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Khadhar Meriem

Neurodesign et approche exploratoire des activités cérébrales dans le métaverse immersif

(ModACT 2023)
Article
Open Access

Résumé

Métaverse, cette « vérité » communément admise devient encore plus évidente face à l’émergence des structures et mondes parallèles au sein de ces univers virtuels. Cependant, cet avenir très proche marqué par ces métaverses nous préoccupe, et rien ne semble pouvoir les empêcher de devenir une réalité. En effet, ces nouveaux territoires intangibles pourraient changer fondamentalement notre façon d’être et d’exister nous menant à questionner particulièrement leur impact sur nos processus cognitifs et affectifs ainsi que le rapport que nous entretenons les uns avec les autres. Cela nous mène en tant que chercheure designer de passer d’une posture théorique et spéculative à une posture plus active et participative afin d’explorer et de comprendre empiriquement cet impact dans le cadre d’une première étude exploratoire se basant sur un croisement entre le design et les neurosciences. Dans le cadre d’une expérimentation de l’expérimentation et afin d’explorer l’activité cérébrale des utilisateurs, ce travail présente une méthode de mesure neurophysiologique en utilisant le casque emotiv.

Index de mots-clés : Métaverse ; Neuro-design ; Expérimentations ; Mesures neurophysiologiques

10/05/2023

1. Introduction

1Écrire sur les nouvelles possibilités métaversiques n’est pas une entreprise facile, cela suppose un travail d’exploration, de documentation, de test et d’expérimentation de ces méta- univers. Cet intérêt porté sur les innovations technologiques est loin d’être une fascination par cette puissance technique, au contraire il s’agit de questionnements et de révélations de nos préoccupations relatives à l’impact de toutes ces innovations sur l’expérience de l’humain et son individualité. Dans nos travaux précédents, nous avons abordé la question de l’émergence des nouvelles technologies numériques, immersives et l’Internet des objets connecté en interrogeant les limites de leur grande marge de manœuvre (Khadhar, 2018 ; Khadhar, 2019). En effet, nous ne pouvons pas nier le succès des innovations technologiques au service de l’humain. Grâce aux nouvelles technologies, l’environnement est devenu augmenté par de nouvelles possibilités et en puissance technique. Au même moment, le pouvoir d’agir des individus semble être conditionné par ces fluidités et flexibilités engendrées par le numérique. Ce paradoxe étonnant semble être l’illustration parfaite de ce qu’appelle Stiegler le « pharmakon », un mot grec signifiant à la fois remède et poison (Stiegler 2010).

2C’est donc par la confrontation entre le territoire des innovations technologiques et celui de leurs impacts sur la manière d’être et d’exister de l’individu, que notre posture de chercheure designer fait muter notre regard sur les nouvelles possibilités métaversiques qui commencent à se répandre dans notre environnement. Ce métaverse semble produire une zone d’incertitude dans laquelle s’infiltre un regard critique interrogeant les limites de toutes ces possibilités. Cela nous mène dans une deuxième phase à explorer empiriquement l’interaction de l’utilisateur dans ce monde virtuel dans un contexte situé. Cependant, cette démarche suppose tout d’abord une exploration du métaverse afin de cerner la frontière qui sépare l’impossible du possible. Nous nous situons actuellement dans une phase exploratoire afin de cerner les zones floues du métaverse qui sont imperceptibles pour le grand public et les concepteurs / fabricants de ces méta-univers. Les enjeux éthiques doivent être révélés et abordés afin de réduire l’impact de ces nouveaux usages sur l’humain. Cet axe de recherche rentre dans le cadre d’une mission exploratoire / expérimentale de chercheur expérimentateur de la plateforme VECOS (Virtual education collaboratif system).

2. Vers de nouvelles possibilités métaversiques : En quoi le métaverse est-il Métaverse ?

2.1 Le monde métaversique n’est pas une réalité virtuelle

3Le terme métaverse remonte à 1992, lorsque Neal Stephenson, auteur de romans de science-fiction, l’a inventé dans son livre « Snow Crash ». L’auteur décrit le métaverse comme un monde virtuel où le héros de cette fiction s’immerge et passe le plus clair de son temps à travers une incarnation d’un avatar (Stephenson, 1992).

4Cependant, cette notion d’immersion induit une confusion entre le métaverse et la réalité virtuelle. Il se trouve que le caractère immersif de certains métaverses nous renvoie à cette technologie, or, la réalité virtuelle est un outil d’accès au métaverse. Pourtant, elle consistait à une certaine date, une technologie permettant à ses utilisateurs une interaction avec un contenu scénarisé au sein d’un environnement immersif contrôlé. Dans leur rapport de mission exploratoire sur le développement des métaverses, présenté auprès des ministères français (MEFR, MC), Camille François, Adrien Basdevant et Rémi Ronfard exposent les typologies de ce dernier. En effet, si les métaverses partagent quelques propriétés communes, ils diffèrent sur tous les autres points (François et al., 2022). Plusieurs typologies de métavers émergent, et à présent, nous pouvons distinguer quatre grandes catégories ; des métaverses sans casques ni chaînes de blocs, des métaverses avec casques mais sans chaînes de blocs, des métaverses sans casques mais avec chaînes de blocs et des métaverses avec casques et chaînes de blocs (François et al., 2022).

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Figure 1 – Schéma de typologie de métavers. Repéré à « mission exploratoire sur le développement des métavers »

5Cette catégorisation démontre que le métaverse et la réalité virtuelle ne sont pas nécessairement consubstantiels, mais certains métavers pourraient reposer sur la technologie immersive. Cependant, la question des métaverses immersifs fait jaillir des interrogations puisque nous avons déjà pointé certaines dérives liées à l’impact de cette technologie et ses dispositifs sur l’humain.

6En s’orientant vers les technologies immersives et en l’abordant dans deux contextes différents : le culturel et le thérapeutique, nous avons révélé des images contrastées et nuancées qui se construisent autour d’elles. Dans le contexte culturel, il nous a paru qu’il soit possible de cerner certaines zones floues liées aux modes et moyens de transférabilité de l’héritage culturel et de son contenu. Dans le cadre d’un travail de reconstitution et de transférabilité du patrimoine immatériel tel que les arts du spectacle, nous avons conduit une expérimentation d’un jeu de combat immersif. Il s’agit d’un combat de gladiateurs au cœur de l’amphithéâtre antique Thysdrus. En utilisant la méthode exploratoire et suite aux observations des comportements et des gestes engendrés par l’émotion ressentie, les résultats obtenus relatifs à la mesure de certaines variables et les réponses à un questionnaire, nous ont permis de valider la capacité des environnements immersifs à engendrer de nouvelles expériences à vivre. Ils semblent susciter de nouvelles formes de transmission de l’information (Mariani 2012), qui nous séparent des perceptions de sensations et qui nous mènent vers une nouvelle appréhension du monde (Auvray 2004). Ceci nous a mené à déduire que la technologie immersive est un moteur de modélisation des émotions qui engendre un processus de mémorisation et une nouvelle appréhension du contenu patrimonial (Khadhar, 2017).

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Figure 2 – Expérimentation jeu immersif- RV- HTC vive

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Figure 3 – Environnement immersif du jeu de combat

7Cependant, le rapport entre les émotions ressenties et le processus de mémorisation n’a pas été démontré par des résultats mesurables dans un contexte expérimental. Nous nous sommes basés sur des observations interprétées par des contributions d’études et d’expérimentations élaborées dans différents travaux de recherche et des théories, notamment les travaux de (Humbeeck, 2015) et (Roseman, 1984). En revanche, l’émotion suscitée par la technologie immersive et hors contexte réel ne semble pas être construite, elle résulte d’une réaction instantanée suite à une stimulation. Lisa Feldman Barrett souligne le rôle du processus de catégorisation dans la construction des émotions, la neuroscientifique met l’accent sur le recours à « des concepts » appris au cours des expériences vécues depuis l’enfance dans la réalisation de ce processus (Barrett, 2017). Par conséquent, les émotions ressenties dans l’environnement immersifs pourraient être de simples réactions dont le degré diffère d’une personne à une autre. Cela nous mène à questionner l’authenticité de l’expérience hors de son contexte réel d’une part et l’artificialité des émotions d’une autre part.

8Dans le deuxième contexte abordant les thérapies par la réalité virtuelle, nous avons révélé le paradoxe illustré entre les succès des thérapies et ses répercussions sur le contrôle des cerveaux. Selon l’étude « Computer-assisted therapy and videogames in psychosocial rehabilitation for schizophrenia patients », les résultats ont démontré que cette thérapie immersive ne peut pas remplacer les soins habituels (Brun et al., 2018). Cependant, elle peut être utilisée comme thérapie d’appoint. En effet, il se trouve que la réalité virtuelle semble avoir un caractère déréalisant (Viaud-Delmon, 2011). Ajoutant à cela, l’exposition et l’utilisation des casques d’immersion pourraient engendrer un trouble de la perception visuelle tel que la cybercinétose.

9Cette réflexion nous mène à questionner l’aspect immersif des métaverses et nous oriente encore plus vers un terrain expérimental afin d’explorer et d’observer de près l’interaction de l’utilisateur. Si le métaverse n’est pas la réalité virtuelle, alors de quoi tire-t-il son nom ?

2.2 Métaverse, vers une appréhension de ce concept

10En quoi le métaverse est-il Métaverse ? La réponse à cette question ne pourrait qu’être ouverte et plurielle et il n’existe pas de définition précise et verrouillée. Il semble que le Métaverse remet constamment en cause les frontières qui semblent lui être assignées. C’est dans ce sens où son territoire d’action n’est pas précisément circonscrit, où les pratiques échappement aux cloisonnements et dépassement toutes structures préétablies. Il s’agit d’un changement relatif à la façon dont nous interagissons avec la technologie. En d’autres termes, les individus sont placés au cœur d’Internet en interaction numérique avec d’autres personnes au sein de divers environnements qui pourraient être parallèles à ceux qui existent dans le monde tangible. En effet, ce nouveau territoire intangible pourrait ébranler encore une fois notre façon d’être et d’exister grâce aux nouvelles possibilités.

11Cela nous renvoie au concept du « No interface » de Golden Khrishna qui bouleverse à travers son approche les notions classiques et les notions révolutionnaires de l’interaction avec la machine. Dans son livre « The best interface is no interface », l’auteur considère que nous sommes face à une multiplication d’écrans qui engendre une diversification d’interfaces, on s’imagine bien que l’évolution de la technologie nous réserve encore plus d’écrans et d’interface. Cependant, l’auteur expose une idée qui semble être différente de ce qui s’est dessiné en matière d’interface ; le No interface, c’est de ne pas avoir d’interface. Golden khrishna considère que nous sommes une société obsédée par les écrans et l’entrée au numérique est souvent synonyme d’une métamorphose des écrans. Selon l’auteur, une approche qui supprime totalement les écrans est indispensable afin de penser autrement l’expérience des individus. Krishna propose alors un environnement dans lequel les interfaces seront intégrées physiquement, où nous serions enveloppés par les interfaces. L’environnement serait donc notre interface, il serait équipé de capteurs qui se déclenchent afin de capter les actions et agir d’une façon magique à nos désirs, voire même nous procurer des objets qui obéissent sans nécessairement leur donner l’ordre. Nous aurons alors l’impression que nos désirs contrôlent le monde (Khrishna, 2015). Cette approche semble être le pari de plusieurs entreprises dont Apple et Microsoft qu’une partie du monde de demain se réalisera dans le métaverse, là où nous serons enveloppés d’interface notamment dans les métaverses immersifs.

12Entre l’émergence de plusieurs métaverses, le concept du Métaverse surgit, il se construit à travers sa distinction de tous ces méta-univers qui se multiplient. Nous tenons donc à préciser qu’il existe une différence entre le concept du Metaverse et les différents métaverses qui existent et qui peuvent en découler de ce dernier, Méta-univers ou Metavers pour reprendre le terme en anglais, désigne l’ensemble des possibilités technologiques, immersives et expérientielles permettant la création d’univers, d’espaces collectifs et d’identités virtuels favorisant l’interaction, l’échange, la communication et le partage entre les individus. C’est la capacité à « réaliser » les idées les plus utopiques et les pousser vers le champ du possible et du réel qui semble s’étendre vers un lui-même augmenté.

13Cette marge de manœuvre métaversique donne lieu à différentes créations et contextualisations de toutes ces possibilités afin de les inscrire dans plusieurs domaines (le gaming, le commerce, etc.), et les relier aux multiples enjeux sociétales et planétaires : la pédagogique, l’entreprenariat, l’environnement, l’éducation, la santé, le travail, etc. En effet, ces environnements virtuels multi-utilisateurs fusionnent et croisent la réalité physique avec la virtualité numérique. C’est dans ce sens que Matthew Ball décrit le métaverse comme un réseau interconnecté de mondes virtuels en trois dimensions représentant l’extension d’une grande partie de notre monde physique (Ball, 2022). En effet, cet univers virtuel ne s’arrête pas, il continu à exister et à évoluer pendant notre absence à la manière d’une réalité parallèle. Il permet d’inscrire en relation les environnements, les personnes et les artefacts numériques ainsi il permet d’établir une communication transparente entre les différents acteurs /utilisateurs. Il repose essentiellement sur la convergence des technologies qui l’alimentent, notamment la chaîne de blocs.

14Il se trouve que certains métaverses semblent ambitieux par leur orientation vers la chaine de blocs ou la blockchain, pour reprendre le terme en anglais, cette technologie facilitatrice, basée sur des architectures décentralisées permettant la création de nouveaux rapports de connexité au sein de notre environnement. En théorie, la blockchain n’est pas indispensable pour créer les métaverses, cependant, elle pourrait les augmenter par le caractère fluide des services en termes de transaction monétaires, paiement, données personnelles et droits de propriétés, etc. Cette technologie de registres distribuée et Métaverse ne sont pas nécessairement liés, mais certains métaverses pourraient reposer sur la blockchain comme la plate-forme Decentraland.

15Tandis que le progrès technique et technologique avance donnant lieu à de nouvelles technologies d’accès, de facilitation et d’infrastructure, l’avenir du métavers semble ne pas être encore décidé et dessiné et beaucoup se jouera. Nous ne savons pas pour l’instant quelle tournure prendra son évolution ni que serait son impact sur nos modes de vie et notre manière d’être d’exister à long terme. Tout de même, un débat se construit autour des métaverses, abordant ainsi l’ensemble des questions éthiques classiques relatives au numérique : l’hyperspatialité, l’ubiquité, l’incarnation avatariale, le dédoublement du moi, la protection de nos données privées et la question de la surveillance et du contrôle. En effet, toutes ces nouvelles technologies interconnectées sur laquelle repose le métaverse semblent nous immerger encore plus dans une enveloppe. Elles nous renvoient à l’idée du panoptisme de Foucault (Foucault, 1975). Ces technologies semblent se transformer en capteurs et algorithmes qui ne cessent de tracer le moindre rythme notamment dans le métaverse immersif, elles nous mènent à questionner la soumission de notre vie privée à une certaine surveillance, appelée par Fabien Richert la surveillance liquide (Richert 2016). Cela semble engendrer l’apparition de nouveaux surveillants invisibles, dissimulés et partout au cœur de ce monde virtuel. Gille Deleuze avait déjà une vision du futur sur l’évolution de la technologie dans la société, il l’a décrit comme une méthode de contrôle qui défie les enfermements les plus durs (Deleuze 1990). Ce sont les nouvelles sociétés de contrôle qui remplacent les sociétés disciplinaires où s’affrontent les libérations et les asservissements (Deleuze, 1990). De nos jours, appelée par Dugain et Labbé une société liquide où ce contrôle prend la forme d’une dictature invisible (Dugain & Labbé, 2016).

16Cependant, de nouveaux questionnements surgissent, ils sont liés à la manipulation des émotions et la vulnérabilité mentale et physique des utilisateurs. Il parait qu’il existe peu de projets et de recherches apportant des précisions et des réponses concrètes et nouvelles aux enjeux émergents (François et al., 2022). L’idée d’un « métaverse éthique » semble être une illusion, nous soutenons l’idée d’« un métaverse expérimental guidé », dans le but d’examiner de prés les interactions et les comportements des individus à travers le test et l’exploration de toutes ces manifestations perçues et non perçues. Cela nous oriente vers un contexte concert celui de l’apprentissage dans le métaverse en créant un espace de partage et d’échange autour d’un patrimoine muséal. Dans quel mesure l’expérience muséale métaversique peut susciter l’attention et l’engagement chez le visiteur ? Rappelons que nous nous situons dans une première phase exploratoire, pour cela, nous avons mis en place une expérimentation de l’expérimentation.

3. Exploration des activités cérébrales lors d’un contexte d’apprentissage dans le métaverse immersif : contexte d’apprentissage dans un musée scanné en 3D

3.1 Contexte de l’expérimentation et protocole

17Dans le cadre d’un partenariat avec l’université polytechnique haut de France, la plateforme VECOS lance son premier métaverse en le déployant sur l’université européenne Eunice. Cette expérience consiste à inviter des étudiants étrangers et les étudiants de masters de recherche (création numérique, humanité numérique et master en art) à une journée d’exploration virtuelle du musée de l’Avesnois dans le métaverse. L’objectif de cette rencontre consiste à créer une expérience métaversique favorisant le partage du savoir et l’échange autour de ce patrimoine muséal ainsi que le lancement d’un débat autour de la collection. La création de cette expérience a nécessité la constitution d’une équipe de travail et une collaboration entre les différentes parties prenantes : chercheurs, enseignants, médiateurs, ingénieurs, étudiants locaux et étrangers. Les ingénieurs ont scanné une partie du musée et quelques objets de la collection et ont procédé à l’intégration de tous ces éléments dans le métaverse. Les étudiants du master de l’UPHF ont été les médiateurs du musée afin de partager les données historiques relatives à la collection et les installations auprès des étudiants invités. Les enseignants chercheurs ont repensé le parcours muséographique afin de diversifier les objets et les installations exposés réellement dans le musée.

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Figure 4 – l’Écomusée de l’Avesnois

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Figure 5 – Scan d’une partie de la collection de l’écomusée de l’Avesnois

18L’expérience commence par la création d’un avatar ensuite l’immersion au sein du musée. La rencontre se fait au même moment entre les différents utilisateurs afin de suivre un parcours guidé. Les étudiants de l’UPHF commencent par présenter l’écomusée, son histoire, la collection ainsi que les différentes installations. D’après une première observation de l’équipe des enseignants chercheurs, l’interaction semble être fluide entre les étudiants de l’UPHF et les étudiants invités et leur présence dans le métaverse a duré une heure (temps consacré pour l’immersion). D’après notre observation en tant que participante dans cette visite, nous avons relevé deux comportements ; des utilisateurs échangeant entre eux selon des degrés différents et des utilisateurs n’ayant pas adopté un comportement similaire. Cependant, la méthode observatoire se basant sur l’analyse comportementale peut être soumise à une part de subjectivité, nous nous orientons vers les techniques d’imagerie cérébrale utilisées notamment en marketing, dans le but d’obtenir des données mesurables et vérifiables sur les réactions des consommateurs, leurs prises de décisions et leurs interactions avec un produit (Barré et al., 2015).

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Figure 6 – Visite de l’écomusée de l’Avesnois dans le métaverse

19En effet, cette première expérience dans ce monde virtuel nous mène à questionner le degré de l’attention des étudiants invités en échangeant avec les étudiants de l’UPHF par une communication transparente, par des artefacts numériques et par l’incarnation avatariale. Cette première expérience d’exploration sera suivie d’une deuxième qui se déroulera dans un « métaverse expérimental guidé » afin d’explorer les activités cérébrales des utilisateurs dans le but d’évaluer la capacité de l’expérience métaversique à susciter et maintenir l’attention des étudiants. Nous allons mettre en place trois dispositifs d’accès au métaverse, les visiocasques oculus quest 2, le mobile et le desktop.

3.2 Matériel, méthode et déroulement

20Nous tenons à préciser le matériel de cette expérimentation, bien évidement il ne s’agit pas d’outil mais plutôt de substrat sur lequel nous allons enquêter. Pour cette expérimentation dans le cadre d’une première exploration des interactions et des comportements au sein du métaverse VECOS, nous allons évaluer la capacité de l’expérience métaversique à susciter et maintenir l’attention des sujets dans une situation d’échange et de débat.

21L’expérimentation concernera quelques étudiants invités. L’immersion se déroulera dans le métaverse depuis le FABLAB de l’université polytechnique haut de France, tous les sujets effectueront une immersion dans le même environnement (écomusée de l’Avesnois), cependant, l’échange abordera d’autres éléments de la collection et d’autres installations. Cela permettra d’effectuer des mesures auprès des étudiants invités. La mesure des activités cérébrales débutera avant l’immersion afin d’examiner la variation des signaux et les graphiques des métriques de performances avant l’accès au métaverse, notamment avant la rencontre avec les avatars, l’environnement et la réception des données historiques. Ensuite, les mesures continueront pour deux sujets pendant trente minutes. Chaque trente minutes, nous changerons les sujets et nous reprendrons le même protocole. Tous les sujets seront exposés au même stimuli, l’environnement n’est pas contrôlé par un scénario ou une structure préétablie de mouvement, il donne une grande marge de manœuvre pour chaque sujet afin de se déplacer librement et explorer les différentes installations.

22Pour cela, nous utiliserons deux casques emotiv : insight et epoc, respectivement, ils disposent de 5 et 14 canaux. Les deux casques d’exploration de l’activité cérébrale, fournissent six mesures de base de la performance mentale. Le système permet de donner une idée claire sur l’état des capacités habituelles du sujet lors d’une activité. Rappelons que la récupération de l’activité électrique neuronale consiste à relever la fréquence des signaux qui est le nombre de période par unité de temps. Ces fréquences génèrent les différents types d’ondes cérébrales. La lecture de leur combinaison permet l’interprétation de l’activité du cerveau dans un contexte situé. L’interface du logiciel emotiv installé sur ordinateur et connecté au casque par bluetooth affiche les graphiques des métriques de performance.

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Figure 7 – Dispositifs de récupération des données : exploration de l’activité cérébrale dans le métaverse

3.3 Métriques et algorithmes

23Les principaux paramètres que le casque Emotiv peut mesurer sont : 

  • La puissance spectrale : C'est une mesure de l'activité cérébrale qui évalue la quantité d'énergie présente dans différentes gammes de fréquences des ondes cérébrales, telles que les ondes alpha, beta, delta et gamma (Oswald, 2015). 

  • La synchronisation inter-hémisphérique : C'est une mesure de la synchronisation de l'activité cérébrale entre les deux hémisphères du cerveau (Belin, 2008). 

  • Les événements liés au cerveau : Le casque Emotiv peut détecter des événements spécifiques du cerveau, tels que les potentiels évoqués, les pics d'activité et les variations soudaines de l'activité cérébrale (Rohaut, 2009). 

  • L'activité des ondes cérébrales : Le casque Emotiv peut mesurer l'activité des différentes ondes cérébrales, telles que les ondes alpha, beta, delta et gamma, qui sont associées à différents états mentaux tels que la relaxation, la concentration, la somnolence, etc. (Campbell, 2012).

  • L'activité musculaire : Le casque Emotiv peut également mesurer l'activité musculaire, ce qui permet de distinguer l'activité cérébrale de l'activité musculaire. 

  • Les émotions : Le casque Emotiv peut également détecter les émotions en utilisant des algorithmes qui analysent l'activité cérébrale associée à différentes émotions (Schenk, 2009). 

24Ces paramètres seront illustrés à travers les graphiques des métriques de performance incluant six métriques ; le stress, l’engagement, l’intérêt, l’excitation, la concentration et la relaxation.  

3.4 Résultats

25Cette première expérimentation avait pour but d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : Dans quelle mesure l’expérience muséale métaversique peut susciter l’engagement et l’attention chez le visiteur dans une situation d’échange et de débat ?

26Les premiers résultats obtenus grâce aux graphiques des métriques par l’emotiv indiquent que cette expérience métaversique a suscité l’engagement et l’attention chez certains participants. Les données ci-dessous ont été récupérées auprès des étudiants ayant maintenu un échange autour d’une exposition, contrairement à ceux qui ont opté pour la déambulation au sein du musée virtuel. Cela témoigne de l’importance des artefacts numériques comme objet de débat ainsi que la capacité de l’incarnation avatariale à engendrer de l’interaction entre les participants à travers l’apparition de nouvelles formes de socialisation. Cependant, ces résultats représentent une réponse potentielle reste à vérifier. Cela nous mène en deuxième lieu à reprendre les expérimentations en affinant le protocole et en prenant en considération de nouveaux paramètres permettant d’effectuer des mesures physiologiques et neurophysiologiques.

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Figure 8 – Récupération de la fréquence des ondes cérébrales.

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Figure 9 – Premiers résultats des métriques de performance (cas de trois étudiants)

4. Conclusion et perspectives

27Dans cet article, nous avons présenté un nouvel axe de recherche qui consiste à évaluer l’expérience des utilisateurs dans un contexte situé. Ces travaux de recherche se situent actuellement dans une première phase exploratoire au sein du premier métaverse de la plateforme VECOS. Les résultats obtenus permettront l’orientation vers des enquêtes plus spécifiques et plus contextualisés en scénarisant des activités. Comprendre l’interaction des utilisateurs au sein du métaverse dans un contexte situé, s’inscrit à présent dans la nouvelle dimension de la recherche en design ayant la capacité d’accompagner des entreprises confrontées aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux en cours et à venir.

28En effet, l’entreprise représente un terrain d’observation dans lequel, la recherche en design peut constituer un terreau fécond d’interrogation et de réflexion pour l’entreprise (Berger, et al.,2018). Ce nouveau rapport repose sur un croisement entre le design et les neurosciences, il produit de nouvelles formes de recueil et de restitution des données dans la phase de l’enquête. Il ambitionne d’élargir la perception et la manière de décrire, d’explorer et de comprendre empiriquement des phénomènes, des situations, des ressentis ou encore des substrats confrontés avec des réalités, parfois imperceptibles et difficiles à appréhender. Les travaux de recherche dans le champ des innovations technologiques permettront une évaluation potentielle des expériences cognitives, affectives et sociales. Cela mènera à une exploration et une projection dans les différents usages typiques et atypiques du métaverse qui pourraient avoir lieu et leur impact au-delà du monde virtuel.

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Pour citer cet article

Khadhar Meriem, «Neurodesign et approche exploratoire des activités cérébrales dans le métaverse immersif», ModACT 2023 [En ligne], ModACT 2023, URL : https://popups.uliege.be/modact2023/index.php?id=61.

A propos de : Khadhar Meriem

École supérieure des sciences et technologies du design de Tunis, Tunisie

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