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Gouvernementalité en régime colonial : acteurs, vecteurs et pratiques du droit et de la justice en Afrique coloniale belge
Table of content
Introduction1
1Dans les États occidentaux, les phénomènes colonisateurs font débat. Le contexte commémoratif de la grande vague des indépendances d’ex-colonies occidentales des années 1950-60 a ravivé l’affrontement des mémoires concurrentes sur le bilan des entreprises coloniales généralisées au 19e siècle. Plusieurs facteurs expliquent la virulence des débats. La disparition progressive des témoins des colonisations et des luttes d’indépendance laisse la place au temps des transmissions mémorielles. Depuis la fin de la guerre froide, la critique postcoloniale en particulier celle du maintien de mécanismes de domination technologique, économique et politique des métropoles sur leurs ex-colonies dans le contexte de l’affrontement Est-Ouest a mis l’accent sur les difficultés des ex-colonies à se développer par elles-mêmes en raison de cette « dépendance du sentier » colonial et du maintien d’un système d’exploitation mondialisé. Enfin, l’immigration de vastes populations originaires des régions colonisées vers les sociétés des ex-métropoles suscite des débats sur l’intégration culturelle dans un contexte de polarisations identitaires des sociétés occidentales face à la globalisation. En France, la guerre d’Algérie a focalisé un débat instrumentalisé par les partisans de la fermeture comme de l’ouverture identitaire de la société française2. Au Royaume-Uni le scandale Windrush met en évidence la difficulté pour l’État britannique de reconnaitre pleinement comme citoyens des populations caraïbes, pourtant « invitées » en 1948 à émigrer en Grande-Bretagne pour participer à la reconstruction de la métropole et passibles aujourd’hui d’expulsion comme immigrés illégaux, faute de la reconnaissance administrative de leur statut par l’État britannique.
2Dans le débat actuel sur les migrations intercontinentales dont les colonisations sont un puissant moteur, chaque pays européen réagit en fonction de son passé colonial : c’est vrai pour l’Italie, le Portugal, l’Espagne. Aux Pays-Bas, de nouvelles recherches sur le rôle de l’esclavage dans l’enrichissement des Provinces-Unies aux 17e-18e siècles ont mis en évidence l’emprise de longue durée des entreprises coloniales sur la société néerlandaise et rouvert les plaies coloniales difficilement cicatrisées après les guerres d’indépendance en Asie du Sud-Est postérieures à la Seconde Guerre mondiale3.
Impérialisme minuscule : les malaises de l’histoire des colonisations belges
3En Belgique le débat sur la colonisation s’est polarisé autour de deux grandes figures : le roi-souverain de l’État Indépendant du Congo, Léopold II et le Premier ministre congolais Patrice Lumumba. Fin des années 1990, deux publications secouèrent le public belge. L’enquête du sociologue Ludo De Witte sur l’assassinat de Lumumba conclut à l’implication des autorités belges dans l’assassinat du premier Premier ministre du Congo4. Le journaliste-historien américain Adam Hochschild jeta un coup de projecteur sur les « fantômes du roi Léopold » et les atrocités du régime de l’État Indépendant du Congo5 attribués à la politique du souverain, comparé à Hitler et Staline6. Popularisée à travers le film White King, Red Rubber, Black Death de Peter Bate, la polémique enfla mêlant critique du travail des historiens professionnels, de l’accès opaque aux archives et du jugement moral de l’entreprise léopoldienne à l’aune des violences et à travers la grille des exterminations totalitaires du 20e siècle7.
4Si l’entreprise coloniale léopoldienne avait dès ses premières années fait l’objet de critiques virulentes sur le caractère brutal des incursions européennes en Afrique8, la reprise « à contrecœur » par la Belgique en 1908 des territoires de l’État Indépendant du Congo, élargi après la Première Guerre mondiale au mandat de la Société des Nations sur l’ex-protectorat allemand des royaumes du Ruanda et de l’Urundi9 a contribué à jeter une ombre sur les racines du système prédateur. Il s’en est suivi ce que Jean-Luc Vellut analyse comme une occultation du passé de la conquête… Des années 1920 aux années 1950, il s’agissait pour les tenants de la colonisation de substituer la civilisation amenée par un État de droit à l’exploitation provoquée par un État-prédateur.
5Les « événements » de 1959 – 1960 – en réalité des émeutes anticoloniales et des revendications en faveur de l’indépendance du Congo produisirent une sidération parmi les populations belges abreuvées par l’image de colonie « modèle » et de paternalisme « bon-enfant » véhiculée par les représentations collectives des élites10. Patrice Lumumba, leader assassiné, devint le symbole d’une mauvaise conscience coloniale, rapidement ensevelie sous la double chape des menaces de la guerre froide et des tensions communautaires internes de la « Nation » belge dont les représentations coloniales formaient jusqu’alors un ciment idéologique partagé11. Les ex-coloniaux s’associèrent pour défendre leurs intérêts, mais ne formèrent pas de réel lobby politique12. Les intérêts économiques firent profil bas après la désastreuse sécession katangaise et la fin des illusions du maintien d’un réduit « blanc » en Afrique australe13. Dans les milieux chrétiens-démocrates, soutenu par l’influence des Églises dans les ex-colonies, la « coopération au développement » remplaça la « mission civilisatrice ». Enfin l’intérêt scientifique et la fascination esthétique pour les productions artistiques africaines dans la culture belge masquèrent la persistance d’une domination culturelle du savoir occidental sur les productions africaines14. Symbole de cet oubli teinté d’amertume, le musée colonial de Tervuren continua après l’Indépendance du Congo à construire une image fantasmée de l’Afrique centrale pour les élèves et leurs familles.
6Or, dans la foulée des « scandales » dans les années 2000, le Musée de Tervuren devint un des lieux de débat notamment autour de l’exposition Mémoires coloniales15 et de la rénovation de l’institution16. Dans ce contexte médiatique, des enquêtes sur l’intégration des minorités ont mis au jour l’invisibilité des afro-descendants dans la société belge du 21e siècle17. Ces mutations successives de la question coloniale, au rythme tumultueux des relations entre l’ancien colonisateur et les nouveaux États africains entretinrent l’idée d’une relation, sinon apaisée, au moins normalisée18.
7L’électrochoc du génocide rwandais provoqua une fissure dans cet oubli colonial. Dans une même dynamique médiatique et politique, de 1997 à 2002, une prise de conscience du rôle du colonisateur belge en Afrique centrale se manifesta par la mise sur pied de commissions parlementaires d’enquête : commission « Rwanda »19 et commission « Lumumba »20. À travers des tensions et des compromis entre enquête et action politique, elles aboutirent à reconnaitre une responsabilité morale de la Belgique, ancienne puissance coloniale ou mandataire, dans l’incapacité de faire cesser le génocide des Tutsis et Hutus modérés dont témoignait le massacre des dix Casques bleus belges en 1994, comme dans l’assassinat du Premier ministre de la République du Congo en 196121.
8Faut-il en déduire que seuls les contextes de crise émotionnelle auraient présidé aux transformations mémorielles du passé colonial ?
Les savoirs « coloniaux » au tamis des décolonisations
9Dans les années 1960, les institutions « africanistes », instituts scientifiques et universités, liées aux acteurs du projet colonial, connurent une déstabilisation brutale. Les recherches scientifiques sur l’entreprise coloniale belge furent traversées par un malaise épistémologique. Ce malaise est perceptible dans de nombreux États colonisateurs et une certaine indifférence des Universités à la fin du 20e siècle pour les études sur l’Outre-mer, remplaçant les études coloniales. Par exemple, l’enseignement du droit d’outremer, devenu progressivement un objet marginal, voir un objet « sale » dans les Universités belges, malgré les continuités doctrinales, jurisprudentielles et institutionnelles entre le droit du colonisateur et le droit des États africains indépendants.
10Dans une interview de Jan Vansina à l’Université de Gand en 2001, les interviewers évoquent trois courants parmi les historiens travaillant sur la Belgique coloniale. Une historiographie apologétique, une historiographie dénonciatrice, et une historiographie « positiviste » refusant le jugement moral sur l’époque coloniale. Si les deux premiers courants sont le fait d’anciens acteurs du projet colonial, les historiens professionnels se situeraient parmi la dernière catégorie.
11Depuis la fin du 20e siècle, les recherches de sciences sociales sur l’Afrique centrale se sont réorientées. Des approches critiques, intégrant les apports de l’histoire post-coloniale, des subaltern studies, de l’histoire connectée et enchevêtrée, mettant en évidence les effets retour des « rencontres inégales » provoquées par les entreprises colonisatrices22. Attentifs à relire les sources existantes, mais aussi à découvrir des sources méconnues, les chercheurs s’efforcèrent de mener une critique rigoureuse d’une documentation, largement issue des pouvoirs colonisateurs23, dans l’optique d’une histoire des colonisations renouvelée. J’en retiendrai deux exemples portant sur le Congo livrant des pistes d’approche à la fois divergentes et complémentaires. D’une part, le travail fondamental entrepris par Jean-Luc Vellut sur Simon Kimbangu et le « kimbanguisme » s’attaque par la reconstruction des sources à saisir le métissage culturel produit par les interactions entre colonisateurs et colonisés dans le champ religieux, en mettant au centre de l’étude le prédicateur africain24. À l’apparent opposé, la démarche de David van Reybrouck s’essaie dans son « Congo. Une histoire », à une approche différente en tentant de rendre une parole aux anciens colonisés, au-delà d’un océan d’archives traduisant la vision des pouvoirs coloniaux et des grands hommes25. Bien qu’elles diffèrent par le chemin emprunté : érudition critique ou literary non fiction, ces deux œuvres visent toute deux à rendre justice à la complexité d’un phénomène, en l’occurrence l’agglomération entre les valeurs des colonisateurs et celles des colonisés.
12Dans ce contexte de déprise du colonialisme et de critique postcoloniale et décoloniale, les deux entreprises remettent au premier plan les fondements de la démarche historienne. Les fractures entre les courants historiographiques évoqués plus haut n’empêchèrent pas un renouveau qui touche à la fois la contextualisation, le questionnaire et les sources.
13En ce qui concerne l’entreprise léopoldienne, le débat a été élargi aux méthodes de l’exploitation capitaliste d’une Afrique centrale, considérée alors comme terre vierge, ouverte aux appétits occidentaux. Dans ce débat, détracteurs, défenseurs ou observateurs critiques de l’entreprise léopoldiste, mobilisèrent les sources disponibles des acteurs privés ou publics, parmi lesquelles les archives résiduelles des pouvoirs colonisateurs, sources produites dès l’époque même de la naissance de l’État Indépendant du Congo. En ce qui concerne la fin de la période coloniale, la contextualisation s’est élargie aux effets des guerres mondiales et aux tensions géostratégiques de l’après-guerre, mais aussi aux contradictions sociales et culturelles des projets impériaux et des États-nations26.
14C’est dans cet enchâssement de contextes et de grilles de lecture colonial, postcolonial et décolonial27, que parmi les questions revisitées s’impose celle de la gouvernance à la période coloniale.
Gouvernances coloniales : violence, justice et État
15Comment se construisit concrètement l’administration européenne des territoires africains colonisés et quelles furent les attitudes des groupes composant la Belgique envers la gestion de sa colonie ? La question n’est pas neuve. Dans une approche nuancée des rapports entre la structure administrative de l’EIC et celle du Congo devenu belge, Jean-Luc Vellut notait « Avec le temps en effet, le contenant en forme d’État déteignit progressivement sur le contenu, et de véritables bribes d’État prirent forme, en particulier dans l’armée et le département de la Justice »28. Cette formulation met bien en évidence la complexité du « sentier de dépendance » entre les structures de pouvoir élaborées depuis 1885 et les pratiques de gouvernance d’un Congo, devenu belge. La synthèse proposée par Guy Vanthemsche dans le cadre d’une histoire de Belgique rendait sa place au Congo, en particulier dans la gouvernance politique et économique élargie29. Outre, les aspects sociaux et culturels, l’ouvrage laissait cependant de côté l’administration coloniale, en invitant à revisiter celle-ci à l’aune d’une histoire administrative renouvelée. Une histoire attentive à croiser les visions idéologiques, le profil des administrateurs, les pratiques concrètes du quotidien et les interactions avec les « administrés ». Une histoire nourrie par des réflexions conceptuelles autour du pouvoir, de l’État ou de la gouvernementalité.
16Se pencher sur les gens de justice enrichit le débat d’une triple problématique. En premier lieu, une des questions majeures posée par Jean-Luc Vellut est la continuité entre les structures de gouvernance de l’EIC et de la colonie belge. Nombre de magistrats conscients des scandales et des travaux de la commission d’enquête de 1904-1905 restent en fonctions après 1908. Quel impact cette crise a-t-elle sur leur vision de l’entreprise coloniale ?
17Ensuite, il y aurait-il une spécificité de la position des magistrats dans l’appareil colonial par rapport aux gens de justice d’autres États colonisateurs ? Comment la tradition internationaliste des juristes belges, défenseurs du « droit » contre la « force » s’exerce-t-elle dans la configuration particulière de la gouvernance coloniale, entre justice ordinaire, justice militaire et administration coloniale ?
18Enfin, derrière la fiction des « juges éclairés » face aux militaires et aux sociétés d’exploitation se joue la question de la légitimité de l’usage de la force. Qui en dernier recours exerce le monopole de la violence légitime, face aux exactions des compagnies et des colons, comme aux révoltes des indigènes ? Dans une société où le pouvoir « militaire » n’est pas nécessairement soumis au « civil » comme en métropole, comment se construit la légitimité de l’État colonial belge ?
19Pour répondre à ces questions, il importait de revisiter les sources produites notamment par les administrations elles-mêmes30. Longtemps d’une accessibilité compliquée, les archives de l’administration coloniale belge s’ouvrent désormais à la recherche31. Ce retard à l’ouverture aurait pu expliquer le petit nombre de recherches de terrain menées sur l’activité de l’administration coloniale au quotidien. En réalité, le renouveau des recherches sur l’histoire coloniale belge est attesté depuis la fin des années 1990. Comme l’indique le rapport de la commission d’enquête concernant l’assassinat de Lumumba, l’opacité des archives a eu un effet plus dommageable sur la faible diffusion de ces travaux dans les débats publics. Il s’ensuit un décalage entre les recherches scientifiques menées, parfois laborieusement, dans l’ombre des bibliothèques, des dépôts d’archives ou des entretiens d’acteurs et leur visibilité médiatique, puis leur intégration progressive dans les représentations collectives de la société belge.
20De nouvelles perspectives en sciences sociales contribuent à revisiter les discours publiés ou les archives comme reflet et outil du projet colonial. Les unes, dans une filiation foucaldienne, s’intéressent aux savoirs, moins pour leur contenu que comme outils d’un projet de gouvernementalité, marqué par une volonté de domination des esprits et des corps. Accéder aux « écritures du quotidien » des administrations coloniales permet de reconstruire la sociohistoire des conceptions, tentatives, échecs et illusions des acteurs coloniaux. De plus, dans une approche d’histoire connectée et enchevêtrée, l’étude des discours normatifs, des pratiques et des comportements « coloniaux » n’est plus l’histoire d’un projet de domination à sens unique. Pour une part, le conteneur « colonial » cache des intérêts divergents de groupes sociaux distincts : grands entrepreneurs agricoles ou industriels, petits colons ruraux, commerçants urbains, missionnaires, fonctionnaires. D’autre part ces discours produisent des effets « de retour », tantôt explicites, tantôt inassumés des expériences coloniales sur les métropoles colonisatrices. Enfin, une histoire s’ouvrant aux comportements et aux émotions met au jour les contradictions, les ambigüités, manifestées dans les anxiétés intellectuelles, psychiques et physiques des acteurs coloniaux, perceptibles sous les discours lisses et triomphants de l’idéologie civilisationnelle32. Ces approches historiques renouvelées veulent enfin dépasser le cadre d’une histoire nationale en replaçant l’analyse sur la colonisation belge dans une histoire comparative des colonisations et des empires coloniaux.
Gouvernementalités coloniales : les places ambigües du Droit et de la justice
21Les contributions de ce numéro portent sur une histoire contextuelle du droit et de la justice et de ses acteurs. Il s’agit d’interpréter la production du droit dans des contextes déclinables à plusieurs niveaux d’échelle. Celui des systèmes politico-juridiques du temps, dans ce cas de l’ensemble des acteurs inscrits dans le système « belge », qui se construit aux XIXe et XXe siècles. Celui du contexte socio-politique des démocraties parlementaires colonisatrices, en particulier les nations européennes impliquées dans le « Scramble for Africa » (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Portugal, Espagne, Italie et Belgique). Entre métropole et colonie, il s’agit de cerner le réseau des « figures humaines de l’administration », acteurs officiels du droit et de la justice du domaine colonial (législateurs, professeurs, juges, avocats). Enfin, une approche personnalisée met l’accent sur des individualités particulièrement agissantes dans la production des discours juridiques ou des pratiques de justice. Les expressions individuelles s’expriment cependant dans une culture communicationnelle propre à leur temps. Leurs discours sont à replacer dans les contextes intellectuels des outils de production et de diffusion des savoirs juridiques dans l’Occident (congrès, revues, conférences), permettant aux « textes » d’être reliés à l’activité des hommes.
22Dans la foulée d’un précédent numéro portant sur la prosopographie des magistrats, celui-ci élargit la démarche aux acteurs d’un des piliers du régime colonial, l’administration du droit et de la justice. Au-delà d’une vision dépassée de l’histoire institutionnelle et juridique du droit colonial, limité aux principes et aux textes applicables, l’intérêt pour les acteurs conduit à réapprécier du rôle du droit, de la justice et du maintien de l’ordre dans les territoires soumis à la colonisation européenne. Dans la foulée du renouveau des études coloniales33, les travaux sur les idéologies des systèmes de pensée juridique coloniaux se sont multipliés, tout comme ceux sur les pratiques des juridictions coloniales. L’historiographie insistait sur les aspects économiques, politiques et culturels de la colonisation, la place du droit, comme armature intellectuelle et comme institution sociale pour les colonisateurs européens était restée marginale. Elle bénéficie du regain d’intérêt d’une approche multidisciplinaire sur le droit, sous l’angle de son élaboration conceptuelle et de ses pratiques sociales d’ordre public, de justice, ou de répression34.
23Dans un premier temps, les rapports inégaux entre le droit du colonisateur et les pratiques régulatrices des colonisés ont attiré l’attention sur le fonctionnement du droit comme instrument de domination culturelle : par l’assimilation, la ségrégation ou les hiérarchisations des populations locales35. Ensuite, les usages pratiques de ce droit révélés par les archives judiciaires redessinent la carte des représentations de la justice coloniale contrastées chez les colonisés, les colons européens et les administrateurs coloniaux aux colonies comme en métropole36.
24L’Afrique entre 1830 et 1960 représente un laboratoire particulier de ces tensions entre visions des fonctions du droit colonial dans les projets de différentes nations européennes, de par le caractère concomitant et général du « partage » du continent africain. L’Érythrée ou la Lybie italienne, Le Cameroun, le Tanganyika et le Sud-Ouest africain ou le Congo belge donnent naissance à des empires « minoritaires », face aux colonisateurs de longue date et à grande échelle qu’étaient les Britanniques, les Français et les Portugais37. Pour les Empires multiséculaires et pluri-continentaux, comme l’Empire britannique, français ou portugais, l’intérêt s’est porté sur les relations complexes entre le centre névralgique de la gouvernance coloniale en métropole38. Pour les nations récentes, la Belgique du 19e siècle, l’Italie ou le Reich allemand après l’unification, le projet colonisateur s’est doublé de relations ambigües entre idéologie coloniale et identité nationale. La création d’un droit colonial apparait comme un miroir à deux faces, influant sur la vie des colonisés comme sur la vision d’un droit national39. Dans ces travaux, une importance particulière a été donnée aux grands artisans du droit colonial, et aux fondements de leur pensée colonisatrice, bref à une histoire culturelle et intellectuelle du droit colonial. En contrepoint, le recours aux archives des administrations, police, cours et tribunaux coloniaux, a permis de multiplier des travaux sur les pratiques juridiques et leur impact sur les relations entre les pouvoirs coloniaux locaux, les juges et tribunaux et les populations diverses40.
25Entre idéologies et pratiques du droit, les hommes qui composent ces appareils au quotidien demeurent dans l’ombre de la recherche. La composition sociale, l’étude des carrières et la professionnalisation des personnels chargés de rendre la justice en monde colonial, ainsi que leurs interactions avec le personnel métropolitain, ne sont guère abordées sinon pour l’Italie par Pietro Saraceno et Chiara Giorgi41 et pour la France par Bernard Durand et Martine Favre, Sandra Gérard-Loiseau et Jean-Claude Farcy42. Ce dernier dresse un premier portrait de groupe de cette magistrature impériale, comparée à celle de la métropole. Il met en évidence que
« (…) jusqu’au milieu du XXe siècle, on est porté à avancer l’idée qu’il existe bien une magistrature coloniale autonome, achevant le plus souvent sa carrière dans l’Empire. C’est seulement à partir de la Libération qu’une nouvelle évolution se fait jour : dans le même temps où l’on recrute en grand nombre des magistrats coloniaux, ceux en place vont de plus en plus revenir terminer leur carrière en métropole, témoignant d’un certain rapprochement entre les deux magistratures, même si celle des colonies reste toujours moins considérée » (…)43.
26Quant au destin de ces magistrats durant la période décolonisatrice, elle reste largement à écrire44.
27Les premiers acquis de cette historiographie sur la gouvernementalité coloniale en Afrique : lieux de formation, outils intellectuels et support culturels, profils de groupe, trajectoires de carrière, modes de professionnalisation des acteurs, invite à revisiter la colonisation belge sous l’angle de la formation du droit et de la justice coloniale.
Des magistrats aux acteurs du droit… : un premier paysage de l’administration coloniale belge
28Aborder la magistrature coloniale belge, comme la construction progressive d’une administration inspirée du modèle de la magistrature métropolitaine n’est pas sans ironie. La magistrature belge n’est-elle pas elle-même le produit d’une colonisation des territoires « belges » par les révolutionnaires français et surtout le projet impérial napoléonien45 ? De plus, la reprise de l’État indépendant du Congo par la Belgique en 1908 présente le cas intéressant de la transition d’une colonisation semi-privée, vers celle d’un État, lui-même très marqué par son existence passée sous tutelles étrangères. On comprend mieux donc le leitmotiv de « civilisation juridique » qui anime un courant de cette colonisation.
29Il ne faut pas surévaluer le rôle de cette magistrature « belge » en Afrique. Les magistrats « de carrière » qui constituent le sommet de la hiérarchie des tribunaux coloniaux (72 en 192646, 180 en 1960)47 s’appuient sur un réseau des commissaires de district et des administrateurs territoriaux, dont la formation est plus limitée. La reprise du Congo par la Belgique amène de 1908 à 1930, et surtout à partir des années 1920, une première vague de structuration d’une pyramide judiciaire chargée de gérer les relations et les conflits entre intérêts européens, entre Européens et Africains, enfin, dans une mesure moindre, entre communautés indigènes. L’« invention » du droit coutumier 48et la construction d’un rhizome de « juridictions indigènes » s’efforcent de diffuser le « modèle » wébérien de la justice, clé de voûte de l’édifice étatique49, jusqu’au cœur des territoires, en faisant des administrateurs territoriaux, les contrôleurs, conseillers ou représentants du ministère public auprès des tribunaux coutumiers…
30L’installation de populations européennes dans la colonie développe l’activité des juridictions supérieures dans l’entre-deux-guerres. Dans une deuxième phase des années 1930 aux années 1950 les conflits entre Européens et entre ceux-ci et les Africains se multiplient. Par ailleurs les anxiétés des autorités coloniales face aux contestations indigènes augmentent. On observe alors une montée en puissance des discours des magistrats coloniaux sur le rôle fondamental du droit face aux entreprises colonisatrices et sur le rapprochement entre magistrature coloniale et métropolitaine. Destinées à « unifier » les pratiques de juges isolés sur un territoire gigantesque, mais aussi à structurer un système de régulation des conflits entre populations aux pouvoirs inégaux, ces publications sont également des instruments de formation des jeunes administrateurs et magistrats, voire avocats, dans le cadre de l’enseignement colonial en métropole (Université coloniale, École de droit, Universités). Elles se doublent des nombreuses interventions orales à l’occasion des congés en métropole. Elles sont aussi le moyen pour un groupe d’intellectuels du droit de se distinguer des praticiens de terrain par la recherche et la publication et de « personnaliser » le droit colonial en construction.
31Dans les années 1950, poussée dans le dos par les vents décolonisateurs, le monde du droit colonial s’investira dans deux chantiers : « moderniser » le droit colonial, en l’alignant sur les acquis métropolitains et rechercher une intégration avec la magistrature métropolitaine. En revanche la formation de juristes africains n’est que marginale à ce programme. La désillusion n’en sera que plus grande quand suite aux « événements » de 1959-60, la majorité des magistrats quitteront avec précipitation le Congo pour ne plus y revenir. D’autres cependant assureront une transition à travers les cadres d’une coopération hâtivement mise sur pied par l’ancien colonisateur.
Les contributions du volume
32Les différentes contributions de ce volume s’inscrivent dans ce contexte de renouveau des questions et des recherches sur la place du droit et de la justice dans la politique et la société coloniale. Elles reflètent le dynamisme d’un champ de recherche développé notamment dans les universités, avec le soutien de programmes de recherches menés depuis une dizaine d’années50.
33Au départ d’une relecture des sources traditionnelles, textes normatifs, compilations administratives, publications doctrinales, les auteurs s’intéressent au profil collectif et individuel des hommes qui exercent le droit et rendent la justice au quotidien. Les auteurs se livrent à une première exploration de la mine des dossiers administratifs constitués par l’administration coloniale ou métropolitaine, particulièrement les dossiers individuels des agents de l’administration territoriale et des magistrats de carrière.
34Derrière les figures tutélaires, c’est le profil collectif des agents du droit qui est mis en évidence dans un faisceau de contributions. Les magistrats de carrière, qui forment la couche supérieure de cours et tribunaux de la Colonie. Ils sont particulièrement saisis à travers les portraits de ceux qui concrétisent et symbolisent le Droit et la Justice coloniale : ainsi en est-il des carrières exceptionnelles d’Antoine Sohier, ou de Fernand Dellicourt, à la fois magistrats, constructeurs et analystes du droit colonial. Sont-ils représentatifs de la majorité de leurs confrères ? Un échantillon plus large de ces magistrats de carrière est saisi à travers l’étude consacrée par Amandine Dumont, Françoise Muller et Xavier Rousseaux au groupe de magistrats ayant effectué une carrière mixte, c’est-à-dire coloniale et métropolitaine, permet de nuancer le jugement.
35Sur le terrain de la justice de district, à partir du cas de Stanleyville, Bérengère Piret nous révèle le quotidien des agents de l’ordre exécutif (agents territoriaux et commissaires de district) chargés de tâches administratives au niveau des territoires. En descendant sur le terrain des audiences et dans la pratique des dossiers, on y voit la place importante des officiers du ministère public, docteurs en droit, et le rôle plus ambigu des administrateurs-juges. S’y observe également la présence aux audiences des avocats, mandataires ou agents d’affaire, qui pose la question de l’organisation de la défense devant les juridictions coloniales. Le débat sur les formes à donner aux barreaux coloniaux durant l’entre-deux-guerres fait l’objet de l’intervention de Jérôme de Brouwer et Maxime Jottrand. Enfin d’autres acteurs du droit et de la justice sont saisis à travers les dossiers de procès du tribunal de district : greffiers et interprètes locaux, médecins et graphologues… On notera au passage la faible représentation des femmes, encore anonymes, parmi les acteurs juridiques et judiciaires : trois avocates51, quelques infirmières, missionnaires ou femmes de colons, appelées à témoigner dans les affaires familiales…
36Enfin, l’administration de la justice s’exprime dans les mesures de contraintes. Le renouvèlement des études consacrées à l’esclavage et au travail forcé en contexte colonial a aussi apporté des éléments pour mieux comprendre la place du travail, à la fois outil de mise en valeur et outil de civilisation. Si les pratiques pénales et celles du travail contraint ne sont guère abordées dans ce volume, un aspect, celui de la relégation est abordé par Valentine Dewulf. Pratique à la fois judiciaire et politique, la relégation ou l’assignation à résidence vise à contrôler les élites coloniales dans leurs rapports au colonisateur, mais aussi à lutter contre les contestations du régime colonial, notamment sous forme de mouvements religieux syncrétiques. Ces pratiques mettent en évidence les contradictions du droit colonial et les conflits d’intérêts entre administrateurs, missionnaires, colons et magistrats coloniaux… Pratiquée dans d’autres régimes de gouvernementalité, la contrainte administrative sur les corps rappelle également qu’en régime colonial, marqué par l’inégalité des individus, une partie du droit échappe aux magistrats.
37Le deuxième axe de l’enquête porte sur les outils intellectuels et les stratégies de construction du droit colonial. À l’heure où se développe la publication et se structurent les échanges savants dans les sociétés occidentales, le projet colonial s’appuie largement sur une dynamique des lieux de savoirs, des publications et des réseaux de diffusion, transnationaux et transcoloniaux. Plusieurs contributions mettent évidence le rôle fondamental joué par les Écoles coloniales et dans une moindre mesure, les Universités métropolitaines (Gand, Liège, Bruxelles et Louvain), tant pour la formation individuelle des magistrats ou des agents territoriaux que pour la sociabilité colonisatrice.
38Vecteurs principaux de la communication entre magistrats, agents ou avocats, dispersés dans la colonie et lien ombilical avec les milieux professionnels en métropole, les revues périodiques constituent un champ essentiel d’action du droit colonial. C’est par ce canal que le « droit coutumier » rêvé par les juristes se diffuse à travers les enquêtes menées par les agents dans leurs territoires sur les justices indigènes (Alix Sacré). Parmi les grandes figures qui écrivent et diffusent le droit, celle de Sohier et de l’école « liégeoise » se manifeste dans une activité d’écriture, notamment sous forme de publications juridiques, comme le met en évidence la contribution de Romain Landmeters. C’est également par les revues et publications périodiques que les mondes du droit colonial, puis d’Outremer, tentent de s’inscrire dans la sociabilité de leurs confrères métropolitains (Sebastiaan Vandenbogaerde). Outre un mimétisme formel entre la présentation de l’information juridique (Droit, jurisprudence, doctrine…) avec les supports élaborés au 19e siècle, les revues mettent en évidence les spécificités d’une justice de proximité, largement en prise avec l’appareil administratif de la colonie. Une pratique intellectuelle comme l’enquête sur les coutumes indigènes s’inscrit dans la volonté de développer le lien entre pratique administrative et construction du droit et met en évidence les tensions entre juges de proximité et intellectuels du droit (juristes) ou entre administrateurs soucieux de pragmatisme et juristes soucieux de cohérence intellectuelle.
39Une dernière remarque nous ramène au contexte. On pourra certes souligner le caractère européo-centré de l’objet d’analyse comme le profil des auteurs de ce numéro. Notre contribution à ce débat n’est pas celle d’Africains, mais de chercheurs européens issus des Universités belges, dans un rapport identitaire ambigu avec la colonisation de l’Afrique centrale. Néanmoins, le souci des éditeurs de ce numéro est, au-delà du soupçon d’enracinement dans la société qui a conduit les entreprises colonisatrices, de revisiter les « artefacts » produits par cette société, dans une perspective post-postcoloniale de critique des archives de la domination52. Ces contributions se pensent comme un approfondissement des discours critiques post-coloniaux sur la persistance du rapport inégal entre colonisateurs et colonisés et les visions « décoloniales » de la colonisation. Loin de justifier, de nier ou d’hypertrophier l’entreprise coloniale, il s’agit par le travail de recherche d’assumer la responsabilité d’éclairer le passé, à partir d’une analyse de sa propre société, de contribuer à une vision plus complexe et plus contrastée de « la part de l’autre » dans les constructions du passé commun et de son futur53.
Notes
1 Cette publication a été rédigée dans le cadre du projet de recherche F.R.S.-FNRS — PDR — T.1026.14 Réseaux sociaux des Magistrats belgafricains. Belgian Magistrates Social Networks, piloté par Aurore François et Xavier Rousseaux (UCLouvain), Nathalie Tousignant (Université Saint-Louis – Bruxelles). Je remercie Nathalie Tousignant pour ses commentaires sur une première ébauche de cette introduction et les éditrices de ce numéro pour leur relecture attentive.
2 Voir R. Bertrand, Mémoires d’empire. La controverse autour du « fait colonial », Bellecombe-en-Beauges, Éd. du Croquant, 2006 et J.-F. Bayard, Pour en finir avec l’histoire postcoloniale ? dans, Le Débat, vol. 2, n0154, 2009, p. 119-140.
3 P. Brandon et U. Bosma, De betekenis van de Atlantische slavernij voor de Nederlandse economie in de tweede helft van de achttiende eeuw, dans The Low Countries. Tijdschrift voor sociaal-economische geschiedenis, vol. 16, n02, 2019, p. 5-45. Au point de bannir l’expression de siècle d’or (Gouden Eeuw) pour caractériser la civilisation des Provinces-Unies du 17e siècle.
4 L. De Witte, Crisis in Kongo: de rol van de Verenigde Naties, de regering-Eyskens en het Koningshuis in de omverwerping van Lumumba en de opkomst van Mobutu, Leuven, Van Halewyck. 1996 ; Id., De moord van Lumumba, trad. fr. L’assassinat de Lumumba, Karthala, 2000. ; The assassination of Lumumba, Londres/New York, Verso, 2001.
5 A. Hochschild, King Leopold’s Ghost: A Story of Greed, Terror, and Heroism in Colonial Africa, Boston, Houghton Mifflin Company, 1998. Parmi ces assertions Hochschild popularise l’estimation de « dix millions de morts ». Chiffres depuis largement déconstruits, recontextualisés dans une étude rétrospective sur les connaissances de la population congolaise par J.-P. Sanderson, Démographie coloniale congolaise. Entre spéculation, idéologie et reconstruction historique, Presses Universitaires de Louvain, 2019.
6 Détail révélateur, les trois sous-titres des « fantômes du roi Léopold » dans les langues des colonisateurs évoquent des représentations différentes de la violence de la conquête : cupidité, terreur et héroïsme en anglais, « un holocauste oublié » en français et « le pillage du Congo » en néerlandais. A. Hochschild, King Leopold’s Ghost: A Story of Greed, Terror, and Heroism… devenu en français : Les fantômes du roi Léopold. Un holocauste oublié et en néerlandais De geest van koning Leopold II en de plundering van de Congo. S. De Mul, The Holocaust as a Paradigm for the Congo Atrocities: Adam Hochschild's "King Leopold’s Ghost", dans Criticism, vol. 53, n04, 2011, p. 587–606.
7 Noter à ce propos le débat stimulant, mais resté marginal, jusque dans sa présentation sur Internet, entre Jan Vansina et Jean-Luc Vellut. K. Arnaut et H. Vanhee, History Facing the Present: An Interview with Jan Vansina, dans Inventaire des archives de Jan Vansina (HA.01.0331), Tervuren, AfricaMuseum, 2018, p. 7-16.
8 S. Press, Rogue Empires. Contracts and Conmen in Europe’s Scramble for Africa, Boston, Harvard University Press, 2017.
9 H. Strizek, Geschenkte Kolonien. Ruanda und Burundi unter deutscher Herrschaft, Berlin, Ch. Links Verlag, 2006.; M. Pesek, Das Ende eines Kolonialreiches. Ostafrika im Ersten Weltkrieg, Frankfurt am Main, Campus Verlag, 2010.
10 M. G. Stanard, Selling the Congo: a history of European pro-empire propaganda and the making of Belgian imperialism, Lincoln, University of Nebraska press, 2011.
11 Bien que reposant sur des sensibilités différant selon les milieux sociaux, les sensibilités idéologiques et les communautés culturelles. M. G. Stanard, The Leopard, the Lion, and the Cock Colonial Memories and Monuments in Belgium, Leuven, Leuven University Press, 2019.
12 Dès la reprise par la Belgique, Les coloniaux se sont organisés en amicales entre autres pour défendre leurs intérêts économiques (retraite, réinsertion professionnelle, statut d’ancien combattant). En 1960, ces associations serviront de relais pour les rapatriés pour organiser les démarches administratives. En soi, ces amicales ne semblent pas voir constituer un « parti colonial ». Voir R. Juste, L’Association des vétérans coloniaux à travers son bulletin (1929-1967) : entre identité, mémoire et revendications, Louvain-la-Neuve, 2015, (UClouvain, mémoire de maitrise en histoire inédit, sous la direction de Patricia Van Schuylenbergh et Anne Roekens).
13 F. Ribeiro de Meneses, R. McNamara, The White Redoubt, the Great Powers and the Struggle for Southern Africa, 1960–1980, Cambridge, Cambridge UP, 2018.
14 V. Viaene, D. Van Reybrouck, B. Ceuppens (ed.), Congo in België: koloniale cultuur in de metropool, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2009.; D. L. Silverman, Diasporas of Art: History, the Tervuren Royal Museum for Central Africa, and the Politics of Memory in Belgium, 1885–2014, dans Journal of Modern History, vol. 87, p. 615–667.
15 La mémoire du Congo. Le Temps colonial, Tervuren/Gand, MRAC/Snoeck, 2005.
16 A. Roger, D’une mémoire coloniale à une mémoire du colonial. La reconversion chaotique du Musée Royal de l’Afrique Centrale, ancien musée du Congo Belge, dans Cadernos de Estudos Africanos, n09/10, 2006, p. 43-75. ; J. -P. Chrétien, Le passé colonial : le devoir d’histoire, dans Politique africaine, vol. 98, no. 2, 2005, p. 141-148.
17 S. Demart, B. Schoumacher, M. Godin, I. Adam (ed.), Des citoyens aux racines africaines : un portrait des Belgo-Congolais, Belgo-Rwandais et Belgo-Burundais, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2017.
18 I. Goddeeris, Postcolonial Belgium: The Memory of the Congo, dans International Journal of Postcolonial Studies, 17-3, 2015, p. 434–451.
19 Sénat de Belgique, Commission d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda, Rapport fait au nom de la commission d’enquête par MM Mahoux et Verhofstadt, 6 décembre 1997. J.-C. Willame, Les Belges au Rwanda. Le parcours de la honte. Commission Rwanda : quels enseignements ?, Bruxelles, Complexe, 1997. ; F. Grünfeld, A. Huijboom, The Failure to Prevent Genocide in Rwanda: The Role of Bystanders, La Haye, Martinus Nijhoff, Brill, 2007.
20 Sur la commission d’enquête, voir notamment P. Raxhon, Le débat Lumumba. Histoire d’une expertise, Bruxelles, Éditions Labor 2002, G. de Villers, Histoire, justice et politique. À propos de la commission d’enquête sur l’assassinat de Patrice Lumumba, instituée par la Chambre belge des représentants : Cahiers d’études africaines, n0173-174, 2004, p. 193-220 et B. Bevernage, History by Parliamentary Vote : Science, Ethics and Politics in the Lumumba Commission, dans History Compass, n0 9/4, 2011, p. 300-311. Sur l’enquête historique menée à cette occasion : L. De Vos, E. Gerard, P. Raxhon, J. Gerard-Libois, Lumumba. De Complotten ? De Moord, Leuven, Davidsfonds, 2004.; E. Gerard, B. Kuklick, Death in the Congo: Murdering Patrice Lumumba, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2015.
21 Sur le rôle des historiens dans ces enquêtes parlementaires, voir J. de Brouwer, P.-O. de Broux, F. Muller et X. Rousseaux, Historiens et commissions d’enquête publiques en Belgique. Table ronde. Commissions d’enquête, dans Cahiers de la Fonderie, n051, décembre 2015, p. 54-63.
22 R. Bertrand, L’Histoire à parts égales. Récits d’une rencontre, Orient-Occident (XVIe-XVIIe siècle), Paris, Seuil, 2011.
23 A. L. Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton, Princeton University Press, 2009.
24 J.-L. Vellut, éd., Simon Kimbangu 1921 : de la prédication à la déportation. Les sources, t.1 : Fonds missionnaires protestants, t. 2 : Fonds missionnaires catholiques, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer, 2005, 2010, 2017.
25 D. Van Reybrouck, Congo. Une histoire, Arles, Actes Sud, 2012. Même si comme le note Hubert Roland dans sa critique de la démarche et du rôle du témoignage, certains passages privilégient les grands hommes et le narrateur omniscient… Voir H. Roland, Statut du témoignage et « non-fiction littéraire » dans le Congo. Une histoire de David Van Reybrouck dans G. Berger, I. Meuret, C. Nannicini-Streitberger et H. Roland (ed.), L’écriture du témoignage : récits, postures, engagements, Bruxelles, Peter Lang, 2020, p. 133-154.
26 Le lecteur trouvera de nombreuses références aux recherches récentes dans les notes des articles de ce numéro. Voir en particulier P. Van Schuylenbergh et al. (ed.), L’Afrique belge aux XIXe et XXe siècles. Nouvelles recherches et perspectives en histoire coloniale, Bruxelles, Peter Lang, 2014.
27 La démarche décoloniale part du principe que la domination coloniale sous-tend toujours aujourd’hui le rapport de l’Occident au reste du monde, y compris dans les rapports sociaux internes.
28 J.-L. Vellut, Congo. Ambitions et désenchantements 1880-1960. Carrefours du passé au centre de l’Afrique, textes réunis par A. Cornet, P. Van Schuylenbergh et G. Vanthemsche, Paris, Karthala, 2017.
29 G. Vanthemsche, La Belgique et le Congo. Empreintes d’une colonie. 1885-1960, Bruxelles, Complexe, 2007.
30 P.-L. Plasman, Léopold II Potentat congolais. L’action royale face à la violence coloniale, Bruxelles, Racine, 2017 s’efforce de replacer l’action du roi-souverain dans le cadre de la structure de l’État « indépendant ».
31 P.-A. Tallier et S. Bompuku Eyenga-Cornelis, Guide des sources de l’histoire coloniale belge (Congo et mandats sur le Rwanda et le Burundi), 19e – 20e siècle, Bruxelles, Archives générales du Royaume, à paraitre.
32 C’est la démarche adoptée par N. R. Hunt, A Nervous State. Violence, Remedies and Rêverie in Colonial Congo, Durham/Londres, Duke University Press, 2016.
33 F. Renucci (éd.), Les chantiers de l’histoire du droit colonial, dans Clio@Themis, n° 4, 2011, p. 1-6.
34 L. Benton, Law and Colonial Cultures. Legal Regimes in World History, 1400–1900, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.; D. Kirkby, C. Coleborne (ed.) Law, History, Colonialism. The Reach of Empire, Manchester, 2001.
35 D. Gorman, Imperial Citizenship: Empire and the Question of Belonging, Manchester, 2006.; L. Nuzzo, A Dark Side of the Western Legal Modernity: The Colonial Law and Its Subject, dans Zeitschrift für Neuere Rechtsgeschichte, 33, 2011, p. 205–222.; S. F. Joireman, Inherited Legal Systems and Effective Rule of Law. Africa and the Colonial Legacy, dans Journal of Modern African Studies 39, 2001, p. 571–596.
36 N. Rouland, Les colonisations juridiques, dans Journal of Legal Pluralism, n0 29, 1990, p. 39-136. ; R. Voigt, P. Sack (ed.), Kolonialisierung des Rechts. Regarding the colonial legal and administrative system, Baden-Baden, 2008.
37 C. Young, The African Colonial State in Comparative Perspective, Yale, 1994.; J. Leonhard, U. von Hirschhausen (ed.), Comparing Empires. Encounters and Transfers in the Long Nineteenth Century, Göttingen, 2011.
38 Pour l’Empire britannique : C. Abhinav, An Independent Colonial Judiciary: A History of the Bombay High Court during the British Raj, 1862–1947, Oxford, Oxford University Press, 2015.; E. R. Feingold, Colonial Justice and Decolonization in the High Court of Tanzania, 1920–1971, Cham, Palgrave Macmillan, 2018; J. McLaren, Dewigged, Bothered, and Bewildered: British Colonial Judges on Trial, 1800–1900, University of Toronto Press 2011; D. Shaunnagh, I. Hunter, Law and Politics in British Colonial Thought: Transpositions of Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010.; B. Ibahwoh, Imperial Justice. Africans in Empire’s Court, Oxford, Oxford University Press, 2013.; D. Shaunnagh, J. McLaren (ed.), Legal Histories of the British Empire: Laws, Engagements and Legacies, Routledge, 2014. Pour l’Empire français : E. Wenzel, E. de Mari (ed.), Adapter le droit et rendre la justice aux colonies. Thémis outre-mer (XVIe-XIXe siècle), Dijon, Editions universitaires de Dijon, 2015. ; Pour l’empire portugais : C. Nogueira Da Silva, Constitucionalismo e Império. A cidadania no Ultramar português, Coimbra, Almedina, 2009.
39 M. Grohmann, Exotische Verfassung. Die Kompetenzen des Reichstags für die deutschen Kolonien in Gesetzgebung und Staatsrechtswissenschaft des Kaiserreichs (1884–1914), Tübingen, 2001; L. Martone, Il Consiglio di Stato e l'Africa italiana: la VI Sezione dal febbraio 1939 al maggio 1948, dans Il Consiglio di Stato: 180 anni di storia, Bologna 2011, p. 269-289.
40 Voir par exemple les thèses de B. Brunet-Laruche, « Crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au Dahomey de 1894 à 1945, Toulouse, 2013 (Université de Toulouse 2, thèse de doctorat en histoire contemporaine, inédite) ou de B. Piret, La justice coloniale en procès. Organisation et pratique judiciaire, le tribunal de district de Stanleyville (1935-1955), Bruxelles, 2016 (Université Saint-Louis - Bruxelles, thèse de doctorat en histoire, inédite).
41 C. Giorgi, Magistrati d’Oltremare, dans Studi storici, 4/2010, p. 855-900. P. Saraceno, La magistratura coloniale italiana 1886-1942, dans Magistrats au temps des colonies, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 1988, p. 147-162.
42 B. Durand, M. Favre (ed.), Les juges et l’Outre-mer : les roches bleues de l’Empire colonial, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2004 ; J.-Cl. Farcy, « Quelques données statistiques sur la magistrature coloniale française (1837-1987) », dans Clio@Thémis, n04, 2011, p. 1-29. S. Gérard-Loiseau, Le portrait du magistrat français au travers des archives, dans N. Auzary-Schmaltz (ed.). La justice française et le droit pendant le protectorat en Tunisie, Paris, Maisonneuve & Larose/Tunis, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, 2007, p. 139-152. Voir le site https://www.histoiredroitcolonies.fr/OrgJudicParcours, présentant un portrait de groupe fondé sur les carrières individuelles de 54 magistrats de carrière français.
43 J.-Cl. Farcy, Quelques données, p. 29.
44 Pour la Belgique, notons le travail préliminaire d’un des acteurs : J. Brassinne de la Buissière, Congo. L’épopée des équipes administratives de 1964 à 1967, s.l., 2009. Congo. L’épopée des équipes administratives de 1964 à 1967 https://www.congoforum.be/fr/2017/06/1964-1967-epopee-des-equipes-administratives/ cconsulté le 30 janvier 2020).
45 J. Logie, Les magistrats des cours et des tribunaux en Belgique, 1794-1814 : essai d’approche politique et sociale, Genève, Droz, 1998 ; F. Muller, E. Ngongo, X. Rousseaux (ed.), Un corps de l’État à l’heure des Big Data. Prosopographie et histoire judiciaire : les magistrats belges et coloniaux 1795-1962, dans Cahiers du CRHIDI [en ligne], n037, 2017.
46 L’indépendance Belge, 29 septembre 1926, p. 2.
47 A. Dumont, Une formation professionnelle pour les magistrats du Congo belge ? Entre théorie et pratique du droit colonial (1908-1960), dans Revue d’histoire des Facultés de Droit, à paraître.
48 E. Hobsbawm, T. Ranger, The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1983.
49 X. Rousseaux, R. Lévy (ed.), Le pénal dans tous ses États. Justice, États et sociétés en Europe, (XIIe-XXe siècle), Bruxelles, 1997.
50 On peut citer le PAI 6/22 Justices & populations (2012-2017), en particulier le volet sur la justice et l’administration coloniales mené à l’Université Saint-Louis – Bruxelles sous la direction de Nathalie Tousignant ainsi que le projet La colonisation européenne en revue(s) COLOREV, mené entre l’Université de Lille-2 et l’USL-B (D. Gilles, F. Renucci, N. Tousignant). Et surtout les projets FNRS-FRFC Belgafrima (+), Belgafrima+ (2008, 2010-2014) et le PRD FSR-FNRS Belgian Magistrates Social Networks (1885-1962) (2014-2018) (UCLouvain/USL-B) (X. Rousseaux, A. François et N. Tousignant), dont le présent numéro rend compte des résultats. S’y ajoutent des recherches indépendantes financées par le FNRS ou le FWO.
51 Le chiffre proviendrait d’une conférence de Maurice Rolland, avocat général à la cour d’appel de Paris de retour d’une visite au Congo belge. M. Rolland, L’organisation de la justice au Congo Belge, dans Revue internationale de droit comparé, n05-1, 1953, p. 97-112. Magistrat résistant, il a notamment séjourné à Dakar et à Madagascar où il a été chargé de réformer la justice, après les émeutes en 1948 ; J. -P. Jean, Le rôle de Maurice Rolland (1904-1988) et de l’inspection des services judiciaires à la Libération, dans Histoire de la justice, 2008/1, n018, p. 133-148.
52 X. Rousseaux, Vers une histoire post-postcoloniale de la justice et du droit en situation coloniale ? dans B. Piret, C. Braillon, L. Montel et P. -L. Plasman (ed.), Droit et justice en Afrique coloniale. Traditions, productions et réformes, Bruxelles, Université Saint-Louis - Bruxelles, 2013, p. 9-26.
53 Le fait de centrer l’analyse sur une société (européenne) ne veut pas dire que la mise en perspective est centrée sur celle-ci. J. Belich, Replenishing the Earth. The Settler Revolution and the Rise of the Anglo-World, 1783-1939, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 10.
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About: Xavier Rousseaux
Xavier Rousseaux est directeur de recherches au Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS), et professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Centre d’histoire du droit et de la justice. Spécialiste de l’histoire de la justice et du crime, il a publié: Tweehonderd Jaar Justitie. Historische Encyclopedie van de Belgische Justitie. Deux siècles de justice belge. Encyclopédie historique de la justice belge, éd. M. De Koster, D. Heirbaut et X. Rousseaux, Bruges, La Charte-Die Keure, 2015.; Modernisation of the Criminal Justice Chain and the Judicial System. New Insights on Trust, Cooperation and Human Capital, éd. A. Hondeghem, X. Rousseaux et F. Schoenaers, Springer, 2016.; Policing New Risks in Modern Europe History, éd. J. Campion et X. Rousseaux, Basingstoke, Palgrave-Mac Millan, 2016.; Youth and Justice in Western States, 1815-1950. From Punishment to Welfare, éd. J. Trépanier et X. Rousseaux, Palgrave Macmillan, 2018.; M. Georges, E. Bousmar, V. Paumen Vanessa, S. Huyghebaert et X. Rousseaux (ed.), The Art of Law, Artistic Representations and Iconography of Law & Justice in Context, from the Middle Ages to the First World War, Berlin, Springer, 2018.