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Urbanité de l'art, autorité du lieu
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Contribuant à révéler l’identité dissociative de l’espace urbain contemporain, le graffiti s’affirme comme un combat contre les entreprises de la reproductibilité de masse. Cette création faite d’œuvres singulières s’entremêlant dans l’espace public se fraye un chemin dans les lieux mêmes qui la bannissent. Disputant souvent son espace de visibilité à celui de la publicité, le graffiti expose son auteur aux ripostes pénales. Mais le pouvoir singulier du graffiti réside dans son impossibilité structurelle à adopter le cadre, impossibilité constituée en condition à posséder un lieu. Dans le cas contraire, comme le cursus de certains graffeurs le montre, une métamorphose ontologique le déchoit de la classe des graffitis. Le cadre reste dévolu aux œuvres qui cherchent preneurs. Ainsi, conçues amovibles, celles-ci peuvent circuler et être négociées sur le marché. Sans cadre, pictural et institutionnel, le graffiti se déploie parmi ses « congénères » dans l’espace marqué des seules particularités architecturales du lieu.
Abstract
Helping to reveal the dissociative identity of the contemporary urban space, graffiti asserts itself as a fight against the actions of the mass reproducibility. This creation made of singular artworks intermingling in the public space fights a way in the very places that banish it. Often disputing its visibility space to that of advertising, the graffiti exposes its author to the penal answers. But the singular power of graffiti lies in its structural impossibility to adopt the frame, an impossibility constituted conditionally to possess a place. In the opposite case, as the curriculum of some graffiti artists shows, an ontological metamorphosis takes it out of the class of graffiti. The frame remains devoted to the works that seek takers. Thus, designed removable, these can circulate and be traded on the market. Whether frameless, pictorial or institutional, the graffiti spreads out among its “fellows” in the space marked only by architectural particularities of the place.
« Dans quelque civilisation qu’elle naisse, de quelques croyances, et de quelques motifs, de quelques pensées, de quelques cérémonies qu’elle s’entoure, et lors même qu’elle paraît vouée à autre chose, depuis Lascaux jusqu’à aujourd’hui, pure ou impure, figurative ou non, la peinture ne célèbre jamais d’autre énigme que celle de la visibilité »1.
1Cet énoncé est qualifié de truisme par son auteur. Notre paradigme d’une analyse du statut social du graffiti contemporain peut reposer sur le truisme suivant : Il n’y a d’œuvre visuelle qui n’ait son lieu. Le manifeste du graffiti, tel qu’il peut s’entendre dans les déclarations et les pratiques des graffeurs, est un manifeste du lieu. L’art transgressif du graffeur permet de dégager une propriété commune à toutes les réalisations graphiques ou picturales, dès lors qu’elles sont présentées au regard public. Sans doute en transgressant une frontière posée par l’autorité publique – celle des conditions légales à satisfaire pour disposer d’un lieu –, l’art du graffiti réaffirme le lien existentiel qu’une œuvre noue publiquement avec son lieu. Renonçant à concourir pour les espaces où se déploie la création artistique reconnue et médiatiquement valorisée pour conquérir ses propres lieux, le graffeur et sa création s’exposent à la répression qu’un tel franchissement hasardeux leur promet. Deux autorités se mobilisent alors contre le graffiti : celle qui affirme son contrôle sur la destination de l’espace public dans sa totalité et celle qui affirme sa qualification dans la reconnaissance des œuvres d’art en les accueillant dans des lieux autorisés. Réalisée en musée, galerie, salon, église et temple divers ou portion strictement circonscrite d’un extérieur public, l’exposition, quelles que soient les conditions contrôlées de sa mise en place sous le regard du public, assure une existence sociale, et donc une existence tout court, à l’œuvre.
Les pouvoirs du lieu
2Le graffiti ne se définit pas en premier lieu par la technique, l’inspiration, ou l’esthétique du genre, mais par le lieu. Si l’inspiration donne forme à une intelligence du monde et permet l’épanouissement d’un discours graphique original, elle ne fonde pas le projet subversif qui caractérise toute innovation artistique et reste bien en-deçà de la part majeure assumée par le support choisi : le mur urbain. Un tel « support », en effet, est expressément placé sous l’autorité de l’administration publique. Contrairement à ce que la locution est supposée signifier, « l’espace public » n’est pas l’espace abandonné au public, l’espace de tous, ouvert à discrétion aux occupations et aux quêtes individuelles ou partagées ; il est même l’exact contraire. Il est l’espace commun d’une circulation impérative, d’une circulation ininterrompue ou, selon des aménagements interstitiels, quasi-ininterrompue. Tout l’espace public est structuré comme réseau de circulation, si bien que tout stationnement sur la voie publique, toute occupation plus ou moins éphémère d’un interstice de cet espace, individuelle ou collective, ne peut être aléatoire, et provoque, dans la routine des missions des forces publiques, un rappel à l’ordre indulgent ou l’interpellation des traînards suspects. Ne pas circuler contrevient aux lois fondamentales de l’urbain dont l’application plus ou moins rigoureuse dépend de différents degrés de tension sociale. Stationner, en effet, s’inscrit à priori en contravention des usages de l’espace public. Et la suspension circulatoire éphémère consentie aux spectacles de rue confirme la destination régulière de la ville comme réseau circulatoire global.
3Les rapports sociaux mis en œuvre au sein des mégapoles mondiales définissent pourtant des règles de circulation étonnamment variées. Dans certaines grandes villes du cosmos capitaliste, on ne peut circuler qu’en véhicule motorisé, et tenter de relier à pied deux points de l’espace urbain relève d’une forme d’inconséquence donquichottesque. Los Angeles est une ville anti-piéton, impérieusement vouée à l’automobile. À l’exact opposé, les villes indiennes, livrées aux foules denses et lentes, semblent emboîter le pas des vaches sacrées. Aujourd’hui encore, malgré les mesures municipales tentant de limiter la prolifération des vaches urbaines, celles-ci disposent du pouvoir d’imprimer leur rythme à la circulation des véhicules de tout acabit. Très tôt les usages structurants du sacrifice dessinaient les contours de l’habitat indien2. Dans les villes européennes, où l’habitus circulatoire varie considérablement des centres-villes aux « quartiers » ou aux « cités » périphériques, la rue s’offre au quidam circulant comme un spectacle qui, quel que soit parfois le désordre trompeur, répond à des aménagements réglés.
« Une longue tradition sociale reconnaît le spectacle de rue. L’espace public apparaît alors comme une « scène » […], l’espace-temps d’un spectacle qui s’offre à la vue de spectateurs, en suspendant la fonction circulatoire ordinaire de la voirie. La suspension de la circulation peut être improvisée et éphémère quand le passant interrompt son cheminement et se convertit en badaud face à une sollicitation imprévue […], comme les accidents de circulation, les disputes et « scènes de ménages », ou les animations offertes par des artistes de rue ou par des commerces (harangueurs, vitrine, son et lumière). On observe aussi des suspensions organisées et périodiques de la circulation, lorsque la foule est convoquée par des autorités religieuses, corporatives, civiles ou militaires pour assister à une procession, un défilé, un carnaval ou une parade : parmi de nombreux exemples on peut citer les processions de la Semaine sainte dans les villes andalouses, les courses de chevaux du Palio à Sienne, le 14 juillet sur les Champs-Élysées de Paris, le défilé des écoles de samba lors du carnaval de Rio de Janeiro, la Rose Bowl Parade à Pasadena (Californie)… »3.
4Le stationnement ou la divagation des mendiants, vagabonds ou prédicateurs, toléré ou non selon quelques consignes circonstanciées des administrations de police, n’est pas seulement réprouvé pour la gêne causée aux citoyens passant, mais parce qu’il impose une autodétermination intempestive de l’espace urbain conçu ab urbe condita comme espace de circulation contrôlée. La circulation n’est pas libre pour les résidents des villes, mais pour elle-même ; elle est la condition de l’ordre. On sait que les grands travaux parisiens du baron Haussmann, quelques années à peine après les soulèvements de 1848, entreprennent de percer de larges artères dans l’enchevêtrement des ruelles parisiennes datant du Moyen Âge, pour « aérer » et « éclairer » les immeubles, mais surtout, arguant de la valeur esthétique des longues perspectives urbaines, favoriser l’accès des effectifs militaires ou de police appelés à réprimer les émeutes en tout point de la capitale. En 1871, les barricades de la Commune mirent à mal cette nouvelle doctrine urbaine.
5Dans ce contrôle du bon flux des usagers de la cité, l’autorité aménage les lieux très circonscrits de stationnement licite : bancs publics, parcs, jardins, squares, terrasses de café, voies de circulation lente, promenades… Et tous ces lieux sont expressément désignés, cernés de signes explicites d’habilitation au stationnement ou au ralentissement ; ils disposent de licences spéciales par le fait même d’avoir été aménagés, d’agréments en bonne et due forme, et n’empiètent jamais sur les voies de circulation. Les axes organisationnels de l’activité urbaine doivent demeurer fluides et les points d’arrêts strictement identifiés. Si l’on trouve parfois des lieux ou mobiliers urbains détournés de leur destination initiale pour quelque usage récréatif – balustrades ou escaliers d’un édifice formant gradins pour une halte au soleil ou une pause déjeuner… –, l’initiative heureuse, installée aux bords des voies de circulation, ne dure que jusqu’à nouvel ordre.
6Circulation urbaine et activité laborieuse s’articulent selon une dynamique qui cesse sur le seuil des immeubles résidentiels. Les hautes façades des habitations urbaines, trouées de fenêtres alignées, ne font jamais effraction sur la chaussée4. Seules les vitrines marchandes – proposant des biens à emporter ou à consommer sur place – disposent de ce privilège légalement acquis. Leur monopole sur les trottoirs et les voies piétonnières n’a pour but que la halte et la tentation des passants. Elles en offrent l’occasion incessante, démontrant s’il le fallait combien l’ordre circulatoire urbain a partie liée avec l’ordre marchand. Walter Benjamin analysant la poésie de Baudelaire décrit les possessions dont le flâneur est la proie dans les dédales de la modernité consumériste et de ses passages troués par la lumière des vitrines. L’auteur cite le Guide illustré de Paris :
« Ces passages, récente invention du luxe industriel, sont des couloirs au plafond vitré, aux entablements de marbre, qui courent à travers des blocs entiers d’immeubles dont les propriétaires se sont solidarisés pour ce genre de spéculation. Des deux côtés du passage, qui reçoit sa lumière d’en haut, s’alignent les magasins les plus élégants, de sorte qu’un tel passage est une ville, un monde en miniature »5.
7Viendront bientôt les grands magasins et le développement des galeries commerçantes multipliant les vitrines comme autant de béances marchandes sur les façades des immeubles. Les rénovations haussmanniennes de Paris et, quelques décennies plus tôt, l’aménagement des passages marchands favorisent « l’expérience du flâneur, qui s’abandonne aux fantasmagories du marché »6. Ces fantasmagories marchandes prennent possession de villes entières et des foules et agissent par « intropathie », dit Benjamin, entre la marchandise et le flâneur, lesquels engagent alors leur bien curieuse conversation.
8Toute représentation visuelle disposée dans l’espace urbain – publicité, statue commémorative, œuvre d’art, etc. – prend ainsi position dans un champ circulatoire. Il s’agit toujours d’un artefact ostensiblement installé sur le trajet des usagers de la cité, comme sur celui du flâneur baudelairien. Sous le rapport particulier observé par Benjamin, l’image publicitaire de la marchandise fantasmagorique, contrairement aux statues et autres œuvres de plein air, est une représentation éphémère en permanent renouvellement, trouvant à multiplier ses emplacements pour transformer toujours davantage le champ de vision public en champ publicitaire. Sous cet aspect de l’éphémère renouvelé, le graffiti se constitue en alter ego ironique de l’image publicitaire auprès de laquelle il surgit de façon intempestive.
9Le statut de « création artistique », acquis de haute lutte par le graffiti depuis les années 1970, n’est pas sous-estimé par le monde marchand et ses médias prolifiques qui recrutent aujourd’hui parmi les artistes de la discipline et offrent à ces transfuges un accueil munificent au sein de l’art contemporain. Le monde publicitaire croit rendre ainsi la monnaie de sa pièce à celui du graffiti. Ainsi, Times Square, haut lieu newyorkais de débauche publicitaire et d’éblouissement numérique, suspend sa propagande marchande pendant cinq minutes tous les soirs avant minuit pour accueillir sur ses écrans monumentaux les œuvres de street-artistes promis ainsi à un adoubement international. Chaque mois, en effet, l’un d’entre eux est à l’affiche. Sherry Dobbin, Partner at Futurecity, directeur du projet, déclare chercher « des artistes émergents aussi bien qu’établis, avec une variété de style et [être] toujours intéressé par ceux qui veulent s’amuser avec l’espace public ». Le projet œcuménique a son slogan : « Collaborates with contemporary artists to experiment and engage with one of the world’s most iconic urban places »7. À minuit, les quarante-cinq panneaux consacrés au projet « Parallel connections » reprennent possession de leur être publicitaire. Ces cinq minutes consacrées à « s’amuser avec l’espace public » sur Times Square suffiraient à montrer qu’en disposant du même lieu, art et publicité ne sont plus fondamentalement distincts et voient même leur différence ontologique se réduire considérablement. Art et publicité peuvent, en effet, cohabiter, et « s’amuser », dans le même « espace public ». L’identité de lieu permettrait d’opérer un échange qualitatif entre « les substances iconiques ». Cela étant, contrairement aux graffeurs délinquants qui atteignent nuitamment les lieux de leurs délits, ceux qui accèdent aux lumières de Times Square se sont bel et bien soumis aux autorités des lieux.
10Le graffiti, faut-il insister, est une subversion du lieu. Lorsque le graffeur Banksy se faufile des limites de Bethléem jusqu’au mur de séparation construit par les Israéliens pour y réaliser un trou béant au pochoir au travers duquel apparaît une plage tropicale bordée de cocotiers, il investit un lieu qui constitue le signe majeur de l’œuvre. Il ne lui suffisait pas, en effet, d’accéder au support, à la simple surface murale nécessaire à l’exécution picturale, il lui fallait ce mur-là. Le thème onirique renvoyant au monde dont les Palestiniens sont fondamentalement séparés ne constitue que le discours « platement » explicite de l’œuvre dont la puissance effective réside dans l’immanence du lieu. De quelque manière, le lieu constitue la valeur connotative de tout graffiti. Parmi les premiers graffeurs européens, Harald Naegeli, connu sous le seul nom de « Sprayer von Zurich » jusqu’à la fin des années 1970, essaimait de nuit ses graffitis dans divers quartiers de Zurich. Il fut identifié en 1980, arrêté et condamné à neuf mois de prison pour vandalisme. Réfugié tout d’abord en Allemagne et visé par un mandat d’arrêt international, il est rattrapé au Danemark en 1984 et renvoyé en Suisse pour y purger sa peine. Les quelques dix premières années de la carrière de ce graffeur obstiné montrent combien l’art du graffiti est aussi une pratique de la fuite, du mouvement permanent. Avant même que la justice ne prononce son verdict, le graffeur est expert en jeu de cache-cache. Revenant rarement s’ébaudir deux fois dans le même lieu, il élargit sans cesse son territoire d’action, multipliant et diversifiant les lieux de ses méfaits graphiques. La recherche inapaisable de nouveaux lieux constitue si crucialement la pratique du graffeur, qu’elle devient la part la plus importante de son objet graphique. Naegeli choisit ainsi d’intégrer ses dessins dans un champ où préexistent toutes sortes d’objets : poignée de porte, compteur électrique, serrure, dénivelé ou défaut dans la maçonnerie, etc. sont incorporés dans le tracé du graffiti. Ainsi, le graffiti est une émanation du lieu.
11L’inspiration graffitiste se dévoile donc, non par une thématique privilégiée de l’auteur en mouvement, mais par l’exploitation congrue qu’il fait du lieu choisi, nous pourrions dire du méta-lieu choisi. Le lieu dans le lieu constitue une forte valeur ajoutée du graffiti, ajoutée jusqu’à souvent en déterminer l’entière valeur. De nombreux graffitis d’Harald Naegeli sont exécutés dans les angles des murs et non sur les surfaces où les motifs pourraient se déployer sans obstacle. Les figures filiformes qu’il réalise à la bombe aérosol semblent fuir la surface plane et ouverte d’où ils partent pour se réfugier dans les angles, dans les encoignures, comme pour surdéterminer l’improbabilité du champ auquel ils accèdent. Même si, par définition, un graffiti peut se hasarder n’importe où, c’est ce « n’importe où » qui justifie une recherche du lieu (presque) impossible. Le lieu dérobé par l’artiste semble vouloir se dérober au projet pictural sans y parvenir. Ainsi, le graffiti est exposé malgré tout. Il affirme sa visibilité jusque dans l’espace réduit à la portion congrue, quand l’exposition autorisée – celle qu’aménagent les musées, galeries ou salons –, veille à diriger le regard du spectateur dans le champ ouvert des murs pourvus de cimaises assurant un partage régulier de l’espace. Mais le graffiti ne proclame pas seulement son exposition envers et contre la confiscation des lieux sociaux par les administrations de contrôle public, il démontre qu’une œuvre aussi mineure soit-elle, prétendant néanmoins au statut d’œuvre, n’existe que par l’exposition à laquelle elle parvient par le lieu qu’elle conquiert à cette fin.
Subversion du lieu et tentation du cadre
12On peut imaginer une œuvre réduite à la plus simple expression qui soit, une œuvre portée au degré zéro de performance artistique, où la main de l’artiste ne serait (presque) pas intervenue, une œuvre comme celle que Marcel Duchamp a explicitement cherché à produire en inventant le ready-made, et parvenir pourtant à lui conquérir un lieu d’exposition, presque toujours par effraction dans le consensus artistique d’une époque qui dispose de ses lieux jalousement gardés.
13Le tableau Quadrangle ou Carré noir sur fond blanc constitue l’acte suprématiste par lequel Kasimir Malevitch illustre l’effacement de l’objet visible dont ne subsiste, sur un fond blanc, que ce qu’il est encore possible d’exposer : du noir. L’artiste illustre ainsi Le Monde sans objet ou le repos éternel8, qui n’est pas sans rappeler la seule activité que les Grecs prêtaient à leurs dieux, celle de la theoria, la « contemplation bienheureuse » du Cosmos9. C’est d’ailleurs l’organisation de l’Exposition 0.10, à Pétrograd en 1915, où Malevitch rassembla dans une même pièce trente-neuf de ses toiles, qui peut confirmer cette hypothèse. Seul Carré noir sur fond blanc fut placé dans un angle de la pièce, les deux côtés opposés de la toile appuyés contre les deux murs en angle droit, et le côté supérieur contre le plafond. Les autres tableaux, « classiquement » disposés sur les murs, soulignaient le caractère dérogatoire de cet emplacement et la vertu heuristique de son utilisation. La rencontre en angle droit de deux plans laisse apparaître la ligne où l’espace ne se poursuit plus et semble s’escamoter. De cette arrête verticale, en effet, aucune matière visible, aucune lumière, ne sourd. Nul autre lieu ne semble plus défavorable à l’exposition d’un tableau. Malevitch déjoue cette prérogative de l’angle obscur en en « murant » la profondeur avec le tableau. En dépit du châssis carré préfabriqué de la toile, qui prédestine celle-ci à l’accrochage mural, plan contre plan, il fait « rentrer » le carré dans le coin, sans lui faire « perdre sa face » lumineuse, pourrait-on dire. Le méta-lieu de la toile est délibérément indiqué au sein du lieu global de l’exposition. Ce procédé d’exposition, l’artiste l’emprunte à celui qu’on réserve aux icônes dans les maisons paysannes russes. Posée dans un angle nommé le « beau coin » ou le « bel angle » (krasnié ugol) de la pièce principale, l’icône surgit du coin sous les yeux du visiteur franchissant le seuil de la maison. Posée sur une console d’angle, l’icône n’est jamais accrochée. Image vénérée du Christ ou d’un saint qu’aucun clou ne vient meurtrir, elle est l’image vivante, celle du dieu ressuscité, désormais sans stigmate, du coin ressuscité, qui s’ouvre au monde, comme une épiphanie. Ce registre mystique était assumé par Malevitch, comme en attestera plus tard Mystic Suprématisme (croix noire sur ovale rouge). Du Monde sans objet, il reste « une couleur pure » – le monochrome – dont l’exposition suspend la disparition.
14La toile tendue sur un châssis carré, qui assigne sa forme au monochrome, est sans doute la contrainte matérielle que Malevitch, contrairement à Duchamp et aux graffeurs urbains, ne songea pas à résoudre. On a souvent évoqué une analogie entre graffitis et peintures pariétales au seul titre du support mural que ces deux genres picturaux adoptent respectivement. Meyer Schapiro fait coïncider la fin de l’art pariétal avec l’invention de la surface plane préparée pour accueillir la peinture de l’image.
« Par la clôture et l’égalité de la surface picturale préparée, l’image, s’enlevant souvent sur un fond de couleur distincte, acquit un espace défini bien à elle, en contraste avec les images murales de la préhistoire ; celles-ci devaient lutter avec les accidents et irrégularités (sortes de bruits de fond) du champ qui n’était pas moins articulé que le signe et pouvait faire intrusion en lui. L’invention d’une surface lisse et fermée rendit possible l’ultérieure transparence du plan pictural, sans laquelle la représentation de l’espace tridimensionnel n’aurait pu s’accomplir »10.
15Nous serions tentés d’ajouter que si « l’invention [de la] surface lisse et fermée rendit possible l’ultérieure transparence du plan pictural », elle témoignait dès lors d’un déplacement de l’exposition en des lieux architecturaux spéciaux. La ville, armée de ses urbanistes, architectes et paysagistes, déploie l’ensemble de ses fonctions urbaines selon des modalités rationnelles évolutives propres aux divers contextes historiques, sans parvenir néanmoins à inhiber toutes les initiatives subjectives. Contribuant à révéler l’identité dissociative de l’espace urbain contemporain, le graffiti trouve son espace de prédilection dans celui qui est fondamentalement voué à la circulation continue et où la publicité prétend imposer son monopole : le chemin de fer métropolitain. Doublet circulatoire de la ville, ville sous la ville, où les stationnements sont idéalement chronométrés, le métro se présente comme monde urbain par excellence, celui de la circulation obligatoire. Nous sommes, au sens littéral du terme, dans la ville – et la toponymie des stations souterraines s’accorde à celle de la surface –, dans les artères de la cité charriant, selon des pulsations régulières, les foules intégrées aux propriétés fonctionnelles du réseau de circulation. La place spéciale du métro dans la création des graffeurs se justifie par l’unité de lieu qui, labyrinthique, opère son déploiement en un seul régime de circulation ; la marche à pied s’articule au rail sans solution de continuité. Sauf incidents, qui déclenchent immédiatement un dispositif de correction adéquat, le minutage du flux des rames est scrupuleusement respecté. Comme vaste espace réticulé circulatoire fonctionnant à plein régime, le métro répond à l’idéal de la cité laborieuse capitaliste. C’est pourquoi, le seul spectacle qui pousse ses ramifications vers les entrailles de la ville est celui de la marchandise. Celle-ci se taille, en effet, la part chatoyante du lion sur les vastes espaces muraux dévolus à l’exposition souterraine. La publicité y règne en maître absolu du spectacle. Le métro confirme ainsi l’incipit debordien selon lequel « la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles »11. Dans sa dimension iconique tentaculaire, la marchandise s’y déploie sans partage, ou presque.
16Le graffeur Keith Haring, à l’instar de la récupération artistique commise à Times Square au profit de la propagande marchande, engageait sa création, quelques trente-cinq années plus tôt, dans un dialogue avec les images publicitaires du métro newyorkais. Chaque emplacement, loué pour une durée précise par un annonceur, était ensuite recouvert d’une page noire à la dimension du cadre jusqu’à ce qu’un nouvel annonceur n’en dispose à son tour12. Haring réalisait sur ces pages noires des dessins à la craie comme autant de discours critiques sur la publicité qu’ils côtoyaient. Il exploitait les cadres publicitaires vacants comme s’il s’agissait d’un plan spécialement dévolu au dessin, l’obsolescence programmée du support s’étendant toutefois aux graffitis qu’il y traçait. Par l’exécution rapide à trait continu de silhouettes en mouvement, il donnait naissance à une population de danseurs, hommes volants ou priapiques, contorsionnistes, bébés à quatre pattes, chiens aboyant, serpents tortillant, réveille-matin sursautant, postes de télévision, soucoupes volantes…, qui disputait un espace éphémère aux images des annonceurs publicitaires. Suivi par un photographe chargé d’immortaliser ses trouvailles graphiques autant que ses arrestations en flagrant délit de subversion des lieux, il parvint, menottes aux mains mais rapidement, à une notoriété qui le fit accéder aux galeries les plus courues et à l’installation de ses peintures dans les cadres normatifs et reconnus, que le marché de l’art proposa sans tarder au monde avisé des amateurs et collectionneurs. Dès 1982, sa première exposition à la galerie T. Shafrazi lui assura un succès newyorkais puis international qui ne se démentit plus. D’autres connurent un cursus identique : Fab Five Freddy, Jean-Michel Basquiat ou Zilon ont pris place au musée. « Qu’est-ce qu’une œuvre d’art, dit Bourdieu, sinon une œuvre qui est consacrée par le fait d’être dans un musée »13.
Le graffeur furtif dispose ainsi d’un nom et évolue désormais sous les feux de la rampe artistique. La distinction, toute relative il est vrai, entre « graffiti » et « tag » consiste à réduire le second à la seule signature de l’auteur. Ce que dit Foucault de l’auteur trouve ici un écho particulier. Les auteurs, dit-il, furent épinglés en tant que tels lorsque leurs écrits furent associés à un acte de transgression :
« Les textes, les livres, les discours ont commencé à avoir réellement des auteurs (autres que des personnages mythiques, autres que de grandes figures sacralisées et sacralisantes) dans la mesure où l’auteur pouvait être puni, c’est-à-dire dans la mesure où les discours pouvaient être transgressifs. Le discours, dans notre culture (et dans bien d’autres sans doute) n’était pas à l’origine, un produit, une chose, un bien ; c’était essentiellement un acte – un acte qui était placé dans le champ bipolaire du sacré et du profane, du licite et de l’illicite, du religieux et du blasphématoire. Il a été historiquement un geste chargé de risques avant d’être un bien pris dans un circuit de propriétés »14.
17Les surfaces considérables recouvertes du seul pseudonyme des tagueurs offrent le spectacle d’une émulation graphique où chacun d’eux semble simplement dire : « Je tague ici ! » Et lorsque les graffeurs signent leur création, ils savent s’exposer à l’interpellation judiciaire qui les mettra peut-être sur la voie de la reconnaissance médiatique qu’ils attendent.
L’ambivalence du traitement social réservé aux graffeurs, à certains d’entre eux, exemplaire néanmoins de ce qui pourrait arriver à chacun d’eux, peut être interprétée à partir de certaines propositions de Walter Benjamin15. Le graffiti, en effet, ne dispute pas seulement l’espace urbain aux flux massifs des images publicitaires – la mobilisation des légions de graffeurs insatiables permettant de déployer une activité aussi soutenue que celle des agences de pub –, il lui oppose le caractère unique de sa création. C’est le retour de la main, qui ne déposera jamais deux fois la même création dans l’espace de sa dissémination. Aussi stéréotypée soit-elle et contrainte par une dynamique gestuelle répétée, l’exécution rapide, urgente, à la bombe aérosol, qu’on peut juger répétitive et picturalement peu inspirée, propose chacun fois un motif unique. Même les réalisations au pochoir présentent à chaque exécution quelque marque singulière, des coloriages ou des bavures uniques. C’est une œuvre collective tentaculaire dont le style général est dans l’hétérogénéité des empreintes individuelles, qui s’accumulent et se superposent dans une sorte d’étreinte graphique élémentaire, imposant sa présence labile. La prolifération des graffitis enchevêtrés dans la ronde circulatoire du monde urbain, de surface et souterrain, semble étendre la disgrâce du nombre au foisonnement « anarchique » des créations. C’est bien d’ailleurs sous le principe de l’« anarchique » que la culture du graffiti s’épanouit, contrairement à celle de la publicité qui se développe dans un rapport de subordination aux logiques marchandes du monde tel qu’il est. Par la valeur déterminante du lieu, dont l’unité se dégage d’une activité graphique collective libre et sans cesse reconduite, par la présence contradictoire qu’elle oppose à l’exposition publicitaire dominante, expression d’un monde auquel le monde marchand s’emploie à confisquer l’espace, la réalisation des graffeurs se donne comme l’exposition d’une utopie en prise sur le réel. Son lieu idéal n’est pas une île ou les berges d’un fleuve tranquille lointain et protégé, il est celui qui s’étend sur le corps de la ville industrieuse et de ses faubourgs sinistres ou sinistrés. Mais cédant parfois à la tentation de la reconnaissance publique, contrepartie d’un rangement artistique et social, les artistes graffeurs qui « finissent » aux musées, dans les galeries ou les foires d’art contemporain, abandonnent cette utopie pour l’« hétérotopie » dont parle Michel Foucault16. Ils entrent, au sens littéral, dans les cadres picturaux et ceux des lieux d’exposition et dialoguent désormais avec le marché.
Cette réaffectation idéologique opère également sur les peintures de maîtres. Fussent-elles, en effet, dépouillées de leur « aura »17 par le régime massif de reproduction photographique auquel elles sont soumises, des œuvres de grands maîtres accèdent à une popularité sans précédent dans l’histoire de l’art. La laitière de Vermeer, effigie baroque convertie aux projets marchands du fabricant de yaourts Chambourcy, en sait quelque chose. Le musée de la Publicité, d’ailleurs, initialement musée de l’Affiche, a intégré le musée des Arts décoratifs de Paris au palais du Louvre, devenant ainsi le haut-lieu habilité à procéder à la transformation alchimique d’une quelconque série graphique en œuvre d’art. Le spécimen d’affiche qui entre au musée, délié de la série au sein de laquelle il naquit, quand la série elle-même ne connaît qu’une existence éphémère, se voit insufflé, tel le Golem légendaire, le facteur hic et nunc dont parle Benjamin, l’« existence unique » de l’objet singulier, présenté aux regards publics en un lieu spécial et protégé. Mais bien avant une telle consécration, que ce soit par l’allusion, l’imitation ou le détournement, ou même par l’originalité de la représentation ou du traitement graphique, il n’est pas d’image publicitaire qui ne prétende à quelque titre au statut d’œuvre d’art. Seule sa prolifération en diffère le moment.
A contrario, l’unicité du graffiti, la figure isolée tracée par un individu circulant furtivement dans l’espace public, est recouverte par la houle des créations clandestines. L’univers du graffeur est celui qu’occupent tous les autres graffeurs, si bien que chacun d’eux contribue à une œuvre collective qui s’étend sur et sous la ville et dont le spectateur circulant ne perçoit que la séquence traversant son champ de vision. Les créations voient ainsi leur subjectivité subordonnée à une œuvre englobante dont seul le flâneur baudelairien selon Benjamin parviendrait à percevoir l’aura. Cette œuvre s’étend sur une « toile » urbaine qu’aucun musée n’est en mesure de contenir. C’est ainsi que Raymond Roussel imagine une œuvre composite trop vaste pour être exposée autrement que dans un parc immense. Ce parc, Locus Solus, se déploie au fur et à mesure du récit étrange que le savant et inventeur Canterel fait à ses invités lors d’une promenade avant le déjeuner : une danseuse en un diamant d’eau, la tête vivante de Danton, huit tableaux vivants montrant des défunts sous verre, ressuscités grâce au sérum conçu par le narrateur18… Les lieux successifs où sont exposées ces étranges créations ne retrouvent l’unité du Locus Solus, du « Lieu unique », que par le récit qui les englobe. La diachronie des lieux successifs qui morcellent le spectacle de l’étrangeté du parc est surmontée par la flânerie narrative qui, d’un lieu à l’autre, ressaisit l’unité de Locus Solus.
18Si la ronde des graffitis peut prétendre à une telle unité, celle des images publicitaires se désarticule sous le jeu de la concurrence impitoyable auquel ses images se livrent pour conquérir la préférence des consommateurs. Les graffitis, quant à eux, ne prétendent conclure aucun marché avec leurs spectateurs. Dans leur hâte libertaire, les graffeurs, aux interactions éphémères dans l’espace urbain, sans délégué ni mot d’ordre, constituent une société rhizomique, accueillant sans cesse de nouveaux pratiquants, en perdant d’autres, redéposant là des traces quand d’autres s’effacent ailleurs, dessinant une carte configurée d’isotopies graphiques subjectives entrecroisées, ou pour citer Deleuze et Guattari :
« […] tout entière tournée vers une expérimentation en prise sur le réel. La carte ne reproduit pas un inconscient fermé sur lui-même, elle le construit. Elle concourt à la connexion des champs, au déblocage des corps sans organes, à leur ouverture maximum sur un plan de consistance. Elle fait elle-même partie du rhizome. La carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications. Elle peut être déchirée, renversée, s’adapter à des montages de toute nature, être mise en chantier par un individu, un groupe, une formation sociale. On peut la dessiner sur un mur, la concevoir comme une œuvre d’art, la construire comme une action politique ou comme une méditation »19.
19Le graffiti s’affirme comme un combat contre les entreprises de la reproductibilité de masse. Cette création rhizomique de l’unique pullulant semble opérer un retour du refoulé de l’œuvre d’art dans les lieux mêmes qui la bannissent, mais remarquablement propices aux intrusions les plus diverses. Se disputant l’espace public avec d’autres représentations spectaculaires, le graffiti agonistique expose son auteur, comme on l’a vu, aux ripostes pénales. Mais ce qui semble constituer son caractère et son pouvoir natif, c’est son impossibilité structurelle à adopter le cadre, l’encadrement, pour conserver son entière disposition à posséder un lieu. Dans le cas contraire, une métamorphose ontologique le déchoit de la classe des graffitis. Le cadre, en effet, reste dévolu aux œuvres qui cherchent preneurs ; faites pour le cadre, elles sont conçues amovibles, et peuvent circuler au titre de la valeur d’échange qui leur est associée. Elles trouvent donc l’accrochage hétérotopique opportun dans un lieu où est prévu leur décrochage et leur rotation régulière. Sans cadre, le graffiti se déploie parmi ses « congénères » dans l’espace marqué des seules particularités architecturales du lieu. Il est au mur ce que le mur est au lieu et le lieu au monde urbain déployant ses axes et ses méandres.
Bibliographie
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Notes
1 Merleau-Ponty M., L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard (Folio), 1964-1985, p. 26.
2 Malamoud Ch., « Village et forêt dans l’Inde brahmanique », dans Cuire le monde. Rite et pensée dans l'Inde ancienne, Paris, La Découverte, 1989.
3 Monnet J., « Ville et loisirs : les usages de l’espace public », Historiens & géographes, n° 419, 2012, p. 201-213.
4 Benjamin souligne que cette occultation du fait privé dans l’espace public prend sa revanche dans l’intérieur bourgeois : « L’intérieur n’est pas seulement l’univers du particulier, il est encore son étui. Depuis Louis-Philippe on rencontre dans le bourgeois cette tendance à se dédommager pour l’absence de trace de la vie privée dans la grande ville. Cette compensation il tente de la trouver entre les quatre murs de son appartement » (Benjamin W., Paris, capitale du xixe siècle, Paris, Allia, 2009, p. 68).
5 Benjamin W., Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1982, p. 57.
6 Benjamin W., Paris, capitale du xixe siècle, Paris, Allia, 2009, p. 8.
7 Cf. http://arts.timessquarenyc.org/times-square-arts/index.aspx.
8 Malevitch K., Le suprématisme : le monde sans-objet ou le repos éternel, Infolio, 2011.
9 Papaioannou K., La consécration de l’histoire, Paris, Champ libre, 1996.
10 Schapiro M., Style, artiste et société, Paris, Gallimard (Tel), 1982-1990, p. 8.
11 Debord G., La société du spectacle, Paris, Champ libre, 1971, p. 9.
12 Dans les années 1980, les affiches publicitaires du métro newyorkais étaient collées dans un cadre proéminent de dimensions relativement modestes, les cadres étant souvent placés côte à côte.
13 Bourdieu P., Raisons pratiques, Paris, Seuil (Points), 1994, p. 199.
14 Foucault M., « Qu’est-ce qu’un auteur », dans Bulletin de la Société française de philosophie, 63e année, no 3, 1969, p. 84.
15 L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1939-2013). La critique, fort sévère, que Hennion et Latour font des thèses de W. Benjamin, fondées par certains aspects, néglige étonnamment ce que Benjamin entend par « œuvre d’art » (Hennion A. et Latour Br., « L’art, l’aura et la technique selon Benjamin, ou comment devenir célèbre en faisant tant d’erreurs à la fois… », dans Les cahiers de médiologie, 1996/1, p. 235-241). Voir aussi, les réserves plus nuancées de Heinich (Heinich N., « L’aura de Walter Benjamin. Notes sur l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », dans Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 49, 1983, p. 107-109), ou Schmider (Schmider Chr., « La dialectique de l’authenticité chez Walter Benjamin. Enjeux politiques et esthétiques », dans Noesis, n° 22-23, 2014, p. 29-42).
16 « On pourrait supposer […] une sorte de description systématique qui aurait pour objet, dans une société donnée, l’étude, l’analyse, la description, la “ lecture ” […] de ces espaces différents, ces autres lieux, une espèce de contestation à la fois mythique et réelle de l’espace où nous vivons ; cette description pourrait s’appeler l’hétérotopologie » (Foucault M., « Des espaces autres », dans Dits et écrits (1984), Paris, Gallimard, t. IV, no 360, 1994, p. 752-762).
17 Benjamin définit ainsi l’aura : « La définition de l’aura en tant qu’“apparition unique d’un loin, si proche soit-il” ne constitue rien d’autre que la formulation de la valeur culturelle de l’œuvre d’art dans les catégories de la perception spatio-temporelle. Lointain est le contraire de proche. Le lointain essentiel est l’inapprochable. En effet, un trait essentiel de l’image culturelle est son inapprochabilité. Elle demeure, de par nature, “un lointain, si proche soit-il”. La proximité possible de sa matérialité ne porte pas atteinte à son lointain, qu’elle conserve une fois apparue » (Benjamin W., L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Payot & Rivages, (1939) 2013, p. 60).
18 Voir l’excellente « cryptanalyse » de Kerbellec (Kerbellec Ph. G., Comment lire Raymond Roussel : Cryptanalyse, Paris, J.-J. Pauvert et compagnie, coll. « Bibliothèque rousselienne », 1988).
19 Deleuze G. et Guattari F., Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2, Paris, Minuit, 1985, p. 20. La métaphore du rhizome est reprise par Thierry Lefèvre à propos du mouvement Stopub et ses actions militantes dans le métro parisien (Lefèvre, 2004).
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About: Charles Illouz
Charles Illouz, professeur à l'université de La Rochelle, chercheur au laboratoire CRHIA EA 1163, est anthropologue, spécialiste des sociétés austronésiennes (Océanie et Indonésie), sur lesquelles il a publié ouvrages et articles relatifs à la mythologie, l'organisation sociale et l'histoire en anthropologie. Il s'intéresse aujourd'hui aux théâtres populaires de Java Est et adopte diverses voies comparatistes pour interroger également les créations occidentales de l'art moderne et contemporain