C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société -  Vol. 41 - 2018 

De la caserne aux maisons closes : la réglementation de la prostitution au profit de l’institution militaire (1900-1939)

Hélène Duffuler-Vialle

Hélène Duffuler-Vialle est maître de conférences en histoire du droit à l’Université d’Artois, membre du Centre de Droit Ethique et Procédures (faculté de droit Alexis de Tocqueville, Douai) et membre associée du Centre d’Histoire Judiciaire (UMR 8025-Université Lille 2).

Résumé

De la Révolution à 1946, la France est réglementariste, c’est-à-dire que la prostitution, pensée comme un mal nécessaire, est régulée par des réglementations locales, harmonisées par des injonctions ministérielles. Si en général les clients de la prostitution ne font l’objet d’aucun traitement spécifique par l’autorité régulatrice, la clientèle militaire constitue une exception. En effet certaines dispositions réglementaires les concernent. Cette clientèle est considérée comme particulièrement vulnérable dans un contexte de « Nation en danger » où la syphilis représente un péril national. A la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1916, une politique d’éducation sexuelle préventive est mise en place auprès des soldats, où la chasteté est prônée comme la meilleure garantie. De manière pragmatique, la maison de tolérance reste considérée comme le meilleur moyen de contrôler la sexualité des soldats et d’éviter qu’ils ne contractent des maladies vénériennes. Ainsi, d’une part, l’institution militaire lutte contre la prostitution clandestine et d’autre part fait obstacle à la mise en place du système abolitionniste ou semi-abolitionniste dans les quelques villes qui tentent de l’installer. Le réglementarisme est adapté aux nécessités militaires et, à partir de 1916, il n’est plus question de revoir le système mais de renforcer son efficacité prophylactique. Dans ce contexte l’autorité militaire est ponctuellement saisie de questions juridiques particulières : existe-t-il un droit d’accès aux maisons de tolérance pour les militaires ? Les femmes qui se prostituent ont-elles le droit de refuser des clients ? Quid de la discrimination raciale ?

Index de mots-clés : Caserne – Prostitution - Maison close - Armée

Abstract


From the Revolution to 1946, France was reglementarist, i.e. prostitution, thought of as a necessary evil, was regulated by local regulations, harmonized by ministerial injunctions. While prostitution clients are generally not subject to any specific treatment by the regulatory authority, military clients are an exception. Indeed, some regulatory provisions concern them. This clientele is considered particularly vulnerable in a context of Nation in Danger where syphilis represents a national risk. At the end of the 19th century and until 1916, a policy of preventive sex education was organized among soldiers, where chastity was presented as the best guarantee. Pragmatically, the brothel is considered the best way to control the sexuality of soldiers and prevent them from contracting venereal diseases. Thus, on one hand, the military institution fights against clandestine prostitution and, on the other hand, obstructs the establishment of an abolitionist or semi-abolitionist system in the few cities that try to install it. Regulation was adapted to military needs and from 1916 onwards, there was no longer any question of revising the system but of strengthening its prophylactic effectiveness. In this context, the military authority is occasionally called upon to deal with specific legal issues : is there a right of access to brothels for the military ? Do women in prostitution have the right to refuse clients ? What about racial discrimination ?

Index by keyword : Barracks – Prostitution – Brothel - Army

Introduction

1La prostitution au XIXe et XXe siècle est réglementée. L’idée générale reprend le concept augustinien de « mal nécessaire »1. La prostitution est alors pensée comme un vice inéluctable. Depuis la Révolution, la France s’inscrit donc dans un régime de politique publique réglementariste. Cette approche pragmatique et désabusée entend canaliser un phénomène qu’il n’est pas possible d’éradiquer. Le pragmatisme s’arrête pourtant aux frontières de ce que la société peut admettre. La réglementation n’accorde aucune place aux hommes prostitués et aux femmes clientes. La prostitution est délimitée exclusivement comme une offre sexuelle féminine et une demande sexuelle masculine, faisant écho à une représentation hétérocentrée et masculiniste de la société2. La personne prostituée est évincée de l’espace public afin d’échapper au regard. Elle est également contrôlée médicalement afin d’éviter qu’elle ne transmette de maladies vénériennes. Pour autant si la femme qui se prostitue est enfermée dans des espaces clos (la maison close, l’hôpital et la prison), le client est le lien entre l’espace clos et l’extérieur.

2De manière très révélatrice, la femme prostituée fait l’objet de nombreuses études historiques, sociologiques et juridiques. L’homme prostitué est beaucoup plus rare. Le client, s’il est omniscient de manière abstraite, ne fait l’objet que de très peu d’études scientifiques concrètes3.

3Ce traitement partial de l’étude de la prostitution entérine une polarisation des sexes d’un côté et de l’autre du commerce sexuel. Il ne s’agit pas a priori d’un parti pris dogmatique des chercheurss travaillant sur ce sujet mais des conséquences de l’appréhension de la prostitution par les pouvoirs publics. Ainsi les archives ne laissent que peu de traces des prostitués hommes et ne s’intéressent que très peu aux clients. Pour connaître les clients et les hommes prostitués, il faut avoir accès à des fonds d’archives spéciaux4, ou extraire des archives des bribes d’éléments sur un sujet, qui n’est pas pensé comme un acteur de la prostitution.

4Une catégorie de clients fait pourtant l’objet d’une attention spéciale par l’autorité publique, et ce particulièrement au XXe siècle. Il s’agit de la clientèle militaire. Le soldat n’est alors pas étudié individuellement en tant que client de prostituées mais en tant que membre d’un corps. Il peut être marié, célibataire, jeune, vieux, diplômé ou non. Son seul intérêt relève du fait qu’il est perçu comme dépendant des prostituées et vulnérable face aux maladies vénériennes, alors qu’il fait l’objet d’une attention spéciale dans un contexte anxiogène ou le thème récurrent est celui de la Nation en danger. Les Autorités publiques et donc les archives se décentrent alors de la femme prostituée pour s’intéresser à cette clientèle particulière.

5L’étude du fond des Archives Nationales, des Archives départementales du Nord et de celles du Pas-de-Calais de 1900 à 1939 concernant la prostitution montre cette attention des pouvoirs publics. Les sources relevées dans ces divers fonds d’archives sont des lois, transmises aux maires par l’intermédiaire des préfets, des arrêtés préfectoraux avec leurs travaux préparatoires, des centaines de règlements municipaux portant sur la prostitution, la police et les débits de boissons. L’analyse a également porté sur des circulaires. Ces notes de service bouleversent la hiérarchie des normes car elles sont utilisées en pratique comme des actes généraux de portée normative. Elles sont adressées par les ministres de l’Intérieur et de l’Hygiène et de la Santé publique aux préfets. Elles sont générales lorsqu’elles portent sur la réglementation de la prostitution, sur sa surveillance, sur l’organisation des services de lutte contre la traite et de contrôle sanitaire et individuelles lorsqu’elles signalent des proxénètes. Des dossiers de police ont été exploités : procès-verbaux bien sûr mais également statistiques, rapports journaliers, enquêtes et notes de service. Des correspondances multiples ont également été analysées. Il s’agit de courrier entre les ministres de l’Intérieur et de l’Hygiène et de la Santé publique et les préfets et du service de la Sûreté générale rattaché au ministère de l’Intérieur avec les différents services de police. Des échanges entre les ministères et les mouvements abolitionnistes ont été relevés. Le préfet communique sur la prostitution avec les maires, les têtes de file des mouvements abolitionnistes nationaux et locaux et avec les médecins responsables nationaux, départementaux et locaux chargés de la surveillance de la prostitution. Le maire écrit également aux médecins locaux et au préfet ou sous-préfet. Les médecins s’adressent au maire, au préfet, voire au ministre. Les médecins responsables départementaux adressent des recommandations aux médecins locaux. Des tenanciers de maisons de tolérance et des femmes prostituées n’hésitent pas à s’adresser aux préfets et aux maires. De simples particuliers interpellent également les autorités sur le sujet. Des rapports de médecins sur la surveillance sanitaire et les statistiques de maladies vénériennes et d’ambassadeurs au sujet de la traite, conservés aux Archives, ont aussi été étudiés, ainsi que des enquêtes sur la traite, sur les progrès de l’abolitionnisme et sur la surveillance sanitaire. De très nombreux documents de propagande abolitionniste ont été conservés dans les Archives. Enfin, des coupures de presses relatives à des affaires de traite, ou en réaction à de nouvelles réglementations locales ont également servi de support à cette étude. Le dépouillement exhaustif de ces fonds dans le cadre d’une étude plus générale sur la prostitution pendant l’entre-deux guerres5 permet de conférer une valeur représentative aux cas développés ci-dessous dans le sens où ils illustrent un phénomène plus récurrent et plus routinier de constante vigilance des relations entre les militaires et les femmes prostituées perceptible dans de nombreux documents officiels.

6Cet intérêt pour la clientèle militaire permet d’aborder deux thèmes : les discours sur la nécessité, ou non, de la prostitution pour les militaires d’une part (I) et d’autre part les modalités du réglementarisme adaptées à la clientèle militaire (II).

1. De la nécessité des maisons de tolérance pour les militaires

7Au XXe siècle, le réglementarisme, et particulièrement la maison de tolérance, sont malmenés. En effet, le mouvement abolitionniste, c’est-à-dire le mouvement qui souhaite l’abolition de la réglementation de la prostitution, prétend que la réglementation est à la fois inefficace à canaliser le vice et les maladies vénériennes et en même temps gravement attentatoire aux libertés individuelles des personnes prostituées. Ce discours tente de combattre l’idée que la prostitution serait nécessaire à l’institution militaire (A). Face à l’abolitionnisme, les besoins spécifiques du corps militaires sont mis en avant pour défendre le réglementarisme (B).

1.1. De l’absence de nécessité, voire du danger, du réglementarisme au profit de l’institution militaire (1900-1916)

8Les ravages de la syphilis ont fait naître l’angoisse du péril vénérien. Au XXe siècle, la peur de la dégénérescence de la race par la « syphilisation de la civilisation »6 et les enjeux d’une nation militaire forte et saine pour faire concurrence à la nation allemande voisine dans un contexte tendu ont malmené l’image du couple de la prostituée et du soldat. La prostituée risque d’avilir le soldat physiquement et moralement et représente donc une menace pour la Nation. La première guerre mondiale s’ouvre avec la volonté de lutter contre le recours à la prostitution pour assouvir les pulsions sexuelles des soldats ; discours qui s’inversera dans un second temps face aux longueurs de la guerre. Un discours moraliste sur la sexualité des jeunes hommes émerge et les troubles à l’ordre public et à l’ordre social résultant de la coexistence entre institution militaire et maisons de tolérance sont dénoncés.

1.1.1. La chasteté, une solution pour préserver la santé morale et physique des jeunes soldats

9Un discours moraliste inonde alors l’armée. Devant l’absence d’efficacité de la réglementation de la prostitution pour juguler la syphilis, une nouvelle solution est proposée. La chasteté est présentée comme un rempart sanitaire et moral pour les jeunes soldats. Ainsi Justin Godart, sous-secrétaire d’État au service de santé militaire, déclare au début de la guerre : « Pour ne pas contracter de maladie vénérienne, il n’est vraiment qu’un moyen efficace : ne pas s’y exposer. La chasteté ne fait rire que les imbéciles »7.

10L’infatigable secrétaire de la Ligue Française pour le Relèvement de la Moralité Publique, êmile Pourésy, se rend de caserne en caserne pour prôner la chasteté. Il anime des conférences sur « les dangers de l’alcoolisme » et sur « la débauche et les maladies dites vénériennes ». Cet homme, né en 1864 dans une famille populaire, s’est formé de manière autodidacte et s’est converti à la foi protestante à sa majorité. Il est alors engagé dans l’armée coloniale où il combat « l’immoralité » de ses compagnons. Il devient secrétaire de l’Union Chrétienne des Jeunes Gens de Bordeaux qui occupe les adolescents par des « saines activités afin de les détourner du vice »8. Il rédige une quarantaine d’ouvrages dont le principal s’intitule La vie morale et le respect de la femme : aux hommes et aux jeunes gens9. Les jeunes hommes forment son public de prédilection parce que, non encore débauchés, ils peuvent être sauvés du « vice ». Il est décrit par Thierry Crépin comme « passionné, violent, parfois xénophobe et ordurier »10. Entre 1907 et 1934 il affirme avoir assuré 2050 conférences devant des civils et 1607 devant des militaires11.

11Pendant la première guerre mondiale il tente d’ « éduquer » les militaires. Il est néanmoins très mal reçu par les soldats qui, dans la perspective d’une mort potentielle, frustrés affectivement et sexuellement, étaient peu enclins à entendre des conférences sur les vertus de la chasteté. Il fut parfois accueilli sous les huées et les menaces, comme le rapporte Jean-Yves Le Naour12.

12Certains abolitionnistes de l’entre-deux guerres présentent la maison de tolérance comme une source de corruption de la jeunesse masculine, force vive d’une nation bouleversée par la Première Guerre mondiale et qui voit dans la préservation sanitaire et morale de ses jeunes potentiels soldats, un enjeu de protection du pays. Paul Gemähling, professeur de droit de l’Université de Strasbourg et tête de file du mouvement abolitionniste de l’entre-deux guerres13, porte un regard bienveillant, voire naïf, sur les jeunes hommes, qui, sans la maison de tolérance à laquelle ils sont conduits lorsqu’ils effectuent leur service militaire, ne prendraient pas le risque d’avoir de relations sexuelles avec des prostituées. Il dresse le tableau de jeunes campagnards vierges qui, incités par leurs camarades lors de leur service militaires, se rendent au bordel14.

1.1.2. La maison de tolérance au profit des militaires, un risque de trouble à l’ordre public et à l’ordre social

13Un autre argument mobilisé par les abolitionnistes contre ce fameux lien indissociable entre prostituée et militaire serait que contrairement au fait que le réglementarisme maintienne l’ordre public en permettant l’assouvissement des besoins sexuels ; au contraire la coexistence des maisons de tolérance et des casernes crée des troubles à l’ordre public. Ainsi pour proposer d’abolir la réglementation à Colmar, les rixes provoquées entre militaires aux abords des maisons de tolérance sont dénoncées15.

14Parmi les arguments en faveur de l’abolition de la réglementation de la prostitution, la dimension coloniale avec l’importation d’un contingent « indigène » en métropole conduit d’aucuns à la mobilisation d’un discours à connotation raciste : l’idée du soldat noir avec la femme prostituée blanche. De l’esclavage des femmes par les hommes, un parallèle inversé est opéré par Paul Gemähling vers le rapport d’ethnicité. Il relate qu’une maison de tolérance avait été installée dans l’Est de la France sur ordre de l’autorité militaire. Cette maison de tolérance comptait douze pensionnaires « blanches » et la clientèle était composée de soldats « noirs ». Ces faits suscitent chez Paul Gemähling la remarque suivante : « Nous avons aboli l’esclavage des nègres par les blancs, mais nous n’avons pas craint de rétablir l’esclavage des blanches par les nègres »16. Ainsi l’assimilation traite des noirs/traite des blanches est réalisée complètement, et nous assistons à une intersectionnalité surprenante : l’exploitation sexuelle est violemment dénoncée, car elle est le fait d’une ethnie dominée sur une ethnie dominante.

15Pour autant ces discours qui tentent de dénoncer l’opportunité du réglementarisme pour l’institution militaire en mobilisant des arguments moraux, que ce soit pour prôner la chasteté, pour dénoncer les violences ou pour s’indigner du fait que des femmes blanches se prostituent avec des soldats noirs, restent marginaux. Les autorités publiques ne semblent y accorder de crédit qu’au début de la première guerre mondiale. Majoritairement le discours militaire reste résolument réglementariste.

1.2. La nécessité militaire au profit du réglementarisme

16L’idée générale du réglementarisme, donc du mal nécessaire, est sous-tendue par le fait que les besoins sexuels masculins seraient irrésistibles et que leur non satisfaction risquerait de troubler l’ordre social.

17Les militaires en service en caserne ou sur le front sont éloignés de leur famille, de leur femme. Ils ne peuvent plus assouvir leur pulsion sexuelle dans le cadre légal du mariage et rarement dans le cas plus ou moins socialement accepté du concubinage. Aussi l’idée communément admise pense la prostituée nécessaire pour répondre au besoin sexuel spécifique du soldat17.

18Michel-Serge Hardy montre, en outre, dans son ouvrage sur l’histoire des bordels militaires de campagne, que la prostitution est une manière de satisfaire les besoins sexuels d’une concentration d’hommes, mais également un élément constitutif du moral des troupes. En effet, la relation sexuelle permettrait de décupler les capacités guerrières du soldat18.

19Pour autant, si la prostitution reste nécessaire, il faut qu’elle soit exempte de risques sanitaires pour les soldats, car la bonne santé du soldat est vitale pour la Nation. Dans les représentations communes, seule la maison de tolérance peut permettre le plus strict encadrement sanitaire des prostituées. Aussi les autorités militaires soutiennent globalement le réglementarisme et surtout les maisons de tolérance.

20A la fin du XIXe siècle, le réglementarisme est annoncé comme moribond ; or la fin de la première guerre mondiale, et donc les nécessités militaires, lui donnent un second souffle. Le soutien des autorités militaires au réglementarisme se fait de deux manières : dénonciation de la prostitution clandestine, donc non contrôlée et dangereuse et qui, par son ampleur, met en échec le système réglementariste, et lutte face aux mouvements abolitionnistes dans leur conquête des villes réglementaristes19.

1.2.1. Le combat des institutions militaires contre la prostitution clandestine

21Le soutien des autorités militaires au réglementarisme passe d’abord dans la condamnation totale de la prostitution clandestine. En effet, il est nécessaire, pour que le système de surveillance sanitaire et policière de la prostitution fonctionne, que l’ensemble des femmes prostituées entrent dans le carcan réglementariste. Aussi faut-il lutter contre les prostituées qui œuvrent en marge du système toléré. Au début du XXe siècle, les « bars à femmes » au sein desquels se prostituent les clandestines essaiment. Les pouvoirs publics locaux s’en émeuvent et alertent le législateur. L’autorité militaire participe à la dénonciation de ce phénomène. Ainsi les institutions de protection de la jeunesse militaire dénoncent à Lille les risques que les bars à femmes font courir aux jeunes soldats. Le président de la ligue nationale contre l’alcoolisme dans l’armée et dans la marine a eu « l’occasion de constater, en reconduisant au quartier pour l’appel du soir un jeune soldat dans une grande ville de garnison du Nord, les dangers auxquels [était] exposée la jeunesse militaire à la porte même des casernes »20. Des autorités militaires constatent que « le nombre des débits de boissons recourant à des moyens regrettables pour attirer et retenir la clientèle militaire (comme le fonctionnement d’instrument de musique, de phonographe répétant des chansons obscènes, la présence, pour assurer le service, de femmes se livrant à la prostitution, dont les faveurs, en quelque sorte, sont réservées aux bons consommateurs, de manière que, dans ces établissements, l’alcoolisme et la débauche marchent de pair) s’ [était] multiplié dans les villes de garnison au point de constituer, un péril national »21.

1.2.2. Le combat des institutions militaires contre l’abolitionnisme

22Les mouvements abolitionnistes se structurent, se fédèrent et se répandent au sein de milieux intellectuels et du débat public. Ils portent aux nues certaines villes prétendument devenues abolitionnistes. En réalité la plupart d’entre elles sont restées réglementaristes mais ont fermé son versant le plus discutable et le plus spectaculaire : les maisons de tolérance, or c’est justement cette institution qui intéresse particulièrement les autorités militaires.

a) La bataille de Colmar

23Colmar, ville située en Alsace-Lorraine, donc allemande en 1871 puis française après la première guerre mondiale, est la première ville à remettre en cause le système réglementariste. Elle devient abolitionniste en 1881, sur l’initiative de son maire Camille Sclumberger, militant de la Fédération Abolitionniste Internationale22. Les autorités militaires allemandes font alors pression sur la mairie pour obtenir la réintroduction du système réglementariste, ce qu’ils obtiennent assez rapidement, mais souhaitent surtout la réouverture des maisons closes. Ils obtiennent gain de cause en 1912, mais pour une courte durée car les autorités judiciaires, en soutien de la politique de la ville, font condamner la tenancière du fait de l’illégalité de son établissement en application de l’article 180 du Code pénal allemand qui condamne le proxénétisme. Après la première guerre mondiale, les autorités militaires françaises font de nouveau pression sur la mairie pour obtenir la réouverture des maisons. La mairie résiste, tout en durcissant le système de mise en carte23. La résistance de la mairie dure jusqu’en 1937, date à laquelle les maisons de tolérance sont officiellement rouvertes24.

24À la veille de la Seconde Guerre Mondiale, la pression des autorités militaires a eu raison de la ville tête de proue prétendue de l’abolitionnisme.

b) La bataille de Strasbourg

25A Strasbourg, en 1925, un scandale lors des Fêtes Internationales de gymnastique remet le réglementarisme en question. En effet, les jeunes garçons mineurs auraient, d’après les témoins locaux, pris d’assaut les maisons closes de la ville : des scènes de violence, d’alcool et de débauche auraient été observées dans l’espace public25. Les notables de la ville s’indignent avec comme fer-de-lance Paul Gemâhling, les médias sont mobilisés et les autorités publiques locales et nationales sont prises à partie26. Le préfet est saisi directement de la question27. Le Haut commissaire du ministère de la guerre, Paul Bénazet, interpelle le président de l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, Charles Cazalet28, à ce sujet. Paul Bénazet rappelle dans sa lettre que le but des sociétés de gymnastique est d’améliorer la « race (…) tant physiquement que moralement », à cette fin, il demande que des mesures soient prises pour éviter la débauche de Strasbourg29. Charles Cazalet, dans sa réponse, défend l’honneur de l’Union des sociétés de gymnastique : « L’union reste fidèle à sa devise : « Patrie-Courage-Moralité » et n’oublie pas le conseil que lui donnait le général Chanzy, à Reims, en 1882, à sa huitième fête fédérale, devant Jules Ferry : « Faites-nous des hommes, L’armée en fera des Soldats ! » ». Il précise que les faits ont été déformés par la presse chrétienne moralisatrice, dont « La croix », dans l’objectif, derrière les sociétés de gymnastique, de s’attaquer aux écoles et à la morale laïques, il tente de relativiser en précisant que « seuls quelques gymnastes se sont rendus au bordel »30.

26Une commission est mise en place pour réfléchir au choix de politique prostitutionnelle à mettre en place dans la ville31. Doit-on supprimer ou maintenir le système réglementariste et doit-on, en cas de maintien, supprimer les maisons de tolérance ? Au sein de la commission, l’autorité militaire est représentée par le général Reibell, commandant de la place de Strasbourg. Lors des débats, les arguments évoqués prioritairement sont d’ordre médical, puis rapidement d’ordre public (à savoir les risques que représenterait un changement de système). Enfin les débats se polarisent sur le couple que forment le militaire et la prostituée, et sur la coexistence nécessaire ou pas de la caserne et de la maison de tolérance. Les considérations « militaires » et leur argumentaire vont alors prendre beaucoup de place dans le débat. Le général Raibell défend avec virulence les maisons de tolérance car il pense que le vice doit être canalisé dans un endroit bien délimité, sous peine de risque de trouble à l’ordre public : les militaires pourraient importuner des femmes non prostituées. Il met également en avant une autre utilité de la maison de tolérance, plus indirecte : elle constitue un bon outil de renseignement, ce qui laisse présager des liens particuliers entre les tenanciers de maison de tolérance et les officiers militaires. En outre il établit une distinction pour le moins surprenante entre les métropolitains et les indigènes. Selon lui, les premiers pourraient éventuellement être sensibles aux politiques d’éducation de la jeunesse, mais les seconds rendent l’existence des maisons de tolérance absolument nécessaire32, révélant, par ces propos, la vision toute particulière que ce général a de l’armée et des peuples colonisés, reflet du racisme ordinaire de l’entre-deux guerres. À ce sujet, dans son ouvrage, Michel-Serge Hardy dénonce l’hypocrisie qui consistait à prétendre que les soldats français seraient plus « purs » que leurs homologues étrangers ou indigènes au vu des faits relevés33. Ces propos sont d’ailleurs discrédités par le préfet34. Le général Raibell renchérit sur des arguments sanitaires : selon lui, un soldat atteint de maladie vénérienne l’avouera plus facilement s’il l’a contractée dans une maison de tolérance parce qu’il ne se sentira pas en faute, vu que la maison est « publique » et tolérée. Par ailleurs, le soldat aurait du mal à dénoncer une femme rencontrée à l’extérieur, vu qu’il se ferait des illusions sur le lien qui l’a uni à la femme35. Là encore, le général Raibell montre la piètre opinion qu’il a de l’intelligence de ses recrues et des femmes, prostituées ou non, en laissant entendre qu’il préfère que ses soldats aient des relations sexuelles contrôlées au sein de la maison plutôt que des rapports qui pourraient s’apparenter à des relations sentimentales, relations qu’il estime forcément illusoires du fait de la duplicité des femmes. Invité à se prononcer, un autre membre du corps militaire, le général Berthelot, présent dans la salle, tient un discours assez ambigu : il se dit plutôt contre les maisons de tolérance, à titre personnel, mais estime que la prévention et les mesures restrictives rendent nécessaire cette institution36.

27Lors de la seconde réunion de la commission, le fervent militant abolitionniste Paul Gemähling tente de convaincre la commission de mettre fin entièrement au système réglementariste, c’est-à-dire supprimer le système de mise en carte et maisons de tolérance.

28Le général Reibell propose une alternative : la fin de la mise en carte mais le maintien des maisons de tolérance. Il ne se dit pas du tout intéressé par la réglementation sans maison de tolérance. Ses seules préoccupations sont l’hygiène et la discipline de la garnison. Il accepte de se passer des filles en carte exerçant en ville mais pas des maisons. Il propose de les maintenir mais d’en diviser le nombre par cinq.

29Le préfet coupe court à la proposition de Gemähling en restreignant d’autorité la question à la suppression ou non des maisons de tolérance. Le système de mise en carte des femmes prostituées, donc leur surveillance sanitaire et policière est, d’office, maintenu37. Il oppose au général Reibell le fait que si les maisons de tolérance sont supprimées, le militaire cherchant fortune trouvera la femme en carte, contrôlée par la police.

30Le général rappelle les risques de méprises possibles pour les jeunes militaires dépaysés. Ils pourraient se tromper et aborder une femme non prostituée. Mais surtout, il insiste sur le fait que la présence des « troupes indigènes » l’exige. Le procureur de la République combat ses préjugés racistes en lui rétorquant que tant les Annamites, population du centre de l’actuel Vietnam, que les Malgaches, présents à Strasbourg, n’ont jamais posé aucun problème. Aucune plainte n’a été déposée à leur encontre par un habitant en ce qui concerne leur attitude vis-à-vis des femmes.

31Une sous-commission est nommée afin d’étudier l’opportunité de la suppression ou du maintien des maisons de tolérance. L’autorité militaire est exclue de celle-ci. Elle conclut à la nécessité de la suppression. Lors de la soumission du vote de ces conclusions à l’ensemble de la commission, le général Reibell est le dernier à hésiter mais finalement vote, à contrecoeur, sous la pression, pour la suppression38. Le 30 juillet 1925, l’arrêté préfectoral ferme l’ensemble des maisons de tolérance de Strasbourg et interdit leur réouverture39. Les travaux de la commission sont suivis de près par les abolitionnistes, qui considèrent l’issue de ce débat comme leur triomphe sur « la routine médicale et le préjugé militaire »40.

32Quelques arguments abolitionnistes et moralistes remettent en cause la nécessité du maintien des maisons de tolérance au profit de l’institution militaire. Néanmoins, les références constantes dans les règlements et les circulaires administratives à des modalités d’organisation spécifique des maisons de tolérance au profit de l’institution militaire confortent l’idée d’une nécessité impérieuse du maintien du réglementarisme pour les soldats. Les longueurs de la première guerre mondiale ont relégué la morale au profit du moral des militaires.

2. Une réglementation adaptée à la pratique militaire (1917-1939)

33Les modalités de réglementation ne seront pas les mêmes en temps de conflit et lors des périodes de paix.

2.1. La prostitution en temps de guerre

34Lors de la première guerre mondiale et jusqu’à la démobilisation, après avoir tenté de lutter contre la prostitution dangereuse pour la santé et la moralité des soldats, l’autorité militaire favorise les maisons de tolérance.

2.1.1. L’instauration des bordels militaires de campagne contrôlés par l’armée

35Dans certaines zones, estimant que les politiques municipales ne sont pas suffisamment efficaces, l’autorité militaire édicte elle-même des règlements sur les zones qui dépendent de son commandement. Si en théorie dans le système réglementariste classique, les femmes en carte sont libres d’exercer en maison de tolérance ou hors des murs de cette dernière, l’autorité militaire ne s’embarrasse pas de ces questions de libertés individuelles et annonce clairement qu’il est « défendu à toute femme de se livrer à la prostitution ailleurs que dans les maisons de tolérance »41, par dérogation et uniquement dans les villes où ne peuvent être établies de maisons de tolérance, et où séjournent des troupes, « le commandant du cantonnement peut tolérer que quelques femmes se livrent à la prostitution »42 .

36En 1918, le chef de cabinet du ministère de la guerre adresse une circulaire aux commandants de régions militaires en leur prescrivant de veiller eux-mêmes à l’installation auprès de tous les camps de maisons de tolérance. L’armée construit ou fournit les locaux et choisit les concessionnaires de l’établissement, qu’elle peut renvoyer sur-le-champ en cas de manquement au règlement intérieur qu’elle est seule à édicter. Ces règlements précisent que le bordel sera exclusivement réservé aux militaires et détaillent la liste du matériel et des produits prophylactiques que chaque chambre doit contenir pour servir à la toilette pré et postcoïtale.

37L’autorité militaire va jusqu’à encadrer les pratiques de ses soldats en maison de tolérance. Ainsi le 3 mai 1919 le général Brissaud-Desmaillet, commandant de la 127e division, donne l’ordre à ses tirailleurs de pratiquer des coïts rapides. Le général a reçu plusieurs lettres anonymes de chasseurs, fantassins et cavaliers, se plaignant de ne plus pouvoir pénétrer dans les maisons de tolérance accaparées par les tirailleurs opérant en grandes bandes. Ces derniers resteraient trop longtemps en exercice et occasionneraient de fréquents embouteillages. L’administration supérieure de la Sarre et les autorités municipales se préoccupent d’augmenter notablement l’effectif des filles publiques, mais, « en attendant que cet effectif ait pu être renforcé, il faut que les tirailleurs se montrent plus expéditifs dans leurs ébats. Des théories leur seront faites à ce sujet »43. Ces lieux sont dénoncés comme étant des maisons d’abattage où les femmes restent très peu de temps44.

38Si globalement la fréquence du contrôle sanitaire augmente entre 1800 et 1946, la fréquence du contrôle sanitaire des femmes publiques devient intensive en temps de guerre. Elle n’est plus effectuée par le médecin nommé par l’autorité municipale mais par le médecin militaire. Ainsi au XIXe siècle, en temps de paix, le contrôle a lieu tous les quinze jours, puis tous les dix jours, puis toutes les semaines. Pendant la guerre de 14-18 les contrôles sont effectués par le médecin militaire tous les deux jours45, pour être ramenés à un rythme bi-hebdomadaire pendant l’entre-deux guerres.

2.1.2. La régulation de la prostitution par l’autorité civile

39L’autorité militaire anglaise ne peut que se tourner vers les autorités municipales françaises. Certaines villes n’ont jusqu’alors jamais été confrontées à la réglementation de la prostitution ce qui créée parfois des complications comme l’illustre l’exemple des soldats des troupes britanniques stationnés dans la commune de Marquise, petite commune du Boulonnais, en 1919. Les soldats en question attrapent des maladies vénériennes, aussi l’autorité militaire britannique exige de l’autorité publique française une intervention pour assurer le contrôle sanitaire des prostituées. Or, cette ville n’a jamais réglementé la prostitution au cours de son histoire et ne s’y est jamais intéressée. Aussi le maire démuni tente-t-il de se tourner vers le préfet qui le renvoie à ses obligations légales46. En effet la loi de 1884 organise la compétence de principe du maire et à défaut celle du préfet pour assurer le bon ordre, la sécurité et la salubrité publique. Cette attribution de compétence, à la limite de la légalité du fait des termes généraux utilisés, est dénoncée par des publicistes comme Léon Duguit, mais n’en reste pas moins le fondement de l’autorité du maire en matière de régulation de la prostitution47.

40En pratique, et en marge de la prostitution officielle, de nombreuses femmes pratiquent une prostitution d’appoint dans la clandestinité. Lorsqu’elles sont atteintes d’une maladie vénérienne, elles deviennent un problème. Aussi quand elles contaminent des militaires, les autorités interviennent en les expulsant de la ville, adhérant ainsi à une pratique que le réglementarisme avait progressivement fait disparaître. Parfois cette pratique est mise en œuvre de manière préventive pour faire face à la prostitution clandestine. C’est ainsi que le maire de Boulogne, se félicitant de prendre des initiatives, fait part au sous-préfet de l’expulsion de cinquante-six femmes de la ville, qui se livraient à la prostitution clandestine, alors qu’elles n’avaient encore contaminé personne48.

41D’autres pratiques d’un autre âge ont été relevées à l’encontre des prostituées pendant la première guerre mondiale. Ainsi à Lille, le médecin du service sanitaire faisait raser les femmes qui exerçaient la prostitution dans la clandestinité49.

2.2. La prostitution en temps de paix

42Le lien indissociable entre la prostitution et l’institution militaire est établi au sein même des règlements qui prévoient des dispositions spécifiques adaptées aux règles des casernes militaires. Par ailleurs, du fait de ce préjugé, l’administration se sent le devoir de garantir l’accès des maisons de tolérance aux militaires.

2.2.1. Des obligations réglementaires spécifiques vis-à-vis de la clientèle militaire

43Les règles spécifiques qui mettent en lumière les liens entre militaires et prostitution au sein de la réglementation municipale sont multiples. L’institution des maisons de tolérance s’organise autour et en partenariat avec l’institution militaire.

44Ainsi dans le règlement municipal de Nancy en 1926 et de Denain en 1934, toute plainte de contamination de l’autorité militaire à l’encontre d’une femme suspecte, que la femme soit atteinte ou non par une maladie vénérienne, autorise sa procédure d’inscription50.

45Dans les règlements, la tenancière de maisons de tolérance est instituée comme le relais de l’autorité militaire pour faire respecter la discipline. Elle a l’obligation de renvoyer les militaires avant l’heure de la retraite, voire de vérifier qu’ils sont bien munis de permission en dehors des heures de sortie51. Dans le règlement municipal de Dunkerque, les femmes en carte isolées ne peuvent recevoir de militaires après l’heure de la retraite52.

46Lorsqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, l’organisation de la réglementation de la prostitution est chapeautée par le pouvoir central et déconcentrée au niveau de grands centres régionaux, les relations entre autorités médicales civiles et militaires sont institutionnalisées à un autre niveau que celui des municipalités. Dans le Nord, le Professeur Bertin, chargé par le ministère de la Santé d’organiser la surveillance sanitaire de la prostitution, dépense beaucoup d’énergie dans la mise en place de relations entre le service sanitaire civil et le service sanitaire militaire. Les réunions d’information sont très fréquentes, davantage que celles qui sont prescrites par les instructions ministérielles, entre le Centre régional antivénérien et le commandant Le Guillas, médecin chef du Centre de Dermato-Vénérologie de la 1ere région. Ces réunions permettent le dépistage de plusieurs foyers de contamination53.

2.2.2. Un droit à l’accès aux maisons de tolérance pour les militaires

47L’autorité publique doit-elle garantir l’accès des maisons de tolérance aux militaires ?

48L’affaire de la maison de tolérance d’Auch en 1924 est, à ce sujet, particulièrement intéressante. Des pensionnaires de la maison de tolérance et leur tenancier refusent l’accès de la maison à des militaires, au motif qu’ils sont nord-africains. Au-delà des considérations racistes qui sous-tendent cette attitude du personnel de la maison de tolérance, cette affaire met en lumière plusieurs aspects intéressants relatifs à la manière dont les autorités appréhendent ce type d’établissement. D’une part, il semble que le principe de l’accès aux maisons de tolérance par les militaires leur apparaisse comme éminemment nécessaire puisque ce « problème » fait d’abord intervenir le commandant d’arme d’Auch et le maire, puis dans un second temps le préfet du Gers et un général. Celui-ci semble dire que la solution serait de recruter un personnel étranger pour satisfaire les nord-africains mais estime que, vu le nombre restreint de ces hommes à Auch, ce personnel risquerait de se retrouver sans clientèle suffisante, laissant ainsi entendre qu’une mixité dans les rapports sexuels au sein de la maison de tolérance sera aussi peu souhaitée dans un sens que dans l’autre. Enfin les ministres de l’Intérieur et de la Guerre sont saisis. D’autre part, le principe selon lequel les prostituées sont libres de choisir leur clientèle et les tenanciers libres de refuser l’accès de leur maison est garanti dans la mesure où les autorités décident, face à ce « problème », de la mutation des soldats nord-africains vers des villes dans lesquelles les maisons de tolérance sont « plus hospitalières ». En effet, les régiments des villes de Tarbes et Agen sont composés de plusieurs centaines d’Arabes ou de Sénégalais et ont donc des maisons pourvues de « pensionnaires capables de satisfaire les exigences passionnelles des militaires dont il s’agit »54.

49Au vu de cette étude, il apparaît qu’à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle la tendance était à la promotion de valeurs morales auprès des soldats afin de les détourner d’avoir recours à des femmes prostituées. Cette tendance est mise à mal au cours de la première guerre mondiale au profit d’un discours essentialiste quant aux nécessités de la prostitution, ce qui renforce le réglementarisme. La prostitution, dans le cadre du réglementarisme, a été organisée rationnellement en partie au profit de l’armée. L’organisation des « établissements sanitaires » allemands pendant la seconde guerre mondiale confortera cette tendance. En effet, comme le montre Insa Meinen, à peine les Allemands avaient-ils fait leur entrée dans Paris, que le Haut Commandement de l’Armée de Terre (okh) donna l’ordre d’installer des bordels spéciaux pour les officiers et les soldats sur l’ensemble du territoire français occupé. Les prostituées clandestines font alors l’objet d’une violente répression les conduisant dans des camps d’internement. Cette organisation institutionnelle des services sexuels des femmes au profit des militaires et la collusion des maisons de tolérance civiles avec les milieux collaborationnistes et nazis sonneront, à la Libération, le glas des maisons closes55. La logique réglementariste poussée à son paroxysme au profit des militaires par le nazisme contribuera à sa condamnation morale définitive et amorcera le régime abolitionniste, actuelle politique prostitutionnelle en France depuis 1946.

Notes

1 Aufer meretrices de rebus humanis, turbaveris omnia libidinibus : Saint-Augustin, De ordine , II, 12.

2 Duffuler-Vialle H., Une approche de la prostitution en histoire du droit sous le prisme des rapports sociaux de sexe, dans Darsonville A., Léonhard J., La loi pénale et le sexe, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2015.

3 Jovelin E., De la prostitution aux clients de la prostitution, dans Pensée plurielle, 2011, n° 27, p. 75-92.

4 Tel est le cas par exemple de Régis Révenin qui s’est intéressé aux Archives des institutions de prise en charge des mineurs déviants et/ou délinquants : Révenin R., Homosexualité et prostitution masculines à Paris (1870-1918), Paris, L’Harmattan, 2005, Blanchard V., Revenin R., Yvorel J.-J. (dir.), Les jeunes et la sexualité. Initiations, interdits, identités (XIXe-XXIe siècle), Paris, Autrement, 2010.

5  Duffuler-Vialle H., La réglementation de la prostitution durant l’entre-deux guerres, l’exemple du Nord de la France, Paris, Mare et Martin, 2018.

6 Sur la montée en puissance de l’angoisse vénérienne voir Bizard L., Le péril vénérien. Influence néfaste des maladies vénériennes, blennorragiques et syphilis sur la race (dépopulation et déchéance de la race), Paris, 2006. Sicard de Plauzoles J., La vie sexuelle. L’avenir de la race, dans Le sens de la vie. Questions d’hygiène sociale, Paris, Edition médicale, 1929, p. 151-165 ; Pour le salut de la race. Éducation sexuelle. Génération consciente, Paris, Éditions médicales, 1931 ; L’avenir et la préservation de la race : l’eugénique, dans La prophylaxie antivénérienne, n° 4, avril 1932. Voir aussi l’analyse de CORBIN A., Les filles de noce, Misère sexuelle et prostitution aux XIXe et XXe siècles, Paris, Aubier, 1978, p. 386-405 et 489-499 et de Le Naour J.-Y., Sur le front intérieur du péril vénérien (1914-1918), dans Annales de démographie historique n° 103, 2002, p. 107-120.

7 Justin Godart cité par Gemähling P., Strohl H., Les maisons publiques, danger public - L’exemple de Strasbourg - Documents et Témoignages, Strasbourg, Pro Familia, 1925.

8 Pourésy E., Au service de la vie et de la vérité sexuelle, Saint-Antoine de Breuilh, 1939 ; Aux pères et aux mères de famille, à leurs fils et à leurs filles, Saint-Antoine de Breuilh, 1946.

9 Pouresy E., La vie morale et le respect de la femme : aux hommes et aux jeunes gens, impr. M. Durand, 1927.

10 Crépin T., Les ligues de moralité entre déclin et renouveau, dans Giet S. (dir.), La légitimité culturelle en questions, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2004.

11 Pourésy E., Souvenirs de vingt-cinq années de lutte contre l’immoralité publique, Bordeaux, 1928.

12 Le Naour J.-Y., Un mouvement anti pornographique : la Ligue pour le relèvement de la moralité publique (1883-1946), dans Histoire, économie et société, t. 22, 2003, n° 3.

13 Paul Gemähling ou Gemaehling est né en 1883 et mort en 1962, catholique pratiquant, ami de Marc Sangnier, journaliste et homme politique français promoteur d’un catholicisme progressiste, et de Paul Archambault, écrivain essayiste et philosophe du Parti Démocrate Populaire. Paul Gemähling fut membre actif du Sillon, journal qui visait à ouvrir aux ouvriers une alternative aux partis de gauche anticléricaux : une gauche chrétienne. Il devint docteur en droit en 1910 et fut chargé de cours à l’Université d’Alger. Agrégé des facultés de droit en 1919, il fut nommé professeur de droit à l’Université de Strasbourg puis à la Sorbonne à partir de 1943 ; il a été spécialiste des questions démographiques et familiales. Il rédigea ou préfaça de nombreux ouvrages diffusés par la LFRMP. Il anima le groupement « Pro familia » de Strasbourg et présida le cercle d’action morale et sociale. Il devint président de la LFRMP à la suite d’Emile Pouresy et prit également la présidence de l’Union Temporaire dans les années 1930. Pendant la seconde guerre mondiale, Paul Gemähling, toujours président de la ligue, dénonça la politique prostitutionnelle de Vichy. Crépin T., Les ligues. Palau Y., Blondel M. La crise de l’Action française (1926-1929) à travers la correspondance Blondel-Archambault, dans Mil neuf cent, n° 13, 1995, Les intellectuels catholiques. p. 113-169 [en ligne] http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_1146-1225_1995_num_13_1_1136. Consulté le 03 décembre 2012, Wojciechowski J.-B., Hygiène mentale et hygiène sociale : contribution à l’histoire de l’hygiénisme, t. II, e-books, ISBN : 2-7384-5032, 1998.

14 Gemähling P., Le Régime de la Prostitution à Strasbourg. Les réformes qui s’imposent, Genève, Edition de la Vie sociale en France et dans ses colonies, 1925, n.p.

15 Compte-rendu des travaux de la commission pour l’étude la réglementation du service des mœurs à Strasbourg, 3 juillet 1925 : propos du docteur Schott, directeur départemental d’hygiène du Bas-Rhin, Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

16 Gemähling P., La faillite d’un Système : la réglementation de la prostitution jugée d’après les faits, Bordeaux, Relèvement Social, 1926.

17 Cette idée n’est pas spécifique à la période étudiée, voir par exemple Vialle F., Prostituées et militaires dans le nord entre 1789 et 1815, Mémoire d’histoire contemporaine en Master I, sous la direction de Rouselle D., Université de Lille 3, 2011.

18 M.-S. Hardy, De la morale au moral ou l’histoire des BMC, 1914-2004, Lavauzelle, Panazol, 2004, p. 363.

19  Malgré une très importante propagande des mouvements abolitionnistes, très peu de villes sont officiellement abolitionnistes (moins d’une dizaine pendant l’entre-deux guerres). Parmi grandes villes de France, seule Grenoble est abolitionniste. Strasbourg a fermé ses maisons de tolérance mais maintien le régime de l’encadrement des femmes qui exercent la prostitution.

20 Lettre du président de la Ligue nationale contre l’Alcoolisme dans l’armée et la marine du 10 octobre 1913, Archives départementales du Nord : M 208/107.

21 Proposition de l’association des publicistes militaires, maritimes ou coloniaux du 11 novembre 1913, Ibid.

22 Braeuner G., Prostitution et misère à Colmar à la fin du XIXe siècle, dans Braeuner G., Durand de Bousingen D., Eichenlaub J.-L. et al., De la prostitution en Alsace Histoire et Anecdotes, Aubenas, Le verger, 1987, p. 122.

23  La mise en carte est l’inscription des femmes qui exercent la prostitution sur les registres de police, avec remise d’une carte indiquant les prescriptions réglementaires et permettant le suivi médical.

24 Cogniart P.-J., La prostitution. Etude Science criminelle, Thèse de doctorat en droit sous la direction de Jean Rault, Lille, 1938, p. 186.

25 Des témoins abolitionnistes décrivent la présence des femmes publiques aux portes et aux fenêtres de la maison de tolérance qui encouragent les gymnastes à monter les rejoindre. A en croire les récits abolitionnistes, les maisons de tolérance devinrent pendant ces nuits là des maisons d’abattage : ainsi l’un des jeunes étudiants aurait dit « avoir reculé d’horreur et avoir été saisi de pitié quand la femme qui lui fut offerte lui eut déclaré qu’il était le 103e client de la journée » (rapport de police, cité par le Journal de l’Est du 20 juin 1925). Les maisons auraient été assaillies par des jeunes gens ivres. Les témoins abolitionnistes insistent sur la jeunesse de certains de ces clients : « l’un d’eux a avoué n’avoir que treize ans et demi, beaucoup seulement quinze ou seize ans » (Rapport de police, AML : 1I6 / 13). Un rapport de police, cité par le journal local, mentionne que dans la nuit de 17 au 18 juin, un groupe d’étudiants s’est rendu au 5 rue des Pêcheurs où une rixe éclata entre eux. Le tenancier frappa violemment l’un des étudiants à la tête, lui causant une blessure assez grave et un autre fut mordu par le chien-loup du même tenancier. Le service d’ordre institué par « Pro Familia », composé d’une vingtaine de citoyens, tente d’intervenir. Ces bénévoles disent avoir été écoutés par les jeunes gymnastes et avoir réussi à en détourner un certain nombre des maisons (en application de l’article 334, les jeunes garçons de moins de 21 ans ne peuvent pas entrer dans les maisons de tolérance et la preuve de la majorité de 21 ans doit toujours être fournie, faute de quoi l’accès des maisons de prostitution doit être formellement refusé : Cour de cassation 4 janvier 1902. Dalloz, 1902, I 528, cité par Paul Gemähling). Les militants dénoncent les manquements des tenancières des maisons aux prescriptions réglementaires et législatives et conspuent l’inaction de la police : « pendant trois soirs entre 20h30 et minuit » ces débordements ont été constatés « sans que les agents interviennent ». La police elle-même reconnaît qu’elle n’a pas réussi à « contenir la débauche » : Gemähling P, Strohl H., Les maisons.

26 Le Relèvement social. Revue de Morale et d’Action sociales, Octobre 1925, Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

27 À Strasbourg, comme dans sept autres villes de France, la police municipale dépend de l’autorité du préfet.

28  Charles Cazalet (1858-1933) vient d’une famille de négociants en vins bordelais de confession protestante. Il crée la première association de gymnastique populaire de quartier. Son élection au Conseil municipal de Bordeaux marque son entrée en politique ; au cours de son mandat, il se consacre, entre autres, au développement de la gymnastique. Il est élu président de l’Union des sociétés de gymnastique de France en 1897 et assure cette charge pendant 34 ans. A partir de 1924, il devient également président de la nouvelle Fédération internationale de gymnastique. Il recevra la Grand-croix de la légion d’Honneur. Callède J.-P., Charles Cazalet (1858-1933), patrons bordelais, Philanthropie, réseaux d’action sociale et modernisation de la vie locale, dans Bulletin d’Histoire de la Sécurité Sociale, n° 40, Paris, 2001.

29 Lettre reproduite dans Le Relèvement social. Revue de Morale et d’Action sociales, Octobre 1925, Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

30 Ibidem.

31 Cette commission est composée d’Emmanuel Borromée (1873-1954), préfet du Bas-Rhin, du recteur d’Académie à Strasbourg, de Jacques Peirotes (1869-1935), maire socialiste de Strasbourg, du général Reibell, commandant de la place de Strasbourg, du docteur Jirou, médecin-chef de la place de Strasbourg, de Carré de Marlberg, président du Tribunal civil de Strasbourg, du procureur de la République de Strasbourg, du docteur Weiss, doyen de la faculté de Médecine de Strasbourg, président de la Ligue antivénérienne d’Alsace et de Lorraine, de Robert Beudant, doyen de la faculté de droit, du docteur Pautrier, professeur de dermatologie et de syphiligraphie à la faculté de médecine de Strasbourg, secrétaire de la Ligue antivénérienne d’Alsace et de Lorraine, de Weydmann, conseiller général, président de la Ligue « Pro Familia », de Strohl, Secrétaire général de la Ligue « Pro Familia », du docteur Belin directeur de l’Office Municipal d’Hygiène, membre du Conseil d’Hygiène, du docteur Schott, conseiller général, président de la Fédération des Syndicats médicaux d’Alsace, membre du Conseil d’hygiène, de Paul Gemaehling, professeur à l’Université, président de la LFPRMP, du commissaire central de Police et du docteur Schmutz, directeur des Services d’hygiène du Bas-Rhin, membre du Conseil d’hygiène : Compte-rendu des travaux de la commission instituée en vue d’étudier la réglementation du service des mœurs à Strasbourg, séance du 3 juillet 1925, AML : 1I6 / 13.

32 « Pour la découverte de crimes ou délits commis par les militaires peu délicats qui fréquentent ces établissements, les maisons de tolérance constituent des centres de renseignements fort utiles (…) Nous recevons dans l’armée des gens de toutes catégories, de toutes origines et de tous tempéraments, et, si les débordements des mauvais sujets ne se trouvent pas canalisés vers la maison de tolérance – car pour nous il n’y a que cette solution-là, – ils risqueront de causer du scandale en ville. La femme en carte ne se révèle pas à eux ; elle ne leur dira pas. Ils s’adresseront à n’importe qui, s’imaginant avoir affaire à une professionnelle, et pourront commettre des méprises regrettables. Avec la maison de tolérance : pas d’erreurs possibles, elles leur sont indiquées d’une façon indubitable. Et ensuite, à côté du contingent métropolitain, qui, lui, est supposé plus apte à subir cette éducation de la jeunesse, nous avons les Indigènes. Nous avons ici une garnison de 8 000 hommes, sur lesquels on peut compter un millier de soldats indigènes de toutes races ; pour ceux-là, il faut absolument qu’il y ait des maisons de tolérance » : discours du général Reibell, Compte-rendu des travaux de la commission instituée en vue d’étudier la réglementation du service des mœurs à Strasbourg, séance du 3 juillet 1925, Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

33 M.-S. Hardy, De la morale, p. 363.

34 « Le général Berthelot m’a assuré que les soldats indigènes se conduisaient très bien, notamment les soldats malgaches, et qu’on n’avait rien à leur reprocher » : intervention du préfet, compte-rendu des travaux de la commission instituée en vue d’étudier la réglementation du service des mœurs à Strasbourg, séance du 3 juillet 1925, intervention du préfet, Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

35 Un médecin, présent dans la salle, le docteur Géricolas, rapporte que les soldats dénoncent rarement la personne qui leur a transmis la maladie ou le lieu où ils l’ont contractée, quel que soit celui-ci, infirmant ainsi les propos du général. Néanmoins il estime que la majorité des cas de contamination syphilitique viennent de rencontres dans des brasseries, des cafés ou chez des particuliers. Selon lui, peu de cas de syphilis proviennent des maisons de tolérance, mais cette intuition ne semble étayée par aucun fait tangible : intervention du docteur Géricolas. Ibidem.

36 Intervention du général Berthelot : Ibidem.

37 Le préfet est « vexé » par la conclusion de Paul Gemähling : « L’opinion jugera la commission au souci qu’elle aura de l’éducation de notre jeunesse ». Il le remercie pour son exposé mais énonce tout de suite que seul l’examen de la suppression des maisons de tolérance est à l’étude, qu’il ne saurait être question de la suppression de toute la réglementation. Il lui rappelle que la première préoccupation qui doit être la leur est la santé publique, ce à quoi Paul Gemaëling lui rétorque qu’il est lui-même très soucieux de santé publique. Un échange assez vif s’engage alors entre l’abolitionniste et le préfet qui estime le jugement moral pesant sur la commission inacceptable : « Vous êtes aussi soucieux que nous de la santé publique, nous sommes aussi soucieux que vous de la morale, mais nous entendons ici envisager la situation dans son ensemble et dans ses détails, en toute impartialité, et statuer en nous inspirant uniquement de l’intérêt général qui a ici plusieurs aspects » : échange entre Paul Gemähling et le préfet, Ibidem. Le doyen de la faculté de droit Beudant, favorable à la suppression des maisons de tolérance, réagit suite au plaidoyer de Paul Gemähling et interpelle le préfet : « Il est moralement, administrativement intolérable que le haut fonctionnaire que vous êtes soit l’administrateur en chef de cette organisation » mais il estime que l’exposé de Paul Gemähling n’a rien apporté au débat, ce qui montre la mésentente qui visiblement règne entre ces universitaires travaillant dans le même établissement : « Paul Gemähling me permettra de lui dire tout simplement qu’il n’a fait que nous rapporter des choses très banales sur ce que nous connaissons de la maison de tolérance » : propos de Beudant, doyen de la faculté de droit. Ibidem

38 Ibidem.

39 Arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 juillet 1925 : Archives municipales de Lille : 1I6 / 13.

40 Le Relèvement social. Revue de Morale et d’Action sociales, Octobre 1925 : Ibidem

41 Article 1 de l’arrêté militaire du territoire de la VIIe armée du 26 janvier 1916, Archives départementales du Pas-de-Calais : 2Z/216.

42 Ibidem., article 7.

43 Bureau P., L’indiscipline des mœurs, Paris, Bloud & Gay, 1920, p. 114.

44 Léon Bizard est médecin de la prison Saint-Lazare et médecin principal de la préfecture de Paris. Il a publié de plusieurs ouvrages sur la prostitution et dénoncent les « maisons d’abattage ». Bizard L (Dr), Souvenirs d’un médecin des prisons de Paris, Paris, Grasset, 1925. Bizard L. (Dr), La vie des filles, Paris, Grasset, 1934.

45 Voir par exemple l’article 19 de l’arrêté militaire sur tout le territoire de la VIIe armée du 26 janvier 1916, Archives départementales du Pas-de-Calais : M 5670.

46 Lettre du major des troupes britanniques au procureur de Boulogne-sur-Mer le 10 mai 1919, Archives départementales du Pas-de-Calais : M 5670.

47 Voir Duffuler-Vialle Hélène, L’évolution de la réglementation, op. cit.

48 Lettre du maire de Boulogne au sous-préfet de l’arrondissement le 1er septembre 1915, Archives départementales du Pas-de-Calais : M 5670.

49 Lettre du maire de Lille au préfet du Nord du 29 juillet 1920, Archives départementales du Nord : M 208/107.

50 Article 7 et article 8 du règlement de Nancy du 1er février 1926, Ibidem et article 7 du règlement de Denain du 20 juin 1934, Archives départementales du Nord : M 229/37.

51 Voir par exemple l’article 28 du règlement municipal de Douai du 27 février 1892, Archives municipales de Douai : 1J/160.

52 Règlement municipal de Dunkerque du 16 avril 1917, Archives municipales de Dunkerque : 2D/27.

53 Lettre du préfet du Nord au ministère de l’Hygiène du 30 juin 1939, Archives départementales du Nord : M 229/37.

54 Voir l’arrêté d’autorisation pour Hortense Estebenet du 19 juillet 1911, l’arrêté d’autorisation d’Eulalie Campistron du 19 avril 1924, la lettre du lieutenant-colonel Laffont, commandant de la place d’armes d’Auch, au maire d’Auch le 10 mars 1924, la lettre du maire d’Auch au préfet du Gers le 13 mars 1924, la lettre du préfet du Gers au général Bremond le 14 mars 1924, la lettre du préfet du Gers au commandant de la place d’armes le 2 août 1924, la lettre du commissaire de police d’Auch au directeur de la Sûreté générale du 2 septembre 1924 et la lettre du ministère de l’Intérieur au ministre de la Guerre le 20 septembre 1924, Archives Nationales : F7/ 14855.

55 Meinen Insa, Wehrmacht et prostitution sous l’Occupation (1940-1945), Paris, Payot, 2006.

To cite this article

Hélène Duffuler-Vialle, «De la caserne aux maisons closes : la réglementation de la prostitution au profit de l’institution militaire (1900-1939)», C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société [En ligne], Vol. 41 - 2018, URL : https://popups.uliege.be/1370-2262/index.php?id=625.