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Julien Régibeau

Critiques de l’histoire et histoire critique

(Vol. 45 - 2022)
Article
Open Access

Résumé

En partant de l’appel lancé en 2014 par Jo Guldi et David Armitage à travers la publication de l’History Manifesto, cet article a pour objectif de revenir sur la place des discours historiques académiques dans la société occidentale au 21e siècle. Cela implique de faire un retour sur la « crise de l’histoire » diagnostiquée par de nombreux chercheurs à partir de la fin des années 1980 et dont l’History Manifesto se fait l’écho lointain. Le thème de la crise est ici décomposé afin d’en saisir les différentes facettes stratégiques, sociales, épistémologiques et culturelles. Il ressort de l’analyse que les défis adressés par le présent au passé sont une occasion de dépasser l’herméneutique du déclin afin de s’intéresser plutôt aux nouveaux modes critiques d’interroger l’histoire, les solutions expérimentées ne se limitant pas à l’emploi du temps long d’inspiration braudélienne défendue par le manifeste. Il est enfin rappelé que la réflexion sur l’expertise à laquelle tendent à prétendre les historiens de métier va de pair avec la prise en charge des implications critiques et politiques d’une telle ambition.

Index de mots-clés : Crise de l’histoire, Fin de l’histoire, Histoire publique, Histoire et société, Savoir/pouvoir

Abstract

Starting from the challenge launched in 2014 by Jo Guldi and David Armitage through the publication of the History Manifesto, this paper aims to reflect on the role of academic historical discourses in Western society in the 21st century. This involves looking back at the 'crisis of history' which was identified by many scholars from the late 1980s onwards, and which the History Manifesto distantly reflects. The theme of the crisis is analysed here to grasp its different facets: strategic, social, epistemological and cultural. The study shows that the challenges posed by the present to the past are an opportunity to go beyond the hermeneutics of decline to focus instead on new critical modes of interrogating history, with the solutions experimented with not being limited to the recuperation of the Braudelian longue durée defended by the manifesto. Finally, it is pointed out that the reflection on the expertise to which professional historians tend to aspire goes together with the assumption of the critical and political implications of such an ambition.

Index by keyword : Crisis of History, End of History, Public History, History and Society, Knowledge/Power

1. Des discours historiques en question

[…] les nouveaux historiens de la longue durée devraient se servir de l’histoire afin de critiquer les institutions qui nous entourent, et la réconcilier ainsi avec son rôle de science sociale critique. L’histoire peut permettre de rejeter les anachronismes fondés sur la seule déférence envers la permanence des institutions. La pensée historique – de longue durée – doit nous aider à choisir lesquelles de nos institutions méritent d’être enterrées ou sauvegardées1.

1Ces mots sont ceux de Jo Guldi, historienne spécialiste de l’histoire environnementale et des digital humanities et de David Armitage, historien des relations internationales et de l’histoire intellectuelle de l’Angleterre moderne. Ils proviennent d’un article publié en 2015 dans un numéro de la revue des Annales consacré au retour de la longue durée. Ils résument en français l’ouvrage que ces deux historiens viennent alors d’écrire à quatre mains, l’History Manifesto2. Dans ce livre, Guldi et Armitage déplorent l’enfermement, depuis les années septante, des historiens universitaires dans des recherches de plus en plus spécialisées. Cette réduction, voire cette déstructuration du champ historique aurait, d’après les deux auteurs, éloigné les chercheurs de la société et des pouvoirs de décision. Face à ce constat, Guldi et Armitage militent pour le retour d’une histoire de la longue durée sur le modèle de celle proposée par Fernand Braudel dans les années cinquante3. Ils considèrent ce retour comme à la fois nécessaire face à la multiplication des études de faible portée et réalisable grâce au développement qualitatif et quantitatif sans précédent des big data.

2On relèvera, après d’autres, la lecture limitative de la microhistoire et de la longue durée braudélienne proposée par Guldi et Armitage ; cette dernière, brandie en étendard, est envisagée comme un « horizon temporel étendu » plus que comme une méthode d’analyse spécifique. Pour autant, il ne sera pas ici question d’entrer plus avant dans le débat subséquent à la publication de l’ouvrage. Directement interpellé par un texte se réclamant de l’héritage de la seconde génération des Annales, le comité de rédaction de la revue y a donc pris part en lui consacrant un numéro thématique. Par ailleurs, le débat autour du manifeste a essentiellement eu lieu sur la toile, entre 2014 et 20164. En mettant de côté les critiques formulées à l’encontre des présupposés et des propositions de l’History Manifesto, on constate que la polémique suscitée par l’entreprise reflète l’émotion que cet ouvrage a pu provoquer au sein de la discipline, aux états-Unis et en Europe. Plusieurs critiques relèvent ainsi qu’une des qualités du livre consiste à interroger les historiennes et les historiens, à nouveau frais et sans fard, quant à leurs rapports avec la société et le pouvoir. Guldi et Armitage inviteraient ainsi les universitaires qui étudient le passé à ne pas se croire tantôt au-dessus de la mêlée, tantôt en marge. Ils les pousseraient à assumer un rôle politique critique qui réponde aux défis globaux de notre époque ; des défis qui comme la crise climatique ou le néocapitalisme demandent d’être saisis sur le temps long.

3Comme esquissé, l’History Manifesto doit notamment son impact à la récupération du thème de la « crise de l’histoire ». S’appuyant sur une série de jugements posés dans les années 1980 par des historiens anglo-saxons sur l’état de leur discipline, Guldi et Armitage soutiennent ainsi que cette crise a été causée par ce qu’ils appellent la « professionnalisation » du champ académique des sciences historiques. Elle se caractériserait par le « triomphe de la courte durée » et le morcellement sans précédent des recherches en histoire qui en découlerait, causé notamment aux états-Unis par une succession peu articulée de turns paradigmatiques. Le morcellement aurait mené à la marginalisation. C’est en tout cas la conclusion à laquelle les deux auteurs souhaiteraient que nous arrivions :

Le processus de professionnalisation avait mené à une marginalisation sans précédent. Les historiens étaient de plus en plus coupés des lecteurs non spécialistes et réduits à ne parler qu’entre eux de sujets de plus en plus étroits, étudiés sur des périodes de plus en plus courtes5.

4Pourtant, si nous déplaçons le regard, il est a priori paradoxal de constater que, précisément depuis les années 1970-1980, l’histoire rencontre un succès populaire retentissant. Elle peut compter sur un lectorat étendu, fait de l’audience et s’inscrit dans un marché du livre et audiovisuel florissant, porté par un star-system d’historiens vedettes. Le passé est lu, écouté, regardé, consommé. Source majeure d’affects, de valeurs et d’identités, il suscite auprès du grand public, depuis plusieurs décennies, un engouement certain, que le développement des outils numériques a exacerbé. Les discours historiques sont donc répandus au sein de la société. Ils jouent un rôle social multiforme selon des usages volontiers contradictoires, comme le souligne Jerome de Groot dans son ouvrage Consuming History6. En outre, cette importante diffusion est doublée des récupérations politiques récurrentes dont l’histoire fait couramment l’objet. Les convocations d’un passé déformé et instrumentalisé auquel les pouvoirs ont recours pour servir leurs argumentaires s’inscrivent en effet dans un contexte favorable à l’accueil public des discours et des débats sur l’histoire. Songeons en guise d’exemple aux nombreux échos que produit la question du roman national français, particulièrement en temps d’élection présidentielle. Où situer l’origine de la France ? À Alésia ? À Lascaux ? À Reims ? Place de la Bastille ? Quelles sont les figures qui incarnent et font la France ? Jeanne d’Arc ? Robespierre ? Clovis ? Napoléon ? De Gaulle ? à ces questions, chaque partie de l’échiquier politique tend à donner sa propre réponse orientée qui vise à convoquer une certaine mémoire du passé pour agir et polariser les identités sociales au présent7.

5Que l’on s’entende donc bien : ce dont il est question dans cet article est la place qu’occupe auprès du grand public, un certain type de discours sur le passé, celui, académique et critique, produit par les historiens de métier8. En d’autres termes, partant d’une historiographie avant tout française et livresque, la réflexion portera sur la capacité que le corps professionnel des historiennes et des historiens, a de disséminer les savoirs qu’il produit dans un monde où, comme le souligne la théoricienne de l’histoire Elizabeth Deeds Ermarth, « we are all historians today » ; c’est-à-dire à une époque où il n’existe pas de gardien du temple, où le passé est envisagé comme une matière vivante dont tout le monde peut s’emparer afin de la modeler à l’envi9. Poser cette question, c’est aussi s’interroger sur ce qui semble faire défaut. L’intérêt et la diffusion des thèses de l’History Manifesto s’expliquent notamment par le terreau fertile dans lequel Guldi et Armitage sont venus semer leurs idées. Les deux auteurs ne sont pas seuls, en effet, à poser la question du rôle — du pouvoir — auquel l’historien prétend au sein de la cité10. Au même moment, nombreux sont les ouvrages qui reviennent sur ce débat. Citons — exemples parmi d’autres — François Hartog qui publie en 2013 Croire en l’histoire, Serge Gruzinski qui écrit L’Histoire pour quoi faire ? en 2015, ou encore Patrick Boucheron, qui, la même année, prononce sa leçon inaugurale au collège de France sous le titre Ce que peut l’histoire11.

2. Autour de la crise

6Par leur récurrence, ces interrogations seraient-elles l’indice d’une certaine fragilité des positions tenues ? Comme le fait remarquer Gérard Noiriel à son tour, cette inquiétude peut sembler paradoxale, dans un contexte où les productions s’intéressant au passé rencontrent un succès renouvelé hors des cénacles :

Lorsqu’on examine tout ce qui se publie aujourd’hui en France sous le nom d’« histoire », on ne peut qu’être frappé par le décalage entre les certitudes tranquilles que véhiculent les organes de vulgarisation (magazines, émissions TV, ouvrages grand public, etc.) et les doutes qu’expriment haut et fort les historiens de métier12.

7S’agit-il alors d’une stratégie de publication de la part de certains historiens ? La question éditoriale joue bien sûr un rôle : l’idée de crise attire l’œil du client, tout comme les remèdes à lui apporter. Le format et le titre des ouvrages cités plus haut insèrent le plus souvent ceux-ci dans le genre de l’essai accessible à un lectorat relativement élargi et non pas dans celui de la monographie spécialisée.

8Pour aller plus loin, il est nécessaire de chercher à isoler des indicateurs objectifs qui corroborent l’existence dans un passé proche d’une crise de la légitimité des historiens de métier. Dans son livre Sur la « crise » de l’histoire, Noiriel relevait que la rhétorique de la « crise » est pour partie une antienne au service de la distinction académique13. Poser la question de la légitimité d’un savoir, écrit-il, est, dans l’ensemble des sciences sociales, une stratégie professionnelle qui permet au chercheur qui y a recours de promouvoir ses pratiques scientifiques par la disqualification de celles de ses prédécesseurs : « dans le monde actuel, quel que soit le domaine considéré, déplorer ou prédire “la crise” est devenu un passage obligé dans toute discussion polémique, un argument central dans les stratégies revendicatives »14. Le sociohistorien passe ensuite en revue les nombreuses mentions d’auteurs qui ont prophétisé la chute de l’histoire ou sa remise en cause profonde. Il apparait que ces citations, partant d’Augustin Thierry, réapparaissent périodiquement au cours des 19e et 20e siècles. Compagnons fidèles et commodes, elles escortent par conséquent la vie des sciences historiques depuis que celles-ci s’envisagent comme une branche moderne du savoir.

9Si cette analyse critique au long cours offre une profondeur temporelle à la question de la crise de l’histoire, elle n’épuise toutefois pas le sujet. Pour s’interroger sur les inquiétudes contemporaines de la discipline historique tout en ne réduisant pas celles-ci à des stratégies d’édition ou à la récurrence d’une forme de communication scientifique, il faut s’intéresser aux conditions de possibilités qui président à l’élaboration d’un sentiment de la crise.

3. Une crise sociale

10Tout au long des années 1970 et 1980, l’effondrement des métarécits, relevé et théorisé par Jean-François Lyotard, entraine dans son sillage le recul des grands paradigmes explicatifs. Les marxismes, les structuralismes ou la théorie des systèmes voient leurs fondements épistémologiques remis en question15. Voilà les « certitudes ébranlées », comme l’écrit Roger Chartier en 1998, dans un livre fameux qui fait le constat de la crise des sciences sociales — de l’histoire en particulier — et qui y voit parallèlement l’opportunité de bâtir de nouveaux paradigmes épistémologiques : « qu’indiquent de tels diagnostics qui semblent avoir quelque chose de paradoxal en un temps où l’édition d’histoire démontre une belle vitalité et une inventivité maintenue ? », demande-t-il en pointant lui aussi la contradiction entre les succès d’édition et les inquiétudes d’une profession :

Ils désignent, je crois, cette mutation majeure qu’est l’effacement des modèles de compréhension, des principes d’intelligibilité qui avaient été communément acceptés par les historiens (ou, du moins, la majeure partie d’entre eux) depuis les années soixante16.

11Selon Noiriel, cette remise en cause des modèles qui président au destin conquérant des sciences sociales au cours des décennies de l’après-guerre a des causes sociales qui sont à la fois internes et externes. Internes premièrement : elles seraient notamment à chercher dans une crise de la succession professionnelle. Il s’agit d’une crise qui traverse le monde universitaire après Mai 68. Pour la première fois, les étudiants, qui sont les enfants du baby-boom, se retrouvent beaucoup plus nombreux que leurs professeurs. Ils doivent par conséquent batailler ferme pour prétendre à l’héritage de leur maitre. Cette lutte de distinction mène à des tensions inédites au sein du champ universitaire, une critique aigüe du système de succession et ce que François Dosse a appelé un « émiettement » des recherches ; là où Guldi et Armitage parlent quant à eux de « morcellement » et de « l’ère de la micro-histoire »17. Les déçus du système investissent d’autres espaces professionnels comme le privé — posant notamment les bases de la public history à la fin des années 1970 — ou se dirigent vers l’enseignement secondaire. Ils sont du même coup aptes à développer une critique parfois vive envers les fondements de l’institution universitaire et ses collusions avec les pouvoirs établis18.

12La méfiance vis-à-vis des grands paradigmes explicatifs serait aussi à chercher, d’après Noiriel, dans des causes sociales externes. Elle résulterait en effet de la diffusion, à partir des années 1970, de structures institutionnelles favorisant l’interdisciplinarité ainsi que de l’ouverture progressive du marché de la recherche à l’échelle transatlantique et mondiale. Ces deux évolutions, l’interdisciplinarité et l’ouverture des frontières nationales qui constituaient depuis le 19e siècle le principal horizon de la recherche mènent à une relativisation des valeurs et des codes qui sous-tendaient précédemment les disciplines et qui favorisaient la sacralisation sociale de leur fonctionnement. Par voie de conséquence, elles exacerbent encore davantage la compétition au sein d’un marché du travail universitaire qui est à la fois ouvert et saturé par la demande. Si les années 1990 connaissent une accalmie, au moins en ce qui concerne le renouvellement du corps enseignant au sein des universités, les années 2000 puis 2010 renouent avec les tensions. La contraction du marché universitaire qui suit la crise économique mondiale de 2008 s’inscrit en outre dans une évolution systémique de la carrière des chercheurs. Caractérisée notamment par l’injonction à la circulation internationale et par la contamination des universités aux logiques managériales, cette transformation en profondeur de la profession précarise les jeunes aspirants.

4. Une crise des temporalités

13La crise comme stratégie d’édition et d’autopromotion, la crise comme renouvellement des cadres épistémologiques, la crise comme mutation d’un modèle socioprofessionnel : à ces trois propositions, une quatrième peut être ajoutée. Cette dernière interpelle tout particulièrement les historiennes et les historiens puisqu’elle touche aux représentations temporelles communément partagées par les sociétés occidentales.

14Selon l’historien François Hartog, auteur du concept de « régimes d’historicité », la crise contemporaine que connaitrait l’histoire est avant tout une crise de ce qu’il appelle le présentisme, soit la contraction de la compréhension des temps dans le seul présent, aux dépens de l’intelligibilité du passé et du futur19. D’après lui, « l’Histoire a été un des noms “carrefour”, sinon le concept cardinal autour duquel s’est cristallisé le croyable des deux derniers siècles »20. Cette puissance de l’histoire aux 19e et 20e siècles trouverait son origine dans l’optimisme des modernes vis-à-vis du progrès humain. Au sein de ce cadre lâche, qui subit de multiples infléchissements et reformulations, le futur demeure un horizon certain, intelligible en soi. Il est ce qui sert de base à la compréhension du passé parce qu’il sait donner un sens au chemin déjà parcouru. Le régime moderne d’historicité, selon Hartog, fonde donc sa confiance en l’histoire sur cette logique : le futur, qui est progrès, éclaire le passé qui est, lui, l’acteur qui y mène. Connaitre le passé, c’est, en retour, saisir la direction de l’Histoire.

15Mais l’idée même de progrès a depuis subi de sérieux revers. Elle est une première fois minée par l’épreuve des deux guerres mondiales avant de souffrir une nouvelle fois devant les remises en question critiques de la postmodernité. L’état-Nation, domaine traditionnel de l’intelligibilité historienne, est, lui aussi, battu en brèche à la même époque. L’histoire occidentale, diluée dans un cadre mondialisé qui s’envisage sans passé, s’en retrouve orpheline. Hartog écrit encore « l’avenir se fermait, le passé s’obscurcissait, le présent s’imposait comme l’unique horizon »21. Au mot histoire se substituent, au sein des discours officiels, les mots mémoire, patrimoine, commémoration ou encore identité ; des termes qui, selon Hartog, sont autant de manières de resserrer le temps autour du seul présent22.

16Un phénomène d’édition a signé de manière retentissante cette mise à mort de l’intelligibilité du passé par l’occident contemporain. Au lendemain de la chute du bloc soviétique, Francis Fukuyama, chercheur en sciences politiques diplômé de Harvard, publie son essai intitulé The End of History and the Last Man23. Dans cet ouvrage qui développe un précédent article très discuté, Fukuyama s’appuie sur la philosophie allemande (Marx, Nietzsche et Hegel, lu à travers Kojève) pour postuler que la chute du communisme ouvre un nouvel horizon historique24. Le monde qui vient est pour lui celui de la démocratie libérale et des sciences physiques modernes. Triomphant grâce à leur capacité à rencontrer les aspirations fondamentales de l’homme, ces deux processus prédisent l’orientation et l’uniformisation du devenir humain. Ils signent du même coup la fin de l’histoire. Ce qu’entend Fukuyama par-là n’est pas la fin de l’histoire comme suite d’évènements, mais bien plutôt comme direction, munie d’un sens. Il n’y aurait alors plus lieu de penser le progrès puisque le temps du consensus global est en marche25. Cette philosophie de l’histoire qui est en même temps une eschatologie obtient un immense succès en librairie. Traduit en plusieurs langues, réédité année après année, l’essai élève Fukuyama au rang d’intellectuel influent de la démocratie libérale au sein du monde anglo-saxon. Lors de sa publication, l’ouvrage est commenté et critiqué notamment par Jacques Derrida, dans son livre Spectres de Marx26. L’historiographie francophone est, quant à elle, restée relativement à l’écart du débat pendant de nombreuses années, en tout cas en librairie27. Paradoxale prise de distance, quand on perçoit ce que le livre de Fukuyama annonce plus fort que d’autres ? La question que La fin de l’histoire soulève en creux semble en effet recouvrir celle que certains historiens de métier se posent, depuis les années 1990 : que peut l’histoire académique dans une société qui ferait du présent l’unique seuil de son intelligibilité et de la mémoire la principale façon de se représenter le passé ?

5. Retour des spectres

17Cette question, comme d’autres, a entrainé les historiens à réinterroger leurs pratiques, leurs questions de recherche et leur implication sociale. La recherche n’a, en effet, pas attendu l’interpellation de l’History Manifesto, en 2014, pour proposer de nouvelles manières de réfléchir à la place de l’histoire universitaire dans le monde contemporain. Née dès les années 1970 comme une réponse à ces défis, l’histoire publique a ainsi essaimé aux États-Unis et en Grande-Bretagne puis dans l’Europe continentale au gré des financements de chair et des créations toujours plus nombreuses de Masters dédiés. Bien implantée, légitimée et formalisée, elle constitue aujourd’hui l’espace socio-intellectuel par excellence où s’expérimente le dialogue entre historiens et société28. Plus généralement, le sentiment diffus d’un retour brutal de l’histoire dans le présent n’est pas étranger aux nouvelles orientations individuelles et collectives qui traversent la discipline des sciences historiques. Ce sentiment s’incarne ces dernières années dans des essais géopolitiques qui sont comme le miroir inversé de la thèse de Fukuyama : citons Le Réveil de l’histoire d’Alain Badiou, Le jour où l’histoire a recommencé d’Alexandre Adler, ou encore La revanche de l’histoire de Bruno Tertrais29. Depuis le début des années 2000, cette présence insistante de l’histoire, entendue comme fluctuation, crise, bouleversement, instabilité voire catastrophe et effondrement est régulièrement actualisé. Le 11 septembre, le renversement de Saddam Hussein, la crise des subprimes, les révolutions arabes, la naissance de l’état islamique, la crise des réfugiés, le Brexit… Ces évènements s’inscrivent dans un monde multipolaire complexe et en mouvement. Par leur caractère explosif et inattendu — on est bien là au cœur de la définition de ce qu’est un évènement30 — ils viennent troubler la quiétude d’une histoire occidentale qui a cru, un temps peut-être, être ordonnée, tranchée, quitte envers les passés qui la fondent. Nous constatons au contraire que l’histoire ne passe pas ; qu’elle reste disponible, que ces fantômes se terrent non loin et reviennent nous visiter.

18Que dire alors de ce qui s’impose ces derniers mois ? Le monde précaire dans lequel nous nous habituons à vivre, celui de la pandémie mondiale et des catastrophes climatiques et sanitaires que l’on annonce, insère le temps des humains — l’anthropocène — dans l’histoire longue de la nature. En outre, l’ampleur inédite des actions anticolonialistes menées de part et d’autre des océans rappelle qu’il faut encore composer avec cinq siècles de violences coloniales, dont le monde contemporain est le dépositaire. Par ailleurs, les mouvements de libération de la parole des personnes abusées sexuellement, favorisés par la révolution numérique, permettent d’interroger sur le long terme les processus historiques de domination politique et genrée. Le conflit au bord de l’Europe, enfin, dont les conséquences sont d’ores et déjà mondiales, fait ressurgir la guerre froide et le spectre de l’atome qui l’accompagne. Par devers eux c’est un certain face à face millénaire entre Occident et Russie que les acteurs du drame qui se joue imposent à nos yeux écarquillés. La matière du présent est tramée de ces crises anciennes, qui viennent jusqu’à nous pour conjurer la violence de la nouveauté, prévenir, parfois mettre en garde.

19Dans un entretien donné au magazine britannique New Statesman publié le 30 mars 2022, Francis Fukuyama, interpellé une fois encore à propos de la fin de l’histoire, met sa théorie des temps au feu de la guerre en Ukraine. Émettant la possibilité que la Chine travaille de concert avec la Russie en doublant l’agression du gouvernement de Vladimir Poutine d’une intervention militaire à Taïwan, il annonce :

Then you would really be living in a world that was being dominated by these non-democratic powers. If the United States and the rest of the West couldn’t stop that from happening, then that really is the end of the end of history31.

20Il est parfois difficile de faire le deuil de ses propres interprétations lorsque celles-ci sont source de tant de prestige. C’est d’ailleurs ce que Fukuyama ne fait pas, tant on peut voir le ton prophétique qu’il emploie comme une caution intellectuelle du nouvel interventionnisme américain en Europe. Pour son auteur, la théorie de la fin de l’histoire n’est toujours pas rendue obsolète par les évènements. Disons plutôt qu’elle est enrégimentée.

21Non décidément, la fin de l’histoire n’aura pas lieu – le ton volontiers martial employé par Fukuyama pour affuter sa théorie au service d’un projet de puissance en est une nouvelle preuve. Les historiens le savent mieux que quiconque, eux qui ont fait de la chasse des invariances un métier ; de la recherche des fluctuations et des rythmes du temps une méthode. Ils sont nombreux aujourd’hui à tenter d’éclairer les défis d’un présent qui travaille à son instabilité, en recherchant dans le passé les traces de narrations collectives qui permettent de se frayer des chemins vers le monde qui vient32. Pêlemêle, pensons au développement de l’histoire globale ou interconnectée, dont l’objectif est de formuler de nouveaux paradigmes explicatifs de l’histoire du monde, détachés des perspectives nationalistes et européocentriques33. Envisageons aussi, en guise d’exemple, les expérimentations menées pour historiciser le phénomène contemporain du terrorisme islamiste, notamment celles de Denis Crouzet et Jean-Marie le Gall, Ralph Dekoninck ou encore Gabriel Martinez-Gros34. Mentionnons les travaux de Patrick Boucheron qui postule, en invoquant Walter Benjamin, que le rôle de l’historien est de faire affleurer le passé « au moment du danger ». Pensons aux gender studies, aux postcolonial studies, à l’histoire de l’environnement ou de la mémoire. De manière générale, considérons chacune des innombrables recherches que des historiennes et des historiens mènent dans le but de dépayser et critiquer le présent en invoquant des passés renouvelés.

6. Rôle critique à double fond

22Dans son livre consacré à la crise de l’histoire, Noiriel écrit en introduction :

La réflexion sur l’histoire que je propose ici a aussi une finalité civique. Plaider pour qu’on prenne enfin au sérieux l’étude des pratiques historiennes, c’est défendre un idéal démocratique : le devoir de « transparence ». Il s’impose aux hommes politiques. Mais les historiens n’en sont nullement dispensés s’ils veulent mériter la confiance de ceux qui les lisent35.

23Nous approchons de la rive. Partis du manifeste de Jo Guldi et David Armitage, qui en appelle à une participation active des historiens au devenir politique de nos sociétés, nous accostons avec Gérard Noiriel en engageant les historiens à appréhender leurs propres pratiques professionnelles de manière critique et démocratique. Ces deux interpellations constituent les points de fuite de la réflexion menée dans ses pages : s’interroger sur le rôle auquel la discipline historique pourrait prétendre au sein de la société suppose d’effectuer une critique sociale de cette même discipline. En débordant l’herméneutique de la crise, l’objectif est de rappeler que toute prise de position dans la cité est un acte de pouvoir et que ce pouvoir suppose qu’en retour soient interrogées les implications politiques de sa revendication par les historiennes et les historiens issus du monde académique.

24La formation et le travail des historiens sont basés sur une méthode qui a la rigueur comme fondement et la construction d’un récit vrai comme ambition. « History is a method for producing neutrality », formule lumineusement Elizabeth Deeds Ermarth dans le livre qu’elle consacre à la réélaboration des savoirs historiques à l’heure de la postmodernité36. Cette méthode, qui se doit d’être accordée aux évolutions épistémologiques des savoirs et aux interpellations du présent, confère une certaine maitrise concernant l’établissement des phénomènes passés, leur critique, leur interprétation et leur communication37. De plus, la fréquentation répétée des traces favorise le décentrement critique. Il confère aux historiens une acuité originale pour saisir que les institutions sont des créations humaines qui passent, comme passent avec elles les mythes qui les sous-tendent. Comprendre le mouvement ininterrompu des êtres, des choses, des pratiques, des discours et des imaginaires permet de relever les paradoxes, secouer les certitudes, ébranler les constructions qui se donnent à voir comme des essences. Enfin, le dialogue rapproché avec les morts qui est leur quotidien permet aux historiens de percevoir à quel point tout usage du passé fait glisser les phénomènes historiques invoqués et en modifie le sens, produisant ainsi de nouvelles couches mémorielles qui sont, elles aussi, des objets d’histoire. Cheminant avec les textes de Michel de Certeau sur l’écriture de l’histoire, Roger Chartier rappelait, à l’heure de la médiatisation du négationnisme, la prétention de vérité des historiens et la nécessité politique de la revendiquer :

Abandonner cette intention de vérité, peut-être démesurée, mais sûrement fondatrice, serait laisser le champ libre à toutes les falsifications, à tous les faussaires qui, parce qu’ils trahissent la connaissance, blessent la mémoire. Aux historiens, en faisant leur métier, d’être vigilants38.

25Cette vigilance nécessaire qu’autorise l’intention de vérité ne dispense pas, bien au contraire, les historiens d’opérer leur propre autosocioanalyse, pour employer le concept de Pierre Bourdieu. Non pas pour partir en quête d’une supposée objectivité neutre, wébérienne, mais plutôt pour que le lieu d’énonciation qu’est l’historien en tant que sujet social constitue le point de départ de la méthode historique, et non son point aveugle39. Pour comprendre à qui les historiens s’adressent aussi. Souhaiter s’ériger en expert d’une histoire vraie suppose en effet d’être attentif à l’image renvoyée par cette ambition ; d’écouter ce que la société dit elle-même du passé et du rôle qu’elle souhaiterait que les historiens jouent ou ne jouent pas dans l’espace public, en fonction des préoccupations présentes40. Cela implique également que les historiens interrogent leurs présupposés corporatistes, leurs affects partagés, leurs préjugés scientifiques et la violence symbolique qui les accompagne. Faire de l’histoire, cela signifie nommer, classer, organiser, donner un sens au temps du monde41. Or, lors de cette opération souveraine, l’historien ne s’efface pas. Il est lui-même inscrit dans le temps qu’il tente de regarder à distance. Comme le sociologue ou l’anthropologue, il est environné de l’objet qu’il analyse. Prétendre à un rôle dans la cité au nom d’une certaine histoire critique, à la fois neutre et située, c’est aussi soutenir la portée éminemment politique de cette prétention.

Notes

1 J. Guldi et D. Armitage, Le retour de la longue durée : une perspective anglo-américaine, dans Annales. Histoire, sciences sociales, t. 70, 2015, no 2, p. 313.

2 J. Guldi et D. Armitage, The History Manifesto, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.

3 F. Braudel, Histoire et sciences sociales : la longue durée, dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, t. 13, 1958, no 4, p. 725‑753.

4 Annales. Histoire, sciences sociales, t. 70, 2015, no 2 : La longue durée on débat ; S. Noiret, R. Delafontaine, Q. Verreycken et E. Arnesen, « The History Manifesto » : a discussion, dans Memoria e ricerca. Rivista di storia contemporanea, t. 51, 2016, no 1, p. 97-126.

5 J. Guldi et D. Armitage, Le retour de la longue durée…, op. cit., p. 296.

6 J. de Groot, Consuming history. Historians and Heritage in contemporary popular culture, New York, Routledge, 2009 (The new critical idiom). Voir également Popular History Now and Then. International Perspectives, éd. B. Korte et S. Paletschek, Bielefeld, Transcript Verlag, 2012 ; N. Offenstadt, L’histoire bling bling. Le Retour du roman national, Paris, Stock, 2009.

7 De manière générale : Les usages politiques du passé, éd. F. Hartog et J. Revel, Paris, école des Hautes études en Sciences Sociales, 2001 (Enquêtes, 1). Dans le contexte des élections présidentielles françaises de 2017, les débats sur le roman national se sont en grande partie cristallisés autour de la publication Histoire mondiale de la France, éd. P. Boucheron, Paris, Seuil, 2017. Dans ce contexte, voir entre autres : B. Bréville et E. Pieiller (coord.), Aux armes, historiens. Le roman national en débat, dans Le Monde Diplomatique. Manière de voir, no 166, août-septembre 2019. La campagne présidentielle de 2022, quant à elle, aura été particulièrement marquée par le rôle moteur joué par les recours incessants que le candidat éric Zemmour a fait du passé pour servir sa campagne. À ce sujet, voir le collectif d’historiens suivant : Zemmour contre l’Histoire, Paris, Gallimard, 2022 (Tracts).

8 Cet article est le fruit d’une communication donnée au Palais des Académies, le 18 novembre 2017, dans le cadre d’une journée d’études de jeunes chercheuses et chercheurs consacrée à « L’impact sociétal des recherches historiques : défi, déni ou dépit ? ». Le type de réflexion menée dans ces pages entretient avec son temps un certain rapport de connivence qu’il aurait été dommage d’effacer complètement à l’occasion de cette actualisation. Qu’il me soit donné ici l’occasion de remercier Ralph Dekoninck et Bruno Demoulin pour leur invitation et leur confiance.

9 La citation est reprise par Hayden White : Manifestos for History, éd. K. Jenkins, S. Morgan et A. Munslows, Londres, Routledge, 2007, p. 231.

10 M. Lazar et J. Vogel (éd.), L’historien dans la Cité. Actualités d’une question classique, dans Histoire@Politique, t. 31, 2017, p. 1-7.

11 P. Boucheron, Ce que peut l’histoire, Paris, Collège de France/Fayard, 2016 (Leçons inaugurales du Collège de France) ; S. Gruzinski, L’Histoire pour quoi faire ?, Paris, Fayard, 2015 (Histoire) ; F. Hartog, Croire en l’histoire, Paris, Flammarion, 2013 (Champs. Histoire).

12 G. Noiriel, L’historien et l’objectivité, dans Sciences humaines, en ligne, https://www.scienceshumaines.com/l-historien-et-l-objectivite_fr_24050.html, consulté le 23/05/2022.

13 G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, Gallimard, 2005 [1996] (Folio Histoire).

14 Ibid., p. 21.

15 J.-F. Lyotard, La condition postmoderne. Rapport sur le savoir, Paris, Les éditions de minuit, 2016 [1979] (Critique).

16 R. Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 2009 [1998], p. 100 (Bibliothèque de l’évolution de l’Humanité).

17 F. Dosse, L’histoire en miettes. Des Annales à la nouvelle histoire, Paris, La Découverte, 2010 [1987] (Poche) ; J. Guldi et D. Armitage, Le retour de la longue durée…, op. cit., p. 301.

18 G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire…, op. cit., p. 23-39.

19 F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Le Seuil, 2012 (Points. Histoire).

20 Id., Croire en l'histoire. Essai sur le concept moderne d'histoire, Paris, Flammarion, 2013, p. 285 (Essais).

21 Id., Régimes d’historicité…, op. cit., p. 257.

22 Id., Croire en l'histoire…, op. cit., p. 60-99.

23 F. Fukuyama, The End of History and the Last Man, New York, Free Press, 1992. Traduit en français sous le titre : La Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992 (Champs-Flammarion).

24 L’article en question : Id., The End of History?, dans National Interest, t. 16, 1989, p. 3-18.

25 Id., La Fin de l’histoire et le dernier homme…, op. cit., p. 12.

26 J. Derrida, Spectres de Marx. L'état de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale, Paris, Galilée, 1993 (La philosophie en effet).

27 L. Bantigny, La fin de l’histoire n’aura pas lieu, dans Écrire l'histoire, t. 15, 2015, p. 19-26.

28 T. Cauvin, Public History. A Textbook of Practice, New York, Routledge, 2016 ; The Oxford handbook of public history, éd. J. Gardner et P. Hamilton, New York, Oxford University Press, 2017 (Oxford handbooks) ; S. Noiret, “Public History” e “Storia Pubblica” nella Rete, dans Media e storia,‎ t. 39, 2009, nos 2‑3, p. 275-327 ; G. Zelis, Vers une histoire publique, dans Le Débat, t. 177, 2013, no 5 : La culture du passé, p. 153-162.

29 A. Adler, Le jour où l’histoire a recommencé, Paris, Grasset, 2012 ; A. Badiou, Le Réveil de l’histoire, Paris, Lignes, 2011 (Circonstances, 6) ; B. Tertrais, La revanche de l'Histoire. Comment le passé change le monde, Paris, Odile Jacob, 2017.

30 F. Dosse, Renaissance de l’évènement. Un défi pour l’historien. Entre sphinx et phénix, Paris, PUF, 2010 (Le nœud gordien) ; P. Ricœur, Évènement et sens, dans Raisons pratiques, t. 2, 1991, p. 41-56.

31 M. Gibson, Francis Fukuyama : We could be facing the end of "the end of history", dans New Statesman, 30/03/2022.

32 Sur ces réflexions, voir la conférence « Vivre dans les ruines », dans P. Boucheron et M. Riboulet, Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs. Une conversation sur l’histoire, Lagrasse, Verdier, 2022, p. 85-98.

33 S. Gruzinski, op. cit.

34 D. Crouzet et J.-M. Le Gall, Au péril des guerres de religion. Réflexions de deux historiens sur notre temps, Paris, PUF, 2015 ; R. Dekoninck, Horreur sacrée et sacrilège. Image, violence et religion (16e et 21e siècles), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2018 (l’Académie en poche) ; G. Martinez-Gros, Fascination du djihad. Fureurs islamistes et défaite de la paix, Paris, PUF, 2016.

35 G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire…, op. cit., p. 14.

36 E. D. Ermarth, History in the Discursive Condition. Reconsidering the Tools of Thoughts, Londres/New York, Routledge, 2011, p. 96.

37 Ibid.

38 R. Chartier, op. cit., p. 123.

39 M. de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 2002 [1975] (Folio/histoire). Voir la première partie de l’ouvrage : « Productions du lieu ».

40 J. Régibeau, Ne pas jouer le passé contre le présent. Statues et positionnement des historiens, dans Entre-Temps. Revue numérique d’histoire actuelle, 2021, en ligne https://entre-temps.net/ne-pas-jouer-le-passe-contre-le-present-statues-et-positionnement-des-historiens/, consulté le 08/10/2022.

41 P. Boucheron, L’entretemps. Conversation sur l’histoire, Lagrasse, Verdier, 2012.

Pour citer cet article

Julien Régibeau, «Critiques de l’histoire et histoire critique», C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société [En ligne], Vol. 45 - 2022, URL : https://popups.uliege.be/1370-2262/index.php?id=1503.

A propos de : Julien Régibeau

Julien Régibeau est Maitre de conférences et Assistant du Département des sciences historiques de l'Université de Liège ainsi que membre de Transitions - Unité de recherches sur le Moyen Âge & la première modernité. Lauréat d'une bourse d'Excellence WBI.WORLD, il est aussi chercheur associé de La Sapienza, Università di Roma. Son domaine de spécialisation concerne les rapports entre le politique et le religieux dans l'Europe moderne, qu'il étudie à travers une approche culturelle de la diplomatie et une attention portée au pouvoir pontifical. Il nourrit parallèlement une réflexion sur la place de l’histoire et des historiens dans la société.