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- Volume 14 (2010)
- Numéro spécial 1
- Suivi de la percolation du nitrate en terres cultivées par la technique lysimétrique
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Suivi de la percolation du nitrate en terres cultivées par la technique lysimétrique
Résumé
Le PGDA (Programme de Gestion Durable de l'Azote) est la transcription wallonne de la Directive Nitrates Européenne (91/676/CEE) dont l'objectif est de réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates d'origine agricole. Six lysimètres ont été mis en place sur des parcelles agricoles dans la région de Hesbaye en conditions d'exploitation intensive, principalement à vocation légumière. Ils permettent le suivi quantitatif de la percolation du nitrate au-delà de la zone racinaire. Cette étude démontre que les lysimètres sont efficaces et permettent de récolter des quantités représentatives des eaux. L'analyse de leur teneur en nitrate, combinée aux données culturales, aux fertilisations appliquées et conseillées, aux données climatiques et aux mesures APL (Azote Potentiellement Lessivable), permet une approche globale qui relie la protection des eaux souterraines vis-à-vis de la pollution nitrique et de nos pratiques agricoles. L'indicateur environnemental APL est bien relié avec la quantité de nitrate présent dans les eaux de percolation sous racinaire non récupérable par les cultures suivantes. Il est malheureusement montré que le respect de la législation actuelle en matière de fertilisation azotée n'est pas une garantie de respecter les normes visées de qualité d'eau en voie de migration vers les nappes. L'outil lysimétrique met en évidence que la solution ne passe pas par une approche culture par culture, mais bien par une gestion intégrée et globale des rotations et successions culturales, en ce compris les fertilisations raisonnées et cultures CIPAN (Culture Intercalaire Piège à Nitrate) adaptées à chaque culture présente dans la rotation. Des constats de successions culturales favorables et défavorables à la teneur en nitrate des eaux de profondeur sont dressés. Les études en cours évaluent les successions culturales, les niveaux de fumure et leur fractionnement, ainsi que les conseils de fumure à prodiguer pour les différents types de cultures wallonnes avec les impacts sur la qualité des eaux de percolation qui en résultent.
Abstract
Monitoring of nitrate leaching in croplands by lysimeters. The European Nitrates Directive (91/676/CEE) aims at moderating or preventing water pollution with nitrates issued from agricultural practices. The Walloon region transposed it into its law and initiated a Sustainable Nitrogen Management Program on 2002, also called PGDA in French. Six lysimeters have been implemented in agricultural open fields, being under real condition of industrial harvest crops, especially vegetable ones. The lysimeters are used as follow up tools to monitor and quantify the amount of nitrates leaching beyond root zone towards underground water ressource. This study demonstrates that lysimeters are efficient and permit to collect representative quantity of seepage water. Their nitrates content, combined with data related to agricultural practices, fertilisation rates and advised, climate, the defined environmental indicator (APL) provide a global approach to link agricultural practices and underground water protection from nitrates pollution. The lysimeters validate the reliability of the environmental indicator (APL) with the nitrates content in leaching water, which will not be catched up by the next crop. Unfortunately, it is also demonstrated that even when the nitrogen management is respectful of the related legislation, the warranty to respect the targeted norms of water quality on nitrates is not ensured. The lysimeter tool clearly shows that the respect of seepage water quality standards issued from industrial agriculture does not have to be considered crop per crop but rather from an integrated and global approach of the complete crop sequences and rotations, in respect with best agricultural practices, reasonable fertilisation rates, inset crops, etc. for each individual crops. Some favourable and non favourable crop sequences to nitrates content of underground water are listed. Experiments are in progress on crop sequences evaluation and fertilisation levels and advises for Walloon industrial crops and their impacts on the leaching water quality and nitrates content collected by lysimeters.
Inhoudstafel
1. Introduction
1L'augmentation de la productivité agricole s'est généralement accompagnée d'un usage non rationnel des produits agrochimiques en général et des engrais azotés en particulier. Ainsi, les excès d'azote ayant échappé à l'absorption racinaire sont sujets à la lixiviation de l'ion nitrate en profondeur, ce qui génère le risque de pollution nitrique des eaux souterraines (Soudi et al., 2005). L'intensité de ce phénomène est conditionnée par la texture du sol, la capacité d'absorption de la culture, la hauteur des précipitations et/ou d'irrigation et la quantité d'azote minéral appliquée et/ou minéralisée à partir de la matière organique native du sol ou de celle apportée (Fonder et al., 2005).
2GRENeRA et ses partenaires ont mis en place et exploité six lysimètres in situ en système remanié et non remanié sur des terres agricoles dans la région de Hesbaye en exploitation réelle, principalement à vocation légumière. Ces lysimètres constituent un outil qui permet un suivi quantitatif de la percolation du nitrate au-delà de la zone racinaire. Cette quantification de la lixiviation de l'azote nitrique a pour buts de :
3– fournir rapidement, par rapport au temps de réponse d'un aquifère et de manière ciblée au secteur agricole, une assurance quant à la pertinence des normes et des valeurs d'APL de référence (Vandenberghe et al., 2004), définies pour évaluer la bonne gestion de l'azote,
4– permettre de vérifier l'adéquation entre ces valeurs de référence, les conseils de fumure et l'objectif de préservation de la qualité des eaux,
5– apporter un éclairage et des conseils sur les pratiques et rotations culturales qui devraient permettre de rencontrer l'objectif de qualité des eaux de moins de 50 mg.l-1 de nitrate dans les eaux de nappe et celles qui sont à revoir ou à éviter.
2. Matériel et méthodes
2.1. Les lysimètres
6L'analyse des avantages et inconvénients des systèmes lysimétriques a orienté le choix vers un système de type fermé. C'est le seul qui réponde à l'exigence fondamentale de la lysimétrie de mesurer simultanément la solution de drainage et sa concentration dans un volume parfaitement défini (Aboukhaled et al., 1986). Ce système permanent permet une étude aussi complète que possible et sert de référence pour un milieu pédo-climatique donné, à un niveau régional pertinent. Les mesures obtenues permettent d'apprécier l'impact, sur le milieu, des pratiques agricoles mises en œuvre, tel que préconisé par le PGDA. Après compilation des données de réalisations pratiques et des paramètres à respecter pour une lysimétrie de qualité selon la FAO (Aboukhaled et al., 1986), six lysimètres de type fermés sont installés en plein champ dans des exploitations pilotes, trois remplis de sol remanié et trois sans remaniement du sol lors de l'installation.
7Les systèmes en sol non remanié ont été mis en place par enfoncement vertical du cylindre lysimétrique, à l'aide d'un bras de pelle hydraulique. La plaque de fond a ensuite été chassée horizontalement, l'étanchéité a été réalisée par des joints de soudure (Figure 1). Trois tuyaux en inox perforés et remplis d'un géotextile percent le bas de la cuve et sont interconnectés pour l'évacuation des percolats du fond de la cuve lysimétrique vers une chambre de visite en bordure de champ, où un bidon récolte les eaux de percolation.
8Les systèmes en sol remanié ont été installés en creusant une fosse dans laquelle la cuve lysimétrique a été déposée. La cuve est remplie des couches successives de sol, soigneusement séparées lors du creusement, sur base des observations du profil pédologique. La cuve lysimétrique est circulaire, de 1 m2 de section (1,13 m de diamètre) en inox de 5 mm d'épaisseur, pour une hauteur de 1,5 m. Elle est placée verticalement à 50 cm sous la surface du sol, d'où l'appellation « système semi-fermé », en plein champ, à l'extérieur des tournières. Le plancher drainant, situé à 2 m de profondeur, évacue les eaux récoltées par le biais d'un tuyau vers un bidon de récolte en polyéthylène, placé dans une chambre de visite construite en bordure du champ.
9Ils sont implantés dans la région de Hesbaye au sein de deux fermes faisant partie du « Survey Surfaces Agricoles » (Vandenberghe et al., 2004), en partie dans un périmètre d'irrigation et sous cultures légumières industrielles en rotation avec les grandes cultures classiques.
2.2. Classification pédologique
10Les six lysimètres sont installés sur des sols classés par la carte pédologique des sols de Belgique comme limoneux, à développement de profil B textural dénommés AbA ou AbP selon leur localisation sur un plateau ou sur une pente, avec des développements de profil plus ou moins enfoui et conditions de drainage variables.
2.3. Les données météorologiques
11Les données climatologiques observées à la station IRM de Uccle (Bruxelles) sont compilées en continu depuis l'installation des lysimètres en 2003. Elles renseignent la température moyenne (°C), les précipitations (l.m-2), le nombre de jours de précipitations (j) et la durée d'insolation (h).
12Brièvement, ces différentes mesures des paramètres climatologiques de base prises mensuellement montrent une tendance globale à des températures allant vers les extrêmes (été chaud et hiver froid) et des précipitations globales déficitaires par rapport aux moyennes mensuelles. Cependant, les données étant globalisées par des moyennes trimestrielles saisonnières masquent souvent ces épisodes extrêmes, et affichent des valeurs normales.
13Ces données permettent d'apprécier l'efficacité d'infiltration des eaux dans les lysimètres en corrélation avec les saisons culturales et besoins en eau des plantes.
2.4. Les itinéraires culturaux
14Etant en conditions réelles d'exploitation, les cultures installées au droit des lysimètres sont entièrement dépendantes du choix des agriculteurs.
15Les itinéraires culturaux sont suivis pour chaque parcelle et présentés brièvement dans le tableau 1. Les données collectées relatives aux cultures sont les dates de semis et de récolte, ainsi que les rendements. La fertilisation azotée est notée pour le type d'engrais (organique ou minéral), la quantité et la composition, les dates d'épandage ou de semis. Les travaux de sol sont répertoriés pour le type de travail du sol et les dates de réalisation. Les dates de semis et d'enfouissement de cultures CIPAN (phacélie, moutarde, etc.) sont également reprises dans une fiche par parcelle.
16Des six parcelles suivies, seuls les résultats de cinq d'entre elles seront discutés ci-après, car le lysimètre implanté sur la sixième parcelle n'a jamais pu fournir des données régulières et pertinentes. Ce lysimètre a été enlevé de ce site et vient d'être réimplanté sur une autre parcelle.
17Ces cinq lysimètres ont été volontairement installés dans un périmètre où il y a une production légumière industrielle. Ces cultures ont une gestion de l'azote moins connue (Xanthoulis et al., 1996) et nécessitent un suivi azoté rigoureux.
3. Résutats et discussion
3.1. Quantité des percolats récoltés
18Les données météorologiques de pluviométrie (P) complémentées des données décadaires d'évapotranspiration (ETP) permettent de calculer le déficit hydrique des sols (P-ETP). L'eau qui tombe à la surface d'un sol ne peut s'infiltrer en profondeur lorsque (P-ETP) est négatif, c'est-à-dire lorsque l'évapotranspiration est plus importante que la pluviométrie. Par contre, lorsque P-ETP est positif, cela signifie que le stock en eau du sol est approvisionné, ce qui pourra mener à une infiltration quand la capacité au champ (spécifique pour chaque sol) sera dépassée.
19Le tableau 2 fait la synthèse de la pluviométrie, de l'ETM (Evapotranspiration Maximale) et des volumes récoltés par parcelle. L'ETM est obtenue en multipliant l'évapotranspiration réelle (ETP) par un coefficient de consommation en eau des cultures (Kc). Le coefficient Kc varie selon les cultures et leur stade de développement (germination, croissance, maturation). Le bilan hydrologique prend également en compte l'eau qui a été apportée par irrigation. Le calcul de drainage (D) ne prend pas en compte les phénomènes de ruissellement, d'écoulements hypodermiques, de redistribution dans le sol, etc. pour lesquels il faut passer par de la modélisation mathématique. La valeur D présentée est dès lors surévaluée.
20Ce bilan hydrologique permet de donner une appréciation du fonctionnement des lysimètres installés et de vérifier que les quantités d'eau récoltées par percolation à la base des lysimètres à 2 m de profondeur sont représentatives des eaux en voie de migration vers les réserves en eaux souterraines.
21Le tableau 2 donne un bilan hydrologique récapitulatif des percolats récoltés par parcelle. Il montre que les lysimètres des parcelles P2 et P3 ont nécessité une année avant la remise en route de l'infiltration au travers des lysimètres. Les parcelles P4 et P5 par contre ont recueilli de l'eau par percolation dès la première saison de drainage. Cependant, les quantités d'eau récoltées plus importantes que la pluviométrie illustrent un captage d'une nappe locale avec remontée temporaire hivernale. L'installation d'un réseau de piézomètres autour de ces lysimètres et leur suivi durant une saison de drainage complète a permis de confirmer le captage et drainage partiel de cette nappe. A la suite de ces observations, ces deux lysimètres ont été équipés d'une vanne qui ferme l'exutoire du lysimètre dès que la frange capillaire de la nappe est captée, ce qui induit son drainage par les lysimètres en place.
22On considère que pour une pluviométrie ramenée à 100 %, 6 à 28 % migreront en profondeur et participeront à la recharge des nappes d'eaux souterraines (Sohier, 2009). La quantité d'eau de percolation récoltée dans les lysimètres, ramenée en pourcentage de la pluviométrie, est en moyenne de 13 %, ce qui correspond à la fraction admise et reconnue des eaux en voie de migration vers les horizons plus profonds et participant à la recharge des nappes. Les variations des pourcentages de percolation observées pour les différentes saisons de drainage dépendent des conditions climatiques et culturales de l'année. Les lysimètres des parcelles P4 et P5 interceptant une nappe de remontée temporaire et étant fermés à leur exutoire durant cette période, ne font pas l'objet de ce calcul.
23D'un point de vue quantitatif, les lysimètres répondent parfaitement aux attentes, à savoir de permettre la récolte des eaux en voie de migration vers les nappes souterraines, en vue de leur suivi qualitatif. Il ne faut cependant pas perdre de vue que les lysimètres installés sont des systèmes fermés étant enfoncés à 50 cm sous la surface du sol, ce qui génère des pertes par remontées capillaires, écoulement hypodermiques de sous-surface et autres phénomènes hydrologiques. Il importe de rester vigilant quant à l'interprétation des résultats des lysimètres, sachant qu'ils analysent les effets sur une portion très limitée de la parcelle agricole et qu'il y a la création artificielle d'une zone saturée à la base du lysimètre induisant des conditions hydrodynamiques qui modifient l'écoulement des eaux vers la nappe.
3.2. Qualité des percolats récoltés
24Des graphiques de synthèse, tels que celui de la figure 2, sont dressés pour chaque parcelle. Le graphique de la parcelle P1 est présenté afin de montrer le type d'enseignements tirés des mesures et observations obtenues sur ces sites lysimétriques. Le graphique rassemble, depuis le mois de septembre 2003 jusqu'à décembre 2008, les données relatives aux volumes d'eau percolée et récoltée (données cumulées, en litre) dans les lysimètres ; les teneurs en nitrate mesurées dans cette eau de percolation (en mg NO3-.l-1) ainsi que les mesures de reliquat azoté dans le sol en post-récolte et les valeurs APL mesurées (en kg N-NO3-.ha-1). Les saisons culturales et les apports azotés (U pour kg N.ha-1) sont repris sous le graphique.
25L'observation de ce graphique montre que la courbe des volumes récoltés est du même type que la courbe de la pluviométrie mensuelle dont est déduite l'évapotranspiration (P-ETP), sans corrélation directe pour autant entre la pluviométrie quotidienne ou hebdomadaire et les volumes récoltés hebdomadairement par percolation à 2 m de profondeur. La relation « pluviométrie/percolation » n'est pas du type « impulsion/réponse » et explique le recours habituel aux modèles mathématiques, qui intègrent des paramètres tels que le ruissellement, l'interception, la redistribution dans le sol, l'état hydrique du sol, l'évaporation, etc. (Felix et al., 2005). Ces aspects théoriques ne font pas partie des objectifs de recherche et de mesures de suivi de cette étude. Les volumes récoltés sont également à mettre en corrélation avec la pluviométrie et les cultures en place. Par exemple, les données météorologiques renseignent un été et un automne très chauds et peu pluvieux en 2005 ; la culture en place était un froment, ce qui a amené à récolter très peu d'eau de percolation sur la période théorique de drainage qui s'étale de septembre à avril.
26L'observation dans le temps de la teneur en nitrate qui percole à 2 m de profondeur est relativement constante jusqu'en 2006 où une culture de céréales sans CIPAN a été suivie d'une culture légumière (carotte). Les profils de reliquats azotés (APL) montrent que la culture de haricot laisse des résidus azotés plus élevés. L'azote de l'horizon de surface sera partiellement récupéré par la culture de froment installée ensuite. Une migration et un enrichissement du profil en profondeur sont mis en évidence par les mesures APL à 60 cm de profondeur et les eaux percolées dans le lysimètre. La troisième saison de drainage (2005-2006) qui a suivi l'été chaud et peu pluvieux de 2005, n'a récolté que très peu d'eau de percolation, dont la teneur en nitrate est acceptable. Le profil sondé par les mesures APL post-récolte à la culture de froment est faiblement chargé en résidus azotés. Une minéralisation de l'humus est observée en surface à l'automne.
27Le sol est couvert par une CIPAN (phacélie) durant tout l'hiver. La quatrième saison de drainage (2006-2007) présente une eau de percolation respectueuse de la qualité de l'eau, malgré une augmentation au cours de la saison de drainage et une tendance à la hausse qui se poursuivra sur la saison de drainage suivante, témoin de l'entrainement en profondeur des résidus nitriques de la double culture fève/épinard. On observe une bonne relation entre la concentration en nitrate dans l'eau de percolation et l'APL, ce qui valide cet indicateur environnemental.
28Au cours de la cinquième saison de drainage (2007-2008), l'eau du lysimètre recommence à percoler assez tardivement, compte tenu du printemps sec et chaud (2007) ainsi que du bon développement du froment en été (2007) qui avaient laissé le sol dans un état de relative sècheresse fin de l'été, et que n'a pas permis de réhumidifier un automne relativement peu pluvieux. La teneur en nitrate dans l'eau de percolation est élevée et dépasse les 100 mg NO3-.l-1 et les APL sont élevés (~ 125 kg N-NO3-.ha-1), ce qui s'explique par l'absence de CIPAN après froment.
29Le drainage suivant (2008-2009) commence début juin 2008. La percolation continue jusqu'en aout, mois durant lequel le lysimètre se tarit car les besoins en eau de la carotte sont élevés et assèchent le profil hydrique au cours du cycle de cette culture. Les concentrations en nitrate dans l'eau de percolation recueillie au cours de cette saison de drainage sont élevées et dépassent les 150 mg NO3-.l-1. La saison de drainage a repris sur ce lysimètre en mars 2009 pour se poursuivre actuellement. Les teneurs en nitrate observées dans l'eau de percolation sont élevées (~230 mg NO3-.l-1), confirmant ainsi la tendance à la hausse déjà observée en 2008 : elles témoignent de la faible récupération du reliquat azoté important présent dans le sol par la carotte du fait de la faible profondeur racinaire. Cet azote migrera en profondeur et se retrouvera in fine dans les eaux souterraines.
3.3. Les conseils de fumure et reliquats mesurés
30Le tableau 3 présente pour la parcelle P1 les années de culture, la culture mise en place, la mesure éventuelle du reliquat azoté avant semis qui a conditionné le conseil de fumure, la fumure réellement apportée par l'agriculteur, le rendement obtenu et le reliquat " post-récolte " mesuré.
31Au cours des cinq années de suivi, cette parcelle a été occupée trois fois par des itinéraires culturaux au reliquat attendu faible (céréales, betterave) et quatre fois par des itinéraires culturaux de reliquat attendu élevé (légumes).
32Les fumures minérales appliquées sont globalement conformes aux conseils.
33Les APL mesurés dans ces parcelles sont conformes aux valeurs attendues pour les cultures considérées.
34Le reliquat azoté élevé (en valeur absolue) mesuré en décembre 2004 a été pris en considération dans la fumure minérale du froment qui a suivi : 143 UN au lieu de 185 UN (fumure de référence du Livre Blanc 2005), sans toutefois atteindre la fumure conseil dans ce contexte.
35En 2006, la mesure du reliquat azoté avant la fève pour le conseil de fumure a été réalisé le 14 mars 2006 et recommandait 60 UN. Quatre-vingt UN ont ensuite été appliquées avant le semis des épinards.
36En 2007, une fumure de 163 UN a été appliquée en culture de froment. L'APL mesuré en automne sur cette parcelle est élevé, explicable par un retravail du sol favorisant la minéralisation en l'absence de CIPAN.
37Vingt UN ont été apportées en 2008 en culture de carotte, sur base d'un conseil effectué plus tard dans la saison pour tenir compte d'une minéralisation importante en début de saison. L'APL mesuré en décembre 2008 est qualifié de bon, soulignant la bonne utilisation de l'azote présent en surface par la culture.
38Malgré le respect d'une fertilisation raisonnée, le paragraphe précédent démontre pourtant qu'à plusieurs reprises, la teneur en nitrate dans les eaux de percolation était supérieure à 50 mg.l-1. Des observations similaires et complémentaires ont été réalisées sur les quatre autres lysimètres (Deneufbourg et al., 2009).
4. Conclusion
39On peut conclure que les lysimètres sous les terres agricoles en exploitation intensive remplissent correctement leur mission de suivi de la qualité des eaux de percolation en voie de migration vers les eaux souterraines et ce, malgré quelques ajustements nécessaires à leurs débuts.
40Le croisement des données culturales, des fertilisations appliquées et conseillées, des données climatiques, des mesures APL et des observations lysimétriques est un appui pertinent à une gestion globale de l'agriculture intensive telle qu'elle est pratiquée actuellement, et à la protection des eaux souterraines vis-à-vis de la pollution nitrique. Les lysimètres démontrent également que l'indicateur environnemental APL donne une tendance correcte sur la quantité de nitrate qui sera présente dans les eaux de percolation de profondeur et non récupérable par les cultures suivantes. Malgré une bonne relation entre les valeurs APL et les teneurs en nitrate dans les eaux de percolation (équivalence des ordres de grandeur), il ne faut néanmoins pas en attendre une précision de l'ordre du mg.l-1, ce qui n'est par ailleurs pas le but recherché. Il est malheureusement montré ici que le respect de la législation actuelle en matière de fertilisation azotée n'est pas une garantie et ne suffit pas pour toujours respecter les quantités de nitrate considérées comme acceptables dans les eaux en voie de migration vers les nappes.
41L'outil lysimétrique met clairement en évidence que le respect de la qualité des eaux de percolation sous les terres agricoles ne doit pas être approchée culture par culture, mais bien par une gestion intégrée et globale des rotations et successions culturales, en ce compris les fertilisations raisonnées et CIPAN adaptées à chaque culture présente dans la rotation.
42Du point de vue des rotations culturales, l'outil lysimétrique permet de dresser les constats suivants :
43– une culture de céréale suivie d'une CIPAN sans apport de matière organique permet d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate,
44– une culture de céréale non suivie d'une CIPAN ne permet pas d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate. Ces observations constituent un argument en faveur d'une couverture hivernale sur 100 % des parcelles après céréales,
45– une culture de betterave permet d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate,
46– une culture de pomme de terre non suivie d'un couvert hivernal ne permet pas d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate,
47– une culture de haricot non suivie d'un couvert hivernal mène à des teneurs en nitrate dans l'eau de percolation particulièrement élevées. Une CIPAN s'avère donc indispensable,
48– l'introduction d'un couvert hivernal après une légumineuse se justifie afin de limiter la contamination des eaux de percolation par le nitrate. Par ailleurs, en fonction de la date de récolte du haricot, une CIPAN avant froment (qui suit le haricot) peut être envisagée afin de limiter la contamination de l'eau de percolation par le nitrate,
49– une succession épinard-haricot ne permet pas d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate. En fonction de la date de récolte du haricot, une CIPAN après haricot doit être envisagée afin de limiter la contamination de l'eau de percolation par le nitrate,
50– une succession fève des marais-chou frisé ou épinard ne permet pas d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate. Bien que cette concentration demeure " raisonnable ", un meilleur raisonnement de la fertilisation sur épinard ou chou frisé permettrait d'améliorer les teneurs en nitrate dans les eaux de percolation,
51– une succession fève des marais-froment ne permet pas d'obtenir au cours de la saison de drainage suivante une eau de percolation considérée comme acceptable pour sa teneur en nitrate. L'implantation d'une seconde culture directement après la récolte des fèves des marais ou d'une CIPAN semble donc plus favorable à une diminution des concentrations en nitrate dans l'eau.
52Les conseils de fumure continuent à faire l'objet d'expérimentations afin d'être améliorés. Il est vivement recommandé de les respecter le plus scrupuleusement possible.
53L'outil lysimétrique continue actuellement à investiguer les successions culturales, les niveaux de fumure et leur fractionnement, ainsi que les conseils de fumure à prodiguer pour les cultures en corrélation avec les impacts sur la qualité des eaux de percolation qui en résultent (Deneufbourg et al., 2010).
54Remerciements
55Cet article synthétise les travaux issus de deux contrats de recherche : « Mise en place d'un suivi lysimétrique afin de vérifier la pertinence des normes d'épandage et Azote Potentiellement Lessivable (APL) de référence du Programme de Gestion Durable de l'Azote (PGDA) en région wallonne » (réf. 3523/1) alloué par le Ministère de la Région wallonne à l'ASBL Epuvaleau, en partenariat avec GRENeRA (mars 2003-février 2005) ; et « Suivi lysimétrique de l'azote nitrique dans le cadre du Programme de Gestion Durable de l'Azote (PGDA) en agriculture » (réf 3523/2) alloué par le Ministère de la Région wallonne à l'ASBL Epuvaleau, en partenariat avec GRENeRA (mars 2005-mai 2007). Ces travaux sont poursuivis actuellement par la convention « Adaptation des pratiques agricoles en fonction des exigences de la Directive Nitrates et la validation des résultats via le suivi lysimétrique de la lixiviation de l'azote nitrique » (réf. 3523/3) allouée par le Service Public de Wallonie (DGARNE) à la cellule GRENeRA (Laboratoire de Géopédologie, Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, devenue ULg - Gembloux Agro-Bio Tech) en collaboration avec l'ASBL Epuvaleau et l'ASBL Centre Maraicher de Hesbaye (CMH).
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Over : Nathalie Fonder
Epuvaleau ASBL. Avenue de la Faculté d'Agronomie, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : fonder.n@fsagx.ac.be
Over : Mathieu Deneufbourg
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Laboratoire de Géopédologie. GRENeRA. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
Over : Christophe Vandenberghe
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Laboratoire de Géopédologie. GRENeRA. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
Over : Dimitri Xanthoulis
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
Over : Jean Marie Marcoen
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Laboratoire de Géopédologie. GRENeRA. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).