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- Volume 40 (2022)
- Numéro 3/4
- Caractérisation du système de culture de la fraise (fragaria vesca) dans les zones péri-urbaines de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso)
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Caractérisation du système de culture de la fraise (fragaria vesca) dans les zones péri-urbaines de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso)
Résumé
Le Burkina Faso est l’un des principaux pays producteurs de fraise en Afrique de l’Ouest. Cultivée dans les provinces du Kadiogo, du Houet et du Boulgou, elle est une spécialité du pays. Cependant, cette spéculation ne bénéficie pas d’appuis techniques de la part des structures de recherche. Aujourd’hui, avec la croissance économique des pays ouest-africains, sa demande pourrait donc augmenter. Cette étude, conduite sur le site de Boulmiougou, visait à caractériser le système de culture de la fraise dans le but de mieux faire connaitre l’espèce et de mettre en exergue ses potentialités. Pour ce faire, une enquête a été menée auprès de 31 producteurs de fraise. Les résultats de l’étude indiquent que les connaissances actuelles, sur la culture de fraise, découlent des nombreuses années d’expérience des producteurs. En effet, les pratiques culturales adoptées ne suivent aucun itinéraire technique établi avec des moyens de production dérisoires. La culture de fraise est peu répandue et se pratique aux abords des bas-fonds, sur des superficies moyennes de 0,24 ha par producteur. Sa production est limitée du fait de sa clientèle restreinte aux classes aisées.
Abstract
Characterisation of the strawberry (fragaria vesca) growing system in the peri-urban areas of the city of Ouagadougou (Burkina Faso).
Burkina Faso is one of the main strawberry producing countries in West Africa. Cultivated in the provinces of Kadiogo, Houet and Boulgou, it is a speciality of the country. However, this crop does not benefit from technical support from research structures. Today, with the economic growth of West African countries, its demand could therefore increase. This study, conducted on the Boulmiougou site, aimed to characterise the strawberry cultivation system in order to improve knowledge of the species and highlight its potential. To this end, a survey was conducted among 31 strawberry producers. The results of the study indicate that the current knowledge of strawberry cultivation is based on many years of experience of the producers. Indeed, the cultivation practices adopted do not follow any established technical itinerary with derisory means of production. Strawberry cultivation is not very widespread and is practised on the edges of the lowlands, on an average area of 0.24 ha per producer. Its production is limited because its clientele is restricted to the wealthy classes.
Table des matières
Introduction
1Aujourd’hui et plus qu’avant, la filière fruit et légume se positionne comme un important secteur de création d’emplois et de lutte contre la pauvreté. C’est un des secteurs de production qui crée de nombreux emplois (près de 400 000) en milieu rural pendant la saison sèche et génère des revenus substantiels pour les jeunes et les femmes qui assurent la commercialisation de l’essentiel de la production (DPSAA, 2011). La composante légume concerne essentiellement les spéculations telles que la tomate, l’oignon, le chou, l’aubergine, la laitue, le concombre, le poivron, le piment, la fraise, etc. (MAAH, 2020).
2En ce qui concerne la fraise, le Burkina Faso en est le principal pays producteur et exportateur en Afrique de l’Ouest. Cultivée essentiellement dans les banlieues de Ouagadougou, la fraise donc est l’une des spécialités du pays (MARHASA, 2015). La superficie totale consacrée à la production de fraise, pour l’année 2020, est d’environ 58,5 ha, pour une production totale estimée à 2035,8 tonnes avec des rendements compris entre 20 et 35 t/ha (PAPEA, 2020). Les principaux marchés des fraises burkinabè sont les marchés burkinabés et ceux des pays de la sous-région. Pendant les périodes de récolte et d’abondance, elles sont vendues en moyenne à 1670 F CFA le kilogramme au Kadiogo, à 910 F CFA dans le Houet et à 730 F CFA dans le Boulgou. Le prix moyen national est de 1105 F CFA le kilogramme. Le chiffre d’affaires des fraises se situait à plus de 2 milliards de F CFA, pour la campagne agricole 2019-2020 (PAPEA, 2020). Malgré cette importance révélée, la culture de cette spéculation ne bénéficie pas pour le moment d’un appui technique des structures de recherche. Pourtant, avec la croissance économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, bien que la fraise soit considérée comme un produit de luxe pour lequel la clientèle est restreinte aux classes aisées, il est possible que la perception des consommateurs change et que sa demande augmente.
3De ce fait, une connaissance parfaite de cette spéculation en matière de techniques de productions ainsi que son circuit de commercialisation constitueraient un avantage pour la promotion de la fraise au Burkina Faso. D’où l’intérêt de cette étude qui porte sur la thématique : « Caractérisation du système de culture de la fraise (fragaria vesca) dans les zones péri-urbaines de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso) ». Notre étude est donc une aide à la promotion et à la valorisation de la production de fraise au Burkina Faso.
Matériel et méthodes
Identification de la zone d’étude
4La détermination de la zone de culture de la fraise s’est faite par une approche prospective réalisée avec l’appui des structures décentralisées du Ministère en charge de l’agriculture du Burkina Faso. Ces structures sont la direction provinciale de l’agriculture ainsi que ces zones d’appui et unités d’animation techniques du Kadiogo. A travers elles, nous avons identifié les sites de production de fraise. Le choix a porté sur la zone périurbaine, notamment le site de Boulmiougou, car étant le seul site où on pouvait trouver des producteurs de fraise en nombre et avec le plus d’expérience dans la production de fraise.
Échantillonnage et taille de l’échantillon
5L’échantillon a porté sur les producteurs de fraise. Un choix raisonné a été effectué compte tenu des moyens disponibles et de la disponibilité des producteurs. Le choix des producteurs a été fait au cours d’une sortie de prospection sur le site de production. Les producteurs ont été sélectionnés en fonction de leurs liens avec un « noyau » de producteurs (amitiés, relations d’affaires, etc.). Ainsi, les producteurs retenus sont ceux qui étaient volontaires et disposés à répondre à toutes les questions. C’est sur la base de ces critères et suivant la formule de Durand (2002) que 31 producteurs ont été enquêtés.
6z : vaut 1,96 lorsque le seuil de confiance accepté est de 95 % ;
7p : proportion de personnes ayant un comportement (acceptable) dont on estime la précision (p = 90 %) ;
8e : est la marge d’erreur que l’on est prêt à accepter en décimales (e = 10%) ;
9N : est l’effectif des producteurs de fraise par site.
Collecte des données
10Afin de compléter les informations recueillies à travers la recherche bibliographique et les confronter aux réalités terrains, un questionnaire a été élaboré avec le logiciel Sphinx version 5.0 et administré aux producteurs retenus.
11Les données recueillies lors des enquêtes terrains ont concerné le niveau d’instruction des producteurs, les superficies allouées à la fraise, les caractéristiques du milieu de production, les pratiques agricoles (fertilisation, protection des cultures, irrigation, etc.), les principales maladies et les ravageurs. Les questions relatives à la formation des producteurs et aux rendements des cultures ont également été prises en compte. Les entretiens avec les producteurs ont concerné les contraintes de production, la récolte et la conservation de la fraise, le circuit de commercialisation, les relations sociales entre les producteurs avec les fournisseurs et les clients.
Analyse des données
12Les données quantitatives enregistrées telles que les quantités d’intrants utilisés et les superficies emblavées ont été regroupés en classes d’amplitudes égales. Les variables qualitatives (nom et origine des cultivars, mode de semis, entretien des parcelles, type de fertilité, etc.) ont été traitées et classées. Les données ainsi préparées ont fait l’objet de calculs de fréquences et d’analyses statistiques descriptives grâce au logiciel SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) 22.0.
13La classification ascendante hiérarchique (CAH) réalisée avec le logiciel XLSTAT, version 2016 a permis d’établir la typologie des producteurs de fraise.
Résultats
Caractéristiques sociodémographiques des producteurs de fraise
14Les producteurs de fraise rencontrés sur le site d’enquête sont exclusivement des hommes âgés de 25 à 51 ans. Selon le système d’enseignement classique, 70,90 % d’entre eux ont le niveau primaire. En ce qui concerne leur statut foncier, la majorité des producteurs enquêtés (71,13 %) sont des demandeurs, 16,06 % ont loué leur terrain de production et seulement 12,81 % sont des propriétaires terriens. Plus de 96,77 % des enquêtés ont déclaré n’avoir reçu aucun appui-conseil de la part des agents de vulgarisation agricole dans le domaine de la production de fraise (tableau 1).
Tableau 1 : statut social des producteurs de fraise
Statut social |
Pourcentage (%) |
|
Sexe |
Homme |
100 |
Femme |
0 |
|
Niveau d’instruction |
Aucun |
29,1 |
Primaire |
70,9 |
|
Secondaire |
0 |
|
Supérieur |
0 |
|
Statut foncier de l’exploitant |
Demandeur |
71,13 |
Locataire |
16,06 |
|
Propriétaire |
12,81 |
|
Assistance technique |
Oui |
3,23 |
Non |
96,77 |
Typologie des producteurs de fraise par la classification ascendante hiérarchique (CAH)
15Les variables descriptives choisies pour l’établissement de la typologie des producteurs de fraise sont nombreuses. Ces variables décrivent au mieux les activités des producteurs de fraise. Il s’agit de :
-
nombre d’actif : nombre de main d’œuvre actif dans la famille (main d’œuvre familiale) ;
-
surface allouée : superficie allouée à la culture de fraise ;
-
type de fertilisation utilisé : utilisation d’engrais organique, engrais chimiques ;
-
statut foncier de l’exploitant : demandeur, locataire (fermage ou métayage) ou propriétaire.
16Selon les variables descriptives choisies, la CAH a ressorti trois classes distinctes dont les caractéristiques sont résumées dans le Tableau 2.
Groupe 1
17Ce groupe comporte 70,96 % des producteurs de l’échantillon d’enquête. Il regroupe les producteurs ayant une superficie moyenne emblavée de 0,25 ha, avec en moyenne quatre (04) actifs. Le type de fertilisation utilisé par la majorité des producteurs de ce groupe est la fumure minérale uniquement (NPK+Urée). Selon le statut foncier des exploitants, c’est le groupe des demandeurs terriens.
Groupe 2
18Ce groupe comporte 12,90 % des producteurs de fraise enquêtés. Avec un nombre moyen d’actifs de six (06), la superficie moyenne allouée à la production de fraise est de 0,25 ha. Le type de fertilisation utilisé par les producteurs de ce groupe est la fumure organique associée à la fumure minérale (FO+NPK+Urée). C’est le groupe des propriétaires terriens.
Groupe 3
19Ce groupe comporte 16,12 % des fraisiculteurs enquêtés et regroupe les producteurs ayant alloué en moyenne une superficie de 0,20 ha à la production de fraise, avec un nombre moyen d’actifs de trois (03) dans l’exploitation. Le type de fertilisation utilisé par ces derniers est la fumure organique associée au NPK (FO+NPK). C’est le groupe des exploitants locataires.
Tableau 2 : caractéristiques des producteurs de fraise par classe sur la CAH
Variables descriptives |
Groupe 1 (n = 22) |
Groupe 2 (n = 4) |
Groupe 3 (n = 5) |
Nombre d’actifs |
4 |
6 |
3 |
Superficie allouée |
0,255 ha |
0,25 ha |
0,20 ha |
Type de fertilisation |
NPK+Urée |
FO+NPK+Urée |
FO+NPK |
Statut foncier de l’exploitant |
Demandeur |
Propriétaire |
Locataire |
FO : fumure organique, NPK : Azote ; Phosphore ; Potassium, Urée : Urée 46 %
20La figure 1 permet de confirmer que les producteurs de fraise sont bien différenciés en trois (03) classes sur le dendrogramme à partir des variables explicatives choisies.
Figure 1 : distinction des trois groupes des producteurs de fraise par la CAH
21Légende :
P1 |
: |
Producteur n°1 |
P12 |
: |
Producteur n°12 |
P23 |
: |
Producteur n°23 |
P2 |
: |
Producteur n°2 |
P13 |
: |
Producteur n°13 |
P24 |
: |
Producteur n°24 |
P3 |
: |
Producteur n°3 |
P14 |
: |
Producteur n°14 |
P25 |
: |
Producteur n°25 |
P4 |
: |
Producteur n°4 |
P15 |
: |
Producteur n°15 |
P26 |
: |
Producteur n°26 |
P5 |
: |
Producteur n°5 |
P16 |
: |
Producteur n°16 |
P27 |
: |
Producteur n°27 |
P6 |
: |
Producteur n°6 |
P17 |
: |
Producteur n°17 |
P28 |
: |
Producteur n°28 |
P7 |
: |
Producteur n°7 |
P18 |
: |
Producteur n°18 |
P29 |
: |
Producteur n°29 |
P8 |
: |
Producteur n°8 |
P19 |
: |
Producteur n°19 |
P30 |
: |
Producteur n°30 |
P9 |
: |
Producteur n°9 |
P20 |
: |
Producteur n°20 |
P31 |
Producteur n°31 |
|
P10 |
: |
Producteur n°10 |
P21 |
: |
Producteur n°21 |
|||
P11 |
: |
Producteur n°11 |
P22 |
: |
Producteur n°22 |
Pratiques culturales
Préparation du sol
22Pour le travail du sol, 100 % des producteurs enquêtés sur le site pratiquent le labour manuel. Cette technique se fait à l’aide d’une pioche adaptée. Les mottes de terres sont ensuite concassées, puis à l’aide d’un râteau, les parcelles sont nivelées avant la plantation pour faciliter l’écoulement et l’infiltration de l’eau lors de l’arrosage. Pour la plantation des fraisiers, les maraîchers confectionnent des planches de 35 m2 (3,5 m x 10 m). Afin de réduire les fréquences d’arrosage, les producteurs préfèrent les sols argileux.
Plantation
23La mise en place de la fraise au champ se fait par la plantation de stolons. La période de plantation, pour la majorité (90,32 %) des producteurs du site, se situe entre les mois d’octobre et de novembre. Ce sont les producteurs qui produisent eux-mêmes leurs semences. En effet, à la fin des récoltes, ils continuent l’arrosage d’un certain nombre de planches qu’ils appellent « planches d’élevage ». Les plants de ces planches serviront à la multiplication des stolons, qui se fait en pépinière entre les mois de juillet et septembre pour avoir le nombre de pieds suffisants pour la superficie à emblaver. Avec des écartements de 70 cm x 30 cm, il leur faut donc environ 48 000 pieds de fraise pour une superficie d’un hectare.
Variétés de fraise cultivées sur le site de Boulmiougou
24La variété de fraise cultivée sur le site Boulmiougou, par 80,64 % des producteurs, est la Camarosa. En plus de la Camarosa qui est la variété far produite sur le site, certains producteurs cultivent également d’autres variétés comme la variété Festival, Ruby gem et Sweet ann. Ceux-ci représentent respectivement 9,67 % ; 6,45 % et 3,22 % (figure 2). Les fraisiers actuellement utilisés ont été multipliés par les producteurs eux-mêmes. Selon les producteurs enquêtés, cette variété s’est mieux adaptée aux conditions agro climatiques de leur site par rapport aux autres variétés qu’ils ont cultivées jusqu’à présent. Ces mêmes producteurs rapportent qu’elle produit de gros fruits pendant une période prolongée, avec une couleur rouge foncée, un rendement élevé et se conserve bien.
Figure 2 : variétés de fraise produites sur le site d’enquête
Superficie allouée à la culture de fraise
25Les superficies allouées à la fraise sont comprises entre 0,12 et 0,5 ha par producteur avec une moyenne de 0,24 ha. On remarque que les producteurs dans la majeure partie des cas (61,9 %) produisent sur des superficies de 0,25 ha. Environ 29,03 % des producteurs adoptent des superficies plus petites (0,12 ha). En revanche, 9, 67 % des producteurs emblavent sur des superficies de 0,5 ha (figure 3).
Figure 3 : superficie emblavée en fraise par producteur
Rotations culturales
26En campagne humide, la grande partie du site maraîcher est convertie à la production céréalière, en raison de son engorgement. C’est donc une rotation fraise-céréale qui est pratiquée.
Association des cultures
27Environ 51,61 % de producteurs associent dans les parcelles de fraise des plants d’oignon. Selon ces derniers, cela protège les fraisiers contre les attaques des ravageurs. D’autres font également une association fraise-laitue et ceux-ci représentent 16,12 % des producteurs enquêtés. Mais dans ce cas, la laitue sert simplement pour la consommation familiale.
Entretien des parcelles de cultures
-
Fertilisation
28Deux semaines avant le labour des parcelles de fraise, certains producteurs (64,51 %) épandent du fumier sur leurs parcelles. Ils achètent ce fumier auprès des éleveurs à 3000 F CFA la charrette et épandent en moyenne 25 charrettes (tombereau) de fumier pour une superficie d’un hectare, soit environ 3 t/ha. Concernant la fertilisation minérale, elle se fait généralement entre deux semaines et un mois après plantation. L’engrais minéral utilisé est le NPK (14-23-14) à dose de 100 kg/ha et l’Urée 46 % à dose de 25 kg/ha. Certains producteurs mélangent le NPK et l’Urée 46 % pour l’utiliser au même moment. L’utilisation des engrais minéraux concerne 93,54 % des producteurs enquêtés (figure 4).
Figure 4 : types de fertilisation utilisés par les producteurs enquêtés
FO : fumure organique, NPK : Azote ; Phosphore ; Potassium, Urée : Urée 46 %
-
Protection phytosanitaire
29Les ravageurs des fraises, selon les producteurs, sont généralement les chenilles et les acariens (Tetranychus urticae). Pour lutter contre ces ravageurs, les producteurs, en plus d’utiliser la méthode biologique (l’association fraise-oignon), utilisent également la méthode chimique. Le produit chimique le plus utilisé est la Téfluthrine (Cypermethrine (144 g/l) + Imidaclopride (200 g/l)), à la dose de 250 ml/ha. Il est utilisé par 87,09 % des producteurs du site qui font en moyenne deux (02) traitements par campagne.
-
Irrigation
30Sur le site, la majorité des producteurs de fraise irrigue leurs parcelles par aspersion à l’arrosoir. Compte tenu du fait qu’à une certaine période de l’année (à partir de mars), le barrage tarit, les producteurs tirent l’eau par eux-mêmes, à partir de puits creusés de façon anarchique aux abords des parcelles de production, qui est ensuite transportée par des arrosoirs jusqu’aux parcelles. Ces producteurs font en moyenne trois (03) arrosages par semaine.
Récolte
31Elle se fait aux heures de la journée où les températures sont basses, c’est à dire tôt le matin ou tard le soir. Les premières récoltes interviennent en début janvier. Il y a jusqu’à quatre (04) floraisons par an. La floraison continue jusqu’au mois de mars et la quatrième récolte commence début avril. Les fraises peuvent être récoltées 20 à 25 jours après floraisons, selon les producteurs enquêtés.
Rendement
32Tous les producteurs enquêtés disent ne pas en avoir une idée. Car ils n’arrivent pas à récolter une grande partie des fruits, faute d’acheteurs pendant les pics de production et qui finissent par pourrir sur les parcelles de production.
Contraintes de production de la fraise
33Les producteurs cultivent les fraises en utilisant les petits plants apparaissant sur les stolons qui poussent sur les plantes mères chaque année. Les fraisiers actuels étant le résultat d’une multiplication sur plusieurs années, le nombre de stolons et de petits plants obtenus est en diminution. Ces dernières années, avec la dégénérescence variétale des plants, ceux-ci sont plus sensibles aux maladies et aux insectes. Ce qui entraîne une baisse de rendement.
34Les rendements de fraise baissent également avec la hausse des températures. En effet, selon les fraisiculteurs enquêtés, lorsque les températures sont en hausse au mois de décembre, les rendements faiblissent et baissent davantage vers les mois de mars et avril, avec des fruits de plus petit calibre.
35De plus, il est nécessaire d’arroser les plants, non seulement pendant la période de récolte, mais aussi durant toute l’année. Au niveau des parcelles de production éloignées du barrage, des puits destinés au maraîchage sont utilisés, mais dans la zone, après le mois février, la majorité de ces puits tarissent. Il devient donc difficile pour les producteurs d’arroser convenablement les plants de fraise.
Circuit de commercialisation de la fraise
Marché local
36Il faut noter que, ce sont principalement les femmes qui viennent acheter les fraises sur le site pour ensuite les revendre à Ouagadougou. Sur le site, les producteurs vendent les fraises récoltées par kg et les prix varient en fonction des périodes de récoltes. En effet, de 3 000 F CFA en janvier, puis 2 000 F CFA en février et 1 175 F CFA en mars, les prix chutent jusqu’à 500 F CFA à partir du mois d’avril, car les fruits récoltées pendant cette période sont de petit calibre, selon les producteurs.
37Généralement, la commercialisation est effectuée individuellement par les producteurs. Cependant, lorsqu’une commande est trop importante pour être couverte par un seul producteur, ce sont les producteurs de fraise, membres de la coopérative qui s’organisent pour l’assurer.
Marché sous régional
38Quelques producteurs du site ont des débouchés au niveau de certains marchés de la sous-région, notamment à Abidjan, Lomé, Cotonou, Bamako et Accra. Dans le cas où les fraises sont destinées à l’exportation vers les marchés de la sous-région, du temps est alors mis de la récolte jusqu’à la commercialisation au point de vente final. Les fraises ayant une période de conservation limitée, les producteurs calculent donc le nombre de jours nécessaires, de la récolte jusqu’à la commercialisation, pour qu’elles soient commercialisées à pleine maturation et les récoltent bien avant. Pour l’exportation, les producteurs conditionnent les fraises dans des cartons de 4 kg. Ces exportations se font individuellement ou de façon groupée, par les producteurs de la coopérative.
Discussion
39De nos résultats, il ressort que l’activité de la production de fraise est exclusivement réservée aux hommes. En effet, les femmes sont beaucoup plus occupées par la commercialisation des produits maraîchers au Burkina Faso (Ouattara, 2016). A cela, on pourrait aussi ajouter le fait qu’elles ont rarement accès à la terre dans nos terroirs (Souratié et al., 2019). Par contre, chez les producteurs de fraise de Madagascar, on observe une prédominance féminine (Mylène, 2019).
40Au niveau de la typologie des producteurs de fraise, la clarification ascendante hiérarchique (CAH) a permis de distinguer trois groupes de producteurs, en utilisant les variables « nombre d’actifs », « la superficie allouée à la fraise », « le type de fertilisation utilisé » et « le statut foncier ». Pour tous les groupes, les engrais minéraux sont utilisés dans le système de culture. Cependant, le statut foncier des producteurs enquêtés a influé sur leur choix, en ce qui concerne le type de fertilisation utilisé. Les propriétaires terriens et les locataires pratiquent une fertilisation organique combinée à la fumure minérale, contrairement aux producteurs ayant demandé leur terrain qui utilisent les engrais minéraux uniquement. Les producteurs qui n’ont pas la garantie à long terme sur l’usage des terres qui leur ont été allouées, sont plus orientés vers l’usage de la fumure minérale uniquement (Adechian et al., 2020).
41Pour ce qui est des superficies emblavées en fraise, il ressort que les maraîchers enquêtés allouent de petites superficies pour la production de fraise. Ces superficies sont comprises entre 0,12 et 0,5 ha par producteur, avec une moyenne de 0,24 ha. Cela pourrait s’expliquer par le fait que ces derniers, en plus de la fraise, produisent d’autres spéculations maraîchères comme la tomate, l’oignon, l’aubergine local, la laitue, le choix, le concombre, le poivron et le piment, qui se vendent plus aisément (Ndiaye et al., 2021). Ce résultat diffère des pratiques au Maroc, où les superficies allouées à la production de fraise sont relativement élevées. En effet, Abbou et al. (2021) rapportent que les superficies de fraise du Loukkos au Maroc varient entre 2 ha et 20 ha, avec une moyenne de 6 ha.
42Plusieurs cultivars de fraise sont produits sur le site avec une prédominance de la variété Camarosa. Selon les producteurs, c’est la variété la plus adaptée aux conditions agro climatiques de la localité parmi les variétés qu’ils ont cultivées jusqu’à présent. En effet, ces derniers rapportent que ces fruits sont de gros calibre, elle produit pendant une période prolongée et se conserve bien. Ce résultat diffère des pratiques des fraisiculteurs du Loukkos au Maroc, selon Abbou et al. (2021). Ces auteurs rapportent que les variétés Fortuna et San andreas sont les variétés prédominantes de la région du Loukkos.
43Certains producteurs de fraise font une association « fraisier-oignon ». Ceux-ci justifient ce choix par le fait que l’oignon contient des essences répulsives contre certains ravageurs du fraisier. Cela constitue donc pour eux, un moyen de lutte biologique contre les ravageurs de la fraise (Dara et al., 2016). Des pratiques similaires ont été également observées chez certains producteurs à l’Ouest du Burkina Faso (Son et al., 2018).
44Pour réduire les fréquences d’irrigation, les producteurs enquêtés produisent la fraise sur des sols argileux qui ont les propriétés de rétention d’eau. Ce type de sol a besoin d’une fertilisation pour avoir un bon rendement. Certains producteurs se rendant compte que l’application seule des engrais minéraux n’améliore pas toujours les rendements de fraise, associent la fumure organique, à deux semaines avant la plantation des fraisiers. Amonmidé et al. (2019), rapportent d’ailleurs que les avantages de l’application d’engrais chimique ne sont que temporaires car les engrais chimiques de synthèse ont un effet « déstructurant » sur les sols (destruction du complexe argilo-humique) diminuant ainsi leur capacité de rétention en eau.
45Les producteurs de fraise n’attribuent pas la baisse des rendements uniquement à la dégradation de la fertilité du sol. La dégénérescence variétale est également mise en cause par ces derniers. Selon eux, les longues années d’auto-multiplication des fraisiers, ont entrainé une réduction du nombre de stolons, des baisses de rendement ou des déformations des fruits. Les fraisiculteurs de Madagascar rapportent également ces mêmes contraintes (Randrianarison, 2014).
Conclusion
46L’objectif de cette étude était de caractériser le système de culture de la fraise dans le but de mieux faire connaitre l’espèce et de mettre en exergue ses potentialités. Pour atteindre cet objectif, une enquête et des entretiens ont été menés auprès des producteurs de fraise de Boulmiougou.
47L’analyse de nos résultats montre, qu’au-delà des connaissances actuelles, acquises par les producteurs au fil des nombreuses années d’expérience, il existe encore des difficultés dans la production de la fraise. Elles sont essentiellement liées au manque d’itinéraire technique établi pour la production de la fraise, aux exigences de la plante sur le plan climatique et à la pénibilité du travail par rapport à sa rentabilité. A ces difficultés d’ordre technique et socio-économique, on pourrait ajouter également les difficultés de commercialisation, du fait de la clientèle restreinte aux classes aisées.
48Une meilleure connaissance des différents systèmes de culture de la fraise combinée aux nouvelles approches technologiques permettrait d’améliorer le système de culture de cette spéculation et d’accroitre sa productivité. Aussi, des études plus poussées se structurant autour de la dégénérescence génétique sont nécessaires afin de mieux connaître les différents cultivars rencontrés sur le site.¶
Remerciements
49Nous exprimons notre sincère gratitude aux producteurs et aux agents d'encadrement agricole qui ont participé à cette étude. ¶Nos sincères remerciements vont également aux organismes administratifs qui ont permis à cette étude d’être réalisée.
Bibliographie
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Pour citer cet article
A propos de : Biombo Kahoun
Ingénieur agronome, Burkinabè, Direction Régionale de l’Agriculture, des Aménagements Hydro-agricoles et de la Mécanisation des Hauts-Bassins, 01 BP 577 Bobo - Dioulasso 01 (Burkina Faso), E-mail : kahoun75@gmail.com, Tel : +226 70 01 37 29 ; +226 77 90 04 54.
A propos de : Sami Hyacinthe Kambire
Doctorat unique, Burkinabè, Chargé de recherche, Institut de l’environnement et de recherches agricoles, Laboratoire Sol-Eau-Plantes, 04 BP 8645 Ouagadougou 04 (Burkina Faso).
A propos de : Bernard Bacye
Doctorat unique, Burkinabè, Enseignant-chercheur, Laboratoire d’étude et de recherche sur la fertilité du sol (LERF), Institut du développement rural (IDR), Université Nazi Boni (UNB), 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01 (Burkina Faso).
A propos de : Edmond Hien
Professeur Titulaire (CAMES), Burkinabè, Enseignant-chercheur, Laboratoire des sols et environnement/agro-pédologie, Université Joseph KY-ZERBO et chercheur-associé à l’IRD, 03 BP 7021 Ouagadougou 03 (Burkina Faso).