Apports, limites et enjeux des méthodes prosopographiques et biographiques appliquées à l’histoire contemporaine des avocats : le cas du stage au barreau de Bruxelles
Fanny Verslype est titulaire d’un diplôme de maîtrise en Histoire (UCLouvain, 2018) et d’un diplôme d’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur (UCLouvain, 2018). Depuis 2019, elle réalise une thèse de doctorat sur les avocats belges durant la Première Guerre mondiale (PDR BELGADVOCATES) sous la direction des professeurs Xavier Rousseaux (UCLouvain-CHDJ) et Jérôme de Brouwer (ULB-CHDAJ).
Julien Delattre est titulaire d’un diplôme de maîtrise en Droit (UCLouvain, 2017) et d’une maîtrise en Histoire (UCLouvain, 2020). En 2019, il entame la réalisation d’une thèse de doctorat (PDR BELGADVOCATES) sous la direction des professeurs Jérôme de Brouwer (ULB-CHDAJ) et Xavier Rousseaux (UCLouvain-CHDJ). Ses recherches portent sur l’histoire du barreau de Bruxelles depuis ses origines (1811) jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Résumé
Étudier une profession dans une perspective historique n’est pas exercice aisé. Le barreau ne déroge pas à la règle en s’incarnant dans une collectivité souvent personnifiée et surtout une multitude d’individualités.
Comment dès lors s’attacher à l’étude de cette profession en considérant sa double dimension collective et individuelle ? La prosopographie est souvent envisagée comme un outil pour faire dialoguer ces deux dimensions. Toutefois, les écueils à éviter sont nombreux, en particulier pour la profession d’avocat : lissage des trajectoires, surreprésentation de certains réseaux, atténuation des effets d’influence, déterminisme, etc. Le recours ponctuel à la biographie neutralise ou nuance cette vision induite par l’utilisation de sources sérielles.
Le croisement des deux approches met en relation les données socio-institutionnelles du barreau de Bruxelles d’une part, tout en prenant en compte les caractéristiques personnelles des avocats qui le composent d’autre part. Mais ce dialogue suffit-il à générer un savoir objectif sur la profession d’avocat ? Nous aborderons cette réflexion en envisageant la question du stage au barreau de Bruxelles au début du 20e siècle et en mobilisant la figure de Joseph Pholien.
Abstract
Studying a profession from a historical perspective is not an easy task. The bar is no exception to the rule, as it is embodied in an often-personified collectivity and, above all, in a multitude of individuals.
How then can the study of this profession be carried out by considering its double collective and individual dimension? Prosopography is often envisaged as a tool for bringing these two dimensions into dialogue. However, there are many pitfalls to be avoided, particularly for the legal profession: smoothing of trajectories, over-representation of certain networks, attenuation of influence effects, determinism, etc. The occasional use of biography neutralizes or nuances this vision induced by the use of serial sources.
The intersection of the two approaches brings together the socio-institutional data of the Brussels Bar, on the one hand, while taking into account the personal characteristics of its lawyers on the other. But is this dialogue sufficient to generate objective knowledge about the legal profession? We will approach this reflection by considering the question of the internship at the Brussels Bar at the beginning of the 20th century and by mobilizing the figure of Joseph Pholien.
Introduction
1S’attacher à l’étude d’une profession n’est une démarche simple qu’en apparence. Lorsqu’ils font le point sur les modèles, théories et recherches récentes de la sociologie des professions, Claude Dubar, Pierre Tripier et Valérie Boussard en arrivent à la conclusion qu’il n’existe pas de profession « séparée », « unifiée », « établie » ou « objective »1. Profession libérale par excellence, l’avocature se distingue par un mode de fonctionnement autorégulé et un ensemble de règles déontologiques spécifiques. Pour autant, il suffit de tenter de définir la profession d’avocat en Belgique au 19e et au début du 20e siècle pour réaliser que son unicité apparente est un leurre.
2En effet, le barreau constitue une collectivité, souvent personnifiée, un Ordre organisé autour d’un ensemble de règles « objectivées » qui « forment dans la longue durée, le pivot autour duquel se développent les représentations nouvelles de l’avocat, mais aussi les résistances aux changements2 ». Toutefois, au sein de cet espace professionnel commun, chaque membre cultive un périmètre d’action spécifique, en fonction de paramètres « subjectifs ». Pour comprendre les avocats en tant que groupe socioprofessionnel, il est donc nécessaire de considérer la profession dans son unité et sa pluralité.
3Comment dès lors conduire une analyse mesurant à la fois la part des logiques collectives et individuelles ? La proposition méthodologique retenue dans cet article propose de réconcilier deux approches distinctes pour faire dialoguer ces deux niveaux. D’une part, l’usage de la prosopographie permet de prendre en compte les données socio-institutionnelles du barreau. D’autre part, le recours à la biographie permet de tenir compte des caractéristiques individuelles des avocats qui le composent.
Il me semblait en tout cas que l’étude des structures était irremplaçable. Elle éclairait le passé d’une merveilleuse cohérence. Mais elle le rendait trop simple. Et une biographie permettait de jeter un premier regard sur l’accablante complexité des choses. L’étude des structures me semblait aussi donner une place trop large à la nécessité […]. Mais « les choses ne se font qu’au moyen des hommes ». […] une biographie permettait d’accorder plus d’attention au hasard, à l’évènement, aux enchainements chronologiques […] elle seule pouvait donner aux historiens le sentiment du temps qu’avaient vécu les hommes3.
4Les deux démarches retenues parviennent-elles à rendre compte de la complexité des interactions dynamiques au sein de la profession ? Faute de quoi, les résultats obtenus doivent-ils nécessairement être rejetés ou considérablement relativisés au nom d’un idéal régulateur d’objectivité ?
5L’histoire des élites a longtemps été le champ d’application privilégié des deux méthodes mobilisées4. Notre étude sur l’histoire de la profession d’avocat en Belgique s’inscrit dans cette lignée. Nous limitons ici nos recherches aux avocats du barreau de Bruxelles, premier barreau du pays en termes d’ancienneté et d’effectifs. Tout au long du 19e siècle, les avocats jouent un rôle de premier ordre sur le plan politique et socioculturel5 et la position centrale de Bruxelles favorise cet engagement. Les sources pour ce barreau sont également les plus complètes à notre disposition.
6Pour l’époque contemporaine, la profession n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique majeure et les publications existantes sont souvent le fruit des acteurs eux-mêmes. Soulignons cependant les travaux de Georges Martyn6 et la monographie consacrée au barreau de Bruxelles de Bart Coppein et Jérôme de Brouwer7. Quelques barreaux néerlandophones ont également fait l’objet d’études8. Des aspects très spécifiques de la profession, comme sa féminisation, ont aussi été traités dans le cadre de contributions beaucoup plus ponctuelles9.
7Parce qu’elles cherchent à doter le métier d’une légitimité historique et à fonder ses convictions et prétentions professionnelles dans la durée, les sources émanant des avocats doivent être examinées avec minutie. Une autre difficulté inhérente à leur exploitation réside dans leur collecte et état de conservation variable. Au niveau institutionnel, faute d’obligation légale de dépôt en raison d’un statut juridique ambivalent, les archives des barreaux belges demeurent pour la plupart stockées au sein des différents palais de justice dans des conditions souvent problématiques. En outre, à l’exception des barreaux de Dendermonde et de Bruxelles, elles ne sont pas inventoriées et leur accès n’est pas garanti. Au niveau individuel, les archives concernant la vie professionnelle des avocats sont rarement conservées, car elles relèvent du secret professionnel.
8L’originalité de notre contribution réside dans sa réflexion méthodologique autour des apports, limites et enjeux de l’utilisation de la prosopographie et de la biographie. Dans un premier temps, nous examinerons séparément ces deux approches avant de les éprouver au travers d’un cas d’école : le stage au barreau de Bruxelles. Cette partie sera traitée en prenant pour échantillon la population d’avocats stagiaires d’une année. Les données récoltées seront ensuite mises en relation avec le matériel biographique d’un individu choisi, Joseph Pholien. La démarche adoptée doit permettre d’allier analyse collective et individuelle afin de dépasser l’idée du corps homogène et cloisonné formé par le barreau. Ceci, en vue de démontrer qu’aux dynamiques organisationnelles collectives s’ajoutent des trajectoires individuelles qui participent à la structuration de la profession.
La prosopographie, outil d’une histoire collective de la profession d’avocat ?
9En ce qu’elle « compile de nombreux profils individuels les uns avec les autres afin d’incarner les groupes étudiés et d’appréhender leur diversité interne10 », la prosopographie parait la plus à même de traduire la complexité de l’avocature. Son emploi dans les recherches concernant la profession d’avocat est fréquent, notamment en France11, mais aussi en Belgique pour ce qui est de la magistrature12. Elle n’est toutefois pas exempte de critiques et son application à la profession d’avocat requiert des précautions méthodologiques.
10Dans un premier temps, nous ferons un bref retour historiographique avant d’aborder les enjeux de la définition de la prosopographie ainsi que ses limites. Nous l’adapterons ensuite aux avocats du barreau de Bruxelles en identifiant les problématiques qui leur sont propres.
La prosopographie : une ressource pour l’histoire contemporaine ?
11Née au 19e siècle à l’initiative des historiens de l’Antiquité13, la prosopographie se diffuse aux autres périodes au cours du 20e siècle14. Les historiens des périodes anciennes s’y attachent pour les élites. Sous l’influence des sociologues américains, les premiers travaux en histoire contemporaine sont entamés dans la même optique15. La documentation, de par son abondance, permet ensuite une extension de cette approche à des groupes plus larges. Christophe Charle attribue « la multiplication des travaux d’histoire contemporaine […] utilisant la méthode prosopographique […] à des raisons intellectuelles et techniques16 » : intellectuelles, suite au déclin combiné des méthodes statistiques globales et de l’influence du marxisme ; techniques, grâce à l’usage généralisé de l’informatique et plus particulièrement des bases de données relationnelles.
12Les contemporanéistes détournent la prosopographie de sa finalité première consistant à collecter « des données au niveau individuel pour passer à la généralisation collective17 ». En déplaçant la focale vers les interactions et les dynamiques des groupes sociaux, elle renouvelle l’histoire sociale18. Son application est privilégiée lorsqu’il s’agit d’étudier une institution puisque « les caractéristiques de ses membres ont des conséquences directes sur son devenir19 ». En effet, elle « permet de comprendre la complexité des carrières individuelles, de saisir le poids des paramètres personnels ou familiaux […] révélant l’importance de choix politiques très souvent conjoncturels20 ». Sa polyvalence ne modifie pas le fondement de la prosopographie : l’interdépendance entre collectivité et individualité21 permettant de « restituer les caractéristiques d’un groupe en démultipliant les informations sur tous ses membres22 ».
Pluralité des usages, contours flous
13L’abondance de sources en histoire contemporaine et l’engouement autour de la prosopographie permettent une multiplication et une diversification des démarches éponymes. Ces dernières composent « un ensemble de pratiques devenues implicitement, par imitation, des habitudes […] sans que l’on s’interroge réellement sur ce qu’elles sont supposées apporter aux interprétations historiennes23 ». En effet, dans la mesure où « la codification théorique qui en ferait une méthode normalisée et utilisable de façon uniforme lui fait défaut24 », certains s’interrogent « sur la pertinence d’un terme englobant25 » et préfèrent dès lors parler de « style de recherche ».
14Cette incertitude théorique découle également de sa proximité avec d’autres pratiques de l’histoire sociale telles que « la biographie collective, le dictionnaire biographique ou la base de données relationnelle26 ». Les rapports entre biographie et prosopographie sont d’ailleurs nombreux : « la biographie est présente […] de deux manières : dans les sources utilisées […] puisque certaines d’entre elles peuvent être rattachées à ce genre ; au sein du travail même de l’historien ensuite, puisqu’il s’agit pour lui d’élaborer des biographies27 ». La rédaction de fiches biographiques n’est cependant « qu’une forme et un outil de la prosopographie28 » et non sa finalité. Par ailleurs, les notices résultant de ces entreprises forment une approche biographique parcellaire et incomplète29.
15Par conséquent,
l’ambition première de la prosopographie est descriptive : il s’agit de rechercher la structure sociale d’un collectif par l’accumulation de données structurées sous la forme de fiches individuelles relatives à chacun de ses membres, avec l’objectif final d’en saisir la structure de groupe par-delà les discours qu’il produit30.
16La réalisation d’une enquête prosopographique suppose donc un travail en deux temps : la définition d’un groupe (1) auquel on applique systématiquement un questionnaire stéréotypé (2)31.
Dangers et limites
17La prosopographie fait l’objet de nombreuses critiques. La première porte sur les données sérielles sur lesquelles elle se base. Celles-ci « tendent à mieux renseigner les acteurs les plus centraux et ceux dont la fin de carrière est la plus reconnue32 ». La seconde est propre à la reconstitution des parcours individuels sujette au déterminisme, au lissage des trajectoires et à l’occultation d’effets de simultanéités et d’influence33. La troisième concerne sa tendance à opérer par abstractions détachées de toute réalité vécue. Cet empirisme, incarné par les métadonnées sur lesquelles elle s’appuie, peut être tempéré par le recours à d’autres techniques historiques, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives34.
18Une quatrième, plus fondamentale, a trait à la définition des groupes sur lesquels la prosopographie va être appliquée. Cette opération primordiale suppose au préalable de s’interroger sur ce qui lie une collectivité. En effet, les groupes se définissent « par leurs propriétés relationnelles ou leurs images réciproques ou encore par leur capacité à imposer une image d’eux-mêmes aux autres, mais aussi à la plupart de leurs membres35 ». La phase de définition du groupe induit le recours à des sources officielles reflétant une vue partielle de la réalité, une délimitation arbitraire des populations et l’utilisation de critères réducteurs36. Selon Lawrence Stone, la prosopographie conduirait ainsi « à une vision élitiste, cynique et conformiste des groupes dirigeants et de leurs relations à la société englobante37 ». Pour Christophe Charle, cette objection n’est pas nécessairement applicable aux périodes les plus récentes :
[…] où les résultats des biographies collectives peuvent être confrontés à d’autres sources et où les prosopographies partielles peuvent être comparées et croisées entre elles et où la diversité des groupes susceptibles d’être étudiés va bien au-delà des seules élites des époques contemporaines38.
19Dans le même ordre d’idée, António Manuel Hespanha reproche à la prosopographie de se reposer « sur une précompréhension du système social39 » faisant abstraction des « logiques spécifiques qui peuvent miner de l’intérieur la cohérence du corpus étudié40 ». Pour tenir compte d’une conception dynamique de la société dans laquelle « les groupes sociaux produisent des valeurs autoréférentielles qui définissent les critères de leur identité41 », il suggère de doubler la prosopographie d’une « prosopo-bibliographie ». Celle-ci renseigne « à côté de l’information sur les agents, toutes les informations sur les pratiques de production et de reproduction discursive42 ». Quoi qu’il en soit, le recours à la prosopographie est une opération chronophage dans laquelle l’historien est aux prises avec deux tensions : « [celle] de la biographie indéfinie des individus (au risque de perdre la dimension collective), et [celle], inverse, de l’élargissement d’échantillons gigognes aux dimensions de toute la société (au risque de réduire le questionnaire à sa plus simple expression)43 ».
20Pour sortir de ces pièges méthodologiques, Claire Lemercier et Emmanuelle Picard proposent une approche prosopographique synthétique et réflexive qui se veut à la fois rigoureuse et à géométrie variable :
Rigoureuse, dans le sens où la construction de données qui autorisent une exploitation par des méthodes formelles implique le respect de quelques grands principes […], mais aussi à géométrie variable : la recherche d’informations biographiques doit être liée à un questionnement précis sur un objet, plutôt que dépendante de fiches-types, et elle gagne le plus souvent à être orientée vers la comparaison, plutôt que vers la description d’un seul groupe conçu a priori comme homogène44.
L’apport de la prosopographie à l’histoire des avocats
21Du fait des particularités de la profession d’avocat, l’application de la prosopographie au barreau présente des difficultés spécifiques45. Si la profession est structurée en Ordre, l’activité de ses membres échappe en grande partie aux autorités ordinales : le conseil de discipline composé de pairs élus. Ce dernier dispose entre autres compétences de procéder à l’admission au stage des diplômés en droit ayant prêté serment devant les autorités judiciaires, et in fine de réaliser leur inscription au tableau annuel une fois le stage accompli. Outre la maitrise de son tableau, le conseil de l’Ordre dispose de prérogatives disciplinaires aux fins de « veiller à la conservation de l’honneur de l’ordre […] [et] maintenir les principes de probité et de délicatesse qui font la base de leur profession46 ».
22En tant que principal émetteur des archives institutionnelles des barreaux, les sources produites par le conseil de discipline traduisent l’étendue des compétences qui sont les siennes. L’exercice de ces dernières se reflète dans ses procès-verbaux et dans le tableau annuel des avocats et des stagiaires. Ces deux sources ne sont pas exemptes de lacunes : le renouvèlement régulier du conseil fait obstacle à l’établissement d’une information standardisée alors que les tableaux sont rarement conservés47. Il convient également de relever, pour certains barreaux, l’existence de fiches reprenant, par individu, les indications concernant la carrière des avocats consignées par les autorités ordinales. Il s’agit en l’espèce d’informations biographiques nécessaires à l’entrée des avocats au sein du barreau, un relevé des mesures disciplinaires les affectant ainsi que divers renseignements concernant notamment les fonctions occupées au sein de l’Ordre.
23La recomposition exacte des effectifs du barreau à partir de ces documents dans une perspective diachronique est une tâche complexe. De plus, les informations concernant la suite et la fin des carrières sont plus disparates. Par conséquent, il faut avoir recours à une source externe, mais dont la fiabilité est moins assurée, les almanachs royaux. Ceux-ci reprennent annuellement les noms des avocats en activité.
24Au-delà de ces difficultés heuristiques, l’application de la prosopographie à la profession d’avocat soulève des objections liées à la définition de la population à étudier. En raison de sa composition plurielle et de l’inégalité des sources, le barreau offre des possibilités d’analyse à géométrie variable en fonction des sujets à examiner48. À cet égard, l’approche prosopographique défendue par Claire Lemercier et Emmanuelle Picard trouve particulièrement à s’appliquer en centrant la définition du groupe sur la problématique choisie.
25Le choix du stage comme objet d’étude ne clôt définitivement pas les débats entourant la définition de la population des stagiaires. En effet, dès lors qu’il s’agit d’étudier une génération, les éléments chronologiques permettant de déterminer si un individu fait ou non partie de la population font l’objet d’un double choix. Compte tenu de la procédure d’admission des stagiaires, laquelle s’effectue tout au long de l’année judiciaire, il est nécessaire de déterminer la date pertinente de début de stage d’une part, et d’autre part d’établir les intervalles d’une génération. Plusieurs dates peuvent en effet servir de point de départ : la date de prestation de serment, l’admission au stage par le conseil, voire l’homologation par ce dernier des documents requis. Par ailleurs, l’année judiciaire débutant lors de l’installation du conseil élu, celle-ci ne correspond ni à l’année académique ni à l’année civile de sorte que la construction d’une génération de stagiaire est un exercice arbitraire. Enfin, la conjonction des éléments mentionnés nous autorise à nous interroger sur l’existence d’une expérience partagée du stage, voire sur celle de relations entre stagiaires.
26À Bruxelles, l’élaboration du questionnaire source est facilitée par la présence de fiches individuelles. Les informations contenues dans ces dernières sont toutefois ambigües et nécessitent d’être maniées avec précaution. Il en est ainsi du lieu de naissance, information figurant systématiquement dans les fiches alors que celle du lieu de résidence, obligation professionnelle, n’y est jamais répertoriée. Un constat similaire est applicable au lieu de diplôme qui se contente de mentionner une ville et non une université. Enfin, la raison d’être de ces fiches fait que ces dernières ne fournissent pas une série d’informations périphériques susceptibles d’intéresser les chercheurs (milieu familial, écoles secondaires, etc.).
La biographie, une méthode singulière ?
27À l’instar de la prosopographie, la biographie a suscité de nombreuses réflexions méthodologiques. Néanmoins, cette première lui a souvent dénié un statut propre, se contentant de la considérer comme un outil destiné à éprouver la validité de ses hypothèses quantitatives. Sans renier totalement cet usage, cet article démontre que les deux approches gagnent à être utilisées en adéquation afin de reconstituer la complexité du continuum qui va des acteurs collectifs aux individus, et inversement.
28Nous nous concentrerons d’abord sur les limites et apports de la méthode biographique après avoir effectué un retour sommaire sur son historiographie. La recherche menée convoque divers usages de la biographie. Si elle constitue une source de renseignements sur les avocats, elle est aussi une manière de traduire les résultats de nos recherches, que ce soit sous la forme de notices biographiques ou dans un format plus littéraire.
De la dévaluation à la réhabilitation
29La biographie entendue comme récit consacré à la vie d’une personne est un genre littéraire en usage depuis l’Antiquité. Elle se distingue alors de l’histoire qui traite surtout de manière chronologique d’évènements politiques ou militaires, en se penchant sur la vie de personnages exemplaires49. Au fil du temps, elle se développe et ne cesse de se diversifier. Cet essor s’effectue indépendamment des historiens de métier qui considèrent qu’elle relève plus du genre littéraire que des sciences humaines et sociales. Les promoteurs de l’école des Annales jugent notamment sa finalité moralisatrice problématique et dénoncent son côté historicisant50. Durant les années 1960-1970, le courant structuraliste contribue également à privilégier le collectif au détriment de l’individu, et un clivage très net fractionne les études quantitatives et qualitatives51.
30La circonspection envers les méthodes de l’histoire sérielle et ses ambitions totalisantes favorise progressivement un retour à l’individu. Mais la biographie revient surtout au gout du jour dans les années 1980, suite à l’émergence de domaines d’études s’articulant autour de l’identité et de l’intimité des individus52. Dans le monde scientifique, sa réhabilitation s’effectue plus rapidement outre-Manche que dans l’espace francophone, où elle peine à se défaire des critiques dont elle faisait l’objet53. Dans les années 1980 et 1990, certains auteurs s’attachent à la conceptualiser afin de lui conférer une légitimité en tant que discipline historique54.
31Le retour à des questionnements autour de l’individu marque la maturité de l’analyse historique des processus et des comportements sociaux55. Dès lors, la biographie « devient le lieu idéal où souligner l’irréductibilité des individus et de leurs comportements à des normes générales56 ». Cette logique de vérification du général par le particulier favorise sa réinsertion au sein d’un champ de recherche émergent : la prosopographie. Laurent Avezou note que :
D’une façon générale, toutes les variantes du renouveau biographique s’efforcent d’intégrer les nouvelles données de l’historiographie […] C’est d’ailleurs autour du va-et-vient de l’individuel et du collectif que tournent en effet les principaux problèmes de méthode propres au genre biographique57.
Joseph Pholien, un avocat représentatif ?
32Reconsidérée par l’historiographie actuelle la biographie des « grands hommes », dont l’hégémonie a été fortement dénoncée, s’est renouvelée en profondeur :
S’ils n’expliquent pas tout, ils sont à la fois témoins privilégiés et révélateurs de leur temps — à la fois en avance sur lui et en marge de lui, peut-être parce qu’ils l’appréhendent avec davantage de discernement. S’ils ne « font » plus l’évènement, ils peuvent en être le catalyseur, selon la configuration du moment58.
33Dans cette perspective, la figure de Joseph Pholien (1884-1968), avocat au barreau de Bruxelles et ancien ministre d’État, peut être convoquée judicieusement pour illustrer la méthodologie mise en œuvre dans cet article. Ce choix répond à plusieurs considérations. Premièrement, enrichir une étude en lui donnant corps à travers la vie d’un individu rend le passé plus facile à se représenter. Deuxièmement, les grands avocats, en particulier ceux qui se sont investis en politique, sont généralement les mieux documentés59. Les archives de Joseph Pholien sont, à cet égard, exceptionnelles : elles couvrent l’entièreté de sa carrière politique et permettent de dépasser sa seule personnalité pour nous renseigner sur une multitude d’individus.
34Bien qu’au sein de ce corpus les documents témoignant de sa carrière d’avocat soient minoritaires, soulignons cependant quelques sources utiles pour la conduite de notre étude. Il s’agit en premier lieu d’une correspondance privée comprenant notamment des courriers échangés avec ses stagiaires60. Ces lettres nous permettent de qualifier et préciser les relations mises à jour par la prosopographie. Néanmoins, leur recontextualisation est compliquée par le fait qu’elles ne sont pas suivies et contiennent des éléments implicites. De plus, il ne faut pas perdre de vue que la correspondance peut être extrêmement codifiée, ce qui peut biaiser l’interprétation de la nature de la relation auteur-destinataire.
35Les mémoires de Pholien, restés à l’état de brouillons dactylographiés, représentent une mine d’informations sur leur auteur61. La lecture d’un tel document autobiographique demeure un exercice périlleux qui exige à la fois empathie et prise de distance. Loin de constituer une vérité brute, les mémoires sont une reconstruction opérée rarement de manière désintéressée.
36Dans le cadre de cet article, l’effet « grand homme » sera temporisé par notre perspective centrée sur le stage, période à laquelle Pholien n’en est encore qu’à ses débuts. Toutefois, il faudra prendre garde à faire en sorte que le fait d’avoir connaissance de son devenir n’influe pas sur nos perceptions de sa vie de stagiaire. De plus, il est légitime de se demander si son vécu est vraiment représentatif des habitudes de son temps, des mentalités et structures du barreau de Bruxelles. La prosopographie permettra justement de contrer ce péril biographique en le resituant au sein du groupe des stagiaires de son époque.
Illusions biographiques
37Le récit biographique porte en lui « une visée utopique d’exhaustivité qui fonde son impression de compréhension dans l’illusion d’immédiateté62 ». De par sa forme, il donne le sentiment d’être une source brute, permettant au lecteur d’approcher au plus près la réalité de la vie d’un homme et de saisir l’enchainement de tous les évènements de son existence. Chargés d’affects, tous les éléments composant le récit paraissent d’emblée pertinents. Dès lors, opérer une sélection afin de reconstruire une nouvelle mise en récit problématisée est une tâche complexe. En outre, l’historien doit également garder à l’esprit que même en disposant de sources multiples ou remarquablement riches, il est impossible de rendre compte d’une vie dans sa globalité. Ainsi, l’activité professionnelle des avocats est particulièrement difficile à reconstituer, notamment en raison des motifs heuristiques déjà évoqués. Joseph Pholien souligne d’ailleurs les limites de sa propre biographie à ce sujet :
Je m’interdis de m’étendre sur mon activité professionnelle proprement dite. Les causes qu’on nous confie, les misères et les drames qu’on nous expose ne sont pas les nôtres et, bien que beaucoup seraient de nature à tenter la plume de Guy de Maupassant ou celle de Balzac, il n’appartient pas à l’avocat bénéficiant de confidences de leur donner une publicité. Laissant la poussière s’accumuler sur les dossiers, je ne puis m’empêcher de les saluer au passage par la pensée. Ces causes définitivement mortes m’ont donné, pendant plus d’un demi-siècle, joies, soucis et émotions63.
38Par ailleurs, il opère une sélection dans ce qu’il met en récit et considère d’emblée que certains éléments auront moins d’attrait aux yeux du lecteur potentiel. Ainsi, il affirme à propos de sa vie de famille : « […] ce genre de souvenir n’intéressera vraisemblablement pas les tiers […]64 ». Cette considération démontre bien que ses mémoires ne sont pas exhaustifs et constituent une recomposition a posteriori de sa vie.
39S’il faut tempérer l’exigence d’exhaustivité, il faut également se méfier du postulat téléologique selon lequel toute existence racontée a nécessairement un sens. Cette idée pouvant conduire à conférer artificiellement une vocation, une finalité intentionnelle à une vie. Pierre Bourdieu invite à remettre en question ce présupposé selon lequel « la “vie” constitue un tout, un ensemble cohérent et orienté, qui peut et doit être appréhendé comme expression unitaire d’une “intention” subjective et objective, d’un projet65 ». Pour donner du sens à son récit, Joseph Pholien ne déroge pas à la règle de l’organisation chronologique. Néanmoins, il est conscient que certains de ses propos s’en écarteront : « Les souvenirs que je me propose d’écrire respecteront en principe l’ordre chronologique, je dis en principe, car je ne puis me priver de développer l’un ou l’autre souvenir de façon autonome afin de lui donner un relief plus grand66 ».
40Dans notre cas d’étude, la confrontation des données de la biographie à la prosopographie « permet de repérer les distorsions entre le personnage et l’individu67 » neutralisant de la sorte l’illusion téléologique. En outre, le choix de s’attarder sur le stage, échelle restreinte de la vie d’un avocat, autorise une problématisation plus fine qui temporise l’écueil de l’exhaustivité et encourage la clarté de la démarche scientifique.
Écrire et contextualiser une vie
41« La biographie a souvent été accusée d’aller à contresens d’une méthode historique bien pensée68 ». Son degré de parenté avec les codes littéraires et fictifs du roman, fréquemment considéré comme vulgarisateur, alimente ce désaveu. En effet, et bien qu’elles puissent être relativisées, impossible de nier les affinités entre biographie historique et fiction littéraire. Par ailleurs, le processus d’écriture historique étant avant toute chose un procédé narratif, la relation unissant histoire et littérature a fait couler beaucoup d’encre.
42Ainsi, si Paul Veyne considère l’histoire comme un « récit d’évènements vrais » qui se distingue donc de la fiction par la véracité des évènements racontés69, Ivan Jablonka va jusqu’à affirmer que « l’histoire est d’autant plus scientifique qu’elle est littéraire70 ». Cette conception fait débat. D’une part, il n’est pas établi que la scientificité des ouvrages historiques qui ne sont pas créations littéraires soit amoindrie. D’autre part, postuler que la littérature produit de la pertinence c’est ignorer qu’elle est, en tant que fait social, « une catégorie perpétuellement travaillée et objet de débats71 ».
43L’historien Patrick Boucheron propose sa propre définition de l’écriture historienne : « Ce qu’on appelle “bien écrire” en histoire n’est peut-être que cela : choisir ses mots avec discernement et les ajuster exactement de manière à se faire comprendre »72. Il invite aussi l’auteur à énoncer clairement sa position et distingue nettement l’écriture littéraire de l’écriture académique qui « ne lâche pas la bride de son lecteur, contraint d’aller où l’auteur le mène, tandis qu’à l’inverse, la littérature permet que se multiplient, par “sauts et gambades”, les lectures buissonnières et vagabondes »73.
44Nous rejoignons la définition de Boucheron en affirmant que l’écriture académique exige une certaine réflexivité méthodologique quant à la sélection et à la maitrise de mots adéquats au sujet de l’étude. En effet, les termes peuvent vite être connotés et colorer la position de l’auteur qui les emploie. En ce qui concerne la profession d’avocat, certains choix sont délicats, car ils dissimulent des enjeux toujours actuels. Il est donc important de les justifier. Ainsi, pour parler des femmes au barreau, faut-il utiliser le terme « femme-avocat », convoqué régulièrement par les sources de l’époque, « avocat » tout court ou le néologisme « avocate » alors même que le titre officiel est encore masculin ? Par ailleurs, l’écriture scientifique est également tributaire des formats et normes d’édition dans lesquels elle s’insère.
45Il s’agit aussi d’éviter le piège de reproduction non consciente des topos littéraires. À titre d’illustration, les nécrologies d’avocat ont tendance à utiliser un schéma narratif stéréotypé (par exemple : le grand avocat plaidant jusqu’à sa mort) ou à reproduire pour un même individu des similitudes inspirées par une source commune. Néanmoins, ces topos peuvent nous en apprendre énormément sur les lieux communs de la profession ou l’image que les avocats veulent laisser d’eux-mêmes. À ce titre, il est possible de les métamorphoser en de véritables outils heuristiques.
46Un autre défi de l’historien biographe « réside dans le rendu du contexte74 ». En entretenant la vision d’un environnement artificiellement figé, l’approche biographique s’est parfois fourvoyée. Ce contexte « inamovible » a eu deux usages distincts : servir à combler les silences des sources ou trouver une explication aux illogismes d’une vie. Dans ces deux cas de figure, il gomme la singularité des parcours individuels, flirtant dangereusement avec le déterminisme. Cette utilisation est problématique, car elle ne tient absolument pas compte du dynamisme de la relation individu-contexte. Or, « la personnalité se construit en interaction avec l’entourage humain et le contexte social. Et l’évolution de cette personnalité est inséparable de l’évolution de ses représentations du monde — un monde qui assurément évolue lui aussi75 ».
47L’identité d’un individu est toujours une construction basée sur des choix plus ou moins conscients, déterminés en accord ou en opposition avec l’environnement social. Il ne faut pas négliger le pouvoir de la liberté individuelle « même lorsqu’il s’insère parfaitement dans le moule social, [l’individu] le choisit plus ou moins consciemment »76. Soumis aux mêmes contraintes, les individus n’adoptent pas nécessairement un même comportement. Ainsi, alors qu’ils ont a priori bénéficié des mêmes conditions familiales de stage sous le patronage de Joseph Pholien, certains de ses stagiaires choisissent de poursuivre le barreau et de s’impliquer autant que leur patron dans ses organes77 tandis que d’autres le quittent prématurément78. Chaque avocat possède une identité unique et son comportement individuel éclaire aussi la réalité collective du barreau. Par conséquent, un des apports majeurs de la biographie est de permettre cette contextualisation des actes des individus attachés à une même institution et de préciser la nature des relations avec leurs pairs.
Faire dialoguer biographie et prosopographie : la question du stage au barreau
48Objet continu de réformes, souvent infructueuses, la question du stage anime le barreau, la doctrine et la presse juridique tout au long des 19e et 20e siècles. Étape primordiale dans la vie du futur avocat conditionnant son entrée au barreau, le stage et ses modalités constituent à double titre un enjeu majeur. En définissant les conditions d’entrée de leur profession, les avocats déterminent les compétences qu’ils jugent nécessaires à acquérir pour son exercice et ce faisant, ils établissent une conception propre de leur métier.
49Les sources pour l’étude du stage sont nombreuses et reflètent généralement les positions d’acteurs impliqués dans un processus de réforme, plus enclins à exposer leur perception du stage ou à en souligner les lacunes qu’à en donner une vision objective. Le récit historique qui en résulte fait l’économie des réalités vécues par les stagiaires et des modifications structurelles profondes à l’œuvre au sein du barreau.
Conditions d’accès
50Les normes législatives et règlementaires en vigueur disposent que le futur stagiaire doit satisfaire à une triple condition à l’entrée destinée à vérifier ses droits et sa moralité. Dans un premier temps, il s’agit pour celui-ci d’apporter la preuve de ses connaissances juridiques par la production d’un diplôme de droit ou d’une dispense. L’impétrant prête ensuite serment sous le patronage d’un ancien de l’Ordre devant une des trois cours d’appel du royaume avant d’être admis par le conseil de l’Ordre — ou par le tribunal qui en remplit les fonctions — sur la liste des stagiaires.
51Le recours à la prosopographie et à la biographie vise à dépasser une approche purement normative du stage pour appréhender la réalité concrète vécue par les individus et le contexte social dans lequel ils s’insèrent. L’échantillon des quarante-huit stagiaires de 1905-1906, année où Joseph Pholien intègre le barreau, permet de retracer l’itinéraire de ceux-ci avant leur prestation de serment et leur admission au stage. Le croisement des différentes variables prises en compte autorise la formulation de diverses hypothèses concernant leurs origines géographiques et leurs parcours académiques.
52Ainsi, la moitié d’entre eux provient du Brabant et plus particulièrement de la région bruxelloise. L’attrait du barreau bruxellois dépasse toutefois les frontières de la province puisque dix stagiaires sont originaires du Hainaut, cinq de la province de Liège et quatre sont nés à l’étranger. Les autres stagiaires se répartissent dans les autres provinces belges à l’exception de celles du Luxembourg et du Limbourg. Il est également à noter que les stagiaires nés en dehors du Brabant sont pour l’essentiel wallons, ce qui n’est pas anodin compte tenu du phénomène de francisation de Bruxelles à l’époque.
53L’analyse du parcours académique des avocats stagiaires montre une prépondérance des deux universités brabançonnes (Bruxelles et Louvain) illustrant à nouveau l’existence d’une logique de proximité géographique. Ce constat est toutefois tempéré par une certaine mobilité des étudiants prévalant pour ceux issus de provinces dépourvues d’universités, mais aussi pour ceux originaires du Brabant, seule province à disposer de deux universités. Les universités de Bruxelles et de Louvain comptent ainsi des stagiaires issus d’autres provinces sans qu’un schéma particulier puisse être dégagé quant aux choix opérés par ces derniers. En ce qui concerne les étudiants natifs du Brabant, nous remarquons que les stagiaires diplômés de l’université de Bruxelles sont exclusivement originaires de la ville ou de sa périphérie. Un tel constat n’est pas applicable à l’université de Louvain.
54La biographie nuance l’analyse prosopographique. Né à Liège, Joseph Pholien vit la majeure partie de sa vie à Bruxelles suite à la nomination de son père en qualité de substitut du Procureur général en 1888. Son parcours académique démontre les carences de la documentation ordinale : après une scolarité au collège Saint-Michel, il entame des études de droit aux facultés Saint-Louis qu’il poursuit ensuite à l’université libre de Bruxelles. En outre, les mémoires de Pholien en ce qui concerne le choix d’un établissement supérieur sont en adéquation avec les résultats des études prosopographiques sur les collèges jésuites aux 19e et 20e siècles79. Un passage évoque en effet la cohabitation entre étudiants de droite et de gauche au sein de l’université bruxelloise80.
55La plupart des avocats stagiaires prêtent serment dans l’année de l’obtention de leur diplôme. Dans la majorité des cas, le délai avant cette prestation de serment est inférieur ou égal à trois mois et s’explique généralement par la période estivale ou les vacances judiciaires. Les données fournies par la prosopographie permettent de remettre en question l’application de l’article trente-trois du règlement d’ordre intérieur du barreau de Bruxelles adopté en 1900. Cette disposition prévoit que les demandes d’admission au stage soient affichées pendant quinze jours afin que les avocats aient la possibilité de présenter leurs observations au bâtonnier ou au secrétaire de l’Ordre en vue de leur examen au conseil. Or, les données prosopographiques indiquent dans la plupart des cas une simultanéité entre la prestation de serment et l’admission au stage sans qu’un délai d’attente ait, semble-t-il, été respecté.
56La prestation de serment apparait comme l’acte fondateur de la carrière de l’avocat auquel une solennité particulière est attachée. L’importance de ce moment est soulignée par les commentateurs qui, par ce biais, font souvent appel à leur propre expérience. L’expérience personnelle de Joseph Pholien en la matière offre une perspective nouvelle sur ces données. La prestation de serment y apparait comme une formalité nécessaire, mais anecdotique au regard du voyage effectué par ce dernier entre le serment et son entrée effective au sein du barreau. Indirectement, il nous renseigne sur certains usages en vigueur au sein de la cour d’appel de Bruxelles et de son barreau. En raison du voyage susmentionné et par crainte de ne pouvoir assister à la séance de rentrée, Pholien a la possibilité de prêter serment prématurément devant une chambre des vacations afin « de ne pas perdre son no d’ancienneté au Barreau81 ». De plus, la mention de l’admission au tableau des stagiaires est absente des mémoires, ce qui indique probablement son caractère quasi automatique.
57Contrairement à sa prestation de serment, Pholien évoque largement le choix de son patron et les circonstances qui l’ont amené à désigner Léon Delacroix. La prosopographie et l’étude des réseaux mettent en évidence certaines logiques internes sous-jacentes concernant cette question. Sur le plan quantitatif, les données montrent d’une part l’attrait particulier de certains maitres de stage autour desquels se concentrent plusieurs stagiaires et d’autre part le choix de certains patrons de n’accueillir qu’un stagiaire par an. Sur le plan qualitatif, les données font apparaitre dans certains cas l’existence de réseaux liés aux universités dans lesquelles stagiaires et patrons ont effectué leurs études.
58
59Les archives de Joseph Pholien confortent en partie cette analyse en démontrant que la manière de postuler répond à un processus codifié : les stagiaires sont introduits soit par leur père, soit sur recommandation d’un tiers. Cet usage apparait évident pour Pholien, présenté par son père à Léon Delacroix, mais également pour certains de ses stagiaires82. Une lettre écrite en 1926 au sujet de la politique d’encadrement de ces derniers révèle que Pholien refuse de prendre en charge simultanément plus de trois stagiaires comme les données prosopographiques le laissaient supposer83. Ces données doivent néanmoins être nuancées compte tenu de l’insertion de la famille Pholien au sein du milieu judiciaire :
J’avais l’impression que les cours m’étaient familiers. Était-ce peut être à raison de l’atmosphère juridique dans laquelle nous vivions au foyer car mon Père me parlait souvent de questions de droit, science qu’il affectionnait depuis ses études à la faculté de droit de l’Université de Liège et son stage en cette ville […]84.
Choix du patron et accomplissement du stage
60Le stagiaire effectue ensuite le stage d’une durée de trois ans, éventuellement prolongeable en cas de non-respect des obligations inhérentes au stage. Ces dernières connaissent de nombreuses réformes dont la plupart vont dans le sens d’un renforcement général des devoirs imputés aux stagiaires. L’Arrêté royal du 13 mars 1887 offre aux conseils de discipline une marge de manœuvre organisationnelle dont les autorités bruxelloises vont se saisir85. Le 16 juillet 1906, celui-ci adopte un nouveau règlement imposant quatre obligations distinctes aux stagiaires : « 1° la fréquentation du cabinet d’un patron ; 2° la fréquentation des audiences des cours et tribunaux ; 3° la défense des indigents dans les affaires civiles confiées par le bureau de consultation gratuite ; 4° l’assistance aux Conférences sur les règles professionnelles. Il est en outre spécialement recommandé aux avocats stagiaires de suivre avec assiduité les travaux de la Conférence du Jeune Barreau86 ». Ce règlement innove en reconnaissant pour la première fois une existence officielle aux cabinets d’avocats.
61Durant son stage, Joseph Pholien se présente comme un stagiaire exemplaire notamment par son implication au sein de la Conférence du Jeune Barreau87. Sur ce point, son profil ne diffère pas de la majorité des stagiaires dont le stage s’effectue dans le délai minimal imparti. Faute de sources, l’implication des stagiaires au sein des organes de l’Ordre est quant à elle difficile à estimer. Le témoignage de Pholien est néanmoins précieux en ce qui concerne son activité au sein du cabinet de Delacroix et l’atmosphère quasi familiale qui y règne88. En effet, si le regroupement des avocats en association est certainement antérieur à la reconnaissance officielle de leur existence, les relations entre stagiaires et patrons demeurent largement méconnues.
62Le corpus des stagiaires de l’année 1905-1906 met aussi en exergue l’existence de trois sous-groupes permettant de mieux comprendre l’évolution des effectifs au barreau et sa composition. Le premier n’achève pas son stage pour des raisons diverses liées à une reconversion professionnelle. Le second quitte la profession d’avocat pour des raisons personnelles et professionnelles : déménagement, reconversion, sanction disciplinaire, etc. Le dernier se compose de stagiaires demeurant au sein de la profession. L’appartenance de Joseph Pholien à ce dernier groupe relativise son expérience du stage et les possibilités de généralisation au départ de ses archives.
63Enfin, les stagiaires identifiés forment un groupe défini arbitrairement, mais reposant sur un statut simultané. Les membres de ce groupe sont pourtant absents des archives de Pholien de sorte qu’il est possible de douter de l’existence de relations entre ceux-ci. A contrario, ces documents montrent son insertion dans un réseau professionnel plus large dépendant de Léon Delacroix. La suite de la carrière de Pholien en qualité de collaborateur au sein du cabinet Delacroix indique bien l’importance du stage comme période fondatrice de la carrière d’avocat aussi bien en termes de formation que de socialisation.
Conclusion
64Il n’existe pas de consensus scientifique sur la manière de définir le concept de groupe professionnel. Un des défis majeurs de l’historien travaillant sur la profession d’avocat est de parvenir à saisir la réalité d’une profession insaisissable et changeante dont l’identité doit être questionnée à travers ses dimensions collectives et individuelles. Il s’agit non seulement de penser la manière dont les avocats font groupe, mais également de réfléchir à ce qui les distingue les uns des autres.
65Les résultats auxquels nous sommes parvenus sont le fruit d’un travail de reconstitution basé sur l’emploi d’une méthode spécifique : la combinaison des approches prosopographique et biographique autour de la question du stage et de la figure de Joseph Pholien. En effet, afin de favoriser la compréhension d’un groupe professionnel, il est indispensable de le replacer dans le système auquel il appartient ou dont il est issu.
66Loin de faire l’objet d’un consensus, la définition et l’application des approches prosopographiques et biographiques demeurent résolument plurielles et fluctuantes. Si leur utilisation connait de nombreuses limites, leur usage conjoint dans une perspective scientifique renouvelée atteste bien de la fertilité de leurs potentialités heuristiques et leurs apports à la recherche pour faire l’histoire des groupes socioprofessionnels. Centrée sur le stage au barreau, la démarche proposée et le croisement des différents types de sources permettent de dépasser les composantes purement normatives et institutionnelles de la question pour lui adjoindre une dimension profondément sociale.
67La prosopographie, en replaçant un profil et une trajectoire dans un ensemble d’autres profils et trajectoires, favorise la production de connaissances à l’échelle de la collectivité, bien que celles-ci soient restreintes aux variables prises en compte. Concrètement, elle permet d’apprécier le fonctionnement du stage, ses réformes et in fine l’évolution interne de la composition du barreau. Le matériel biographique, beaucoup plus complet qu’un autre dans sa description des propriétés individuelles, élargit le spectre des résultats sur la question du stage en mesurant l’importance des choix individuels des stagiaires. Il expose leurs motivations internes, les contextualise au sein du groupe et donne une consistance matérielle au fonctionnement du stage. Il centre l’action sur l’individu observé mis dans son réseau relationnel.
68La mise en œuvre conjointe des deux approches suscite une attention plus soutenue de la part du chercheur que leur application isolée. En outre, si elle rend caduques certaines de leurs limites, des restrictions demeurent. Les questions de la représentativité, du déterminisme et du contexte doivent faire particulièrement l’objet de précautions critiques. Cependant, la démarche vient nuancer les hypothèses respectives des deux approches, rendant possible l’obtention de résultats plus fiables et contextualisés. Dès lors, l’analyse de la profession d’avocat en ressort enrichie.
69Si cette proposition méthodologique est bien entendu susceptible d’être questionnée, son apport et ses contraintes auront permis d’étoffer les perspectives de l’histoire d’une profession, de favoriser une problématisation plus fine du stage au barreau, de corriger les biais de certaines sources. La démarche mériterait toutefois d’être approfondie, à condition de disposer des sources nécessaires. La question du stage demeure centrale dans le processus de structuration de la profession. À ce sujet, le conseil de l’Ordre du barreau de Bruxelles déclarait encore récemment :
L’objectif d’un stage, dont le centre de gravité n’est pas tant le travail en tant que tel que la formation professionnelle bienveillante des plus jeunes et à la transmission du savoir-faire et du savoir être propre à notre profession89.
70Néanmoins, notre démarche offre seulement un instantané de la profession, ne permettant ni de s’interroger sur son évolution sur le long terme ni de saisir son identité et ses modalités d’action dans leur globalité. Par conséquent, les études futures devront nécessairement être élargies pour permettre de saisir les permanences et recompositions identitaires à l’œuvre au sein de la profession d’avocat.
Notes
1 C. Dubar, P. Tripier et V. Boussard, Sociologie des professions, 4e édition, Paris, Armand Colin, 2015, p. 330 (collection U).
2 B. Coppein et J. de Brouwer, Histoire du barreau de Bruxelles. 1811-2011, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 15.
3 B. Guenée, Entre l’Église et l’État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1987, p. 13-14 (Bibliothèque des Histoires).
4 C. Charle, Homo Historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 95-96 (Le temps des idées) et P. Verschueren, Biographie et prosopographie, dans Initiation aux études historiques, éd. R.-M. Bérard, B. Girault et C. Rideau-Kikuchi, Paris, Nouveau Monde, 2020, p. 311.
5 B. Coppein et J. de Brouwer, op. cit., p. 16.
6 Voy. not. G. Martyn e.a. (éd.), Geschiedenis van de advocatuur in de Lage Landen, Hilversum, Verloren, 2009 ; et id., Evoluties en revoluties in de Belgische advocatuur, dans Histoire politique et sociale de la justice en Belgique de 1830 à nos jours, éd. D. Heirbaut, X. Rousseaux et A. Wijffels, Bruges, La Charte, 2004, p. 227-255.
7 B. Coppein et J. de Brouwer, op. cit.
8 Voy. not. J. Decavele et C. Vandewal (dir.) De tempel van Themis. 160 jaar gerechtsgebouw en rechtspraktijk, Gand, Snoeck, 2007; A. Van den Abeele, Geschiedenis van de Orde van advocaten in het gerechtelijke arrondissement Brugge, Bruges, Vanden Broele, 2009 ; B. Quintelier et S. Verstraete (dir.), 1812-2012 : 200 jaar Orde van Advocaten te Antwerpen, Bruges, La Charte, 2012; J. Decadt, 45 jaar balie te Veurne (1968-2013) : historiek en verhaal van de Veurnse advocatuur in de 20e eeuw, Furnes, Orde van advocaten van de balie van Veurne, 2013; E. De Ridder, 80 jaar balie Oudenaarde, 1935-2015, Bruxelles, Larcier, 2015; F. Stevens et E. Goffin, 1842-2017 : 175 jaar geschiedenis van de Orde van Advocaten te Leuven, Louvain, Orde van Advocaten Leuven, 2017.
9 À propos de la féminisation, voy. not. J. de Brouwer, J. Delattre et F. Verslype, Le temps des pionnières. La loi du 7 avril 1922 et l’ouverture du barreau aux premières avocates, dans Journal des Tribunaux, 2022, p. 271-276.
10 S. Didier, La prosopographie, une étude multiscalaire entre individuel et collectif, dans Cahiers d’histoire, vol. 35, 2017, no 1, p. 69.
11 Voy. not. S. Defois, Les Avocats nantais au XXe siècle. Socio-histoire d’une profession, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007 ; et P. Plas, Avocats et barreaux dans le ressort de la cour d’appel de Limoges (1811-1939), Limoges, Pulim, 2007.
12 Voy. not. F. Muller, Création et exploitation d’une base de données prosopographique : l’exemple de la haute magistrature belge du XIXe siècle, dans Les praticiens du droit du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Approches prosopographiques (Belgique, Canada, France, Italie, Prusse), éd. V. Bernaudeau e.a., Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 77-92 ; et F. Muller, X. Rousseaux et E. Ngongo (dir.), C@hiers du CRHiDI no40 : Un corps de l’État à l’heure des Big Data. Prosopographie et histoire judiciaire : les magistrats belges et coloniaux 1795-1962, 2017, en ligne.
13 A. Chastagnol, La prosopographie, méthode de recherche sur l’histoire du bas Empire, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 25, 1970, no 5, p. 1229 ; C. Nicolet, Prosopographie et histoire sociale : Rome et l’Italie à l’époque républicaine, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 25, 1970, no 5, p. 1209 ; et J. Maurin, La prosopographie romaine : pertes et profits, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 37, 1982, no 5-6, p. 824.
14 C. Charle, op. cit., p. 95.
15 Ibid.
16 Ibid., p. 96.
17 Ibid.
18 Ibid., p. 94 ; P.-M. Deplu, La prosopographie, une ressource pour l’histoire sociale, dans Hypothèses, vol. 18, 2015, p. 270 ; et R. Descimon, Prosopographie, dites-vous ?, dans Hypothèses, vol. 18, 2015, p. 336.
19 P. Verchueren, op. cit, p. 317.
20 P.-M. Delpu, op. cit., p. 272-273.
21 S. Didier, op. cit., p. 71.
22 F. Dosse, Biographie, prosopographie, dans Historiographies. Concepts et débats, vol. 1, éd. C. Delacroix e.a., Paris, Gallimard, 2010, p. 84.
23 C. Lemercier et E. Picard, Quelle approche prosopographique ?, dans Les uns et les autres. Biographies et prosopographies en histoire des sciences, éd. L. Rollet et P. Nabonnand, Presses universitaires de Nancy, 2012, Nancy, p. 606.
24 P.-M. Delpu, op. cit., p. 265.
25 C. Lemercier et E. Picard, op. cit., p. 606.
26 P.-M. Delpu, op. cit., p. 265.
27 E. Cottereau, Biographie et prosopographie. Le cas des copistes français au XIVe et XVe siècle, dans Hypothèses, vol. 4, 2001, p. 33.
28 Ibid., p. 36.
29 H. Millet, Notice biographique et enquête prosopographique, dans Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, vol. 100, 1988, p. 90.
30 P.-M. Delpu, op. cit., p. 265.
31 Ibid., p. 266.
32 P. Verchueren, op. cit, p. 318.
33 Ibid.
34 R. Descimon, op. cit., p. 341.
35 C. Charle, op. cit., p. 5.
36 Ibid.
37 Ibid., p. 5 reprenant les critiques de L. Stone, Prosopography, dans Daedalus, vol. 100, 1971, no 1, p. 46-71.
38 C. Charle, op. cit., p. 5.
39 R. Descimon, op. cit., p. 339.
40 Ibid., p. 339.
41 Ibid., p. 339-340.
42 A. M. Hespanha, L’étude prosopographique des juristes : entre les « pratiques » et les « représentations », dans El tercer Poder. Hacia una comprensión histórica de la justicia contemporánea en España, éd. J.-M. Scholz, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 1992, p. 93-101.
43 C. Charle, op. cit., p. 5.
44 C. Lemercier et E. Picard, op. cit., p. 607.
45 Voy. not. V. Bernaudeau e.a., op. cit.
46 Décret impérial du 14 décembre 1810 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat, et la discipline du barreau, art. 23, Bulletin des lois, 4e série, 22, no 332, p. 569.
47 À titre d’exemple, le barreau de Bruxelles n’a conservé que les tableaux de la période 1811-1832, 1907-1908 et 1922-1923. Archives de l’État Forest, Archives du barreau de Bruxelles et producteurs d’archives associés, no 451 et 454-455.
48 P. Plas, op. cit., p. 186-192.
49 P. Verschueren, op. cit., p. 309.
50 Notons que certains fondateurs des Annales comme Lucien Febvre ont eux-mêmes produit des biographies dans lesquelles ils reconnaissent l’utilité du dialogue entre singulier et collectif (L. Avezou, La biographie. Mise au point méthodologique et historiographique, dans Hypothèses, vol. 4, 2001, p. 17-18).
51 M.-A. Kaeser, La science vécue. Les potentialités de la biographie en histoire des sciences, dans Revue d’Histoire des Sciences Humaines, vol. 1, 2003, no 8, p. 140.
52 Ces nouveaux champs sont multiples : histoire de la vie privée, histoire de la sexualité, histoire des femmes ou encore micro-histoire (L. Avezou, op. cit., p. 15-16).
53 Ibid.
54 J.-C. Passeron, Biographies, flux, itinéraires, trajectoires, dans Revue française de sociologie, vol. 31, 1990, no 1, p. 3-22 ; G. Levi, Les usages de la biographie, dans Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 44, 1989, no 6, p. 1325-1336 ; O. Schwartz, Le baroque des biographies, dans Cahiers de philosophie, vol. 10, 1990, p. 173-183 ; et J. Le Goff, Comment écrire une biographie historique aujourd’hui ?, dans Le Débat, vol. 2, 1989, no 54, p. 48-53.
55 Ibid., p. 50.
56 L. Avezou, op. cit., p. 19 ; et G. Levi, op. cit., p. 1325.
57 Ibid.
58 Ibid., p. 22.
59 Ces avocats ont souvent déjà fait l’objet d’ouvrages biographiques. À titre d’exemple, voy. P. Aron et C. Vandepelen-Diagre, Edmond Picard (1836-1924) : un bourgeois socialiste belge à la fin du dix-neuvième siècle. Essai d’histoire culturelle, Bruxelles, Musée royaux des beaux-arts de Belgique, 2013.
60 Archives générales du Royaume (cité après AGR), Joseph Pholien (cité après JP), nos 49-59.
61 Ibid., no 3.
62 J.-C. Passeron, op. cit., p. 5.
63 AGR, JP, no 3A, 1914-1918, f° [52].
64 Ibid., no 3A, 1884-1910, f° [1].
65 P. Bourdieu, L’illusion biographique, dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, 1986, p. 69.
66 AGR, JP, no 3A, vie politique, f°[59].
67 L. Avezou, op. cit., p. 23.
68 L. Rollet et P. Nabonnand, Définir, classer, compter : biographie et prosopographie en histoire des sciences, dans Les uns et les autres. Biographies et prosopographies en histoire des sciences, op. cit., p. 11.
69 P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971, p. 23 (Points).
70 I. Jablonka, L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Seuil, 2014, p. 307.
71 E. Haddad et V. Meyzie, La littérature est-elle l’avenir de l’histoire ? Histoire, méthode, écriture, dans Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 4, 2015, no 62, p. 151.
72 P. Boucheron, Faire profession d’historien, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, p. 167.
73 Ibid.
74 S. Didier, op. cit., p. 63.
75 M.-A. Kaeser, op. cit., p. 142-143.
76 S. Didier, op. cit., p. 66.
77 AGR, JP, no 248, lettre d’André Janssens-Brigode, 5 juillet 1945.
78 Ibid., Lettre envoyée par Jean Mikolajczak, 14 janvier 1942.
79 Voy. not. X. Dusausoit, Les collèges jésuites et la société belge du XIXe siècle (1831-1914). Échanges, influences et interactions, thèse de doctorat en histoire, Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 2005, p. 350 ; et F. Muller, Les magistrats sortis des collèges jésuites : approche prosopographique (1830-1914), dans Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles, éd. A. Deneef et X. Rousseaux, Bruxelles, Prosopon, 2012, p. 465-476.
80 AGR, JP, no 3A, 1884-1910, f° [5].
81 Ibid., f° [7].
82 Ibid., no 248, lettre de J. Vossen 20 septembre 1944.
83 Ibid., no 222.
84 Ibid., no 3A, 1884-1910, f° [5].
85 A.R. du 13 mars 1887, M.B., 16 mars 1887.
86 X., Règlement du stage. Arrêté en séance du Conseil de l’Ordre du 16 juillet 1906, dans Journal des Tribunaux, 1906, col. 1008.
87 AGR, JP, no 3A, 1884-1910, f° [23].
88 Ibid., f° [6-7].
89 Ordre français du Barreau de Bruxelles, « Rapport d’activités 2020/2022. Avançons ! » ; en ligne, https://www.barreaubruxelles.be/index.php/rapport-2020-2022/sommaire/le-stage?fbclid=IwAR1Ep5mvjY8CAiTFAfYuo55A8YRMJyidwAUNuyHC8JpBW8GjES_eQbiIV68, consulté le 10 novembre 2022.