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Baudoux Gaëlle & Pierre Leclercq

Analyse d’activités de conception intégrée : une méthode de traçabilité de l’information et de la visualisation de son évolution

(ModACT 2023)
Article
Open Access

Résumé

Cet article se positionne dans le contexte d’une recherche sur l’activité de conception architecturale collaborative visant à comprendre comment évoluent les informations caractérisant le projet et au travers de quels objets médiateurs s’effectue cette évolution. L’originalité de notre recherche est d’effectuer un changement de paradigme en plaçant les informations caractérisant le projet au cœur du questionnement. Nous adressons ici la problématique de la traçabilité de ces informations tout au long de la conception et de la visualisation de cette évolution d’information dans l’activité. Pour cela, nous mettons en place un protocole d’observation présentant l’originalité de permettre la caractérisation en temps réel d’activités de conception de natures et de temporalités différentes. Nous proposons ensuite de nouveaux formalismes pour visualiser ces données et représenter l’activité.

Index de mots-clés : Conception architecturale ; Protocole de recueil de données ; Information-projet ; Objets médiateurs ; Grille d’observation ; Formalismes visuels

11/05/2023

1. Introduction

1L’activité de conception en architecture fait l’objet de nombreuses recherches. Jusqu’à présent, la conception a beaucoup été étudiée en la synthétisant en divers modèles d’activité générale, comme l’activité de résolution de problème en trois étapes structuration-génération-évaluation de Simon (1969), l’activité opportuniste de transformations successives see-transform-see de Schön (1983), le modèle Function-Behaviour-Structure de Gero (1990), etc. Les activités de conception ont également beaucoup été étudiées par le prisme des outils avec notamment la théorie de l’activité introduisant le triangle sujet-objet d’action-objet médiateur (Engeström, 1987), l’approche instrumentale de Rabardel et Beguin (2000) qui introduisent la notion d’instrument comme objet auquel on applique un schème d’usage, et puis Latour et ses collègues (2006, 2008) qui considèrent les objets médiateurs comme des acteurs faisant partie d’un réseau au même titre que le concepteur. Boujut (2002) aborde également la notion d’objet d’intermédiaire, frontière, comme point d’entrée dans ses études ethnographiques. Les activités de conception ont également été étudiées par le prisme des activités cognitives comme dans les travaux d’ergonomie de Falzon (2004, 2005), ceux sur la résolution de problème de Darses (2009) et ceux de Détienne sur les activités cognitives collaboratives (2007, 2021). Finalement, Buckingham Schum (et al., 1997) et Lewkowiez et Zacklad (2000) documentent le design rationale et les logiques décisionnelles.

2Les motivations de notre recherche sont d’analyser plus spécifiquement cette activité de conception pour en dégager des connaissances plutôt orientées sur la gestion des informations tout au long du processus de conception. Goldschmidt (1997), dans sa linkographie, a décomposé le processus de conception en design moves pour représenter graphiquement les liens de transformations du projet. Nous désirons ici étudier la globalité de cette évolution, dans son articulation avec d’autres dimensions comme l’usage des outils, l’(in)validation, la collaboration, …

2. Analyse de l’activité complexe de conception collective

3Nous menons notre analyse de l’activité de conception en effectuant un changement de paradigme : nous caractériserons la conception au travers des informations qu’elle génère et qui la nourrissent ensuite, ainsi qu’en décrivant les objets médiateurs supportant ces informations. Dans notre posture, nous considérons les acteurs comme les passeurs de cette information que nous plaçons au cœur de notre questionnement.

4Ce que nous appelons information regroupe tous les attributs caractérisant les choix de conception et/ou les raisons qui les motivent. Cela peut être très concret et directement relatif au bâtiment, comme une hauteur sous-plafond ou un choix de matériau, ou plus général comme une intention d’ambiance lumineuse ou une répartition fonctionnelle des locaux.

5Nous abordons ainsi l’activité cognitive complexe de conception, via ses éléments externalisés, tangibles et précis, en retraçant les informations produites et utilisées par les concepteurs. Pour éviter tout biais de surinterprétation, nous extrayons ces éléments directement depuis le discours des concepteurs et non les documents de représentation du projet.

3. Problématique

6Notre problématique est donc de construire un protocole qui permette deux natures d’activité de conception architecturale (voir au point 4.1.2 ci-dessous) et d’extraire les informations caractérisant le projet, depuis les verbatims des concepteurs sans interférer dans leur activité. Il nous faudra ensuite définir des variables de caractérisation de ces informations et finalement les coder pour reconstituer l’activité de conception.

4. Protocole d’observation

4.1 Cadre observé

4.1.1 Atelier de conception intégrée

7L’activité de conception que nous observons prend place dans un atelier d’architecture en milieu pédagogique déjà décrit par ailleurs (Baudoux & Leclercq, 2021). Cet atelier est un contexte de choix pour étudier la conception par sa ressemblance avec des modalités de concours en agence et par la diversité des contraintes et enjeux architecturaux auxquels les concepteurs doivent apporter offre.

8Ce processus de conception intégrée dure 14 semaines et voit mobilisé 6 équipes de 3 à 4 acteurs afin de réaliser un complexe musical de 7000m2 aux fonctions diverses incluant des salles de spectacle, des espaces pour les artistes, un restaurant, etc. Le calendrier de ce processus est rythmé par des temps de présentations informelles avec les encadrants et de revues formelles avec cinq experts professionnels différents (figure 1).

4.1.2 Double typologie de conception

9La cadre de cet atelier de conception intégrée permet en outre d’accéder à deux natures différentes d’activités de conception (Baudoux & Leclercq, 2022), naturellement balisées par l’organisation temporelle :

  • ce que nous appelons la conception de longue durée : étalée sur plusieurs périodes de temps et dans plusieurs lieux, alternant entre des moments de conception individuelle et des moments de conception collective et mobilisant divers outils ;

  • et la conception épisodique : lorsque l’ensemble des concepteurs génère ensemble, de manière synchrone, les solutions à un problème spécifique.

10La conception épisodique interrompt ponctuellement, quand les acteurs en ressentent le besoin donc sans que ce soit prévisible, les activités de conception longue (figure 1). Mais les revues avec les experts sont des moments favorisant ces activités de conception épisodique. A l’inverse, la conception longue, activité de fond, est difficilement observable puisqu’elle a parfois lieu en soirée dans les espaces de travail privés. En revanche, les moments de présentations formelles et informelles synthétisent tout le travail de conception effectué au cours de ces intervalles de temps de conception.

11Nous observerons donc, dans chaque équipe, les 5 moments de revues experts et les 13 temps de présentation pour capturer les informations respectivement produites par les activités de conception épisodique et de conception de longue durée. Ce n’est pas moins de 110 heures d’échange qui sera ainsi observées.

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Figure 1 – Calendrier du processus de conception intégrée observé avec illustration des deux types de conception.

4.2 Méthode de collecte des données

4.2.1 Objectifs du protocole mis en place

12Notre objectif est de concevoir un protocole unique pour observer ces deux natures différentes d’activité de conception (épisodique et longue durée) puisque nous y analysons, pour toute deux, la génération et le partage d’information. La difficulté réside dans la différence de granulométrie temporelle de ces deux activités : de quelques minutes pour la conception épisodique à plusieurs semaines pour la conception de longue durée. Nous développons donc un protocole d’observation visant à collecter des données suffisamment variées et surtout complémentaires pour couvrir ces deux activités.

13Notre protocole est classique mais néanmoins efficace et polyvalent. Il consiste à observer les présentations et les revues en remplissant en temps réel une grille d’observation. La force de cette grille est d’être très simple d’utilisation et de permettre l’économie de données consignées (figure 2). En effet, nous avons seulement besoin de pister 5 variables pour pouvoir reconstituer l’activité dans les aspects qui intéressent notre recherche, couvrant ainsi tant les actions de conceptions mises en plage que les outils mobilisés pour générer et transmettre l’information caractérisant le projet. Cette grille est d’autant plus efficace que son remplissage s’effectue principalement au moyen de croix, complétées de quelques mots-clefs, rendant ainsi la prise de note suffisamment rapide que pour être réalisée en temps réel, en suivant le flux réel de conception et d’énonciation des caractéristiques intermédiaires du projet. En outre, cette méthode ne mobilise pas du tout les sujets, ne leur créant donc pas de surcharge de travail et ne perturbent pas leurs activités.

4.2.2 Variables objectivées

14Nous allons ici énumérer les variables observées sous forme de listes appuyées d’exemples présentant leur classification.

15Concrètement, nous caractérisons l’activité observée, de la génération et du partage d’informations caractérisant le projet, au moyen de 5 variables :

  • le type d’information, c’est-à-dire la nature de l’information : comme un concept architectural, des usages, … ;

  • le moyen de conception utilisé, désignant l’action réalisée pour générer l’information : comme dessiner à la main ou réfléchir sur base de simulations ;

  • la représentation externe sur laquelle figure l’information : du schéma au plan ;

  • le type de transformation de l’objet architectural qui est opéré à la suite de cette nouvelle information : ajouter des éléments, en détailler certains ou substituer les représentations ;

  • et la production, en direct, d’une trace graphique accompagnant l’énonciation de l’information, c’est-à-dire la réalisation d’une annotation, d’un dessin, etc.

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Figure 2 – Extrait de grille d’observation d’une réunion de projet (Acteur 2, revue n°11) d’après (Baudoux & Leclercq, 2021).

16Pour les typologies d’informations, les natures sont très diverses et les classifications manquent dans la littérature. Nous choisissons donc de rester au plus proche du terrain. Pour cela nous appliquons une méthodologie bottom-up en procédant par étiquetage inductif des types d’informations énoncés par les concepteurs. En fin de processus, nous obtenons 11 typologies :

  • Classe Concept : intentions générales, parti architectural, …

  • Classe Implantation : positions relatives à la parcelle, aménagement urbain, …

  • Classe Volumétrie : gabarit, volumes, …

  • Classe Répartition fonctionnelle : positionnement des espaces-fonctions, articulations entre espaces, …

  • Classe Façade : caractéristiques relatives aux façades.

  • Classe Usage : flux de circulation, ressentis des usagers, ambiances, vues, …

  • Classe Matériaux : caractéristiques relatives aux matériaux, textures, couleurs, …

  • Classe Aménagement : cloisonnement interne des espaces, aménagement des pièces, mobilier, …

  • Classe Structure : systèmes porteurs, dimensionnements, …

  • Classe Réglementation : caractéristiques du bâtiment découlant directement de normes.

  • Classe Solution technique : caractéristiques du bâtiment en réponse à des problématiques techniques.

17Pour les moyens de conception, nous nous sommes inspiré des travaux présentés par Borillo et Goulette (2002) et de la recherche de Safin (2011) pour dégager, dans notre recherche précédente (Baudoux et al., 2019), la classification en 8 typologies suivante :

  • Image de référence : analogie avec des images préexistantes ;

  • Dessin papier à la main : conception graphique à la main sur des supports papier ;

  • Dessin numérique à la main : conception graphique au stylo électronique sur des supports numériques ;

  • DAO 2D : dessin 2D assisté par ordinateur ;

  • DAO 3D : modélisation 3D numérique ;

  • Maquette : conception à l’aide d’un modèle 3D physique ;

  • CAO paramétrique : conception paramétrique ;

  • Prototype : conception par simulations.

18Pour les représentations externes, nous nous sommes basés sur les travaux de Safin (2011) et Elsen (2011) pour développer une classification en 7 catégories dans notre recherche précédente (Baudoux et al., 2019) :

  • Image de référence : représentation non produite par les acteurs ;

  • Texte ou mot-clef : représentation uniquement textuelle ;

  • Annotation : symbole ou note apposé sur une représentation préexistante ;

  • Schéma ou croquis : représentation symbolique, abstraite, comme des croquis d’essais ;

  • Plan ou coupe : représentation 2D normée, comme les plans des étages par exemple ;

  • Perspective 2D : représentation d’un objet 3D sur un support 2D, comme le dessin sur une feuille de papier d’une vue du bâtiment depuis la rue ;

  • Immersion 3D : navigation dans un modèle 3D numérique ou physique, si le concepteur regarde et tourne la maquette du projet.

19Notons que nous différencions bien l’action cognitive ou physique permettant de concevoir (i.e. le moyen), de la représentation externe de l’artefact conçu (i.e. la représentation), même si ces deux variables s’influencent mutuellement. Ce recouvrement sera précieux par la suite.

20Pour les transformations du projet, nous utilisons la classification de Visser (2006), détaillant les transformations verticales et horizontales de Goel (1995) :

  • Dupliquer : répliquer un dessin sans en modifier le contenu ;

  • Ajouter : ajouter des informations en modifiant peu la représentation ;

  • Détailler : retravailler différents éléments avec plus de détails ;

  • Concrétiser : rendre une représentation plus concrète ;

  • Modifier : modifier la représentation sans la détailler ni la rendre plus concrète ;

  • Substituer : remplacer par une représentation alternative sans détailler ni concrétiser.

21Nous ajoutons une 7ème classe à celles de Visser pour les représentations nouvelles. Elles constituent un ajout d’information mais, à la différence de la classe ajouter, modifient beaucoup la représentation.

22Finalement la production de trace graphique est simplement codée par oui ou non. Il est à noter que nous différencions bien la nature du document utilisé en support visuel (i.e. la représentation) de la production ou non de trace graphique accompagnant l’information énoncée, car les concepteurs peuvent utiliser une représentation externe du projet sans produire en direct de dessin.

23Toutes ces classifications sont synthétisées dans le schéma ci-dessous.

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Figure 3 – Classification des typologies d’information, de moyen, de représentation et de transformation avec la variation des niveaux d’abstraction et de modification (Baudoux & Leclercq, 2021, 2022b).

4.2.3 Recouvrement des données

24Nous dédoublons cette collecte de donnée avec des enregistrements par caméra (son et image) des échanges. Nous avons ainsi un recouvrement précieux des données. Ces enregistrements sont également une sécurité au cas où l’observation par grilles remplies en temps réel ne serait plus possible en raison d’un flux de conception trop rapide (notez cependant qu’elles ont toujours été assez efficaces pour permettre de suivre ce flux). L’enregistrement des séquences observées offre également l’opportunité de revenir en détail sur un épisode qui apparaitraît interpellant suite à l’analyse des données recueillies.

25En outre, un recouvrement des données est également présent entre les 5 variables : notre protocole présente des chevauchements dans le temps pour les typologies d’information et des chevauchements entre les classifications pour les moyens, les représentations et la trace graphique. Ce dédoublement de données permet de vérifier la qualité du codage, garantie par l’absence d’incohérences dans les recouvrements.

4.3 Points forts du protocole proposé

26En résumé, ce protocole présente deux grands points forts. Tout d’abord, il rend possible l’observation d’activités de conception de nature très différentes et de granulométrie temporelle très variées, entre la conception longue et la conception épisodique. Ensuite, il est simple et économe en données puisque seulement 5 variables permettent de reconstituer l’évolution du projet au travers des informations le caractérisant. Cela permet de coder le processus en temps réel et cela n’inclut aucune surcharge pour les sujets.

27L’originalité de ce protocole est également de caractériser l’activité de conception en centrant le focus d’observation sur l’évolution des informations caractérisant le projet.

5. Données récoltées

5.1 Caractérisation de la gestion des informations en conception longue

28Pour la caractérisation de la conception de longue durée, 6 processus parallèles de 14 semaines ont été observés au travers de 13 moments de présentation. Nous y avons capturé l’échange de 1.549 informations caractérisant le projet. Chacune de ces informations étant décrites par 5 variables, nous obtenons donc 7.745 données codées. De ces 5 variables, nous pouvons déduire, par simple calcul statistique, d’autres données en calculant les probabilités de croisement entre les types d’information, de moyen et de représentation, ainsi qu’en calculant les décalages de niveaux d’abstraction. Nous obtenons un total final de 11.167 données analysables. Il est important de garder en tête la granulométrie de ces données qui est de l’ordre de l’unité d’information.

5.2 Caractérisation de la conception épisodique au travers des informations

29Pour la caractérisation de la conception épisodique, nous avons pu relever 64 épisodes au sein des revues experts des 6 équipes. Ces épisodes comportaient 3 à 25 transformations successives de différentes caractéristiques du bâtiment amenant ainsi un total de 514 informations décrites au moyen des 5 variables. Nous avons ainsi pu récolter 2.570 données analysables. Pour ce type de conception, l’unité d’analyse est un pas de 10 secondes d’activité.

6. Visualisation de l’activité

6.1 Codage des données

30Le codage de toutes ces données recueillies se réalise au moyen du logiciel Excel, dans son extension .csv, comme illustré à la figure 4. Cet outil est simple tout en présentant une grande interopérabilité et de multiples potentialités de codage.

31Notre codage s’organise de manière à créer un tableau à double entrée. Les lignes reprennent les informations successivement énoncées par chacun des 6 groupes de concepteurs. Notons que, pour tenir compte de la granulométrie temporelle des observations, les activités d’échange d’information en conception épisodique sont codées par pas de 10 secondes, tandis que pour la conception de longue durée, le temps est fictif et le codage s’effectue à chaque information énoncée. Dans les colonnes figurent les différentes variables caractérisant chaque information : les cinq variables observées (type d’information, moyen de conception, représentation externe, transformation du projet et présence d’une trace graphique accompagnante) ainsi que les variables déduites (décalages de niveau d’abstraction, focus, …). Au croisement, un numéro symbolise le niveau d’abstraction de la classe présentant cette occurrence, ce qui permet de calculer l’écart de niveau d’abstraction et de déterminer, en fonction d’une tolérance choisie, s’il y a décalage ou non (figure 4). En outre, le séquençage temporel traduit les différentes réunions observées.

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Figure 4 – Polyvalence du codage et illustration de formalismes visuels potentiels.

32Ce codage particulier, dont les intentions sont présentées à la figure 4 et les formalismes visuels produits à la figure 5, nous permet d’effectuer des calculs statistiques en complément des données encodées mais également d’utiliser le logiciel CommonTools (Ben Rajeb & Leclercq, 2015) pour analyser et visualiser nos données respectivement en calculant les occurrences de croisement entre classes et en générant des formalismes visuels, tels que des lignes du temps, des tableaux de croisement, des nuages de mots ou des histogrammes (figure 4). C’est un point fort de CommonTools et de l’appropriation de codage que nous en avons fait que d’offrir la possibilité de recombiner ces données, après encodage, pour d’autres analyses.

6.2 Formalismes visuels

33Parmi les différents formalismes visuels générés, nous en détaillerons deux dans cet article.

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Figure 5 – Visualisation originale des données sous forme de ligne de succession en triple lecture (5A) et sous forme de croisements (5B) d’après (Baudoux & Leclercq, 2021, pp. 6-10).

34Le premier est une visualisation originale, sous forme d’organisation de barrettes colorées analysables en triple lecture (figure 5, à gauche). Sur une ligne du temps, à échelle réelle ou fictive suivant la nature de conception représentée, nous représentons les informations successivement énoncées par les concepteurs. Chaque information est représentée par le quadruplet de variables qui la caractérise, la production ou non de trace graphique étant traitée à part, statistiquement. Ainsi, horizontalement deviennent visibles les successions : de types d’information générées et partagées, de moyen de conception employés, de représentation du projet ainsi que de transformation de ce projet au travers des nouvelles informations échangées (point 1 à la figure 5A). Verticalement, figure la description de chaque information partagée et, par-là, les associations faites entre la nature d’information et les médias de génération et de partage (point 2 à la figure 5A). Finalement, les variations de couleurs (en lecture horizontale comme en lecture verticale) représentent les niveaux d’abstraction des classes de variables : plus la barrette colorée est claire, plus le niveau d’abstraction est élevé, plus elle est foncée, plus le niveau d’abstraction est bas (point 3 à la figure 5A).

35Le second formalisme visuel original consiste à générer des graphes de croisement, visibles à la figure 5B. Au croisement de deux variables est indiquée l’occurrence d’apparition conjointe de ces deux variables, moyennée sur les 6 équipes. Ces graphes de croisement mettent en évidence les occurrences d’association entre classes de variables et renseignent ainsi les occurrences récurrentes ou, au contraire plus surprenantes, entre caractéristique du projet et média de conception. Ces graphes de croisement sont réalisés sur la globalité du processus (figure 5B, à gauche) mais également séquence par séquence (figure 5B, à droite), de manière à rendre compte de l’évolution temporelle des occurrences de croisement et ainsi traduire des patterns d’usage des associations observées. Pour nourrir une analyse de résultats, ce type de graphe d’occurrence devra par la suite faire l’objet d’un post-traitement statistique calculant les probabilités de co-occurrence afin de standardiser ces occurrences relativement à leur propre fréquence, à la manière de Bakeman (& Quera, 2011) évitant ainsi un biais d’apparition.

36Ces deux formalismes originaux sont complétés par de nombreux graphes statistiques et histogrammes usuels, comme visible à la figure 4.

7. Conclusion

7.1 Contributions

37Complétant l’ensemble des recherches existantes sur les activités de conception architecturale, nous menons notre analyse en effectuant un changement de paradigme : nous considérons les acteurs comme des passeurs et nous caractérisons la conception au travers des informations qu’elle génère et qui la nourrissent ensuite, ainsi qu’en décrivant les objets médiateurs supportant ces informations. Notre problématique est donc de construire un protocole qui permette deux natures d’activité de conception architecturale et d’extraire les informations caractérisant le projet depuis les verbatims des concepteurs sans interférer dans leur activité.

38La première contribution de cet article est le développement d’un protocole simple, tout-terrain et réalisable en temps réel sans mobiliser les sujets qui permet de caractériser deux natures d’activités différentes en seulement 5 variables. Cette économie de variable garanti la faisabilité du protocole tout en offrant la possibilité de déduire de nombreuses autres données ensuite.

39La seconde contribution de cet article réside dans les deux moyens originaux de visualisation des données proposés, à savoir :

  • Une ligne du temps représentant le déroulement du processus et lisible en triple lecture. Horizontalement apparaissent les successions d’information, d’objet médiateur et de transformation du projet. Verticalement sont décrites les informations générées et échangées selon leur type et les médias les générant et les transmettant. Finalement, la variation de couleur des classes représente les variations de niveau d’abstraction des données. Cette visualisation permet de très nombreuses analyses de proportion d’usage, de schème d’usage, de décalage de niveau d’abstraction, de détournement de médias, …

  • Des graphes de croisement composés à la fois sur la globalité du processus, puis séparément sur chaque séquence, rendent lisible l’évolution dans le temps. Les graphes globaux permettent de dégager deux résultats : des usages récurrents ou au contraire des usages de détournements de média. Les graphes de chaque séquence permettent ensuite de mettre en évidence des patterns temporels dans ces usages.

40Le lien entre cette méthode de récolte de données récoltées et ces visuels d’analyse se faisant au moyen d’un codage Excel qui sert de base à un logiciel de traitement des données ou simplement à un traitement statistique permettant tous deux des post-manipulations à l’infini, le caractère de notre proposition est encore une fois efficace et puissant.

7.2 Limites et perspectives

41La limite de ce protocole est qu’il cible l’observation des informations échangées par les concepteurs pour caractériser leur projet architectural. Il n’englobe pas l’évaluation de la pertinence des informations échangées ni de la qualité du projet en lui-même. Il ouvre par contre la possibilité d’analyser l’évolution du projet et de dégager la longévité des différentes idées, témoignant de leur validation au fil des session de conception et donc, peut-être, d’une certaine qualité.

42Ce protocole ne collecte pas non plus de données sur les activités cognitives des concepteurs pendant les moments de conception épisodique mais celles-ci sont largement étudiées par ailleurs (Defays, 2015 ; Joachim, 2016 ; Calixte, 2021).

43Ce corpus de données récoltées peut-être exploité du point de vue de la recherche comme du point de vue des praticiens, pour documenter les pratiques de dessin, l’usage réel des différents outils, l’évolution et la stabilité des idées, ou encore les niveaux d’abstraction des raisonnements de conception devant être supportés par des propositions d’instrumentation future.

44Nous tenons à remercier les concepteurs ayant participé à cette expérience ainsi que le F.R.S.-F.N.R.S. pour le financement de cette recherche.

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To cite this article

Baudoux Gaëlle & Pierre Leclercq, «Analyse d’activités de conception intégrée : une méthode de traçabilité de l’information et de la visualisation de son évolution», ModACT 2023 [En ligne], ModACT 2023, URL : https://popups.uliege.be/modact2023/index.php?id=77.

About: Baudoux Gaëlle

Université de Liège, Lucid-ULiège et Ndrscr

gbaudoux@doct.uliege.be

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