont été nommés respectivement SBD, SBE et SBF.
-
Trois composteurs (G, H et I) ont été utilisés pour accueillir les biodéchets mélangés au grignon d’olives (GO). Ces composteurs ont été nommés respectivement : GOG, GOH et GOI.
13Durant le processus de compostage, les paramètres suivis sont la température (à l’aide d’un thermomètre muni d’une sonde) et le pH (à l’aide d’un pH-mètre). Pour assurer l’oxygénation des tas, les contenus des composteurs étaient brassés périodiquement, soit une fois tous les trois jours au cours des deux premières semaines, et une fois par semaine à partir du deuxième mois de compostage. Les biodéchets en décomposition ont été arrosés quand ils étaient secs.
Figure 3 : Biodéchets
Figure 4 : Mise en composteur des déchets
Résultats
Caractérisation des déchets
14Les résultats de la caractérisation des déchets au niveau des deux résidences universitaires sont présentés par les figures 5, 6, 7 et 8 et le tableau 1 qui donne les quantités globales des déchets générés au niveau de chaque résidence ainsi que le ratio journalier pour chacune d’elles.
Tableau 1 : Les quantités globales des déchets générés et les ratios journaliers dans les deux résidences.
Résidence universitaire Ex-Habitat |
Résidence universitaire Hasnaoua 2 |
||||||
Q (Kg) |
N.P |
J |
Ratio |
Q (Kg) |
N.P |
J |
Ratio |
1013,43 kg |
485 |
7 |
0,29 |
1459,94 |
804 |
8 |
0,22 |
Q : Quantité totale des déchets ; N.P : Nombre de personnes ; J : Nombre de jours
15La figure 5 illustre les proportions des déchets générés dans les restaurants des deux résidences au moment des déjeuners et des dîners et la figure 6 présente le pourcentage de chaque fraction.
Figure 5 : Proportions des déchets générés dans les restaurants pendant les déjeuners et les dîners.
Figure 6 : Proportion de chaque fraction des déchets générée au niveau des deux restaurants.
16Les résultats de la caractérisation typologique des déchets produits dans les différentes infrastructures de la résidence universitaire Ex-Habitat sont présentés dans la figure 7 et les proportions de chaque type de déchets générés au niveau de toute la résidence universitaire sont représentées par la figure 8.
Figure 7 : Types de déchets générés au niveau des infrastructures de l’Ex-Habitat
Figure 8 : Proportions des types de déchets générés au niveau de toute la résidence Ex-Habitat.
Essais de compostage
17Les résultats du suivi des paramètres de compostage dans les deux résidences universitaires sont présentés par les figures 9, 10 et 11.
Figure 9 : Évolution de la température durant le processus de compostage dans les deux résidences universitaires.
Figure 10 : Évolution du poids des biodéchets en décomposition au niveau de l’Ex-Habitat.
Figure 11 : Evolution du pH moyen des composts au niveau de Hasnaoua 2.
Discussion
18La différence dans les quantités de déchets générés dans les deux résidences lors de l’étude de caractérisation est d’abord due au nombre d’étudiants résidents. En effet, 2535 étudiants ont été recensés à Hasnaoua 2 contre seulement 360 pour la résidence Ex-habitat. Les deux ratios journaliers obtenus sont presque identiques (0,28 kg/p/j pour la résidence Ex-Habitat et 0,22 kg/p/j pour la résidence Hasnaoua 2). La connaissance de la quantité générée, de la nature des déchets qui composent le gisement et du ratio journalier permet une meilleure gestion des déchets ménagers et assimilés.
19La figure 5.(a) montre que dans la résidence Ex-Habitat, les étudiants génèrent beaucoup plus de déchets au moment du dîner qu’au déjeuner (52,82% et 47,18% respectivement), cela pourrait s’expliquer par le fait que la plupart d’entre eux se trouvent en dehors de la résidence durant la journée (ils rejoignent les campus et les facultés) et donc ne prennent pas leurs repas au niveau du restaurant de la résidence contrairement au soir, où les étudiants regagnent la résidence et y prennent leurs dîners. Aussi, la nuit, les étudiants de l’institut d’architecture qui se trouve à proximité de la cité universitaire viennent dîner au restaurant de cette dernière. Par contre, au niveau de la résidence Hasnaoua 2 (figure 5.b), c’est au moment du déjeuner que les déchets sont générés en grandes quantités (58,70%) par rapport au dîner (41,30%).
20Cela serait dû au fait qu’au moment du déjeuner, en plus des étudiantes résidentes, d’autres étudiants, des campus et des départements sis à proximité de la résidence, viennent prendre des repas dans le restaurant de cette dernière. Les résultats de la caractérisation ont montré que les déchets organiques constituent la fraction la plus dominante et la plus importante par rapport aux autres types de déchets (figure 6, 7 et 8).
21Les déchets ménagers et assimilés générés dans les deux résidences universitaires sont traités par enfouissement y compris ceux produits au niveau des restaurants, et ce en dépit de leur nature (plus de 90% des déchets du restaurant sont des déchets putrescibles). En plus, le schéma directeur de la gestion de ces déchets tel qu’adopté et appliqué par les responsables – et c’est le cas de toutes les résidences de l’université M. MAMMERI de Tizi-Ouzou et les résidences des universités algériennes – n’est ni écologique ni économiquement rationnel.
22En effet, ce schéma est basé sur la collecte en mélange des déchets sans les avoir triés au préalable comme le préconise la loi algérienne n° 01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets. L’article 2 de cette loi stipule que la gestion des déchets ménagers et assimilés repose sur des principes de l’organisation du tri, de la valorisation des déchets par leur recyclage et du traitement économiquement rationnel de ces derniers. Selon Djemaci et al. (2012) et Cheniti (2014), en Algérie, les coûts de gestion des DMA constituent une des dépenses les plus importantes pour les services municipaux. En revanche, une gestion intégrée, durable, écologique et économiquement efficace doit être reposée sur : le traitement de la fraction organique le plus localement possible (en réalisant une plateforme de compostage), la valorisation par recyclage de la fraction recyclable (récupération des déchets recyclables comme le plastique, le verre, les métaux…etc. par les entreprises de récupération) (Charnay, 2005 ; Guermoud & Addou, 2014).
23Aussi, pour assurer une gestion efficace des DMA (quelque soit l’établissement dans lequel ils sont générés), deux variables doivent être prises en considération. Premièrement, il faut tenir compte de la quantité des déchets et leur composition. En effet, selon Bel & Fageda (2010), la quantité des déchets ainsi que le taux de la fraction recyclable doivent être pris en considération dans l’élaboration du modèle de gestion des déchets municipaux, Dijkgraaf & Gradus (2003) quant à eux, suggèrent de tenir compte de la quantité de déchets verts dans leur modèle.
24La distance et la localisation de site de l’élimination constituent la deuxième variable dont il faut prendre en considération. Selon Djemaci et al. (2012), la distance parcourue pour assurer la collecte des déchets et la distance parcourue pour les acheminer vers le site d’élimination influencent le coût de gestion des déchets. Plus la distance est longue et le site d’élimination est loin, plus les dépenses sont importantes.
25C’est en fonction de ces contraintes et de ces déficits relevés que nous avons proposé quelques suggestions aux responsables de ces deux établissements universitaires pour revoir et améliorer leur schéma de gestion :
-
Promouvoir et favoriser le tri sélectif des déchets générés au niveau du restaurant, et le généraliser à travers l’ensemble des infrastructures de la résidence.
-
Traiter au niveau de la résidence la fraction organique (putrescible) dans des composteurs tel qu’il est procédé lors de la réalisation de cette présente étude ou en réalisant une plateforme de compostage à l’intérieur de la résidence.
-
Trier les déchets recyclables
-
Réaliser une aire de stockage pour les déchets recyclables pour que des entreprises de récupération viennent les récupérer.
-
Seuls les déchets ultimes (qui ne sont pas valorisables) sont susceptibles d’être traités par enfouissement au niveau du CET de Oued-Falli de Tizi-Ouzou.
26Pour les tas réalisés au niveau de la résidence Ex-Habitat, la figure 9 (a) montre que les températures maximales enregistrées étaient de 37,5°C pour le tas dont les déchets ont été mélangés avec du papier, 45,5°C pour le tas composé de déchets putrescibles et la sciure de bois et 48°C dans le compost composé de déchets putrescibles et de feuilles d’arbres. La température augmente rapidement dans les tas B et C dès le premier jour et subit une légère fluctuation jusqu’au 35ème jour où la température commence à baisser et avoisine la température extérieure.
27Dans le tas A, la température augmente lentement dès la mise en tas des déchets et une légère fluctuation est observée avant d’atteindre la valeur maximale (37,5°C) au cours du 17ème jour. Une baisse de la température est enregistrée à partir du 25ème jour. Les résultats du suivi de la température correspondent à la courbe de l’évolution de la température au cours du processus de compostage telle que décrite par Mustin (1997), où trois phases distinctes se succèdent : phase mésophile, phase thermophile et phase de refroidissement (Suler & Finstein, 1977 ; Klamer & Bååth, 1998 ; Hassen et al., 2001 ; Michaud, 2007 ; Celerier, 2008). L’augmentation subite de la température au niveau des tas B et C (initiation de la phase mésophile) pourrait s’expliquer par l’installation rapide des micro-organismes décomposeurs et leur multiplication, ce qui a pour effet le dégagement de la chaleur lors de la dégradation de la matière organique (Godden et al., 1983 ; Bochove, 1993 ; Guene, 1995).
28Cette phase est initiée un peu tardivement dans le tas A et cela serait dû à la nature de la matière carbonée compostée et à ses caractéristiques qui est le papier. La différence du déroulement du processus entre, d’une part le tas A, et les tas B et C d’une autre part, pourrait s’expliquer par la texture bien aérée de la sciure de bois et des feuilles d’arbres favorisant ainsi une décomposition facile et rapide de la matière organique par les micro-organismes contrairement au papier qui, une fois mouillé, forme une pâte colmatée comparable à une membrane imperméable favorisant ainsi l’isolement de la matière azotée, ce qui la rend inaccessible aux agents de décomposition.
29La figure 9 (b) montre qu’il existe une différence dans l’évolution des températures dans les composteurs dont les matières carbonées utilisées sont la sciure de bois et le grignon d’olives d’une part, et dans le composteur où les déchets organiques sont mélangés avec du papier-carton d’une autre part. Cela pourrait s’expliquer par la nature et la composition des substrats où la sciure de bois et le grignon d’olives forment avec les biodéchets des textures homogènes et bien aérées avec des composés facilement biodégradable ce qui favorise la dégradation de l’ensemble des substrats.
30Par contre, dans le composteur PC, le papier mouillé forme avec les déchets organiques partiellement dégradés une texture colmatée, hétérogène (sous forme de boules où les biodéchets sont enrobés dans du papier mouillé) avec une aération insuffisante susceptible de favoriser une dégradation anaérobie d’où une température moins importante par rapport aux deux autres substrats. Ces conditions ont crée un milieu anaérobie où le substrat est lentement dégradé avec dégagement d’odeurs nauséabondes (Pujol, 2012)
31L’activité microbienne implique forcément une diminution du volume du tas (ou du poids des biodéchets) (figure 10). Cette diminution est due à la dégradation des matières organiques telles que la cellulose, l’hémicellulose et les pectines (Mustin, 1987 ; Kapetanios et al., 1993 ; Beck-Friis et al., 2001 ; Charnay, 2005). Selon Atkinson et al. (1996), le poids initial de la matière organique compostée subit une diminution atteignant 20 à 60%, entrainant ainsi des pertes en M.O.T (matière organique totale).
32Dans un compostage continu, où il n’y a pas de rajout de matière organique au fur et à mesure que le processus avance, la courbe de l’évolution du pH met en évidence trois phases différentes : une phase acidogène, une phase de l’alcalinisation et enfin, une phase de neutralité (Haug, 1993 ; Nakasaki et al., 1993 ; Sharma et al., 1997 ; Ben Ayed et al., 2005 ; de Guardia, 2006 ; Diaz & Savage, 2007). Dans la présente étude, l’apport périodique de la matière organique par le rajout des biodéchets dans les composteurs donne les résultats illustrés par la figure 11 où le pH connaît des fluctuations au cours du processus de dégradation.
33La baisse de la valeur du pH correspond à la phase acidogène due à la production anaérobie d’acides organiques, à la dégradation des amines avec production ammoniacale, et aussi à la libération des acides organiques contenus dans la matière organique (Beck-Friis et al., 2001 ; Francou, 2004). La phase de l’alcalinisation où le pH augmente pour atteindre des valeurs comprises entre 7 et 8, est le résultat de l’oxydation des composés azotés entraînant ainsi des réactions d’ammonification (Berthe, 2007). Vers la fin du processus, l’épuisement de la matière organique dans le substrat et la libération des ions H+ par le biais de réactions de nitrification contribuent à la baisse du pH pour se stabiliser autour des valeurs de la neutralité (de Guardia, 2006 ; Pujol, 2012).
Conclusion
34Cette étude, qui a consisté à caractériser les déchets ménagers et assimilés de deux résidences universitaires Ex-Habitat et Hasnaoua 2 et valoriser les biodéchets par compostage, nous a permis de connaitre la quantité globale et la typologie de ces déchets. Une quantité de 1013,43 kg a été générée dans l’Ex-Habitat par 485 personnes durant sept jours de caractérisation. Les biodéchets représentent la fraction prédominante avec 87,95%. Le ratio calculé a été de 0,29 kg/personne/jour. Dans la résidence Hasnaoua 2, la quantité de déchets générés par 804 personnes durant 8 jours de caractérisation été de 1459,94 kg avec un ratio de 0,22 kg/personne/jour. Les déchets sont composés de 96,57% de biodéchets.
35Le compostage permet la valorisation des déchets organiques sur place sans avoir recours à l’enfouissement. Les essais de compostage menés ont révélé que l’utilisation du grignon d’olives, de la sciure de bois et des feuilles d’arbres sèches ont permis d’assurer une biodégradation rapide des biodéchets. L’utilisation du papier/carton comme apport de carbone n’a pas donné de résultats satisfaisants :
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Pour citer cet article
A propos de : Rachid Slimani
Doctorant à l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou (Algérie). Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, Faculté des Sciences Biologiques et des Sciences agronomiques, Département Biologie, Laboratoire Protection, Sauvegarde des Espèces Menacées et des Récoltes, influences des Variables Climatiques (Algérie). Auteur correspondant : rachid.slimani@ummto.dz
A propos de : Melissa Kanane
Doctorante à l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou (Algérie).Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, Faculté des Sciences Biologiques et des Sciences agronomiques, Département Biologie, Laboratoire Protection, Sauvegarde des Espèces Menacées et des Récoltes, influences des Variables Climatiques (Algérie).
A propos de : Fatiha Metna
Docteur en biologie et enseignante à l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi- Ouzou (Algérie). Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, Faculté des Sciences Biologiques et des Sciences agronomiques, Département Biologie, Laboratoire Protection, Sauvegarde des Espèces Menacées et des Récoltes, influences des Variables Climatiques (Algérie).
A propos de : Arezki Hammoum
Docteur (Université Aix Marseille) et enseignant à l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou (Algérie). Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, Faculté des Sciences Biologiques et des Sciences agronomiques, Département Biologie, Laboratoire Protection, Sauvegarde des Espèces Menacées et des Récoltes, influences des Variables Climatiques (Algérie).