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- Volume 85 - Année 2016
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Approche analogique et réalités des phytohormones : des retards et des erreurs stratégiques?
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Version PDF originaleRésumé
Les premiers botanistes anatomistes n'avaient pu décrire de glandes endocrines à l'image de celles observées et fonctionnelles dans des organismes animaux, disposant d'un système sanguin irriguant tous leurs organes. Le concept d'hormone végétale n'émergea qu'avec les recherches sur les tropismes et la perceptibilité particulière des apex (aussi bien caulinaires que racinaires), aussi avec la découverte de la distribution polarisée, et des croissances sous-jacentes engendrées, d'où le terme premier d'hormone (sinon de substance) de croissance. L'agriculture se mit à rechercher des composés synthétiques en quête d'activités contrôlées... et plus efficaces, et en trouva.
L'application externe des unes et des autres sur différents organes sous diverses conditions expérimentales aboutit progressivement à plusieurs découvertes et conclusions importantes pour la suite des recherches.
Une même substance peut avoir des effets positifs et négatifs sur la croissance différant en importance selon la supposée "sensibilité" des organes traités, mais surtout selon les concentrations utilisées. Dans la partie "inhibition" des courbes dose-réponse caractéristiques, on parla de concentrations "sus-optimales" atteintes de l'hormone en question, mais rares furent ceux qui vérifièrent que la dite hormone appliquée pénétrait bien comme telle sans être modifiée, pour venir grossir le pool endogène; on se rendit notamment compte plus tard que la plante réagit à des applications qualifiées de sus-optimales d'agents extérieurs par une adaptation de ses systèmes cataboliques (les auxine-oxydases sont les premières en cause), sans se poser la question du devenir et des effets des produits générés; d'où l'ingénierie chimique synthétisant des homologues moins "attaquables" par les systèmes naturels de régulation (nos dérivés séléniés entre autres vraisemblablement). Les effets "rhizogènes" d'une auxine naturelle ou synthétique furent rapidement mis en évidence. Mais une hormone de croissance pouvait-elle seule provoquer un type de développement spécifique? D'où le concept de l'hormone de développement (en l'occurrence la rhizocaline) sous forme d'un complexe auxine + un sucre, des phénols, une oxydase, ...). Il en fut de même plus tard avec le "florigène" à plusieurs composants dont la gibbérelline, une autre hormone de croissance découverte entretemps. L'évidence des cytokinines (importantes celles-là pour la division cellulaire, plutôt que pour l'élongation favorisée par les auxines) mais surtout le rôle joué par la "balance" entre ces deux dernières conduisit à des avancées nouvelles et modifia aussi le concept d'hormone végétale de croissance: chaque type d'hormone pouvait être synthétisé dans tout type de cellule vivante; des gradients des différentes hormones, instaurés sous l'effet des conditions environnementales tout le long de la plante, sont vraisemblablement plus déterminants dans le comportement de la plante qu'une seule hormone dans l'orientation de leur croissance et de leur développement. C'est que, même les botanistes avaient un peu oublié que croissance et développement, dans une embryogénèse sans fin chez les végétaux, étaient intimement liés. Les hormones de développement se firent oublier pour laisser place au terme de PHYTOHORMONES. Ce qui posa immédiatement problème dans la question des phases de développement (induction, initiation ou évocation, expression) spatio-temporelles. Où le terme de dédifférenciation vint sur le tapis "objectivement". A notre connaissance, cette dédifférenciation ne fut réellement observée que dans des processus tératologiques (hyperhydricité dans des cals ou des pousses feuillées), qui par ailleurs mirent en évidence la complexité du vrai rôle des hormones (les couples auxines-cytokinines et polyamines-éthylène) reliées et conditionnées par les métabolismes primaires et secondaires et par les stress.
Nous ne sommes pas certains que les biologistes moléculaires actuels tiennent compte de l'état physiologique général (déterminant dans un processus organogénétique) sous l'effet d'une hormone qu'ils croient spécifique, ni que les séquences de gènes allumés ou éteints soient les mêmes spatio-temporellement. L'ingénierie génétique en a déjà fait les frais (par exemple les tomates au mûrissement retardé mais sans saveur!), mais elle devra ramener des physiologistes-hormonologistes à d'autres réalités que les premiers concepts pourtant difficultueusement émergés.
Abstract
Endocrine glands could not be seen in plants as in animal organisms which, in addition have a blood vascular system. Therefore, the concept of plant hormone emerged later only with researches on photo- and gravi-tropisms. The peculiar perception by the apices and a polar distribution of at least one substance engendering an unilateral growth in the elongation zone of stems or roots. A first active natural migrating substance was identified as 3-indolylacetic acid (IAA) and called auxin. Coumpounds with a similar or higher activity on growth, after external application were rapidly synthesized, but also generalize the term "growth substance" for both natural and synthetic products.
Exogenous application of IAA or a synthetic analogue may exert a positive or negative effect on growth, depending on both the concentration used and an apparent different sensitiveness of the treated organ (stem, root), in a S-shaped curve. This led to speak in term of sub- and over-optimal concentrations used. But nobody effectively compared the endogenous contents nor took care of the real penetration of the treated plant material. The auxin-oxidase activity of the treated tissues was also not assessed. Auxin-like compounds were synthesized (for agricultural purposes, for instance), the most powerful appearing to be the seleniated IAA and 2,4-D prepared by chemists from our laboratories. Secondly, it was rapidly observed that natural or synthetic auxin application, normally on cuttings, enhanced or induced adventitious root formation. Thus, the first type of growth substance discovered could in addition also affect a development process, "probably" with associated ingredients into a complex called rhizocaline. Among the subsequent "growth substances" discovered, gibberellin favored particularly flowering, "probably" (again) in a multicomplex denominated florigen. The association of other components with auxin and gibberellin in rhizocaline and in florigen were never identified although synergistic or antagonistic effectors might exert actions. Plant physiologists progressively recalled to themselves that embryogenesis in higher plants is never ended (certainly not with the completion of an embryo in a seed) and that quantitative growth and qualitative development were intimately interconnected.
The term PHYTOHORMONES emerged, without similarities with animal hormones. The phenomenons of differentitation and dedifferentiation were rediscussed, taking into account the spatiotemporal phases of growth and development. The conclusion of the most general assumption actually is that phytohormones rarely act alone, but rather in couples, through crosstalkings and signaling pathways, depending on gradients in their concentrations (changing with feeding and environmental factors) along the whole plants, even in connection with primary and secondary metabolisms.
In vitro cultures of calli and vegetative multiplication using sequences of (phyto)hormones (natural and synthetic) in cocktails with minerals and other compounds (carbohydrates) induce traumatology symptoms that help to better distinguish tumors from real plant cancers. The latters also necessitated a specific plant physiological approach. Conscientious that the above considerations might take place in a life science history, where the concept of a plant hormone was distorted by animal physiology, it is hoped that the above reminders will help molecular biologists and genetic engineers to reappraise results on phytohormone specificity.