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- Tome XVIII - 1969
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RÉSEAUX DANS LES ESPACES LINÉAIRES À SEMI-NORMES
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Annexes
Résumé
Le présent travail est consacré à l'étude des réseaux dans les espaces linéaires à semi-normes et à leur application au théorème du graphe fermé et aux propositions connexes.
Précisons le contenu de ce mémoire en rappelant rapidement les diverses améliorations apportées jusqu'ici au théorème du graphe fermé de S. Banach. Considérons deux espaces linéaires à semi-normes et un opérateur linéaire agissant de l'un, appelé espace de départ, dans l'autre, appelé espace d'arrivée.
Le théorème du graphe fermé vise à conclure que l'opérateur est continu quand son graphe est fermé, moyennant des hypothèses convenables sur les deux espaces.
Le théorème de Banach s'appliquait entre des espaces métriques complets. J. Dieudonné et L. Schwartz l'étendent entre des limites strictes d'espaces de Fréchet. La même année, G. Küthe généralise leur résultat entre des limites inductives dénombrables mais non strictes.
V. Ptak constate que le théorème de Banach est valable pour un espace de départ tonnelé et introduit, pour l'espace d'arrivée, la notion d'espace B-complet. Des travaux ultérieurs de A. P. et W. Robertson et V. Ptak notamment contribuent à développer la théorie des espaces B-complets. Les résultats obtenus dans cette voie donnent une analyse fine de la démonstration du théorème du graphe fermé par le dual, mais n'enrichissent guère ses possibilités d'application. En effet, on connait peu d'exemples d'espaces B-complets et leurs propriétés de permanence sont relativement pauvres.
A. Grothendieck démontre qu'on peut prendre l'espace de départ ultrabornologique, l'espace d'arrivée limite inductive d'une suite d'espaces de Fréchet et le graphe de l'opérateur fermé pour les suites. Il conjecture que son énoncé est valable pour une classe d'espaces d'arrivée qui contienne, outre les espaces de Banach, les espaces qui s'en déduisent par les opérations suivantes : produit, somme directe, limites inductive et projective dénombrables, passage à un quotient et à un sousespace linéaire fermé.
Les premières contributions à la solution du problème de A. Grothendieck sont dues à W. Slovvikowski et D. A. Raikov. Ces auteurs décrivent une classe d'espaces d'arrivée admissibles qui contient les espaces métriques complets et qui est stable pour les opérations décrites plus haut. Toutefois la définition de ces espaces est très compliquée et leur maniement lourd. En outre, le cas où le graphe de l'opérateur est seulement fermé pour les suites n'est pas envisagé. S'appuyant sur sa théorie de la mesure, L. Sclnvartz établit qu'on peut supposer l'espace de départ ultrabornologique, l'espace d'arrivée souslinien et le graphe de l'opérateur borélien. A. Martineau démontre le théorème de L. Schwartz en n'utilisant que des propriétés de catégorie. Les espaces sousliniens jouissent de propriétés de permanence assez larges qui permettent d'en fournir un certain nombre d'exemples intéressants. Toutefois, ils sont nécessairement séparables et, de ce fait, l'énoncé de L. Schwartz ne recouvre pas celui de S. Banach. En outre, il ne permet pas de supposer le graphe fermé pour les suites, hypothèse essentielle dans les applications.
Une tentative d'unification des résultats de S. Banach et de L. Schwartz nous a conduit à introduire les espaces à réseau, qui constituent une classe d'espaces d'arrivée admissibles plus générale que celle des espaces sousliniens. Ces espaces s'avèrent répondre en tout point à la conjecture de A. Grothendieck. Ils possèdent de larges propriétés de permanence, qui s'étendent notamment à des duaux, des espaces d'opérateurs et des produits tensoriels. Les exemples en sont nombreux et s'obtiennent, pour la plupart, par des procédés élémentaires. Enfin la notion de réseau permet d'améliorer les conclusions du théorème du graphe fermé et donne naissance à des propriétés nouvelles de localisation et de relèvement.
Décrivons succinctement le contenu de notre travail.
Dans le chapitre I, nous introduisons les réseaux de type C et nous en fournissons quelques exemples simples. Nous démontrons ensuite qu'ils possèdent les propriétés de permanence qui correspondent à la conjecture de A. Grothendieck.
Le chapitre II est consacré au théorème du graphe fermé et aux propositions connexes pour des espaces à réseau de type C. En variant les hypothèses sur le graphe de l'opérateur et sur les espaces considérés, on obtient une profusion d'énoncés que l'introduction de relations linéaires permet d'unifier. L'hypothèse que le graphe de l'opérateur soit fermé est, dans la plupart des cas, remplacée par l'hypothèse beaucoup plus simple à vérifier qu'il soit fermé pour les suites. Un examen précis des démonstrations montre que la notion de réseau de type C peut être affaiblie de diverses façons. Nous introduisons les types de réseau correspondant à ces affaiblissements et nous démontrons les théorèmes du graphe fermé et les propriétés de permanence auxquels ils donnent lieu.
Au chapitre III, l'étude des théorèmes du type du graphe fermé est poussée plus loin. Dans leur forme classique, ils expriment qu'un opérateur est continu ou ouvert, donc ils établissent des comparaisons entre les voisinages des espaces entre lesquels il agit. En fait, les voisinages d'un des espaces se comparent aux ensembles du réseau de l'autre. Cette constatation conduit à deux sortes de résultats : des théorèmes de localisation et des théorèmes de relèvement qui correspondent respectivement aux théorèmes du graphe fermé et de l'opérateur ouvert. Pour exprimer les propriétés de relèvement avec une généralité correcte, nous introduisons les notions de suites très convergentes et d'ensembles très compacts, qui nous ont été suggérées par L. Schwartz. D'autre part, les propriétés de localisation s'expriment de manière particulièrement simple pour un type de réseau un peu moins général que les réseaux de type C, les réseaux stricts. Les exemples que nous en donnons et leurs propriétés de permanence leur confèrent une généralité quasi égale à celle des réseaux de type C.
Au chapitre IV, nous montrons comment les propriétés de localisation permettent d'engendrer de nouveaux réseaux, principalement dans les espaces d'opérateurs et, partant, dans les produits tensoriels.
Le chapitre V est consacré à quelques applications des résultats des chapitres précédents.
Nous examinons d'abord le problème suivant. Étant donné un ensemble d'opérateurs
linéaires agissant d'un espace E dans un espace F, limite inductive d'une suite d'espaces Fi, dans quelles conditions peut-on affirmer que ces opérateurs agissent de E dans un des Fi et qu'ils sont équicontinus dans cet Fi? La question a été formulée par R. A. Hirschfeld et résolue par G. Küthe dans le cas où E et Fi sont des espaces de Fréchet. C'est en fait un problème de localisation et nous montrons que les théorèmes de localisation mentionnés plus haut en fournissent une solution plus générale. Les théorèmes de relèvement sont appliqués à démontrer des théorèmes d'homomorphisme et permettent notamment de vérifier une conjecture de L. Schwartz sur le relèvement des parties bornées d'un quotient d'un dual d'espace LF. Nous illustrons le théorème du graphe fermé proprement dit en démontrant l'équivalence des bases faibles et des bases de Schauder dans les espaces bornologiques séquentiellement complets et à réseau de type C. Enfin, sur la base d'une idée de A. Mac Intosh, nous montrons qu'il est parfois possible d'améliorer l'hypothèse d'ultrabornologie imposée dans les théorèmes du graphe fermé, ce qui fournit des possibilités d'application à des espaces usuels non bornologiques.
Au chapitre VI, nous abordons l'étude des ensembles sousliniens et du théorème du graphe borélien de L. Schwartz, dans la version de A. Martineau. Nous démontrons d'abord que l'axiome de Zorn peut y être évité pour l'essentiel des résultats. Nous prouvons que le théorème de L. Schwartz s'étend à des opérateurs à graphe sq-borélien donc notamment à graphe fermé pour les suites. Enfin, en faisant intervenir explicitement le crible des espaces sousliniens, nous obtenons des théorèmes de localisation. Ceux-ci débouchent, d'une part, sur de nouvelles propriétés de permanence es espaces sousliniens, concernant principalement les espaces d'opérateurs t les produits tensoriels et, d'autre part, sur un théorème de relèvement des suites très convergentes.
L'exigence d'une théorie suffisamment générale des limites inductives dénombrables nous a conduit à leur consacrer un appendice, où l'on trouve une synthèse es propriétés utilisées dans le texte.
Dans l'ensemble du travail, nous nous plaçons dans le cadre des espaces linéaires à semi-normes, ou espaces vectoriels topologiques localement convexes et séparés. Les espaces usuels de l'analyse apparaissent naturellement équipés de semi-normes et c'est à partir de ces semi-normes qu'on y définit des topologies adéquates. Leur étude directe à partir de leurs semi-normes permet de les aborder de manière simple et efficace, sans l'acquis d'un bagage important de topologie. C'est pourquoi elle nous paraît plus aisée pour les applicateurs familiers des espaces de Banach. D'autre part, pour qui connait les espaces vectoriels topologiques généraux, la transposition en termes topologiques découle immédiatement du fait que les semi-normes sont les jauges associées aux voisinages absolument convexes de l'origine.
Nous adoptons la terminologie généralement reçue. Les définitions et les notations universellement admises ne sont pas rappelées. Celles dont l'acception varie
selon les auteurs ou dont l'usage n'est pas courant sont explicitées dans le texte.
Un index terminologique permet de s'y référer rapidement.
Dans Garnir et al. (*) l'analyse fonctionnelle est développée sans qu'il soit fait usage de l'axiome de Zorn ou d'axiomes équivalents. Ici, son intervention est discutée dans tous les résultats obtenus. Nous adoptons à cet égard les conventions suivantes :
a) un énoncé qui disparaît quand on n'utilise pas l'axiome de Zorn est précédé de (Z) ;
b) si son intervention peut être évitée par une hypothèse supplémentaire, cette hypothèse est mentionnée entre crochets ;
c) tout énoncé non précédé de (Z) et sans hypothèse entre crochets en est complètement indépendant.
Bien entendu, dans cette analyse, nous nous sommes appuyé sur les résultats de Garnir et al. (*).
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(*) H.G. Garnir, M. De Wilde, J. Schmets, Analyse fonctionnelle (Théorie des espaces linéaires à semi-normes); I. Mathematische Reihe, 36, Birkäuser Verlag, Basel uns Stuttgart, 1968.