Lejeunia, Revue de Botanique

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B. TOUSSAINT (1), F. HENDOUX (1) & J. LAMBINON (2)

DÉFINITION ET CARTOGRAPHIE DES TERRITOIRES PHYTOGÉOGRAPHIQUES DE LA RÉGION NORD/PAS-DE-CALAIS (FRANCE)[avec la collaboration de A. DESSE (1) & A. NOLLET (1) pour la cartographie]

(N° 171 (décembre 2002))
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Résumé

Les districts phytogéographiques de la Région Nord/Pas-de-Calais sont délimités et caractérisés sur base de la géologie et de la géomorphologie, des paramètres climatiques, de la nature des paysages et surtout de la distribution des espèces végétales; des cartes de répartition locale de 15 de celles-ci sont présentées à titre exemplatif. Une comparaison détaillée est faite avec les limites antérieurement fixées pour ces districts. La majorité des districts de cette région sont subdivisés en sous-unités, sur base des critères différentiels précités.

Summary : Definition and mapping of the phytogeographical territories of the Region Nord/Pas-de-Calais (France).

The phytogeographical districts of the Region Nord/Pas-de-Calais are delimited and characterized, based on geology and geomorphology, climatic parameters, landscape characteristics and especially distribution of plant species; examples of regional distribution maps for 15 species are provided. A detailed comparison is presented with previous boundaries of these phytochoria. Most of the districts of this region are divided into subentities, on the basis of similar criteria.


1 I. INTRODUCTION

2 De nombreux documents cartographiques présentent un découpage de la région Nord/Pas-de-Calais en différentes unités territoriales. Les approches méthodologiques et les termes employés pour nommer ces unités sont multiples : «terroirs », « paysages de pays », « ensembles géographiques », « régions agricoles », « régions forestières », « régions climatiques »...

3Les limites géographiques de ces unités sont rarement établies et une même dénomination peut recouvrir une zone très variable d’un document à l’autre. Des termes tels que « région Lilloise », « Valenciennois », « Audomarois », « Montreuillois » sont fréquemment utilisés, y compris par les botanistes et autres biogéographes, sans que ces unités aient été définies clairement sur un plan cartographique ou conceptuel. Elles correspondent souvent en réalité à un regroupement de plusieurs fragments d’unités naturelles.

4Parmi les documents les plus intéressants pour une approche biogéographique et paysagère, citons les cartes thématiques de l’Atlas Nord / Pas-de-Calais (INSEE et al., 1995), la carte des régions climatiques de BIAYS (1979), la Carte de Végétation potentielle du Nord/Pas-de-Calais (GÉHU, 1979), les cartes des régions forestières du Nord et du Pas-de-Calais (Inventaire Forestier National, 1986) et la carte des terroirs biogéographiques et paysagers de GÉHU (1991).

5Les éditions successives de la « Nouvelle Flore » de la Belgique et des régions voisines (4ème éd. en français : LAMBINON et al., 1993) présentent une carte des districts phytogéographiques de cette dition. Les phytochories distinguées au cours du temps dans les cinq pays concernés (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas méridionaux, ouest de l’Allemagne et nord de la France), le premier en particulier (cf. e.a. TANGHE, 1975), posent incontestablement de nombreux problèmes. Ainsi, l’utilisation des cartes disponibles aujourd’hui pour des travaux reposant sur une typologie phytogéographique fine est dans tous les cas relativement peu satisfaisante.

6Dans le cadre du programme régional de cartographie floristique en réseau (mailles UTM de 1 km²) initié en 1995 par le Centre Régional de Phytosociologie / Conservatoire Botanique National de Bailleul (CRP/ CBNBL) avec le soutien financier du Conseil Régional du Nord/Pas-de-Calais et de la DIREN Nord/Pas-de-Calais, le travail typologique et cartographique présenté ici constitue un préalable indispensable à l’organisation de la phase rédactionnelle de cet Atlas.

7L’objectif de notre travail est d’aboutir à une cartographie relativement fine et à une définition multifactorielle des unités phytogéographiques du Nord/Pas-de-Calais, en veillant à utiliser au maximum la terminologie usitée dans cette région et dans les régions limitrophes (Belgique et Picardie) et en suivant le plus rigoureusement possible une démarche méthodologique préétablie.

8Il reste néanmoins certain que la délimitation d’unités territoriales homogènes sur la base de paramètres multiples et, pour certains d’entre eux variant graduellement et sans limites nettes (notamment ceux relatifs au climat), constitue un exercice difficile qui comporte peu ou prou une part d’arbitraire.

9Notons enfin que nous n'avons pas traité ici de la question de la limite orientale du Domaine atlantique, au niveau plus précisément de ce que ROISIN (1969) appelle le Sous-domaine médio-atlantique; c'est en effet là un problème dont cet auteur et d'autres ont bien montré la complexité et qui ne peut être abordé à l'échelle géographique limitée de notre travail.

II. IDENTIFICATION ET HIÉRARCHISATION DES PARAMÈTRES DISCRIMINANTS

Géomorphologie et géologie

10La définition des phytochories et en particulier des districts phytogéographiques est, à cette échelle, largement basée sur ces deux éléments. Les couches sédimentaires de faible extension spatiale (notamment les zones alluviales) constituent une des bases pour la définition de sous-unités. Les cartes géologiques au 1/50000ème éditées par le Bureau des Ressources Géologiques et Minières nous ont servi de support.

Climatologie

11Pour certains districts étendus (Picard et Brabançon en particulier), une partition du territoire en sous-unités sur des bases climatiques est indispensable.

12Nous avons exploité les paramètres de pluviosité et de température qui définissent les caractéristiques macroclimatiques (gradient atlanticité-continentalité et gradient thermique) se répercutant sur la composition floristique et phytocoenotique. Les variations secondaires et locales (microclimats), liées par exemple à l'exposition ou à un relief particulier n’ont pas été prises en compte dans la définition des sous-unités, même si elles peuvent souvent expliquer la présence isolée de certaines plantes en dehors de leur aire de distribution principale dans la dition. Les éléments de climatologie régionale (pluies/températures) sont extraits des cartes synthétiques publiées dans l’Atlas Nord/Pas-de-Calais (INSEE et al., 1995) et de cartes saisonnières fournies par les services de Météo France (moyennes sur la période 1971-2000).

Paysages

13Les paysages actuels sont la résultante des paramètres géo-morphologiques et géologiques, climatiques et, en général par induction, ethnologiques (histoire, activités extractives et industrielles, agriculture...). Il n’est donc guère surprenant que chaque sous-unité définie prioritairement sur les autres paramètres énumérés possède une structure paysagère originale (bocage ou openfield, productions agropastorales, importance du boisement, structure de l’habitat, urbanisation...). La carte régionale d’occupation des sols publiée dans l’Atlas Nord/Pas-de-Calais (INSEE et al., 1995) a donc été exploitée pour la délimitation de plusieurs phytochories.

14Un problème est posé par le bassin minier qui constitue une entité paysagère très caractéristique du Nord/Pas-de-Calais. Du point de vue floristique et chorologique, bon nombre d’espèces thermophiles, pas uniquement rudérales, sont principalement inféodées dans la région aux terrils et aux friches minières et ce, quel que soit le socle géologique aux alentours. Faut-il dès lors individualiser une unité phytogéographique principale « Bassin minier » (comme le fait le document de l’Inventaire Forestier National) ? Compte tenu que ces espèces caractéristiques sont, pour la plupart, allochtones dans ces localités, il convient dans une démarche phytogéographique de donner la primauté à la flore autochtone et aux végétations naturelles ou semi-naturelles pour la définition des entités. De plus, les dépôts houillers de surface ne représentent en réalité que de faibles superficies à l’échelle du bassin minier du Nord/Pas-de-Calais. Un problème comparable est posé par les zones urbaines et industrielles, dont les biotopes dominants peuvent être fort différents de ceux de la périphérie rurale implantée sur le même substrat géologique; c'est la raison pour laquelle certains botanistes néerlandais individualisent dans leur pays des "urbane gebieden" distincts des phytochories délimitées selon des critères plus ou moins "naturels" (VAN DER MEIJDEN, 1996 : 21-24). Il n'en reste pas moins vrai qu'une telle distinction est en pratique difficile à effectuer, puisqu'il s'agit en fait simplement d'une question d'échelle de l'impact humain. Nous nous sommes donc limités à considérer aussi bien les espaces miniers qu'urbains comme des "paysages de superposition", pour reprendre l’expression de GÉHU (1991).

Flore et végétation

15La distribution régionale d’un grand nombre d’espèces végétales et de phytocoenoses constitue un élément fondamental du découpage proposé en districts phytogéographiques et en sous-unités. Cet argumentaire chorologique s’appuie techniquement sur « DIGITALE », la base de données floristiques et phytosociologiques couplée à un Système d’Informations Géographiques du CRP/CBNBL. Outre les données en mailles de 4 x 4 km issues du travail de l’Institut Floristique Franco-Belge, un volume très important de données inédites postérieures à 1995 recueillies dans le cadre du programme d’Atlas de la Flore vasculaire de la Région Nord/Pas-de-Calais ont été exploitées. D’autres sources d’informations (bibliographie, herbiers...) ont également été prises en compte.

16Le choix des indicateurs floristiques s’est naturellement porté sur des espèces ou, de manière non systématique, des phytocoenoses présentant des affinités phytogéographiques particulières [(sub-)atlantiques, subméditerranéennes, médioeuropéennes, nordiques ou montagnardes] (typologie phytogéographique selon OBERDORFER, 1994). Des plantes relativement répandues (amplitude écologique importante, habitats largement représentés, abondance dans leurs zones climatiques et édaphiques potentielles) ont été choisies de manière préférentielle pour la délimitation cartographique des phytochories. En appui à notre argumentaire, quelques taxons à affinités phytogéographiques originales mais caractéristiques d’habitats beaucoup plus localisés dans la région (espèces landicoles par exemple) sont cités. La carte régionale de distribution d’une quinzaine de taxons, cités en caractère italique gras dans le texte, figure en annexe (mailles IFFB de 4 x 4 km) (Fig. 3-17).

III. PROBLÈMES LIÉS À L'UTILISATION DE LA TERMINOLOGIE DES "TERROIRS" DU NORD/PAS-DE-CALAIS ET DES RÉGIONS VOISINES

17La liste ci-dessous énumère, de manière non exhaustive et selon un classement géographique approximatif d’ouest en est, la terminologie plus ou moins couramment usitée pour nommer les « terroirs » du Nord/Pas-de-Calais.

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18Comme nous l’avons signalé dans l’introduction, ces termes recouvrent, selon les auteurs et les approches scientifiques ou techniques, des aires géographiques et des définitions conceptuelles qui peuvent être très différentes.

19La terminologie proposée dans le cadre de cette approche phytogéographique ne saurait ainsi faire l’objet d’un consensus général. Un historien, un géographe, un géologue et un botaniste n’auront pas la même conception de la Flandre, de l’Artois ou du Cambrésis.

20Notre travail consiste en quelque sorte à proposer un nouveau découpage géographique, adapté à des besoins et des usages particuliers. Il nécessite cependant de s’appuyer sur une sémantique plus ou moins familière, même si l’image que le public attribue habituellement à certains termes (bio-)géographiques peut être sensiblement différente de la nôtre.

IV. RÉVISION DES LIMITES DES DISTRICTS PHYTOGÉOGRAPHIQUES DU NORD/PAS-DE-CALAIS ET DES TERRITOIRES VOISINS

21En liaison directe avec la caractérisation des sous-unités phytogéographiques de la région Nord/Pas-de-Calais, un travail de redéfinition des limites de certains districts phytogéographiques tels qu’utilisés par LAMBINON et al. dans la « Nouvelle Flore » de Belgique et des régions voisines  (en abrégé plus loin « Nouvelle Flore ») s’est avéré indispensable.

22La carte annexée (Fig. 1 h.t.) présente à la fois la délimitation de ces sous-unités phytogéographiques et les nouvelles limites retenues pour les districts phytogéographiques; un autre document (Fig. 2) précise les modifications apportées par rapport à la carte des districts figurant dans la Nouvelle Flore.

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23Fig. 2. Comparaison entre la limite des districts phytogéographiques de la région Nord/Pas-de-Calais figurant dans la "Nouvelle Flore" (LAMBINON et al., 1993) et celle proposée ici. Le trait gras correspond aux modifications ainsi apportées.

Le district Maritime

24Sa délimitation reste actuellement inchangée.

25La cuvette audomaroise (région de St-Omer) aurait pu y être rattachée en raison des fortes similitudes phytosociologiques et floristiques avec les marais de la zone poldérienne de Flandre maritime et notamment avec les Marais de Guînes, mais du point de vue géologique, les terrains superficiels de la cuvette audomaroise sont constitués d’alluvions fluviatiles modernes (Flandrien) et non de sédiments marins (la dernière transgression marine flandrienne s’est arrêtée au niveau de Watten).

26Plus globalement, la définition du district Maritime pose problème dans les zones de polders et de marais arrière-littoraux qui ont perdu, suite à leur endiguement naturel ou artificiel et leur aménagement par l’homme, la quasi totalité des espèces (sub-)halophiles qui les caractérisaient jadis. Seuls quelques taxons sub-halophiles tels Atriplex longipes, Ranunculus baudotii et Juncus gerardii se rencontrent encore très ponctuellement à l’intérieur des terres; Aster tripolium n’est plus présent qu’au bord de très rares plans d’eau proches de la mer. Les phytogéographes néerlandais ont préféré soustraire du district maritime les polders dessalés (cf. VAN DER MEIJDEN, loc. cit.). Nous nous en tiendrons, pour notre part, pour des raisons pratiques, à la conception qui a prévalu dans les éditions successives de la Nouvelle Flore mais la définition de phytochories telles que « Polders de Flandre maritime » et « Plaine maritime picarde » pourrait s’appuyer sur un argumentaire convaincant.

Le district Boulonnais

27Le Boulonnais, au sens phytogéographique, était jusqu’à présent limité par la cuesta du Crétacé supérieur bordant la dépression (boutonnière) où affleurent les terrains jurassiques ou plus anciens. Les falaises fossiles érodées qui bordent le plateau picard jusqu’à la Canche, à composition floristique très similaire et où une certaine influence maritime est bien perceptible (présence d’Hippophae rhamnoides), y ont été rattachées.

28Les études typologiques de CHOISNET (1995) et BOULLET (1998) ont montré les affinités phytosociologiques des pelouses calcicoles du Pays de Licques, dépression située au nord-est du Boulonnais, au Gentianello amarellae-Avenulion pratensis Royer 1987 nom. inval. (appauvri floristiquement) caractéristique de la cuesta du Boulonnais et non au Mesobromion erecti (Braun-Blanq. & Moor 1938) Oberd. 1957 nom. cons. propos. caractéristique du district Picard voisin. En outre, vu le contexte globalement frais de cette petite dépression où affleurent les craies marneuses du Cénomanien, nous avons donc rattaché ce Pays de Licques au district Boulonnais.

29Notons que le district Boulonnais, s’il constitue une entité géomorphologique très caractéristique (anticlinal érodé), n’en demeure pas moins un district très hétérogène du point de vue géologique, caractérisé par une très grande diversité des substrats (ainsi les affleurements crayeux et marneux crétaciques de la cuesta sont ceux qui caractérisent le district Picard !). Les paysages sont également très variés. Enfin, les influences bioclimatiques, même sur cette superficie réduite, sont exceptionnellement contrastées (affinités thermo-atlantiques près du littoral, forte augmentation de la pluviosité vers l’intérieur des terres, avec apparition sur les buttes forestières d’éléments floristiques montagnards, nordiques ou sub-continentaux en disjonction d'aire régionale). Signalons également les affleurements et les zones d’extraction de roches paléozoïques (marbre et calcaires notamment) voisins de la petite ville de Marquise conférant à ce micro-terroir une originalité paysagère (terrils) mais aussi floristique et phytocoenotique (en particulier pour la flore bryo-lichénique).

30La délimitation de sous-unités phytogéographiques à l’intérieur du bocage boulonnais (Cuesta et Pays de Licques exclus) est donc particulièrement difficile et ne sera pas tentée ici.

Le district Picard et le district Brabançon

31C’est essentiellement au niveau de ces deux districts dont la frontière traverse le Nord/Pas-de-Calais d’ouest en est qu’une redéfinition des limites s’avérait la plus importante. Une double approche géologique et floristique, la seconde découlant dans une large mesure de la première, nous a servi de canevas.

32Le district Picard se caractérise par la présence régulière au niveau des vallées d’affleurements de craie du Crétacique supérieur (Sénonien et Turonien). Les terrains cénozoïques, essentiellement du Landénien, sont dispersés (« buttes tertiaires »). Les roches paléozoïques n’affleurent que très exceptionnellement (Carbonifère, Siegenien, Gedinnien).

33Le district Brabançon est en revanche dominé par des assises géologiques d’âge tertiaire, principalement de l’Yprésien et du Landénien. La présence de vastes plaines alluviales et d’un réseau de fossés de drainage dense caractérise également, dans la majeure partie du Nord/Pas-de-Calais, ce district qui s’étend en Belgique, dans sa conception actuelle, jusqu’aux confins des Pays-Bas et de l’Allemagne.

34Les cartes de distribution d’espèces calciphiles mésotrophes largement répandues telles que Knautia arvensis, Origanum vulgare et Ononis repens viennent appuyer notre redéfinition de la limite régionale entre ces deux districts.

35Les principales modifications par rapport à la carte de la Nouvelle Flore sont les suivantes :

  • Dans la partie nord-occidentale de la région, l’examen des cartes géologiques montre l’absence de terrains tertiaires à proximité du littoral entre Coquelles et Guînes. En l’absence d’arguments chorologiques, l’étroite bande de district Brabançon coincée entre les districts Picard et Maritime, non perceptible (au moins actuellement) sur le terrain, est par conséquent supprimée à ce niveau.

  • Comme signalé plus haut, le district Picard est amputé du Pays de Licques, désormais rattaché au district Boulonnais.

  • Entre Saint-Omer et Béthune, la limite entre les districts Picard et Brabançon est considérablement remontée vers le nord afin d’inclure les affleurements crétacés des vallées. En raison de fortes affinités floristiques (plantes calcicoles absentes ou très rares) et, dans une moindre mesure, phytosociologiques avec certains secteurs acides de la partie occidentale du district Brabançon, les larges zones d’affleurements de terrains landéniens du sud de St-Omer et de Béthune restent rattachées au district Brabançon. Il s’agit notamment du bois de Wisques, du plateau d’Helfaut, des terrains tertiaires des environs de Thérouanne et des bois des Dames et de Lapugnoy près de Béthune.

  • Entre Béthune et Douai, la limite entre les deux districts est également remontée vers le nord. L’appendice du district Brabançon vers Arras disparaît ainsi et toute la partie crayeuse du Bassin minier (la Gohelle) est rattachée au district Picard en raison de la présence d’une flore neutro-calcicole relativement diversifiée, très comparable à celle du Bas-Cambrésis voisin. Remarquons que, de ce fait, le Bassin minier auparavant totalement inclus dans le district Brabançon est désormais à cheval sur deux districts. Les terrils calaminaires du N-E de Douai restent cependant cantonnés au Brabançon.

  • L'invagination de terrains crétaciques au sud de Lille, entre les affleurements tertiaires des Flandres (Weppes) et du Pévèle, qui constitue le Mélantois a été conservée dans le district Brabançon en raison de la couverture quasi continue de limons pléistocènes qui recouvre la craie dans ce secteur et qui empêche l’expression d’une flore calcicole caractéristique du district Picard. De rares exceptions peuvent être notées, par exemple dans les secteurs de Loos et Lesquin où des végétations appauvries du Mesobromion erecti (Braun-Blanq. & Moor 1938) Oberd. 1957 et du Trifolion medii Th. Müll. 1962 sont présentes mais celles-ci ont une origine anthropique (carrières, travaux routiers, aéroportuaires ou fluviaux...).

  • A l'est de Douai, vers Valenciennes, la limite entre les deux districts est difficile à établir en raison d’une forte intrication des terrains crétaciques et tertiaires (le plus souvent tous deux recouverts de limons). Nous avons opté pour une limite longeant la bordure sud de la plaine de la Scarpe et de l’Escaut, en intégrant dans le district Brabançon les secteurs de la forêt domaniale de Saint-Amand et la lentille de terrains landéniens situés juste au sud de celle-ci.

  • Nous incluons dans le district Picard les zones limoneuses cultivées à l’est de Valenciennes (Saultain, Onnaing...) et toutes les vallées affluentes de l’Escaut prenant leur source sur les hauteurs du plateau de Mormal (Rhonelle, Écaillon, ruisseaux de St-Georges et des Harpies) et du plateau de Busigny (Selle et Erclin). La nouvelle limite passe donc approximativement le long d’une ligne joignant du nord au sud : Wargnies, Le Quesnoy, Poix-du-Nord et le Cateau-Cambrésis (un peu à l’est). Toute cette zone constitue une transition entre les paysages d’openfield du Cambrésis et le Bocage avesnois, mais climatiquement et floristiquement, elle nous semble présenter plus d’affinités avec le district Picard qu’avec le district Brabançon (bonne représentation des calciphiles et calcicoles sur les flancs de vallées, bocage limité aux vallées).

  • A l’est de ce secteur de transition, au niveau du Pays de Mormal et de la partie septentrionale de la Thiérache (celle-ci se prolonge dans le département de l’Aisne), une couverture limoneuse quasi continue ne permet pas la présence de la plupart des espèces calcicoles et un contexte climatique plus froid, lié à une élévation de l’altitude, induit le maintien, y compris sur les plateaux, de paysages bocagers à dominante herbagère. Ces fortes affinités géologiques, climatiques, paysagères et floristiques entre le Pays de Mormal et la Thiérache nous conduisent à inclure cette dernière (tout du moins sa partie nord, la plus bocagère) dans le district Brabançon et non plus dans le district Picard. La limite sud du district Brabançon est dès lors descendue dans le département de l’Aisne vers Boué, Crupilly puis remonte le cours de l’Oise jusqu’aux confins ardennais (près d’Hirson).

36Il est évident que le district Brabançon tel que délimité dans son ensemble demeure une entité phytogéographique très hétérogène (gradient important d’atlanticité / continentalité, grande diversité géologique). Cela reste en partie vrai à l'échelle locale qui retient ici notre attention. Il conviendrait sans doute à terme de le scinder en plusieurs districts autonomes. A titre d’exemple, les landes mésohygrophiles et mésophiles du plateau d’Helfaut relèvent de l’Ulicion minoris Malcuit 1929 atlantique alors que celles de la Plaine de la Scarpe se rattachent plutôt au Genisto pilosae-Vaccinion uliginosi Braun-Blanq. 1926 subcontinental.

Le district Mosan

37Il reste pratiquement inchangé et correspond dans le Nord/Pas-de-Calais à la partie orientale de l’Avesnois (dénomination très usitée mais dépourvue de sens chorologique), où affleurent des terrains primaires de composition lithologique très variée. Les espèces les plus caractéristiques de ce district dans la région sont Phyteuma nigrum, Poa chaixii, Lathyrus linifolius et Cardamine impatiens, toutes en limite occidentale (absolue ou régionale) d’aire dans l’Avesnois.

Le district Ardennais

38Il reste inchangé et correspond dans le Nord/Pas-de-Calais aux affleurements de roches du Dévonien inférieur et du Cambrien, à l’extrême sud-est de l’Avesnois (forêt de Fourmies, secteur d’Anor) et, dans l’Aisne, au secteur des forêts d’Hirson et de Saint-Michel. Festuca altissima est peut-être la seule espèce quasi cantonnée à ce district dans le Nord/Pas-de-Calais. Dans l’Aisne, Polygonatum verticillatum est une montagnarde caractéristique du district Ardennais mais elle n’a pas été revue récemment dans le Nord/Pas-de-Calais.

39Les limites des districts Champenois, Lorrain et du Tertiaire parisien n’ont pas été révisées dans le cadre de ce travail.

V. DÉFINITION DES SOUS-UNITÉS PHYTOGÉOGRAPHIQUES DU NORD/PAS-DE-CALAIS

40Chaque district phytogéographique, dont nous venons pour certains d’entre eux de proposer une révision des limites, présente dans le détail une hétérogénéité que nous allons tenter d’analyser dans cette seconde partie, afin de dégager des sous-unités phytogéographiques qui seront décrites et cartographiées en fonction des différents paramètres discriminants énumérés plus haut.

1. District Maritime

41On distinguera deux grands ensembles : la bordure maritime (sous-unités a, b et c) et les complexes marécageux et poldériens dulcaquicoles (sous-unités d, e et f).

42a. Littoral flamand

43Géomorphologie et géologie : formations sédimentaires marines récentes (Flandrien supérieur) ou contemporaines, organisées en un ou plusieurs cordons sableux relativement étroits et orientés parallèlement au trait de côte. Le cordon sableux fossile (Flandrien moyen) et plus ou moins décalcifié des dunes de Ghyvelde est rattaché à cette sous-unité en raison des affinités phytosociologiques et floristiques plus fortes avec les cordons dunaires plus récents qu’avec les autres sous-unités [présence du Koelerion albescentis Tüxen 1937 et même localement du Ligustro vulgaris-Hippophaetum rhamnoidis (Melzer 1941) Boerboom 1960]. Localement, au niveau de l'estuaire de l’Aa et au Fort-Vert, des sédiments plus fins (sables enrichis en limons ou en vases) forment un estran végétalisé plus ou moins large (prés salés, « plages vertes ») qui tranche avec les vastes plages de sable fin de cette partie du littoral.

44Climat : pluviosité moyenne voisine de 700 mm/an (automne modérément pluvieux). Ensoleillement un peu plus important qu’à l’intérieur des terres. Amplitude thermique annuelle très faible (18°).

45Paysages : les zones naturelles se composent de massifs dunaires de largeur restreinte (maximum 2 km) et, localement, de petit prés salés (estuaire et « plages vertes »). Une grande partie de ce littoral a vu le développement de très importants complexes portuaires et industriels (Calais et région dunkerquoise) qui l’ont considérablement altéré et ont favorisé l'extension de xénophytes (Senecio inaequidens par exemple). L’urbanisation est localement très importante (agglomération urbaine et villages, lotissements, résidences balnéaires).

46Flore : flore littorale psammophile diversifiée (hygrosère et xérosère). Présence plus localisée d’halophytes. Abondance de quelques éléments nord-atlantiques (Viola curtisii). Absence de quelques éléments thermophiles présents plus au sud (Viola kitaibeliana, Polygonatum odoratum, Oenanthe crocata..., ces deux dernières espèces réapparaissant cependant plus au nord, en territoire néerlandais). Absence de la plupart des espèces de falaises aérohalines (ou alors colonisation secondaire de digues artificielles). Présence exclusive en station très isolée de Gagea bohemica (dunes de Ghyvelde).

47Périmètre : estrans et massifs dunaires récents du littoral entre Sangatte et la frontière belge, y compris le massif dunaire ancien de Ghyvelde (qui se prolonge en Belgique). Entre Calais et Gravelines, une succession de plusieurs cordons dunaires fixés séparés par d’étroites zones poldériennes a été globalement inscrite dans ce périmètre pour d’évidentes raisons pratiques.

48b. Littoral boulonnais

49Géomorphologie et géologie : très importante variabilité, sur un linéaire côtier assez court, des systèmes géomorphologiques (estuaires, cordons dunaires, accumulations de galets, falaises) et des substrats (sables coquilliers ou décalcifiés, falaises crétaciques crayeuses et marneuses ou jurassiques gréseuses, sableuses et argileuses). La hauteur des falaises avoisine 100 m au Cap Blanc-Nez et 50 m au Cap Griz-Nez.

50Climat : pluviosité moyenne voisine de 700 mm/an (automne pluvieux). Ensoleillement un peu plus important qu’à l’intérieur des terres. Amplitude thermique annuelle très faible (18°).

51Paysages : restreint au niveau des falaises à un étroit liseré, le littoral boulonnais pénètre vers l’intérieur des terres au niveau des dunes de la Slack, des garennes de Wimereux et du Pré communal d’Ambleteuse. L’estuaire de la Slack, malgré sa taille réduite, présente une grande diversité de milieux et de paysages littoraux. L’estuaire de la Liane a été totalement transformé par les activités portuaires de Boulogne-sur-Mer.

52Flore : flore littorale très diversifiée. Les espèces de falaises aérohalines sont beaucoup mieux représentées que dans les deux autres sous-unités littorales du Nord/Pas-de-Calais (Brassica oleracea subsp. oleracea sur craie et marne, Silene vulgaris subsp. maritima, Armeria maritima, Crithmum maritimum, Limonium binervosum et divers lichens liés à ce biotope sur falaises jurassiques). Les dunes décalcifiées d’Ambleteuse et de Wimereux (ces dernières très dégradées et en grande partie urbanisées) hébergent une flore et des végétations acidiphiles originales et diversifiées. On y retrouve cependant par ailleurs des vestiges de l’Ammophilion arenariae (Tüxen in Braun-Blanq. & Tüxen 1952) Géhu 1988. Le Pré communal d’Ambleteuse et ses abords hébergent la seule station régionale d’Ophioglossum azoricum.

53Périmètre : falaises, estrans et massifs dunaires récents du littoral entre Sangatte et Equihen-Plage (au sud de Boulogne-sur-Mer). Au niveau des falaises, le littoral boulonnais se réduit à une ligne suivant le trait de côte (sauf à Wimereux).

54c. Littoral picard

55Géomorphologie et géologie : large cordon dunaire formé de sables quaternaires plus ou moins récents (du IVème siècle après J.C. à nos jours) entrecoupé par les sédiments marins sableux ou vaseux des estuaires de la Canche et de l’Authie (et plus au sud, de la Maye et de la Somme). Du Touquet à Berck s’étend une large plaine sableuse (érosion éolienne) plus ou moins imbibée par la nappe phréatique. Cette zone comportant de nombreuses « pannes » sépare les dunes anciennes des dunes en cours d’édification. Au nord, de Condette à Étaples, la partie interne des dunes est plaquée sur terrains jurassiques et crétacés.

56Climat : pluviosité moyenne voisine de 700 mm/an avec une élévation à 800 mm/an dans le secteur de l’estuaire de la Canche. Automne pluvieux. Ensoleillement un peu plus important qu’à l’intérieur des terres. Amplitude thermique annuelle très faible (18°).

57Paysages : le paysage littoral du Marquenterre est marqué par la succession, de la côte vers l’intérieur, de jeunes massifs dunaires au relief tourmenté entrecoupés par des estuaires (Canche et Authie) et de petites rivières, de la plaine sableuse parsemée de "pannes", des dunes anciennes généralement boisées de pins. Les estuaires de la Canche et de l’Authie montrent une succession classique de végétations halophiles. De nombreuses mares de chasse y sont creusées. L’urbanisation de la frange littorale est importante mais de vastes systèmes dunaires subsistent néanmoins entre les stations balnéaires.

58Flore : flore littorale psammophile et flore estuarienne très diversifiées. Grande rareté des espèces des falaises ou des levées de galets (le plus souvent réfugiées sur des digues articifielles). Eléments thermophiles nombreux : Viola kitaibeliana, Polygonatum odoratum, Hypochaeris glabra, Oenanthe crocata, Geranium sanguineum, Scirpus holoschoenus, Nardurus maritimus...

59Périmètre : limite nord constituée par le massif dunaire de Condette. Au sud, cette sous-unité se prolonge dans le département de la Somme jusqu’aux falaises crayeuses d’Ault. Entre la Baie de Somme et Ault, le littoral du Marquenterre se réduit pour l’essentiel à un étroit cordon de galets (secteur de Cayeux-sur-Mer).

60d. Polders de la Plaine maritime flamande

61Géomorphologie et géologie : zone très plane, soustraite à l'influence marine par les dépôts successifs de sédiments limono-sableux ou argileux au cours de la dernière phase de transgression marine du Dunkerquien II (maximum entre les IVème et VIIème siècles après J.C.) et par les actions d’endiguement par l’homme (surtout après le IXème siècle). L’altitude varie le plus souvent entre 2 et 5 mètres; elle est localement négative (secteur des Moëres).

62Climat : la zone se caractérise par une atlanticité réduite, avec une pluviosité moyenne voisine de 700 mm/an (automne modérément pluvieux). Ensoleillement un peu plus important qu’à l’intérieur des terres. Amplitude thermique annuelle faible (18° à 20°).

63Paysages : la plaine maritime flamande se démarque des autres terroirs régionaux par son extrême platitude. Un réseau dense de fossés et de canaux collecteurs reliés à la mer sillonne le territoire. Les champs de céréales et les cultures sarclées dominent largement mais quelques prairies, souvent très pauvres sur le plan floristique, subsistent en général à proximité des fermes. Les boisements (surtout des peupleraies ou des bosquets d’origine anthropique) sont extrêmement rares. L’habitat est assez dispersé.

64Flore : ce sont les hydrophytes, malheureusement souvent les plus tolérants à l’eutrophisation et aux pollutions, qui caractérisent le mieux, par leur abondance, le territoire de la Plaine maritime flamande. En milieu amphibie et terrestre, quelques espèces hygrophiles lui sont très fidèles, tel Phragmites australis. On notera encore l’abondance de Brassica nigra sur les berges et les remblais bordant les fossés. Comme signalé précédemment, la flore halophile ou sub-halophile n’est plus présente que ponctuellement, souvent à proximité immédiate de la mer. Parmi les espèces rudérales, Descurainia sophia est particulièrement représentatif du secteur poldérien.

65Périmètre : les polders sont limités du côté maritime par le cordon dunaire récent et les digues. Vers l’intérieur, la limite est définie par l’apparition des terrains argileux yprésiens de la Flandre intérieure. En bordure sud, on exclura les sols tourbeux des environs de Guînes qui délimitent la sous-unité suivante.

66e. Marais de Guînes

67Géomorphologie et géologie : cette partie méridionale de la Plaine maritime flamande se caractérise par l’affleurement de sédiments tourbeux. L’épaisseur de la tourbe avoisine généralement le mètre mais peut atteindre localement plusieurs mètres. L’altitude de ce marais varie de 0,5 à 2 m.

68Climat : semblable à celui de la zone des Polders.

69Paysages : nettement plus bocager et herbager que la zone poldérienne voisine, ce secteur se caractérise également par la présence de nombreux étangs, témoins de l’exploitation ancienne de la tourbe et aujourd’hui reconvertis à des fins cynégétiques et halieutiques ou de loisirs nautiques (étang d’Ardres). Les peupleraies sont nombreuses.

70Flore : présence relictuelle de quelques espèces turficoles (tourbe alcaline) telles que Lathyrus palustris, Calamagrostis canescens, Baldellia ranunculoides, Hippuris vulgaris, Pedicularis palustris, Peucedanum palustre, Thelypteris palustris..., encore présentes dans les parties les plus déprimées de la cuvette.

71Périmètre : petite zone délimitée par l’extension des sédiments tourbeux situés entre les terrains limono-sableux et argileux des polders et les limons de plateaux de la bordure septentrionale du Haut-Artois. Vers l’est, aux environs d’Ardres, le secteur du Marais de Guînes entre au contact des affleurement yprésiens ou landéniens (rattachés à la sous-unité « Collines de Flandre intérieure » du district Brabançon).

72

73f. Plaine maritime picarde

74Géomorphologie et géologie : formations sédimentaires d’origine marine (argiles plus ou moins sableuses et parfois tourbe). Zone marécageuse très plane (4 à 5 m d’altitude).

75Climat : pluviosité moyenne voisine de 700 mm/an (automne pluvieux), avec une élévation à 800 mm/an dans le secteur de l’estuaire de la Canche. Ensoleillement un peu plus important qu’à l’intérieur des terres. Amplitude thermique annuelle très faible (18°).

76Paysages : mosaïque de prairies plus ou moins humides et bocagères (localement tourbeuses), de marécages, de cultures et de peupleraies. De nombreux fossés bordent les parcelles.

77Flore : la plaine maritime picarde héberge (ou a hébergé jusqu'il y a peu) la ou les dernières populations régionales de nombreuses espèces des tourbières alcalines : Eriophorum latifolium et Spiranthes aestivalis non confirmés récemment, Orchis palustris, Utricularia minor.... D’autres comme Liparis loeselii, Anagallis tenella, Blysmus compressus, Carex lasiocarpa, Cladium mariscus, Eleocharis acicularis, Eleocharis quinqueflora, Schoenus nigricans et Sparganium natans développent dans ces marais la totalité ou la majorité de leurs populations non dunaires.

78Périmètre : aisément délimité par la zone d’extension des sédiments de colmatage marins endigués et les cailloutis de la « Formation de Rue » (MZbC1 et My sur les cartes géologiques) s’étendant au nord jusqu’à la vallée de la Canche et se prolongeant vers le sud dans le département de la Somme. En conformité avec la carte géologique, la limite de pénétration du district Maritime dans la vallée de la Canche a été arrêtée au niveau de Montreuil.

2. District Brabançon

79a. Collines de Flandre intérieure

80Géomorphologie et géologie : terrains essentiellement argileux d’âge tertiaire (Yprésien et Landénien) le plus souvent recouverts d’une épaisse couche de limons pléistocènes. Relief mollement ondulé avec localement quelques pentes plus fortes en bordure des plaines alluviales ou maritimes et des vallées. L’altitude varie le plus souvent entre 10 et 75 m. Le réseau hydrographique est relativement dense (rivières à cours lent appelées localement « becques » et nombreux fossés temporaires). Les Monts de Flandre (en France les Mont Cassel, Mont des Recollets, Mont de Boeschèpe, Mont Noir et Mont des Cats et en Belgique le Mont Rouge et le Mont Kemmel) constituent des reliefs plus vigoureux (altitude maximale de 150 à 175 m) où affleurent des terrains plus jeunes (sables lutétiens et argiles du Bartonien et poudingues, sables et grès ferrugineux du Pliocène supérieur).

81Climat : bien qu’encore teinté d’influences océaniques (atténuées dans sa partie orientale), cette zone se caractérise avant tout par une relative sécheresse (localement moins de 600 mm/an et maximum voisin de 700 mm). Amplitude thermique annuelle plutôt moyenne (± 22°). Les automnes sont assez secs (indice des pluies d’automne variant de 1 à 1,2).

82Paysages : très large prédominance des zones de polyculture (maïs, céréales, pomme de terre, lin...). Les prairies (pâtures eutrophes) sont souvent cantonnées à proximité des fermes et des villages. Les mares, souvent bordées de Salix alba, sont un élément caractéristique de ce terroir, même si leur nombre a considérablement régressé. Les boisements sont peu nombreux ; parmi les plus importants, citons la forêt domaniale de Rihoult-Clairmarais, la forêt d’Eperlecques et les bois du Ham, de Saint-Acaire, de Beauvoorde et des Dames. Le secteur des Monts tranche par son caractère plus bocager, avec de nombreux petits bois. L’habitat rural est dispersé mais cette sous-unité se caractérise également par la concentration urbaine très forte au niveau des agglomérations de Lille-Roubaix-Tourcoing.

83Flore : la flore de ce secteur se caractérise par l’omniprésence d’espèces nitrophiles inféodées aux sols lourds, tels Thlaspi arvense, Coronopus squamatus et Brassica nigra. L’abondance locale de Sison amomum, méditerranéo-atlantique est remarquable. La flore hygrophile (eutrophique essentiellement) est très bien représentée en raison de l’abondance des petits fossés. L’étude de la flore des habitats subnaturels et semi-naturels (forêts, landes, prairies mésotrophes) montre une tonalité atlantique importante (Carex binervis, Primula vulgaris, Erica cinerea, Eleocharis multicaulis, Ulex europaeus...). Comme dans les autres sous-unités du district, la flore calcicole est quasi absente (parfois localement inféodée à des habitats anthropiques tels que les friches ferroviaires ou des remblais exogènes).

84Périmètre : limité au nord par la Plaine maritime flamande, le périmètre est coupé en deux, au niveau de Watten, par le Marais audomarois. La limite sud longe la zone d’affleurement des terrains crétacés de l’Artois en englobant quelques bandes de terrains landéniens qui y pénètrent (bois de Wisques et zone au nord de Thérouanne). La Plaine de la Lys, contournée par le sud en une étroite bande jusque Béthune) coupe également le périmètre dans sa partie orientale, isolant cartographiquement la région lilloise (Ferrain) et le petit pays rural des Weppes (entre La Bassée et Lomme). La limite sud-orientale est définie par les terrains alluviaux de la Deûle et les craies et limons du Mélantois.

85b. Marais audomarois

86Géomorphologie et géologie : vaste zone de terrains alluviaux modernes, tourbeux dans la partie orientale du marais (aux environs de Clairmarais). Le Marais audomarois est traversé par le fleuve Aa (canalisé). De nombreuses sources l’alimentent dans sa partie sud-occidentale. L’altitude varie de 2 à 4 m.

87Climat : voir « Collines de Flandre intérieure ».

88Paysages : zone marécageuse aménagée, ce secteur s’individualise fortement par l’omniprésence de l’eau dans les petits fossés de parcelles et dans un réseau complexe de canaux, les « watergangs », qui draine les eaux vers l’étroit goulet de Watten-Éperlecques que traverse l’Aa. Les parcelles délimitées par ce réseau hydrographique (les « lègres ») sont occupées traditionnellement par des maraîchages, des pâtures bordées de saules têtards et, dans les secteurs tourbeux surtout (Romelaëre), par des marécages et des étangs (exploitation ancienne de la tourbe). Le remembrement agricole des terres (accompagné du drainage par drains souterrains) a considérablement déstructuré le paysage bocager traditionnel de ce marais, surtout dans sa partie nord en bordure de l’Aa, en réduisant considérablement le linéaire de petits fossés. Par ailleurs, la déprise agricole favorise l’extension des « friches ». La plantation de peupleraies modifie également le paysage traditionnel de ce marais. L’habitat est essentiellement localisé sur les marges du marais mais de nombreuses fermes et autres habitations sont disséminées le long des canaux et des axes routiers.

89Flore : très grande variété d’hydrophytes (notamment Stratiotes aloides) et d’hélophytes. Présence rélictuelle de plantes inféodées aux bas-marais et tourbières alcalines (Hydrocotyle vulgaris, Thelypteris palustris...).

90Périmètre : zone alluviale entre Watten et Arques, avec un diverticule à l’est en bordure de la forêt de Rihoult-Clairmarais.

91c. Plaine de la Lys

92Géomorphologie et géologie : zone très plane (altitude variant de 17 à 20 m) couverte d’une épaisse couche de limons très argileux et d’argiles sableuses. Le long du cours de la Lys, des dépôts alluviaux récents recouvrent ces terrains.

93Climat : voir « Collines de Flandre intérieure ».

94Paysages : zone de polyculture et d’élevage. Les boisements naturels sont très rares à l’exception du vaste massif domanial de la forêt de Nieppe mais de nombreuses peupleraies sont disséminées. Le réseau hydrographique est dense (fossés, « becques », « courants » et canaux de la Lys et d’Aire). L’habitat est très dispersé.

95Flore : flore globalement assez similaire à celle des Collines de Flandre intérieure avec cependant une présence plus forte des hydrophytes, hélophytes et hygrophytes et l’absence des espèces des pelouses, landes et forêts acidiphiles. Quelques très rares prairies alluviales bordant le cours de la Lys hébergent encore Fritillaria meleagris (subatlantique-subméditerranéenne) et Oenanthe silaifolia (subméditerranéenne). Quelques marais tourbeux alcalins, en grande partie convertis en peupleraies ou cultivés, s'observent à l’est de Béthune. On peut encore y trouver très localement Cladium mariscus, Schoenus nigricans, Eleocharis quinqueflora...

96Périmètre : délimitée, au nord comme au sud, par un « talus » naturel de quelques mètres à quelques dizaines de mètres de haut, cette sous-unité forme une bande d’une largeur maximale de 20 km, orientée est-ouest entre Aire-sur-la-Lys et Comines (puis au delà de la frontière franco-belge). Dans la partie occidentale, les marais de la Laquette et de la Guarbecque ainsi qu’une étroite zone alluviale occupée par le Canal de Neufossé sont inclus dans le périmètre.

97d. Mélantois et marais de la Deûle et de la Marque

98Géomorphologie et géologie : petit diverticule de terrains crétacés (craies du Sénonien et Turonien supérieur et marnes du Turonien moyen) atteignant vers le nord-est la région de Tournai en Belgique. Le rattachement de cette sous-unité au district Brabançon plutôt qu’au district Picard est justifié par la couverture presque totale de limons sur ces terrains très plats qui induit l’absence ou la très faible représentativité de nombreuses espèces calciphiles ou calcicoles qui deviennent abondantes au sud, en Gohelle. Les marais alluviaux neutro-alcalins des secteurs d’Emmerin, Haubourdin, Don et Seclin (vallée de la Deûle) et de Forest-sur-Marque (vallée de la Marque), tous deux considérablement dégradés et eutrophisés, ont été rattachés au Mélantois. L’altitude varie de 20 m dans les vallées à 50 m sur les plateaux.

99Climat : voir « Collines de Flandre intérieure ».

100Paysages : mosaïque de paysages urbains (partie sud de l'agglomération lilloise), de plateaux cultivés (céréales, cultures sarclées...) et de zones alluviales plus bocagères où se côtoient peupleraies, prairies plus ou moins humides et parcelles cultivées. Bien qu’en grande partie remblayées, de grandes roselières entrecoupées ou supplantées par des peupleraies occupent encore les parties les plus humides.

101Flore : jadis très riches, les marais neutro-alcalins de cette zone ne comportent plus guère aujourd’hui d’éléments floristiques très caractéristiques. Les plateaux et les zones urbanisées ne sont guère plus originaux. On notera comme seuls éléments différentiels de ce sous-secteur par rapport aux zones voisines du district Brabançon la présence sporadique de quelques espèces neutro-calciphiles (Agrimonia eupatoria, Geranium columbinum, Lathyrus tuberosus, Torilis arvensis), le plus souvent réfugiées sur les accotements routiers ou dans les friches rudérales.

102Périmètre : limité au sud (de manière un peu arbitraire) par la bordure septentrionale du bassin minier (au niveau de Carvin), il inclut les terrains alluviaux de la vallée de la Deûle, les terrains crétacés et les zones alluviales de la Marque entre Hem et Ennevelin.

Pour citer cet article

B. TOUSSAINT (1), F. HENDOUX (1) & J. LAMBINON (2), «DÉFINITION ET CARTOGRAPHIE DES TERRITOIRES PHYTOGÉOGRAPHIQUES DE LA RÉGION NORD/PAS-DE-CALAIS (FRANCE)[avec la collaboration de A. DESSE (1) & A. NOLLET (1) pour la cartographie]», Lejeunia, Revue de Botanique [En ligne], N° 171 (décembre 2002), URL : https://popups.uliege.be/0457-4184/index.php?id=1883.

A propos de : J. LAMBINON (2)

(1) Centre Régional de Phytosociologie & Conservatoire Botanique National de Bailleul, Haendries, F-59270, Bailleul, France.(2) (Université de Liège, Institut de Botanique, Sart Tilman, B22, B-4000 Liège, Belgique.