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- Vol. 47 - 2023
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Éléments pour une intégration de la dimension de genre dans l’archéologie classique : contrer les androcentrismes et les anachronismes
Résumé
L’introduction du genre dans les différentes disciplines des études classiques s’est faite à des rythmes différents. Si l’histoire des femmes et du genre a très rapidement pris son essor à partir des années 1960, l’archéologie s’est révélée plus lente à intégrer cette notion issue des sciences sociales et des women’s studies. Pour ce faire, les chercheuses – puisque ce sont en majorité des femmes – qui ont abordé la thématique du genre et des rapports sociaux de sexe dans les sociétés antiques ont dû faire face à plusieurs obstacles épistémologiques au nombre desquels figurent l’androcentrisme et l’anachronisme. Dans cet article, nous aborderons brièvement l’histoire de l’intégration du genre dans les études classiques, en particulier en archéologie, avant d’approfondir le fonctionnement de ces deux mécanismes que sont l’androcentrisme et l’anachronisme.
Abstract
The introduction of gender into the different disciplines of classical studies has taken place at different times. If history of women and gender took off very quickly from the 1960s onwards, archaeology proved to be slower to integrate this notion developed in social sciences and women’s studies. To do this, the researchers – mostly women – who have tackled the theme of gender identities and relations in ancient societies have had to face several epistemological obstacles, among which are androcentrism and anachronisms. In this article, we will briefly discuss the history of gender in classical studies, especially in archaeology, before delving into how these two mechanisms work.
Table des matières
1. Introduction
1L’étude du genre1 dans les sociétés anciennes dépasse la simple recherche savante, mais a des applications concrètes dans la vie des hommes et des femmes de notre époque. La manière dont nous écrivons et dont nous reconstruisons la vie sociale des populations anciennes, la manière dont ces recherches sont ensuite présentées, par un processus de vulgarisation, au grand public, aux élèves d’écoles primaires et secondaires, au public des musées peut faire la différence entre un sentiment d’inclusion ou de rejet. Les femmes et les minorités (raciales, LGBTQIA+, etc.) ont été pendant longtemps à la marge de ces travaux et de ces présentations, mais depuis les années 1980, principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Norvège, en Allemagne ou encore en Espagne2, des chercheuses – puisqu’il s’agit en majorité de femmes – et quelques chercheurs se sont attachés à analyser la documentation archéologique, iconographique et textuelle pour présenter une vision du passé à la fois plus nuancée et plus inclusive. Depuis lors, le but de l’archéologie du genre est de contribuer à la compréhension des normes de genre dans une société donnée et à une époque donnée. Elle vise à mettre en évidence les variations de ces normes (notamment en ce qui concerne la construction de la féminité et de la masculinité), dans le temps et dans l’espace. À ce titre, l’archéologie du genre peut être définie comme « une archéologie qui analyse les rapports sociaux et la construction sociale des identités, en étudiant la manière dont le genre – en tant que système hiérarchisant qui produit la bicatégorisation des sexes – produit une culture matérielle dans laquelle s’incarne à la fois les valeurs et les représentations associées au féminin et au masculin3 ».
2L’archéologie du genre s’est développée dans le sillage des mouvements féministes dits « de la deuxième vague », nés à la fin des années 1960, et suite à la fondation, dans le monde académique états-unien, de champs de recherches dans les domaines de l’anthropologie et de la sociologie, qui développeront notamment le champ d’étude des women’s studies. Quatre constats principaux trouvent rapidement un écho auprès des premières chercheuses qui intègrent une approche genrée dans leurs travaux4. 1) L’androcentrisme qui imprègne les interprétations du passé dans les publications rend les femmes invisibles ou minorise leurs rôles et leurs activités. Les premières recherches se sont donc employées à rendre les femmes visibles pour qu’elles ne soient plus considérées comme des sujets passifs, subissant les évènements mis en branle par les hommes, mais comme des sujets impliqués activement dans la fabrique de l’histoire. 2) L’histoire de la profession archéologique laisse peu de places aux femmes et les contributions des femmes archéologues doivent être valorisées5. 3) L’accès des femmes à la profession archéologique, la ségrégation verticale, la division genrée des tâches sur le chantier, et les violences sexistes et sexuelles dans la profession sont également des questions jugées primordiales par les archéologues du genre6. 4) Enfin, un volet muséologique se penche sur la vulgarisation des recherches scientifiques et sur la manière dont les musées représentent les femmes et les hommes du passé. Les recherches pointent les mécanismes sexistes et androcentriques présents dans les dispositifs muséaux textuels et iconographiques, et proposent des solutions pour que les musées puissent mieux assurer leur rôle dans l’éducation à l’égalité7.
3Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons à l’intégration du genre dans les études classiques, et notamment en archéologie, et donc plus spécifiquement à la première des thématiques que nous venons de présenter. Il s’agit en premier lieu d’examiner l’évolution de l’approche genrée dans le domaine de l’archéologie et des études classiques. Nous déterminerons ensuite à quels obstacles cette intégration a dû faire face – obstacles qui ne sont pas spécifiques à l’archéologie, mais sont récurrents dans toutes les branches des sciences humaines et sociales.
2. Genre et archéologie classique
4Pour la philosophe des sciences Alison Wylie, trois phases caractérisent les travaux menés sur le genre, en particulier en archéologie : la critique de l’androcentrisme, les recherches compensatoires (remedial research) dont l’enjeu est de rendre les femmes « visibles », et la reconceptualisation du champ de recherche qui intègre pleinement le genre non pas en tant qu’« outil pour étudier les femmes », mais comme un système de domination produisant, selon les lieux et les époques, des systèmes sexe/genre spécifiques8. Ces trois phases ne sont pas des phases chronologiques : elles ne sont pas nécessairement éloignées dans le temps, peuvent se chevaucher ou s’inverser selon les domaines spécifiques des archéologues ou encore apparaître dans une seule publication. À côté de ces différentes « phases », il faut par ailleurs noter que l’histoire de l’intégration du genre en archéologie classique reste lente et est encore loin d’égaler la recherche menée sur d’autres périodes, par exemple la Préhistoire.
5De manière paradoxale, l’histoire, l’histoire de l’art et l’étude des textes de l’Antiquité classique ont intégré le genre et l’étude des femmes très rapidement, et pas l’archéologie classique. Dans le monde anglo-saxon, la parution en 1973 d’un numéro spécial de la revue Arethusa marque le début d’une recherche sur les femmes dans l’Antiquité selon une perspective féministe. Le livre de Sarah B. Pomeroy, Goddesses, Whores, Wives, and Slaves : Women in Classical Antiquity, paru en 1976, est à l’époque révolutionnaire, car il est le premier à aborder en anglais, par le prisme du féminisme, le rôle des femmes dans l’histoire antique9. En France, l’histoire de « la femme », puis des femmes, occupe d’abord les recherches, avec un développement dans le courant des années 1960, dans la lignée de l’École des Annales. Ainsi, Jean-Pierre Vernant publie en 1963 un article intitulé « Hestia – Hermès10 » qui met en évidence « des catégories symboliques associées au féminin et au masculin, et leurs transgressions11 ». Sous la direction de Pierre Grimal, le premier volume de l’Histoire mondiale de la Femme consacré à la Préhistoire et à l’Antiquité est publié en 1965 et insiste dans l’introduction sur cette dimension compensatoire d’une histoire de « la femme » : « l’une des plus importantes “émancipations” de la femme serait peut-être que l’histoire reconnût et mesurât son rôle réel dans le devenir humain…12 ». D’autres chercheuses dans le monde francophone s’emparent de ce sujet comme l’historienne belge Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, qui publie dès 1981 une série d’articles et d’ouvrages sur les femmes romaines, ainsi que Nicole Loraux qui travaille sur la division des sexes en Grèce13. Toujours en histoire, l’article séminal de Joan W. Scott sur le genre comme catégorie d’analyse historique, traduit en français en 1988, aura une influence considérable sur la diffusion du concept de « genre » dans la discipline14. Pauline Schmitt Pantel dirigera en 1990 le premier volume de la monumentale Histoire des femmes en Occident, consacré à l’Antiquité. Les éditeurs de l’ensemble de la série, Georges Duby et Michelle Perrot, envisagent d’ailleurs cette Histoire comme une histoire « du rapport des sexes plus que des femmes », se plaçant ainsi dans la lignée des travaux sur ce qu’ils appellent le « Gender, à savoir les relations entre les sexes, non pas inscrits dans l’éternité d’une introuvable nature, mais produits d’une construction sociale qu’il importe justement de déconstruire15 ». Le dynamisme de cette recherche est bien marqué en France, notamment avec les travaux actuels de Violaine Sebillote-Cuchet et Sandra Boehringer16.
6Ce foisonnement de recherches sur le genre depuis les années 1970 se reflète bien peu dans l’archéologie classique, en particulier en Europe. Dans ce domaine particulier, l’étude des contextes archéologiques a souvent été peu abordée par le prisme du genre. De manière générale, on constate en archéologie classique un manque d’intérêt pour les questions théoriques dès les années 1960. Selon Colin Renfrew, l’archéologie processuelle aurait provoqué à cette époque le « Great Divide », c’est-à-dire la division de l’archéologie anthropologique et de l’archéologie classique. Selon Renfrew, les archéologues classiques se seraient dès lors focalisés sur les typologies descriptives et les analyses stylistiques au détriment des études sur les personnes et les faits sociaux, favorisés par les anthropologues17. Cette tendance a été mise en évidence par D.L. Stone18. Celui-ci a étudié sur 25 ans (1984-2012), le nombre et les thèmes des articles publiés dans les revues consacrées à l’archéologie grecque. Les articles théoriques sont plus nombreux dans les revues anglophones que dans les revues publiées dans d’autres langues (français, grec, allemand) et les articles théoriques sur la préhistoire sont plus nombreux que sur les autres périodes. Le « Great Divide » semble donc expliquer pourquoi l’archéologie grecque du Ier millénaire s’est peu penchée sur les questions théoriques jusqu’à une période très récente, alors que le sujet était progressivement intégré aux recherches menées sur la préhistoire égéenne dès les années 198019.
7En ce qui concerne plus précisément l’archéologie du genre, un nombre important de publications s’est plus particulièrement attaché à la préhistoire à partir de 1984 et de la parution de l’article de M. Conkey et J. Spector, notamment grâce à la publication de plusieurs ouvrages collectifs dans le monde anglo-saxon, avant de s’étendre progressivement à d’autres périodes, comme la protohistoire européenne20. Pour ce qui est de l’Antiquité classique, la majorité des travaux sur les femmes et le genre ont pour point de départ les sources textuelles jusque dans les années 1980, mais, dès 1983, Susan Walker aborde le rôle des femmes et des hommes à l’intérieur de la maison grecque au moyen de l’archéologie21. L’importance donnée à une approche androcentrique – mais supposément non genrée – jusqu’à cette période renvoie les femmes à la marge : l’archéologie classique sert de moyen pour illustrer les textes, reconstituer l’histoire de la civilisation grecque et de ses institutions, se concentrant sur les vestiges de bâtiments publics et donc, de facto, sur une histoire masculine, alors que les vestiges domestiques sont considérés comme moins importants, car relevant du domaine des femmes22. Deux thèmes de prédilection, mais d’importance inégale, ont marqué la recherche durant les quarante dernières années. Le premier est celui d’une archéologie du féminin qui s’est concentrée d’une part sur l’impossibilité d’identifier des zones genrées dans les habitations et sur la fluidité des espaces de la maison grecque, allant à l’encontre des textes antiques écrits par une élite masculine et mettant en avant la réclusion des femmes23, et d’autre part sur une archéologie de la présence féminine dans la cité, passant notamment par une archéologie du paysage à l’instar des travaux de Marilyn Y. Goldberg, Agneta Strömberg et de Sanne Houby-Nielsen, la première ayant reconstitué le chemin des processions rituelles vers les sanctuaires de divinités féminines et la seconde ayant montré que les cimetières d’enfants ont souvent été placés sur les routes menant à des sanctuaires où les cultes féminins sont importants24. C’est à Houby-Nielsen que l’on doit des analyses des tombes du Céramique, en particulier pour la période classique, et de la répartition genrée des offrandes funéraires, qui tend à montrer que les objets attendus comme discriminants ne le sont pas forcément25. Strömberg adopte le même angle d’approche pour les tombes athéniennes des périodes plus anciennes (du Submycénien au Géométrique) avec un succès plus mitigé quant aux résultats26.
8Le deuxième domaine de recherche concerne plus spécifiquement l’histoire de l’art et a principalement porté sur l’iconographie, en particulier celle de la céramique attique à figure noire et à figure rouge, avec des débats se focalisant sur la possibilité (ou non) d’établir le statut des femmes représentées et oscillant entre deux extrêmes : femmes mariées et respectables vs hétaïres et prostituées27. En France et dans les pays francophones, la question ne semble pas avoir attiré l’attention des archéologues avant les années 201028. Cet état de fait est assez paradoxal puisque l’histoire des femmes, comme on vient de le voir, est un sujet de recherche dès les années 1970 pour les historiens et historiennes francophones.
3. Anachronismes et androcentrismes
9Plus que dans tout autre domaine d’étude des sociétés antiques, l’histoire et l’archéologie du genre et des sexualités sont marquées par un lien unissant le passé au présent. Si, d’une part, la recherche produit un discours nécessairement situé sur le passé, le passé sert d’autre part à légitimer et à asseoir des revendications politiques et idéologiques. La théorie du point de vue est une théorie féministe qui soutient que les connaissances et les perspectives sont formées par les expériences et la position sociale, politique et économique. Elle a été développée par des féministes, tels que Sandra Harding et Donna Haraway, pour remettre en question les hypothèses épistémologiques traditionnelles sur la production de connaissances et pour rendre visible les moyens par lesquels les groupes dominants ont façonné ce qui est considéré comme connaissance29. La théorie souligne l’importance de prendre en compte différents points de vue pour créer une base de connaissances plus inclusive et équitable, et a été appliquée dans divers domaines tels que la sociologie, la philosophie et les études culturelles. En premier lieu, le discours situé produit par les historiens et les archéologues ne peut pas échapper à une certaine forme d’anachronisme : la recherche sur le passé reste un produit d’un présent donné et de ses préoccupations politiques et sociales, ce qui devient très net avec le temps30. Comme le signale Peter Cryle :
When we do not live in the same era as a scholar his or her arguments will inevitably seem less convincing; in the cases they focus on, assumptions that seem to be universal givens to the scholar in question are later exposed as, in fact, specific to and over-determined by the culture or period in which they were writing, or the social perspective from which they wrote31.
10C’est ce que montre par exemple Chris Manias dans un article où il décortique la manière dont la sexualité des femmes et des hommes préhistoriques était envisagée par les savants du XIXe siècle32. Parce que nous avons une distance chronologique suffisante avec ces savants, il nous est aujourd’hui facile de voir que les interprétations développées à cette époque sur base du matériel archéologique ou de comparaisons ethnologiques s’ancraient sur les valeurs et les croyances – raciales et eugéniques – de la société du XIXe siècle. Les femmes et les hommes préhistoriques étaient alors comparés à des populations non occidentales dont la synchronicité avec les Occidentaux était niée. Au contraire, l’anthropologie évolutionniste a tenté de découvrir chez les populations contemporaines qu’elle qualifiait de « primitives » les étapes d’un développement racial et culturel qui a ultimement abouti à l’Homme blanc, parangon de la civilisation. Les écrits du XIXe siècle mettent en exergue une bestialité hypothétique des préhistoriques, notamment en matière de sexualité, où les auteurs se plaisent à imaginer une promiscuité primitive dans laquelle il n’y aurait aucun tabou concernant l’inceste, l’homosexualité et l’adultère et où les infanticides seraient fréquents : barbariser les femmes et les hommes de la Préhistoire, c’est montrer l’évolution possible de l’humanité tout en l’opposant aux progrès de la modernité et à une sexualité judéo-chrétienne civilisée. Nombre de ces interprétations dépassées ont aujourd’hui été réfutées et identifiées comme des stéréotypes de leur temps :
we can appreciate that they were liable to contribute to a circular argument; the pictures they build up of prehistoric societies reflected the values of their own societies and then were, in turn, used to shore up these values through providing evidence about human nature and the course of world history33.
11Deuxièmement, les usages modernes du passé ont permis de donner une légitimité à certaines revendications sociales et politiques34 en matière de genre et de sexualités. Kate Fisher et Rebecca Langlands considèrent que le passé remplit ainsi trois fonctions :
first, using the past in the service of modern identity formation; second, using the past to position the present within a linear narrative (e.g. of decline or progress); and third, using the past to construe the relationship between past and present as one of similarity or difference, which in the modern context is often associated with the question of what is essential about human nature and what is contingent upon context and culture35.
12Par exemple, la construction du discours moderne sur la sexualité a été largement étudiée par David Halperin, qui a démontré l’importance de la Grèce antique dans l’émergence de nouvelles idées à propos de l’homosexualité à la fin du XIXe siècle36. Le modèle grec a ainsi contribué à la définition d’une identité homosexuelle naissante au début du XXe siècle et à la nature des mouvements en faveur d’une réforme des lois visant les homosexuels37.
13À côté des anachronismes, les approches androcentriques ont largement invisibilisé les femmes dans les publications, pendant une longue période et parfois encore aujourd’hui.
L’androcentrisme constitue […] un biais théorique et idéologique qui consiste à placer l’être humain masculin au centre du monde, à mettre l’accent de façon partielle ou exclusive sur les sujets et les relations entre les personnes de sexe masculin. Dans les sciences sociales, cela conduit à exclure les femmes des études historiques et sociologiques et à produire des analyses erronées des relations sociales où elles sont insérées38.
14L’androcentrisme peut prendre plusieurs formes, et peut notamment amener à stéréotyper aussi bien les femmes que les hommes39. Il est parfois ouvertement misogyne, non seulement envers les femmes de l’Antiquité, mais également avec les contemporaines des auteurs. Ainsi, dans leur ouvrage sur Hérodote paru en 1912, W.W. How et J. Wells mentionnent que le père de l’Histoire parle des Amazones comme étant capables de comprendre et de parler les langues étrangères des hommes qu’elles rencontrent, alors que ces hommes n’arrivent pas à parler la langue des Amazones. Les deux auteurs considèrent qu’il s’agit d’une « delightful touch » de la part d’Hérodote, mais que cette idée est « inaccurate, as lady linguists often are40 ». Cette misogynie est d’autant plus prégnante dans les textes scientifiques à mesure que l’on remonte dans le temps et que le contexte, clairement défavorable à toute émancipation des femmes, est projeté sur l’Antiquité : par exemple, selon Joachim Marquardt, l’émancipation des femmes romaines, leur manque de morale et le « féminisme » n’ont rien moins que précipité la chute de l’Empire romain. L’historien allemand peut ainsi écrire à la fin du XIXe siècle :
[…] l’envahissement du luxe asiatique et la décadence de la vieille religion, ne put manquer d’influer immédiatement aussi sur le caractère féminin. […] dans les derniers siècles de la République, l’accès des idées grecques ouvrit aux esprits distingués un plus large horizon, et cette liberté nouvelle n’offrait guère moins de danger. Les dames qui prirent le goût de la poésie et, sans doute aussi, de la philosophie grecque, qui s’adonnaient au culte étranger et éludaient leurs obligations de ménage et d’éducation, quittèrent, elles aussi, la sûreté d’une vocation étroite et sainte, pour le terrain glissant d’une périlleuse indépendance, qui les perdit en dissolvant le lien même du mariage41.
15Une autre forme d’androcentrisme que l’on rencontre régulièrement est ce qu’on peut appeler la gynopie, c’est-à-dire le fait de ne pas voir le féminin et, par conséquent, de rendre invisibles les expériences des femmes42. Il s’agit d’une forme d’épistémocentrisme43, définie comme « l’étude d’une société à partir des catégories de pensée, des critères d’analyse, des outils spécifiques à la société ou au groupe dominant44 ». Un exemple fréquemment repris est une phrase de Claude Lévi-Strauss, tirée de son étude de la société des Indiens Bororo du Brésil : « Le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées45 ». L’anthropologue fait ici l’adéquation entre le village entier et le groupe d’hommes, qui semble seul l’intéresser, et nie par conséquent tout intérêt que pourraient présenter les activités des femmes. Cette invisibilisation des femmes ainsi que la non-considération de leur participation à l’histoire humaine ne sont pas un phénomène relégué aux oubliettes de la recherche. Alors que l’importance du système sexe/genre est déterminante pour l’étude des structures sociales, il est aberrant de ne pas prendre en compte la dimension du genre lorsque l’on étudie une nécropole, les structures politiques, l’économie des cités grecques ou encore les élites athéniennes46.
4. Conclusion
16Malgré plus de quarante ans de recherche en archéologie du genre et bien que la prise de conscience de ces aspects soit récente dans le monde francophone pour ce qui concerne plus spécifiquement l’archéologie classique, il subsiste une forme de marginalité de cette approche47. Encore aujourd’hui, l’archéologie du genre est considérée comme une sous-discipline qui se tient en fait à la marge de l’archéologie de la même manière que l’histoire des femmes et du genre se tient à la marge de l’histoire. Comme le constate Françoise Collin, l’intégration du genre dans n’importe quelle discipline, « infléchit peu l’ensemble de la production scientifique, sauf par éclats48 ». Nombreux sont également les chercheurs qui considèrent que l’étude du genre est nécessairement limitée à l’étude des femmes et qui ne voient pas l’intérêt de poursuivre ce type d’études face à des sujets qui sont considérés comme plus sérieux, comme l’étude des structures politiques ou de l’économie antique. Or, la prochaine étape pour faire évoluer l’archéologie du genre est paradoxalement de la faire disparaître : une approche genrée des différents sujets archéologiques, que cela soit la place et les rôles des femmes dans les sociétés antiques, l’analyse des représentations figurées représentant des hommes et des femmes, les recherches sur la construction de la féminité et de la masculinité, ou sur les artefacts associés préférentiellement à un sexe ou à un autre, ne doit plus faire l’objet d’études séparées, mais être intégrée dans l’ensemble des sujets de recherche qui concerne le monde antique.
Notes
1 Pour une définition du genre, voir Introduction aux études sur le genre, 3e édition, éd. L. Bereni, S. Chauvin, A. Jaunait et A. Revillard, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2020, p. 5-8.
2 La bibliographie traitant du genre en archéologie étant particulièrement volumineuse, nous renvoyons ici à quelques articles et ouvrages essentiels : M. Conkey et J. Spector, Archaeology and the Study of Gender, dans Advances in Archaeological Method and Theory, vol. 7, 1984, p. 1-38 ; J. M. Gero, Socio-Politics and the Woman-at-Home Ideology, dans American Antiquity, vol. 50/2, 1985, p. 342-350 ; Were They All Men? An Examination of Sex Roles in Prehistoric Society, éd. R. Bertelsen, A. Lillehammer et J.-R. Naess, Stavanger, Arkeologisk museum i Stavanger, 1987 ; Engendering Archaeology: Women and Prehistory, éd. J. Gero et M. Conkey, Oxford, Basil Blackwell, 1991 ; M. L. S. Sørensen, Gender Archaeology, Cambridge, Polity Press, 2000 ; Handbook of Gender in Archaeology, éd. S. M. Nelson, AltaMira Press, 2006 ; M. Díaz-Andreu et S. Montón Subías, Feminist and Gender Issues in Southwestern Europe: Spanish, Portuguese and French Prehistoric Archaeologies, dans The Companion to Gender Prehistory, éd. D. L. Bolger, Malden (Mass.), Wiley-Blackwell, 2012, 438-457.
3 I. Algrain et L. Mary, Manuel d’archéologie du genre, Bordeaux, Éditions Fedora, (à paraître).
4 M. L. S. Sørensen, Gender Archaeology, Cambridge, Polity Press, 2000.
5 Par exemple, E. Gran-Aymerich et J. Gran-Aymerich, Jane Dieulafoy. Une vie d’homme, Paris, Perrin, 1991 ; Excavating Women. An History of Women in European Archaeology, éd. M. Díaz-Andreu et M. L. S. Sørensen, Londres, Routledge, 1998 ; Breaking Ground. Pioneering Women Archaeologists, éd. M. Joukowsky et G. M. Cohen, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2004.
6 J. M. Gero, Socio-Politics and the Woman-at-Home Ideology, dans American Antiquity, vol. 50/2, 1985, p. 342-350 ; B. Voss, Disrupting Cultures of Harassment in Archaeology: Social-Environmental and Trauma-Informed Approaches to Disciplinary Transformation, dans American Antiquity, vol. 86/3, 2021, p. 447-464 ; B. Voss, Documenting Cultures of Harassment in Archaeology: A Review and Analysis of Quantitative and Qualitative Research Studies, dans American Antiquity, vol. 86/2, 2021, p. 244-260.
7 A. K. Levin éd., Gender, Sexuality and Museums. A Routledge Reader, Londres, Routledge, 2010 ; L. Prados Torreira et C. López Ruiz éd., Museos arqueológicos y género. Educando en igualdad, Madrid, UAM Ediciones, 2017 ; J. E. Fries, D. Gutsmiedl-Schümann, J.Z. Matias et U. Rambuscheck éd., Images of the Past. Gender and its Representations, Münster, Waxmann, 2017.
8 A. Wylie, Gender Theory and the Archaeological Record: Why is There No Archaeology of Gender?, dans Engendering Archaeology. Women and Prehistory, éd. J. M. Gero et M. W. Conkey, Oxford, Blackwell Publishing, 1991, p. 31-54.
9 S. B. Pomeroy, Goddesses, Whores, Wives, and Slaves: Women in Classical Antiquity, New York, Dorset Press, 1976.
10 J.-P. Vernant, Hestia – Hermès. Sur l'expression religieuse de l'espace et du mouvement chez les Grecs, dans L'Homme, tome 3(3), 1963, p. 12-50.
11 C. Trémeaud, Genre et hiérarchisation dans le monde nord-alpin, aux âges du Bronze et du Fer, BAR Publishing, 2018 (BAR International Series 2912), p. 9.
12 L.R. Nougier, J. Vercoutter, J. Bottero, J. Danmanville, R. Flacelière et P. Grimal, Histoire mondiale de la Femme. Tome I. Préhistoire et Antiquité, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1965.
13 N. Loraux, Les Enfants d’Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Paris, Maspero, 1981.
14 J.W. Scott, Gender: A Useful Category of Historical Analysis, dans The American Historical Review, vol. 91/5, 1986, p. 1053-1075, traduit en français J. W. Scott, Genre : Une catégorie utile d’analyse historique, trad. E. Varikas, dans Les Cahiers du GRIF, no 37-38, Le genre de l’histoire, 1988, p. 125-153.
15 P. Schmitt Pantel éd., Histoire des femmes en Occident. I. L’Antiquité, Paris, Perrin, 2002 (1991), p. 22 et 19 pour les citations.
16 S. Boehringer, L’homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine, préface de D. Halperin, Paris, Les Belles Lettres, 2007 ; V. Sebillotte Cuchet et N. Ernoult éd., Problèmes du genre en Grèce ancienne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007 ; V. Sebillotte Cuchet et S. Boehringer éd., Hommes et femmes dans l’Antiquité grecque et romaine, Paris, Armand Colin, 2011 ; S. Boehringer et V. Sebillotte Cuchet éd., Des femmes en action. L’individu et la fonction en Grèce ancienne. Mètis hors-série, Athènes-Paris, Daedalus-EHESS, 2013 ; S. Boehringer, A. Grand-Clément, S. Péré-Noguès et V. Sebillotte Cuchet éd., Des femmes qui comptent. Genre et participation sociale en Grèce et à Rome. Mètis N.S. 18, 2020 ; V. Sebillotte Cuchet, Artémise. Une femme capitaine de vaisseaux dans l’Antiquité grecque, Paris, Fayard, 2022.
17 C. Renfrew, The Great Tradition versus the Great Divide: Archaeology as Anthropology?, dans AJA, n°84, p. 287-298.
18 D. L. Stone, A Theoretical of Atheoretical Greek Archaeology. The Last Twenty-Five Years, dans Theoretical Approaches to the Archaeology of Ancient Greece. Manipulating Material Culture, éd. L. C. Nevett, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2017, p. 15-16.
19 L. C. Nevett, Introduction, dans Theoretical Approaches to the Archaeology of Ancient Greece. Manipulating Material Culture, éd. L. C. Nevett, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2017, p. 1-10 ; D. Small, Classical Archaeology Comes of Age. Supplying Theory to Other World Archaeologies, dans Theoretical Approaches to the Archaeology of Ancient Greece. Manipulating Material Culture, éd. L. C. Nevett, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2017, p. 51-52 ; D. Kokkinidou et M. Nikolaidou, Η αρχαιολογία και η κοινωνική ταυτότητα του φύλου: προσεγγίσεις στην αιγαιακή προϊστορία, Vanias, 1993 ; D. Kokkinidou et M. Nikolaidou, Feminism and Greek Archaeology: An Encounter Long Over-Due, dans FYLO: Engendering Prehistoric “Stratigraphies” in the Aegean and the Mediterranean, éd. K. Kopaka, Université de Liège, 2009, 25-37.
20 En particulier J. Gero et M. Conkey, op. cit.
21 S. Walker, Women and Housing in Classical Greece, dans Images of Women in Antiquity, éd. A. Cameron et A. Kuhrt, Londres-New York, Routledge, 1993, p. 81-91.
22 S. Spencer-Wood, Feminist Gender Research in Classical Archaeology, dans Handbook of Gender Archaeology, éd. S. M. Nelson, Lanham, MD, AltaMira Press, 2006, p. 298.
23 Ibid., p. 312-314.
24 M. Y. Goldberg, Spatial and Behavioural Negotiation in Classical Athenian City Houses, dans The Archaeology of Household Activities. Gender Ideologies, Domestic Spaces and Material Culture, éd. P.M. Allison, Londres, Routledge, 1999, p. 142-162 ; S. Houby-Nielsen, Child Burials in Ancient Athens, dans Children and Material Culture, éd. J. Sofaer Derevenski, Londres, Routledge, 2000, p. 151-167.
25 S. Houby-Nielsen, “Burial language” in Archaic and Classical Kerameikos, dans Proceedings of the Danish Institute at Athens, vol. 1, 1995, p. 129-191 ; S. Houby-Nielsen, Women and the Formation of the Athenian City-State. The Evidence of Burial Customs, dans Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 11, 1996, p. 233-260.
26 A. Strömberg, Male or female? : a methodological study of grave gifts as sex-indicators in Iron Age burials from Athens, Jonsered, Paul Åström, 1993. Compte rendu de A. Snodgrass A., Sexing the Bones - Agneta Strömberg: Male or Female? A methodological study of grave gifts as sex-indicators in Iron Age burials from Athens. (Studies in Mediterranean Archaeology and Literature, 123.) Pp. 217; 15 figs. Jonsered: Paul Åström, 1993, dans The Classical Review, 44(2), 1994, p. 379-380.
27 Par exemple E. Keuls, The Reign of the Phallus. Sexual Politics in Ancient Athens, New York, Harper and Row, 1985, p. 235-240 et S. Lewis, The Athenian Women. An Iconographic Handbook, Londres, Routledge, 2002, p. 71-81, opposent des arguments contre l’interprétation de D. Williams, Women on Athenian Vases. Problems of Interpretation, dans Images of Women in Antiquity, éd. A. Cameron et A. Kuhrt, Detroit, Wayne State University Press, 1983, p. 103-105 selon laquelle les femmes à la fontaine sont des hétaïres dans la céramique attique.
28 Voir notamment Bérard R.-M., Le métal et la parure : identité de genre et identité ethnique dans les nécropoles de Grande Grèce et de Sicile, dans Culture(s) matérielle(s) et identités ethniques. Dialogues d’histoire ancienne, Suppl. 10, dir. C. Müller et A.-E. Veïsse éd., 2014, p. 145-168 ; I. Algrain, Un exemple de genre fluide dans la nécropole du Céramique ?, dans Frontière·s, Revue d’archéologie, histoire & histoire de l’art 5, Dossier « Aux frontières des genres », coord. L. Ayeb et É. Pampanay, 2021, p. 31-32 (DOI : 10.35562/frontieres.849) ; A. Esposito et A. Pollini, Gender, Identities, and Material Culture in the Italic Peninsula: Burial Practices and Loom Weights in Perspective, dans Etruscan Studies, vol. 24 (1-2), 2021, p. 18-35. Sur le genre dans l’archéologie des sociétés antiques et médiévales au sens large, S. Péré-Noguès, Pour une archéologie du genre : histoire antique et médiévale, dans Histoire des femmes et du genre, éd. S. Chaperon, A. Grand-Clément et S. Mousset, Paris, Armand Colin, 2022, p. 15-28.
29 D. Haraway, Situated Knowledges, dans The Feminist Standpoint Theory Reader, éd. S. Harding, New York-Londres, Routledge, 2004 ; S. Harding, Rethinking Standpoint Epistemology : What is Strong Objectivity ?, dans
30 P. Cryle, Anachronistic Readings of Eighteenth-century Libertinage in Nineteenth- and Twentieth-century France, dans Sex, Knowledge, and Receptions of the Past, éd. K. Fisher et R. Langlands, Oxford, Oxford University Press, 2015 (Classical Presences), p. 65-85.
31 K. Fisher et R. Langlands, General Introduction, dans Sex, Knowledge, and Receptions of the Past, éd. K. Fisher et R. Langlands, Oxford, Oxford University Press, 2015 (Classical Presences), p. 13.
32 C. Manias, Scholarly Visions of Prehistoric Sexuality, 1859-1900, dans Sex, Knowledge, and Receptions of the Past, éd. K. Fisher et R. Langlands, Oxford, Oxford University Press, 2015 (Classical Presences), p. 177-199.
33 K. Fisher et R. Langlands, op. cit., p. 14.
34 En dehors de la question du genre et des sexualités, l’utilisation de l’Antiquité comme modèle et comme référent à des fins politiques a été largement étudiée. Voir par exemple B. Arnold, The Past as Propaganda : Totalitarian archaeology in Nazi Germany, dans Antiquity, vol. 64 (244), 1990, 464-478 ; B. Arnold, « Arierdämmerung »: Race and Archaeology in Nazi Germany, dans World Archaeology, vol. 38/1, Race, Racism and Archaeology, 2005, 8-31 ; J. Chapoutot, Le Nazisme et l’Antiquité, Paris, Presses universitaires de France, 2008 ; J.-P. Demoule, Aux origines, l’archéologie. Une science au cœur des grands débats de notre temps, Paris, La Découverte, 2020.
35 K. Fisher et R. Langlands, op. cit., p. 15.
36 D. M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality and other Essays on Greek Love, New York, Routledge, 1990 = Cent ans d’homosexualité et autres essais sur l’amour grec, trad. par I. Châtelet, Paris, EPEL ; D.M. Halperin, Forgetting Foucault: Acts, Identities, and the History of Sexuality, dans Representations, n°63, Summer 1998, p. 93-120 = Oublier Foucault. Mode d’emploi, trad. par I. Châtelet, Paris, EPEL, 2004. Voir également L. C. Dowling, Hellenism and Homosexuality in Victorian Oxford, Ithaca, Cornell University Press, 1994.
37 L’attitude envers ce sujet n’a toutefois pas toujours été aussi ouverte à la fin du XIXe et au début du XXe siècle cf. L. Foxhall, Studying Gender in Classical Antiquity, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 5.
38 N. Ordioni, L’androcentrisme : un ethnocentrisme du genre ?, dans Babel Civilisations et sociétés, Altérité et diversité, une approche multidisciplinaire, vol. 7, 2011, p. 49.
39 L. Skogstrand, Is Androcentric Archaeology Really About Men?, dans Archaeologies. Journal of the World Archaeological Congress, vol. 7 (1), 2011, p. 56-74.
40 W. W. How & J. Wells, A Commentary on Herodotus, 2 volumes, Oxford, 1912, p. 340-341.
41 J. Marquardt, La vie privée des Romains. Tome I, trad. V. Henry, Paris, Ernest Thorin Éditions, 1892, p. 76-79. J. Carcopino, La vie quotidienne à Rome à l’apogée de l’Empire, Paris, Hachette, p. 112-118 lie le « féminisme » au phénomène de démoralisation de la société romaine cf. M.-T. Raepsaet-Charlier, La vie familiale des élites dans la Rome impériale : le droit et la pratique, dans Cahiers du Centre Gustave Glotz, vol. 5, 1994, p. 170-172.
42 L’assimilation est une autre forme d’androcentrisme. Elle « vise à invisibiliser l’autre, à identifier le groupe dominé au groupe dominant, qui est posé comme étalon. […] elle prend la forme d’un langage prétendument commun – celui du masculin, pour désigner l’humanité tout entière. » cf. N. Ordioni, L’androcentrisme : un ethnocentrisme du genre ?, dans Babel Civilisations et sociétés, Altérité et diversité, une approche multidisciplinaire, vol. 7, 2011, p. 52. D’autres formes d’androcentrisme incluent la surspécificité, le rejet, ou encore un binarisme excessif cf. L. Maceira-Ochoa, ¿Vestigios para un futuro igualitario ? Pensar la educación en los museos arqueológicos desde una perspectiva feminista, dans Museos arqueológicos y género. Educando en igualdad, éd. L. Prados Torreira et C. López Ruiz, Madrid, UAM Ediciones, 2017, p. 69-103.
43 Voir le chapitre sur l’épistémocentrisme scolastique dans P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 64-75.
44 N. Ordioni, L’androcentrisme : un ethnocentrisme du genre ?, dans Babel Civilisations et sociétés, Altérité et diversité, une approche multidisciplinaire, vol. 7, 2011, p. 52.
45 C. Lévi-Strauss, Contribution à l’étude de l’organisation sociale des Indiens Bororo, dans Journal de la Société des Américanistes, t. 28/2, 1936, p. 283.
46 Par exemple, W. Filser, dans une monographie de 800 pages sur les élites athéniennes et leurs représentations sur la céramique attique, ne mentionne pas une seule fois les femmes de cette élite : W. Filser, Die Elite Athens im Spiegel der attischen Luxuskeramik, Berlin, De Gruyter, 2017.
47 C. Bard, Recherche et militantisme (France, 1995-2002), dans Quand les femmes s’en mêlent, éd. C. Bard, C. Baudelot et J. Mossuz-Lavau, Paris, Éditions de la Martinière, 2004, p. 272.
48 F. Collin, Différence et différend, dans Histoire des femmes en Occident. Tome V. Le XXe siècle, éd. G. Duby, M. Perrot et F. Thébaud, Paris, Plon, 1992, p. 273.
Pour citer cet article
A propos de : Isabelle Algrain
Isabelle Algrain est docteure en Histoire, arts et archéologie de l’Université libre de Bruxelles (2011) et titulaire d’un master de spécialisation en études de genre (2019). Après un séjour post-doctoral d'un an à l'Université d'Oxford (bourse de la Fondation Wiener-Anspach, 2011-2012), elle a obtenu un mandat de chargée de recherches du F.R.S.-FNRS au Centre de Recherches en Archéologie et Patrimoine de l'ULB (2012-2015). Collaboratrice scientifique au Centre de Recherches en Archéologie et Patrimoine de l’Université libre de Bruxelles, elle est spécialiste de l’étude morphologique de la céramique grecque des époques archaïque et classique et travaille à la publication du matériel retrouvé dans le complexe sud du site de Despotiko (Paros). Depuis sa thèse de doctorat, elle s’intéresse également à la question de la représentation et de la construction identitaire des femmes et des hommes dans la Grèce antique. Parmi ses publications, on trouve notamment L’alabastre attique. Origine, forme et usages, Bruxelles : CReA-Patrimoine, 2014 [Études d’archéologie 7], ouvrage couronné en 2016 du Prix quinquennal Joseph Gantrelle par la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.