Catherine, conservatrice ou progressiste ?
Laboratoire d’Anthropologie Politique, CNRS-EHESS
1De sainte Catherine d’Alexandrie, rayée du calendrier liturgique par le Saint-Siège en 19691, les traditions populaires ont conservé des rituels à l’occasion desquels « filles à marier » et « vieilles filles2 » sont assignées à des places et à des destins, les unes promises à la conjugalité, les autres à l’abstinence éternelle. Nous comprenons donc aisément pourquoi le patronage de la sainte a pu faire l’objet de certaines critiques féministes.
2Mais qui est donc cette sainte ? Que nous révèlent sa légende et son hagiographie ? Quels rôles religieux ou moraux a-t-on fait jouer à cette sainte patronne à travers la réalisation de rituels ? Quels sens et efficacités symboliques ont ces derniers pour les femmes placées sous le patronage de Catherine ? Quand et pourquoi sont-ils entrés en dissonance avec certaines valeurs sociales associées au célibat et au mariage ?
3Si nous nous penchons par exemple sur le prénom de la sainte3, nous apprenons qu’il vient du grec « katharos », adjectif qui désigne la pureté. Ce que nous connaissons moins en revanche, c’est son lien avec le terme « catin », utilisé familièrement pour qualifier les prostituées4. Ce prénom situerait d’emblée sainte Catherine tant du côté de l’asexualité que du côté de la sexualité, loin de l’idée qu’une élue de Dieu incarne uniquement la foi et la pureté. La fête de la Sainte-Catherine est également marquée de ces paradoxes.
4Je voudrais donc montrer ici que cette sainte est plus ambivalente qu’elle n’y paraît, et ce en m’appuyant sur des récits, des expressions populaires, des représentations et des rituels, autrement dit, sur des mots, des images et des gestes qui disent et racontent sainte Catherine. Contrairement à ce que pensent certaines ou certains, elle n’est pas si désuète ou rétrograde que cela. Elle symbolise une certaine modernité qui en fait une figure contemporaine. C’est en cela qu’elle est à mon avis intéressante.
5À y regarder de plus près, comme je le propose dans ce texte, la sainte semble posséder une certaine disposition à la fois conservatrice et progressiste, moralisatrice et émancipatrice ; elle est actrice et sujet (c’est-à-dire assujettie), anti-féministe et féministe. Je chercherai par là à saisir les tensions qui existent entre ces pôles, les multiples facettes de la sainte et leurs traductions dans les rituels qui lui sont attachés depuis plusieurs siècles5.
La Passion d’une femme libre, arbitre de ses choix
6Dès le Moyen Âge, des récits vont contribuer à la renommée de la sainte martyre. Celui daté du xe siècle et relaté par Jacques de Voragine dans La Légende dorée6 est certainement le plus ancien et le plus connu. Ces récits racontent, chacun à leur manière, des épisodes de la courte vie de Catherine d’Alexandrie, jeune fille âgée de dix-huit ans7. Malgré la multiplicité des variantes de ces histoires, celles-ci peuvent êtres réunies et composer la trame d’un récit unique, pouvant se résumer de la façon suivante.
7En l’an 310 environ après Jésus-Christ, à Alexandrie en Égypte, Catherine, fille de roi, belle et instruite, se convertit au christianisme. Elle est condamnée pour avoir protesté contre un sacrifice aux idoles, cérémonie païenne ordonnée par l’empereur romain Maxence (Maximen). Bien qu’assurant seule sa défense, elle arrive à convaincre par la brillance de sa plaidoirie les plus grands doctes du royaume convoqués pour l’occasion. Elle ne sortira pour autant pas des geôles car, se considérant déjà fiancée au Christ, elle repousse à plusieurs reprises les avances de l’empereur qui la désire et tente de la convaincre de l’épouser. À la suite de ces rebuffades, Maxence décide de lui infliger des flagellations, puis plus tard, devant son opiniâtreté, le supplice de la roue. Celle-ci éclate et Catherine est, sur le champ, décapitée. Au lieu de sang, du lait jaillit de ses veines. Des anges s’emparent de sa dépouille qu’ils transportent sur le mont Sinaï8.
8Une autre version plus tardive, datée du xve siècle9, décrit son « mariage mystique » (appelé aussi « fiançailles mystiques »), c’est-à-dire sa conversion avant son martyre. Fière de sa personne, Catherine ne désire épouser qu’un homme de son envergure, aussi beau et intelligent qu’elle. Un ermite lui propose une rencontre ; pour cela, elle doit prier, invoquer la Sainte Vierge. À sa première apparition, la Vierge lui rapporte que son fils Jésus ne veut pas l’épouser car elle est trop laide. Attentive à la leçon, Catherine retourne voir l’ermite qui l’instruit et la baptise. Grâce à cette catéchèse, devenue pure et belle (c’est-à-dire : « belle de l’intérieur »), elle reçoit l’anneau du Christ.
9Ces deux versions alimentent l’iconographie qui contribue à la diffusion et au maintien de la légende. La roue y occupe une place primordiale. Selon sa taille, elle est assimilée à la roue du martyre ou à l’anneau reçu du Christ. Ces extrapolations interprétatives viennent asseoir le lien entre la sainte et le mariage. Ce lien est éminemment ambivalent : son mariage n’étant pas consommé sexuellement, nous comprenons les hésitations qui président au choix des formulations de « mariage » ou de « fiançailles » mystique(s). Mais elles expliquent que Catherine d’Alexandrie soit vénérée autant par les jeunes filles (à marier et encore vierges) — ce qui lui vaut d’être une Sainte Marieuse — que par les vieilles filles (non mariées et demeurant vierges).
10Si les écritures qui rapportent la Passion de sainte Catherine sont masculines et montrent le chemin vers une confession chrétienne et une alliance nuptiale mystique, elles permettent de deviner, entre les lignes, la vision d’une jeune femme indépendante d’esprit, comme en témoigne l’épisode de son grand oral. Elle sait faire valoir ses convictions et convaincre son assistance. Le refus des avances de l’empereur apparait alors comme l’expression d’un libre arbitre, protégeant son destin de femme non soumise à une volonté masculine dominatrice.
11Ainsi, sainte Catherine cristallise en elle des langages antinomiques, articulant beauté et laideur, asexualité et sexualité (en devenir), maîtrise de la parole et silenciation — comme pour mieux signifier ce qu’est un ordre moral, et son contraire : un désordre.
Catherine n’est pas Marie Madeleine, quoique !
12La comparaison entre Catherine et Marie Madeleine, l’une vierge, l’autre pas10, que tout semble opposer sinon le doute porté sur leur existence, est particulièrement intéressante pour décrypter la charge symbolique donnée aux cheveux de ces deux femmes. Chez Marie Madeleine, sainte séductrice et pécheresse, les cheveux jouent un rôle central dans les compositions narratives et performatives associées à cette figure, en tant qu’ils symbolisent la sexualité au féminin11. Dans un texte lumineux consacré à Marie Madeleine, Daniel Arasse revient en ces termes sur sa chevelure :
Ses cheveux, ce seraient ses attributs féminins […]. Mais du coup, ils sont un peu particuliers comme attributs parce que, en général, aux femmes, leurs attributs féminins, quand on les voit, c’est qu’elles ne les ont plus […] mais les cheveux de Madeleine, personne ne lui les coupe […]. Du coup, comme je disais, ses cheveux ne sont pas un attribut comme les autres. En fait, ses cheveux sont son attribut féminin ; ils sont son image de femme, la manifestation de son corps femelle, tellement exubérante qu’elle nous empêche de rien voir12.
13Marie Madeleine n’existerait pas sans ses cheveux, ceux-ci font partie — dirions-nous aujourd’hui — de son identité de femme et « c’est pour ça qu’on ne peut les lui arracher ou les lui couper » (OYVR, p. 102). Dans les nombreuses peintures ou gravures de cette sainte populaire, l’usage iconographique était de la représenter tantôt au moment de sa rencontre avec le Christ, ses longs cheveux retombant alors sur ses épaules, tantôt dans le désert où elle s’est retirée après s’être repentie, sa chevelure couvrant alors son corps dénudé. Cependant, lorsqu’elle est représentée en situation de repentance et conversion, ses cheveux sont le plus souvent tressés, parés d’une voilette, rassemblés dans une coiffe ou totalement couverts. Ce changement d’apparence manifeste le glissement qui s’est opéré entre le statut de prostituée et celui de repentie faisant vœux de chasteté. L’image de Marie Madeleine qui s’impose est alors celle d’une discrète impudique. Ainsi, « Ses cheveux châtains semblent désordonnés par une brise. Ce détail l’éloigne de l’apparence des “jeunes filles modèles” […] dont la coiffure élaborée relevait les cheveux au-dessous de la nuque. Les cheveux magdaléens, le long du dos, sont tenus en une seule queue de cheval par un simple ruban qui semble pouvoir se défaire à tout moment13. »
14Qu’en est-il du traitement pictural des cheveux de sainte Catherine ? Est-il différent selon les épisodes représentés de la légende ? Catherine nous est montrée tantôt couronnée, souvent auréolée, les cheveux longs dénoués sur les épaules, tantôt avec les cheveux apprêtés, retenus derrière la nuque. Ici la conversion n’est pas incarnée par une autre manière de se coiffer, ou par l’obligation de se couvrir la tête qui soulignerait clairement ses vœux de chasteté. Le coiffage des cheveux est pourtant au cœur des rituels qui entourent cette sainte — j’y reviendrai plus tard. Sans doute ce point réunit-il Marie Madeleine et Catherine : il s’agit de dompter les cheveux, symbole sexuel de la femme déjà érotisée pour la première, et de la jeune pubère en devenir d’érotisation pour la seconde.
15Mais Catherine n’est pas Marie Madeleine. Elle est encore vierge et pure ; elle se fiance et se marie sans consommation sexuelle. C’est une femme pubère qui ne sera pas déflorée, jeune fille à marier et vieille fille à la fois. Elle sait refuser des avances et ne se prête pas au jeu de la séduction. Elle se réserve pleinement à l’époux qu’elle a choisi et qui l’a choisie. Autrement dit, son incarnation prépare la jeune fille à marier à ce qu’elle adviendra après son mariage : une épouse dont la défloraison annonce une sexualité conjugale dans l’alcôve intime. Catherine n’est pas Marie Madeleine, quoique ! Si elle n’est pas prostituée et ne pratique pas la sexualité hors mariage (une sexualité du plaisir et indocile au service de la reproduction), son prénom, comme nous l’avons signalé précédemment, renvoie au terme « catin » qui sans ambiguïté définit familièrement une femme publique.
16Ainsi, les deux saintes tout à la fois se distinguent et se ressemblent. Elles condensent plusieurs modèles féminins qui s’opposent. L’amoralité supposée de l’un de ces modèles est là pour insister sur la moralité de l’autre. « Avec Madeleine, les femmes savent à quoi s’en tenir et comment faire » (OYVR, p. 114), affirme Daniel Arasse, et j’ajouterai : avec Catherine également. La représentation des cheveux des deux saintes sert à énoncer discrètement les règles d’un ordre moral et social. Prolongeant ces légendes, les rituels de la Sainte-Catherine, dont les origines médiévales restent vagues14, viennent rappeler aux jeunes et vieilles filles placées sous son patronage combien leur destin est lié au mariage.
« Coiffer sainte Catherine » : un bonnet bien ordonné
17Les rituels religieux et populaires auxquels je m’intéresse concernent principalement la classe d’âge des filles à marier qui ont entre 15 à 25 ans, et celles des vieilles filles qui ont 25 ans et plus. Les couleurs qui leur sont associées correspondent aux couleurs hagiographiques de sainte Catherine : le blanc et le rouge pour des pubères et le jaune et le vert pour les vieilles filles, reprises pour les « catherinettes ». Aujourd’hui, il nous reste de ces traditions populaires les célébrations de catherinettes, célibataires de 25 ans, fêtées dans de nombreux milieux professionnels et, en particulier, dans la haute couture.
18Dans nombre de régions françaises, au moment de la Sainte-Catherine, le 25 novembre, il était coutume que les jeunes filles aillent coiffer d’une couronne ou d’un voile, à l’aide d’épingles, l’effigie de cette sainte marieuse, le voile faisant référence à la cérémonie nuptiale à laquelle elles aspirent. Cette pratique, inspirée de celle du mariage, trouve son origine dans l’habillage des saints et des saintes qui, à cette occasion et à la suite d’une messe, étaient porté·e·s en procession15. Elle va ancrer durablement dans le temps la tradition du bonnet de sainte Catherine, fixée également par l’expression « coiffer sainte Catherine » qui remonterait aux xvie–xviie siècles et prend donc sens au propre comme au figuré.
19Ce rituel agit comme un miroir renvoyant et préparant à un état futur, en distinguant bien les filles à marier des vieilles filles. Il dicte les conduites des unes et des autres. Pour marquer la différence, il est dit des premières qu’elles « coiffent sainte Catherine » et des secondes qu’elles « coiffent définitivement sainte Catherine », signifiant qu’elles resteront éternellement sous son patronage. Les unes rêvent de mariage quand les autres y ont renoncé.
20Pour comprendre le sens de ce rituel, il faut le resituer dans le contexte plus général de l’éducation religieuse et sociale des filles. Vers 12 ans déjà, lors de leur communion solennelle, les filles devaient revêtir l’aube et le voile blanc, prémices des obligations à venir. L’entrée dans la classe d’âge des filles à marier, 15 ans étant l’âge requis pour contracter le mariage, était marquée par l’injonction à mettre de l’ordre dans ses cheveux, à les couvrir d’une coiffe16. Cette injonction visant le quotidien répondait à celle du rituel de Sainte-Catherine. Comme sainte Catherine, les jeunes filles « belles et séduisantes » devaient apprendre la réserve et la prudence. Il faut dire que, dans la société paysanne et catholique du xixe siècle, le 25 novembre ouvrait la saison des rites de courtoisie, des bals et par là des rencontres.
21Après 25 ans, âge qui mettait fin à la tutelle des parents pour contracter un mariage, les jeunes femmes sortaient du groupe de jeunesse et n’étaient plus considérées comme promises. Leur statut changeait alors au regard de la société ; comme les sœurs qui rentrent dans un ordre religieux, elles portaient symboliquement à jamais le voile.
22Si nous repensons à la légende et à la scène du mariage mystique, l’acte de mariage y est entendu à la fois comme une perspective actualisant le statut d’épouse et ouvrant la possibilité de devenir mère, via une sexualité consommée, et comme un renoncement fixant l’état de célibataire, dû à une sexualité non consommée. La figure de sainte Catherine permet de tenir ce double langage, au cœur de ces rites de passages populaires17.
« Sainte Catherine n’a pas d’aiguille, saint Nicolas lui en passera »
23La question de la sexualité est une constante. C’est grâce aux langages des épingles et des aiguilles que les jeunes filles à marier apprennent, durant l’année de leurs 15 ans et en se rendant chez la couturière, les étapes auxquelles elles doivent se conformer pour devenir une femme mariée. C’est de cette manière qu’elles apprennent à faire la différence entre l’épingle et l’aiguille18, la retenue et le plaisir.
24L’épingle leur sert à fixer leur coiffe et à les protéger (parce qu’elle pique). L’épingle se retrouve dans les rituels propitiatoires permettant de trouver un mari : elle est jetée dans certaines fontaines, piquée dans une statue. Elle retient aussi le voile de leur sainte patronne. À ce titre, elle est devenue l’attribut de ces jeunes femmes. Entrer dans la puberté n’est pas encore entrer dans la sexualité, mais travailler leur féminité, s’enquérir de leurs rôles futurs. La nuit de noce venue, l’époux retirera l’épingle du voile nuptial dans l’alcôve conjugale. L’aiguille vient alors la remplacer. L’expression « Sainte Catherine n’a pas d’aiguilles, saint Nicolas lui en passera19 » est, à ce sujet, très explicite, le chas de l’aiguille symbolisant la sexualité pénétrative.
25Le destin féminin tient donc au bout d’une aiguille… Nous comprenons mieux le rôle de l’éducation « couturière » des filles. Il s’agit moins pour elles de se former à la couture que d’apprendre à être une épouse et une mère, capable de prendre soin d’elle et de son foyer. D’ailleurs, l’activité de la couture n’est pas étrangère à sainte Catherine qui aurait été formée à l’art des ouvrages de soie, ce qui lui vaut d’être également la patronne des raccommodeuses20, des couturières et des modistes.
26Les ateliers de couture regroupent du reste les classes d’âge placées sous son patronage : les filles à marier et les vieilles filles, car après le mariage, les ouvrières quittaient généralement l’atelier21. Ils sont aussi les lieux des confidences, de la transmission. Les chansons qu’elles susurrent à la tâche ne manquent pas de faire allusion à l’aiguille.
27À la campagne comme en ville, les couturières ont par ailleurs la réputation d’être des femmes légères. Elles sont indépendantes, sorties de la tutelle des parents et sans tutelle d’un mari. La grisette est l’une de ses figures littéraires classiques : celle-ci n’est plus vierge, mais n’est pas encore mariée. Dressant son portrait en 1832, Ernest Desprez dit à son propos qu’elle a des amis de raison, comme le monsieur qui paie ses dettes, celui des dimanches, le jeune homme pour l’agrément et celui de cœur, son « Guguste » qu’elle garde pour mari22. Ainsi, la grisette pratique une sexualité hors mariage, ce qui la situerait du côté de l’immoralité et la rapprocherait de Marie Madeleine. Si elle est entretenue ou se prostitue, c’est pour arrondir ses fins des mois, son salaire étant insuffisant pour vivre. Mais elle peut se retrouver enceinte, un accident est vite arrivé. Les couturières sont en effet souvent des filles-mères23.
28Nous cernons mieux alors le rôle donné aux couturières dans l’éducation des filles, car elles possèdent ce double savoir de la féminité et de la sexualité, ce qui justifie encore la place privilégiée qu’occupe sainte Catherine auprès d’elles.
29Lors de la fête patronale et corporative qui les rassemble le 25 novembre, apparue semble-t-il à Paris au xixe siècle, les attributs symboliques mobilisés semblent bien empruntés aux rituels décrits précédemment. Nous assistons cependant à un glissement de ces attributs de la sainte vers les filles. Ce n’est plus simplement la statue de la sainte qui est coiffée, mais aussi et surtout les ouvrières qui se couvrent la tête de chiffons, de nœuds ou autres fioritures. Parmi elles, les catherinettes âgées de 25 ans se distinguent de leurs collègues par leur bonnet blanc, décoré de rubans vert et jaune et de fleurs d’oranger. Celui-ci prendra par la suite la forme d’un chapeau aux mêmes couleurs et souvent offert par la maison qui les emploie. Le bonnet que porte la catherinette à cette occasion signale aux yeux de tous son état de célibataire et, par là, sa disponibilité au mariage. L’Église contribue un temps à sacraliser cet accessoire. Dans le 2e arrondissement de la capitale, au cœur du Sentier, ont lieu des bénédictions de bonnets de catherinette, dans l’enceinte de l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle. Celles-ci prennent également place au pied d’une statue de sainte Catherine nichée au premier étage d’un immeuble à l’angle des rues de Cléry et Poissonnières24. Des messes dédiées à la sainte seront même organisées de 1926 à 1969 (jusqu’à sa sortie du calendrier liturgique).
30Les catherinettes ne sont alors plus tout à fait les vieilles filles stigmatisées des campagnes, objets de charivaris et d’une mise au ban de la société, même s’il existait dans certaines régions de France des rituels leur permettant, toujours lors de la Sainte-Catherine, de changer de statut et d’endosser celui de « veuve », thématique également exploitée par la caricature25. Malgré le conservatisme qui stigmatise toujours le célibat prolongé, par leur joie et l’espace de liberté qu’elles offrent, ces fêtes anticipent en quelque sorte le déclin du mariage et les prises de paroles de femmes des années 1960 et 1970.
« Pour le meilleur et pour le rire » : simulacres de mariage
31Pour autant, le mariage restera au cœur du rituel de Sainte-Catherine, faisant parfois l’objet d’humour. Le cérémonial de la pose de la coiffe blanche ornée de fleurs d’oranger sur la tête de la catherinette renvoie à celle de la mariée dont le voile blanc témoigne de sa virginité. Dans les milieux professionnels de la couture et d’autres secteurs, c’est souvent à un homme ou à un·e responsable hiérarchique que revient la charge de le lui retirer en fin de journée, et là encore le geste rappelle la nuit de noce durant laquelle, ôtant épingle par épingle le voile, l’époux décoiffe la mariée, autrement dit la déflore, lui fait perdre sa virginité. Cette référence à la sainte peut se faire sur un ton plus ironique, comme cela m’a été rapporté dans les années 1990 : un chef de service trouva amusant lors de son discours adressé à une catherinette de lui réclamer un certificat de virginité. Bien qu’énoncée sur un ton humoristique, la demande défiant le tabou de la virginité après l’âge de 25 ans parut déplacée et provoqua un malaise.
32Plus étonnante encore a été pour moi la découverte de festivités organisées depuis 1963, à Pontivy en Bretagne par des élèves (de terminale) du Lycée privé Jeanne d’Arc–Saint-Ivy, rendant hommage, à leur façon et avec humour, à la patronne des étudiants et des jeunes filles. L’évocation du mariage se fait ici plus explicitement. De faux mariés — vrais amoureux — parfois accompagnés de leurs témoins, sont escortés par leurs camarades déguisés jusqu’à la mairie où les attend, selon les années, un ou une adjoint·e, dans la salle des mariages ou sur le parvis de la mairie26. L’assemblée assiste alors à une vraie-fausse cérémonie civile d’un mariage avec échange des consentements et baiser qui les unit « pour de faux par le mariage ». À cette cérémonie civique, s’ajoute parfois une cérémonie religieuse avec partage du « sang du christ » tout aussi fictive. La présence de faux-représentant·e·s religieux·ses (curés, moines en soutane, prêtres en chasuble verte, religieuses voilées) suffit toutefois à une évocation du religieux qui est l’occasion pour ces élèves de signifier par de gentils jeux irrévérencieux leur appartenance à cette institution scolaire catholique. Mais ici, contrairement aux enterrements de vie de célibataire qui appartiennent aussi au cycle rituel prénuptial27, les allusions sexuelles ou l’hypersexualisation des déguisements ne sont pas de mise. Et pourtant, depuis longtemps, dès qu’il est question de la Sainte-Catherine, l’évocation des débordements sexuels ou sociaux n’est pas absente de la critique journalistique dont les discours se parent d’un langage symboliquement très codifié.
« Jeter son bonnet par-dessus les moulins »
33De la fin du xixe au début du xxe siècles, les façons qu’avaient les grisettes et leurs héritières — les « midinettes », autres figures parisiennes de l’ouvrière de l’aiguille placées sous le patronage de sainte Catherine28 — de porter leur bonnet étaient très codées : bien mis sur la tête, penché sur le côté (de travers), tenu à la main ou absent29. La bienséance leur demandait de sortir tête couverte, ce qui n’était pas toujours le cas : « Mais n’est pas grisette, qui ne porte bonnet, ni semaine ni dimanche30. » La position du bonnet laissait présager leurs conduites et de ce fait dénotait leur comportement frileux ou plus certainement amoral. Une femme en cheveux est une femme disponible sexuellement. Une femme aux cheveux désordonnés est une fille désordonnée.
34En 1929, le Journal des dames des P.T.T. publie, dans ses pages, un poème intitulé « Conseils d’un bonnet à sa catherinette », qui la met en garde.
Écoutez donc votre bonnet,
Ma bien chère catherinette
Il veut vous parler en secret,
Écoutez donc votre bonnet,
Il est fort sage, il est discret,
C’est un conseiller très honnête. […]
Fuyez une tristesse vaine.
Mettre son bonnet de travers
N’a jamais bien coiffé personne.
Prendre toute chose à l’envers
Mettre son bonnet de travers […]
35Et en même temps, pour éviter de rester vieille fille, les conseils pouvaient paradoxalement être incitatifs :
C’est le jour, Catherine, Ô ma mie
Il faut maintenant vous décider
Par-dessus ce moulin à jeter
Un de ces bonnets charmants
Qu’en retour, impatiemment j’attends31 !
36Ainsi, les jeunes femmes ouvrières de l’aiguille issues de la classe populaire se devaient d’être ni trop exubérantes, ni trop sages, conformément aux normes sociales en vigueur à l’époque. Mettant la coiffe au centre du rituel, les célébrations de la Sainte-Catherine étaient alors l’occasion pour les journalistes — chroniqueurs ou caricaturistes — de rappeler aux femmes les bonnes et mauvaises manières, de jouer sur des sous-entendus gentiment provocateurs pour parler des catherinettes en fête, en déclinant toutes les métaphores associées au couvre-chef, et principalement celle de « jeter son bonnet par-dessus les moulins ». L’expression s’applique à toutes les femmes considérées comme ayant des mœurs légères, qui s’affranchissent des convenances.
37Dans les représentations, le bonnet de la jeune fille se retrouvait indifféremment, pendant ou après la Sainte-Catherine, en-dessous d’un moulin, accroché sur l’une de ses ailes (quand ce n’est pas aux quatre ailes), et surtout emporté par-delà.
38Mais comment expliquer ce lien entre le moulin, le bonnet et la sainte ? Simplement par le fait que sainte Catherine est à la fois la patronne des jeunes filles à marier et des meuniers. Par ailleurs, au xixe siècle, les moulins à vent vont progressivement se transformer en guinguettes, lieux de divertissement comme ceux de la butte Montmartre. Le Moulin de la Galette est l’un des plus emblématiques du Paris Bohème, où toutes sortes de rencontres étaient possibles, où la liberté et les rêves étaient permis. Parmi les figures montmartroises que le célèbre caricaturiste Adolphe Willette (1857–1926) a croquées, nous trouvons « Pierrette » qui incarne une fille facile fréquentant ce moulin.
[…] C’est Pierrette, dont la jupe très courte est loin d’avoir l’aspect majestueux d’une robe. Le vent, très souvent, vient caresser ses jambes, s’amuser à retrousser son cotillon et à laisser apercevoir le plus possible des mollets ronds et des jupes ornées d’un peu de dentelles. C’est alors une petite personne, ingénue et perverse, dont le bonnet voltige, ivre de liberté et d’air pur, par-dessus les moulins, par-dessus le Moulin de Galette. Gaieté, sveltesse, joliesse, beauté, elle est tout cela. […]32.
La Vie parisienne, 21 novembre 1925, source Gallica.bnf.fr/BnF
La Vie parisienne, 21 novembre 1935, source Gallica.bnf.fr/BnF
39Dans les années 1920–1930, Montmartre n’a pas perdu sa réputation festive. Les ouvrières en fête s’y rendaient pour participer au bal de la Sainte-Catherine, à des concours de chapeaux, dont certains étaient parfois décorés d’un moulin. Elles y achevaient aussi le parcours de la « marche des
40catherinettes », course de relais dont le départ était donné à Montparnasse.
41Les chroniqueurs ont régulièrement suspecté l’existence de fausses catherinettes, vraies prostituées : « On vend dans le faubourg Montmartre des bonnets de sainte Catherine pour ouvrières qui ne travaillent point : elles ne sont pas les moins bruyantes à s’en donner l’allure, coiffées de travers, et appelant la licence, qui est leur authentique profession », pouvons-nous lire dans L’Éclair le 8 décembre 1913. Plus tard, les critiques moralistes se poursuivent. Dans les pages de La Française, nous pouvons lire le 29 novembre 1924 : « Le traditionnel bonnet leur est seulement une occasion de le jeter une fois de plus par-dessus les moulins », et le 30 novembre 1935 : « Mais pourquoi faut-il vous voir passer ainsi débraillées, fripées, crottées, échevelées, le bonnet de travers ou le chapeau rejeté en arrière, la voix éraillée d’avoir trop crié, le regard tout ensemble hardi et vacillant d’avoir un peu bu, dégingandées et gesticulantes, rouges et suantes… Les plus sages d’entre vous n’échappent point, par l’un ou l’autre de ces détails, à cette vilaine apparence née de joies, hélas ! médiocres. » Les choses sont dites. Il règne le jour de la Sainte-Catherine une certaine légèreté de l’être qui agace les conservateurs.
« Nos catherinettes sont loin d’être
aussi saintes33 ! »
42Les catherinettes sont des femmes qui osent. Les festivités de la Sainte-Catherine prennent parfois des allures — aux yeux de certains chroniqueurs — de bacchanales. Elles peuvent manifester un certain désordre social.
43Même les couleurs de la sainte qui font la distinction entre les « vieilles filles » (jaune et vert) et les « jeunes filles » (blanc et rouge) prennent parfois un autre sens et viennent souligner ce désordre. De façon ironique, le jaune alors n’est autre que l’expression d’un blanc défraichi, d’une virginité qui n’a pas été déflorée, mais il est aussi paradoxalement la couleur des prostituées ou celle des cocus, un état de jouissance qui remet en question la stabilité matrimoniale. Le vert de l’espérance devient celui du malheur. L’association du jaune et du vert ne symbolise pas uniquement l’espérance d’une mise en ménage, mais renvoie plus franchement, dès la période médiévale, à l’idée de trouble, représenté par la vieille fille, au croisement de deux âges, ni enfant, ni adulte. Entre renoncement et excès, les couleurs possèdent un langage polysémique qui encore une fois rend difficile de limiter la fête de sainte Catherine à son seul sens matrimonial, et ce même si — nous l’avons compris — il s’agit, par des jeux d’inversion, de mieux désigner son rôle premier.
44Il reste qu’en ce début du xxe siècle et pour quelques décennies, un vent de folie souffle le 25 novembre dans les rues de la capitale parisienne. La fête devient pour les ouvrières de l’aiguille un espace libérateur où la transgression festive de courte durée répond à la contrainte quotidienne.
45Les femmes sortent de leurs ateliers, sous le regard amusé ou offusqué des passants. Elles occupent l’espace public considéré comme celui des prostituées, défiant ainsi les normes sociales. Mais elles bravent également les normes de genre, dans la bonne humeur, en se déguisant en homme, affrontent gentiment l’autorité en tournoyant autour de représentants de l’ordre religieux ou policier.
46Et même au sein des maisons de couture, elles répondent à leur patron, souvent avec humour, en se costumant et en décorant leur atelier, elles se transforment en jeune ingénue, sainte Nitouche, revêtent parfois la tenue du bagnard — autant de moments fixés par la photographie.
47Par là, elles dénoncent leurs conditions de travail, montrent qu’elles ne sont pas dupes des expressions hiérarchiques et paternalistes. Elles dénoncent en outre l’aliénation des femmes comme ce fut le cas en 1969 — par ailleurs année de retrait de sainte Catherine d’Alexandrie du calendrier romain — chez Patou, maison de haute couture, lors du défilé de la Sainte-Catherine intitulé « La ligue anti-pornographique part en guerre », à l’occasion duquel elles décidèrent de combattre les « vices34 ». La capacité de ces midinettes à prendre la parole les caractérise. Leurs mouvements de grève sont connus et remontent au tournant des xix et xxe siècles35. En 1975 et 1976, au moment de la Sainte-Catherine, elles sont descendues dans la rue pour protester contre le licenciement de collègues dans l’une des maisons de couture parisiennes. En 1986, elles ont célébré sur une péniche ce qu’elles avaient alors appelé « Sainte Catherine de Lutte » et si la Sainte-Catherine est une fête patronale dans les deux sens du terme, elle est aussi porteuse d’une conscience de classe.
Ronde de catherinettes autour d’un agent de police, à Paris, photographie de presse, Agence Rol, 1922. Source gallica.bnf.fr / BnF
Sainte Catherine 1909 (deux catherinettes),
photographie de presse, Agence Rol.
Source gallica.bnf.fr / BnF
48C’est sans doute cette liberté d’expression qui a conduit dans les années 1920 à un double rappel à l’ordre : à l’interdiction des monômes face aux débordements festifs, d’une part, et à la mise en place en 1926 d’une messe dite par le curé de l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, outré par les agissements des ouvrières, d’autre part.
49De la sorte, la Sainte-Catherine n’a eu de cesse d’être dans la tourmente de la critique. Et avant qu’elle ne se fasse plus discrète, moins couverte par les médias, elle sera l’objet dans les années 1970 de discours féministes divergents. Certaines pointent dans ces pratiques une « foire matrimoniale36 », expression d’un carcan normatif, d’une domination masculine (celle du mari et du patron), quand d’autres y voient le symbole d’une indépendance féminine passant par le travail de femmes sans mari. Antiféministe ou féministe, dans tous les cas, elle est et reste une fête féminine.
50Hasard probable du calendrier, depuis 1999, le 25 novembre a été déclaré par l’ONU journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes37, une journée qui n’a aucun rapport avec sainte Catherine d’Alexandrie, qui pourtant dans sa légende, doit (comme bien des saintes) son martyre à la colère d’un homme.
Une sainte composite
51Sainte Catherine cristallise donc des valeurs antinomiques. De cette femme aux multiples visages, Daniel Arasse dit qu’elle est « […] une figure composite, composée avec des traits appartenant à différentes figures. C’est le fruit d’une condensation […] Ça sert à exprimer quelque chose qu’on ne peut pas dire ou penser, parce que c’est interdit. Ni possible ni permis. La censure quoi. C’est à ça que ça sert, une condensation, à échapper à la censure tout en respectant ses conditions. » (OYVR, p. 107–108.) Ainsi, Catherine n’est pas seulement vierge et sainte, comme nous l’entendons le plus souvent, elle est, en outre, symboliquement mère et putain. Elle est une et trois à la fois.
52Catherine comme Marie Madeleine concentrent des façons contraires d’être femme. Elles incarnent plusieurs figures que tout semble opposer : vierge, future épouse, mère comme putain, autant de rôles qu’elles jouent ou plus exactement que nous leur faisons jouer.
53Loin de la légende et des rituels de sainte Catherine et en même temps si proche, la version orale du conte du Petit Chaperon rouge38 comme le roman La Mère, la Sainte et la Putain de l’écrivaine Wendy Delorme (2012)39, ne racontent-ils pas l’histoire d’une fille qui subit ou assume chacun de ces trois rôles ? Une manière de dire que tout est possible, une manière encore de faire tomber certains préjugés…
54Et comme ces personnages, si Marie Madeleine a été inventée, « […] c’est pour qu’elle serve surtout aux femmes. Elle est leur destinée, c’est leur sainte à toutes, la sainte “spéciale femme” » (OYVR, p. 109). « En fait, pour le dire sérieusement, quand ils ont inventé Madeleine, ils ont construit un triangle dans lequel les femmes jouent leur destin » (OYVR, p. 113) et il n’en est pas autrement de Catherine.
55Ces saintes servent donc de modèles aux autres femmes, leur montrent par des voies détournées les chemins possibles à prendre. Derrière leurs histoires, s’immisce un brin de morale, car l’enjeu qui s’y cache tourne autour du célibat autant que de la sexualité féminine, des bonnes et des mauvaises pratiques sexuelles.
La sexualité est donc le lieu où s’exercent de très fortes normes et contraintes, profondément intériorisées et cristallisées dans les institutions propres à chaque société. Elle est pour cette raison même, à la fois dans l’imaginaire et dans la réalité tangible, un des sites privilégiés de la domination et de la soumission, de l’oppression et de la libération, de la dépendance et de l’émancipation, de l’intégration et de la division. L’imaginaire social des sexualités traverse l’ensemble des rapports sociaux, dans leurs dimensions symboliques et idéologiques autant que dans la forme concrète des relations interpersonnelles40.
56L’interprétation contemporaine que je propose bouscule les représentations communes que nous avons de la Sainte-Catherine. Elle montre que la sainte, avec la légende, les rites et l’imagerie populaire qui l’ont largement popularisée, porte en elle la possibilité d’expressions plurielles et paradoxales : conservatisme et progressisme, moralisme et féminisme. Elle nous conduit à oser dire que cette sainte a quelque chose à voir avec les femmes de notre temps. N’est-ce pas les couturières et les catherinettes — ces femmes émancipées ou tout du moins voulant s’émanciper — qui l’ont adoptée comme patronne ?
Sainte Catherine, image imprimée par Pinot et Sagaire, vers 1870, © Réseau Canopé — Le Musée national de l’Éducation, 1979.03715.
Vayron, Sainte Catherine patronne des demoiselles, lithographie, vers 1840, © Réseau Canopé — Le Musée national de l’Éducation, 1979.03712.
Notes
1 Ce qui n’a pas entamé sa popularité.
2 D’autres patronages existent, peu connus aujourd’hui : ceux des écoliers, étudiants, philosophes, potiers, charrons, meuniers, raccommodeurs… qui semblent avoir moins résisté au temps. Les couturières et les modistes qui se reconnaissent en sainte Catherine seront placées sous son patronage bien plus tardivement, a priori dans le courant du xixe siècle.
3 Michel Valière, Catherine. Un prénom à découvrir, Paris, Christine Bonneton Éditeur, 1986.
4 Voir la définition qu’en donne Le Trésor de la langue française informatisé.
5 Dans cet article, je poursuis une réflexion menée de longue date. Voir notamment Anne Monjaret, La Sainte-Catherine. Culture festive dans l’entreprise, Paris, Éditions du CTHS, 1997 ; Anne Monjaret, Les Catherinettes en fête, Paris, Éditions Archives & Culture, « Images d’autrefois », 2008.
6 Jacques de Voragine, La Légende dorée [1261–1266], Paris, Garnier-Flammarion, tome 2, 1967.
7 Notamment : Louis Réau, « Sainte Catherine d’Alexandrie », Iconographie des saints. Iconographie de l’art chrétien, Paris, PUF, tome 3-1, 1958, p. 262–272 ; René Coursault, Sainte Catherine d’Alexandrie, le mythe et la tradition, Paris, Maisonneuve & Larose, 1984 ; Anne Monjaret, ibid. ; Aggeliki Stavropoulou, « Catherine, sage et sainte : les débuts de son iconographie en France », Mélanges Catherine Jolivet-Lévy, sous la direction de Sulamith Brodbeck et al., Paris, EPHE, vol. 20, no 2, 2016, p. 596–613.
8 Lieu où se serait implanté le monastère Sainte-Catherine (Égypte), créé au vie siècle.
9 Louis Réau, art. cité, p. 263.
10 Ces deux saintes sont parfois réunies dans des tableaux polyptiques qui soulignent la distinction de leur apparence, plus ou moins modeste selon l’une ou l’autre. Vicki-Marie Petrick, « Parure, parfum, pavane : le regard genré et deux Madeleine de Carlo Crivelli », Images Re-vues, no 16, 2019 [DOI : https://doi.org/10.4000/imagesrevues.7833].
11 Voir Anne Monjaret, « Le sens du poil », Les Figures du corps, sous la direction de Marie-Lise Beffa et Roberte Hamayon, Nanterre, Société d’ethnologie, 1989, p. 129–144 ; Anne Monjaret et Federica Tamarozzi, « Le langage des poils. Ce qu’il nous dit des Hommes », Revue La Peaulogie, no 9, 2022, p. 267–291. URL : https://lapeaulogie.fr/article/langage-poils/.
12 Daniel Arasse, « La toison de Madeleine », On n’y voit rien. Descriptions, Paris, Éditions Denoël, 2000, p. 100–101. Dorénavant OYVR.
13 Vicki-Marie Petrick, art. cité.
14 C’est un moine qui, ayant rapporté du mont Sinaï des fragments de reliques au xie siècle, aurait contribué à la propagation en Occident des cultes dédiés à sainte Catherine.
15 Voir Marlène Albert-Llorca, « La Vierge mise à nu par ses chambrières », Clio : histoire, femmes et sociétés, no 2, 1995, p. 201–228 et de la même autrice « Les fils de la Vierge : broderie et dentelle dans l’éducation des jeunes filles », L’Homme, no 133, 1995, p. 99–122 ; Deborah Puccio, « “Mieux vaut habiller les saints que déshabiller les ivrognes.” Vêtir les saints à San Juan de Plan (Arajon) », Terrain, no 38, 2002, p. 141–152.
16 Voir aussi à ce propos Anne Monjaret, « La symbolique du chapeau au féminin. L’art et la manière d’afficher une bonne moralité », Mode modeste : entre éthique et esthétique, sous la direction d’Alberto F. Ambrosio et Nathalie Roelens, Paris, Éditions Hermann, 2023, p. 79–90.
17 Arnold Van Gennep, Les Rites de passage [1909], Paris, Picard, 1981.
18 Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière et la cuisinière, Paris, Gallimard, 1979 ; Anne Monjaret, « De l’épingle à l’aiguille. L’éducation des jeunes filles au fil des contes », L’Homme, no 173, 2005, p. 119–148.
19 Saint Nicolas est le pendant masculin de sainte Catherine, les filles célébrant sainte Catherine, les garçons, saint Nicolas. Le Nicolas est un célibataire de 30 ans. Cette figure est moins connue que celle de la « catherinette », âgée de 25 ans.
20 Ces dernières sont censées savoir réparer la roue éclatée du martyre.
21 Anaïs Albert, « Les midinettes parisiennes à la Belle Époque : bon goût ou mauvais genre ? », Histoire, économie & société, vol. 32, no 3, 2013, p. 61–74.
22 Ernest Desprez, Les Grisettes à Paris [1832], Paris, Éditions de la Première Heure, 2007, p. 12–14.
23 Yvonne Verdier, op. cit.
24 La statue érodée a été remplacée deux fois au cours du xxe siècle, en 1929 et 1989. La dernière sculpture a été commandée à un artiste du quartier qui en a proposé une version contemporaine, l’ancienne étant considérée comme trop abimée pour être moulée et permettre sa reproduction.
25 Voir à ce sujet une caricature : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1052066x/f2.item et son commentaire dans Anne Monjaret, « Terrains de la mode : autour du musée national des Arts et Traditions populaires », Fashion folklore. Costumes populaires et haute couture, Catalogue sous la direction de Marie-Charlotte Calafat et Aurélie Samuel, Marseille, Mucem-Gallimard, 2023, p. 94–101.
26 Pour un aperçu de cette manifestation, voir les vidéos restituées par le Télégramme : https://www.dailymotion.com/video/x2b4tcj, https://www.letelegramme.fr/morbihan/pontivy/la-sainte-catherine-la-sainte-folie-24-11-2021-12874240.php.
27 Anne Monjaret et Catherine Pugeault, « Enterrements de célibat, mariage et ordre familial : quand le mort saisit le vif », Recherches familiales, no 9, 2012, p. 9–20.
28 Anne Monjaret (dir.), Le Paris des « midinettes ». Mise en culture de figures féminines xixe-xxie siècles, Rapport de recherche, Mairie de Ville de Paris-Université Paris Descartes, CERLIS, 2008.
29 Anne Monjaret, « La symbolique du chapeau au féminin. L’art et la manière d’afficher une bonne moralité », art. cité, p. 79–90.
30 Ernest Desprez, Les Grisettes à Paris, op. cit., p. 15.
31 Texte tiré d’une carte postale de sainte Catherine agrémenté d’un dessin représentant un moulin sur lequel a été accroché sur chacune de ses quatre ailes un bonnet de couleur différente accompagné d’une inscription : le bonnet jaune = trop tard ; le bonnet vert = espérance ; le bonnet rose = beaucoup ; le bonnet violet = un peu. Collection MuCEM (A 64 12 119, MNATP).
32 « Hommage d’un “Vieux-Papiériste” à Adolphe Willette et à son œuvre », Les Humoristes, Causerie faite le 16 mars 1926 au 166e Dîner du « Vieux Papier », p. 16.
33 Séduction, no 56, 24 novembre 1934, p. 10.
34 Anne Monjaret, « Jour de fête pour les midinettes. L’envers de la Sainte-Catherine : les normes derrière la dérision festive », Modes pratiques. Revue d’histoire du vêtement & de la mode, no 1, 2015, p. 70–95.
35 Voir notamment Claude Didry, « Les midinettes, avant-garde oubliée du prolétariat », L’Homme et la société, vol. 189–190, no 3, 2013, p. 63–86.
36 Qui nous évoque la « foire aux fiancés » organisée par l’Amicale de la Jeunesse parisienne et relatée par Le Petit Journal, 26 novembre 1923.
37 https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16162
38 Dans l’une des versions orales de ce conte, une petite fille se promène dans les bois et rencontre un loup à la croisée de deux chemins qui symbolisent la future jeune fille et l’adulte qu’elle sera. Pour poursuivre sa route, le loup lui demande de choisir l’un des deux chemins : celui des épingles (de la jeune fille) ou celui des aiguilles (de la femme). Il se retrouve ensuite avec elle dans le lit de la grand-mère – autant d’étapes qui conduisent la petite fille vers un état d’adulte. La fillette incarne ainsi tout à la fois son statut passé, présent et futur. Voir Anne Monjaret, « De l’épingle à l’aiguille. L’éducation des jeunes filles au fil des contes », art. cité, p. 119–148.
39 Wendy Delorme, La Mère, la Sainte et la Putain (Lettre à Swann), Vauvert, Éditions Au diable vauvert, 2012.
40 Laurent Bazin, Rommel Mendes-Leite et Catherine Quiminal, « Déclinaisons anthropologiques des sexualités », Journal des anthropologues, no 82–83, 2000, p. 9–24. URL : https://journals.openedition.org/jda/3272.