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- Vol. 45 - 2022
- Manière de voir : être un migrant européen en territoire colonial. Le procès d’un menuisier italien dans l’Égypte du début du 20e
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Manière de voir : être un migrant européen en territoire colonial. Le procès d’un menuisier italien dans l’Égypte du début du 20e
Résumé
À la question classique de savoir si l'historien ou l’historienne peut avoir connaissance du passé « tel qu'il a vraiment eu lieu » s'ajoute le problème du rôle de l'histoire en tant que « tribunal du monde ». À travers le cas du procès d’un charpentier italien dans le cadre du système capitulaire égyptien au début du 20e siècle, cet article vise à montrer comment le regard sur le passé est en constante évolution, stimulé par de nouvelles questions, approches et besoins, qui modifient la narration et en enrichissent la compréhension.
Abstract
To the classical question of whether the historian can have knowledge of the past "as it really happened" is added the problem of the role of history as a "tribunal of world". Through the case of the trial of an Italian carpenter within the Egyptian capitular system at the beginning of the 20th century, this article aims to show how the view of the past is constantly evolving, stimulated by new questions, approaches, and needs, which modify the narrative and enrich its understanding.
Inhoudstafel
1. Introduction
1La récente invasion russe en Ukraine a relancé le débat sur le rôle et les fonctions de l’histoire dans la société contemporaine. Invités sur les plateaux de télévision, interviewés par la presse, cités sur les réseaux après la période pandémique, les historiennes et historiens ont remplacé les médecins. On leur demande d’éclairer le présent, d’expliquer le passé et de prévenir ou d’anticiper l’avenir, de donner leur avis sur telle ou telle lecture des évènements. De même que les autres sciences sociales1, l’histoire est soumise aux exigences d’objectivité, d’impartialité et de distanciation, au risque d’être accusée d’être idéologique, tendancieuse et partisane. Pourtant, comme l’a noté Enzo Traverso, « l’historien n’est pas un juge, sa tâche ne consiste pas à juger, mais à comprendre »2. Malgré la tendance à prôner une vision « éculée (et illusoire) de l’historiographie comme science axiologiquement neutre », selon Traverso, « on est bien obligé de reconnaitre que tout travail historique véhicule aussi, implicitement, un jugement sur le passé »3. En ce sens, loin d’être une science, l’histoire est plutôt à considérer comme une discipline fondée sur le respect d’une méthode de travail rigoureuse « reposant sur la critique des sources, l’apport de preuves et la visée de vérité »4. Ainsi énumérés, ces trois éléments rapprochent le travail de l’historien de celui du juge (ou, pour prendre une métaphore contemporaine, plutôt à celui de l’arbitre). Par ailleurs, il est impossible de nier, comme l’a remarqué Carlo Ginzburg, que ces deux figures partagent de nombreux aspects : même souci de reconstitution du « vrai », même méthode fondée sur l’indice et sur la déduction, même tentation du récit rétrospectif capable d’établir les « faits »5.
2Pourtant, ce serait commettre une grave erreur que d’assimiler l’histoire à la justice, car si la méthode est similaire, le but de la recherche de la vérité est différent. Selon une phrase célèbre de Ginzburg : « un historien a le droit de voir un problème là où un juge déciderait d’un non-lieu »6, car la signification qui est attribuée aux faits implique nécessairement un jugement reflétant les croyances et les valeurs de l’auteur. Marc Bloch le soulignait : « On ne saurait condamner ou absoudre sans prendre parti pour une table des valeurs qui ne relève d’aucune science positive »7. Contrairement au travail des juges, l’enquête et l’interprétation du chercheur en histoire visent à comprendre, à déconstruire, à analyser. C’est pourquoi l’historiographie « n’est jamais figée », car sa vision du passé est en constante évolution, stimulée par de nouveaux questionnements et de nouvelles approches, de nouveaux besoins.
3Récemment, un intérêt croissant de l’historiographie pour les oubliés de l’histoire et la redécouverte de voix marginalisées ont permis à celles et ceux qui en était longtemps privés de restituer leur histoire8. Une perspective qui s’est enrichie et complexifiée de l’analyse féministe, post- et décoloniale, des rapports sociaux s’opposant à toute forme de discours homogénéisant et universalisant9. Le sujet abordé dans cet article s’inscrit dans ces perspectives d’analyse et de recherche. En partant d’une approche « micro », mon objectif est de réfléchir à l’articulation des relations de pouvoir et de domination dans un contexte historique bien défini.
4L’attention sera donc portée sur la présence italienne en Égypte à la fin du 19e siècle. Cette contribution s’attachera à décrire une séquence judiciaire dans le cadre du système capitulaire ottoman sur un cas de vol, de violence et de résistance contre la police égyptienne commis par un ressortissant italien. Plus précisément, mon article visera à montrer comment, dans un territoire à souveraineté limité, la tentative des subalternes d’échapper aux conséquences de l’oppression de classe, implique également la mobilisation, consciente ou non, de l’appartenance ethnique et nationale. Ceci servira à montrer comment « les dominés » peuvent s’approprier « par le bas » des prérogatives juridiques et sociales, attribuées par la loi et les institutions juridiques de type coloniales. Cette approche présente d’ailleurs l’avantage d’offrir la possibilité de réfléchir à la question de la mobilité et de l’interaction des catégories sociales (classe, race, genre, etc.) en tant que catégories historiquement déterminées et socialement situées.
2. Les faits
5Le 5 juillet 1901, des agents de police emmènent une personne de nationalité italienne au commissariat (caracol) du district d’Abdeen au Caire10. Il s’agit de Cardarelli Augusto, un charpentier de 27 ans, célibataire, né à San Donato Val di Comino, une petite ville de la province de Frosinone, dans le Latium. Il réside en Égypte depuis moins d’un mois. Le même jour, en début d’après-midi, l’'homme se rend dans un immeuble de la rue Qasr al Nil, dans le centre du Caire, pour demander la charité. Se doutant de sa présence, un locataire de l’immeuble alerte le portier (bawab) qui, à son tour, tente d’arrêter et d’interroger le ressortissant italien. Cependant, ce dernier pousse le portier et s'échappe. À cet instant, croyant qu’il s'agit d’un voleur, le bawab appelle la police. Un premier officier égyptien, Abdel Hamid Gandur, parvient à arrêter Cardarelli, afin de l’emmener au poste de police. Cependant, le prisonnier résiste à l’arrestation et exige d’être conduit au consulat italien. Dans la confusion, un groupe d’Égyptiens se rend sur place tandis qu’un autre agent se joint au groupe. Pendant la bagarre, l’Italien prend un canif qu’il a dans sa poche et blesse l’un des deux policiers à la main. Le ressortissant italien est ensuite désarmé et emmené au poste de police pour être interrogé.
3. Le système juridique des Capitulations en Égypte
6La condition des étrangers dans l’Empire ottoman était régie par une série de traités conclus entre l’Empire ottoman et la plupart des États chrétiens de l’Europe, la Russie et les États-Unis auquel on donne le nom de « capitulations »11. En termes juridiques, une capitulation est un accord, ou un traité, par lequel un État accepte de garantir certains droits et privilèges sur un territoire sous son pouvoir. Le régime des Capitulations, qui a règlementé le statut des étrangers en Égypte et dans les territoires de l’Empire ottoman jusqu’au 20e siècle, trouve son origine dans les concessions spéciales qui avaient été faites, dans les territoires de l’Empire byzantin, aux républiques maritimes de la péninsule italienne à la fin du 11e siècle12. Ces avantages étaient destinés à garantir aux étrangers (généralement des commerçants et des hommes d’armes arrivés dans la suite des croisés) une certaine sécurité et autonomie, grâce au droit de dépendre de leurs propres juridictions nationales et de jouir de la liberté de commerce dans l’Empire ottoman.
7Après la chute de l’Empire byzantin (1453) et l’établissement de l’Empire ottoman, les privilèges capitulaires des anciennes communautés d’étrangers, appelées par les Occidentaux les « colonies », ont été entérinés par les nouveaux souverains13. Ce choix politique résultait de la nécessité, d’une part, de poursuivre les avantages mutuels découlant des relations civiles et commerciales et, d’autre part, de pallier l’absence de lois applicables aux non-musulmans étrangers. La légitimité islamique de ces pratiques trouvait sa source dans le principe de l’amān (pardon, grâce), le saufconduit accordé par le chef de la communauté islamique aux ressortissants des pays non musulmans résidant dans la dār al-islām (territoire de l’Islâm)14. Plus concrètement, l’amān se composait d’un serment devant Dieu engageant le Sultan ottoman envers les bénéficiaires. Cependant, à partir des accords signés par le sultan avec François Ier de France en 1535, la coutume islamique a subi un changement substantiel. La capitulation a pris la forme d’une garantie accordée individuellement par le Sultan à l’un de ses pairs. Contrairement aux prescriptions des écoles islamiques, la concession n’était plus temporaire, mais valait pour toute la durée du règne du signataire. Les accords conclus avec la France devaient ainsi servir de modèle pour ceux que d’autres États européens concluront plus tard avec la Sublime Porte (Angleterre, Hollande, Autriche, Piémont, Belgique en 1827, etc.).
8La juridiction consulaire extraterritoriale en vigueur en Égypte à l’époque examinée dans cet article était le résultat d’un développement graduel des Capitulations15. Cependant, les bouleversements politiques suivant l’occupation française de l’Égypte (juillet 1798 – mars 1803), les mesures de modernisation de l’administration égyptienne et la progressive érosion de la puissance ottomane ont favorisé une interprétation extensive des privilèges capitulaires qui a entrainé la création d’un système de prévarication et d’usurpation comparable à celui des colonies.
9À partir du 19e siècle, l’ensemble du système juridique égyptien était régulé par le principe actor sequitur forum rei, selon lequel le tribunal compétent pour juger un étranger devait être le tribunal dépendant de l’État d’origine du défenseur/accusé16. En outre, en vertu des usages, l’étranger ne pouvait pas être arrêté ni fouillé sans l’accord des autorités consulaires et son domicile restait inviolable. Il suffisait donc que les consulats aient eu des raisons de protéger leurs ressortissants pour rendre pratiquement inapplicable toute action à leur égard de la part de l’autorité locale. Enfin, ces mêmes privilèges étaient en outre partagés par les « protégés », à savoir des personnes provenant d’autres pays (chrétiens, juifs, apatrides), mais aussi des sujets locaux non musulmans, qui avaient acquis la protection des pays étrangers à travers les consulats17. Évidemment, pour les autorités égyptiennes, le système capitulaire, tel qu’il avait évolué au 19e siècle, représentait une entrave à la souveraineté égyptienne. Le Premier ministre Noubar Pacha (1825-1899)18, nous rappelle Robert Ilbert, a accusé le système des Capitulations d’avoir favorisé l’arrogance des étrangers et d’être une des causes principales des tensions interethniques19. Du reste, même Lord Cromer, le Consul Général du Royaume-Uni, puissance occupante depuis 1882, voulait abolir les Capitulations20. Cet état de fait ne convenait pas aux changements qui balayaient l’Égypte à partir de la seconde moitié du 19e siècle. L’ouverture du canal de Suez, la pénétration économique et coloniale des puissances étrangères et les importantes vagues de migrations externes et internes ont provoqué une transformation progressive et inexorable des modes de vie communautaires, notamment dans les grandes villes comme Alexandrie, Le Caire, Port-Saïd et Suez.
10D’un point de vue technique, la présence d’un régime juridique pluriel aussi complexe n’était pas sans inconvénient, notamment en raison des conflits de compétence permanents entre les différents tribunaux. Tout cela conduisit le Khedivé Ismail et le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Noubar Pacha, à promouvoir une réforme radicale de la justice21. Les premières propositions visant à restreindre la compétence des tribunaux consulaires à travers la création de nouvelles juridictions mixtes, c’est-à-dire composées de juges de différentes nationalités, ont été faites aux 16 puissances internationales impliquées dès 186722. La réforme judiciaire fut adoptée au printemps 1875, au terme d’une longue et complexe médiation diplomatique. Pour résumer brièvement, la réforme prévoyait la création de Tribunaux égyptiens qui, en raison de leur composition, seraient appelés « mixtes »23. La nomination des juges étrangers serait donc réservée au gouvernement égyptien, sous réserve de l’approbation des différentes puissances concernées. Les codes mixtes étaient calqués sur les codes modernes français, italiens et belges. Les tribunaux de la réforme étaient compétents pour tous les litiges civils et commerciaux impliquant des étrangers de même ou de différentes nationalités, ainsi que des étrangers et des Égyptiens. En revanche, restaient exclues toutes les affaires de statut personnel et les affaires pénales24, qui demeuraient de la compétence exclusive des tribunaux consulaires.
11Malgré le succès de l’initiative égyptienne, l’objectif initial de supprimer définitivement les tribunaux consulaires n’a pu être atteint en raison de l’opposition farouche de toutes les puissances étrangères. Dans un rapport de 1892, un diplomate italien a résumé les résultats de la réforme : « Bien que les Capitulations aient déjà perdu une partie de leur valeur, elles constituent encore un frein très valable à la souveraineté territoriale, dans la mesure où elles soustraient presque complètement les étrangers au pouvoir de celle-ci »25.
12Contrairement à l’Empire ottoman, en Égypte, la fin du régime des Capitulations fut un processus très complexe. La constitution du protectorat égyptien par les Britanniques en 1914 a bloqué l’application de la décision d’abrogation des Capitulations décidée par la Sublime Porte la même année26. Cette mesure fut contestée par tous les consuls qui dénonçaient l’action unilatérale de l’Empire. Quelques décennies plus tard, le traité anglo-égyptien de 1936 recommandait l’abolition rapide des Capitulations, finalement réalisée en 1937 lors de la conférence internationale de Montreux. L’accord prévoyait toutefois une période transitoire de 12 ans pendant laquelle les Capitulations resteraient en vigueur pour permettre aux étrangers de passer au nouveau régime juridique unifié27.
4. Les Italiens et Italiennes en Égypte : une colonie prolétarienne
13La présence d’une importante colonie d’Italiens en Égypte n’a rien de surprenant. Comme nous l’avons mentionné précédemment, des communautés de personnes originaires des différents États de la péninsule italienne se sont installées en Afrique du Nord et dans les territoires de l’Empire ottoman dès la fin du Moyen Âge28. Cependant, ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’une première vague de migrants et d’exilés politiques a trouvé dans cette région les conditions favorables pour s’installer et, dans certains cas, prospérer.
14En Égypte, cela était essentiellement dû à deux raisons. La première, comme nous l’avons vu, était déterminée par le régime juridique spécial qui accordait d’importants privilèges aux étrangers concernant les libertés individuelles et la possibilité d’entreprendre des activités économiques ; la seconde raison était le besoin de personnel spécialisé pour accomplir les projets de modernisation entrepris par Muhammad Ali, le gouverneur égyptien qui a pris le pouvoir après le retrait des troupes françaises et britanniques en 180729. En effet, toutes les implantations européennes en Égypte n’ont commencé à prendre une taille numérique considérable qu’après les réformes et les tentatives de conquêtes territoriales entreprises par le souverain égyptien30. À cette époque, la population originaire de la péninsule italienne s’élevait, selon certaines estimations, à quelques milliers de personnes.
15Malheureusement, l’historiographie n’a pas encore étudié la composition sociale de la colonie dans la première moitié du 19e siècle. Cependant, il est certain qu’une grande partie des migrants et des exilés qui ont débarqué en Égypte ont été employés dans l’administration de l’État, l’armée, le domaine des infrastructures et les professions libérales. Parmi eux, une partie importante a réussi à créer des entreprises privées prospères dans divers secteurs. D’autres se sont tournés vers l’aventure, en combinant l’exploration scientifique, la fascination pour l’exotisme et les objectifs coloniaux.
16Cette première partie de l’émigration italienne vers l’Égypte était élitiste à bien des égards, contribuant à créer les classes dirigeantes qui ont gouverné la colonie italienne pendant plusieurs années après l’Unification de l’Italie (1861). Dans les décennies qui ont suivi cette date, les besoins économiques sont devenus la principale motivation pour émigrer en Égypte comme ailleurs dans la Méditerranée31. Une première augmentation significative de la présence italienne (et européenne) eut lieu à l’occasion de l’ouverture du canal de Suez, qui attira des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs, mais aussi des travailleurs occasionnels et des petits commerçants.
17À partir de l’occupation britannique en 1882, l’émigration italienne vers l’Égypte a continué à augmenter et à se différencier en fonction du statut social, de l’origine géographique et du sexe. À propos de la « prolétarisation » de la colonie qui a eu lieu dans les décennies précédant le début du 20e siècle, l’historien Rainero a écrit : « Si la quantité avait augmenté, la qualité des nouveaux arrivés était telle qu’il était difficile de s’appuyer sur eux pour viser une quelconque primauté culturelle ou même seulement la poursuite d’une œuvre si bien commencée par les exilés du Risorgimento »32. Selon les chiffres officiels, entre 1905 et 1917, la population italienne en Égypte était d’environ 40 000 personnes. Un chiffre auquel il faut ajouter un nombre important de migrants qui ne se sont jamais enregistrés au consulat33. La composition sociale de la colonie est illustrée par le regard de l’agent diplomatique italien Salvago Raggi qui écrit en 1905 :
Pour moitié, les Italiens d’Égypte sont ouvriers, employés de banque, d’administrations privées, commis de boutiques, etc. Environ un quart n’est italien que de nom, car ils sont nés en Égypte de familles originaires d’ici [...]. Parmi eux, beaucoup sont riches et certains très riches. Pour le dernier quart, les Italiens d’Égypte sont commerçants, entrepreneurs dans le bâtiment, avocats, ingénieurs, etc. Ils gagnent de l’argent et on pourrait en citer beaucoup, parmi les commerçants surtout, qui ont accumulé une fortune considérable [...]34.
18Cependant, ce qui inquiétait le diplomate italien, c’était le grand nombre de personnes indigentes et « indésirables » perçues comme une classe dangereuse :
Aux côtés de personnes actives, qualifiées et généralement appréciées, d’autres groupes, plus importants numériquement qu’il ne serait souhaitable, végètent dans l’oisiveté […] enfin, des vagabonds passent leur vie entre la prison où ils restent une partie de l’année, l’hôpital et les quartiers les plus pauvres, où ils trouvent le moyen d’être entretenus par quelqu’un35.
19Augusto Cardarelli faisait manifestement partie de cette « plèbe » que les autorités italiennes (comme les autorités britanniques et égyptiennes) toléraient mal et tentaient — sans grand succès — d’expulser du territoire.
5. Prendre la parole en territoire colonial : stratégies de survivance
20Sur le billet de demande d’aide distribué par Cardarelli aux locataires des quartiers du centre du Caire, est écrit en français :
Souscription d’un pauvre ouvrier, qui n’ayant pas de travail parce que n’ayant pas ses usensiles36 ici au Caire, d’après l’ordre du Consul devant rentrer dans sa patrie, et n’ayant pas des moyens pour vivre dans ces 12 jours avant de partir, étant que le bateau dans ces 12 jours n’est pas prêt, prie votre bon cœur de vouloir l’aider37.
21En fait, le consul italien avait ordonné à Cardarelli de quitter Le Caire pour se rendre à Alexandrie afin de s’embarquer vers l’Italie. Au moment de son arrestation, le menuisier italien viole l’ordre des autorités italiennes. Cet élément contingent est fondamental pour comprendre non seulement les circonstances du crime, mais également les stratégies utilisées par la défense pendant le procès.
22Le 5 juillet 1901, interrogé par la police égyptienne, Cardarelli affirme s’être rendu dans l’immeuble pour mendier auprès des différents locataires. Ceci est confirmé par des témoins (un marchand persan, un serviteur égyptien et son maitre) qui affirment avoir reçu un billet écrit en français dans lequel Cardarelli demande la charité. Cependant, se méfiant de sa présence, un locataire de l’immeuble appelle le portier, qui a à son tour alerte la police. Dans la déposition faite à la police égyptienne, Cardarelli poursuit : « le policier est venu et m’a attrapé par le bras : à ce moment-là, de nombreux indigènes se sont rassemblés [...] ». Puis, il remarque : « le policier voulait m’emmener au poste de police. J’ai répondu que je n’irais pas avec lui au poste de police, mais au consulat d’Italie »38. Par cette déclaration, Cardarelli montre qu’il est conscient des privilèges dont jouissaient les étrangers en Égypte. Ces derniers, répétons-le, ne peuvent être arrêtés sans la présence ou l’autorisation de l’autorité consulaire. Cela dit, l’Italien déclare : « Le gardien, il a insisté pour m’emmener au poste de police à défaut : j’ai alors sorti un canif de ma poche et ouvert la lame pour me défendre du policier et du portier »39. Ainsi, en essayant de bloquer son bras, le policier se serait accidentellement blessé à la main. Quant aux raisons pour lesquelles il a résisté à l’arrestation, Cardarelli répond à la demande de l’enquêteur : « quand j’ai compris qu’ils avaient l’intention de m’arrêter, j’ai eu peur du consulat qui m’avait ordonné de partir pour Alexandrie ». Puis, une fois de plus, il insiste : « c’est pour cela que j’ai commencé à m’enfuir pour me libérer du portier »40. En outre, pour démontrer son honnêteté, Cardarelli n’hésite pas à déclarer aux policiers qu’il a l’habitude de demander de l’aide dans les quartiers riches du Caire, alors qu’aucun des témoins n’a fourni d’indices permettant de soutenir l’hypothèse d’une tentative de vol par l’Italien. À la fin de l’interrogatoire, Cardarelli est donc inculpé de délits de résistance et blessure d’un agent de police locale.
23Le lendemain de son interrogatoire par la police égyptienne, Cardarelli est obligé de témoigner devant les autorités consulaires, conformément au règlement capitulaire. Il est intéressant de noter que, devant le juge d’instruction italien, l’accusé a modifié son récit en omettant ou en ajoutant certains éléments importants.
24Tout d’abord, Cardarelli ne mentionne pas les raisons précises pour lesquelles il s’est rendu dans l’immeuble, se contentant d’évoquer une « collecte de dons pour souscription »41. En revanche, tout le reste de la déposition vise à mettre en évidence les violences subies de la part de la police et de la population locale : « le portier [...] voulait m’emmener au poste de police. Puis il a été rejoint par d’autres Arabes et des ouvriers arabes d’une usine voisine et ils ont commencé à me bastonner »42. Confronté à de telles violences, il réclame qu’on l’emmène au consulat. Alors qu’il résiste à plusieurs reprises à son arrestation, il explique : « les policiers m’ont soulevé du sol et ont commencé à me trainer. Lorsque d’autres Arabes se sont approchés, j’ai été encerclé et on a commencé à m’asséner des coups de poing »43. Ce n’est qu’à ce moment-là que, pour se libérer de l’agression, il sort son canif « et aveuglé par la colère », il essaye de se défendre. Dans ces circonstances, en tentant de bloquer son bras, le policier se serait blessé à la main. Cardarelli se fait alors arrêter et conduire au poste de police. « Sur le chemin », conclut-il, « les trois policiers m’ont lâchement frappé avec leurs poings »44.
6. Le verdict
25Le verdict du tribunal du Caire a lieu le 2 aout 190145, soit 28 jours après l’arrestation de Cardarelli, qui pendant cette période est resté en détention dans l’une des prisons égyptiennes. Là-bas, le prisonnier écrit également une lettre de grâce au consul/juge dans laquelle il demande la liberté conditionnelle, sans recevoir de réponse. Le tribunal est présidé par l’avocat Romolo Tritoni, en tant que substitut du consul Edoardo Toscani. La cour poursuit le prévenu Cardarelli Augusto pour les crimes de « résistance et violence contre un policier » (art. 190 du Code pénal Zanardelli de 1889). Sur la base du témoignage de l’accusé et de ceux des témoins, le tribunal reconnait les accusations faites par la police égyptienne en ajoutant la circonstance aggravante du port d’une arme « destinée à offenser » (art. 155 du Code pénal). Les juges remarquent toutefois que « la résistance et la violence de Cardarelli visaient à échapper à l’arrestation »46. Une circonstance atténuante prévue par le Code pénal italien (art. 190 Code pénal). Compte tenu de ces éléments, le défendeur risque une peine comprise entre un minimum de deux mois et un maximum de deux ans d’emprisonnement.
26Toutefois, la Cour décide d’accorder à l’accusé deux circonstances atténuantes : la première, sur la base du témoignage de deux témoins de nationalité italienne, parce que l’acte « a été commis dans le feu de la colère résultant de coups injustes » (art. 51 du Code pénal) subis par des « Arabes », « dont les policiers ne l’ont pas protégé »47. La seconde est « due au fait que le défendeur était nouveau dans le pays, ainsi qu’à son ignorance de la langue arabe » (article 59 du Code pénal)48. Compte tenu des charges et des circonstances atténuantes, à l’issue du procès, Cardarelli est finalement condamné à deux mois de prison. Toutefois, la peine ayant été réduite d’un tiers en application de la première circonstance atténuante et d’un sixième pour la deuxième circonstance atténuante, la condamnation totale est de 26 jours d’emprisonnement « en comptant le temps de prison subi » et le paiement des frais de justice. Comme Cardarelli étant en prison depuis 28 jours, le défendeur est en fait libéré.
7. Contourner l’oppression de classe, renforcer les différences raciales
27Dans son ouvrage sur les « fragments de discours subalternes », James C. Scott soutient que l’acte de « dire la vérité » est intrinsèquement conditionné par les dynamiques de pouvoir49. La performance publique des opprimés est toujours liée à la tentative de répondre aux attentes des dominants. Ce discours est d’autant plus vrai dans les salles d’audience où l’accusé articule, avec succès ou non, les stratégies qui pourraient le rendre innocent ou le moins coupable possible face à un pouvoir impératif et contraignant. Cardarelli, nous l’avons vu, est un « migrant économique », pour employer une expression très en vogue de nos jours, bien qu’anachronique lorsqu’on se réfère à l’époque de notre étude. Il est une personne ordinaire qui, arrivée dans le pays d’accueil, se retrouve confrontée à différents types d’autorité.
28Toutefois, dans le cas particulier de l’Égypte du début du 20e siècle, il est également un citoyen italien qui, en tant que tel, bénéficie de certains privilèges coloniaux par rapport à la société locale et à ses sujets. Ces éléments – classe sociale et nationalité – sont cruciaux pour comprendre la stratégie de défense utilisée par le prévenu au cours du procès.
29Devant la police égyptienne, tout en se présentant comme innocent, il met en évidence les conditions économiques défavorables dans lesquelles il se trouve depuis son arrivée en Égypte, d’où sa crainte de contrevenir aux ordres du consulat de quitter le territoire. En revanche, confronté aux autorités consulaires, le discours de Cardarelli – sa performativité publique – a pris d’autres orientations. Tout d’abord, comme l’a déjà noté l’historienne Eleonora Angella pour d’autres cas similaires, l’Italien s’en remet à la protection du consul contre un environnement décrit comme particulièrement hostile50. Ce détail ressort de deux éléments de la déposition de Cardarelli. À la police égyptienne, ainsi qu’aux autorités italiennes, le défendeur souligne que sa résistance à l’arrestation a été une conséquence de l’interdiction de se rendre au consulat. De même, le fait d’utiliser le canif doit être considéré comme un acte de légitime défense face à l’agression injustifiée de la police et surtout des passants « arabes ».
30Dans un cas comme dans l’autre, le discours de Cardarelli vise à mettre de côté son appartenance de classe au profit de son ethnicité, de son appartenance nationale. Bien qu’il soit conscient du fait que les autorités italiennes le considèrent comme un marginal, un indésirable, qui nuit à l’image de la colonie, Cardarelli tient à se présenter comme un sujet italien sous juridiction consulaire, la seule qui a le droit de le juger, mais aussi de le protéger dans un contexte décrit comme menaçant, hostile et adverse. Indépendamment de la véracité ou non des épisodes relatés, qui sont d’ailleurs tout à fait plausibles, la stratégie de Cardarelli vise à obtenir la clémence du juge/consul, en reconnaissant, et donc en sollicitant, son autorité et sa position hiérarchique à la fois vis-à-vis de la société colonisée, des autres puissances coloniales et de la colonie italienne. Ce comportement d’humilité et de déférence, implicite dans le témoignage du tribunal, apparait clairement dans la demande de libération sous caution que Cardarelli écrit (en utilisant la troisième personne) au consul/juge alors qu’il était en prison :
Il avoue, l’humble et honteux écrivain implore la clémence et le pardon de la noblesse d’esprit, de votre très illustre seigneurie, puisque Cardarelli aurait dû aveuglément exécuter l’ordre voulu par votre très illustre seigneurie, celui de quitter cette ville, après que la grandeur et l’honneur de votre seigneurie eurent été prodigués de faveurs et de bontés en faveur du prisonnier.51
31Même si le juge ne répond pas à la demande du défendeur dans le verdict final, il tient compte d’un certain nombre de circonstances atténuantes qui ont considérablement réduit les peines prévues par le Code pénal italien. En effet, le crime individuel de résistance et de violence à l’encontre de la police locale est puni, mais de manière minimale. Ce qui cependant semble compter dans la décision du juge, c’est le contexte dans lequel les évènements se sont déroulés. De manière implicite, le juge reconnait que Cardarelli est un membre de la colonie et, en tant que tel, un citoyen qui mérite une protection dans un environnement jugé adverse. Mais par-dessus tout, la réduction de la peine est l’occasion de réaffirmer que les relations entre les Égyptiens et les Italiens (en tant qu’Européens) sont régies par une hiérarchie précise également établie par et à travers les lois.
8. Conclusion
32Dans son célèbre ouvrage Le goût de l’archive, Arlette Farge souligne que les archives judiciaires n’ont pas été conçues pour répondre aux besoins d’un futur public intéressé, mais plutôt pour servir les besoins des organes de police et de justice. L’archive, précise l’historienne, « est le recueil (falsifié ou non, véridique ou non, ceci est une autre affaire) de paroles prononcées, dont leurs auteurs, contraints par l’évènement, n’ont jamais imaginé qu’elles le seraient un jour »52. L’histoire, ses sources et leur interprétation, sa mise en récit sont imbriquées avec la question des rapports de pouvoir. Placer ce postulat au centre du travail de l’historienne et de l’historien ne signifie en aucun cas une quelconque intention de nier la dimension réelle, factuelle, de l’évènement. Au contraire, une telle approche présume plutôt la prise de conscience que l’articulation entre le déroulement du passé et sa « mise en texte » limite l’universalité et la prétendue objectivité de l’histoire.
33C’est précisément cette dernière perspective qui a contribué à la remise en cause de l’historicisme positiviste avec « son temps linéaire, “homogène et vide”, sa causalité déterministe et sa téléologie »53. Elle a aussi permis de décrire l’histoire à « contre-sens », opposant à l’histoire des dominants celle des subalternes laissés « aux marges de l’histoire ». Un changement de regard qui s’est ensuite enrichi d’une analyse qui examine les rapports et les processus sociaux en tant que phénomènes historiques articulés, dynamiques et variables. En d’autres termes, loin d’être l’instrument de l’objectivisation, d’un relativisme mou ou d’une pure construction discursive, le défi que porte l’histoire est celui de produire des lectures décentralisées, plurielles et complexes, permettant d’interpréter le passé « comme un problème ouvert plutôt que comme inventaire clos et définitivement archivé »54.
Voetnoten
1 E. H. Carr, Sei lezioni sulla storia, Torino, Einaudi, 1972, traduction en italien de C. Ginzburg.
2 E. Traverso, Le passé, mode d’emploi histoire, mémoire, politique, Paris, La fabrique, 2005, p. 76.
3 Ibid.
4 G. Mazeau, Histoire, Paris, Anamosa, 2020, p. 43.
5 C. Ginzburg, Il giudice e lo storico. Considerazioni a margine del processo Sofri, Milano, Feltrinelli, 2006, p. 16‑20.
6 La traduction est la mienne. Ibid., p. 20.
7 B. Bréville et E. Pieiller, L’illusion de la neutralité, dans Manière de voir, no 166, août-septembre 2019.
8 L. De Cock, M. Larrère et G. Mazeau, L’histoire comme émancipation, Marseille, Agone, 2019, p. 15-17.
9 R. Pfefferkorn, A. Hammouche et G. Meynier, Colonial, postcolonial, décolonial, dans Raison Présente, vol. 3, 2016, no 199, p. 144.
10 Les informations mentionnées dans cet article sont ma reconstitution personnelle basée sur les documents conservés dans l’Archive historique diplomatique du Ministère des Affaires étrangères de Rome (ASDMAE). En particulier, voir : ASDMAE, Tribunale consolare Il Cairo, Processi penali, fasc. 48, année 1901. Le fond n’a pas encore été inventorié.
11 G. Pélissié du Rausas, Le régime des capitulations dans l’Empire ottoman, Paris, Arthur Rousseau, 1902, p. 1.
12 B. Aglietti, L’Egitto dagli avvenimenti del 1882 ai nostri giorni, Roma, Istituto per l’Oriente, 1965, p. 2-3.
13 B. Masters, Capitulations, dans Encyclopedia of the Ottoman Empire, éd. G. Ágoston et B. Masters, New York, Facts on Fire, 2009, p. 118-119.
14 M. H. van den Boogert, The Historical Development of the Capitulatory Regime in the Ottoman Middle East from the Fifteenth to the Nineteenth Centuries, dans Oriente Moderno, vol. 22, 2003, no 3, p. 575-604.
15 R. Ilbert, Alexandrie 1830 – 1930, Le Caire, IFAO, 1996, p. 75-84.
16 E. Angella, Italiens au Caire à la fin du 19e siècle : quelques notes sur les subalternes et la justice, dans C. Paonessa, Italian Subalterns in Egypt between Emigration and Colonialism (1861 – 1937), Louvain-la-Neuve, PUL, 2021, p. 53-78.
17 R. Ilbert, op. cit., p. 87-90.
18 Entre 1842 et 1895, il sera nommé trois fois Premier ministre. Son premier mandat a été entre août 1878 et 23 février 1879. Il sera rappelé au poste de Premier ministre en 1884, sous le règne de Tawfiq et une dernière fois en 1894, sous le règne de Abbas Helmi.
19 R. Ilbert, op. cit., p. 144-145.
20 A. Kazamias, Cromer’s Assault on “Internationalism”: British Colonialism and the Greeks of Egypt, 1882‑1907, dans The Long 1890s in Egypt : Colonial Quiescence, Subterranean Resistance, éd. A. Gorman, M. Booth, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2014, p. 253.
21 CH.-M. Bellet, La fin des tribunaux mixtes, dans Revue des deux mondes, vol. 19, 1949, p. 518-534.
22 B. Aglietti, op. cit., p. 35.
23 F. Castro, La codificazione del diritto privato negli stati arabi contemporanei, dans Rivista di diritto civile, vol. 1, 1985, p. 377-447.
24 Seuls les crimes ou les délits commis contre les tribunaux mixtes, une partie des contraventions et, à partir de 1900, la banqueroute, sont jugés par les tribunaux mixtes.
25 Minisero degli Affari Esteri, Emigrazione e colonie. Raccolta di rapporti dei RR. Genti diplomatici e consolari. Quadro comparativo, Roma, Tipografia Nazionale di G. Bertero, 1893, p. 566.
26 Après l’occupation militaire britannique de 1882, le statut juridique de l’Égypte n’a pas été modifié. Officiellement, le pays a continué à faire partie de l’Empire ottoman. Dans les faits, ce sont les consuls britanniques qui dirigent le pays et l’armée britannique qui assure l’ordre.
27 M. Petricioli, Oltre il mito. L’Egitto degli italiani (1917-1947), Milan, Bruno Mondadori, 2007, p. 3.
28 F. Surdich, Nel Levante, dans P. Bevilacqua, A. de Clementi et E. Fanzina, Storia dell’emigrazione italiana, vol. II : Arrivi, Roma, Donzelli, 2009, p. 184-191.
29 C. Paonessa, Expériences et enjeux de l’associationnisme et de l’internationalisme en situation coloniale : le cas de l’Égypte (1861-1880), dans S’unir, travailler, résister. Les associations ouvrières au 19e siècle, éd. C. Christen, C. Fayolle et S. Hayat, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, p. 183-200.
30 L. A. Balboni, op. cit., vol. 2, p. 197-358.
31 L. Carminati, “Improvising and Very Humble” Those “Italians” Throughout Egypt That Statisticians and Historians Have Neglected, dans C. Paonessa, Italian Subalterns, op. cit., p. 34-37.
32 R. H. Rainero, La colonia italiana in Egitto : presenza e vitalità, dans L’Italia e l’Egitto: dalla rivolta di Arabi Pascià all’avvento del fascismo (1882-1922), éd. R. H. Rainero et L. Serra, Settimo Milanese, Marzorati, 1991, p. 135.
33 M. Petricioli, op. cit, p. 7.
34 Rapport de G. Salvago Raggi, La colonia in Egitto, relazione al ministro del 4 giugno 1905 cité par R. H. Rainero, op. cit., p. 131-132.
35 Ibid.
36 Italianisme dans le texte original.
37 Souscription de Cardarelli Augusto, dans ASDMAE, Tribunale consolare Il Cairo, Processi penali, fasc. 48, année 1901.
38 Rapport de la police du Commissariat d’Abdeen no 497 du 05 juillet 1901, dans ASDMAE, Tribunal consolare Il Cairo, Processi penali, fasc. 48, année 1901. Texte original en italien : « La guardia la quale venne e mi afferrò dal braccio: in quel mentre si affollarono molti indigeni. La guardia volle condurmi alla sezione io le risposi che non sarei andato con lui alla sezione ma al Consolato ».
39 Ibid. Texte original en italien : « Detta guardia si ostinò a volermi invece condurre alla sezione: io allora cavai di tasca un temperino e aperto la lama per difendermi dalla guardia e dal boabo ».
40 Ibid. Texte original en italien : « Ho capito che la loro intenzione era quella di arrestarmi ed ebbi paura del Consolato il quale mi aveva ordinato di ripartire per Alessandria ».
41 « Verbale d’interrogatorio » de Cardarelli Augusto du 06 juillet 1901, dans ASDMAE, Tribunale consolare Il, Processi penali, fasc. 48, année 1901. Texte original en italien : « Per una sottoscrizione che sto facendo ».
42 Ibid. Texte original en italien : « Il portiere venne e mi fece uscire dicendo che anzi che voleva condurmi al Caracol. Allora a lui si aggiunsero degli altri arabi ed alcuni operai pure arabi di una fabbrica lì vicino e cominciarono a bastonarmi ».
43 Ibid. Texte original en italien : « Le guardie allora mi sollevarono da terra e cominciarono a trascinarmi per condurmi via. In quella essendosi avvicinati altri arabi fui contornato e mi si cominciò a menare pugni ».
44 Ibid. Texte original en italien : « Durante il tragitto le tre guardie che mi accompagnavano mi colpirono vigliaccamente con diversi pugni ».
45 ASDMAE, Tribunale consolare Il Cairo, Processi Penali, Sentenze 1901, Cardarelli Augusto, no 33, 2 agosto 1901.
46 Ibid.
47 Ibid. Texte original en italien : « Per avere commesso il fatto nell’impeto d’ira derivato dalle percosse ingiuste da cui le guardie non lo salvaguardarono ».
48 Ibid. Texte original en italien : « Diminuisce la pena di un sesto per le circostanze attenuanti riscontrate sia nell’essere l’imputato nuovo del paese sia nella sua ignoranza della lingua araba ».
49 J. C. Scott, La Domination et les arts de la résistance, Paris, Éditions Amsterdam, 1998, p. 16.
50 E. Angella, op. cit., p. 65.
51 « Lettre de Cardarelli Augusto au consul d’Italie », ASDMAE, Tribunale consolare Il Cairo, Processi penali, fasc. 48, 22 juillet 1901. «Confessa l’umile scrivente e vergognoso implora la clemenza e il perdono della nobiltà d’animo, della S.V. Ill.ima poiché egli Cardarelli doveva eseguire ciecamente l’ordine assoluto della S.V. Ill.ima, quello di partire da questa città dopo che la grandezza e onore della S.V. Ill.ima fu larga di favori e di gentilezze a pro del detenuto».
52 A. Farge, Le gout de l’archive, Paris, Édition du Seuil, 1989, p. 14.
53 E. Traverso, op. cit., p. 77.
54 Ibid., p. 79.
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Over : Costantino Paonessa
Costantino Paonessa est docteur en islamologie et spécialiste de l’histoire contemporaine des pays arabes. Il a poursuivi le mandat de chargé de recherche FNRS entre 2018 et 2021. Actuellement il est membre scientifique du LaRHis et chargé de cours à l'UCLouvain et à l’Unich (Italie). En 2021 il a dirigé l'ouvrage collectif Italian Subalterns in Egypt between Emigration and Colonialism (1861-1937)