Tropicultura

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P. Balloy Mwanza, J.P. Katond & P. Hanocq

Evaluation de la qualité physico chimique et bactériologique des eaux de puits dans le quartier spontané de Luwowoshi (RD Congo)

(Volume 37 (2019) — Numéro 2)
Article
Open Access

Notes de la rédaction

Reçu le 03.04.17 et accepté pour publication le 24.04.19

Résumé

La présente étude porte sur l’évaluation des menaces de pollution affectant la qualité physico chimique et bactériologique des eaux de puits dans le quartier spontané de Luwowoshi.L’objectif de cette étude est, d’une part, d’évaluer la qualité des eaux de puits du site d’étude et, d’autre part, de déterminer l’origine de la minéralisation de ces eaux en référence aux directives de l’OMS.

L’analyse des paramètres physico chimiques obtenus a montré des valeurs de pH acides ainsi que de fortes teneurs en chlorures représentant l’agent principal affectant la qualité des eaux de consommation courante. Sur le plan bactériologique, ces eaux sont fortement chargées et abritent de nombreux germes pathogènes de contamination fécale (coliformes totaux, coliformes fécaux (E. coli) et entérocoques intestinaux) qui ont été observés dans tous les échantillons, excepté dans ceux des forages.

L’interprétation des données d’analyse pour les phénomènes responsables de la minéralisation a été faite à l’aide de la classification hydrochimique résultant du diagramme de Piper.

Abstract

Evaluation of the Physico-Chemical and Bacteriological Quality of Well Waters in the Spontaneous District of Luwowoshi (Democratic Republic of the Congo)

The present study relates to the evaluation of the threats of pollution affecting the physico-chemical and bacteriological quality of well water in the spontaneous district of Luwowoshi.

The objective of this study is, on the one hand, to evaluate the quality of well water of the site of study and, on the other hand, to determine the origin of the mineralisation of this water in reference to the directives of WHO.

The analysis of the physico-chemical parameters obtained showed acid values of pH as well as strong contents of chlorides representing the main agent affecting the quality of water of everyday consumption. Bacteriologically, this waters are heavily loaded and are home to many pathogenic germs of fecal contamination (total coliforms, fecal coliforms (E. coli) and intestinal enterococci) that have been observed in all samples, except in those of the drill holes.

The interpretation of the analysis data for the phenomena responsible for mineralisation was made using the hydrochemical classification resulting from the Piper diagram.

Index by keyword : water of wells, pollution, physico-chemical and bacteriological quality, diagram of Piper, Democratic Republic of the Congo

Introduction

1La question de l’eau se pose avec acuité, tant sur le plan mondial aussi bien au niveau des pays aux ressources hydriques faibles. Les enjeux sont énormes notamment du point de vue approvisionnement, distribution en eau potable et certains traitements qu’on lui fait subir. L’écart observé entre l’offre et la demande, la concurrence sectorielle de l’alimentation en eau potable (agriculture, tourisme, pollution des eaux, maladies hydriques…) sont autant de problèmes posés non seulement aux pays en développement mais également aux pays industrialisés. Cependant, la problématique de l’eau reste un sujet crucial : l’alimentation des villes en eau potable a toujours été une priorité absolue et recouvre plusieurs aspects : économique, environnementale, technique politique et socioculturelle.

2L’eau est indispensable à la survie de tous les êtres vivants. C’est donc une ressource non substituable. Cependant, elle peut aussi contenir des parasites responsables de la transmission de maladies dites hydriques. Elle constitue donc, un élément essentiel de la vie biologique. Non seulement, elle est un nutriment vital, mais elle est aussi impliquée dans de nombreuses fonctions physiologiques essentielles telles que la digestion, l’absorption, la thermorégulation et l’élimination des déchets (24). La potabilisation de l’eau destinée à la consommation humaine doit bénéficier d’une attention particulière. Cette eau ne doit contenir ni substances chimiques dangereuses, ni germes pathogènes nocifs susceptibles à plus ou moins long terme à la santé des individus (13, 26).

3Des centaines de milliers de personnes vivant dans des grandes villes africaines font face aujourd’hui à une crise d’approvisionnement en eau potable et à des déficiences en matière d’assainissement (11, 36). L’urbanisation anarchique et les conditions socio-économiques incontrôlables des villes africaines jointe à une forte croissance démographique entraîne une inadaptation de l’assainissement (2, 4, 6), notamment dans les villes où la maîtrise de la qualité de l’environnement devient un enjeu majeur de santé publique (16, 25).

4En Afrique, les quartiers spontanés sont particulièrement exposés au problème d’assainissement. Les ménages prennent souvent l’option de recourir aux rues, parcelles et terrains vagues comme mode d’évacuation des eaux usées. C’est à proximité de ces déversements que les sites de maraîchage sont créés, en général, par des populations pauvres en provenance des campagnes. Ces pratiques sont très courantes à Luwowoshi où pratiquement tous les ménages qui y sont confrontés.

5Dans les villes africaines subsahariennes, il importe de remarquer que les eaux usées non traitées sont largement utilisées pour irriguer les champs. Le nombre d’agriculteurs utilisant ces eaux est d’environ 200 millions et on estime à 20 millions d’hectares de par le monde, les surfaces irriguées par les eaux contaminées par les rejets urbains (32). Souvent contaminées chimiquement et microbiologiquement, ces eaux non traitées ou partiellement traitées constituent une ressource indispensable au maraîchage qui approvisionne les citadins. Ces types de pratiques ne sont sans conséquences sur l’environnement. En effet, l’épandage des eaux usées brutes sur les sols et l’utilisation de fumiers organiques sont souvent incriminées dans la contamination microbiologique et chimique des eaux des aquifères souterraines (1 ; 18).

6L’agriculture héritée de la colonisation fut, florissante dans les années 1960 -1970. La ceinture verte de la ville de Lubumbashi produisait alors divers produits frais qui inondaient les étals des marchés du centre-ville. Le quartier Luwowoshi se caractérise depuis lors par une agriculture de subsistance soutenue par une demande locale en pleine croissance qui permet à de nombreux ménages d’améliorer à la fois leurs revenus et leur sécurité alimentaire (30). Ce sont surtout les feuilles fraîches qui sont consommées : feuilles de manioc, feuilles de patate douce, feuilles d’oseille, feuilles d’amarantes, etc. Cette agriculture de subsistance est complétée par un élevage de type familial (chèvres, moutons, volaille, etc.). Ces cultures maraîchères se pratiquent à proximité des habitations.

7Actuellement, dans le quartier Luwowoshi, les espaces réservés aux maraîchers se sont beaucoup réduit, faute de terres cultivables qui ont été peu à peu grignotées par des constructions anarchiques. Le front d’urbanisation dévore progressivement la ceinture verte de la ville au sein de laquelle les cultures vivrières sont de plus en plus menacées. Or, cette production maraîchère est une composante importante de la viabilité urbaine de ce type de quartier. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs dont l’éloignement du centre-ville, les faibles exigences en capital et en expertise de ces productions, l’adéquation des légumes à l’alimentation en milieu urbain (21).

Matériels et méthodes

Présentation de la zone d’étude

8Luwowoshi est un quartier spontané dont la superficie estimée à 3980 ha soit 38,9 km2, avec une population évaluée à environ 70.000 habitants (Bureau du quartier, 2016) qui se trouve au Nord-Est de la ville de Lubumbashi, et qui pourrait, selon les projections, aller au-delà de 100.000 habitants d’ici 2025. L’on observe aujourd’hui, une urbanisation non réglementaire qui s’étale sur l’ensemble des périphéries de la ceinture verte de la Commune Annexe (Figure 1).

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Figure 1 : Localisation du quartier Luwowoshi

9Comme tous les quartiers des pays en développement et plus particulièrement ceux d’Afrique subsaharienne, Luwowoshi connaît depuis sa création en 1970 une forte croissance de sa population et de ses activités. Ces dernières sont motivées en relation avec son statut d’espace de production maraîchère pour alimenter la ville de Lubumbashi.

10Il se construit dans l’improvisation totale sans planification, sans équipements et dans l’insécurité juridique la plus totale pour les occupants. Les causes de cette forte croissance rapide s’expliquent par l’urbanisation effrénée de Luwowoshi, le faible coût de terrain à bâtir, et l’occupation des sols plus marquée. Ce qui donne une influence directe sur les infrastructures urbaines.

11Luwowoshi fait face à de multiples problèmes. L’insalubrité et la dégradation des conditions socio-économiques sont les principaux maux qui rongent ce quartier. Plusieurs autres raisons sont à l’origine de cet état de chose qui handicape sérieusement son aménagement. Il s’agit essentiellement de la croissance urbaine, de l’exode rural, de manque d’eau potable, de l’accroissement des besoins en logements, les difficultés de transport, de l’absence de politique de planification urbaine.

Méthodologie

12Pour cette étude, l’échantillonnage des eaux de puits a été fait de manière à couvrir l’ensemble du quartier afin d’avoir une vision correcte de la qualité physico chimique et bactériologique.

13Pour connaître la qualité bactériologique des eaux, des campagnes de prélèvements d’eau ont été effectuées durant les années 2015 et 2016 de février à mai. Cela a permis de recueillir 20 échantillons d’eau à partir de 17 puits, deux forages et une source. Avant l’usage, les flacons ont été soigneusement lavés, puis rincés à l’eau distillée. Ensuite, les flacons ont été stérilisés. Ces échantillons ont été prélevés dans des flacons autoclavés de 500 ml, étiquetés puis conservés dans une glacière à 4°C pendant le transport au laboratoire, - accompagnés d’une fiche de prélèvement portant tous les renseignements nécessaires comme l’origine et la date de prélèvement. Ces échantillons ont ensuite été analysés selon les normes en vigueur (34).

14Pour le prélèvement d’eau nécessaire à l’analyse bactériologique, nous avons utilisé des flacons de 500 ml munis d’un cordon. Au moment du prélèvement, on ouvre le flacon et on l’introduit dans le puits à 30cm de profondeur, en prenant soin de ne pas contaminer l’échantillon. Ensuite, on retire le flacon rempli d’eau. On détache le cordon et le flacon est refermé dans les conditions aseptiques requises jusqu’au moment de l’analyse.

Analyses physico chimiques

15Pour chaque prélèvement, on a relevé in situ la température, la conductivité électrique, la profondeur du puits et le pH tandis que les autres paramètres ont été mesurés au laboratoire selon les méthodes d’analyses préconisées par (34). Quant à la méthode d’analyse des cations, nous avons utilisé la photométrie de flamme pour les potassiums et les sodiums et, le dosage complexiométrique pour les calciums et les magnésiums. Pour les ions majeurs anions, nous avons utilisé comme méthodes, le dosage colorimétrique pour les sulfates, le cadmium réduction pour les nitrates, le dosage par précipitation pour les chlorures et la titrimétrie par HCl 0,01 N pour les bicarbonates. Les résultats des analyses chimiques sont exprimés en mg/l.

Analyses bactériologiques

16L’importance de cette analyse bactériologique d’une eau n’est pas d’effectuer un inventaire de toutes les espèces présentes, mais de rechercher soit celles qui sont susceptibles d’être pathogènes soit, ce qui est souvent plus aisé, celles qui accompagnent et qui sont en plus grand nombre souvent présentes dans l’intestin des mammifères et sont par leur présence indicatrices d’une contamination fécale (34). Cette analyse est importante car la qualité bactériologique d’une eau nécessite des contrôles permanents et représentant la cause la plus fréquente de non potabilité de l’eau (34).

17Les germes recherchés dans les eaux des 20 sites étudiés sont les coliformes totaux, les coliformes fécaux (E. Coli) et les entérocoques intestinaux. Ces données entrent dans le cadre de la surveillance de la qualité des eaux potables. La méthode exploitée pour la recherche des bactéries dans les eaux étudiées est basée sur la méthode dite de la membrane filtrante et selon les normes «  AFNOR » (34).

18Les méthodes d’analyse des bactéries sont indiquées ci-dessous. Les résultats sont exprimés en nombre d’unités formant des colonies par unité de volume.

19Pour les analyses microbiologiques concernant le dénombrement des germes totaux, la technique d’ensemencement dans la masse avec le milieu gélose glucosé tryptonée à l’extrait de levure (TGEA) a été utilisée. Après préparation des dilutions décimales et incorporation à la gélose et incubation comme mode opératoire, nous avons exprimé les résultats sur le nombre de colonies compté sur une boîte de pétri, multiplié par 10 et éventuellement par l’inverse du rapport de dilution, indiquant le nombre de germes totaux en nombre de micro-organismes revivifiables par ml (34) et ceux de dénombrement des coliformes totaux et coliformes fécaux, la méthode par ensemencement en milieu liquide a été employée et les résultats ont été obtenus par la recherche des coliformes totaux par un test présomptif et celle d’E. coli par un test confirmatif, par le nombre de tubes positifs dans chaque série et reporter à la table de Mac Grady pour obtenir le nombre de coliformes totaux et fécaux (E. coli) présents dans 100 ml de l’échantillon (33). Pour les entérocoques intestinaux, le dénombrement se fait par deux tests : le test présomptif sur le milieu de Rothe et le test confirmatif sur le milieu Evalitsky a été réalisé. L’incubation se fait à 37°C pendant 24 à 48h. La présence des entérocoques se manifeste par l’apparition d’un trouble microbien dans tout le milieu de Rothe et éventuellement par la formation d’une pastille violette dans le fond du tube du milieu Eva Litsky par le nombre positif dans chaque série puis on s’est reporté à la table de Mac Grady pour connaître le nombre d’entérocoques intestinaux présents dans 100 ml de l’échantillon (34).

20Parallèlement à ces activités de prélèvement, un inventaire aussi exhaustif que possible des puits et forages a été effectué. Ainsi, ont été répertoriés 219 puits, 8 forages, 4 bornes fontaines et deux sources.

21Dans le but de bien identifier les faciès hydrochimiques et d’avoir une indication sur l’aspect qualitatif des eaux souterraines, la représentation graphique des résultats d’analyses est un outil indispensable. Pour atteindre cet objectif, on a eu recours au diagramme de Piper (Figure 2). Ce type de diagramme permet de représenter plusieurs échantillons d'eau simultanément et de caractériser les faciès hydrochimiques des eaux. Il est composé de deux triangles, permettant de représenter les faciès cationiques (Ca2+, Mg2+, K+, Na+) et les faciès anioniques (Cl-, NO-3, SO2-4, HCO3-) et d’un losange synthétisant le faciès global sur lequel est reportée l’intersection des deux lignes issues des points identifiés sur chaque triangle.

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Figure 2 : Classification des eaux à partir du diagramme de Piper

22Les nuages de points concentrés dans un pôle représentent pour les différents échantillons, la combinaison des éléments cationiques et anioniques.

23Dans ce quartier défavorisé, nous avons observé une forte concentration en CO2 maintenant le pH acide. La minéralisation croissante, sans préjuger de l’homogénéité des origines de l’eau est indiquée par des flèches.

24Dans la figure correspondante, on remarque que les eaux (toutes origines confondues) appartiennent aux faciès chimiques « chlorurés sodiques et potassiques ou sulfatés sodiques et subsidiairement chlorurés sodiques et potassiques ou chlorurés sulfatés calciques magnésiennes se situant dans la zone centrale où aucun cation ne domine. On observe que quelques échantillons prélevés dans les puits sont proches du pôle calcique alors que certaines se détachent nettement vers le pôle sodique.

25Les échantillons appartenant à la nappe phréatique majoritairement regroupés au niveau du pôle bicarbonaté dans le deuxième triangle des anions. Quelques échantillons de cette nappe tendent vers le pôle chlorure + nitrate : ce sont les eaux, où l’on observe des teneurs en chlorures élevées, souvent associées aux nitrates. Les chlorures sont fortement mis en évidence à cause de la mauvaise qualité des eaux éventuellement induites par des activités anthropiques.

26Résultats

Les résultats des mesures physico chimiques des eaux de puits

27Les résultats des différentes analyses physico chimiques réalisées sur les eaux de puits du quartier Luwowoshi sont consignés dans le tableau 1. Cette étude joue un rôle important dans la détermination de sa qualité, donc de la potabilité de son utilisation pour l’alimentation en eau potable.

28Les résultats des analyses chimiques réalisées sur les eaux de la zone d’étude montrent que celles – ci contiennent de fortes teneurs en ion chlorure sous forme des sels de sodium (NaCl). Ces teneurs en chlorures varient entre 11,54 et 49,7 mg/l. Plus de 80% des puits ont montré la présence des chlorures dans les sources d’eau attribuée à la non protection des fosses septiques qui font que les urines de toilettes qui se coulent et se mélangent directement à l’eau et lorsqu’il s’agit de NaCl, il communique à l’eau une saveur désagréable ( surtout les ions chlorures sont accompagnés d’ion sodium) mais aussi par la dissolution des dépôts de sel, à l’épandage de sel, à l’exploitation des puits d’eau, à l’écoulement des eaux d’irrigation, ce qui traduit que les eaux sont d’une mauvaise qualité pour la consommation humaine.

29Le pH influence la plupart des mécanismes chimiques et biologiques dans les eaux. Le pH d’une eau naturelle dépend de l’origine de celle-ci et de la nature des terrains traversés (12, 31). Le pH moyen des eaux de puits est de 5.89, ce qui montre que les ressources en eau de Luwowoshi sont acides.

30La température de l’eau est un facteur important du fait qu’elle régit la presque totalité des réactions physiques, chimiques et biologiques (3). Toute variation brusque de ce paramètre entraîne une perturbation dans l’équilibre de l’écosystème hydrique et influence essentiellement les variations climatiques (5). Pour l’ensemble des eaux de puits, la température moyenne est 24,68°C ; cette dernière est très proche des valeurs moyennes atmosphériques qui varient entre 28° et 32°C.

31La conductivité électrique désigne la capacité de l’eau à conduire un courant électrique et elle est déterminée par la teneur en substances dissoutes, la charge ionique, la capacité d’ionisation, la mobilité et la température, elle renseigne sur le degré de minéralisation d’une eau. Elle est également due par la présence dans le milieu d’ions qui sont mobiles dans un champ électrique (34). Les échantillons présentent des valeurs acceptables de conductivité électrique, qui est de 239 S/cm. La profondeur du niveau d’eau de tous les puits, forages et source échantillonnés oscille entre 0 et 20 m.

Tableau 1 : Résultats des analyses physico chimiques

pH

Conductivité électrique (µs/cm)

Profondeur (m)

Température (°C)

(mg/l)

(mg/l)

(mg/l)

(mg/l)

(mg/l)

(mg /l)

(mg/l)

(mg/l)

Minimale

4,96

26,61

0

22,2

10,99

10,00

3,01

18,06

14,2

0

5

12,2

Maximale

7,1

624,1

20

30,9

13,44

13,94

5,74

23,52

49,7

0

8,41

73,8

Médiane

5,81

144,55

9,28

24

12,04

12,35

5,03

21,59

21,3

0

7,30

36,6

Moyenne

5,89

230,39

10,25

24,5

12,01

12,36

4,59

21,05

23,43

0

6,93

34,28

Ecart type

0,66

217,68

4,21

1,75

0,76

1,035

1,04

1,99

11,54

0

1,104

12,38

Normes/OMS

6,5-8,5

400-1500

100

50

100

250

500

50

250

Les résultats des analyses bactériologiques

32Les résultats de l’analyse bactériologique réalisée sur les eaux de puits sont présentés dans le tableau 2. Les germes recherchés dans les 20 échantillons étudiés sont les coliformes fécaux (E. coli), les coliformes totaux et les entérocoques intestinaux. Pour rappel, la méthode exploitée pour la recherche des bactéries dans les eaux étudiées est basée sur celle dite de membrane filtrante et selon les normes AFNOR. Dans le tableau correspondant, on note la présence importante de coliformes fécaux et de coliformes totaux dénotant une forte charge bactérienne laquelle indique que ces eaux sont impropres à la consommation et aux besoins ménagers. Idéalement ces eaux ne doivent en effet contenir aucun germe pathogène, coliformes ou entérocoques (26).

Tableau 2 : Résultats des analyses bactériologiques

Flore aérobie mésophile

Coliformes totaux

Coliformes fécaux

Escherichia coli

Salmonella et Shigella

Entérocoques intestinaux

Minimale

4

0

0

0

0

0

Maximale

1193

58

12

40

0

520

Médiane

111,5

17

3

14

0

6

Moyenne

230,6

22,05

3,35

15,6

0

34,65

Ecart type

338,92

18,05

2,92

13,88

0

114,97

Discussion

33Cette étude dans le quartier spontané de Luwowoshi nous a permis de mettre en évidence la pollution fécale de l’eau et d’évaluer la contamination des eaux tant sur le plan chimique que bactériologique. C’est ainsi que nous avons recherché des germes pathogènes susceptibles d’être à la base des matières fécales des hommes et des animaux à sang chaud, qui se maintiennent plus facilement dans le milieu extérieur qui sont : les germes totaux, les germes fécaux, les coliformes fécaux (E. coli), les coliformes totaux et les entérocoques intestinaux. Les eaux souterraines présentent dans l’ensemble des bonnes caractéristiques physico-chimiques au regard des valeurs guides édictées dans les directives de l’OMS (18, 20).

34Les résultats du faciès hydrochimique prouvent à suffisance que les eaux de puits sont soumises à la fois à une minéralisation naturelle et à une minéralisation organique résultant des activités humaines.

35Cette étude montre en effet que ces eaux sont fortement chargées en germes pathogènes tels que les coliformes fécaux (E. coli), les coliformes totaux et les entérocoques intestinaux qui représentent une contamination se produisant généralement lors des puisages par les populations (5).

36Les coliformes fécaux sont d’origine animale ou humaine, leur présence dans l’eau indique une contamination récente par des matières fécales (5). La présence des coliformes fécaux ou coliformes thermotolérants, sont un sous-groupe des coliformes totaux capables de fermenter le lactose à une température de 44,5°C. L’espèce la plus fréquemment associée à ce groupe de bactéries est l’E. coli comme indicateur de la qualité microbienne de l’eau parce qu’il contient notamment des bactéries d’origine fécale et, dans une moindre mesure, certaines espèces des genres Citrobacter, Enterobacter et Klebsiella (8, 9, 35).

37Les coliformes fécaux et les entérocoques proviennent essentiellement d'une pollution fécale animale ou humaine et sont capables de causer des malades gastro-entériques. Aucun germe pathogène ne doit être présent par 100 ml d’eau potable pour que celle-ci soit réputée potable.

38La présence de coliformes fécaux (E. coli) et/ou entérocoques nous indique que nous sommes en présence de matières fécales dont l’origine est un fumier, une fosse septique ou des latrines. Cette pollution est plus marquée dans les eaux de puits non aménagés, les eaux de sources et non de forages et, proviendrait effectivement des latrines, des eaux usées, du niveau superficiel de l’eau et des déchets solides qui avoisine les puits. Cette pollution microbiologique de ces eaux montrent d’énormes risques sanitaires pour les habitants et rend les dites eaux contaminées impropres à la consommation humaine.

39La présence élevée des coliformes totaux dans les eaux montre que la contamination des eaux est causée par les eaux usées domestiques, par la proximité des puits avec les toilettes et par l’infiltration d’eau de surface dans les puits. Il est essentiel de faire remarquer que la majorité des puits étant construits sans margerelle ni couvercle, les eaux des pluies et de ruissellement charriant divers déchets (matières fécales) s’y déversent très facilement. Le captage de l’eau à l’aide d’un sceau ou d’un récipient quelconque rouillé et abandonné à même le sol favorise davantage la contamination de l’eau des puits. Toutes ces causes ont été décelées dans les travaux menés par Kisanguka (15) où ses résultats ont montré que les eaux de puits sont polluées microbiologiquement à 83%. Ces résultats corroboraient ceux de Malangu (19) selon lesquels l’eau des rivières et des puits de Lubumbashi était pollué à 90% ainsi que ceux obtenus par Mulungulungu (22). Ce dernier avait trouvé que l’eau des rivières de l’Hinterland de Lubumbashi était polluée à 100% et celle des puits à 86,5%.

40Si les entérocoques sont présents en nombre beaucoup plus élevé que les coliformes fécaux, il s'agit probablement d'une contamination résiduelle puisque les entérocoques survivent plus longtemps dans l'environnement. Les périodes les plus problématiques pour les puits se manifestent aussi suite à de fortes pluies ou à l’'accumulation d'eau stagnante sur la parcelle.

41L’augmentation des besoins en eau, liés à la croissance démographique, à l’urbanisation et à la diversification des activités maraîchères, entraîne une compétition croissante entre les divers usages et remet en cause la place prépondérante de l’agriculture dans l’utilisation des ressources hydriques.

42Depuis quatre décennies, l’activité maraîchère est rythmée par les saisons mais suite à l’accroissement du poids démographique et en raison de l’augmentation des surfaces cultivées, en particulier dans les villes d’Afrique subsahariennes, cette activité est de plus en plus fortement conditionnée par l’exploitation des aquifères souterrains qui permet la production de choux, tomates, oignons… Ces mêmes contraintes se rencontrent dans des zones semi-arides, comme au Niger (20), au Cameroun (17), ou dans d’autres villes tropicales comme Kinshasa (23).

43Dans des quartiers comme à Luwowoshi, il semble que l’agriculture soit une bonne manière de sécuriser et de stabiliser les populations et l’espace. Elle permet un marquage foncier et évite de laisser des espaces en friche ou squatté. C’est aussi une alternative à la construction sauvage dans les zones marécageuses ou inondables. Cela étant, la principale critique adressée à l’agriculture urbaine provient de la qualité sanitaire des aliments en raison de la pollution de l’eau utilisée pour l’arrosage (24).

44D’une manière générale, il ressort que l’ensemble des puits examinés et la source d’eau présentent en majorité des signes de la contamination fécale et qu’elles ne sont pas susceptibles aux eaux destinées à la consommation humaine, excepté les forages. Tous les échantillons analysés ont présenté des concentrations plus ou moins importantes des coliformes totaux, coliformes fécaux (E. coli) et des entérocoques intestinaux, qui ne sont pas en lien avec les valeurs guides édictées par l’OMS (28) concernant l’eau potable. Cette contamination serait due essentiellement à plusieurs facteurs de variation sur l’environnement du puits (les distances « toilettes-puits » sont situées aux environs de 3 m à 10 m des sources de pollution, et les activités maraîchères-agricoles sont distantes de puits autour de 50 m à 150 m).

45La population abandonnée à elle-même s’organise comme elle peut. Les points d’eau non aménagés sont très nombreux et sont souvent munis de couvercles de fortune. Les eaux de ces puits non contrôlés exposent la population à divers risques de maladie. Les résultats obtenus confirment à suffisance la dégradation de l’environnement autour de ces puits et leur mauvais état d’entretien qui seraient à la base d’une contamination bactérienne. La topographie du quartier constituerait un facteur aggravant en raison de comportements inadéquats des ménages face à l’évacuation des eaux usées domestiques et des déchets solides. Nous avons ainsi noté des teneurs importantes de germes pathogènes dans ces eaux qui font clairement courir de grands risques sanitaires à court terme.

Conclusion

46L’évaluation de la qualité sanitaire des eaux de puits du quartier Luwowoshi nous a permis de caractériser cette ressource naturelle. Les paramètres de qualité chimiques sont pour la plupart en – dessous de la norme de potabilité de l’OMS. Les eaux de puits présentent dans l’ensemble un pH acide qui trouve son origine dans les eaux de pluie et lié aussi au terrain peu calcaire traversé par la nappe aquifère.

47Sur le plan bactériologique, seules les sources potentielles des germes pathogènes ont été recherchées : coliformes fécaux (E. coli), coliformes totaux et entérocoques fécaux. De manière générale, il ressort de l’ensemble des prélèvements que les eaux de puits présentent une contamination des germes pathogènes indicateurs d’une pollution fécale qui serait essentiellement due aux activités humaines.

48La présence des coliformes fécaux dans les points d’eau échantillonnés à Luwowoshi a montré que l’utilisation des eaux contaminées comme eau de boisson ainsi que la contamination des légumes arrosés par ces eaux polluées pourraient constituer un risque majeur pour la santé des populations. Incidemment les puits contaminés par les coliformes fécaux étaient parmi les puits les moins contaminés par les nitrates (18).

49Les eaux de puits de ce quartier montrent majoritairement qu’elles sont caractérisées par une prédominance de faciès bicarbonatée calcique et magnésienne sur les ions chlorures et les sulfates qui y sont pratiquement absents. Les puits les plus contaminés sont ceux qui sont situés à moins de 5 à 15 m des sources potentielles de pollution telles que les toilettes directes, les latrines à fond perdu, les dépôts sauvages, la mauvaise protection des puits et l’absence du réseau d’assainissement. Il s’agit également des puits les moins profonds.

50Par ailleurs, le maraîchage qui est l’une des principales sources de revenus dans ce quartier pauvre s’avère être une solution intéressante pour l’amélioration des conditions de vie des populations locales en procurant emplois et revenus aux plus démunis. Il paraît donc essentiel de concilier cette facette socio-économique avec l’amélioration des conditions sanitaires de la production.

Remerciements

51Nos vifs remerciements à l’ARES-CCD qui a pu nous trouver les fonds nécessaires à la réalisation de ce doctorat en urbanisme. Un remerciement particulier à tous les professeurs du CCPGU, pour l’intérêt accordé à ce projet.

Bibliographie

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Pour citer cet article

P. Balloy Mwanza, J.P. Katond & P. Hanocq, «Evaluation de la qualité physico chimique et bactériologique des eaux de puits dans le quartier spontané de Luwowoshi (RD Congo)», Tropicultura [En ligne], Volume 37 (2019), Numéro 2, URL : https://popups.uliege.be/2295-8010/index.php?id=627.

A propos de : P. Balloy Mwanza

Congolais (RD Congo), PhD, Professeur Associé, Université de Lubumbashi, Département de Génie Electrique, Lubumbashi, République Démocratique du Congo. pballoy@yahoo.fr

A propos de : J.P. Katond

Congolais (RD Congo), PhD, Professeur, Université de Lubumbashi, Département d’Electromécanique en Polytechnique, Lubumbashi, République Démocratique du Congo

A propos de : P. Hanocq

Belge, PhD, Professeur, Université de Liège, Département d’Architecture et Urbanisme en Sciences Appliquées, Liège, Belgique