Tropicultura

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Henri Kabanyegeye, Tatien Masharabu, Yannick Useni Sikuzani & Jan Bogaert

Perception sur les espaces verts et leurs services écosystémiques par les acteurs locaux de la ville de Bujumbura (République du Burundi)

(volume 38 (2020) — Numéro 3-4)
Article
Open Access

Résumé

La prise de conscience de l’importance des espaces verts et des services écosystémiques qu’ils rendent est primordiale pour tout programme de leur protection en milieu urbain. Pour cette raison, la perception des espaces verts des communes de la ville de Bujumbura (Muha, Mukaza et Ntahangwa) au Burundi et de leurs services écosystémiques par les acteurs locaux à partir d’une enquête en ligne et semi-dirigée a été appréciée. Les résultats révèlent que, les espaces verts de la ville de Bujumbura sont concentrés dans la commune de Mukaza et suggèrent une répartition inégale. En outre, quelle que soit l’enquête, les terrains de jeux constituent le type d’espaces verts dominants à Bujumbura. Plus de 80 % des espaces verts sont qualifiés de publics et pour ceux qui sont privés, les acteurs ne sont pas unanimes au coût d’accessibilité. La qualité de leurs gestion et entretien est moyenne à Mukaza et faible dans d’autres communes de la ville. Les enquêtés perçoivent que les espaces verts offrent potentiellement la possibilité de loisir et du bien-être physique et psychologique comme services écosystémiques dominants. Des mesures de préservation d’espaces verts existants et ceux de création dans les parties de la ville en extension s’imposent.

Abstract

Perception of green spaces and their ecosystem services by local actors in the city of Bujumbura (Republic of Burundi)

Awareness of the importance of green spaces and the ecosystem services they provide is essential for any program to protect them in urban areas. For this reason, the perception of the green spaces of the communes of the city of Bujumbura (Muha, Mukaza and Ntahangwa) in Burundi and their ecosystem services by local actors from an online and semi-directed survey was appreciated. The results reveal that the green spaces of the city of Bujumbura are concentrated in the commune of Mukaza and suggest an uneven distribution. In addition, regardless of the survey, playgrounds are the dominant type of green space in Bujumbura. More than 80% of green spaces are qualified as public and for those which are private, the players are not unanimous on the cost of accessibility. The quality of their management and maintenance is average in Mukaza and low in other communes of the city. Respondents perceive that green spaces potentially offer the possibility of leisure and physical and psychological well-being as dominant ecosystem services. Measures to preserve existing green spaces and those of creation in the expanding parts of the city are needed.


Introduction

1La population urbaine mondiale n’a cessé d’augmenter rapidement depuis 1950. Elle est passée de 30% de la population mondiale à 54% en 2014. Elle devrait atteindre 70% en 2050 selon diverses projections (41). Il est à noter que 90% de cette croissance démographique urbaine sera localisée en Afrique et en Asie démontrant de l’intérêt qu’il convient d’accorder au processus d’urbanisation dans les pays en développement.

2L’expansion rapide et peu contrôlée du bâti causée par cette urbanisation induit une série d’impacts sociaux-économiques et environnementaux défavorables. Il s’agit notamment de la perte des terres arables, de l’insécurité foncière persistante, de l’insuffisance des équipements appropriés, et de la régression de la couverture d’espaces verts menant à une perte de la biodiversité et à la dégradation des services écosystémiques (1, 9, 18).

3Pourtant, les espaces verts, éléments de la nature urbaine, sont, avant tout, un moyen d’accès pour la population à un lieu protégé et entretenu, consacré notamment à des fins récréatives ou décoratives (12).

4Dans la plupart des métropoles d’Afrique subsaharienne, les aménagements d’espaces verts n’arrivent pas à suivre le rythme d’expansion spatiale des villes (2, 43). À titre illustratif, l’expansion spatiale urbaine de la ville de Lubumbashi en RDC a entrainé une fragmentation menant à une régression de la couverture d’espaces verts de l’ordre de 3,6 km² par an (42), d’une part et à une altération des fonctionnalités écologiques (protection contre les inondations, régulation du micro climat, etc.) sur les espaces verts qui persistent (44), d’autre part.

5Le processus d’urbanisation et l’altération des espaces verts qui en résulte n’ont cessé d’attirer la curiosité des chercheurs en Afrique subsaharienne (28).Les études convergent en plus sur la nécessité d’un modèle ou d’une politique de gestion durable et optimale des espaces verts qui tiennent compte des réalités socio-économiques de chaque pays (14, 25, 30,37, 44, 45).

6Ainsi, au-delà de l'enjeu scientifique, des besoins de connaissances sont formulés par des gestionnaires et des aménageurs du territoire pour une gestion optimale et équilibrée des espaces verts (32) en milieux urbains. Ce besoin se fait sentir pour la ville de Bujumbura où les travaux d’aménagement urbain accordent peu d’intérêts aux aspects écologiques (15). Malgré la validation en 2015 du plan directeur détaillé de la grande ville de Bujumbura pour l’horizon 2045, celui-ci n’a pas encore été appliqué faute d’outils pratiques et des formations des acteurs.

7Par conséquent, les espaces verts sont progressivement détruits pour installer de nouvelles maisons et d'autres infrastructures physiques comme les routes Au cours de cette expansion spatiale urbaine, même la végétation des zones tampons le long des rivières et du lac Tanganyika a été détruite pour la construction des maisons.

8En effet, les écosystèmes naturels ont considérablement régressé en raison de la forte pression anthropique (8), en plus du mauvais entretien des espaces verts présents dans la ville de Bujumbura. Dans une moindre mesure, certains écosystèmes naturels ont également été remplacés par des forêts artificielles afin de contrer l'aggravation de l'érosion et de faire face à la crise du bois de chauffage, du bois d'œuvre et du bois de construction (3). En outre, de nombreuses avenues et d’autres espaces verts publics et privés de la ville abritent une flore importante dont la typologie, la gestion et les services écosystémiques potentiels qu’elle fournit sont largement méconnus.

9Malgré cette situation chaotique sur le plan écologique en ville de Bujumbura, force est de constater que seule la flore présente sur les espaces verts et les jardins domestiques a été identifiée à travers les études antérieures. Aucune étude ne s’est focalisée sur le ressenti des usagers quant à la présence relative aux services écosystémiques des espaces verts en ville de Bujumbura.

10Pour combler ce déficit d’informations, la présente étude évalue la perception qu’ont les acteurs locaux des espaces verts de la ville de Bujumbura et les services écosystémiques qu’ils rendent.

11Il est à noter que l’appréciation des espaces verts et de leurs fonctionnalités peut se faire sur la base de l’approche cartographique, des inventaires et des enquêtes.

12Lorsque plusieurs catégories d’espaces verts et de services écosystémiques qu’ils offrent sont considérées, le recours à une consultation d’un panel d’experts à travers des enquêtes constitue une approche pertinente (40).

13La présente étude teste l’hypothèse principale selon laquelle les quartiers de haut standing hérités de la colonisation sont bien pourvus en espaces verts et les services écosystémiques qu’ils rendent sont essentiellement culturels.

14Cette hypothèse est subdivisée en hypothèses spécifiques suivantes : (i) il existe en ville de Bujumbura une diversité d’espaces verts inégalement répartis pouvant être regroupés en catégories ; (ii) les espaces verts de la ville de Bujumbura seraient pour la plupart privés, largement ouverts au public et à la gestion mitigée ; (iii) les espaces verts de la ville de Bujumbura fournissent potentiellement des services écosystémiques qui peuvent être évalués.

Matériel et Méthodes

Milieu d’étude

15La ville de Bujumbura est située au bord Est du lac Tanganyika, à l’ouest de la République du Burundi entre 3°30’ - 3°51’ de latitude sud et 29°31’- 29°42’ de longitude est (Figure 1). S’étendant sur 10 462 hectares, elle comprend trois communes : Muha au nord, Mukaza au centre et Ntahangwa au sud (Figure 1) qui sont subdivisées en 13 entités administratives érigées en zones urbaines (31). Le climat est de type tropical avec une température moyenne annuelle de 23° C et des précipitations moyennes annuelles oscillant entre 1000 mm et 1200 mm (35).

16Bujumbura enregistre deux grandes saisons, à savoir la saison des pluies et la saison sèche. Cependant, sur la base d’observations de la quantité de pluies et de la température, il existe la grande (juin à mi-septembre) et petite saison sèche (mi-décembre à mi -février), la grande (mi-février à mai) et la petite saison des pluies (mi-septembre à décembre). Le relief est caractérisé par une plaine de basse altitude qui se relève d’ouest en est avec une altitude moyenne de 820 m (29).

17L’hydrographie est dominée par le lac Tanganyika situé dans le bassin du fleuve Congo. D’après Kabeya (22), la texture du sol de Bujumbura est composée de sable, de marécages avec de l’argile gonflante, l’argile simple, l’argile avec du sable, l’argile mélangé avec du sable et du limon. Sur le territoire urbain de Bujumbura, les 50 % de la superficie qui n’est pas encore construite seraient couverts de champs, de jachères et d’une végétation naturelle résiduelle (8).

18La pêche, le secteur industriel et des services ainsi que l’agriculture sont les principales activités économiques réalisées par une population qui est passée de 500 000 en 2008 à 900 000 habitants en 2018.

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Figure 1 : Localisation du milieu d’étude et répartition des 13 zones urbaines dans les trois communes de la ville de Bujumbura au Burundi. Carte réalisée par l’auteur en septembre 2019.

Collecte des données

19Un questionnaire d’enquête anonyme a été administré aux acteurs locaux de la ville de Bujumbura afin d’avoir leur perception des espaces verts et des services écosystémiques qu’ils rendent dans ses trois communes à standing diversifiés. Ces acteurs étaient composés de professeurs, d’enseignants-chercheurs, de doctorants au nombre de 97, d’une part et de 50 étudiants, d’autre part repartis en Sciences Appliquées, Naturelles et de la Vie et en Sciences Humaines et Sociales de l’Université du Burundi. Les professeurs et les enseignants-chercheurs étaient des campus Mutanga, Rohero et Kiriri sis en commune de Mukaza et du campus Kamenge sis en commune Ntahangwa, les doctorants étaient du campus Ecole doctorale sis dans la commune Ntahangwa tandis que les étudiants étaient du campus Kiriri sis à Mukaza.

20Pour les professeurs, les enseignants-chercheurs et les doctorants, le questionnaire a été administré en ligne via le logiciel Google Forms au mois de juillet 2019 tandis que l’enquête semi-dirigée a été administrée aux étudiants au mois de septembre 2019. L’enquête web est une technique d’enquête qui ne nécessite pas de contact physique avec les enquêtés contrairement à l’enquête semi-dirigée qui nécessite un contact physique non seulement avec le questionnaire d’enquête, mais aussi avec l’enquêteur lui-même (5).

21L’accès plus ou moins relatif d’utilisation des techniques de l’information et de la communication pour la première catégorie d’acteurs par rapport à la deuxième a guidé cette différenciation. Les répondants à notre questionnaire ont été au nombre de 50 pour l’enquête en ligne et de 46 pour l’enquête semi-dirigée. Le genre, les domaines de formation et le statut professionnel des répondants sont détaillés dans le tableau 1. L’enquête a permis la constitution d’une base de données qui reprend la localisation des espaces verts dans les communes de la ville, le type d’espace vert suivant la couverture végétale sur la base de la typologie de Kong & Nakagoshi (24) et de Mensah (28) telle qu’unifiée par Sambieni et al. (37).

22Cette typologie permet d’identifier une catégorie d’espace vert sur la base du couvert végétal et de l’utilisation de l’espace vert. Le statut de propriété de l’espace vert (public ou privé) a été apprécié à travers son degré d’ouverture au public (44) tandis que son niveau de gestion et d’entretien a été apprécié grâce au degré de dégradation de sa couverture végétale, son aspect esthétique (11) et en fonction des activités dont il est le support (27). En outre, le niveau d’accessibilité des espaces verts a été mis en exergue à partir du régime du droit de la propriété foncière qui le régit ou de son ouverture aux usagers (26).

23Enfin, les services écosystémiques potentiels rendus par les espaces verts de la ville de Bujumbura appréciable par les bénéfices matériels et non matériels que les acteurs obtiennent des écosystèmes (10) ont été cités par les enquêtés. Seuls 6 services écosystémiques pertinents ont été proposés aux enquêtés : la purification de l’air et de l’eau, la régulation du micro climat, le traitement des déchets, le plaisir esthétique, la possibilité de loisir et le bien-être physique et psychologique.

24Ces services étudiés sont en lien avec les grands défis auxquels la ville de Bujumbura doit faire face. Aussi, le choix de ces services écosystémiques a-t-il été guidé par les résultats d’une pré-enquête réalisée en ligne au mois de mai 2019 afin de tester le questionnaire et où parmi les acteurs ciblés, certains semblaient ignorer les services rendus par les espaces verts et d’autres proposaient ceux qu’ils connaissaient.

Tableau 1 : La catégorisation des répondants selon le sexe, le domaine de formation et le statut professionnel suivant les deux types des questionnaires utilisés.

Type de questionnaire

Caractéristiques démographiques

En ligne

Semi dirigé

Total

Sexe

Féminin

8

2

10

Masculin

42

44

86

Domaine de formation

Sciences appliquées, naturelles et de la vie

25

46

71

Sciences humaines et sociales

25

0

25

Statut professionnel

Professeurs

5

0

5

Enseignants-chercheurs

4

0

4

Niveau baccalauréat

0

30

30

Niveau master

0

16

16

Doctorants

41

0

41

Total

50

46

96

Analyse de données

25Les données de l’enquête en ligne ont été analysées automatiquement par le logiciel Google Forms et le résumé des réponses a été téléchargé dans le fichier Excel afin de pouvoir créer des graphiques personnalisés. Il s’agit notamment de la construction d’une base de données de réponses et de procéder à un codage de celles-ci, opération préalable à tout traitement. La représentation graphique comparée des fréquences relatives exprimées en pourcentage des résultats des deux enquêtes a été réalisée grâce au tableur Excel.

Résultats

26Les espaces verts sont inégalement répartis dans les trois communes urbaines (Figure 2) de la ville de Bujumbura. Les enquêtés ont perçu que le nombre d’espaces verts diminue lorsqu’on passe de la commune centrale (Mukaza) vers les communes périphériques (Muha et Ntahangwa). Les fréquences relatives de citation par les acteurs suggèrent en effet que la commune de Mukaza regorge plus de la moitié de tous les espaces verts de la ville de Bujumbura (80-89%) comparativement aux communes Muha (4-10%) et Ntahangwa (7-10%). L’enquête en ligne, comparativement à l’enquête semi-dirigée, a permis d’identifier davantage d’espaces verts dans les communes de Muha et Ntahangwa, excepté à Mukaza où c’est la tendance inverse qui a été observée.

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Figure 2 : Fréquences relatives de la répartition des espaces verts dans les trois communes urbaines de la ville de Bujumbura.

n correspond respectivement à 50 et 46 pour les enquêtes en ligne et semi-dirigée. Enquête réalisée en 2019 notamment en juillet pour celle en ligne et en septembre 2019 pour celle semi-dirigée essentiellement auprès des professeurs, des enseignants-chercheurs, des doctorants et des étudiants des diverses facultés de l’Université du Burundi.

27Huit types d’espaces verts sont cités par les acteurs comme présents dans la ville de Bujumbura pour les deux enquêtes combinées. Les acteurs de l’enquête en ligne ont cité huit types d’espaces verts (accompagnement de voies, espace vert de cours collective, jardin/potager, espace agricole, place verte, friche, terrain de jeux et relique de forêt galerie) contre six pour ceux de l’enquête semi-dirigée (accompagnement de voies, espace vert de cour collective, jardin/potager, espace agricole, place verte et terrain de jeux).

28La définition de ces types d’espaces verts se réfère à celle de Sambiéni et al. (37) de la manière suivante : accompagnent de voies, espace vert de cour collective, jardin/potager, pépinière, place verte, relique de forêt galerie, espace agricole, friche, plantation et terrain de football.

29Les terrains de jeux sont cités à travers les deux types d’enquêtes comme étant les espaces verts les plus dominants de la ville de Bujumbura avec une fréquence relative de citation de plus de 20 % pour l’enquête en ligne et plus 50% pour l’enquête semi dirigé (Tableau 2).

30Les espaces verts d’accompagnement de voie se trouvent essentiellement le long des chaussées présentes dans les communes Mukaza et Ntahangwa et du boulevard principal traversant la commune Muha. En ce qui concerne les espaces verts de cour collective et les places vertes, ils sont davantage concentrés dans la commune Mukaza tandis que les espaces agricoles et les friches sont plus localisés dans les communes de Muha et Ntahangwa.

31Les jardins/potagers et les reliques de forêt galerie sont présents dans toutes les communes. Toutefois, il est à noter que leur occurrence augmente au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre de la ville contrairement aux terrains de jeux qui sont plus concentrés au centre-ville.

Tableau 2 : Fréquences relatives (en pourcentage) de citations des types d’espaces verts de la ville de Bujumbura au Burundi.

Type d’enquête

Types d’espaces verts

AV

EVC

JP

EA

PV

F

TJ

RFG

En ligne

20

10

12

2

20

4

26

6

Semi dirigé

8

7

17

7

9

0

52

0

Moyenne de citation

14

8,5

13,5

4,5

14,5

2

39

3

AV: accompagnement de voies, EVC : espace vert de cour collective, JP : jardin/potager, EA : espace agricole, PV : place verte, F : friche, TJ : terrain de jeux, RFG : relique de forêt galerie. n= 46 pour l’enquête semi-dirigée ; n=50 pour l’enquête en ligne.

32Le tableau 2 renseigne que dans la ville de Bujumbura, quel que soit le type d’enquêtes, les espaces verts sont jugés d’espaces publics à plus de 80% par les répondants. Pour ceux-là qui sont privés et dont leur ouverture aux usagers est payante, l’unanimité manque quant à leur coût d’accessibilité.

33Du moment que certains acteurs trouvent ce coût d’accès aux espaces verts privés de la ville de Bujumbura très cher, les autres le trouvent cher, moyen, abordable et d’autres presque gratuit avec des fréquences relatives de citations variant sur une échelle de 10 et 24% pour l’enquête en ligne et 6 à 39 % pour l’enquête semi dirige (Tableau 3).

Tableau 3 : Fréquences relatives supposées du coût d’accessibilité des espaces verts privés de la ville de Bujumbura au Burundi.

Type d’Enquête

Coût d’accès aux espaces verts

Très cher

Cher

Moyen

Abordable

Presque gratuit

En ligne

14

16

26

24

20

Semi dirigé

39

33

22

6

0

Moyenne de citation

26,5

24,5

24

15

10

n=50 pour l’enquête en ligne, n=36 pour l’enquête semi dirigé

34Le tableau 3 indique que la Mairie de Bujumbura est citée comme l’acteur principal intervenant dans la gestion et l’entretien des espaces verts de la ville de Bujumbura. Toutefois, d’autres intervenants comme les associations sans buts lucratifs, les associations des clubs de sport et les administrations locales sont également cités comme impliqués, dans une certaine mesure, dans la gestion des espaces verts. Le niveau de gestion et d’entretien des espaces verts est jugé respectivement par les enquêtés en ligne et en semi dirigé de très satisfaisant par 14 et 4%, de satisfaisant par 32 et 9%, de moyen par 46 et 59%, et de faible par 8 et 28% (Tableau 4).

Tableau 4 : Fréquences relatives de citation du niveau de gestion et d’entretien des espaces verts de la ville de Bujumbura au Burundi.

Type d’enquête

Niveau de gestion et d’entretien des espaces verts

Très satisfaisant

Satisfaisant

Moyen

Faible

En ligne

14

32

46

8

Semi dirigé

4

9

59

28

Moyenne

9

20,5

52,5

18

n50 pour l’enquête en ligne, n46 pour l’enquête semi dirigée

35En analysant le tableau 4, on remarque que les services écosystémiques cités par les répondants comme les plus potentiellement rendus par les espaces verts de la ville de Bujumbura sont au nombre de six. Il s’agit de la purification de l’air et de l’eau, de la régulation du micro-climat, du traitement des déchets, du plaisir esthétique, de la possibilité de loisir et du bien-être physique et psychologique.

36Parmi ces six services écosystémiques, deux sont majoritairement cités dans les deux enquêtes comme les plus dominants. Il s’agit de la possibilité de loisir et du bien-être physique et psychologique. La fréquence de citation pour les autres services écosystémiques varie avec le type d’enquête (Figure 3).

37Le traitement de déchets comme service écosystémique n’a été identifié qu’à travers l’enquête semi-dirigée. Le plaisir esthétique, la purification de l’air et de l’eau sont davantage cités à travers l’enquête semi-dirigée comparativement à l’enquête en ligne. Seule la régulation du microclimat, la possibilité de loisir et le bien-être (physique et psychologique) sont davantage cités par l’enquête en ligne comparativement à celle semi-dirigée.

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Figure 3 : Fréquences relatives de citations des services écosystémiques potentiellement fournis par les espaces verts de la ville de Bujumbura au Burundi.

n46 pour les enquêtes en ligne ; n50 pour les enquêtes semi-dirigées.

Discussion

38Plusieurs approches sont utilisées pour apprécier les espaces verts urbains dont la cartographie et les inventaires. Lorsqu’il s’agit d’analyser la perception des espaces verts et de leurs services écosystémiques, les enquêtes sont souvent préconisées. Pour cette étude, nous avons utilisé l’enquête Web couplée à l’enquête semi dirigé. Le souci de minimiser la tendance à la baisse du taux de réponses aux enquêtes classiques consécutive au développement du téléphone des années 1980 et des nouvelles technologies (5) a guidé cette combinaison de méthodes.

39L’utilisation de l’enquête en ligne pour l’étude des espaces verts urbains a été confirmée par Bertram & Rehdanz, (6) qui estiment que la méthode permet d’interroger le plus de personnes et est adaptée pour étudier le rôle des espaces verts urbains pour le bien-être des personnes vivant en milieu urbain.

40L’enquête par questionnaire quant à elle permet de centrer le discours des personnes interrogées autour de différents thèmes définis au préalable et est considérée comme une méthode efficace et puissante pour documenter surtout le savoir écologique traditionnel (21) et une méthode efficace pour analyser des représentations sociales de l’espace (17).

41Les non réponses des acteurs membres en même temps de la société civile œuvrant dans le domaine environnemental pour des raisons de risque de partialité, d’une part et de manque de temps pour répondre (5) d’autre part surtout chez les doctorants et les étudiants pourraient penser à la représentativité des réponses des acteurs. S’il est vrai que les non réponses peuvent fortement altérer la qualité des résultats, les réponses à une enquête sont représentatives à l’égard de l’échantillon si les probabilités de réponse de tous les éléments de la population sont égales et si la réponse d’un élément est indépendante de celle de tous les autres éléments (7), ce qui est le cas pour cette étude.

42Quand bien même la typologie des espaces verts de Hansen et al., (20) est plus exhaustive car composée de 44 éléments répartis en huit groupes et reliés à des preuves scientifiques sur leurs services écosystémiques correspondants, la typologie utilisée dans la présente étude a l’avantage d’être plus simple et adaptée à la réalité de la zone d’étude. Elle permet aussi d’associer à chaque type d’espace vert l’occupation du sol correspondant.

43Les acteurs ont été choisis dans le milieu académique parmi ceux des sciences humaines et sociales et ceux des sciences appliquées, naturelles et de la vie. Cela a été guidé par le postulat selon lequel lorsque plusieurs services sont considérés, le recours à une consultation d’un panel d’experts constitue une approche pertinente (25). La sensibilité relative des acteurs des sciences humaines et sociales aux questions environnementales a orienté leur choix.

44Le même constat a été fait dans Maréchal et al. (2018) (25) qui ont trouvé que les experts en sciences humaines et sociales semblent plus sensibles aux problématiques qui touchent les populations telles que la pollution sonore, la gestion des eaux usées et le besoin d’espaces de récréation.

45Quant aux acteurs des sciences appliquées, naturelles et de la vie, en plus d’être sensibilisés à ces problématiques, ils sont formés à y apporter des solutions.

46L’utilisation de la typologie de Bolund & Hunhammar (10) se révèle pertinente dans le cas de la ville de Bujumbura, comme cela a été récemment prouvé à Lubumbashi au sud-est de la RDC (24). D’après Maréchal et al. (2018) (25), cette typologie demeure simple d’autant plus qu’elle se base sur un nombre limité de services écosystémiques. En plus, les services écosystémiques étudiés sont en lien avec les défis socio-écologiques auxquels la ville de Bujumbura fait face.

47Cependant, cette typologie ne permet pas d’aller dans le détail des autres services écosystémiques pouvant se révéler pertinents à Bujumbura (comme la production des fruits/légumes sur les espaces agricoles), du fait que l’offre des services écosystémiques dépend de la saisonnalité.

48La présence relative d’espaces verts dans la ville de Bujumbura suit l’ancienneté des quartiers et le niveau socio-économique des résidents. Ainsi, les zones urbaines, particulièrement celles héritées de la colonisation sont les plus pourvues en espaces verts. Les zones des résidents de moyen standing et les zones périphériques caractérisées par un cadre de vie précaire ont peu d’espaces verts.

49Cette situation corrobore les résultats de Toyi (2012) (39) selon lesquels les espaces verts dans la ville de Bujumbura suivent les inégalités de l'espace résidentiel des années 1960-2000.

50Le niveau de gestion et d’entretien des espaces verts varie aussi avec le niveau du standing du quartier. Il est qualifié de moyen par les acteurs locaux des deux enquêtes dans la commune Mukaza et faible dans les deux autres communes en réponse à la multiplicité des intervenants.

51Ce constat est semblable à Geoffroy (2017) (16) car du moment qu’il existe plusieurs acteurs, notamment les services étatiques, dans la gestion et l’entretien des espaces verts, ceux-ci ne bénéficient ni de la même intensité ni de la même nature de soins. Dans la ville de Bujumbura, les services techniques municipaux et les administrations locales, les associations sans buts lucratifs et les associations des clubs interviennent dans l’entretien et dans la gestion des espaces.

52Cette multiplicité des intervenants porte préjudice à l’entretien et à la gestion des espaces verts en raison de la divergence de leurs intérêts. À Beni à l’est de la RDC, Kaleghana & Mweru (23) ont suggéré que lorsque les services étatiques mettent plus d’accent sur la mobilisation des recettes au détriment des actions environnementales, la gestion et l’entretien rationnels des espaces verts deviennent problématiques.

53Huit types d’espaces verts ont été cités par les répondants comme présents dans la ville de Bujumbura par les deux enquêtes. Séparément, les répondants de l’enquête web en ont dénombré huit tandis que ceux de l’enquête semi dirigé en ont dénombré six. Ce déséquilibre a été décrit dans Bayart (2009) (5) qui précise qu’une certaine lassitude des enquêtes associées à l'appréhension de révéler des informations personnelles tend à se généraliser pour les enquêtes semi dirigé ; ce qui n’est pas le cas pour les enquêtes web.

54Dans l’ensemble, il s’est avéré que les terrains de jeu ont été les plus cités par les acteurs locaux comme les espaces verts les plus dominants dans la ville de Bujumbura. Cela peut s’expliquer par le fait que la ville de Bujumbura est composée de 52,3% d’une population d’âge compris entre 15 ans et 44 ans (36) disposant en général d’une activité physique intense.

55Par ailleurs, dans les villes africaines, les zones péri-urbaines sont le siège de nombreuses activités économiques permettant aux ménages d’être moins vulnérables aux fluctuations économiques (1), ce qui justifie la présence des espaces verts de type agricole dans les communes périphériques de la ville de Bujumbura.

56Les acteurs des deux enquêtes ont signalé à l’unanimité que les espaces verts de la ville de Bujumbura sont majoritairement publics. Pour (12), les caractéristiques de non- exclusivité et de non-rivalité des espaces verts constituent un obstacle au financement de leur production et de leur entretien. Par conséquent, il n’existe pas d’incitation pour les agents privés à fournir des espaces verts. Pour ceux qui sont privés, l’unanimité manque quant au coût de leur accessibilité.

57Cette situation est due à la disparité des revenus de notre échantillon. Ceux qui ont un revenu élevé comme les professeurs trouvent le coût d’accès aux espaces verts privés moins cher ou presque gratuit alors que les étudiants le trouvent très cher. Cette controverse a été identifiée par Gueymard (19) qui suggère que le consentement à payer pour un bien environnemental dépend du revenu et du niveau de formation de l’usager.

58Six services écosystémiques potentiellement rendus par les espaces verts de la ville de Bujumbura ont été proposés aux acteurs faute d’une quantification et d’une cartographie (13) de ceux-ci. Ces services vont de ceux proprement écologiques aux culturels (34). Parmi ceux-là, deux sont majoritairement cités par les acteurs dans les deux enquêtes. Il s’agit de la possibilité de loisir et du bien-être physique et psychologique, des services écosystémiques considérés comme culturels (14).

59Ces résultats, liés à d’autres comme notamment la prédominance des aires de jeux dans la ville de Bujumbura, s’explique par la jeunesse de la population de Bujumbura et la constante recherche du bien-être sur le plan sanitaire. La présence des places vertes et des espaces verts d’accompagnement des voies (plantées d’arbres) dans la ville de Bujumbura s’explique par le fait que les effets bénéfiques des arbres sur les climats locaux sont indéniables et les populations en sont conscientes (45).

60Ainsi, avec l’actuelle préoccupation du changement climatique au niveau des villes (4), les demandes en arbres et la nécessité des surfaces d’infiltration des eaux sont attendues d’être très pressantes.

61En effet, la contribution des espaces verts d’accompagnement des voies et des places vertes dans la lutte contre la poussière, dans la fourniture d’ombrage et des fruits, a été démontrée dans les agglomérations de Bele Bele et Tzaneem (province de Limpopo en Afrique du Sud) par Shakleton et al. (38) et à Karachi (Pakistan) par Qureshi et al. (33).

62Conclusion

63Cette étude s’est penchée sur les espaces verts de la ville de Bujumbura et les services écosystémiques qu’ils rendent. Elle révèle qu’ils sont inégalement répartis dans les communes urbaines bien qu’ils soient diversifiés. Dans la commune de Mukaza et particulièrement dans la zone Rohero, les espaces verts sont en grande quantité et leur présence diminue au fur et à mesure qu’on quitte le centre-ville (commune Mukaza) vers la périphérie (communes Muha et Ntahangwa). Ces résultats confirment notre hypothèse de départ relative à l’inégale répartition des espaces verts dans la ville de Bujumbura.

64La dominance des terrains de jeux dans la ville de Bujumbura renseigne sur les services écosystémiques offerts. Les plus dominants sont les possibilités de loisir et le bien-être physique et psychologique. Ceux-ci sont des services d’appui comme énoncé dans notre hypothèse centrale.

65À travers cette étude, les acteurs ont proposé la plantation des arbres fruitiers surtout le long des voies routières et les essences à forte capacité de rétention des inondations qui menacent la ville de Bujumbura. L’étude suggère que les responsables de la planification urbaine de la ville de Bujumbura prévoient des terres réservées aux espaces verts dans les nouveaux quartiers en viabilisation des communes Muha et Ntahangwa en extension actuellement tout en veillant à leur gestion.

66La préservation des espaces verts existants dans la partie centrale de la ville devrait être renforcée et les rôles des acteurs impliqués dans leur gestion devraient être clarifiés.

67En définitive, l’étude suggère la nécessité de construire un champ disciplinaire visant à quantifier et à cartographier les services écosystémiques afin d’opérationnaliser la notion de services écosystémiques dans la ville de Bujumbura

Remerciements

68Nous remercions l’Académie de recherche et d’Enseignement Supérieur (ARES-CCD) pour ses appuis financiers, le Doyen de la faculté des Sciences de l’Ingénieur de l’Université du Burundi qui a facilité le déroulement de l’enquête semi-dirigée et tous les acteurs locaux qui ont accepté de répondre à nos questionnaires d’enquêtes.

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Pour citer cet article

Henri Kabanyegeye, Tatien Masharabu, Yannick Useni Sikuzani & Jan Bogaert, «Perception sur les espaces verts et leurs services écosystémiques par les acteurs locaux de la ville de Bujumbura (République du Burundi)», Tropicultura [En ligne], volume 38 (2020), Numéro 3-4, URL : https://popups.uliege.be/2295-8010/index.php?id=1655.

A propos de : Henri Kabanyegeye

Burundais, Centre de recherche en Sciences Naturelles et de l’Environnement, Faculté des Sciences de l’Ingénieur, Département d’architecture et Urbanisme, Université du Burundi, B.P. 2720 Bujumbura-Burundi, henri.kabanyegeye@ub.edu.bi, Téléphone : +257 71 830 457

A propos de : Tatien Masharabu

Professeur Ordinaire, Burundais, Centre de recherche en Sciences Naturelles et de l’Environnement, Faculté des Sciences, Département de Biologie, Université du Burundi, B.P. 2700 Bujumbura-Burundi, tatien.masharabu@ub.edu.bi.

A propos de : Yannick Useni Sikuzani

Professeur Associé, Congolais, Unité Ecologie, Restauration Ecologique et Paysage, Faculté des Sciences Agronomiques, Université de Lubumbashi, BP 1825 Lubumbashi, République Démocratique du Congo (RDC), yannickuseni@gmail.com.

A propos de : Jan Bogaert

Professeur Ordinaire, Belge, Université de Liège, Gembloux Agro Bio-Tech, 5030 Gembloux, Belgique, j.bogaert@uliege.be