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- Vol. 47 - 2023
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Discours des personnages de l'Octavie du Pseudo-Sénèque : Logométrie et trajet tragique
Résumé
Pendant longtemps, c’est la dimension historique de l’Octavie du Pseudo-Sénèque qui a intéressé les chercheurs. Ceux-ci se sont surtout concentrés sur les questions d’authenticité et de références historiques à la période néronienne. Lorsque la pièce était abordée comme une œuvre de théâtre, c’était souvent en comparaison négative avec les tragédies à sujet mythologique. Aujourd’hui, avec les outils de la logométrie, nous mettons en évidence les processus de construction des discours des personnages au service du trajet tragique des deux héros de la pièce, Octavie et Néron. Il apparaît que le couple fonctionne discursivement et tragiquement en parallèle grâce à leurs échanges avec les autres personnages. C’est parce qu’Octavie en tant que femme et Néron en tant qu’homme souffrent d’un dolor issu de leur lignée maternelle qu’ils sont contraints de se transformer sur scène en héros tragiques. En cela, l’Octavie s’inscrit dans le genre tragique tout comme les tragédies de Sénèque.
Abstract
For a long time, scholarly analyses of the Pseudo-Senecan have focused mainly on the historical dimension of the play. They have focused primarily on questions of authenticity and historical references to the Neronian period. When the play has been discussed as a work of drama, it has often suffered from negative comparisons to Seneca’s mythological tragedies. By using the tool of logometry, I propose to draw attention to the processes with which the discourse of two characters, Octavia and Nero, is constructed in support of these two protagonists’ tragic arc. It will be shown that, through their exchanges with the other characters, the pair functions in parallel, both on a discursive and on a tragic level. It is because Octavia as a woman and Nero as a man suffer from pain (dolor) stemming from their maternal lineage that they are forced to transform themselves on stage into tragic heroes. In this respect, Octavia belongs to the tragic genre, just like the tragedies of Seneca.
Table of content
1. Introduction
1L’Octavie occupe une place particulière dans l’histoire de la littérature latine et plus précisément dans l’histoire du théâtre romain dans la mesure où elle est l’unique pièce qui présente un sujet de l’histoire romaine (fabula praetexta), à savoir la mise à mort d’Octavie par son époux, Néron. De plus, à l’exception de titres ou de fragments, elle est l’une des seules tragédies complètes conservées avec l’Hercule sur l’Œta qui n’auraient pas été écrites par Sénèque. C’est d’ailleurs sans doute grâce à son association au nom de celui-ci dans la tradition manuscrite que cette pièce est parvenue jusqu’à nous. Si la question de l’attribution de l’Octavie au philosophe a longtemps fait débat, elle semble aujourd’hui résolue : Sénèque n’est pas l’auteur de cette pièce1. Ainsi, de nombreuses incertitudes subsistent toujours quant à sa datation, l’identité de son auteur ou son contexte de performance2. Sans nouveaux éléments découverts dans cette enquête, il semble difficile de répondre avec assurance à ces interrogations pourtant précises.
2Or les liens entre l’œuvre sénéquéenne et l’Octavie sont nombreux et de nature complexe situant indiscutablement la pièce dans le genre dramatique et plus particulièrement tragique3. Au-delà des références historiques4, il semble donc nécessaire de faire progresser notre compréhension de l’Octavie en tant que tragédie à part entière, une praetexta à sujet historique qui partage néanmoins de nombreux éléments avec la tragédie mythologique5. Pour ce faire, nous proposons d’approcher l’Octavie dans le cadre conceptuel de l’analyse du discours en utilisant plus précisément les outils de la logométrie6. Il s’agit de mieux évaluer les processus de construction des discours des personnages et leur impact sur le caractère tragique de la pièce à partir d’une analyse statistique de données textuelles. Dans cette analyse, nous cherchons également à évaluer si le critère du sexe des personnages fonctionne comme un « opérateur de contraste », comme dans Médée ou les Troyennes de Sénèque7. En fonction des résultats, il sera possible de mieux définir le fonctionnement discursif et dramatique de la pièce.
Approche logométrique de l’Octavie
3Pour commencer, il est intéressant de soumettre l’ensemble des dix tragédies de langue latine conservées au logiciel Hyperbase8 pour évaluer la distance intertextuelle entre elles. Par exemple, on peut obtenir l’analyse factorielle des correspondants (AFC) 9calculée à la fois sur l’ensemble des lemmes (l’entrée d’un mot dans le dictionnaire du LASLA, ce qui évite les variations de flexion ou de conjugaison) et des codes (l’analyse morphosyntaxique d’un mot) de chaque œuvre sélectionnée. Cette AFC tient donc compte de l’ensemble de la langue (vocabulaire et morphosyntaxe) pour calculer la distance entre les tragédies du corpus constitué.
Figure 1 : AFC des lemmes et des codes des dix tragédies latines
4L’AFC, qui s’interprète en tenant compte de la position des textes entre eux, mais aussi par rapport aux deux axes, montre clairement que l’Octavie se détache des autres tragédies. La pièce prend position à l’extrémité droite de l’axe 1 (l’axe horizontal), ce qui indique une certaine distance intertextuelle avec les neuf tragédies à sujet mythologique. Notons que l’Hercule sur l’Œta, dont l’attribution à Sénèque est aussi douteuse, est associée aux autres tragédies de Sénèque, particulièrement à l’Hercule furieux10. Un facteur thématique peut sans doute expliquer, du moins en partie, cette position.
5La spécificité de l’Octavie par rapport aux autres tragédies nous invite à entrer dans l’analyse de la pièce elle-même pour mieux en saisir le fonctionnement interne. Pour ce faire, nous l’avons décomposée selon ses différents rôles, rassemblant les répliques d’un même personnage ensemble11. De cette manière, on obtient un corpus constitué de onze unités textuelles statistiquement comparables entre elles grâce aux outils d’Hyperbase. Par exemple, il est possible de produire une analyse arborée des lemmes et des codes sur ce corpus :
Figure 2 : Analyse arborée des lemmes et des codes des personnages de l’Octavie
6Cette opération statistique est une autre méthode de représentation graphique des distances entre des textes comparés sur un critère présélectionné12, ici l’utilisation de lemmes et des codes des différents personnages de l’Octavie. L’arbre associe le préfet et le messager (nœud 16), Poppée et sa nourrice (nœud 17), Sénèque et Néron (nœud 19) et enfin Octavie et sa nourrice (nœud 20). Les deux chœurs et Agrippine occupent une place relativement centrale dans l’arbre.
3. L’énonciation, un facteur de caractérisation des discours
7La partie inférieure de l’arbre associe deux paires de personnages, probablement en raison d’un facteur lié à la nature de leur énonciation moins interactive que les personnages à l’autre extrémité de l’arbre. Il n’est ainsi pas surprenant de trouver associés le messager et le préfet qui ont un rôle similaire13 qui consiste à annoncer pour l’un au chœur le soulèvement du peuple en faveur d’Octavie, pour l’autre à Néron la répression violente contre les agitateurs. Sur l’autre branche, il est intéressant de voir ensemble les discours de Poppée et sa nourrice qui partagent une scène ensemble. Lorsqu’on retourne au texte, au-delà des rapides échanges attendus entre alumna et nutrix, il apparaît que les deux personnages se répondent sur l’interprétation d’un rêve réalisé par Poppée la nuit précédente : inter Neronis uincta complexus mei/somno resoluor ; (v. 716-717 : « enchaînée parmi les étreintes de mon Néron, je m’abandonne au sommeil ; »)14. La maîtresse de Néron décrit à sa nourrice ledit songe, mais aussi les émotions violement ressenties.
8Elle perçoit donc cette expérience comme un mauvais présage pour le prince et pour elle-même. Le lecteur ou l’auditeur devait rejoindre Poppée dans cette interprétation funeste en raison d’une part de la malédiction prononcée auparavant par Agrippine et d’autre part d’un épisode rapporté par Octavie au début de la pièce15. Cette dernière raconte elle aussi un rêve à sa nourrice. Elle et son frère y sont violemment assassinés par Néron : uiolentus ensem per latus nostrum rapit (v. 120-124 : « l’autre plonge avec violence son épée dans notre flanc »). Dans le songe de Poppée, c’est le prince qui se poignarde : ensemque iugulo condidit saeuum Nero (v. 731-736 : « et, avec sauvagerie, [Néron] plongea un glaive dans sa gorge »)16. Toutefois, la mort violente de Britannicus et de sa sœur mise en parallèle avec le suicide de Néron, même en rêve, renforce la sensation d’un désastre à venir. Par contre, la nourrice, qui n’a pas connaissance de ces éléments, cherche à apaiser Poppée en proposant une interprétation positive : une union heureuse et durable avec Néron. Ce processus requiert un vocabulaire similaire, ce qui rapproche probablement les deux personnages sur l’analyse arborée. On peut citer, à titre d’exemple : thalamos (v. 718 et 742), comis/comae (v. 719 et 745), pectus/pectora (v. 734 et 745).
4. Sénèque et les nourrices
9La partie supérieure de l’arbre réunit deux autres paires de personnages : d’abord, Sénèque et Néron ensuite Octavie et la nourrice. Dans la pièce, le philosophe et l’empereur partagent un long échange sur la conduite à suivre face aux opposants supposés de Néron, à savoir Plautus et Sylla ou encore Octavie elle-même. On assiste à un dialogue dont les deux interlocuteurs défendent des opinions opposées non seulement sur la gestion concrète de la crise, mais aussi plus généralement sur des idées comme le pouvoir à Rome, la transmission dynastique ou encore l’amour. Ces personnages sont construits pour s’opposer en tant que personnes, mais aussi d’un point de vue de leur discours.
10En arrivant sur scène, Sénèque se présente comme un philosophe solitaire retiré des sphères du pouvoir (v. 381-384). Il rencontre Néron inscrit inversement dans l’action instantanée de l’autorité et dont les premiers mots sur scène sont adressés au préfet : Perage imperata (v. 438 : « Exécute mes ordres »). L’un aime la contemplation de la nature (v. 386, parens natura) et le travail intellectuel (v. 384, mea studia) tandis que l’autre serait le fruit de l’âge de fer où règnent les crimes, l’impiété et la passion (v. 433, libido dominatur). Au moment où les deux hommes se rencontrent, Néron est même en proie à une certaine forme de dolor pour reprendre le trajet du héros tragique vers la monstruosité de F. Dupont (dolor, furor, nefas)17. Le jeune empereur est soumis à une forme de peur irrationnelle que son pouvoir ne soit pas reconnu comme légitime par la société romaine : Iustum esse facile est cui uacat pectus metu (v. 441 : « Il est facile d’être juste, quand on a le cœur libre de terreur »). Il risquerait dans ce cas d’être renversé.
11Entre les deux personnages, il est aussi question de différence de génération entre Sénèque, le mitem senem (v. 445 : « doux vieillard »), et Néron en pleine feruida adolescentia (v. 446 : « bouillante adolescence »). C’est dans ce cadre que les deux personnages développent leurs arguments en faveur de leur vision du monde : le philosophe défend une attitude de clémence18 dans un effort d’élévation individuelle, alors que l’empereur cherche à acquérir une autorité absolue par la force et l’oppression. Leurs échanges sont une alternance de passages en stichomythie et de répliques plus développées. Ce vif débat fait appel à une langue proche tant sur la forme que sur le fond. La proximité des deux personnages dans l’analyse arborée confirme cette proximité de langue. Cet effet de similarité renforce encore leur opposition. Par exemple, on retrouve des termes comme senatus, patria, seruare, ciuis ou encore Roma à la fin d’une réplique de Sénèque (v. 486-491) qui sont repris ensuite directement par Néron (v. 492-495).
12Sénèque ne parvient toutefois pas à convaincre le jeune homme de renoncer à son mariage avec Poppée. Au contraire, son insistance pousse l’empereur à avancer la date de l’union au lendemain (v. 592). D’un point de vue tragique, l’opposition avec Sénèque permet à Néron de raffermir sa position de dolor et de faire avancer l’action. Néron sera encore renforcé dans son sentiment de metus par les troubles publics provoqués par la mise à l’écart d’Octavie au profit de Poppée. Ainsi, on pourrait comparer le rôle de Sénèque à celui des nourrices des tragédies à sujet mythologique ou même aux nourrices de Poppée et d’Octavie présentes dans l’Octavie19. Ces personnages de femmes ont été parfois interprétés comme des représentantes de la sagesse stoïcienne20, tout en permettant à leur interlocutrice de laisser libre cours au développement de leur émotion. Sénèque et la nourrice d’Octavie ont même une vision commune de l’amour matrimonial opposé à la passion amoureuse des jeunes gens (voir v. 189-195 et 557-565). De plus, ces deux personnages associent l’image du couple Junon-Jupiter au mariage d’Octavie et Néron pour tenter de convaincre ceux-ci de la valeur de cette union (voir v. 219-221 et 533-535).
13À la différence des nourrices, Sénèque ne prend pas une posture d’écoute et de bienveillance, attitude plutôt réservée aux personnages féminins, mais maintient un rapport distant de précepteur à élève. La nourrice d’Octavie utilise ces codes de tempérance, de chaleur maternelle et d’accueil et fait face à une jeune fille traversée de terribles émotions : Dolor, ira, maeror, miseriae et luctus (v. 176). La nourrice d’une part permet à la jeune fille d’exprimer ses émotions et d’en expliquer les origines, mais d’autre part tente de la convaincre d’accepter son destin. Tout comme Néron, Octavie est victime d’un dolor intense.
5. Le trajet tragique d’Octavie et de Néron
14L’analyse arborée couplée à la lecture de la pièce met donc en évidence une recherche de mise en parallèle entre les deux personnages principaux de la tragédie, Octavie et Néron qui sont en même temps frère et sœur par adoption, mais aussi mari et femme. C’est lors de leurs échanges avec un proche – la nourrice pour l’une et le précepteur pour l’autre – que les dynamiques tragiques sont mises en évidence pour le public et en même temps mises en mouvement pour la suite de l’action sur scène. Il est intéressant de relever que les deux héros de la pièce ne partagent aucune scène commune comme c’est le cas dans Médée entre Médée et Jason ou bien dans les Troyennes entre Andromaque et Ulysse, dans Phèdre entre Phèdre et Hippolyte ou encore dans le Thyeste entre Thyeste et Atrée. Ils suivent un trajet tragique similaire, mais en parallèle. Ils n’ont pas besoin l’un de l’autre pour avancer vers le nefas, « crime inexpiable du héros tragique »21.
15D’un côté, Octavie perçoit elle-même qu’elle s’inscrit dans la succession monstrueuse de sa mère, Messaline : prima meorum causa malorum (v. 11 : « la première cause de mes malheurs », mais aussi plus loin, v. 257-269). Le chœur aussi replace plus largement la jeune fille dans la lignée de sa famille en rappelant les destins brisés d’Agrippine l’Ancienne, Julia Livia Livilla, Julia (ou Julie, la fille de Julia Livia) et enfin Messaline22. Octavie porte en elle l’héritage empoisonné des femmes qui l’ont précédée. On retrouve ce poids de la branche maternelle chez Phèdre qui se plaint des amours monstrueuses de sa mère (Phèd., 113-119). Mais Octavie, à l’inverse de Phèdre, souffre du mariage forcé avec son frère par adoption qui pourtant lui assure une forme de sécurité.
16Depuis le départ, cette union constitue une impasse puisqu’elle a été préparée par Agrippine pour que Néron accède au pouvoir (v. 151-154). Le père et le frère d’Octavie ont été incapables de la protéger des machinations d’Agrippine, coniugis insidiis (v. 31-33). Désormais, Octavie est traversée par un dolor qui l’empêche de se soumettre à un amour factice. Elle sait que son mariage avec Néron la protège de ce dernier, mais elle préfère la mort à toute forme de renoncement. Sur cet aspect, on peut comparer Octavie au personnage d’Électre de l’Agamemnon qui préfère la mort à la soumission à Clytemnestre (Agam., 971-977). Octavie fait elle-même le parallèle pour accentuer l’effet de sa peine : O mea nullis aequanda malis/fortuna, licet/repetam luctus, Electra, tuos (v. 57-59 : « Ô mon sort qui dépasse toutes les infortunes, même si j’évoque tes chagrins, Électre »).
17De l’autre côté, Néron s’inscrit lui aussi dans la succession de sa mère. C’est cette dernière qui lui a permis d’accéder au pouvoir (v. 91-93) et c’est grâce à son mariage avec Octavie qu’il parvient jusqu’ici à le maintenir. Dans cette pièce, le jeune homme est donc soumis à une double forme de dépendance vis-à-vis des femmes de son entourage, sa mère d’abord et sa sœur par adoption ensuite. Or pour Néron, cette situation mène à une impasse puisque la transmission par le père est rompue et qu’il n’a pas obtenu le trône par lui-même. Une fois sa mère assassinée, le prince cherche d’ailleurs à faire oublier nom de celle-ci en ordonnant que soient détruites les statues et les inscriptions rappelant sa génitrice (v. 609-610)23. Néron est donc contraint de maintenir sa puissance par la violence : ferrum tuetur principem (v. 456 : « Le glaive protège le prince »), mais aussi par le discours. On remarque ainsi que le verbe licet, « il est permis », est un lemme spécifique du discours de Néron (indice de spécificité : + 2,74)24. Le prince insiste sur ce qui en son pouvoir pour le faire exister dans la réalité. Par exemple, il s’autorise de s’affranchir de l’influence de Sénèque : liceat facere quod Seneca improbat (v. 589 : « qu’il me soit permis de faire ce que Sénèque désapprouve »). Néron choisit aussi de créer sa propre lignée pour tenter d’obtenir une forme de légitimité dynastique aux yeux du peuple, mais également à ses propres yeux :
[NERO] Nos quoque manebunt astra, si saeuo prior
ense occuparo quicquid infestum est mihi
dignaque nostram subole fundaro domum.
[Néron] Moi aussi, les astres me seront réservés, si avec la cruelle épée j’ai raison le premier de tout ce qui m’est hostile et si je fonde une maison digne de ma lignée. (Oct., 530-532)
18Néron perçoit ainsi comme ennemi toute autre personnalité de l’empire avec une noble ascendance (v. 471 : Quicquid excelsum est, cadat), ce qu’avait déjà dénoncé Octavie (v. 89 : Odit genitos sanguine claro). Le dolor de Néron l’empêche d’accepter l’union imposée avec sa sœur qui représente la plus haute noblesse romaine, refuse de se soumettre et lui rappelle sans cesse son illégitimité. Octavie rejette ouvertement le rang de Néron : Nero insitiuus (v. 249 : « Ce Néron par adoption ») et nomen Augustum inquinat (v. 251 : « il souille le nom d’Auguste ») et elle représente le dernier témoignage de son accès douteux au trône. En choisissant Poppée de son propre chef, Néron cherche à s’affranchir de cette relation de dépendance avec Octavie. Poppée accepte de devenir l’épouse de Néron et devient dès lors capable de lui offrir une descendance (v. 591). On pourrait comparer cette démarche à celle de Jason qui cherchait à se réaliser à travers son mariage avec Créuse délaissant Médée dont il était trop dépendant25. Néron, comme Jason, est un héros privé de légitimité par les femmes. Cette faiblesse empêche l’empereur de faire confiance à sa sœur par adoption. Le soupçon est encore renforcé par la personnalité de la mère d’Octavie, Messaline : genetrix incesta (v. 534 : « l’impudicité de sa mère ») qui lui rappelle peut-être trop Agrippine.
6. Messaline et Agrippine, les mères monstrueuses
19Alors qu’ils ont le même père (naturel ou adoptif), ce sont les lignées maternelles de Néron et d’Octavie qui semblent contaminées26. Les deux membres du couple sont souillés par les méfaits passés de leur mère respective. Mais à la différence de Messaline, Agrippine intervient sur scène sous la forme d’un fantôme venu des Enfers. On retrouve ce type d’intervention dans l’Agamemnon avec le spectre de Thyeste (Agam., 1-56) et dans le Thyeste avec l’apparition de Tantale (Thy., 1-23). Dans ces deux cas, le fantôme ouvre la pièce sous la forme d’un prologue de nature prophétique annonçant le trajet tragique à vivre par leur descendance sur scène27. Dans l’Octavie, Agrippine intervient à un moment pivot de l’action dramatique, au moment où le peuple est prêt à se soulever en faveur d’Octavie (v. 593-645).
20Dans le premier acte, Octavie a échangé avec la nourrice sur ses malheurs et a raffermi ses intentions de résister à Néron. À la fin de sa première réplique, elle a déjà évoqué Agrippine comme la responsable de son mariage puisqu’elle est aujourd’hui la capta tyranno (v. 33 : « captive d’un tyran »). Le chœur des soutiens à Octavie rappelle le crime matricide de Néron et évoque ainsi également la mère de l’empereur (v 310-376). Dans le deuxième acte suit l’échange entre Sénèque et Néron qui se clôture sur l’annonce d’un enfant à naître de l’union entre l’empereur et Poppée. La formule, cum portet utero pignus et partem mei (v. 591 : « puisqu’elle porte en son ventre le gage de mon amour et une partie de moi-même »), pourrait faire écho à l’épisode du meurtre d’Agrippine raconté par le chœur. Celui-ci raconte qu’Agrippine, au moment de mourir, aurait demandé à son assassin de frapper le ventre qui aurait porté le monstre Néron (v. 369-372)28. Même si elle n’est pas explicitement annoncée, l’arrivée d’Agrippine au début du troisième acte semble donc préparée par ces différentes références.
21Agrippine est sortie des Enfers pour maudire le mariage de Néron avec Poppée (v. 595-597). Elle inscrit cette malédiction comme le prochain maillon d’une chaîne de crimes déjà commis : les meurtres de Britannicus et de Claude et enfin son propre assassinat qu’elle raconte de son point de vue. C’est sur ce dernier crime qu’elle insiste puisque la dimension de matricide le rend encore plus odieux. Le terme mater est d’ailleurs l’un des lemmes spécifiques du discours d’Agrippine (+ 3,28). Cet épisode résonne comme un écho à celui du chœur déjà évoqué. Elle se plaint aussi de la condamnation à l’oubli dont elle a été victime dans l’empire après sa mort (v. 609-612). Agrippine est désormais harcelée par Claude qui se venge dans les Enfers. Elle se tourne donc vers son fils pour le condamner à son tour, comme une sorte d’héritage, à une vengeance plus grande encore :
[AGR.] Vltrix Erinys impio dignum parat
letum tyranno, uerbera et turpem fugam
poenasque quis et Tantali uincat sitim,
dirum laborem Sisyphi, Tityi alitem,
Ixionis membra rapientem rotam.
[AGR.] L’Érinys vengeresse prépare un trépas digne du tyran impie, des coups, une fuite honteuse et des tortures qui lui feront surpasser la soif de Tantale, le sinistre labeur de Sisyphe, l’oiseau de Tityos, la roue faisant tourner les membres d’Ixion. (Oct., 619-623)
22De cette manière, Agrippine place Néron sur le même pied que les grands héros mythologiques criminels, et ouvre la voie à la réalisation tragique de l’empereur vers la monstruosité. À la fin de son annonce, Agrippine rejoint définitivement les Enfers.
23Néanmoins, la mère de Néron est encore présente dans le quatrième acte par l’intermédiaire du rêve que Poppée raconte à sa nourrice. L’association des torches nuptiales avec le sang établit un lien clair entre les deux épisodes et montre aussi la perméabilité de la frontière entre le monde d’en haut et celui d’en bas (v. 594-595 : Stygiam cruenta praeferens dextra facem / thalamis scelestis et v. 722-721 : sparsam cruore coniugis genetrix mei / uultu minaci saeua quatiebat facem). Les menaces d’Agrippine dans l’univers des morts se font donc ressentir jusque chez les vivants. Ces craintes sont ensuite confirmées par le soulèvement de la population en faveur d’Octavie. Ces évènements sont racontés au chœur par le messager (v. 780-805). Toutefois, il n’est pas encore l’heure pour Néron de basculer et les troubles sont écrasés dans le sang dans une forme de retournement de situation (v. 846-847).
24Même si les conséquences de la malédiction proférée par Agrippine et rêvée par Poppée ne sont pas mises en scène dans la pièce elle-même, le public comprend la référence aux évènements historiques de la chute et du suicide de Néron29. Cela devait provoquer un certain effet d’attente, de reconnaissance ou de surprise sur le public. Ce principe est comparable à celui des tragédies à sujet mythologique dont les grands cycles étaient bien connus des spectateurs. L’histoire sert ici à soutenir la tension dramatique de l’action sur scène. Toutefois, avant que la malédiction d’Agrippine ne s’accomplisse, il est nécessaire que Néron avance encore sur son trajet tragique en dissolvant son union avec Octavie. L’histoire de la jeune fille devient un épisode tragique à part entière, mais s’intègre dans un processus plus large de transformation de Néron qui n’est pas encore terminé à la fin de la tragédie. Au moment d’être emmenée vers la mort, Octavie invoque les déesses de la vengeance : Tartara testor/Erebique deas scelerum ultrices (v. 965-966 : « c’est le Tartare que je prends à témoin, les déesses de l’Érèbe, vengeresses des crimes… »). Ces lignes renvoient à la malédiction d’Agrippine (Vltrix Erinys, v. 619) confirmant que le destin du prince est fixé, mais pas encore arrivé à son terme.
7. Octavie-Néron : une relation incestueuse
25Dans cette union avec Néron, en raison du dolor ressenti, Octavie est dans l’incapacité de se réaliser en tant qu’épouse et mère comme attendu par son entourage direct (la nourrice par exemple, v. 179-180), mais plus largement la société romaine. Elle occupe une posture de deuil incompatible avec une union heureuse et féconde. Cette posture se manifeste dans le discours d’Octavie puisque les termes mors, « la mort », et luctus, « le deuil », font partie des lemmes les plus spécifiques de ce personnage avec un indice de spécificité, respectivement de + 3,35 et + 3,15. Dès le départ de la pièce, la jeune fille se positionne comme la dernière représentante en vie de l’ensemble de son clan. Comme Octavie est une femme et comme la transmission du nom n’est possible que par les fils, la branche de cette famille est d’une certaine manière déjà éteinte. La filiation à cette domus anéantie attire inévitablement Octavie du côté des morts : Nunc in luctus seruata meos/magni resto nominis umbra (v. 70‑71 : « Aujourd’hui épargnée pour endurer mes malheurs, je reste là, ombre d’un grand nom ») et plus loin : me dira miseri fata germani trahunt (v. 182 : « moi, les sinistres destins de mon frère [Britannicus] m’entraînent avec eux »). De plus, la princesse est mariée de force à celui qui représente cette destruction. Néron est à la fois son frère, son époux, il devrait devenir le père de ses enfants, mais en même temps il est perçu comme le meurtrier de sa famille.
26L’entourage d’Octavie et de Néron répète la comparaison entre leur union et celle de Junon et Jupiter. Comme évoqué ci-dessus, la formule apparaît chez la nourrice d’Octavie et Sénèque, mais elle est également reprise par le chœur en faveur d’Octavie : Fratris thalamos sortita tenet/maxima Iuno ; (v. 282-283 : « La très grande Junon occupe la couche de son frère, qu’elle a reçue en partage »). Ces proches du couple impérial cherchent à illustrer qu’une union incestueuse au plus haut niveau de pouvoir est possible et même souhaitable pour l’ordre du monde. Par la même occasion, ils élèvent Octavie et Néron au statut de divinités. Toutefois, tant les lignées d’Octavie que de Néron sont corrompues non seulement par les crimes des ancêtres, principalement maternels, mais également par les relations incestueuses qui les unissent. Ainsi, les époux sont également frère et sœur depuis l’adoption de Néron par Claude. On pourrait également questionner la relation qui unit Agrippine à Octavie, sa fille par adoption, à la fois mère et belle-mère de la jeune fille : Quid tegere cesso Tartaro uultus meos,/nouerca, coniunx, mater infelix meis ? (v. 644-645 : « Pourquoi tarder à cacher mon visage dans le Tartare, marâtre, épouse, mère pour le malheurs des miens ? »). La confusion dans les lignées familiales et les nefas répétés de génération en génération entraînent inévitablement Octavie et Néron vers un destin plutôt similaire à celui des Atrides30 ou des Labdacides que celui du couple divin Junon-Jupiter. En cela, l’essence tragique de l’Octavie, pièce pourtant à thème historique, repose sur le caractère mythologique de ses personnages31.
27Ainsi, cette confusion généalogique est insupportable pour Octavie qui cherche à retrouver son statut initial : soror Augusti, non uxor ero (v. 657 : « Sœur d’Auguste, je ne serai pas son épouse »). Pour y parvenir, elle est prête à mourir : dabit hic nostris/finem curis uel morte dies : (v. 652-653 : « Ce jour mettra fin à mes peines, fût-ce par la mort »). Une fois condamnée par Néron, elle constate qu’elle s’inscrit dans la continuité de la lignée des femmes maudites de sa famille, et en particulier d’Agrippine elle-même : Hac en cuius uecta carina/quondam genetrix, nunc et thalamis/expulsa soror miseranda uehar (v. 908-910 : « Sur le navire, où naguère a été transportée sa mère, moi sa sœur, chassée de sa couche, je suis aussi pitoyablement transportée »). De cette manière, Octavie dépasse son statut de femme mortelle pour devenir une héroïne mythologique.
8. Néron-Octavie : une relation de pouvoir
28De son côté, Néron ne peut accepter l’union avec Octavie parce que celle-ci lui résiste plutôt qu’en raison de l’ambiguïté de leur lien de parenté. Le prince la perçoit comme la dernière preuve vivante de son illégitimité et comme une menace pour son pouvoir grâce à l’appui du peuple. Néron redoute le furor populi (v. 781, v. 827 : ciuium…furor, v. 846 et v. 865), probablement parce qu’il pourrait s’avérer plus puissant que son propre furor. Le peuple pourrait même ici servir de miroir aux émotions violentes que Néron ressent et cherche à maîtriser. C’est cette menace, réelle ou perçue, qui alimente le dolor de Néron et qui va le pousser à commanditer le meurtre de sa propre sœur et épouse, une nouvelle forme de nefas pour la famille des Julio-Claudiens :
[NER.] Iram expiabit prima quae meruit meam.
[PRAEF.] Quam poscat ede, nostra ne parcat manus.
[NER.] Caedem sororis poscit et dirum caput.
[PRAEF.] Horrere uinctum trepidus astrinxit rigor.
[NÉR.] Celle qui la première a mérité ma colère expiera la première. [PRÉF.] Dis celle qu’elle réclame, pour que ma main soit sans indulgence. [NÉR.] Elle réclame le meurtre de ma sœur et sa sinistre tête. [PRÉF.] L’horreur m’a enchainé, un frisson glacial m’a paralysé. (Oct., 858-861)
29Auprès du préfet qui hésite, Néron justifie sa démarche par le pouvoir de nuisance de sa sœur (v. 868-869). Dans sa dernière réplique, le prince reprend ses premiers mots prononcés sur scène, au vers 438 : imperata perage (v. 874). Le rôle de Néron s’ouvre et se referme donc sur cette formule volitive. Entre ces deux interventions, l’empereur développe un discours de la puissance ou du moins, il espère que la puissance de son discours sera performative sur son entourage. Le premier endroit où Néron espère avoir une forme de contrôle est sur ses propres émotions. Par la condamnation d’Octavie, il cherche à apaiser la violence de son dolor : deuectam rate/procul in remotum litus interimi iube, / tandem ut residat pectoris nostri tumor (v. 874-876 : « fais-la transporter en bateau à l’écart sur un lointain rivage et tuer, pour que s’apaisent enfin les tempêtes de mon cœur »). Sur ce point le prince semble avoir obtenu une victoire, du moins temporaire.
30Ce sont sur ces derniers mots que le personnage de Néron se retire de scène. Or le public, comme indiqué ci-dessus, connaissait les grands épisodes du règne de l’empereur. Le meurtre d’Octavie n’était pas le dernier de ces évènements funestes qui mènent jusqu’au suicide de Néron en 68. Ces vers devaient donc résonner comme la fin d’un cycle, celui consacré à Octavie, mais non pas comme la fin de la monstruosité de Néron lui-même. Le courage et l’obstination de la jeune fille face à la mort sont autant d’indices que la résistance contre l’empereur ne s’éteint pas par la mort ou l’exil. La contestation, qui prendra d’autres relais dans les proches du pouvoir, poussera Néron vers d’autres crimes, toujours plus grands. C’est ici que l’histoire dépasse presque la mythologie, puisqu’un personnage comme Néron semble être capable de commettre plusieurs nefas. Il dépasse ainsi non seulement ses ancêtres biologiques32, mais aussi les modèles tragiques. L’origine du pouvoir de Néron le rend incapable de maîtriser son sentiment d’illégitimité. De plus, la contamination par la lignée maternelle fait de ce sentiment un moteur de nefas, en d’autres mots : un opérateur puissant de tragique.
9. Conclusion
31Les outils logométriques nous ont permis de mettre au jour que les discours des personnages de l’Octavie sont construits et fonctionnent principalement par deux, en dehors du messager et du préfet qui sont associés par l’analyse arborée en raison du caractère plus descriptif de leurs discours. On trouve ainsi associés Poppée et sa nourrice, Néron et Sénèque ainsi qu’Octavie et sa nourrice également. Deux paires de personnages semblent plus particulièrement mis en parallèle tant d’un point de vue discursif que tragique autour des personnages de Néron et Octavie.
32L’étude des discours de personnages montre que même si l’Octavie relève de la fabula praetexta, la pièce fonctionne comme une tragédie à thème mythologique en se fondant sur les mêmes processus tant discursifs que tragiques. Ainsi, Néron et Octavie, sont tous les deux héritiers de la lignée contaminée de leurs ancêtres maternels et souffrent d’une forme de dolor puissant. Par leurs échanges avec les interlocuteurs, cette forme de dolor est renforcée pour les amener tous les deux vers un certain type de nefas.
33Octavie souffre d’une part de la mort violente de l’ensemble de sa famille : sa mère, son père et son frère, Britannicus. D’autre part, elle ne supporte pas d’avoir été contrainte d’épouser son frère par adoption car elle le juge responsable de la disparition de ses proches. Ce dolor, renforcé par le soutien de la nourrice et du peuple, l’amène à rejeter son statut d’épouse et de future mère pour s’inscrire dans un processus de mort volontaire. Contre la tradition, l’indépendance d’Octavie jusqu’à la mort peut être interprétée comme une forme de nefas. De cette manière, elle entend montrer à Néron qu’elle ne reconnaît ni leur union ni le statut impérial de celui-ci.
34À l’opposé, Néron ne supporte pas que sa légitimité – et donc son autorité – soit remise en cause par ses proches et le peuple romain. Un personnage comme Néron ne peut exister sur la scène tant théâtrale que politique que grâce à sa légitimité. Or Octavie non seulement lui rappelle sa condition sociale inférieure, mais en plus devient le motif d’un soulèvement de la plèbe. Néron, qui décide d’affirmer son pouvoir en épousant Poppée qu’il a lui-même choisie, est dès lors amené à ordonner la mise à mort de son épouse et sœur, Octavie. Cette décision, à laquelle s’oppose Sénèque, le peuple et même le préfet, est évidemment aussi une forme de nefas. En raison du système dramatique, Néron se voit transformer en monstre sur scène.
35Les deux personnages principaux, alors qu’ils ne dialoguent pas ensemble dans la pièce, suivent un trajet tragique en parallèle. Comme les autres héros mythologiques de Sénèque, ils sont aidés l’une par la nourrice et l’autre par Sénèque dont le rôle peut être, sur certains aspects, comparés avec celui des nourrices sénéquéennes. Comme les grands couples de la tragédie mythologique (Médée vs Jason, Phèdre vs Hippolyte, Thyeste vs Atrée…), l’un ne peut se réaliser en tant que héros tragique sans l’autre et inversement. On constate néanmoins que les normes de genres alors en vigueur sont respectées dans ce processus de transformation puisque le destin d’Octavie se joue sur la question de deuil et de mariage alors que celui de Néron se situe sur des enjeux de pouvoir et de domination33.
Notes
1 En raison de critères stylistiques, lexicologiques, métriques mais aussi et surtout historiques (dans la pièce, il y a des allusions à des évènements postérieurs à la mort de Sénèque en 65 comme la visite de Tiridate, la mort de Poppée et de Crispinus en 66 ou encore le suicide de Néron en 68), il semble aujourd’hui admis que Sénèque ne soit pas l’auteur de cette tragédie. Voir par exemple : A. J. Boyle (éd.), Octavia, Attributed to Seneca. Edited with Introduction, Translation and Commentary, Oxford, O.U.P., 2008; R. Ferri (éd.), Octavia : a Play Attributed to Seneca, Edited with Introduction and Commentary, Cambridge, C.U.P., 2003.
2 G. Bonnet, Forme et datation de l’Octavie : une nouvelle hypothèse, dans RÉL, t. 84, 2006, p. 202-222 ; J. Delz, Textkritisches zu den Tragödien Senecas, dem Hercules Oetaeus und der Octavia, dans Museum Helveticum, t. 46, 1989, p. 52-62 ; P. Kragelund, The Prefect’s Dilemma and the Date of the Octavia, dans The Classical Quarterly, t. 38, 1988, p. 492-508.
3 M. Armisen-Marchetti, Le Sénèque de l’Octavie : imago imaginis, dans Pallas, t. 49, 1998, p. 197-209 ; J. P. Poe, Octavia Praetexta and its Senecan Model, dans The American Journal of Philology, t. 110, 1989, p. 434-459; G. Williams, Nero, Seneca and Stoicism in the Octavia, dans Reflections of Nero: Culture, History and Representation, éd. J. Elsner et J. Masters, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1994, p. 178-195.
4 L. D. Ginsberg, Staging Memory, Staging Strife: Empire and Civil War in the Octavia, Oxford, O.U.P., 2017.
5 P. Kragelund, Historical Drama in Ancient Rome: Republican Flourishing and Imperial Decline?, dans Symbolae Osloenses, t. 77, 2002, p. 5-51.
6 D. Mayaffre, De la lexicométrie à la logométrie, dans Astrolabe, 2005, p. 1-11 et Vers une herméneutique matérielle numérique : Corpus textuels, Logométrie et Langage politique, Nice, 2010.
7 M. Vandersmissen, Discours des personnages féminins chez Sénèque : approches logométriques et contrastives d’un corpus théâtral, Bruxelles, Latomus, 2019, p. 309.
8 Nous avons travaillé avec la version web du logiciel Hyperbase développé à l’Université Côte d’Azur (URL : http://hyperbase.unice.fr/) en utilisant les fichiers des textes latins lemmatisés de manière semi-automatique par le LASLA de l’Université de Liège. L’Octavie ne fait pas partie de l’index publié à la suite de ce travail de lemmatisation, voir : J. Denooz (éd.), Lucius Annaeus Seneca Tragodiae Index Verborum : relevés lexicaux et grammaticaux, Hildesheim, Georg Olms, 1994.
9 Ce type d’AFC a été développé à partir des travaux des recherches suivantes : J.-P. Benzecri et al., L’analyse des correspondances, Dunod, Paris, 1973 : ensuite, adapté à Hyperbase par Jaccard et par Brunet : É. Brunet, Manuel de référence : Hyperbase, logiciel hypertexte pour le traitement documentaire et statistique des corpus textuels, Nice, 2011. Il s’agit d’une méthode d’analyse statistique dont le résultat est donné sous forme graphique, à savoir une cartographie de la distance entre les textes en fonction de paramètres présélectionnés.
10 Il ne s’agit pas ici de mettre la statistique textuelle au service de l’authentification de l’Hercule sur l’Œta, mais de montrer la proximité textuelle de cette œuvre avec le corpus de Sénèque. Sur cette question, voir D. Labbé et C. Labbé, Inter-Textual Distance and Authorship Attribution. Corneille and Molière, dans Journal of Quantitative Linguistics, t. 8, 2001, p. 213-231.
11 Pour une réflexion sur ce procédé et la nature de l’objet étudié, voir : M. Vandersmissen, Les personnages de théâtre ont-ils un style ? Recherche outillée sur un corpus théâtral trilingue, dans Corpus [En ligne], t. 23, 2022, mis en ligne le 18 février 2022, consulté le 05 mars 2022. URL: http://journals.openedition.org/corpus/6680.
12 Sur le développement de cet outil : X. Luong, Analyse arborée des données textuelles : mode d’emploi, dans Travaux du Cercle Linguistique, t. 16, 1994, p. 25-42.
13 M. Vandersmissen, Discours des personnages…, op. cit., p. 57.
14 Le texte et les traductions sont issus de la collection des Belles lettres, ici : Sénèque, Tragédies, texte établi et traduit par F.-R. Chaumartin en trois tomes, Paris, Les Belles Lettres, 2008.
15 Il est difficile de savoir qui était le public destiné à cette pièce qu’il soit spectateur au théâtre, auditeur d’une recitatio ou bien simple lecteur. Quoi qu’il en soit, l’Octavie a été conçue comme une pièce de théâtre et elle en possède les codes. Nous l’abordons donc comme une œuvre de théâtre à part entière. Notons que la pièce a été jouée en 2010 à Nantes : http://lestroiscoups.over-blog.com/article-entretien-avec-romain-blanchard-metteur-en-scene-d-octavie-de-seneque-a-nantes-42214342.html
16 Ce passage est ambigu comme souvent dans les prophéties. Il peut s’agir ici de Néron qui soit se poignarde lui-même soit poignarde Crispinus, l’ancien mari de Poppée : Seneca, Tragedies II, Text Edited and Translated by F.G. Fitch, Cambridge MA, Harvard University Press, 2004, p. 581, n. 42.
17 F. Dupont, Les monstres de Sénèque : pour une dramaturgie de la tragédie romaine, Paris, Belin, 1995.
18 Certains éléments sont clairement repris du De Clementia de Sénèque. On peut comparer par exemple : Oct., 454-461 et Clem., 1.7.3 et 1.8.6.
19 Un rapprochement a déjà été fait entre le rôle de Sénèque et celui de la nourrice d’Octavie sans aller jusqu’à la mise en lien des deux rôles : M. Royo, L’Octavie entre Néron et les premiers Antonins, dans RÉL, t. 61, 1983, p. 189-200.
20 A. D. Leeman, Seneca’s Phaedra as a Stoic Tragedy, dans, Miscellanea tragica in honorem J. C. Kamerbeek, éd. J.-M. Bremer, Hakkert, Amsterdam, 1976, p. 199-212.
21 F. Dupont 1995, op. cit., p. 68.
22 Sur ces perturbations au sein de la famille impériale, voir : O. Devillers, Le thème de la « famille bouleversée » dans l’Octavie, dans Vita Latina, t. 172, 2005, p. 33-40.
23 Cet épisode est mentionné chez Dion Cassius (Histoire romaine, 62.16.2a).
24 L’outil Spécificités d’Hyperbase a été développé à partir des travaux de P. Lafon. Par exemple, voir P. Lafon, Dépouillements et statistiques en lexicométrie, Paris, Slatkine Champion, 1984. Il permet de déterminer ce qui est caractéristique (ici le lemme licet) à une partition (ici le discours de Néron) du corpus (ici l’Octavie), en d’autres mots de calculer les éléments qui sont présents suffisamment de fois dans la partition pour être statistiquement représentatifs en tenant compte de la proportion de la partition dans le corpus et du nombre total de l’élément dans le corpus. L’indice de spécificité en est la mesure. Il est significatif à partir de 2.
25 M. Vandersmissen, Discours des personnages…, op. cit., p. 201.
26 G. Galimberti-Biffino, L’Octavie du Pseudo-Sénèque : une tragédie parentale, dans Vita Latina, t. 163, 2001, p. 48-56.
27 G. Mazzoli, Les prologues des tragédies de Sénèque, dans Pallas, t. 49, 1998, p. 121-134.
28 Sur la demande d’Agrippine d’être frappée au ventre, voir aussi la version de Tacite : « Ventrem feri » exclamauit (XIV, 8, 5).
29 F.R. Chaumartin, op. cit., p. 98.
30 Sur le lien entre les Julio-Claudiens et les Atrides, voir : C.J. Herington, Octavia Praetexta : a Survey, dans CQ, t. 55, 1961, p. 19-20 et D. F. Sutton, The Dramaturgy of the Octavia, Königstein, A. Hain, 1983, p. 49-51.
31 Sur la dimension tragique du personnage d’Agrippine et sa fonction structurante dans la pièce, voir : F. Galtier, La figure d’Agrippine dans l’Octavie, dans Vita Latina, t. 171, 2005, p. 88-101.
32 Sur l’hérédité de la faute chez Sénèque, voir : M. Rivoltella, Il motivo della colpa ereditaria nelle tragedie senecane : una ciclicità in « crescendo », dans Aevum, t. 67, p. 113-128.
33 On retrouve cette répartition genrée des réalisations tragiques chez Médée de Sénèque mais aussi d’Euripide : M. Vandersmissen, Discours de Médée : Logométrie et Médée d’Euripide, dans Blame it on the Gender : Identities and Transgressions in Antiquity, éd. M. C. De La Escosura Balbas et al., Oxford, BAR Publishing, 2020, p. 41-51.
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About: Marc Vandersmissen
Diplômé d’un Master en Langues et lettres classiques en 2010 (ULiège), Marc Vandersmissen a terminé une thèse de doctorat en 2015 sur les Discours de personnages féminins chez Sénèque (Latomus, 2019). Après un post-doctorat sur la poésie latine tardive (2019-2020), il est aujourd’hui Professeur au Conservatoire royal de Bruxelles. Ses recherches en tant que Collaborateur scientifique à l’ULiège portent sur les théâtres anciens, les études de genre, l’intertextualité et la logométrie.