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Étude minéralogique de l’or et de ses minéraux accompagnateurs sur le pourtour du massif cambro-ordovicien de Serpont, Belgique
Résumé
Le massif de Serpont est un petit massif cambro-ordovicien localisé au centre de la province du Luxembourg, entre les villes de Libramont-Chevigny, Bras et Libin, au Sud-Est de la Belgique. Celui-ci est bordé de plusieurs ruisseaux traversant principalement le conglomérat Lochkovien de la Formation de Fépin.
L’or alluvionnaire se retrouve sous la forme de paillettes et de grains, le plus souvent « modifiés », et contenant parfois des inclusions de quartz. Les analyses chimiques ont décelé des teneurs inférieures à 7 % en poids d’argent, excepté pour un grain correspondant à de l’électrum, ainsi que des traces de cuivre et de fer. Tous ces éléments sont répartis de manière homogène dans chaque grain. L’origine de l’or est probablement à la fois filonienne, mis en place lors de la formation de fluides métamorphiques tardi-varisques (500 °C et 300-400 MPa) dans un contexte de « shear zone », et détritique, c’est-à-dire contenu au sein des conglomérats et arkoses éodévoniens de la Formation de Fépin. Les minéraux denses associés à l’or sont : le grenat (almandin-spessartine-grossulaire), la magnétite, la tourmaline (schörl – dravite), le zircon, le chloritoïde, l’ilménite, le rutile et la pyrite.
Abstract
The Serpont Massif is a small Cambro-Ordovician Massif located in the centre of the Luxembourg province, between the cities of Libramont-Chevigny, Bras and Libin, in the South East of Belgium. The Massif is covered by many water streams mainly situated in the surrounding of Lochkovian conglomerate of the “Fépin Formation”.
Alluvial gold is dispersed with an appearance of grains and specks, most often in a "modified" form, containing sometimes quartz inclusions. Chemical analyses detected contents of silver below 7 wt%, except for a grain corresponding to electrum; traces of copper and iron were also observed. All these elements are distributed homogeneously in each grain. The origin of gold is probably related to the formation of veins, mostly set up during the Variscan metamorphic event (500 °C and 300-400 MPa) in a “shear zone” context, and its release from the lower Devonian conglomerates of the “Fépin Formation” by erosion. These events seem similar to those that occur in the Stavelot Massif in Belgium. Heavy alluvial minerals associated with gold are garnet (almandine - spessartine – grossular typical of Ardennes), magnetite, tourmaline (schorl - dravite), zircon, chloritoid, ilmenite, rutile and pyrite.
Table des matières
1. Introduction
1L’or est un métal précieux très apprécié depuis la nuit des temps à cause de ses particularités uniques que sont sa couleur jaune brillant, sa rareté et sa malléabilité, idéale pour son utilisation en joaillerie. En outre, sa résistance à la corrosion et sa densité élevée (19,32 g/cm3) lui permettent de se concentrer naturellement et facilement dans des gisements primaires ou secondaires (Blaber et al., 2009), au sein desquels il peut se retrouver sous forme de pépites ou de paillettes, en inclusions dans des minéraux (pyrite, etc), en association avec d’autres éléments comme l’argent (Boyle, 1979 ; Dejonghe, 2000).
2En Ardenne belge, l’or fut exploité à plusieurs reprises comme en témoignent les nombreux vestiges retrouvés en place. Sa récolte fut opérée par différentes peuplades au sein de certaines formations géologiques, ainsi que dans les alluvions localisées principalement au niveau des massifs cambro-ordoviciens de Rocroi, de Serpont et de Stavelot (Bastin, 1911 ; Grailet, 1998 ; Dejonghe, 2000).
3Cette recherche, issue du mémoire de Bruni (2015), consiste en une étude minéralogique de l’or et de ses minéraux accompagnateurs sur le pourtour du massif cambro-ordovicien de Serpont. Il reste en effet de nombreuses questions concernant cet or ardennais, notamment à propos des processus géologiques de formation et de concentration de ce minéral à certains endroits. Ce mystère a poussé Hanssen & Viaene (1979) et Nonnon (1984) à analyser les paillettes et les grains d’or prélevés dans les cours d’eau des massifs cambro-ordoviciens de Stavelot et de Rocroi, respectivement. Aucune recherche similaire n’a cependant été effectuée dans le massif de Serpont. Nous proposons donc de réaliser cette étude en récoltant des sédiments denses dans les ruisseaux parcourant ce massif, et en analysant la morphologie et la cristallochimie de l’or, ainsi que des espèces minérales denses accompagnatrices. Des échantillons d’arkoses, de conglomérats, de grès et des filons de quartz seront également prélevés afin de déterminer leur éventuel potentiel aurifère.
2. Cadre géographique
4Le massif de Serpont se situe en Belgique, au centre de la province de Luxembourg (Fig. 1A), entre les villes de Libin à l’Ouest, de Saint-Hubert au Nord et de Libramont-Chevigny au Sud (planche 64/3-4 ; Libin-Bras), couvrant une superficie d’environ 13 km2 (Fig. 1B). Cette zone, positionnée dans la partie centrale de l’Ardenne belge, est l’une des plus élevées de Belgique avec une altitude d’environ 475 m. Autour de cette moyenne, le relief fluctue entre des niveaux moins élevés situés dans les vallées et des niveaux plus élevés (Bouezmarni & Debbaut, 2010) atteignant jusqu’à 560 m, comme pour le massif de Serpont (Prick & Ozer, 1995).
Fig. 1A: Massif de Serpont (point rouge) positionné sur la carte de la Belgique (Topomapviewer, 2015) (1 cm = 150 km).
Fig. 1B: Massif cambro-ordovicien de Serpont (en noir) avec ses différents cours d’eau. Les limites géologiques sont celles de Beugnies (1984).
1= La Lomme ;
2= Ruisseau du Golo ;
3= Ruisseau de la Barrière ;
4= Ruisseau de Serpont ;
5= Ruisseau de La Noire Eau ;
6= Ruisseau de Bernihé ;
7= Ruisseau de Large Fontaine (Topomapviewer, 2015).
5D’un point de vue hydrographique, le massif de Serpont fait partie du sous-bassin de la Lomme, lui-même repris dans le bassin de la Lesse. Celui-ci est traversé par une rivière, « La Lomme », ainsi que par différents ruisseaux affluents tels que le ruisseau du « Serpont » et le ruisseau de « La Noire Eau », notamment (Fig. 1B) (Bouezmarni & Debbaut, 2010). La majorité de ceux-ci s’écoulent au niveau de la périphérie du massif car les roches y sont plus tendres (Wavreille, 1987), ce qui leur a permis de creuser des vallées avec, par endroit, des pentes assez raides (Bouezmarni & Debbaut, 2010).
3. Contexte géologique et métamorphisme
6Le massif de Serpont fait partie, avec ceux de Stavelot, de Rocroi et de Givonne, des quatre massifs cambro-ordoviciens de l’Ardenne (Geukens & Richter, 1961). Celui-ci est composé principalement de phyllades (de Béthune, 1961) appartenant aux Formations de Serpont et de Warinsart (Beugnies, 1960 ; Verniers et al., 2001), entourés de roches Lochkoviennes plus tendres (de Béthune, 1961) et discordantes (Malaise, 1911). Ces roches éodévoniennes appartiennent aux Formations de Fépin (conglomérats / arkoses), Mondrepuits (shales), Oignies (grès/shales) et St-Hubert (shales) (Fig. 2) (Malaise, 1911 ; Bultynck & Dejonghe, 2001).
7Au niveau tectonique, ce massif a été affectée à trois reprises par des phases tectoniques majeures appelées calédonienne, varisque (ou hercynienne) et alpine, dont la plus intense serait la varisque (Geukens & Richter, 1961 ; de Béthune, 1961 ; Beugnies, 1964 ; Grimberieux et al., 1995). Ces formations cambriennes ont donc été plissées à deux reprises tandis que celles du Dévonien ne l’ont été qu’une seule fois (Geukens & Richter, 1961). De plus, cette zone est affectée par un système complexe de failles varisques dont les orientations principales varient entre les directions NO-SE et O-E (Gaibar-Puertas & Hoge 1951). Les trois principales ont été nommées failles de Bras, du Serpont et d’Opont par Beugnies (1984).
Fig. 2: Carte géologique du massif de Serpont d’après Beugnies (1984).
8Le métamorphisme du massif de Serpont, tout comme celui au Sud du massif de Stavelot, serait varisque pré-orogénique car il est contemporain de la phase d’extension (Lambert & Bellière, 1976 ; de Béthune, 1977a ; Beugnies, 1986 ; Jongmans & Cosgrove, 1993 ; Dewaele et al., 2014) et que des phyllosilicates contournant les porphyroblastes ont été retrouvés dans le plan de schistosité des phyllades. Le métamorphisme calédonien aurait été complétement effacé lors de cet évènement (Dewaele et al., 2014).
9Au début des années 90, Theye & Fransolet (1993) ont analysé les compositions chimiques de plagioclases, grenats et hornblendes afin de déterminer les conditions du métamorphisme varisque de la région. Ces derniers ont défini une température de 500°C et une pression de 3 à 4 kbar, atteignant ainsi le faciès « amphibolites ». Ces résultats ont également été signalés par Hatert et al. (1996) et Deroanne (2007), lors d’études sur la titanite de Bastogne et sur les amphiboles de Libramont, respectivement. Ces conditions ont ensuite persisté (de Béthune, 1977a) jusqu’à la fin de l’orogenèse, où la température et la pression ont alors diminué (Hatert, 1998 ; Hatert & Theye, 2005) comme le montrent quelques phases rétromorphiques, probablement contemporaines de la phase d’extension lors du démantèlement de la chaîne varisque. Les conditions de ce métamorphisme rétrograde ont été estimées grâce notamment aux paragenèses à laumontite, prehnite et pumpellyite-(Al), minéraux se formant dans les diaclases qui recoupent les roches métamorphiques. L’apparition de ces minéraux s’effectue à une température de 200-250°C et une pression inférieure à 3 kbar. Ces conditions, inférieures à celles du paroxysme du métamorphisme varisque, induiraient donc une cristallisation pendant la phase rétrograde (Hatert, 1998 ; Hatert & Theye, 2005 ; Hatert et al., 2007).
4. L’or en Ardenne
4. 1. Historique
4.1.1. La (re)découverte de l’or
10Durant de nombreuses années, des centaines de mystérieux monticules jalonnaient les rives de certains cours d’eau. Pour les populations locales, ceux-ci ressemblaient à un tas de gravats de formes irrégulières, sans importance ni signification, faisant tout simplement partie du paysage depuis la nuit des temps. Leurs origines restaient donc une énigme (Grailet, 1998). Qui aurait pu fournir un travail aussi gigantesque et dans quel but ?
11Deux personnes ont tout de même tenté d’apporter une explication. Il y a eu en premier lieu l’abbé Michaël Bormann qui, en 1841, a prétendu que ces buttes étaient de véritables vestiges antiques servant à la protection face aux invasions étrangères. Une sorte de « muraille de Chine » en ruine (Bormann, 1841). Ensuite, en 1875, le médecin-historien Anton Hecking les assimila à une immense nécropole antique. Cette hypothèse, tout comme la précédente, ne reposait sur aucune preuve probante (Grailet, 1998).
12À partir de 1875, les premières preuves concernant la présence d’or dans nos contrées, ainsi que son association avec ces mystérieux monticules, ont suscité la curiosité et/ou la cupidité de nombreuses personnes. Tout cela a permis d’accélérer les recherches et les connaissances à ce sujet. Notons malgré tout que dès 1754, un certain Gilles-Jean Moors, titré « seigneur d’Arquennes » sous le régime autrichien, avait déjà supposé la présence de ce métal précieux en Ardenne. En effet, celui-ci avait profité de sa mission gouvernementale concernant la recherche « de minerais et fossiles dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg » pour émettre cette hypothèse. Cependant, sa mission tourna rapidement au fiasco à cause notamment de ses dépenses personnelles colossales et de ses rapports écrits composés exclusivement de rumeurs et d’affirmations non justifiées. Les seuls enseignements à retenir de cette courte mission est sa suspicion, dès cette époque, quant à la présence d’or en Ardenne et sa conviction « qu’il n’y avait pas que le Pérou où l’on trouvait l’or et l’argent » (Grailet, 1998).
13À la fin de l’année 1875, Julius Jung fut chargé par sa firme d’estimer les ressources potentiellement exploitables en plomb et en fer dans la vallée de l’Amblève. En apercevant ces mystérieux monticules, celui-ci est convaincu qu’il s’agit de tertres témoignant d’un très ancien « lavage » intensif des cours d’eau dans le but de trouver un gisement ou un métal précieux comme l’or (Grailet, 1998). Il décida de se confier directement à l’ingénieur-géologue Von Dechen qui lui émit ses doutes quant à la présence éventuelle d’un métal à cet endroit (Bastin, 1911). Jung entreprit alors quelques prélèvements qui firent apparaître de minuscules paillettes d’or au fond de sa batée, confirmant ainsi son intuition. Quelques mois plus tard, il mit fin à sa prospection minière et quitta le territoire vu l’inutilité de poursuivre ses recherches en fer et en plomb. Il garda néanmoins le secret de sa récente découverte pour lui et se promit de revenir un jour afin de déterminer le profit personnel qu’il pourrait en retirer (Grailet, 1998).
14En 1880, le Dr Quirin Esser, archéologue passionné originaire de Malmedy, publia dans la revue « Kreisblatt für den Kreis Malmedy » que les monticules rencontrés dans la région étaient de véritable tertres d’orpaillage remontant à l’époque celte ou romaine. Sa datation se basait sur la découverte de poudre d’or, ainsi que d’un fer à cheval extrêmement petit appartenant à une espèce dite de « Prjevalski » qui vivait en Ardenne durant l’époque gallo-romaine. En outre, Quirin Esser décrivit la composition de ces tertres comme étant un mélange de roches (arkose, phyllade,...) issues du lit des rivières et reposant sur de l’humus identique à celui des berges. Pour lui, leur origine était donc bien artificielle (Bastin, 1911 ; Grailet, 1998). Cependant, ces recherches ne suscitèrent pas l’intérêt de ses compatriotes pour qui les filons d’or étaient uniquement réservés aux continents lointains comme l’Asie ou l’Amérique (Grailet, 1998).
15En 1895, Julius Jung retourna à Montenau (vallée de l’Amblève) dans le but de mettre en œuvre son chantier d’exploitation aurifère. Pour ce faire, il a dû d’abord s’associer avec Bernard-Auguste Wirtz afin de disposer de fonds nécessaires à l’élaboration et à la demande administrative de concessions. Tous ces investissements provoquèrent un intérêt général du grand public et une sorte de « ruée vers l’or ardennaise ». Les orpailleurs pouvaient gagner de 50 centimes à 1 franc par jour. Cela représentait un bon salaire à l’époque (Grailet, 1998).
16L’année suivante, les professeurs Lohest et Dewalque entamèrent une visite de ces exploitations ardennaises le long de la frontière allemande. Ils ont ensuite conclu que la présence de l’or à cet endroit restait encore à prouver (Lohest, 1896).
17Entre 1897 et 1910, alors que son association avec Wirtz a cessé et que son industrie devient de plus en plus précaire, Julius Jung décida de s’associer avec son fils Friedrich Jung afin de relancer l’entreprise. Ensemble, ils continuèrent à étendre leurs concessions aurifères dans la région. Cependant, les profits tardant à arriver, les salaires des ouvriers devenus trop maigres, ainsi que le manque d’investisseurs financiers contribuèrent à la fermeture du site en 1910, année de la mort de Julius Jung (Grailet, 1998).
18À partir de 1908, plusieurs géologues belges, dont notamment Hector De Rauw en 1913 et Jean-Claude Gillet en 1976, confirmèrent la présence de ce précieux métal en Ardenne. Afin de prouver ses dires, De Rauw organisa même une excursion extraordinaire à Faymonville avec les célèbres chercheurs de l’époque (De Rauw, 1920).
4.1.2. Les datations disponibles
19Afin de mieux comprendre l’origine des tertres, quelques datations ont été réalisées sur des tourbes sous-jacentes, ainsi que sur des objets d’époque retrouvés à l’intérieur de ceux-ci.
20• En 1880, le Dr Quirin Esser avait déjà confié son avis sur la question. Pour lui, ces monticules étaient d’authentiques vestiges d’orpaillage remontant à l’époque gallo-romaine.
21• À la fin des années 1970, le palynologue J. Heim, sous l’initiative du géographe J-M. Dumont, effectua des datations au carbone-14 sur deux sondages issus des tourbières de la réserve naturelle « les Anciennes Troufferies » dans le massif de Serpont. Le premier échantillon a été prélevé sous un tertre, l’autre dans ses alentours. Les résultats radiocarbone obtenus sur la couche supérieure indiquèrent un âge compris entre le milieu du Ier siècle B.C. et la fin du Ier siècle A.D. (Dumont, 1979).
22• L’année suivante, Dumont réalisa les mêmes analyses sur le « plateau des Tailles », près de la Baraque de Fraiture (massif de Stavelot). Les résultats acquis ici donnaient une fourchette chronologique incluse entre le IVe et le IIe siècle B.C., c’est à dire à la fin de l’époque celte, pendant le 2ème âge du Fer (Dumont, 1980).
Fig. 3 : Le « Trou des Massotais » (photo F. Hatert).
23• Durant des temps immémoriaux, une légende racontait l’existence de gnomes habitant dans une excavation située sur le « plateau des Tailles ». À l’époque, personne ne pouvait penser que ce trou, appelé « Trou (ou Trô) des Massotais » (Fig. 3), s’apparentait en fait aux vestiges d’une mine d’or isolée car celle-ci est à la fois inondée en permanence et entourée d’une forêt dense d’épicéas (Grailet, 2000).
24Cependant, grâce à des témoignages faisant état de l’apparition de l’entrée d’une galerie lors des sécheresses de 1921 et 1976 et aux découvertes d’or dans les alentours par Hector de Rauw en 1913, Lambert Grailet commença des recherches avec l’espoir que « ce trou s’échapperait de la légende pour nous livrer son histoire ». C’est avec cet objectif en tête qu’il organisa, avec son fils Albert et un journaliste Marc Fasol, la vidange du trou en 1998. Après plusieurs heures de pompage, une entrée de galerie creusée au pic fit enfin son apparition, prouvant ainsi son existence (Grailet, 2000).
25Environ deux ans plus tard, la mine fut à nouveau vidée par le groupe GEMEAU (Groupe d’Étude de Minéralisation et Exploitation Aurifère de l’Ardenne belge) (Grailet, 2001a). Après deux journées de pompage et l’apparition de la fameuse galerie, des meules, une pelle ainsi que d’antiques soutènements en bois ont été découverts à l’intérieur (Grailet, 2002b). Une planche de calage en hêtre fut immédiatement récupérée et datée entre 240 et 530 A.D. par Béatrice Cauuet (Cauuet, 2005). Cette datation a ensuite été confirmée grâce à la similitude entre cette mine et celles du Limousin (Guiollard, 1988 ; Cauuet, 1994) et du Pays-de-Galles (e.g. : mine d’or de « Dolaucothi ») (Jones & Maude, 1991 ; Burnham, 1997), exploitées à la même époque. Les meules quant à elles auraient été utilisées par les Romains pour broyer les minerais afin d’isoler le précieux métal (Gosselet, 1888 ; Guiollard, 1988 ; Grailet, 2002b).
26Au même moment, Jean Detaille et Bruno Van Eerdenbrugh récoltèrent une centaine de paillettes d’or natif aux alentours de ce site. Leur aspect anguleux et dendritique contrastait avec celui des paillettes prélevées dans les cours d’eau qui montraient un degré d’arrondissement plus élevé (Grailet, 2000 ; Detaille & Van Eerdenbrugh, 2014).
27Toutes ces datations ont ainsi confirmé les premières conclusions faites par Quirin Esser et Joseph Bastin, respectivement en 1880 et 1911.
4.1.3. Les premiers orpailleurs ardennais
28Dans ce chapitre, l’Ardenne doit être considérée comme « l’Arduenna antiqua » (l’Ardenne préhistorique) ou le massif géologique ardennais, c’est-à-dire dans son ensemble et non pas comme la seule région boisée belge régulièrement appelée Haute-Belgique. Celle-ci couvre toute la forêt hercynienne allant du Rhin à la Meuse, incluant ainsi l’Eifel germanique et une partie du territoire français et luxembourgeois (Grailet, 1998).
29Notons également que les mines et les ruisseaux ont pu être exploités à plusieurs reprises lors de diverses périodes historiques. Les trois datations approximatives effectuées n’indiquent donc pas nécessairement l’époque d’exploitation initiale. En effet, les charpentes en bois, comme celles retrouvées au « trou des Massotais », ont peut-être subi un renouvellement lors d’une occupation ultérieure car les envahisseurs étaient souvent assez prudents quant aux technologies de leurs prédécesseurs. Concernant les tertres, le même problème peut également survenir car ceux-ci ont pu être constitués lors d’une nouvelle exploitation (Grailet, 2001b).
Les Celtes
30Vers 450 B.C., un groupe de Celtes s’installa entre l’Eifel et le confluent des deux Ourthes (Grailet, 1986), tandis qu’un autre s’établit sur l’axe Bastogne-Bertrix. Des tombes appartenant à ces deux groupes ont d’ailleurs été découvertes près des massifs de Stavelot et de Serpont (Cahen-Delhaye, 1970 ; Gillet, 1973). Ces deux colonies semblent se distinguer l’une de l’autre au niveau de leurs rites funéraires, signifiant une différence de classes sociales (Cahen-Delhaye, 1997).
31Les Celtes maîtrisaient très bien l’agriculture, l’élevage et l’utilisation des ressources minérales locales. Attirés à la base par la recherche de fer (Dejonghe, 1984), ceux-ci découvrirent également, par hasard, la présence d’or dans certains de nos ruisseaux aux abords des terrains lochkoviens (Grailet, 2002a). Ces ressources minérales jouèrent un rôle essentiel concernant leurs lieux d’implantation, car ils se devaient de tirer un maximum de profit de leur colonisation afin de satisfaire l’élite princière. Ces princes bénéficiaient ainsi d’une immense collection de biens en or dont quelques pièces, composées notamment de bracelets de boutons et de torques, ont été retrouvées à Beringen en 1995 et sont exposées au musée gallo-romain de Tongres. En échange de ce capital, les princes devaient alors garantir une protection militaire du royaume (Grailet, 1998).
32Cet occupant laténien vécu entre 450 et 250 B.C. et nous laissera notamment des meules, des traces d’habitation, des vestiges de mines à ciel ouvert témoignant d’une exploitation intensive des ressources minérales locales, ainsi que des tombelles, comme preuves de leur présence en Ardenne (Grailet, 1998).
Les Belges
33Vers 250 B.C., plusieurs colonies gauloises, regroupées sous le nom de Belges, arrivèrent par le Rhin et conquirent tous les territoires celtes, y compris les zones inoccupées par ceux-ci. En Ardenne, les principales peuplades se nommaient les Éburons, les Trévires et les Nerviens (Grailet, 1998 ; Janssens, 2008).
34Après leur conquête, ils continuèrent tous l’orpaillage et l’exploitation des anciennes mines d’or encore non épuisées par les Celtes. Créées au départ à ciel ouvert, les Belges les firent évoluer vers des constructions en galeries profondes. Les Trévires reprirent notamment les mines de haute Lomme, les Nerviens celles du massif de Rocroi et les Éburons celles du Plateau des Tailles et de la haute Amblève (Grailet, 1998). Pour ces derniers, Bastin (1911) avait également spécifié « qu’à leur arrivée dans le pays, les Éburons se sont trouvés devant une œuvre commencée ». De plus, une datation faite à la base d’un des tertres a indiqué un âge correspondant bien à leur période (Dumont, 1980), confirmant donc la reprise des exploitations précédentes.
Les Romains et les Francs
35Aux environs de 53 B.C., Jules César conquit l’Ardenne après avoir massacré les populations locales, essentiellement les Éburons. Son seul but était de piller la totalité des richesses en or dans le but de se refaire une belle fortune (Grailet, 1998 ; Janssens, 2008). Cependant, aucun de ses récits ne mentionne la présence de mines d’or, contrairement aux gisements de fer. Et pour cause, celui-ci récoltait pour lui-même les trésors du territoire conquis (Bastin, 1911). En outre, les Gallo-belges avaient très certainement fait tout leur possible afin de dissimuler les gisements aurifères à leur pire ennemi (Grailet, 1998).
36La transition entre le Haut-Empire et le Bas-Empire romain eut lieu vers le IIIe siècle A.D. Celle-ci fut induite à la fois par une modification climatique passant de sec à plus humide et frais (Depeyrot, 1987), et par les premières incursions des Francs (Meunier, 1964).
37En constatant la menace franque augmenter à leur frontière, les Romains procédèrent à l’enrôlement de fédérés (« foederati »), populations germaniques devenues protectrice de l’Empire romain, et de lètes (« laeti »), anciens prisonniers barbares relâchés à condition de fournir des colons et des recrues à l’Empire, afin de mieux se défendre et de maintenir l’économie locale (Grailet, 2002a). Ces deux groupes possédaient une grande majorité de Francs dans leurs rangs. Cela leur a ainsi permis d’échapper à la grande invasion de 406 A.D. (Grailet, 2001b).
38Après la chute de l’Empire romain au début du Ve siècle A.D., la transition vers l’époque mérovingienne se fit sans aucune violence en Ardenne. La présence de Lètes et de Fédérés déjà sur ce territoire facilita cette bonne entente. Ceux-ci, attirés par les métaux, continuèrent certainement à exploiter les ressources naturelles déjà en place (Grailet, 2001b).
39En conclusion, les datations disponibles ont permis de déterminer les périodes d’exploitation gallo-romaine et celtique pour le massif de Serpont et de Stavelot, respectivement (Dumont, 1979 et 1980), et la période romaine et/ou franque pour le « Trou des Massotais » (Cauuet, 2005). Les gisements aurifères ardennais ont donc connu plusieurs phases d’exploitation successives, au cours des premiers siècles avant et après notre ère, dont les promoteurs auraient été les Celtes (Gillet, 1970).
4.2. Localisation des sites aurifères belges
40Les différents sites aurifères belges se situent principalement à proximité des formations cambro-ordoviciennes, c’est-à-dire au niveau des massifs de Serpont, de Rocroi et de Stavelot (Hanssen & Viaene, 1979 ; Nonnon, 1984 ; Dejonghe, 2000 ; Lefevre & Hatert, 2003). De nouvelles recherches ont également recensé de l’or sur le bord Nord du massif cambrien de Givonne, ainsi que près des villes de Neufchâteau et de Bastogne notamment, signifiant que la présence de ce métal ne se limite pas uniquement à ces trois massifs cambro-ordoviciens (Hatert et al., 2000 ; Detaille & Van Eerdenbrugh, 2014).
41Une étude sur la bordure Sud et Sud-Est du massif de Stavelot a été réalisée par Hanssen & Viaene (1979). Ces derniers ont analysé la disposition, la morphologie, la granulométrie et la teneur en argent de 400 à 500 paillettes d’or récoltées à l’aide d’une batée. Ils en ont conclu que l’or serait un minéral détritique, provenant éventuellement de filons aurifères, transporté sur des dizaines de kilomètres par des paléocourants fluviatiles ou marins, puis déposé sous la forme de paléo-placers durant le Dévonien inférieur (Lochkovien). Cette hypothèse a cependant été nuancée car de l’or a également été retrouvé dans des ruisseaux éloignés de ces paléo-placers dévoniens, ainsi que dans des filons de quartz ou de sulfures en place (Van Der Meersche, 1993 ; Hanson et al., 1999 ; Van Der Meersche 2001 ; Lefèvre & Hatert, 2003 ; Detaille & Van Eerdenbrugh, 2014).
42Une prospection dans le massif de Rocroi (Croix-Scaille) a également déjà été entreprise par Nonnon (1984). L’or qu’il a récolté à l’aide d’un pan californien (61 grains) provient essentiellement du bassin de Marotelle. Contrairement au Massif de Stavelot, ce métal se retrouve ici majoritairement sous la forme de petits grains et moins fréquemment sous l’allure de paillettes. Au vu de toutes ses recherches, Nonnon (1984) en a déduit que l’or primaire proviendrait de filons de quartz minéralisés en pyrite. Cette hypothèse se base sur le fait que l’or n’a été récolté que localement, et qu’il se situe en amont de la discordance lochkovienne. En outre, ces petits grains ont un aspect plutôt anguleux traduisant un faible transport, et leurs répartitions coïncident avec celles de gros fragments de limonite, produit d’altération des pyrites détachées lors de la dégradation des filons.
43Concernant le massif de Serpont, la présence d’or a été prouvée en premier lieu par Corin (1931a), suite à sa découverte de trois petits grains. Cependant, aucun orpaillage systématique de la région, aucune recherche concernant son origine et aucun recensement rigoureux de ses minéraux accompagnateurs n’ont été réalisés à l’heure actuelle.
4. 3. Le Massif de Serpont
44Ce petit massif cambro-ordovicien fut longtemps délaissé aux dépens des massifs de Rocroi et de Stavelot, plus étendus et avec un accès plus aisé. Cependant, celui-ci est tout autant admirable, notamment au niveau de ses vestiges d’orpaillage attestant d’une exploitation passée très active (Gillet, 1973).
45La présence de tertres d’orpaillage sur le pourtour du massif de Serpont fut signalée pour la première fois par Stainier (1926). Ce sont leurs ressemblances avec les monticules artificiels de l’Amblève supérieure qui attira son attention (Stainier, 1926). Trois ans plus tard, Corin (1931a) se rendit le long du ruisseau de Serpont afin de procéder à quelques orpaillages. Celui-ci recueillit trois petits grains d’or, ainsi que ses minéraux associés typiques tels que la magnétite, le zircon et le rutile. Cette découverte permit de confirmer l’hypothèse de Stainier (1926).
46En tout, Gillet (1973) recensa 320 tertres sur l’ensemble de ce massif, correspondant à un déplacement d’environ 16 000 m3 de déblais résiduels (Wavreille, 1987). Il est certain qu’il en exista beaucoup plus par le passé car ceux-ci furent en grande partie détruits par les exploitations forestières et agricoles. Ces tertres ont une forme globalement circulaire avec une hauteur de plus ou moins 0,80 à 4 m (certainement inférieure à la hauteur initiale à cause du tassement et de l’érosion naturelle et humaine) et un diamètre de 3 à 9 m (Fig. 4). Ils sont principalement constitués de quartz, de phyllades, de poudingues, et d’arkoses, et sont situés à proximité de la limite entre le Cambrien et le Lochkovien. Un recensement plus récent a été effectué par Detaille & Van Eerdenbrugh (2014).
47En 1997, un garde forestier décela une ancienne galerie minière à Libramont-Chevigny (Fig. 5). Celle-ci, longue d’environ 85 mètres, a été creusée manuellement non loin de la limite entre les formations du Cambrien et du Lochkovien. D’authentiques vestiges de rails en bois, de traverses, de burins, de traces de pic (De Block, 1999), ainsi qu’une borne en pierre, ont été découverts sur place. Après quelques recherches, il s’est avéré que son activité aurait débuté entre le XVe et le XIXe siècle. La datation faite sur des traverses en bois n’a donné aucun résultat permettant de confirmer ou de préciser cette date. Cette mine aurait été plutôt une entreprise locale exploitant de l’or, du fer ou d’autres métaux (De Block, 1999).
Fig. 4: Tertres d’orpaillage localisé le long des ruisseaux de Large Fontaine (A) et de la Barrière (B).
Fig. 5 : Entrée de la mine de Libramont (photo F. Hatert)
5. Méthodes analytiques
48Les minéraux alluvionnaires ont été récoltés à l’aide d’un pan. Les échantillons de roches ont été broyés dans des broyeurs à mâchoires et à cylindres puis, grâce à un concentrateur « Knelson », classés par gravité spécifique afin de permettre de récupérer les minéraux les plus denses. Les observations minéralogiques ont ensuite été effectuées avec une loupe binoculaire et un microscope optique en lumière transmise et réfléchie équipé d’une caméra Leica DFC320.
49L’identification des minéraux a été réalisé grâce à un diffractomètre à 4 cercles est un « Agilent Technologies-Xcalibur » équipé d'un détecteur CCD EOS (40 kV, 40 mA) et utilisant la radiation MoK (= 0,7107 Å) (Agilent, 2012). Cet appareil a été utilisé en mode « Debye-Scherrer », et appartient au Laboratoire de Minéralogie de l’Université de Liège.
50Les analyses chimiques ont été réalisées sur une microsonde électronique CAMECA SX50 équipée de quatre spectromètres WDS, appartenant à la faculté polytechnique de Mons. Les corrections matricielles sont effectuées avec la méthode PAP (Pouchou & Pichoir, 1984a et b). Pour les oxydes et les silicates, le potentiel d’accélération est de 15 kV, le courant de faisceau de 20 nA et les standards servant à calibrer les mesures sont la wollastonite (Si-Ca), le saphir (Al), la leucite (K), le rutile (Ti), l’hématite (Fe), la rhodonite (Mn), l’oligoclase (Na) et le périclase (Mg). Pour l’or et les sulfures, le potentiel d’accélération est de 25 kV, le courant de faisceau de 60 nA et les standards sont la pyrite (Fe-S) et les métaux purs As, Au, Cu et Ag. Les limites de détection sont de 0,011% pour le Cu, 0,006% pour l’As, 0,046 % pour l’Ag, 0,031 % pour l’Au dans les pyrites et 0,012 % pour le Fe contenu dans l’or.
51Les images et analyses au microscope électronique à balayage (MEB) ont été effectuées sur un appareil « Philips XL30-ESEM-FEG », avec une tension de 15 kV localisé dans le bâtiment de chimie de l’Université de Liège. Le détecteur des rayons X est un « Brucker 129 eV SDD » de 10 mm de diamètre. Les spectres sont analysés à l’aide du logiciel « Brucker QUANTAX 800 esprit 1.9. » et quantifiés selon la méthode PBZAF, sans témoin avec suppression automatique du bruit de fond. Les échantillons sont collés sur une lame en verre à l’aide d’un ruban carboné double face et métallisés au platine à l’aide d’un évaporateur à plasma (excepté pour l’or), afin d’assurer une bonne évacuation du flux d’électrons.
6. Nouvelles données sur l’or de Serpont
52L’or est un métal précieux qui se présente naturellement sous différents aspects. Étant donné qu’aucune convention n’existe actuellement, la classification adoptée est personnelle. Celle-ci consiste en quatre catégories qui sont :
53Les poussières : particules infimes (± 100 m) sans forme perceptible, dont on n’aperçoit que la couleur à l’œil nu.
54Les paillettes : fragments à deux dimensions, d’épaisseur très faible.
55Les grains : fragments à trois dimensions de taille inférieure à 2 mm.
56Les pépites : grains de taille supérieure à 2 mm.
57La morphologie de l’or varie en fonction de la distance de déplacement à cause de l’abrasion et des nombreux chocs. Une étude canadienne a été effectuée par Dilabio (1991) à ce sujet. Ce dernier a classé l’or contenu dans des dépôts glaciaires en 3 catégories, en corrélant leur forme par rapport à la distance de transport depuis la source. La première, appelée « pristine » (= parfait), inclut ceux qui ont gardés des bords anguleux et parfois des traces de gangues. Ils ont donc subi un très faible déplacement. La seconde a été nommée « modified » (= modifié). Cette catégorie reprend l’or ayant enduré un léger arrondissement durant le transport. La dernière classe, « reshaped » (= remodelé), englobe ceux qui ont effectué un déplacement important, modifiant ainsi totalement leurs aspects initiaux. Ces grains arrondis sont caractéristiques des (paléo-)placers. Il existe donc une corrélation positive entre le degré d’érosion et l’éloignement par rapport à la roche mère (Hanssen & Viaene, 1979 ; Dilabio, 1991).
58La distance de déplacement entre la première et la troisième catégorie varie entre 500 et 5 000 mètres (Dilabio, 1991). Cependant, selon Hanssen & Viaene (1979), les grains d’or arrondis (« reshaped ») récoltés au Sud du massif de Stavelot auraient été transportés par un paléocourant marin ou fluviatile sur des dizaines de kilomètres. Ce résultat semblerait toutefois surévalué (Knight et al., 1999).
6. 1. Localisation des échantillons
59L’or a été analysé dans trois types d’environnements différents qui sont les alluvions, l’arkose/conglomérat/grès et les filons. Le premier fait suite à la désintégration des « gisements » primaires, tandis que les deux autres sont en relation directe avec son origine potentielle. Ces analyses vont permettre de déterminer si l’or est présent ou non au niveau du massif de Serpont.
60L’or alluvionnaire repose dans le lit des cours d'eau. Celui-ci est le résultat de l’érosion des « gisements » primaires sous l'effet des intempéries, puis de son transport par les eaux de ruissellement jusque dans les cours d’eau en aval, où il va finalement se déposer dans des sédiments. Ce type d’or a été récolté à l’aide d’une batée ou d’un pan. Les prélèvements s’effectuent soit au niveau du bedrock, soit dans la partie interne des méandres car c’est à cet endroit que le courant est le moins intense, permettant ainsi à l’or de s’y déposer. Quatre cycles d’orpaillage ont été réalisés lors de chaque arrêt, avec des quantités variables de sédiments prélevés selon les cours d’eau (de 0,2 à 1,7 kg de sédiments par cycle).
61Comme on peut le constater sur la figure 6, l’or se retrouve en de nombreux endroits dans et autour du massif de Serpont. Un maximum de deux paillettes/grains ont été récoltés sur les sites d’orpaillages fructueux, excepté au niveau du ruisseau de Large Fontaine où sept paillettes/grains ont été découverts. Les quantités encore présentes actuellement sont donc très faibles.
62Des échantillons d’arkose, de conglomérat, ainsi que des fragments de veines de quartz traversant à la fois les formations cambriennes et dévoniennes ont été récoltés à différents endroits dans ou à proximité du massif de Serpont (Fig. 7). Les arkoses et les conglomérats appartiennent à la Formation de Fépin, tandis que les grès font partie de la Formation de Mondrepuits. Ces roches, datant du Lochkovien, entourent le socle cambro-ordovicien du massif de Serpont. Tous ces échantillons ont été broyés jusqu’à obtenir une poudre inférieure à 1 mm, puis concentrés au « Knelson » afin de connaître leur éventuel potentiel aurifère. Aucune paillette/grain d’or n’a pu être identifié au sein de ces échantillons. Ce résultat pourrait avoir été influencé soit par les trop faibles quantités prélevées (entre 15 et 20 kg par emplacement), soit par la granulométrie de la poudre encore trop élevée.
Fig. 6: Localisation des endroits orpaillés (étoiles) dans ou à proximité du massif de Serpont (en noir ; limites d’après Beugnies, 1984).
Fig. 7: Localisation des échantillons prélevés autour du massif de Serpont (limites tracées d’après Beugnies, 1984).
6.2. Description morphologique
63Au sein du massif de Serpont, l’or se retrouve sous l’aspect de paillettes ou, le plus souvent, de grains alluvionnaires possédant une taille comprise entre 150 et 700 m. Ceux-ci sont constitués d’une agglomération de fines particules d’or, parfois associées à des inclusions de quartz (Fig. 8 C et D).
64Même si ce métal précieux se présente sous les trois formes décrites par Dilabio (1991), la plupart des grains et des paillettes sont repris dans les catégories « modified » et « pristine » (Fig. 8 A, B et C). Cela signifie que la majorité de l’or alluvionnaire prélevé dans le cadre de ce mémoire n’aurait effectué qu’un faible déplacement par rapport à son lieu d’origine.
Fig. 8 : A= Grain d’or alluvionnaire « modified » provenant du ruisseau de Serpont. B= Grains et paillettes d’or alluvionnaire « reshaped » (1 et 4) et « modified » (2 et 3) prélevés dans le ruisseau de Large Fontaine et de la Noir Eau. C= Paillette d’or alluvionnaire « pristine » associée à du quartz (flèche) originaire du ruisseau de la Barrière. D= Grain d’or associé à des fragments de quartz. Image MEB en mode BSE. Photos A, B et C prises avec une caméra Leica sous un microscope optique.
6. 3. Composition chimique
65Les grains d’or provenant du ruisseau de Serpont (Or 1), de la Barrière (Or 2), de Large Fontaine (Or 3-4) et de Bernihé (Or 5) ont été examinés à la microsonde électronique afin de déterminer leur composition chimique. Les analyses ponctuelles ont été effectuées au centre, en périphérie, ainsi qu’au bord des grains. En lumière réfléchie, ceux-ci se distinguent grâce à leur couleur jaune vive, leur pouvoir réflecteur élevé, ainsi que, régulièrement, leurs stries induites par le polissage.
66Comme le montre le Tableau 1, les analyses chimiques ont décelé des traces de cuivre et de fer, ainsi que des teneurs entre 4 et 7 % d’argent, excepté pour l’échantillon « Or4 » qui correspond à de l’électrum (Ag > 20%) ; « espèce » non recensée en Belgique (Hatert et al., 2002). Ces analyses se sont avérées très homogènes à travers chaque grain. La formule empirique moyenne est : (Au0,90Ag0,10)1,00 pour l’or et (Ag0,59Au0,41)1,00 pour l’électrum.
Tableau 1 : Analyses chimiques de l’or alluvionnaire
Or1 |
Or2 |
Or3 |
Or4 |
Or5 |
||||||
P(3)a |
NAb |
P(3) |
NA |
P(3) |
NA |
P(3) |
NA |
P(3) |
NA |
|
As |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
Fe |
0,01 |
Tr. |
0,01 |
Tr. |
- |
- |
0,01 |
Tr. |
- |
- |
Cu |
0,09 |
0,003 |
0,06 |
0,002 |
0,07 |
0,002 |
0,03 |
0,001 |
0,10 |
0,003 |
Ag |
4,89 |
0,087 |
6,14 |
0,108 |
6,71 |
0,117 |
42,74 |
0,586 |
4,77 |
0,084 |
Au |
93,59 |
0,909 |
92,63 |
0,890 |
91,76 |
0,880 |
55,02 |
0,413 |
94,03 |
0,912 |
Total |
98,57 |
98,84 |
98,54 |
97,79 |
98,90 |
67(a) Pourcentage en poids avec, entre parenthèses, le nombre d’analyses ponctuelles effectuées.
68(b) Nombres d’atomes calculés sur la base de 1 atome par unité formulaire.
7. Les minéraux accompagnateurs
69Les minéraux alluvionnaires ont été prélevés en fond de pan avec l’or car ils possèdent une densité élevée (≥ 3,2). Ceux-ci sont souvent altérés, sans morphologies caractéristiques, suite à leur érosion intense lors du transport dans les ruisseaux. Plusieurs espèces ont déjà été identifiées par différents auteurs:
70Corin (1931a), après ses quelques batées, a notifié la présence de grenat, de magnétite, de chloritoïde, de tourmaline, de zircon, de rutile et de monazite.
71Dans son article, Gillet (1973) a signalé du zircon, de la magnétite, du rutile et de l’ilménite.
72Detaille & Van Eerdenbrugh (2014) ont publié des photos d’anatase prises au microscope électronique à balayage (MEB).
73Suite aux échantillonnages dans tous les ruisseaux au sein et autour du massif de Serpont (Fig. 6.), les minéraux accompagnateurs recensés sont le grenat, la magnétite, la tourmaline, le zircon, le chloritoïde, l’ilménite, le rutile et la pyrite.
7. 1. Le grenat
74Le grenat est un nésosilicate cubique atteignant généralement des tailles millimétriques. Il est le plus souvent subautomorphe, avec une couleur variant du brun-rouge foncé au jaunâtre incolore. Des grenats automorphes montrant des faces du rhombododécaèdre ou, très rarement, du trapézoèdre sont également présents (Fig. 9). En lame mince, ceux-ci sont isotropes avec parfois une légère anisotropie.
Fig. 9 : Grenats automorphes en rhombododécaèdre (à gauche) et trapézoèdre (à droite) provenant du ruisseau de la Barrière. Images MEB en mode SE
75Tous les grenats analysés à la microsonde électronique montrent une composante principale en almandin (Fe2+) et spessartine (Mn), accompagnée de teneurs plus ou moins élevées en pyrope (Mg) et grossulaire (Ca) (Tableau 2). Les compositions chimiques, variant légèrement selon le minéral, ont été reportées dans des diagrammes ternaires Fe-Mn-Ca et Fe-Mn-Mg (Fig. 10). La formule empirique moyenne de la spessartine est : (Mn1,43Fe2+1,02Ca0,46Mg0,11)3,02 (Al1,98Ti0,01)1,99Si3,00O12, et celle de l’almandin est : (Fe2+1,35Mn0,94Ca0,63Mg0,19)2,98 (Al1,98Ti0,01)1,99Si3,02O12. En outre, ces grenats alumineux contiennent parfois un faible pourcentage de fer (III) sur le site octaédrique. Ces résultats concordent avec ceux obtenus par Hermann (2004) et Deroanne (2007).
Fig. 10 : Diagrammes triangulaires Fe2+-Mn-Ca et Fe2+-Mn-Mg des grenats alluvionnaires (noir) et arkosiques (rouge).
76Les analyses ponctuelles, effectuées au centre et en bordure des grenats montrent systématiquement une variation des teneurs en fer, manganèse et calcium. Cette zonation s’exprime généralement par une augmentation du fer associée à une diminution du manganèse au niveau des bordures. Le calcium, quant à lui, fluctue de manière aléatoire. De nombreux auteurs ont déjà constaté des variations au sein de la composition chimique des grenats (de Béthune, 1977b ; Hermann, 2004 ; Deroanne, 2007). De Béthune (1977b) a remarqué que ceux de la zone de Libramont montrent un appauvrissement en manganèse (« en coupole ») et un enrichissement en fer (« en calice ») au niveau des bordures. Ce phénomène manifeste probablement une réponse du grenat, lors de sa croissance, à des changements physico-chimiques du métamorphisme. En effet, les variations en calcium peuvent s’expliquer par la formation ou la désagrégation de minéraux calciques tels que la calcite (CaO + CO2 ↔ CaCO3) (de Béthune, 1977b), tandis que l’appauvrissement en Mn serait lié à l’augmentation de l’intensité du métamorphisme au cours de la croissance. Cela indiquerait donc que les grenats ont commencé à cristalliser à relativement basse température (Miyashiron & Shido, 1973, Hermann, 2004).
77Les paramètres de maille obtenus au diffractomètre à 4 cercles (Tableau 3) sont similaires à ceux calculés par Billet & Vandendriessche (1937) sur des grenats provenant de Libramont, Bastogne et Morhet (11,62 à 11,66 Å), et par Hermann (2004) sur ceux de Libramont, Bastogne, Morhet, Bertrix, Recogne, Chisogne et Tillet (11,57 à 11,68 Å). La figure 11 montre que les paramètres de maille des grenats du massif de Serpont ne concordent pas avec ceux de la solution solide spessartine–almandin. Cette différence s’explique par la présence d’une composante plus ou moins importante en grossulaire qui, à cause du rayon ionique plus élevé du calcium, augmente la taille de la maille (Paramètres de maille du grossulaire =11,852 Å (Abreal, 2011), de la spessartine =11,615 Å (Geiger & Feenstra, 1997) et de l’almandin =11,528 Å (Geiger & Feenstra, 1997) purs).
Fig. 11 : Diagramme comparant les paramètres de maille des grenats du massif de Serpont, avec ceux de la solution solide almandin–spessartine déterminés par Geiger & Feenstra (1997) sur des grenats synthétiques.
Tableau 2 : Analyses chimiques des grenats alluvionnaires du massif de Serpont.
1(3)a |
2(3) |
3(3) |
4(3) |
5(3) |
6(3) |
7(3) |
|
Oxydes en % poids |
|||||||
SiO2 |
36,77 |
36,50 |
36,83 |
37,01 |
37,58 |
37,34 |
37,54 |
TiO2 |
0,13 |
0,22 |
0,09 |
0,15 |
0,20 |
0,11 |
0,17 |
Al2O3 |
20,61 |
20,57 |
20,79 |
20,67 |
20,53 |
20,64 |
20,93 |
Fe2O3b |
1,16 |
- |
0,28 |
0,05 |
- |
0,45 |
- |
FeO2 |
17,79 |
4,51 |
15,95 |
14,98 |
13,29 |
32,55 |
20,09 |
MnO |
15,40 |
32,52 |
16,74 |
20,81 |
21,22 |
3,41 |
13,82 |
MgO |
0,86 |
0,65 |
0,76 |
0,91 |
0,88 |
1,54 |
0,53 |
CaO |
7,49 |
4,31 |
7,78 |
5,25 |
6,35 |
4,79 |
7,29 |
Na2O |
- |
0,01 |
- |
- |
0,01 |
0,05 |
0,07 |
K2O |
0,02 |
- |
- |
- |
- |
0,01 |
0,01 |
Total |
100,23 |
99,31 |
99,21 |
99,84 |
100,08 |
100,90 |
100,44 |
Nombre de cations calculés sur base de 8 cations |
|||||||
Si4+ |
2,984 |
3,020 |
2,994 |
3,002 |
3,032 |
3,006 |
3,020 |
Ti4+ |
0,008 |
0,014 |
0,005 |
0,009 |
0,012 |
0,007 |
0,010 |
Al3+ |
1,971 |
2,006 |
1,992 |
1,976 |
1,925 |
1,958 |
1,985 |
Fe3+ |
0,015 |
- |
0,003 |
0,001 |
- |
0,006 |
- |
Fe2+ |
1,208 |
0,220 |
1,084 |
1,016 |
0,897 |
2,191 |
1,351 |
Mn2+ |
1,095 |
2,279 |
1,152 |
1,429 |
1,450 |
0,232 |
0,941 |
Mg2+ |
0,104 |
0,081 |
0,092 |
0,111 |
0,106 |
0,187 |
0,063 |
Ca2+ |
0,651 |
0,382 |
0,677 |
0,457 |
0,549 |
0,413 |
0,629 |
Na+ |
- |
0,002 |
- |
- |
0,002 |
0,008 |
0,010 |
K+ |
0,002 |
- |
- |
- |
- |
0,001 |
0,001 |
78(a) Nombre d’analyses ponctuelles effectuées sur le grenat.
79(b) Les teneurs en Fe2O3 et FeO ont été calculées afin de maintenir l’équilibre des charges.
80Tableau 3 : Grenats, magnétites et zircons alluvionnaires analysés au diffractomètre à 4 cercles, avec le mode « pré-expérimentation ». Cette méthode permet d’obtenir rapidement le système cristallin et les paramètres de maille qui, après une recherche via le site Rruff (http://rruff.info/ima/), sont souvent suffisants pour déterminer le nom de l’espèce examinée.
Système cristallin et mode de réseau |
|
||||||||||||||
Cubique I b |
11,652(17) |
11,646(18) |
11,664(17) |
/ |
Grenat-1 c |
||||||||||
Cubique I |
11,627(13) |
11,613(11) |
11,621(9) |
/ |
Grenat-2 |
||||||||||
Cubique I |
11,675(8) |
11,672(15) |
11,662(16) |
/ |
Grenat-3 |
||||||||||
Cubique I |
11,604(20) |
11,597(18) |
11,617(17) |
/ |
Grenat-4 |
||||||||||
Cubique I |
11,620(8) |
11,616(9) |
11,642(8) |
/ |
Grenat-5 |
||||||||||
Cubique I |
11,546(12) |
11,542(10) |
11,561(11) |
/ |
Grenat-6 |
||||||||||
Cubique I |
11,628(15) |
11,622(17) |
11,615(17) |
/ |
Grenat-7 |
||||||||||
Cubique F |
8,261(10) |
8,270(7) |
8,264(9) |
/ |
Magnétite |
||||||||||
Cubique F |
8,284(11) |
8,323(12) |
8,311(8) |
/ |
Magnétite |
||||||||||
Cubique F |
8,298(7) |
8,304(10) |
8,296(11) |
/ |
Magnétite |
||||||||||
Cubique F |
8,288(9) |
8,291(11) |
8,290(9) |
/ |
Magnétite |
||||||||||
Cubique F |
8,278(8) |
8,276(9) |
8,275(10) |
/ |
Magnétite |
||||||||||
Tétragonal I |
6,621(10) |
6,615(8) |
5,981(11) |
/ |
Zircon |
||||||||||
Tétragonal I |
6,650(12) |
6,602(11) |
5,958(10) |
/ |
Zircon |
||||||||||
Tétragonal I |
6,631(15) |
6,601(7) |
5,971(9) |
/ |
Zircon |
||||||||||
Tétragonal I |
6,634(11) |
6,611(8) |
5,975(8) |
/ |
Zircon |
||||||||||
Tétragonal I |
6,641(13) |
6,608(9) |
5,961(9) |
/ |
Zircon |
81(a) L’angle est noté dans ce tableau si a, b ou g diffère de 90°.
82(b) Réseau de Bravais : I= centré, P= primitif, R= rhomboédrique primitive, F= faces centrées, C= face (001) centrée.
83(c) Numéro correspondant à l’analyse chimique disponible dans le Tableau 2
7. 2. La magnétite
84Cet oxyde de fer cubique (Fe3O4) se retrouve sous la forme de petits octaèdres (Fig. 12) ou en petites sphères correspondant à des rejets industriels locaux. Ses principales caractéristiques sont sa couleur noire, son éclat métallique à semi-métallique et surtout son fort magnétisme qui permet de le séparer aisément des autres minéraux à l’aide d’un aimant.
Fig. 12 : Magnétite octaédrique de la Lomme. Image MEB en mode SE.
85La magnétite possède une structure spinelle inverse, AB2O4, où un des cations B occupe le site tétraédrique, tandis que les cations A et B restant occupent le site octaédrique. Les analyses chimiques ont décelé des traces de manganèse, magnésium, calcium, silicium, titane et aluminium (Tableau 4). Ces cations (Mn2+, Mg2+, Al3+, Si4+, Ti4+, Ca2+) occupent principalement les sites octaédriques (Stout & Bayliss, 1980 ; Bosi et al., 2009). De plus, les paramètres de mailles obtenus au diffractomètre à 4 cercles varient entre 8,261 et 8,323 Å (Tableau 3).
86Dans les roches ardennaises, la minéralogie ferromagnétique est principalement contrôlée par le métamorphisme. La présence de magnétite au Cambrien et au Lochkovien est probablement due à l’altération de la pyrite en pyrrhotite vers l’isotherme 300°C, suivie d’une oxydation thermique de la pyrrhotite en magnétite au environ de 500°C (Beugnies, 1986 ; Dekkers, 1990 ; Bina et al., 1991 ; Robion et al., 1995).
87Aux alentours du massif de Serpont, la magnétite se retrouve notamment dans certaines calcopélites de Freux (de Béthune, 1977b), au sein de plusieurs phyllades verts de Remagne (Vandendriessche, 1941 ; de Béthune, 1977b), ainsi que comme minéral accessoire dans des veines de quartz.
Tableau 4 : Analyses chimiques des magnétites alluvionnaires du massif de Serpont.
Magnétite 1 |
Magnétite 2 |
|||
P(3) a |
NC b |
P(3) |
NC |
|
SiO2 |
0,32 |
0,013 |
0,08 |
Tr. |
TiO2 |
- |
- |
0,07 |
Tr. |
Al2O3 |
- |
- |
0,05 |
Tr. |
Fe2O3 |
65,56 |
1,983 |
67,80 |
1,998 |
FeO |
29,05 |
0,999 |
30,68 |
1,000 |
MnO |
0,16 |
0,006 |
0,11 |
0,003 |
MgO |
0,04 |
0,002 |
0,03 |
0,001 |
CaO |
0,14 |
0,006 |
- |
- |
Na2O |
- |
- |
- |
- |
K2O |
- |
- |
- |
- |
Total |
95,26 |
98,81 |
88(a) Pourcentage en poids d’oxydes avec, entre parenthèses, le nombre d’analyses ponctuelles effectuées.
89(b) Nombres de cations calculés sur base de 2 cations.
7. 3. Le zircon
90Ce nésosilicate de zirconium (ZrSiO4) a été récolté dans les ruisseaux sous une forme généralement arrondie, avec une couleur le plus souvent foncée. Quelques cristaux automorphes peuvent également être présents. Ce minéral se repère en lame mince grâce à son relief élevé et son aspect incolore. Les paramètres de mailles moyens, obtenus au diffractomètre à 4 cercles, sont a = 6,635 ; b = 6,607 ; c = 5,970 Å (Tableau 3).
91Le zircon est un minéral accessoire dans de nombreuses roches de la zone de Libramont. Celui-ci serait d’origine détritique car il ne semble pas avoir été recristallisé durant le métamorphisme. Même s’il se retrouve majoritairement sous la forme de grains isolés, il peut également être à la fois concentré en lits suivant parfois la stratification, ou inclus dans d’autres minéraux tels que la biotite et l’amphibole (de Béthune, 1977b).
7. 4. La tourmaline
92La tourmaline est un cyclosilicate rhomboédrique, prélevée dans les ruisseaux de Serpont sous une forme automorphe à subautomorphe, striée et allongée avec une section triangulaire courbée (Fig. 13). Sa couleur varie du brun très foncé au noir. En lame mince, ce minéral possède un pléochroïsme variant du brun-orange clair à foncé.
Fig. 13 : Tourmaline du ruisseau de Serpont.
93Les analyses chimiques ont décelé la présence de Na sur le site X du minéral (groupe alcalin), et d’une solution solide homovalente Fe2+ ↔ Mg2+ sur le site Y (schörl et dravite ; Fig. 14). Les tourmalines contiennent également des teneurs accessoires en calcium et en titane, principalement. Les proportions en H2O et en bore ont été calculées afin de correspondre à la composition idéale (Tableau 5). La série isomorphe schörl-dravite a déjà été notifiée en bordure du massif de Stavelot par Fieremans & De Paepe (1982).
Fig. 14: Composition chimique des tourmalines de Serpont, reportée dans un diagramme X-vacant/(Na+X-vacant) sur Mg/(Fe+Mg) (d’après Henry & Dutrow, 2001).
94Les paramètres de mailles moyens du schörl sont : a = 15,969 ; b = 15,978 ; c = 7,194 Å, tandis que ceux de la dravite sont : a = 15,931 ; b = 15,924 ; c = 7,162 Å (Tableau 6). Ces paramètres sont légèrement supérieurs dans le schörl car le rayon ionique du fer (II) est plus élevé que celui de magnésium. En outre, ceux-ci sont proches de la solution solide schörl-dravite « idéale » établie par Bloodaxe et al. (1999) (Fig. 15).
Fig. 15 : Diagramme comparant les paramètres de maille des tourmalines du massif de Serpont avec ceux de la solution solide schörl–dravite déterminés par Bloodaxe et al. (1999) sur des tourmalines naturelles.
95Selon Corin (1931b), la tourmaline est abondante dans les veines de quartz du Moulin de Remagne et de Notre-Dame-de-Lorette. Celle-ci se rencontre aussi dans de nombreuses roches dont par exemple certains phyllades du Moulin de Remagne (de Béthune, 1977b). Lors de cette étude, des tourmalines ont été recensées dans les veines de quartz du Bois-la-Dame et de Bras, ainsi que dans les conglomérats et arkoses autour du massif de Serpont. Les tourmalines se seraient formées soit par métasomatisme, processus consécutif à la circulation de fluides réactifs dans les roches (Fieremans & Paepe, 1982), soit par pneumatolyse, résultant de déplacements en profondeur de vapeurs enrichies en métaux, bore, fluor et chlore. Ce deuxième phénomène aurait provoqué une ségrégation latérale dans le milieu métamorphique, favorisant ainsi la cristallisation des tourmalines dans les veines de quartz plutôt que dans la roche encaissante (Lepersonne, 1934 ; de Béthune, 1977b). Le bore contenu dans ces fluides et vapeurs proviendrait essentiellement des formations sédimentaires riches en argile, telles que les pélites (Robert et al., 1995 ; Van den Bleeken et al., 2007). Certaines tourmalines proviennent également de la recristallisation de grains détritiques (de Béthune, 1977b).
7. 5. Le chloritoïde
96Le chloritoïde (FeAl2O[SiO4](OH)2) est un nésosilicate constitué de petits cristaux lamellaires pseudohexagonaux, de couleur noire ou gris verdâtre très foncée. Ils apparaissent en lame mince sous l’aspect de sections prismatiques généralement faiblement pléochroïques, variant du bleu au vert. Ce minéral possède parfois des inclusions composées essentiellement de quartz. Les paramètres de maille moyens obtenus au diffractomètre à 4 cercles sont : a = 9,479 ; b = 5,503 ; c = 18,169 Å et le système cristallin est monoclinique ( = 101,12°) (Tableau 6). Des polymorphes tricliniques ont également été décrits par Fransolet (1978).
97Ce minéral se retrouve notamment dans les phyllades cambriens du massif de Serpont (de Béthune, 1977b), dans les phyllades lochkoviens de Remagne (Gosselet, 1888 : de Béthune, 1977b), ainsi que dans certaines formations aux alentours de Séviscourt (Vandendriessche, 1941). Celui-ci peut également être accessoire dans des veines de quartz où il est considéré comme un minéral hydrothermal synmétamorphique, formé durant l’orogenèse varisque (Fransolet, 1978 ; Schroyen & Muchez, 1999).
98Les chloritoïdes contenus dans les phyllades cambriens contiennent environ 1,3 % en poids MgO et 2 % en poids MnO. Les inclusions sont peu nombreuses et formées le plus souvent de quartz, de graphite en trainées orientées, d’ilménite et peut-être de rutile. Ceux-ci sont orientés obliquement par rapport à la schistosité, formant ainsi des halos d’étirement. Ceux-ci sont donc aussi probablement pré- ou syntectonique (de Béthune, 1977b).
99Au sein des phyllades lochkoviens, les chloritoïdes sont légèrement plus riches en fer et en manganèse (3 % en poids MnO). Le MgO atteint environ 0,5 % en poids (de Béthune, 1977b). Les analyses chimiques de Vandendriessche (1941), effectuées dans les environs de Séviscourt, ont décelé des teneurs supérieures en MgO (2 % en poids) et inférieures en MnO (1,2 % en poids).
100Les chloritoïdes alluvionnaires analysés à la microsonde électronique possèdent de très faibles teneurs en magnésium et manganèse sur le site du fer (II). Le premier élément est disponible en proportion constante (± 1,5 % en poids de MgO), contrairement au second qui varie fortement selon l’échantillon (0,7 à 2 % en poids de MnO). Les teneurs en H2O ont été calculées afin de correspondre aux 2(OH) de la composition idéale (Tableau 5). La formule empirique moyenne obtenue est : (Fe2+0,85Mg0,09Mn0,06)1,00Al2,00(Si1,02O5)(OH)2,00. Cette composition se rapproche le plus des chloritoïdes issus des phyllades cambriens. Bustamante-Santa Cruz (1974) a également analysé quelques grains alluvionnaires prélevés dans le ruisseau de Serpont. Les teneurs obtenues sont de 1 % en poids MgO et de 1,1% en poids MnO.
101Dans le massif de Stavelot, les chloritoïdes sont plus riches en manganèse (Fransolet, 1978 ; Theye & Fransolet, 1994) (Fig. 16), provoquant une légère augmentation des paramètres de maille à cause du rayon ionique plus élevé du manganèse.
Fig. 16 : Diagramme triangulaire Mn-Fe2+-Mg sur lequel les compositions chimiques des chloritoïdes du massif de Serpont (cercles), ainsi que ceux du massif de Stavelot (triangles) ont été reportées.
Tableau 5 : Analyses chimiques de tourmalines et chloritoïdes alluvionnaires du massif de Serpont.
Tourmalines |
Chloritoïdes |
|||||
1 (3)a |
2 (2) |
3 (2) |
1 (2) |
2 (3) |
3 (3) |
|
Oxydes en % poids |
||||||
SiO2 |
34,57 |
36,30 |
35,29 |
24,01 |
24,05 |
23,96 |
TiO2 |
0,47 |
0,59 |
0,42 |
- |
- |
0,02 |
Al2O3 |
33,46 |
32,15 |
33,09 |
39,84 |
40,15 |
39,96 |
B2O3b |
10,10 |
10,48 |
10,09 |
- |
- |
- |
FeO |
13,36 |
5,82 |
12,48 |
24,19 |
23,84 |
23,52 |
MnO |
0,14 |
0,04 |
0,17 |
0,70 |
1,80 |
1,97 |
MgO |
2,19 |
7,66 |
2,56 |
1,36 |
1,65 |
1,56 |
CaO |
0,24 |
0,46 |
0,18 |
0,04 |
0,01 |
0,01 |
Na2O |
1,94 |
2,58 |
1,90 |
0,03 |
0,03 |
0,04 |
K2O |
0,05 |
0,02 |
3,48 |
- |
0,01 |
- |
H202 |
3,48 |
3,48 |
3 ;48 |
7,04 |
7,04 |
7,12 |
Total |
99,99 |
99,58 |
99,68 |
98,22 |
98,22 |
98,16 |
Nombre de cations calculés sur base de : |
||||||
16 cations |
4 cations |
|||||
Si4+ |
5,948 |
6,021 |
6,078 |
1,022 |
1,023 |
1,020 |
Ti4+ |
0,061 |
0,073 |
0,054 |
- |
- |
0,001 |
Al3+ |
6,786 |
6,284 |
6,717 |
1,999 |
2,014 |
2,004 |
B3+ |
3,000 |
3,000 |
3,000 |
- |
- |
- |
Fe2+ |
1,922 |
0,808 |
1,798 |
0,861 |
0,849 |
0,837 |
Mn2+ |
00,020 |
0,005 |
0,025 |
0,045 |
0,095 |
0,125 |
Mg2+ |
0,562 |
1,893 |
0,658 |
0,049 |
0,060 |
0,056 |
Ca2+ |
0,044 |
0,082 |
0,033 |
0,004 |
0,001 |
0,001 |
Na+ |
0,646 |
0,829 |
0,633 |
0,003 |
0,003 |
0,004 |
K+ |
0,012 |
0,004 |
0,005 |
- |
Tr. |
- |
OH- |
4,000 |
4,000 |
4,000 |
2,000 |
2,000 |
2,000 |
102(a) Nombre d’analyses ponctuelles effectuées.
103(b) Les teneurs en B2O3 et H20 ont été calculées à partir de la composition idéale des minéraux.
Tableau 6 : Tourmalines, rutiles, chloritoïdes, ilménites et pyrites alluvionnaires analysés au diffractomètre à 4 cercles selon le mode « pré-expérimentation ». Cette méthode permet d’obtenir rapidement le système cristallin et les paramètres de maille qui, après recherche via le site Rruff (http://rruff.info/ima/), sont souvent suffisants pour déterminer le nom de l’espèce examinée.
Système cristallin et mode de réseau |
Paramètre de maille (Å) |
Angle (°) |
Minéral |
||
a |
b |
c |
|||
Hexagonal Rb |
15,972(19) |
15,981(16 |
7,201(8) |
=119,85(15) |
Tourmaline-1 |
Hexagonal R |
15,931(15) |
15,924(14) |
7,162(10) |
=119,98(19) |
Tourmaline-2 |
Hexagonal R |
15,967(18) |
15,976(17) |
7,187(8) |
=119,92(10) |
Tourmaline-3 |
Hexagonal R |
15,969(17) |
15,978(15) |
7,189(9) |
=119,94(12) |
Tourmaline |
Tétragonal I |
4,605(15) |
4,579(15) |
2,972(18) |
/ |
Rutile |
Tétragonal I |
4,651(22) |
4,621(20) |
2,957(18) |
/ |
Rutile |
Tétragonal I |
4,633(10) |
4,592(14) |
2,961(12) |
/ |
Rutile |
Monoclinique C |
9,471(8) |
5,510(6) |
18,184(8) |
b=100,71(14) |
Chloritoïde-1 |
Monoclinique C |
9,478(7) |
5,494(10) |
18,152(9) |
b=101,12(7) |
Chloritoïde-2 |
Monoclinique C |
9,486(11) |
5,506(9) |
18,172(8) |
b=101,54(13) |
Chloritoïde |
Monoclinique C |
9,482(10) |
5,501(7) |
18,170(9) |
b=101,50(11) |
Chloritoïde-3 |
Hexagonal R |
5,078(7) |
5,096(5) |
13,941(8) |
=119,96(6) |
Ilménite |
Hexagonal R |
5,101(6) |
5,106(9) |
14,074(8) |
=120,07(12) |
Ilménite |
Hexagonal R |
5,112(10) |
5,111(8) |
14,119(9) |
=120,10(6) |
Ilménite |
Cubique P |
5,403(12) |
5,415(12) |
5,440(10) |
/ |
Pyrite |
Cubique P |
5,399(13) |
5,414(15) |
5,439(17) |
/ |
Pyrite |
Cubique P |
5,412(15) |
5,432(23) |
5,431(10) |
/ |
Pyrite |
104(a) L’angle est noté dans ce tableau si a, b ou g diffère de 90°.
105(b) Réseau de Bravais : I= centré, P= primitif, R= rhomboédrique primitive, F= faces centrées, C= face (001) centrée.
106(c) Numéro correspondant à l’analyse chimique disponible dans le Tableau 6 pour les tourmalines et les chloritoïdes.
7. 6. Le rutile
107Ce minéral se présente souvent sous forme de cristaux xénomorphes, striés et souvent allongés, de couleur brun foncé avec des reflets rougeâtres. Celui-ci possède un pléochroïsme jaune-vert à brun-rouge plus ou moins net en lame mince. Les paramètres de maille moyens, obtenus au diffractomètre à 4 cercles, sont : a = 4,633 ; b = 4,592 ; c = 2,961 Å (Tableau 6).
108Le rutile est un minéral accessoire de nombreuses roches pélitiques. Il se retrouve principalement dans les phyllades à ilménite du massif de Serpont, en pseudomorphoses partielles ou totales de l’ilménite (De Béthune, 1977b ; Hatert et al., 2000). Celui-ci s’observe plus rarement dans les zones à biotite car il peut réagir soit pour former de l’ilménite ou de la titanite, soit pour entrer dans la composition de la biotite (de Béthune, 1977b).
7. 7. L’ilménite
109Ce minéral rhomboédrique (FeTiO3) forme des cristaux tabulaires ou des masses plus compactes, parfois associées au quartz. Il possède une cassure conchoïdale, un éclat métallique, ainsi qu’une couleur et une trace noires. Il est également très faiblement magnétique. Les paramètres de maille moyens sont : a = 5,097 ; b = 5,104 ; c = 14,045 Å (Tableau 6).
110Les ilménites étudiées contiennent des teneurs entre 3 et 4 % de MnO, excepté pour un échantillon prélevé dans le ruisseau de la Barrière dans lequel la proportion en MnO s’élève à presque 10 %. Ces minéraux incorporent parfois aussi du Ca et du Mg en pourcentage non négligeable, ainsi que du Si et de l’Al essentiellement pour le ruisseau de la Noire Eau (Tableau 7). Les ilménites analysées par de Béthune (1977b) et Deroanne (2007) contiennent des teneurs entre 3 et 7 % MnO. Ces minéraux concentrent également du Ca, Mg, Ba (Cet élément n’a pas été pris en compte lors des analyses à la microsonde effectuées dans ce mémoire.) (environ 1,5 % en poids d’oxydes) à Libramont, mais aussi du Si et Al à Bastogne (Deroanne, 2007). Le nombre d’analyses n’est cependant pas suffisant pour déceler une éventuelle différence de composition entre ces deux régions. La composition chimique des ilménites alluvionnaires du Serpont se rapproche le plus de celles de Libramont.
111Au niveau de la zone métamorphique de Libramont, l’ilménite est un minéral accessoire fréquent. Celui-ci se forme essentiellement au sein des phyllades, mais aussi se développer dans certaines roches calcopélitiques et amphibolites, mais moins fréquemment car le titane s’y concentre généralement dans la titanite (de Béthune, 1977b).
Tableau 7 : Ilménites alluvionnaires du massif de Serpont.
1 (2)a |
2 (3) |
3 (2) |
‘ (3) |
( (2) |
|
Oxydes en % poids |
|||||
SiO2 |
0,07 |
0,28 |
7,77 |
0,09 |
2,98 |
TiO2 |
55,38 |
52,07 |
47,70 |
53,55 |
50,14 |
Al2O3 |
0,02 |
0,10 |
0,31 |
0,05 |
1,94 |
FeO |
35,71 |
42,13 |
39,56 |
42,43 |
38,27 |
MnO |
9,66 |
3,46 |
3,31 |
3,39 |
3,75 |
MgO |
- |
0,10 |
0,17 |
0,06 |
0,68 |
CaO |
0,01 |
0,16 |
0,34 |
0,10 |
0,23 |
Na2O |
- |
0,05 |
0,08 |
0,06 |
– |
K2O |
0,03 |
0,03 |
- |
0,03 |
0,03 |
Total |
100,88 |
98,38 |
99,25 |
99,75 |
98,01 |
Nombre de cations calculés sur base de 2 cations |
|||||
Si4+ |
0,002 |
0,007 |
0,193 |
0,002 |
0,075 |
Ti4+ |
1,044 |
1,004 |
0,891 |
1,020 |
0,950 |
Al3+ |
0,001 |
0,003 |
0,009 |
0,001 |
0,057 |
Fe2+ |
0,749 |
0,903 |
0,822 |
0,899 |
0,806 |
Mn2+ |
0,205 |
0,075 |
0,070 |
0,073 |
0,080 |
Mg2+ |
- |
0,004 |
0,006 |
0,002 |
0,026 |
Ca2+ |
Tr. |
0,004 |
0,009 |
0,003 |
0,006 |
Na+ |
- |
0,002 |
0,004 |
0,003 |
- |
K+ |
0,001 |
0,001 |
- |
0,001 |
0,001 |
112(a) Nombre d’analyses ponctuelles effectuées.
7. 8. La pyrite
113La pyrite (FeS2) est un sulfure de fer cubique de couleur jaune laiton possédant un éclat métallique. Sa morphologie est constituée de petits cristaux cubiques parfois goethitisés (Fig. 17), ou d’une masse grenue framboïdale. Celle-ci se distingue en lumière réfléchie grâce à sa couleur pâle et son pouvoir réflecteur élevé. Le paramètre de maille a moyen est de 5,415 Å (Tableau 6).
Fig. 17: Pyrite du ruisseau de la Barrière
114Les six pyrites alluvionnaires observées contiennent des traces d’arsenic, parfois accompagnées de cuivre, d’argent et d’or, non inclue dans la formule empirique moyenne - Fe1,00S2,00 - au vu des faibles quantités. Concernant les « pyrites aurifères », seul l’échantillon « Pyr1 » possède une teneur en or fiable car sa valeur se situe au-dessus de la limite de détection (0,03 %). Deux pyrites filoniennes (« Pyr. F1 » et « Pyr. F2 »), provenant respectivement de la galerie minière du « Bois la Dame » et de Bras, ont également été analysées à la microsonde électronique. Comme les pyrites alluvionnaires, celles-ci possèdent des traces d’arsenic, de cuivre, d’argent et d’or (Tableau 8).
Pour des raisons techniques liées au logiciel de publication, il n’est pas possible de mettre le tableau 8 en lecture directe. Il est téléchargeable indépendamment de l’article en entier. |
115Le métamorphisme de la zone de Libramont a développé une paragenèse composée de l’association pyrite – pyrrhotite (à exsolutions de pentlandite) – chalcopyrite, à partir de sulfures primaires comme les pyrites sédimentaires. Ces minéraux sont contenus dans les quartzites et les phyllades à biotite de Serpont, ainsi que dans les quartzites à plagioclase, amphibole et grenat du Praguien inférieur de Libramont. Au sein de ces roches, ces sulfures se rencontrent en petites lentilles, en paramorphose de cubes de pyrite ou disséminées parmi les silicates (Antun, 1954 ; de Béthune, 1977b).
8. L’origine de l’or de Serpont
116L’or est un élément sidérophile qui, lors de la formation de la Terre, a migré jusqu’à proximité de son noyau. Sa teneur dans la croûte terrestre et le manteau supérieur est donc naturellement très faible (Fleet et al., 1999) – environ 1,3 ppb de moyenne (Pitcairn, 2012) – expliquant ainsi son intérêt et son prix élevés (Blaber et al., 2009). Ce métal précieux peut cependant s’accumuler en surface grâce à différents mécanismes de transport et de concentration (Arndt & Ganino, 2012). Sa teneur atteint alors des proportions jusqu’à 1.000 fois supérieures à la moyenne (Tilling et al., 1973).
117Les découvertes de ces dernières années ont entraîné la publication de plusieurs hypothèses concernant l’origine primaire de l’or en Belgique (De Rauw, 1920 ; Wéry, 1948 ; Hanssen & Viaene, 1979 ; Nonnon, 1984 ; Hatert et al., 2000 ; Lefèvre & Hatert, 2003). Il en est ressorti que celle-ci peut être : diagénétique, dont l’or est inclus principalement dans les pyrites et les arsénopyrites ; filonienne, émanant de fluides métamorphiques d’âge cambro-ordovicien ou dévono-carbonifère ; détritique, c’est-à-dire contenu dans un paléoplacer composé d’arkose et de conglomérat ou, pour finir, issu directement d’une roche magmatique affleurante.
118La genèse de l’or de Serpont va être discutée hypothèses par hypothèses selon les différents résultats obtenus. Notons que la présence de ce métal précieux dans des roches magmatiques peut d’ores et déjà être exclue car le massif de Serpont, ainsi que ses alentours, ne font pas affleurer ce type de roche.
8. 1. Origine diagénétique
119L’or peut se déposer non seulement de manière visible dans des fractures ou des terrains géologiques, mais également de façon invisible (Arehart et al., 1993 ; Simon et al., 1999 ; Tauson et al., 2008), c’est-à-dire que ce métal se retrouve incorporé soit au sein du réseau cristallin d’un minéral, soit en inclusions microscopiques dans celui-ci. Ce phénomène se produit dans certains sulfures, dont les plus courants sont la pyrite et l’arsénopyrite (Bonnemaison, 1986 ; Maddox et al., 1998 ; Tauson, 1999 ; Chen et al., 2014).
120En plus des traces d’arsenic, de cuivre et d’argent, les pyrites filoniennes contiennent parfois une faible teneur en or (Tableau 8). Une constatation similaire avait été faite par J.P. Denis dans les années 1980. Ce dernier avait analysé à la microsonde et par flottation des pyrites provenant d’une carrière de Bras-Haut. Celles-ci contenaient presque toutes de très faibles teneurs en or (2 à 3 ppm) (Detaille & Van Eerdenbrugh, 2014). Selon Dimanche & Sterpin (2001), l’érosion chimique induite par les conditions acides en milieux fagnards ardennais aurait engendré la libération de cet or. Un tel phénomène a été observé dans une arsénopyrite du massif de Stavelot (Lefèvre & Hatert, 2003), ainsi que au « Trou des Massotais » (Baraque de Fraiture) où l’or est intimement associé à de la goethite (Fig. 18).
Fig. 18 : Or, en structure « spongieuse », associé à des hydroxydes de fer (photos D. Bastin).
8. 2. Origine filonienne
121Cette hypothèse semble la plus courante dans la littérature (Annels & Roberts, 1989 ; Hatert et al., 2000 ; Van Der Meersche, 2001). Les orogenèses calédonienne et varisque seraient distinctement impliquées dans la formation de certaines zones aurifères filoniennes selon un mécanisme de mise en place similaire (Goldfarb et al., 2000).
122Durant le paléozoïque, de nombreuses collisions continentales eurent lieu dont celles engendrant les orogenèses calédonienne et varisque. Ces dernières ont entraîné un magmatisme plutonique intense et continu ainsi que le développement de failles (Goldfarb et al., 2000). Ces événements tectono-thermiques sont diachroniques et caractérisés par la formation de fluides à la fois ignés, émanant de plutons magmatiques (Kontak et al., 1990), et métamorphiques, libérés lors des réactions de déshydratation et de décarbonatation (Kontak et al., 1990 ; Schroyen & Muchez, 1990), provoquant la formation d’importants districts aurifères filoniens. Lorsque ces fluides sont originaires de l’orogenèse calédonienne, ils sont généralement peu étendus et localisés au niveau de l’Écosse et de la terrane « Meguma » à l’Est du Canada, tandis que ceux issus de l’orogenèse varisque sont plus vastes et situés du Sud de l'Europe jusqu’au Nord-Ouest de la Chine (Goldfarb et al., 2000). L’Ardenne se situe donc à proximité de quelques évènements aurifères majeurs.
123En plus de cette proximité, le massif de Serpont a lui aussi été affecté par ces deux orogenèses (Fourmarier, 1931 ; Demoulin & Ek, 1995), ainsi que par un métamorphisme intense (Theye & Fransolet, 1993 ; Deroanne, 2007). Les études réalisées dans les massifs de Stavelot (Schroyen & Muchez, 1999 ; Dewaele et al., 2014) et de Rocroi (Potdevin et al., 1994) ont montré que la haute température et la faible salinité des fluides hydrothermaux présents dans les failles correspondent à une origine métamorphique. En supposant qu’il existe une corrélation entre ces deux massifs et celui de Serpont, les fluides présents à cet endroit seraient donc également d’origine métamorphique et se seraient formés suite aux réactions de déshydratation (Schroyen & Muchez, 1999 ; Dewaele et al., 2014) durant la période varisque car le métamorphisme y a été daté du varisque pré-orogénique (Lambert & Bellière, 1976 ; de Béthune, 1977a ; Jongmans & Cosgrove, 1993 ; Dewaele et al., 2014), et que cet évènement est associé à une migration intensive de fluides conduisant à la formation de différentes générations de veines (Fielitz & Mansy, 1999 ; Schroyen & Muchez, 1999; Dewaele et al., 2014). Ce métamorphisme aurait ensuite persisté (de Béthune, 1977a) jusqu’à la fin de l’orogenèse, où les conditions de température et de pression ont alors diminué (Hatert, 1998 ; Hatert & Theye, 2005).
124La minéralisation aurifère apparaît préférentiellement dans les zones ayant subi un broyage intensif au cours de phénomènes de cisaillement (= « shear zones »). En effet, ce broyage favorise la circulation des solutions minéralisantes, ainsi que leur piégeage (Bonnemaison, 1986). Contrairement aux gîtes filoniens classiques, les « shear zones » résultent non pas du remplissage d’une fracture par du minerai mais de l’imprégnation d’anciens filons de quartz stériles par une minéralisation aurifère tardive, c’est-à-dire lors de la transition d’un système compressif à extensif (Bonnemaison, 1986 ; Dewaele et al., 2014). Le massif de Serpont est traversé par plusieurs failles majeures qui sont celles du Serpont et de Bras au niveau de la zone aurifère, bordées par celles de Vencimont au Nord et d’Opont au Sud. Ce système de failles, formant probablement une « shear zone », aurait donc pu favoriser la migration de fluides métamorphiques tardifs (Bonnemaison, 1986 ; Robert et al., 1995 ; Schroyen & Muchez, 1999) correspondant à une phase d’extension (Hatert & Theye, 2005). Cette hypothèse repose sur la similitude de mise en place et d’âge entre les failles du massif de Serpont et celle d’Herbeumont un peu plus au Sud, dont une étude récente l’a identifiée comme étant une « shear zone » (Schavemaker et al., 2012). L’or transporté dans ces fluides aurait ensuite précipité lors de la diminution des conditions de pression et de température (Boyle, 1979). Ce mécanisme de mise en place se retrouve à plusieurs endroits à travers le monde comme par exemple au niveau de la mine d’or de « Dolaucothi » au Pays de Galles (Annels & Hellewell, 1987 ; Annels & Roberts, 1989).
125Comme le montre la Figure 19, les sites où l’or a été recensé sont aussi proches des failles principales du Serpont et de Bras que de la Formation éodévonienne de Fépin. Leur localisation ne permet donc pas de se prononcer sur son origine. Cependant, une certaine quantité de grains et de paillettes d’or anguleux, parfois associés à des inclusions de quartz, ont été récoltés sur place. Ceux-ci impliqueraient une assez courte distance entre leur position d’origine et de dépôt.
Fig. 19 : L’or (étoile) associé aux failles.
1= La Lomme ;
2= Ruisseau du Golo ;
3= Ruisseau de la Barrière ;
4= Ruisseau de Serpont ;
5= Ruisseau de La Noire Eau ; 6= Ruisseau de Bernihé ;
7= Ruisseau de Large Fontaine.
8. 3. Origine détritique
126Selon cette hypothèse, l’or se serait concentré dans les roches détritiques éodévoniennes de la Formation de Fépin – composées d’arkoses et de conglomérats (Bultynck et al., 2001) – suite à la dégradation des filons aurifères primaires. Ces roches, disposées autour du massif cambro-ordovicien de Serpont (Beugnies, 1984), auraient agis tel un paléo-placer aurifère libérant les particules d’or lors de son érosion.
127À l’exception des sites au Sud du ruisseau de la Noire Eau et au Nord de celui de Serpont, les différents points où l’or a été découvert sont tous dans ou à proximité de la Formation de Fépin (Fig. 19), tout comme les tertres d’orpaillage recensés par Gillet (1973) et Detaille & Van Eerdenbrugh (2014). De plus, certains grains possèdent des contours arrondis - « reshaped » - typique de l’or détritique.
128Les analyses à la microsonde effectuées au centre, en périphérie et au bord de quelques grains de différentes formes ont montré des teneurs entre 4 et 7 % d’argent et de ± 0,1 % de cuivre. Les compositions dans ces trois parties étant à chaque fois similaires, le déplacement effectué par l’or, corrélé à son lessivage externe, serait donc assez limité (Knight et al., 1999 ; Bendall, 2003). Ce résultat, ajouté à la présence de quartz sur certains grains, pourrait s’expliquer par la faible distance séparant les roches détritiques et les filons primaires.
129À noter que les échantillons d’arkoses, grès et conglomérats ne contenaient aucun grain ou paillette d’or. Ces prélèvements n’ont cependant pas une importance suffisante pour discréditer cette théorie car, la concentration en or étant très faible, ceux-ci auraient pu échapper à des tests effectués sur seulement quelques dizaines de kilos d’échantillons et/ou la granulométrie de la poudre serait trop élevée.
9. Conclusions
130Les observations minéralogiques et les mesures effectuées dans le cadre de cette étude permettent d’apporter un complément d’information sur le recensement des espèces minérales denses au niveau du massif de Serpont, ainsi que sur l’origine de l’or à cet endroit ; étude jusqu’à présent réalisée seulement dans les massifs cambro-ordoviciens de Stavelot (Hanssen & Viaene, 1979 ; Lefevre & Hatert, 2003) et de Rocroi (Nonnon, 1984).
131L’or ardennais fut exploité de l’époque celte à franque, puis à la fin des années 1800 (Grailet, 1998), période durant laquelle l’esclavage ou les bas salaires le permettaient. À l’heure actuelle, le massif de Serpont recèle encore de faibles quantités d’or sous la forme de paillettes et de grains alluvionnaires plus ou moins arrondis, parfois associés à du quartz, répartis sur tout le pourtour du massif. Ce métal précieux se retrouve au sein de petits placers mis en place suite à l’érosion à la fois de filons de quartz constitués d’une multitude de petits filons aurifères, quelquefois sulfurés, qui se sont formés lors de la remontée de fluides métamorphiques tardi-varisques dans un complexe de « shear zone », et de roches détritiques éodévoniennes de la Formation de Fépin composées de conglomérats et d’arkoses (Fig. 20). Néanmoins, ces deux origines potentielles ne seraient peut-être pas les uniques sources d’or au sein de ce massif. En effet, celles-ci pourraient être associées à un apport nettement moindre provenant des filons de quartz calédoniens et des pyrites aurifères. Les abords des massifs cambro-ordoviciens ardennais seraient donc probablement les lieux de convergence des différentes sources aurifères, expliquant ainsi l’emplacement préférentiel des nombreux vestiges aurifères à ces endroits.
Fig. 20 : Schéma récapitulatif concernant l’origine de l’or en Belgique
132Les minéraux denses alluvionnaires prélevés avec l’or sont : le grenat (spessartine – almandin – grossulaire), la magnétite, la tourmaline (schörl – dravite), le zircon, le chloritoïde, l’ilménite, le rutile et la pyrite. Leur morphologie et cristallochimie sont similaires aux études précédentes réalisées dans la zone métamorphique de Libramont (e.g : de Béthune, 1977b ; Hermann, 2004). Par rapport au massif de Stavelot, les grenats et les chloritoïdes possèdent ici des teneurs plus faibles en manganèse. De plus, les minéraux alluvionnaires tels que la titanite, la monazite, l’épidote, ainsi que parfois l’augite et la forstérite, ne sont pas présents.
133Une perspective intéressante serait de récupérer une quantité suffisante d’or au niveau des massifs cambro-ordoviciens ardennais et de les analyser au PIXE ; méthode d’analyse chimique précise (quelques ppm) basée sur la détection des rayons X caractéristiques émis suite à l’interaction de protons accélérés avec la matière. Les résultats, comparés avec ceux de l’or utilisé sur certains objets historiques de la région, permettront peut-être d’améliorer la compréhension concernant l’utilisation de l’or récolté en Ardenne.
Remerciements
134Je remercie tout particulièrement Frédéric Hatert pour son suivi, ses conseils, ainsi que mon initiation à l’orpaillage. Je souhaite également remercier David Bastin pour la mise à disposition des broyeurs et du Knelson, Jean-Marc Baele et Philippe Compère pour, respectivement, les analyses à la microsonde et au MEB, et, pour finir, la DNF pour les autorisations reçues afin que je puisse circuler librement au sein du massif de Serpont.
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