Masculinité, pudor et uerecundia : analyse des transgressions de genre masculines dans la littérature latine du 1er s. av. n. è. au 3e s. de n. è.
Assistante en histoire de l’antiquité à l’UCLouvain, membre de l’Institut des civilisations, arts et lettres (INCAL), du Laboratoire de recherches historiques (LARHis) et du Groupe de recherche en études de genre (GREG), Héloïse Malisse mène en parallèle une thèse de doctorat sous la houlette de la Prof. Françoise Van Haeperen. Ce projet de thèse est consacré à l’étude du pudor et de la uerecundia dans la littérature latine du 1er siècle avant notre ère au 3e siècle de notre ère, dans une perspective historique, genrée et sociologique de la réputation et du comportement attendu des Romains et des Romaines.
Résumé
L’analyse des occurrences des termes pudor, uerecundia et de leurs dérivés dans les épisodes d’attitudes transgressives commises par des hommes dans la littérature latine permet, en négatif, de percevoir quelles étaient les valeurs propres à la masculinité dans les schémas de pensées dominants. Les hommes impudici semblent en effet être la véritable antithèse du uir Romanus, que ce soit en termes d’habillement, de démarche, d’asservissement aux plaisirs, de comportements sexuels et d’absence de toute uirtus et de constantia.
Abstract
The analysis of the occurrences of the terms pudor, uerecundia and their derivatives in the episodes of transgressive attitudes committed by men in Latin literature allows us to perceive in negative what were the values proper to masculinity in the dominant patterns of thought. The impudici men seem indeed to be the antithesis of the uir Romanus, whether in terms of dress, gait, subservience to pleasures, sexual behavior and absence of any uirtus and constantia.
1. Introduction
1Lorsqu’il s’agit de dresser le catalogue des conduites appropriées et inappropriées dans la Rome antique, l’étude des occurrences des termes pudor et uerecundia ou l’un de leurs dérivés dans la littérature latine peut être une bonne entrée en la matière. Les Anciens utilisaient en effet ces deux termes pour désigner un sentiment ou un état d’esprit que nos langues occidentales contemporaines ont pour ainsi dire éclaté : ces termes polysémiques revêtent des significations différentes, voire même opposées dans le langage actuel, à savoir l’honneur, la moralité, la honte, le déshonneur, mais aussi le sentiment de honte, de retenue, de délicatesse. Cette polysémie a ainsi souvent valu à ces termes de ne pas être analysés dans toute leur richesse sémantique, les chercheurs se limitant souvent à un seul de leurs « champs d’action », selon l’orientation générale de l’étude qu’ils menaient. On peut distinguer ainsi deux grands ensembles distincts dans l’historiographie : d’une part, les travaux où le pudor est compris comme relevant de l’honneur et de la pudicitia1, d’autre part, ceux pour lesquels est privilégiée la dynamique honte/réserve qui permet d’éviter une situation honteuse2. C’est J.-F. Thomas qui a mis en lumière toute la complexité du pudor et de la uerecundia avec son étude sémantique du déshonneur et de la honte dans le latin classique publiée en 20073. Il y démontre ainsi que ces deux termes font partie de la « morale pratique où l’orientation de la conduite est liée à la conscience de la norme et à la représentation que le sujet a de sa dignité ou de son indignité »4. S’ils recouvrent plusieurs sèmes communs, J.-F. Thomas souligne que la uerecundia est un concept d’appréhension objective et prévoyante (une forme de « disposition psychologique »), alors que le pudor est davantage un mouvement de la conscience morale qui permettrait au sujet qui l’expérimente d’éviter l’opprobre5.
2Si la contribution de J.-F. Thomas est capitale pour comprendre la manière dont les Anciens usaient de ces deux termes, son angle d’approche est, comme son titre l’indique, résolument sémantique. Une analyse anthropologico-historique de l’ensemble des dimensions que revêtent le pudor et la uerecundia et des mécanismes mis en œuvre par les sujets pour éviter le blâme et ainsi conserver leur honneur n’a pas encore été réalisée. À la lecture des textes latins antiques du 1er s. av. n. è. au 3e s. de n. è.6, on peut en effet se rendre compte que les règles en la matière diffèrent selon le contexte dans lequel une personne expérimente le pudor ou la uerecundia, mais également selon le statut, l’âge et le genre de celle-ci : la société romaine n’attendait pas la même chose d’une matrone, d’une jeune fille célibataire née libre ou d’une affranchie7, par exemple. En ce qui concerne le cas des hommes et plus précisément les membres de l’élite sénatoriale, nous proposons ici d’étudier le cas des individus qui s’écartent – volontairement ou non – du modèle traditionnellement de mise pour cette partie de la population romaine. La méthode historique employée ici s’apparentera à celle de l’anthropologie, à l’instar de celle des membres du centre de recherche français Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (ANHIMA), parmi lesquel·le·s on peut citer S. Boehringer8. Pour éviter d’être taxée d’anachronisme, il paraît ainsi judicieux d’analyser les passages où les auteurs antiques insistent eux-mêmes sur le sexe des protagonistes qu’ils décrivent et pour lesquels l’un des termes étudiés ici est utilisé. Ceux-ci sont au nombre de soixante-et-un sur les 1096 qui constituent le corpus des occurrences des termes pudor, uerecundia et de leurs dérivés dans l’ensemble de la littérature latine du 1er s. av. n. è. au 3e s. de n. è.
3Sans surprise pour celles et ceux qui ont connaissance des études relatives à la masculinité romaine9, aucune de ces soixante-et-une attitudes transgressives n’est perçue positivement par les auteurs : toutes sont, au contraire, fermement décriées par ces derniers. Vingt-quatre (39%) sont en lien avec la sexualité des protagonistes masculins ; douze (20%) avec l’apparence physique ; douze autres (20%) avec la force physique, le courage (ou l’absence de celui-ci) ; neuf (15%) avec la thématique du luxe et de la décadence des mœurs en la matière et quatre varia. À ces soixante-et-une occurrences, on peut ajouter huit autres passages relatant des cas d’attitudes transgressives de la part d’hommes et de femmes. Ceux-ci concernent presque tous des cas où les personnages féminins font (étonnamment, aux yeux des auteurs antiques) preuve de plus de courage ou de fermeté de caractère que leurs homologues masculins qui se comportent en couards. Le ton y est, bien entendu, laudatif pour les femmes et plus critique pour les hommes.
4Le corpus qui nous occupera ici sera donc composé de soixante-neuf occurrences issues de différents contextes littéraires. Un épisode en particulier peut servir de fil rouge afin d’avoir un aperçu du bon comportement qui était attendu des hommes à l’époque, du moins tels que les auteurs anciens les décrivaient. Il s’agit du travestissement d’Achille en Pyrrha durant son séjour sur l’ile de Scyros que relate Stace dans son Achilléide, travestissement que le héros, comme nous le verrons, perçoit lui-même dès le début comme étant potentiellement répréhensible. Si choisir un épisode mythologique grec pour illustrer les identités de genre romaines peut sembler étonnant, il s’avère que les réflexions en matière de transgressions des normes de la masculinité présentes dans ce récit trouvent écho dans le reste de la littérature latine, peu importe le contexte littéraire, que ce soit dans le corpus des soixante-neuf occurrences qui nous intéressent ici ou dans des passages où aucun des termes étudiés ici n’est présent. Grâce à la description relativement détaillée des péripéties du travestissement d’Achille, Stace nous permet de comprendre en quoi consistaient les normes masculines en matière de pudor et de uerecundia, qu’il s’agisse d’allures à adopter en public, de codes vestimentaires, d’attitudes a priori « naturelles » qui découleraient du sexe biologique d’un individu, de comportements sexuels ou d’honneur masculin.
2. Le cas de transgression vestimentaire masculine
5Après avoir pris le temps pendant cent vers de présenter le contexte de son récit, Stace retrace l’enfance du héros et l’éducation qu’il a reçue. Il s’agit d’une éducation à la dure menée par le centaure Chiron qui veut inculquer l’endurance, la maîtrise des armes et le courage à ses élèves. Une fois ce cadre posé, Thétis, la mère d’Achille, entre en scène : n’ayant pu trouver d’aide extérieure pour protéger son fils du destin funeste qui l’attend, elle décide de l’enlever pour le cacher, travesti en jeune fille, sur l’ile de Scyros à la cour du roi Lycomède. Pour que la supercherie fonctionne, il est bien entendu nécessaire qu’Achille délaisse son habit pour adopter une palla brodée10, ce vêtement féminin que l’on enfile, au contraire du pallium avec lequel on se drape11. Le jeune héros, en voyant ces atours, rechigne à obéir à sa mère. Le monologue de Thétis qui suit est alors particulièrement éclairant. Elle commence par lui demander de délaisser son animus uirilis et de juger digne le vêtement qu’elle porte, comme l’a fait avant lui Bacchus, Jupiter lorsqu’il s’est travesti en Diane pour tenter de séduire Callisto ou encore Cénée redevenue Caenis après sa mort : aucun, ajoute-t-elle, n’a été diminué par le travestissement ou le changement de sexe12. Elle précise aussi que le subterfuge ne sera que temporaire. Poursuivant son plaidoyer, elle lui demande s’il a honte (pudet) de l’habit féminin qui l’adoucirait : si c’est pour cette raison, elle le lui promet, jamais Chiron ne le saura. Par-là, Thétis donne l’impression que le travestissement n’a rien de honteux à partir du moment où le centaure, cette figure mâle par excellence dans l’esprit du jeune homme, n’en a pas connaissance : ce serait donc la peur du discrédit aux yeux de son entourage qui dicterait la conduite de son fils. La suite du récit semble le confirmer puisque, écrit Stace, Achille, malgré les arguments de sa mère, se refuse toujours à se laisser travestir, car le souvenir de Chiron l’en empêche, tout comme son tempérament de futur héros13.
6L’habillement est sans conteste un marqueur social pour les Anciens. Pour l’illustrer, reprenons l’une des critiques les plus violentes de la littérature latine antique en matière d’habillement inapproprié, à savoir celle de Suétone à l’encontre de Caligula qui s’habillait de façon grotesque, allant même jusqu’à parodier des divinités : « Ses vêtements, sa chaussure et sa tenue en général ne furent jamais dignes d’un sénateur (patrio), ni d’un citoyen (civili), ni même de son sexe (uirili), ni, pour tout dire, d’un être humain (humano). »14. La gradation dans la réprobation de Suétone est particulièrement révélatrice de la signification de l’habillement dans la société romaine et nous permet d’éviter le piège de l’anachronisme puisque, avant d’être l’apanage d’un sexe, le vêtement est d’abord défini par le statut des individus : l’enfant libre, la jeune fille, la matrone, la prostituée, le soldat, le simple citoyen, le sénateur et l’esclave ont tous un code vestimentaire bien spécifique15. Comme V. Huet l’a démontré, les habitudes vestimentaires somptueuses et fantasques de Caligula contrastent avec la mise sobre et digne d’Auguste16. Ce que Suétone reproche à Caligula, c’est de ne pas respecter les codes vestimentaires propres à son rang, déshonorant ainsi l’image de la citoyenneté romaine dont il est censé être le premier représentant.
7En ce qui concerne Achille, à ce stade du récit, on ne peut expliquer sa réticence par une volonté tout héroïque de prendre part à la guerre de Troie : il ne sait pas exactement pourquoi sa mère désire l’éloigner, si ce n’est pour éviter tout periculum17 qu’elle n’a pas pris la peine de lui expliciter. Le dégout de se voir affublé de vêtements féminins apparaît donc comme étant la seule raison du refus du jeune homme, dégout qu’il éprouvera de nouveau plus tard dans le récit lorsqu’un bouclier étincelant lui renverra son image de jeune homme travesti. Horrifié et honteux de lui-même, il finira par se débarrasser de son déguisement, sous les encouragements d’Ulysse18. Cette aversion apparaît également chez Déjanire, dans la lettre à Hercule qu’Ovide lui fait écrire. Elle désapprouve le séjour de son époux chez Omphale qui l’avait forcé à se travestir et à s’adonner au filage de la laine : « Tacher d’une note infamante (stuprum notum) tes exploits antérieurs, qu’est-ce sinon publier une honte déplorable (miser pudor) ? »19. Il lui semble d’ailleurs anormal que le pudor d’Hercule ne l’ait pas empêché (non puduit) de couvrir ses bras de bijoux d’or et de pierreries et qu’il ait osé (ausus es) coiffer ses cheveux de la mitre, tout en portant une ceinture à la mode des lasciuae puellae20. Cet excès d’attention pour l’apparence est en effet perçu comme un trait propre aux femmes. Contrairement aux hommes, celles-ci ont la chance, nous dit Ovide, de pouvoir réparer les torts que la nature et le temps leur font, que ce soit en se procurant ouvertement des perruques, ou en se maquillant pour cacher leurs défauts : nec pudor est à cela, selon le poète21. Une explication toute prosaïque à cette différenciation sexuelle peut être trouvée chez Tite-Live, lorsqu’il relate les débats sur l’abrogation ou non de la Loi Oppia en 195 av. n. è. Ainsi, Lucius Valérius, qui se montrait favorable à l’abolition de la loi somptuaire, justifie le goût (et le droit) qu’ont les femmes à se soucier des ornements (ornatus), de l’élégance (munditia) et de la parure (cultus), car, contrairement aux hommes, elles ne peuvent prétendre aux magistratures, aux sacerdoces, aux triomphes, aux distinctions honorifiques, aux récompenses et aux dépouilles militaires. Leur apparence est donc le seul moyen pour elle de s’enorgueillir (glorians)22. De même, en exposant en quoi la uerecundia permet aux êtres humains – c’est-à-dire aux citoyens romains, bien entendu – d’avoir une apparence convenable (decorum), Cicéron affirme qu’il existe deux types de beautés : « dans l’une se trouve la grâce (uenustas) ; et, dans l’autre la dignité (dignitas), nous devons tenir la grâce pour une qualité féminine (muliebris), et la dignité pour une qualité masculine (uirilis). »23. Il invite ainsi les hommes (uiri) à éviter tout ornement indigne (non dignitus ornatus) dans l’apparence, mais également dans le geste et le mouvement ; droiture et simplicité (rectus et simplex) doivent être les maîtres mots24.
3. Molles ingressus et mollitia : indicateurs de la féminité d’un individu
8Ces conseils cicéroniens font bien entendu penser aux hommes effeminati ou delicati qui font, eux aussi, l’objet d’une vive désapprobation dans la littérature latine. Ces hommes efféminés ne s’affublent pas de réels vêtements féminins, mais plutôt d’habits masculins qu’ils portent mal, ce à quoi ils ajoutent une démarche souple, voire molle, contraire à la grauitas et à la duritia qui caractérisent le uir honorable25. Il ne s’agit pas ici de faire un amalgame entre les hommes travestis et les effeminati : si le travestissement n’est pas légalement punissable, il est perçu comme une véritable transgression morale par les Anciens26 qui dépasse de loin le jugement porté sur les hommes effeminati27. Néanmoins, des attitudes similaires peuvent être décelées entre ces deux catégories de transgressions vestimentaires réalisées par des hommes. C’est le cas de la démarche souple. Celle-ci semble en effet être proprement féminine puisque Thétis, après qu’Achille ait accepté de participer à la supercherie, lui apprend notamment à se mouvoir comme une jeune fille28, c’est-à-dire adopter une mollis gressus29. La mollitia est d’ailleurs une attitude toute féminine selon certains auteurs antiques. Ainsi, Vélleius Paterculus, lorsqu’il décrit Mécène, souligne que, si ce dernier pouvait se priver de sommeil quand cela était nécessaire, « sitôt qu’il pouvait relâcher quelque peu ses activités, il se laissait aller à une oisiveté (otium) et à une molle indolence (mollitia) qui dépassaient presque celles d’une femme (ultra femina fluens). »30. Dans la littérature latine, nombreux sont les exemples d’hommes efféminés s’adonnant à la mollitia, cette attitude douce et molle qui, comme C. Williams l’a démontré, est considérée comme normative pour les femmes et les jeunes garçons, mais extrêmement réprouvée chez les hommes adultes31. Sénèque, en voulant expliquer dans son traité De la vie heureuse pourquoi l’épicurisme a une mauvaise réputation, résume assez bien les raisons de cette condamnation morale : « Quiconque tend vers la vertu (uirtus) fait preuve d’un noble caractère, celui qui suit la volupté paraît énervé (eneruis), amolli (fractus), en train de dégénérer de sa qualité d’homme (degenerans uir), prêt à passer aux pires turpitudes »32. Par effeminati ou molles, les Anciens ne désignaient non pas des hommes qui adopteraient un comportement propre aux femmes, mais plutôt des individus libres de sexe masculin qui ne sont pas suffisamment virils. En ce sens, la mollitia peut se comprendre comme étant le « manque de masculinité sociale » d’un citoyen, pour reprendre F. Dupont et T. Éloi33. C’est en effet bien là le principal reproche que les Anciens faisaient aux efféminés : en s’abandonnant par trop au repos et aux plaisirs de toutes sortes, ils se montraient indignes du statut de citoyen romain et plus généralement du uir bonus qui maîtrise ses pulsions et ses désirs, tout en agissant avec le sens du devoir34. L’efféminé, écrit Cicéron, est donc un homme qui organise sa vie autour de la volupté et dont la uerecundia est comme défaillante puisqu’elle ne l’incite pas à dissimuler ses vices : il n’est rien moins que l’esclave des plaisirs35.
4. La corrélation entre mollitia et impudicitia : les impudici
9D’ailleurs, les effeminati apparaissent également dans onze des soixante-neuf occurrences qui nous occupent ici, avec des termes liés à l’impudicitia. L’impudicitia est l’antonyme de pudicitia et signifie « l’absence du sentiment de retenue/dans la vie intime des hommes et des femmes/qui ne vivent pas conformément à leur dignité/et montrent une grande constance dans leur conduite »36. Les hommes impudici sont donc des personnes qui ne respectent pas les principes de pudeur sexuelle et de retenue de la société romaine. L’impudicitia masculine correspond à la soumission de son corps au plaisir d’un autre homme et, par-là, à endosser en quelque sorte le rôle d’épouse, pour reprendre la formulation ironique de Curion lorsqu’il accusait César d’être à la fois adultère et impudicus37. L’intégrité sexuelle du corps fait partie intégrante de l’honneur du citoyen, en témoigne le célèbre épisode du soldat coupable du meurtre d’un membre de la famille de C. Marius, mais que ce dernier acquitta, car il avait agi de la sorte pour éviter de subir la honte de voir sa pudicitia ravie par son supérieur militaire38. Comme l’ont déjà souligné F. Dupont et T. Éloi39, ce n’est pas l’acte sexuel en lui-même qui pose problème, mais plutôt le fait que des citoyens fassent volontairement le choix de subir une telle infamie40.
10Pour les cinquante-huit occurrences restantes, trente sont dotées de mentions plus circonstanciées : un élément de la conduite propre aux hommes efféminés est présent, comme une chevelure frisée artificiellement, des tenues vestimentaires inadéquates, une participation trop accrue aux banquets, un penchant trop marqué pour le luxe, etc. Les hommes faisant preuve d’impudicitia sont donc bien souvent assimilés à des effeminati, en témoigne Sénèque le rhéteur qui se désole de voir les jeunes hommes de son temps délaisser l’art oratoire, une discipline nécessitant rigueur et étude. À la place, se lamente-t-il, ils préfèrent s’adonner au sommeil et à l’indolence, aux arts scéniques (particulièrement le chant et la danse qui, selon lui, efféminent les âmes viriles), s’ondulent les cheveux, tentent de rendre leur voix aussi douce que celle des femmes, rivalisent avec elles pour la mollitia corporis. En général, selon le rhéteur, ce genre de personnages, dont aucun n’est assez viril (quis satis vir est ?), négligent leur pudicitia41. D’après Suétone, Vespasien aurait lui aussi fait la même association à propos de l’un de ses amis, Licinius Mucianus qui était d’une nota impudicitia et qui se permettait de lui manquer de respect, sous prétexte des services qu’il lui rendait : « Moi, pourtant, je suis un homme. »42. Si l’impudicitia d’un homme implique qu’il soit efféminé, l’inverse peut également être de mise : les Anciens supposaient qu’un homme à l’apparence et aux attitudes molles soit impudicus. Quintilien fait ainsi le lien entre les deux lorsqu’il veut illustrer le fait qu’un orateur doit se méfier des indices qui pourraient le mener à tirer des conclusions trop hâtives :
Peut-être pourra-t-on dire qu’un corps épilé, une démarche chaloupée, un costume efféminé sont les indices d’un caractère mou et peu viril (mollis et parum uir), s’il est vrai (car l’indice est proprement ce qui, à l’occasion de ce dont il s’agit, vient naturellement à notre regard) que ce comportement découle d’une dépravation (impudicitia), comme le sang découle lui-même d’un meurtre43.
11Sénèque en fait de même dans l’une de ses lettres à Lucilius où il explique que le moindre détail dans l’apparence peut être un indice de la moralité (mores) : selon lui, l’impudicus se remarque par sa démarche (encore elle !), un mouvement de la main, parfois même par une simple remarque ou une façon de couler le regard44.
12Comme l’ont déjà démontré plusieurs chercheurs·euses45, il serait cependant réducteur de voir dans tous les hommes impudici et effeminati des « homosexuels » ou, pire, comme des « homosexuels passifs »46 qui n’endosseraient que le rôle du pénétré dans une relation sexuelle. Si la majorité des auteurs antiques semblaient percevoir les relations sexuelles comme un rapport entre un homme qui pénètre et une personne qui est pénétrée, et où la personne qui pénètre est virile alors que l’autre ne l’est pas47, la binarité homosexualité-hétérosexualité n’existait pas dans l’Antiquité48. Othon, par exemple, pathicus49 notoire selon Juvénal50, cumulait les vices : il avait des coquetteries presque féminines, il se faisait épiler, portait une perruque pour cacher sa calvitie, avait une démarche et des attitudes molles, tout en s’adonnant aux beuveries, aux adultères et aux relations sexuelles avec d’autres hommes, parmi lesquels, Néron lui-même51. Si, comme l’avancent Tacite et Suétone, Othon sacrifiait fréquemment sa pudicitia, il avait également des relations sexuelles avec des femmes mariées, se rendant ainsi coupable du crime d’adultère52. Effeminatus, impudicus et adulter représentent trois méfaits différents, mais que l’on peut fréquemment trouver cités ensemble dans le but de décrédibiliser un homme, particulièrement dans un contexte politique53. Être coupable de l’un, de l’autre ou de tous à la fois, c’est être en quelque sorte l’antithèse de ce que doit être le uir Romanus qui respecte et reconnaît la patria potestas de ses concitoyens, tout en se montrant à la hauteur de la dignité que son statut de citoyen lui confère.
5. Le comportement érotique masculin normé
13Cela ne veut pas dire pour autant que le comportement sexuel masculin normé relevait de l’austérité. En effet, autant une hypersexualité fait l’objet de mépris et de raillerie de la part de l’élite masculine romaine, autant une austérité complète en la matière était perçue comme une forme de refus de la masculinité sociale. Un uir Romanus a des besoins sexuels qu’il doit satisfaire, mais dans les conditions et les moments opportuns. Avoir des relations sexuelles – consenties ou non – avec certains types de personnes, comme un autre citoyen, l’épouse d’un autre citoyen, un enfant né libre, l’esclave d’autrui, pouvait avoir pour conséquence d’être poursuivi en justice ou tout du moins, exposait le coupable à une ferme condamnation morale54. De même, une bonne partie de la journée est sensée être consacrée au travail (negotium), la fin de celle-ci et la nuit au repos et aux délassements (otium)55. Comme l’ont souligné F. Dupont et T. Éloi, c’est la modération qui est de mise56. Pour l’illustrer, ils citent Horace57 qui relate la réaction que Caton aurait eue en voyant sortir d’un lupanar un homo notus. Le rigide censeur l’en aurait félicité, car, selon lui, c’est dans ce genre d’endroits que les jeunes hommes peuvent aller satisfaire leur désir sexuel, plutôt que de s’en prendre à l’épouse d’un autre citoyen. Selon une glose du Pseudo-Acron, le censeur, voyant le jeune homme un peu trop souvent sortir du même lupanar, lui aurait dit « Jeune homme ! Je t’ai approuvé de venir ici de temps à autre, mais pas d’y établir domicile ! »58. La sexualité masculine romaine normée ne relève donc pas d’une logique de l’abstinence, mais bien de celle de la modération.
14L’abstinence ou la timidité peuvent ainsi être perçues comme déviantes. On peut à nouveau en retrouver une illustration dans le récit de travestissement d’Achille. En effet, si le jeune héros en devenir cède à la demande de sa mère, ce n’est qu’après avoir entr’aperçu la belle Déidamie pour laquelle il ressent un désir immédiat : se travestir en jeune fille lui permettra d’être au plus près d’elle. Alors qu’il a rejoint la cour de Lycomède et le groupe des jeunes compagnes de la princesse, il s’adonne à des activités toutes féminines, comme la musique, la danse et le tissage de la laine. Après quelque temps, un retour sur sa conduite commence à s’opérer en lui : il se rend compte que son comportement n’est pas en adéquation avec son identité de mâle. Ainsi, en pensant aux activités auxquelles doit s’appliquer Patrocle pendant que lui est occupé à jouer à la jeune fille, il éprouve de la honte (pudet)59. Pire, se sermonne-t-il, il brûle de désir (ignis) pour une jeune vierge de son âge et il le dissimule nuit et jour. Ne pourra-t-il pas prouver qu’il est viril (mas) en amour, pudet heu60 ! Après s’être ainsi réprimandé, il se décide à violer la jeune fille et, ce, en toute discrétion puisque les cris que poussent la pauvre Déidamie pendant le méfait sont perçus par ses compagnes comme le signal du début des festivités à Bacchus. Après avoir satisfait son désir de mâle, Achille lui révèle sa véritable identité. Tentant de la consoler, il lui rappelle son lignage prestigieux qui rendrait le viol plus acceptable pour la jeune fille puisqu’elle deviendrait ainsi la bru du dieu Océan61. Il lui explique également qu’il n’aurait pas revêtu ce vêtement qui le déshonore (foedum tegmen) et qu’il ne se serait pas adonné à toutes les activités féminines qui l’occupent depuis lors s’il ne l’avait vue62. Achille excuse en quelque sorte son dégradant travestissement vestimentaire : il n’a finalement fait que réagir aux impératifs liés à un désir sexuel conforme à son identité de mâle. Il reprend par-là l’un des arguments que sa mère avait mentionné au début du récit, à savoir l’épisode de Jupiter qui s’était travesti en Diane pour pouvoir approcher plus facilement Callisto et la violer ensuite63.
15Dans le reste du corpus qui nous intéresse ici, huit des vingt occurrences relatives à des attitudes sexuelles transgressives commises par des hommes traitent de la thématique de l’impuissance. Tout problème de dysfonction érectile est, sans surprise, perçu comme une preuve d’absence de masculinité. Martial raille ainsi un certain Glyptus qui se serait délesté de sa verge impuissante en la tranchant : « Pourquoi as-tu utilisé le fer, fou que tu es ? Tu étais déjà un galle. »64. En le comparant ainsi à l’un de ces dévots de Magna Mater qui se châtraient volontairement en son nom65, le message que veut faire passer Martial est clair : sans la capacité d’être en érection, Glyptus n’est plus un uir. La plupart des occurrences des termes pudor, uerecundia et de leurs dérivés en la matière concerne Ovide – ou du moins le narrateur qu’il met en scène. Elles se trouvent dans l’un des poèmes de ses Amours où il peste et se lamente de n’avoir pu faire l’amour à la puella chez qui il était pour la nuit. Les premiers vers66 font penser à la huitième épode d’Horace ou encore à une épigramme de Martial67 où ceux-ci évoquent une expérience similaire : eux aussi blâment, avec un ton bien plus violent cependant, le physique repoussant de leur partenaire. Par-là, ils rejettent sur elle la responsabilité de leur impuissance : leur masculinité est ainsi dédouanée de toute responsabilité. Ovide précise cependant rapidement qu’il n’a pu avoir une érection malgré le désir (cupiens) qu’il avait pour la puella et malgré l’attitude lascive et séduisante de cette dernière. Voici donc la partenaire féminine innocentée : elle a rempli son rôle, elle. Il reconnaît que c’est de lui que vient le problème, ou plutôt de son phallus qu’il compare à un tronc mort, à une simple image étendue là, inanimée. Il s’inquiète également de ce que seront ses performances sexuelles lorsqu’il sera plus âgé (senectus) s’il ne parvient plus déjà maintenant à faire l’amour : il a honte (pudet) de son âge et se demande à quoi bon être jeune (iuuenis), être un homme (uir) s’il ne peut rien prouver de tout cela à son amica68. Nous retrouvons donc la même idée que Martial avançait dans un contexte satirique : la virilité sexuelle se traduit par une érection sur commande ; Ovide n’y étant parvenu, il estime ne pas avoir été un vrai homme. Dans la suite du poème, le poète mentionnera encore par deux fois qu’il n’a pas été viril69. Ovide tente tout de même de se rassurer en rappelant avec une exagération marquée qu’il a pourtant pu satisfaire d’autres puellae (jusqu’à neuf fois en une nuit avec Corinne). Il se demande donc s’il n’a pas été l’objet d’un poison, d’un philtre ou d’une autre forme d’ensorcellement. Si cette explication reste hypothétique (forsiter), il est plus catégorique pour la deuxième, d’ordre psychologique, qu’il donne : c’est la honte (pudor) de son impuissance qui lui a nui (nocere). Constatant qu’il ne parvient pas être en érection, Ovide expérimente une forme de blocage : il a conscience de ne pas correspondre aux critères sexuels du uir, reste comme englué dans la panique de ne pouvoir performer et ne parvient pas à y remédier. La puella était pourtant belle et aurait plu à n’importe quel être doté de virilité précise encore le poète. Il apostrophe par la suite son phallus :
Pourquoi restes-tu là toute honteuse (pudibunda), pire partie (pars pessima) de moi-même ? C’est ainsi que, avant de venir chez mon amie, je me suis laissé prendre par tes promesses ; tu trompes ton maître (dominus), et à cause de toi, en me prenant par surprise, complètement désarmé, j’ai subi, à ma grande honte (magnus pudor) un bien triste dommage70.
16Ce genre d’invective d’un homme à son pénis qui refuse de se dresser n’est pas isolée dans la littérature latine,71 mais le ton d’Ovide est bien plus dramatique que celui des autres auteurs. La compagne d’un soir du poète alla même, mentionne-t-il, jusqu’à caresser son membre, sans succès. Elle finit donc par s’emporter contre lui : pourquoi venir chez elle, s’il n’en avait pas envie ? Ou peut-être, dit-elle, son impuissance est-elle due à un ensorcellement ou, pire, au fait qu’il se soit épuisé dans le lit d’une autre juste avant. Elle sort du lit et se lave pour donner le change à ses servantes et dissimuler par-là l’affront (dedecus) qu’elle vient de subir. Si certains ont vu dans ce poème un ton ironique de la part d’Ovide dans la manière qu’il a de décrire son impotence sexuelle72 et si d’autres ont même démontré qu’il avait été parodié par d’autres auteurs73, il n’en reste pas moins que le poète fait référence à des éléments qui résonnent dans les représentations mentales de son époque, qu’il y ait ou non une volonté de les tourner en dérision. Les trois autres occurrences traitant de cette même thématique sont présentes dans une œuvre où le ton satirique ne peut par contre pas être mis en doute, puisqu’il s’agit du Satiricon de Pétrone. En procédant à une analyse intertextuelle, J. McMahon a d’ailleurs mis en avant le pastiche que l’auteur a fait du poème élégiaque d’Ovide74 : certains éléments semblent effectivement empruntés au poète, mais tout y est plus dramatiquement grotesque. Alors qu’Encolpe n’a pas réussi, durant deux nuits consécutives, à être en érection pour Circé, il la quitte après que celle-ci, de colère, l’ait fait battre par ses esclaves. Avant de rejoindre son acolyte Eumolpe et son cher Giton, il dissimule par honte (pudor) les traces des coups de fouet sur son corps et feint d’être malade, de peur que son humiliation (contumelia) ne fasse rire ses deux comparses75 : ici, c’est donc la peur du regard des autres et de leur jugement qui dicte le comportement d’Encolpe. Comme Ovide, il invective son organe défectueux, l’appelant de façon tragi-comique omnium hominum deorumque pudor, lui demandant pourquoi il l’a ridiculisé alors qu’il est censé avoir la vigueur de sa jeunesse et non pas l’impuissance de la vieillesse (senectae ultimae lassitudo) qu’il lui a imposée76. Après avoir ironiquement cité quelques vers de l’Énéide, il se met à rougir de ses propos, car, dit-il, il a oublié sa uerecundia, c’est-à-dire la pudeur sensée être naturelle à tout être humain77, au point d’en venir à parler à cette partie de son corps que les hommes sévères (seueriores homines) ont appris à garder secrète78. Cette allusion sarcastique à Cicéron79 et plus généralement aux stoïciens est rapidement suivie d’un revirement de pensée : après tout, continue Encolpe, les gens ont bien l’habitude de se plaindre de leur ventre ou de toute autre partie de leur corps qui leur ferait défaut, pourquoi donc ne ferait-il pas de même ? Suite à ce monologue, si la honte de son impuissance est toujours cuisante, il ose appeler Giton pour tout lui avouer : comme Ovide, lui non plus ne se sent pas homme du fait de son impuissance80.
6. La uirtus, preuve d’un animus uirilis
17Être en défaut de masculinité, que ce soit temporaire ou plus permanent, implique aussi une forme de discrédit liée à la uirtus : outre le fait d’être perçu comme une personne esclave de ses passions, un homme efféminé et impudique était également assimilé à un être couard, ajoutant ainsi une cause de mépris supplémentaire. Pour preuve, le fait que Domitien, selon Suétone, n’ait gracié que deux soldats d’Antonius après la guerre civile de 69 : ces deux hommes (un tribun laticlave et un centurion des troupes), afin de démontrer leur innocence, avaient démontré qu’ils étaient impudici et que, de ce fait, il était impossible pour eux d’avoir eu une quelconque influence, que ce soit sur le général ou sur le reste des soldats81. Quel n’est pas non plus l’étonnement des auteurs lorsqu’un homme impudicus, effeminatus et adulter fait preuve de courage, comme ce fut le cas d’Othon. Son suicide face à la défaite imminente contre Vitellius permit d’éviter un dernier affrontement qui sauva la vie de ses soldats, ce qui prouve, selon Tacite, qu’il avait un animus qui n’était pas efféminé (mollis) comme l’était par contre son corps82. Suétone souligne la surprise que les gens éprouvèrent à l’annonce de cette mort courageuse qui ne ressemblait nullement à la vie qu’il avait menée83. Tacite évoque un autre cas, celui de Caninius Rébilius, « un des premiers de l’État par sa science du droit et l’importance du droit », qui s’était ouvert les veines pour éviter les souffrances d’une vieillesse maladive : « on ne pouvait croire », écrit l’auteur, « qu’il trouverait assez de fermeté de caractère (constantia) pour se donner la mort, à cause de sa débauche infamante et efféminée (ob libidines muliebriter infamis). »84. Le dernier cas trouvé dans la littérature latine est un exemple certes grec, mais relaté et jugé par un Romain, Quinte-Curce : il s’agit de Nicomaque, qui se donnait à Dymnus, un Macédonien au service d’Alexandre le Grand. Alors que Dymnus confie au jeune homme le projet d’attentat contre le roi qui devait bientôt avoir lieu, celui-ci se refuse de participer à un tel crime et affirme qu’il le dénoncera pour l’empêcher. Effrayé, Dymnus tente de le réduire au silence en le menaçant de mort, le traite d’effeminatus, de muliebriter timidus, mais aussi de traître à ses amours. Nicomaque fait alors semblant de rejoindre le complot, mais a, en réalité, toujours l’intention de tout dévoiler, ce qu’il fera dès la fin de son entrevue avec Dymnus. Par ce constans animus, écrit Quinte-Curce, il s’est montré digne d’être pudicus85. Être un uir, dans les représentations mentales des auteurs antiques, ce n’est donc juste être toujours détenteur de son intégrité physique, c’est aussi avoir une fermeté de caractère qui s’exprime par le courage et l’absence de peur de mourir pour une cause juste.
18Néanmoins, les auteurs antiques reconnaissent que certaines femmes peuvent faire preuve d’un courage hors du commun pour leur sexe. Pour trois d’entre elles, il est même mentionné que leur conduite prouvait qu’elles étaient dotées d’un animus virilis86. Ironie de la chose, les Anciens ont conscience que les actes de bravoures de femmes ont plus de poids dans les esprits, comme Quintilien le souligne lorsqu’il explique que les exemples tirés des inégalités sont particulièrement efficaces en rhétorique87. De même, Sénèque, selon Tacite, ne souhaitait pas que son épouse Pauline l’accompagne dans son suicide commandé par Néron, car, en montrant tous les deux la même fermeté de caractère (constantia) dans leur mort, c’est celle de son épouse qui serait la plus remarquable88. Effectivement, à partir du moment où l’on n’attendait rien des femmes en la matière, toute action d’éclat les fait briller, alors que le courage est censé être inhérent à l’identité masculine. Il serait évidemment naïf de supposer que tous les uiri Romani aient fait preuve de bravoure en toutes circonstances, mais il n’en reste pas moins que cet impératif social genré semblait être ancré dans les représentations de l’époque. On retrouve cette idée notamment dans certaines harangues de généraux qui souhaitent stimuler l’ardeur de leurs troupes, avant ou pendant une bataille : soit ils accusent leurs soldats de n’être que des femmelettes89, soit ils soulignent à quel point les adversaires ne sont pas de vrais mâles et qu’il serait donc honteux de perdre contre eux90. Dans les deux cas, il s’agit de titiller l’orgueil des soldats pour que leur pudor les forcent à reprendre courage. Chez Stace, Ulysse utilise d’ailleurs le même subterfuge pour manipuler Achille : ayant reconnu directement le jeune homme travesti parmi les jeunes filles de la cour du roi Lycomède, l’astucieux héros redoublera de finesse pour qu’Achille abandonne de lui-même son déguisement et qu’il rejoigne les rangs grecs dans la guerre contre Troie. Ainsi, lors du banquet organisé par Lycomède en son honneur, il glissera à dessein que ce conflit sera une occasion pour les braves (fortis) d’acquérir une belle renommée (fama). Voyant qu’Achille prête attention à ses propos, il continue en affirmant que c’est à peine si les timidae matres et les agmina uirginea n’hésitent pas elles aussi à rejoindre le combat : seul un lâche (segnis) ne partirait pas au combat91. Piqué au vif, Achille se lève brusquement, mais Déidamie, qui le surveillait, enjoint ses compagnes à se lever elles aussi pour quitter le banquet : la réaction d’Achille passe donc inaperçue aux yeux des autres convives. Se rendant compte, par les paroles d’Ulysse, que son travestissement et les activités imposées par sa nouvelle condition de jeune fille le mettent en défaut, le pudor d’Achille l’enjoignait à délaisser cette situation déshonorante, ce qu’il aurait fait si Déidamie ne l’avait arrêté. Le lendemain, le malicieux Ulysse imagine une dernière ruse avant de quitter Scyros : en remerciement de l’accueil reçu, il présente à Déidamie et à ses compagnes un amas d’objets en cadeaux. Parmi des étoffes et des instruments de musique typiquement féminins, il avait glissé des armes. Achille, voyant un bouclier comme taché de sang, est subjugué. Stace compare sa réaction à celle d’un lion apprivoisé qui obéit craintivement aux ordres des humains et qui n’est effrayant que sur commande, mais qui, dès qu’il voit le fer briller devant lui, renonce à sa soumission et a honte (pudet) d’avoir servi un maître peureux92. Achille, à l’instar du lion, a honte de son comportement. D’ailleurs, quelques secondes plus tard, après avoir vu son reflet d’homme travesti dans le bouclier, il mettra fin à la supercherie et révèlera à toute l’assemblée sa véritable identité.
7. En guise de conclusion
19Les occurrences de pudor, uerecundia et de leurs dérivés en matière de transgressions de genre commises par des hommes apparaissent en grande partie pour des actions commises par des impudici. Dans ce genre de cas, ce sont les auteurs antiques qui dénoncent l’infamie des sujets et beaucoup s’offusquent de voir que ces derniers n’éprouvent aucune honte à se comporter à contre-courant des normes masculines. Parce qu’ils délaissent volontairement leur pudicitia et soumettent leur corps au plaisir d’autrui, ils se révèlent indignes du statut de uir Romanus. Bien souvent, ces hommes impudici cumulent les vices contraires à l’idéal masculin. Adeptes de la mollitia, ils sont effeminati : leur démarche et leurs attitudes sont molles et ils recherchent constamment à satisfaire le moindre de leurs désirs, qu’ils soient de bouche ou sexuel. En ce sens, ils sont asservis à leur passion, prouvant à nouveau leur indignité à être ingenui. Ils peuvent également être adulteri, démontrant ainsi qu’il est faux de voir en eux des « homosexuels passifs ». Là encore, aucun des sujets effeminati, impudici et adulteri ne semblent expérimenter un quelconque cas de conscience par rapport à leur comportement. Pour le reste des occurrences, il apparaît que les sujets coupables de transgressions de genre ont non seulement conscience de leur non-respect des convenances en matière de comportement masculin normé, mais qu’ils en éprouvent aussi de la honte. Ce sentiment de honte, quand ils en ont la possibilité, les amène à rectifier leurs attitudes pour les faire correspondre à celles que la société attend d’eux. En ce sens, le cheminement d’Achille lors de son séjour sur l’ile de Scyros en est un parfait exemple. Honteux du travestissement que sa mère lui propose, il le refuse dans un premier temps, jusqu’à ce qu’il entr’aperçoive la belle Déidamie. Afin d’être proche de l’objet de ses désirs, il accepte de revêtir des habits indignes de son sexe, mais aussi d’adopter la démarche mollis et les activités propres aux jeunes filles. C’est ce désir sexuel tout masculin qui le force à abandonner son déguisement une première fois, de manière temporaire. Finalement, l’accusation indirecte d’être un lâche en ne participant pas à la guerre de Troie et la vue d’armes scintillantes lui renvoyant son propre reflet d’homme travesti réveilleront une nouvelle fois en lui le sentiment de honte d’être déguisé en jeune fille. Son pudor le forcera à abandonner, définitivement cette fois, son accoutrement et les activités qui y sont liées. Les effeminati et impudici sont eux aussi automatiquement assimilés à des couards, puisque virtus et constantia sont des qualités masculines dans les représentations mentales de l’époque. Certains de ces personnages, mais également certaines femmes, ont pourtant démontré le contraire.
Notes
1 Voir e. a. : V. D’Agostino, I concetti di pudore e pudicizia negli scrittori antichi, dans Revista di Studi Classici, n° XVII, fasc. no 3, 1969, p. 320-329 ; N. Boëls-Janssen, La vie religieuse des matrones dans la Rome archaïque, Rome, École française de Rome, 1993, p. 95 ; F. Dupont et T. Éloi, L’érotisme masculin dans la Rome antique, Paris, Belin, 2001, p. 35 (notons cependant que F. Dupont affine sa définition du pudor dans une contribution postérieure : F. Dupont, Le pudor de Crassus (à partir du De oratore de Cicéron), dans Rubor et Pudor. Vivre et penser la honte dans la Rome ancienne, éd. A. Renaud, C. Guérin et M. Jacotot, Paris, Rue d’Ulm, 2012, p. 33) ; J. E. Grubbs., Women and the Law in the Roman Empire. A Sourcebook on Marriage, Divorce, and Widowhood, Londres/New York, Routledge, 2002, p. 48-ss.
2 Voir e. a. : E. Vaubel, Pudor, uerecundia, reuerentia : Untersuchungen zur Psychologie von Scham und Ehrfurcht bei den Römern bis Augustin, dissertation en philologie, Münster, Université de Münster, 1969 ; T. Reeckmans, Pudor in Ovidius’ Ars Amatoria, dans Zetesis. Album amicorum aan E. de Strycker, De Nederlandsche Boekhandel, Anvers/Utrecht, 1973, p. 373-395 ; R. A. Kaster, Emotion, Restraint and Community in Ancient Rome, Oxford/New York, Oxford University Press, 2005.
3 J.-F. Thomas, Déshonneur et honte en latin : étude sémantique, Louvain, Éditions Peeters, 2007.
4 Ibid., p. 325 et 439.
5 Ibid., p. 402 et 439.
6 Les sources chrétiennes ont été exclues de cette étude, car comme d’autres chercheurs·euses l’ont démontré, les concepts de honte, d’honneur, de rapport au corps et à la sexualité se modifient avec la religion chrétienne et mériteraient dès lors de faire l’objet d’une étude à part entière. Voir notamment J.-J. Aubert, Christianisme antique, droit romain et homosexualité, dans M. Groneberg, L’homme créature sexuelle : la normation de l’érotisme masculin, Fribourg, Academic Pr. Fribourg, 2006, p. 103-125 ; J. Elfassi, De la honte classique à la honte chrétienne ? Quelques réflexions d’après l’œuvre d’Isidore de Séville, dans R. Alexandre, C. Guérin et M. Jacotot, Rubor et pudor. Vivre et penser la honte dans la Rome ancienne, Éditions Rue d’Ulm, Paris, 2012, p. 119-126 ; K. Wilkinson, Women and Modesty in Late Antiquity, Cambridge, Cambridge University Press, 2015.
7 H. Malisse, Le pudor féminin dans les œuvres ovidiennes ou un aperçu du comportement idéal d’une Romaine selon Ovide, dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 92, fasc. 1, 2014, p. 71-101.
8 Pour un exposé détaillé de son approche sur le sujet, voir notamment : S. Boehringer, Sexe, genre, sexualité : mode d’emploi (dans l’Antiquité), Kentron [En ligne], no 21, 2005.
9 Voir notamment : C. Baroin, La beauté du corps masculin dans le monde romain. État de la recherche récente et pistes de réflexion, dans Dialogues d’histoire ancienne, suppl. 14, 2015, p. 31-51 ; F. Dupont et T. Éloi ; op.cit. ; C. Nappa, Making Men Ridiculous, Ann Harbour, University of Michigan Press, 2018 ; K. Olson, Masculinity, Appearance, and Sexuality: Dandies in Roman Antiquity, dans Journal of the History of Sexuality, vol. 23, no 2, 2014, p. 182-205 ; T. Späth, Masculinity and Gender Perfomance in Tacitus, dans A Companion to Tacitus, éd. V. E. Pagán, Wiley-Blackwell, Chichester – Malder, 2012, p. 431-457.
10 St., Ach., I, 330: picturato […] limbo.
11 C. Baroin et E. Valette-Cagnac, S’habiller et se déshabiller en Grèce et à Rome (III). Quand les Romains s’habillaient à la grecque ou les divers usages du pallium, dans Revue historique, n° 643, fasc. 3, 2007, p. 522.
12 St., Ach., I, 259-265 : Cedamus, paulumque animos submitte uiriles / atque habitus dignare meos. Si Lydia dura / pensa manu mollesque tulit Tirynthius hastas, / si decet aurata Bacchum uestigia palla / uerrere, uirgineos si Iuppiter induit artus, / nec magnum ambigui fregerunt Caenea sexus : / hac sine, quaeso, minas nubemque exire malignam.
13 St., Ach., I, 272-277 cape tuta parumper / tegmina nil nocitura animo. Cur ora reduces / quidue parant oculi ? Pudet hoc mitescere cultu ? / Per te, care puer, cognata per aequora iuro, / nesciet hoc Chiron. Sic horrida pectora tractat / nequiquam mulcens ; obstat genitorque roganti / nutritorque ingens et cruda exordia magnae / indolis.
14 Suet., Cal., LII, 1. (trad. H. Ailloud, CUF, 2002)
15 Pour le détail de ces distinctions vestimentaires, voir C. Baroin, Genre et codes vestimentaires à Rome, dans Clio. Femmes, Genre, Histoire, n°36, 2012, p. 55.
16 V. Huet, Jeux de vêtements chez Suétone dans les Vies des Julio-Claudiens, dans S’habiller, se déshabiller dans les mondes anciens, éd. F. Gherchanoc et V. Huet, Mètis, N.S.6, 2008, p. 127-158.
17 St., Ach., I, 258.
18 Ibid., I, 864-866.
19 Ov., Her., IX, 19-20 (trad. M. Prevost, CUF, 2005).
20 Ibid., 59-66.
21 Ov., Ars, III, 165-168 et 200-204.
22 Liv., XXXIV, VII, 8-9 (trad. personnelle). Voir dans ces deux phrases une sorte de féminisme avant l’heure de la part du tribun qui voudrait laisser aux femmes le soin de décider de la façon de se parer serait bien entendu naïf : comme E. M. Agati Madeira l’a démontré, l’opposition entre Caton l’Ancien et Lucius Valérius ne résidait pas tant dans la question de la nécessité ou non d’un contrôle des femmes dans leur mise, mais plutôt dans la manière dont ce contrôle devait être exercé (par l’État selon Caton et par le pater familias pour le tribun). E. M. Agati Madeira, La lex Oppia et la condition juridique de la femme dans la Rome républicaine, dans RIDA, t. 51, 2004, p. 87-100.
23 Cic., De off., I, 130 (trad. M. Testard, CUF, 2014).
24 Ibid.
25 C. Baroin, Genre et codes…, op. cit., p. 43-66.
26 A. D. Manfredini, Qui commutant cum feminin uestem, dans RIDA, t. 32, 1985, p. 257-271.
27 S. Franchet d’Espèrey, À propos du travestissement d’Achille dans l’Achilléide de Stace : sexe, nature et transgression, dans Aere perennius : en hommage à Hubert Zehnacker, éd. J. Champeaux et M. Chassignet, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2006, p. 439.
28 St., Ach., I, 330-331.
29 Ibid., 837.
30 Vel. Pat., II, LXXXVIII, 2 (trad. J. Hellegouarc’h, CUF, 1982).
31 C. Williams, The Meaning of Softness: Some Remarks on the Semantics of mollitia, dans Eugesta, no 3, 2010, p. 245.
32 Sen., De vit. beat., XIII, 6 (trad. A. Bourgery, CUF, 2003).
33 F. Dupont et T. Éloi, op. cit., p. 102.
34 Notion définie par Cicéron et Sénèque dans leurs œuvres philosophiques, mais également par Quintilien. Voir, par exemple, Cic., De of., I, 106 et Sen., De ira, I, XII, 2.
35 Cic., De of., I, 105.
36 J.-F. Thomas, Pudicitia, impudicitia, impudentia dans leurs relations avec pudor : étude sémantique, dans Revue des études latines, n° 5, 2005, p. 65.
37 Suet., Caes., LII, 6.
38 Cic., Pro Mil., IV, 9-10 ; Val. Max., VI, I, 12.
39 F. Dupont et T. Eloi, op. cit., p. 23-25.
40 Le terme « infamie » n’est pas exagéré puisqu’au 1er siècle de notre ère, les hommes ouvertement qui corpore suo muliebra passus est étaient privés du droit de postuler pour autrui et de représenter quelqu’un en justice. C. Bur, La citoyenneté dégradée. Une histoire de l’infamie à Rome (312 av. J.-C.-96 apr. J.-C.), Rome, École française de Rome, 2018, p. 512-513.
41 Sen., Contr., I, praef., 8-10.
42 Suet., Vesp., XIII, 2 : ego tamen uir sum.
43 Quint, V, IX, 14 (trad. J. Cousin, CUF, 1975).
44 Sen., Epis., 52, 12.
45 C. Edwards, The Politics of Immorality in ancient Rome, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 63-97 ; F. Dupont et T. Eloi, op. cit., p. 102-109 ; C. Williams, Roman Homosexuality, 2e éd., Oxford/New York, Oxford University Press, 2010, p. 137-176.
46 Je reprends ici la terminologie contemporaine largement répandue et qui est utilisée pour distinguer les deux rôles possibles dans une relation sexuelle dans l’antiquité gréco-romaine : la personne active est celle qui pénètre son/sa partenaire alors que la personne passive sera celle qui est pénétrée. Une terminologie qui pose problème, puisqu’il est très réducteur de penser, par exemple, qu’un individu qui donne une fellation à un homme n’a qu’un rôle « passif »… À ce sujet, voir notamment, R. Mazo Karras, Active/Passive, Acts/Passions : Greek and Roman Sexualities, dans The American Historical Review, vol. 105, no 4, 2000, p. 1250-1265 ; D. Kamen et S. Levin-Richardson, Revisiting Roman Sexualities. Agency and the conceptualization of penetrated males, dans Sex in Antiquity. Exploring Gender and Sexuality in the Ancient World, éd. M. Masterson, N. Sorkin Rabinowitz et J. Robson, New York, Routledge, 2015, p. 449-459.
47 Par exemple, la réplique de Valérius Asiaticus que Suillius accusait notamment de mollitiam : « Interroge tes fils, Suillius, ils confesseront que je suis un homme (uirum). » (Tac., An., XI, II, 1-2). Voir aussi Cat., XVI.
48 Il faut cependant bien avouer que certains auteurs antiques peuvent, par moments, le laisser entendre. C’est le cas d’Ovide qui, dans son Art d’Aimer, évoque l’apparence à avoir pour séduire la gent féminine : ce qui compte, selon lui, c’est la simplicité dans la mise qui se doit d’être propre, avec des vêtements bien coupés, le tout agrémenté d’une chevelure et d’une barbe taillées par une main experte. Tout le reste (épilation, frisure artificielle des cheveux, parfum et onguents) doit être laissé soit aux lasciuae puellae, soit aux hommes qui cherchent à séduire les hommes (uir quaerit habere uirim). Ov., Ars, I, 503-522.
49 Terme grec adopté par les Latins et que ceux-ci utilisent pour désigner des hommes qui se font sodomiser. J. N. Adams, The Latin Sexual Vocabulary, Londres, Duckworth, 1982, p. 190-191 et 228.
50 Juv., II, 108.
51 Tac., Hist., I, XXX, 1 ; Suet., Oth., II, 3 et XII, 1-4.
52 Tac., Hist., I, XII, 1.
53 Quelques exemples : Cat., LVII, 1-10 ; Cic., Verr., II, III, 6; Cic., Pro Cael., XIII, 30 ; Cic., Cat, II, X, 23; Sal., Cat., XIV, 1-2 ; Suet., Caes., LII, 6.
54 Voir notamment : E. Fantham, Stuprum : Public Attitudes and Penalties for Sexual Offences in Republican Rome, dans Échos du Monde Classique/Classicla Views, t. XXXV, n.s. 10, 1991, p. 27-91 ; N. Jalet, À propos de la lex Scantinia. Réflexions sur la répression des relations homosexuelles entre citoyens romains durant la République et sous l’Empire, dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 94, fasc. 1, 2016, p. 105-129 ; C. Bur, op.cit., p. 357-362 ; P. Moreau, Loi Iulia réprimant l’adultère et d’autres délits sexuels, dans Lepor. Leges Populi Romani, éd. J.-L. Ferrary et P. Moreau, [En ligne], Paris, IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice432/. Date de mise à jour :12/03/20.
55 Sen., Tranq., XVII, 5-8 ; Mart., IV, 8.
56 F. Dupont et T. Éloi, op. cit., p. 162.
57 Hor., Sat., I, II, 31-35.
58 Ps. Acron, ad Hor., I, II, 31-35.
59 St., Ach., I, 635.
60 Ibid., 639.
61 Argument qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le discours que les violeurs tiennent à leur victime dans le cadre des récits ovidiens de poursuite. Voir H. Malisse, À la poursuite de jolies filles : les violences sexuelles et le pudor féminin dans les récits de poursuite chez Ovide, dans L’Antiquité Classique, vol. 87, 2018, p. 65-68.
62 St., Ach., I, 652-655.
63 Ibid., I, 263-264.
64 Mart., II, XLV.
65 F. Van Haeperen, Étrangère et ancestrale. La mère des dieux dans le monde romain, Paris, Cerf, 2019, p. 17-54.
66 Ov., Am., III, VII, 1-2 : « Elle n’est donc pas belle, cette femme, elle n’est donc pas élégante, elle n’a donc pas été assez longtemps l’objet de mes vœux. » (trad. J.-P. Neraudau, CUF, 2009).
67 Mart., IX, XXXVIII.
68 Ov., Am., III, VII, 17-20.
69 Ibid., 43 et 59.
70 Ibid., 69-72 (trad. personnelle).
71 A. Richlin, The Garden of Priapus. Sexuality and Aggression in Roman Humour, édition révisée, New York/Oxford, Oxford University Press, 1992, p. 116.
72 Voir notamment : P. Bing et R. Cohen, Games of Venus: an anthology of Greek and Roman verse from Sappho to Ovid, New York, Routledge, 1993, p. 45.
73 Pour une comparaison avec la Priapée 80, voir : A. Richlin, op. cit., p. 117.
74 J. M. McMahon, Paralysin Cave. Impotence, Perception, and Text in the Satyrica of Petronius, Leiden/New York/Cologne, Brill, 1998, p. 80-85 et 189.
75 Petr., Sat., CXXXII, 6-7.
76 Ibid., 9-10.
77 Pour l’analyse plus détaillée de ce sème de la uerecundia, voir J.-F. Thomas, Honte et déshonneur…, op. cit., p. 430-432.
78 Ibid., 12.
79 Cic., Of., I, 127.
80 Petr., Sat., CXXIX.
81 Suet., Dom., X, 7-8.
82 Tac., Hist., I, XXII, 1.
83 Suet., Oth., XII, 4.
84 Tac., An., XIII, XXX, 4.
85 Q. Cur., VI, VII, 1-13.
86 Il s’agit de Lucrèce qui se donna la mort après avoir avoué à son père et à son époux qu’elle avait été violée (Val. Max., VI, I, 1), de Charité qui vengea la mort de son époux et se suicida elle aussi une fois la vindicte accomplie (Ap., Met., VIII, XIV, 1-2) et d’une certaine Maesia de Sentinum qui osa plaider elle-même sa cause au tribunal (Val. Max., VIII, III, 1).
87 Quint., V, XI, 10.
88 Tac., An., XV, LXIII, 2-4.
89 Virg., Aen., XI, 732-740 ; Liv., XXV, XXXVII, 9-11 ; XXVII, XIII, 1-10 ; Sil. It., XIII, 12-18.
90 Liv., VII, XXXII, 7 ; XXXVI, XLIII, 8-9 ; Q. Cur., III, X, 3-10 ; Sil. It., XIV, 125-139 ; Tac., An., XIV, XXXVI, 1-2.
91 St., Ach., I, 792-802.
92 Ibid., 857-863.