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Jean-Paul FERRIER

Modernité et théorie géographique : un itinéraire épistémologique

(62 (2014/1) - Questions et débats en géographie)
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Résumé

L’auteur propose d’utiliser la géographie dans une modernité de longue durée, en s’appuyant sur une démarche théorique. Cette démarche théorique prolongerait la formalisation de l’approche spatiale des trois Antée(s). Il espère ouvrir ainsi une voie permettant une sortie de « crise ».

Index de mots-clés : crise, géographie, modernité, théorisation

Abstract

The author proposes to use geography in a long-term modernity, based on a theoretical approach. This theoretical approach extends the formalization of the spatial approach of the three Antée(s). He hopes to open a path to an output of “crisis”.

Index by keyword : crisis, geography, modernity, theorisation

1« Le propre de notre situation consiste en ceci que la contrainte du record règle nos mouvements et que le critère de performance minimale qu’on réclame de nous accroît l’ampleur de ses exigences de façon ininterrompue. Ce fait interdit totalement que la vie puisse en quelque domaine que ce soit se stabiliser selon un ordre sûr et indiscutable.

2Le mode de vie ressemble plutôt à une course mortelle où il faut bander toutes ses énergies pour ne pas rester sur le carreau. »

3Ernst Jünger Le Travailleur, Paris : Christian Bourgeois, [1932], 1989, p.22-23.

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5« Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. »

6Bertrand Russell, Éloge de l’oisiveté, trad. Michel Parmentier, Paris : Éditions Allia, [1932], 2002, p. 38.

7« Accepteriez-vous de faire le point sur un de ces sujets en écrivant une courte contribution ? ».

8C’est cette formule qui a entraîné ma position initiale, l’envie de confier des idées liées à ma vie consacrée à la géographie. Le projet de m’expri­mer sur Modernité et théorie géographique, c’est seulement le projet de rédiger une feuille de route pour fixer la tâche que je m’assigne, que je voudrais partager avec la communauté des géographes : un texte fluide qui pourrait appeler des notes importan­tes (peut-être dans un long texte hypertextuel).

9Vous ne m’en voudrez pas si j’appuie ce projet en utilisant seulement/principalement les trois Antée(s) qui ponctuent en 1984, 1998, 2013 les étapes de ma réflexion géographique.

10Pour Antée 1. La géographie, ça sert d’abord à parler du territoire, ou le métier des géographes (Aix-en-Provence : Edisud), l’« espace géogra-phique » est l’équivalent conceptuel du terme « territoire », notion qui désigne toute portion de surface terrestre dont l’apparence sensible est le paysage. Les notions, concepts, géoconcepts et blocs théoriques associés à l’espace géographique forment une théorie géographique implicite/à expliciter et développer qui « commandera » les recherches.

11Pour Antée 2. Le contrat géographique ou l’habitation durable des territoires (Lausanne : Payot), le « contrat géographique » est le concept qui désigne les savoirs et les règles que les hommes, comme habitants de la Terre, ne cessent de puiser dans leur culture et de développer tout au long de leur histoire. Ce corpus complète les outils géographiques de l’aménagement/ménagement du monde.

12Pour Antée 3, La beauté géographique ou la mé­tamorphose des lieux (Paris : Economica Anthro­pos), la « beauté géographique » est le concept qui désigne les nouvelles approches que les habitants d’aujourd’hui pourraient utiliser pour parler et agir sur les paysages et la beauté des lieux. On attend de ce nouveau concept et de la reconceptualisation qui l’accompagne de dessiner une voie de sortie de « crise ».

13À chaque fois, le terme géographique aura été mobilisé pour éclairer, dans le cadre des sciences géographiques, les questions héritées de la philosophie des Grecs concernant le vrai, le juste, le beau, traçant ainsi un véritable itinéraire épistémologique.

14« Concept » implique, dans une perspective kantienne, que chaque mot qui rend compte de façon sensible, (primitive), empirique du monde, pourrait être développé par une approche théorique, associé à une idée de mesure, mieux, d’organisation, dès lors, de composant d’une « théorie » rendant possible des modélisations permettant d’agir sur le « monde ». La position défendue ici, c’est que les conditions et les formes de ces actions soient orientées différemment, comme le disent Ernst Jünger ou Bertrand Russell en exergue.

15En d’autres termes, un monde « PED », utilisant l’ancienne formule de Pays en développement pour dire la réalité souhaitable aujourd’hui d’un monde où nous instaurerions la Pacificité, l’Équité, la Durabilité.

16C’est une démarche, comme je l’ai écrit dans Antée 3, [qui] devrait être facilement partagée, et dès lors poursuivie fructueusement par chaque habitant, si chacun convient que tout homme est un peu « géographe », puisqu’il habite le monde et en expérimente les lieux et les durées, l’espace et le temps. C’est une conviction que je crois inscrite au coeur de la culture populaire, ce savoir détenu par chacun de nous sur les lieux de nos habitations, comme il en est de nos bribes de médecine parallèle ou d’informatique ou de nos opinions sur la pollution, le changement climatique ou la mondialisation : une culture pratique qui ne nous sert pas encore assez pour ménager-aménager le monde que nous habitons… C’est une façon privilégiée pour se pencher vraiment sur le monde actuel, ses réussites et ses horreurs, pour se donner les moyens de comprendre et de réduire les inégalités croissantes qui entourent la vie des habitants et leurs façons de faire et d’habiter (op. cit., p. vi-vii).

17Le terme « Modernité » assume notre projet de connaissance et d’action rationnelle. Il est insépara­ble de TOUT ce que la géographie, l’un des quatre piliers de la modernité, a de lié avec les sociétés suc­cessives et la situation actuelle où se sont tellement multipliés les artéfacts qui équipent les territoires. Mais il est ici postulé qu’il existe en modernité une modernité géographique inscrite et en oeuvre dans les territoires, dont la longue histoire se repère dans trois Modernités (Modernité l, Modernité 2, Modernité 3). Une modernité spécifique qui a pour mission prioritaire aujourd’hui de contribuer à faire face à l’illimitation de la science, aux débridements des sciences économiques et de la finance, aux dé­bordements émotionnels de l’information et de la culture, POUR conserver le monde, ses habitants, la spiritualité/la place de l’esprit dans les conceptions humaines, et la vie qui nous environne.

18Choisissons cet autre domaine de la modernité, très inscrit dans la perspective d’un monde « épis­témologique », pour contribuer prioritairement au développement de la théorie géographique. Parce que ce domaine contient des germes pour penser autrement le monde effectivement spatial, où vivent et meurent les hommes, où les biens communs doivent être inaliénables. Ce domaine des formes et des présences, est un monde de la sensibilité où ne sont pas encore appliquées les nouveautés des approches kantiennes. C’est un monde différent de celui qui repose sur les dominantes académiques de la société occidentale et de sa mondialisation actuelle, où l’observation, la pensée et la vie/l’ac­tion pourraient être porteurs d’approches dont on va postuler qu’elles contiennent quelques-unes des solutions principales de sortie de « crise » associées au projet de sauver la Terre.

Pour citer cet article

Jean-Paul FERRIER, «Modernité et théorie géographique : un itinéraire épistémologique», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 62 (2014/1) - Questions et débats en géographie, URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=260.

A propos de : Jean-Paul FERRIER

Université d’Aix-Marseille (AMU)

UMR Université-CNRS 7300 E.S.P.A.C.E.

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