Fédéralisme Régionalisme

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Nathalie Kermoal

Le nationalisme métis des années 1970 au Canada : un tournant politique majeur pour une plus grande reconnaissance

(Volume 13 : 2013 — La vague nationale des années 1960-1970. Regards croisés sur le Canada et l'Europe)
Article
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Résumé

En 1969, le gouvernement Trudeau publie son Livre blanc sur la politique indienne. Cet épisode marque le début d’un mouvement de mobilisation autochtone important qui s’organise autour du livre d’Harold Cardinal, The Unjust Society. Cet ouvrage a cependant éclipsé un autre discours nationaliste autochtone montant, celui des Métis, donnant la fausse impression qu’ils partageaient les mêmes préoccupations que les Premières nations. Le but de notre article est avant tout de mettre au jour le discours nationaliste métis de la fin des années 1960 et du début des années 1970 puisqu’il a été supplanté par le discours des Premières nations, mais aussi de démontrer en quoi il se distingue de ce dernier et où il se situe face à la question nationale canadienne.


1Si 1969 marque l’occupation pacifique de l’île d’Alcatraz par un groupe d’activistes amérindiens aux États-Unis, elle est aussi l’année de la publication du Livre blanc du gouvernement Trudeau. Le projet de loi fédéral proposait de changer fondamentalement les bases de la relation entre l’État canadien et les peuples autochtones. En mettant de l’avant les thèmes de la société juste et de l’égalité des chances, le gouvernement fédéral prévoyait de se défaire de ses responsabilités envers les autochtones en éliminant les réserves, en invalidant les traités, en abolissant la Loi sur les Indiens, en supprimant le ministère des Affaires indiennes et par la même occasion en reléguant aux gouvernements provinciaux la prestation des services aux Indiens. L’opposition au Livre blanc marque le début d’un mouvement de protestation et de mobilisation autochtone important, jamais égalé auparavant au Canada, et un tournant politique majeur dans l’histoire du Canada.

2Inspirée par les luttes de décolonisation, du Red Power Movement et du American Indian Movement états-unien, la renaissance revendicatrice des autochtones du Canada s’organise autour du livre d’Harold Cardinal, The Unjust Society. Ce livre, écrit en réponse à l’idée de société juste de Pierre Elliott Trudeau, condamne ouvertement la politique autochtone de l’époque, notamment la volonté d’assimiler les autochtones dans la société canadienne pour en faire des citoyens canadiens comme les autres. Les autochtones voient dans le Livre blanc le renforcement de la politique d’assimilation mise en place par le gouvernement fédéral depuis le XIXe siècle. Dans son ouvrage, Cardinal peint un tableau très peu reluisant de la société canadienne. Il y déconstruit peu à peu l’idée de société juste de Trudeau tout en forgeant l’espoir de voir s’opérer un rapprochement entre les peuples1. Mais Cardinal décrit avant tout la réalité des Premières nations : de celles qui ont signé des traités avec le gouvernement fédéral et qui tombent sous la Loi sur les Indiens2. Involontairement, The Unjust Society a éclipsé un autre discours nationaliste autochtone montant, celui de la nation métisse, qui depuis 1885 était restée silencieuse sur la scène nationale, donnant la fausse impression que les Métis partageaient les mêmes préoccupations que les Premières nations.

3La nation métisse d'Amérique du Nord est née de la rencontre entre les mondes amérindiens et européens entre le XVIIe et le XIXe siècle. Ce nouveau peuple – très conscients du rôle central qu’il exerce dans le développement du Canada à travers la traite des fourrures3 – devient une force politique incontournable au cours du XIXe siècle dans l’Ouest canadien. La relation que les Métis ont avec l’État canadien est différente de celle des Premières nations, l’une des raisons principales étant qu'ils n'ont jamais signé de traités avec la Couronne. On peut donc se demander ce que le discours fédéraliste «trudeauiste» de la fin des années 1960 et du début des années 1970 pouvait représenter pour les Métis, car ils ne relevaient ni des traités, ni de la Loi sur les Indiens et ils étaient exclusivement une responsabilité provinciale. En principe, si l’on se fie à la logique du Livre blanc, les Métis auraient dû facilement s’intégrer à la société canadienne car aucun statut spécial ne venait entraver leur assimilation.

4Le but de notre article est avant tout de mettre au jour le discours nationaliste métis de la fin des années 1960 et du début des années 1970 puisqu’il a été supplanté par le discours des Premières nations, mais aussi de démontrer en quoi il se distingue de ce dernier et où il se situe face à la question nationale. De surcroît, nous déterminerons si cette vague nationaliste marque une renaissance, une continuité ou une rupture avec le discours nationaliste métis du XIXe siècle. Il est à noter que les historiens ont écrit longuement sur les évènements qui ont marqué l’histoire des Métis en 1869-1870 et en 1885 ; toutefois, les recherches sur le discours nationaliste métis des années 1960 et 1970 sont pour ainsi dire inexistantes. En relatant ce pan important de l’histoire canadienne, notre texte permet, à travers cette étude préliminaire, de combler un vide. Dans une première section, j’exposerai le contexte politique de l’époque afin de mieux situer le discours autochtone face à l’idée de société juste de Trudeau. Cette mise en contexte nous permettra dans une deuxième section d’aborder les grandes lignes du nationalisme métis des XIXe et XXe siècles afin de comprendre pourquoi les Métis décident de s’investir sur la scène nationale canadienne dans les années 1970. La dernière partie du texte traitera du discours nationaliste des Métis des années 1970 – en s’appuyant sur les écrits de leur porte-parole Harry Daniels, protagoniste charismatique qui donnera la réplique au gouvernement fédéral – autour de deux concepts : celui des deux peuples fondateurs et celui de la mise en place d’une politique de multiculturalisme au Canada.

1. Les raisons de la mobilisation autochtone

5Avec la publication du Livre blanc, la politique amérindienne de la fin des années 1960 et du début des années 1970 prend des allures assimilationnistes alarmantes qui poussent les autochtones à se mobiliser4. Alors que les Premières nations aspiraient à une plus grande autonomie collective, on leur propose d’être des Canadiens comme les autres, et au demeurant de s’assimiler au modèle national pancanadien d’individus porteurs de droits5.

6Les Premières nations voyaient dans le Livre blanc le prolongement des politiques d’assimilation mises en place de 1867 à 1946. Outre le fait que leur vie était encadrée par les écoles résidentielles, les lois interdisant certaines pratiques culturelles et la mise en place de la Loi sur les Indiens en 1876, les Indiens n’avaient pas le droit de se rassembler politiquement. D’ailleurs, la critique de ces mesures assimilatrices était quasi-inexistante6. «Sortir l’Indien de l’Indien» était perçu comme la seule et unique façon de transformer ces non-citoyens en Canadiens7. Il faut attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour qu’une révision des politiques autochtones soit prise en considération par le gouvernement fédéral prenant peu à peu conscience que sa politique d’assimilation avait échoué, puisque la population des réserves au lieu de diminuer s’accroissait. La Loi sur les Indiens est révisée en 1951 et en 1960, le gouvernement canadien accordant le droit de vote aux Indiens avec statut8.

7À l'arrivée de Trudeau au pouvoir en 1968, les coûts faramineux du ministère des Affaires indiennes imposaient une réforme9. Croyant à une participation accrue des citoyens dans l'élaboration des politiques publiques, le gouvernement fédéral mena un processus de consultation auprès des Premières nations, qui ne produisit pas les résultats escomptés puisque les voix consultées seront ultimement ignorées10. La publication du Livre blanc en 1969 ne représentait en rien les opinions autochtones sur les traités, la Loi sur les Indiens ou même sur l’éducation. Au cœur du document, une reformulation complète de la politique indienne prévoyait de démanteler le ministère des Affaires indiennes et de renvoyer la responsabilité des Indiens aux provinces11. Le gouvernement fédéral ne voyait pas l’utilité de discuter des traités ni de sa responsabilité fiduciaire envers les autochtones, partant du principe que ces obligations n’avaient plus d'importance aussi longtemps que l'égalité – ou l'accès à l'égalité des chances – était au cœur de la nouvelle société juste12. Trudeau croyait que le statut spécial des Premières Nations perpétuait des attitudes racistes dans la société canadienne. Selon Karmis et Gagnon, c’est dans la politique amérindienne fédérale de l’époque que la version extrême des idéaux de Trudeau se retrouve. On y voit ses «convictions individualistes et [sa] crainte que l’existence d'un statut spécial ne serve les nationalistes québécois…»13.

8Les Premières nations, quant à elles, déclarent haut et fort que les droits à l'autonomie gouvernementale et la reconnaissance des traités sont leurs préoccupations majeures. Elles soulignent notamment l’importance de reconnaître leur contribution à la société canadienne mais aussi d’accroître leur pouvoir politique et économique au sein de leurs collectivités et ce, à travers tout le Canada14.

9La levée de boucliers contre le Livre blanc en 1969 coïncide avec une prise de conscience politique grandissante de la part des autochtones, qui s’intéressent également à ce qui se passe dans le reste du monde. Les luttes de décolonisation et anti-impérialistes des années 1950 et 1960 influencent leur questionnement et les poussent à décrier la colonisation interne. Ce renouveau identitaire s’inspire aussi du mouvement noir américain, qui a lui-même influencé le Red power movement des États-Unis15. Tout au long des années 1970, les autochtones canadiens s’investissent sur la scène internationale et, pour la première fois, ils tissent des liens de solidarité avec les Maoris de Nouvelle-Zélande, les Aborigènes d'Australie, les Samis de Scandinavie, les Inuits du Groenland, les Miskitos du Nicaragua et les Premières nations des États-Unis16. Selon le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, «le Conseil mondial de peuples indigènes, − [fondé en 1975] − première organisation internationale de peuples autochtones, doit énormément à la vision de chefs autochtones canadiens tels que George Manuel»17. En outre, au moment où Trudeau est appelé à former un gouvernement en 1968, le Québec est au centre de l’attention notamment avec le Front de libération du Québec, deux partis indépendantistes, et un René Lévesque qui tente de regrouper les forces démocratiques pour l’indépendance18.

10En remettant en question l’agenda politique fédéral de l’époque, les autochtones poussent l'État à reconfigurer ses critères d'inclusion civique et politique de manière plus large et plus démocratique19. À travers leur militantisme et leurs revendications, ils rappellent aux Canadiens qu’ils ne sont pas des citoyens comme tout le monde et qu’ils désirent garder leur caractère distinctif. Le «we are not you» de la fin des années 1960 et du début des années 1970 ouvre un nouveau chapitre de l’histoire des relations politiques entre les peuples autochtones et l'État canadien20. Mais où se situe le discours métis au sein de cette effervescence politique ? En quoi consiste sa relation avec le gouvernement fédéral et comment s’est exprimé son nationalisme dans cette vague nationale canadienne des années 1960-1970 ? Pour pouvoir répondre à ces questions, un retour dans l’histoire est nécessaire.

2. Les expressions nationalistes métisses des XIXe et XXe siècles

11Historiquement, les Métis ont été marginalisés et dépossédés tout au long des XIXe et XXe siècles. Dans l’Ouest canadien, ils se sont battus pour empêcher l’empiètement de leurs terres par l’arrivée massive d’immigrants et pour rentrer adéquatement dans la Confédération. Des années 1870 au renouveau nationaliste des années 1960-1970, les Métis «ont vu leur noyau politique pulvérisé, leurs communautés fragmentées, déplacées et dispersées»21. L’État canadien leur impose alors de choisir entre être «indien» ou «blanc» alors qu’ils se percevaient, eux-mêmes, comme un peuple distinct depuis le XVIIIe siècle et une nation depuis 1816. C'est à cette date que le drapeau métis de la nouvelle nation est hissé. Cette notion de nouvelle nation est associée à la bataille de la Grenouillère à la Rivière-Rouge au Manitoba22. Cet évènement marque le réveil collectif des aspirations des Métis23. Cette expression de leur nationalisme se poursuivra pendant toute la première partie du XIXe siècle, remettant ainsi constamment en question le monopole commercial sur les fourrures de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) dans la région, notamment en 1849 avec l’affaire Sayer24. Toutefois, les soulèvements les plus connus dans l’histoire du Canada ont eu lieu en 1870 à la Rivière Rouge (aujourd’hui le Manitoba) et en 1885 à Batoche en Saskatchewan. Dans les deux cas, ces évènements impliquaient majoritairement des Métis et Louis Riel était leur chef.

12Les habitants de la Rivière Rouge, principalement des Métis, n’ayant pas été consultés lors de la cession de la Terre de Rupert par la CBH au Dominion du Canada en 1869, décident de s’organiser politiquement en formant un gouvernement provisoire et en rédigeant une liste des droits25 qui devait servir de base aux négociations avec le gouvernement canadien. Ce gouvernement provisoire, formé le 8 décembre 1869, a pour but d’administrer la vie des colons de la Rivière-Rouge et de protéger leurs biens. Bien que difficiles, les pourparlers avec le Dominion permirent tout de même d’en arriver à un compromis. Les demandes des habitants de la Rivière-Rouge furent, pour la plupart, entérinées dans la Loi de 1870 sur le Manitoba. On accordait au Manitoba un gouvernement responsable, le statut de province, des institutions bilingues et des écoles confessionnelles. En outre, les Métis devaient recevoir 1,4 millions d’acres de terre (567 000 hectares).

13Cependant, l’exécution de Thomas Scott, un orangiste ontarien26, va jeter une ombre au parcours sans faille de Louis Riel. Sous la pression des orangistes de l’Ontario, le gouvernement de John A. Macdonald décide d’envoyer un corps expéditionnaire militaire pour écraser le mouvement de protestations des Métis et venger la mort de Scott. Il met aussi en place une politique qui aura pour effet de ne jamais reconnaitre les droits collectifs des Métis27.

14La situation des Métis va s’aggraver au début des années 1880. Dans diverses localités, notamment à Batoche en Saskatchewan, conscients des changements en cours, les Métis tentent de nouveau de faire entendre auprès du gouvernement fédéral leurs inquiétudes au sujet de leurs terres, mais en vain. Riel, exilé depuis quelques années au Montana et occupé à défendre les droits des Métis sur le territoire américain, vient prêter main forte aux Métis de Batoche et arrive à les persuader de former un gouvernement provisoire. Le gouvernement fédéral répond à ce qu’il perçoit comme un affront, en envoyant un corps expéditionnaire dans le Nord-Ouest en 1885. Cette tentative ultime, de la part des Métis, de protéger leur terre se solde par un échec. Après sa reddition et un procès retentissant et controversé, Riel est pendu pour trahison à Régina le 16 novembre 1885 en Saskatchewan.

15Au cours du XIXe siècle, les Métis expriment leur nationalisme en réponse à des structures coloniales de plus en plus envahissantes, par souci de protéger leurs droits de chasse, leurs droits de faire du commerce et leurs terres de l’expansionnisme canadien. Au début, la CBH n'a pas d'autre choix que de reconnaître leurs pratiques coutumières liées à la terre (les lots riverains longs et étroits) ainsi que leurs pratiques de commerce (le libre-échange) car les autochtones sont majoritaires et les Métis constituent une importante main d’œuvre pour les activités reliées à la traite des fourrures. Avec l’arrivée massive de nouveaux immigrants avides de terre, l’équilibre se renverse.

16Dans l'ensemble, les épisodes nationalistes des Métis du XIXe siècle sont perçus par les spécialistes comme des événements isolés représentant une expression locale de sentiments de colère. En réalité, ils s’inscrivent dans un mouvement global de protestation contre l’impérialisme britannique (et par extension canadien). En outre, toutes ces expressions nationalistes ont un fil conducteur : l'affirmation des droits concernant la terre et le territoire.

17Malgré la paupérisation et la fragmentation de la population de la nation métisse après 1885, la lutte pour la reconnaissance des droits continue au XXe siècle. La mort de Louis Riel a certes affaibli leurs revendications, mais les Métis n’oublient pas pourquoi ils se sont battus. Voués au silence suite aux évènements de 1885, ils conservent tout de même l’idée de recréer la nation métisse de l’Ouest canadien ancrée dans leur imaginaire. La crise des années 1930 va cependant engendrer un regain nationaliste, qui pousse certains militants comme Jim Brady, Malcom Norris et Peter Tomkins à sensibiliser les gouvernements provinciaux de l’Ouest, notamment les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan, de parer à une nouvelle dépossession en mettant des terres de côté pour les Métis28. Ils partent du principe que les Métis ont des droits inhérents à la terre, aux ressources, à l’éducation et à la santé. Influencé par le marxisme, ils dénoncent l’influence pernicieuse du colonialisme pour les Métis. Il est cependant important de souligner que le mouvement nationaliste métis des années 1930 est avant tout local et provincial et qu’il faudra attendre les années 1970 pour voir les Métis s’organiser sur la scène fédérale.

3. Le discours nationaliste métis des années 1960 et 1970

18Selon l’auteur John Weinstein, le nationalisme québécois des années 1960 aurait poussé les Métis à s’organiser sur la scène nationale.29 Nullement opposés aux revendications québécoises, les Métis sont poussés à réinvestir l’espace politique canadien par le discours axé sur la notion des deux peuples fondateurs. Bien que Weinstein n’élabore pas sa pensée et qu’il n’existe pas d’études pour déterminer l’ampleur de l’influence du nationalisme québécois sur le discours nationaliste métis, on peut cependant affirmer que l’importance des changements politiques invoqués par Trudeau – poussé par un antinationalisme viscéral et des principes libéraux tablant sur les droits individuels – pour court-circuiter les demandes québécoises en mettant en place une politique de bilinguisme officiel assortie à une politique du multiculturalisme, «ce qui supposait une dissociation radicale entre langue et culture rabattant ainsi la culture québécoise sur la diversité ethnique canadienne»30. Ces changements ont forcé les Métis à rappeler tant aux fédéralistes qu’aux nationalistes québécois que leurs revendications remontaient aux années 1870 (donc au début de la Confédération canadienne) et que, de ce fait, ils devaient avoir une place au sein du débat sur l’unité nationale.

19S’étant éclipsés de la politique nationale après la défaite de 1885 à Batoche et la pendaison de Louis Riel, les Métis partageaient à la fin des années 1960 et au début des années 1970 un manque de reconnaissance politique au fédéral avec les Indiens non inscrits31. Malgré les différences, les deux groupes décident d'unir leurs forces en 1970 et forment le Conseil national des autochtones du Canada (CNAC), dans la mesure où «les deux groupes avaient perdu leur identité et leurs terres en raison des politiques fédérales. Tous deux étaient considérés comme comptant des citoyens comme les autres tombant sous la responsabilité provinciale, contrairement aux Indiens inscrits et aux Inuits (pour lesquels le gouvernement fédéral avait exercé sa responsabilité constitutionnelle»32). Le CNAC était composé d'organisations provinciales et territoriales, habituellement appelées conseils autochtones ou associations de Métis et d'Indiens non inscrits. En se donnant une voix nationale, les organisations métisses de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, ainsi que les Indiens non inscrits, pouvaient exercer des pressions sur le gouvernement du Canada pour qu’ils soient inclus dans les programmes de prestations qui étaient disponibles à d'autres peuples autochtones. Le CNAC a aussi appuyé les revendications territoriales, ainsi que certaines préoccupations constitutionnelles des Métis. Quoique le gouvernement fédéral continue d'affirmer que les droits des Métis ont été éteints par la Loi sur le Manitoba (1870) et la Loi des terres fédérales (1879), il accepte cependant de financer la recherche sur les revendications territoriales. Ainsi, sous le régime Trudeau, les Métis et les Indiens non inscrits sont reconnus comme des minorités autochtones désavantagées, plutôt que comme des collectivités ayant des droits spéciaux33. C’est autour de la reconnaissance des droits spéciaux que les Métis décident de se battre. Sous bien des aspects, leur discours s’aligne, à l’époque, sur ceux d’autres groupes, comme les Québécois et les Premières nations. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, ils font appel à un porte-parole charismatique capable de donner la réplique au gouvernement fédéral. L’arrivée d’Harry Daniels sur la scène politique dans les années 1970 insuffle une énergie nouvelle au nationalisme métis.

20Harry Daniels est né le 16 septembre 1940 à Regina Beach en Saskatchewan. Il a grandi à une époque où l’on qualifiait les Métis de «half-breed». Après quelques années dans la marine, il travaille pour La compagnie des jeunes canadiens, un organisme bénévole créé en 1966 par le gouvernement fédéral. Il est ensuite embauché par l'Association des Métis de l'Alberta pour coordonner des travailleurs, favoriser l'organisation communautaire et diffuser de l'information. Pour son travail, il voyage à travers la province, souvent dans des régions reculées du Nord. D’ailleurs, la plupart des gens voyaient en lui un mobilisateur. En 1976, Daniels est élu président du Conseil national des autochtones du Canada. Il quitte le CNAC en 1981 mais est réélu entre 1997 et 2000 au Congrès des peuples autochtones (le CNAC change de nom en 1983)34.

21Daniels a été marqué par les écrits anti-coloniaux du penseur métis radical Howard Adams. Né en 1921 et originaire de la Saskatchewan, Adams a été l'un des penseurs métis les plus importants des années 1960. Influencé par l’idéologie auto-déterministe de l'American Indian Movement, il a développé la théorie de la colonisation des peuples autochtones dans un contexte canadien. Il fut le premier Métis à obtenir un doctorat en 1966, qu’il soutient à l’Université Berkeley aux États-Unis. Influencé par Malcom X – qu’il écoutera à plusieurs reprises à Berkeley – ainsi que par le marxisme et le nationalisme métis, Adams sera très critique de la politique coloniale canadienne35.

22Armé d’une rhétorique axée sur la décolonisation, sur l’anti-impérialisme et sur la reconnaissance politique, Daniels influence le discours nationaliste métis en mettant l’accent sur deux thèmes majeurs : le concept des deux peuples fondateurs et le multiculturalisme, contestant ainsi le discours dominant.

3.1. Les Métis face au concept des deux peuples fondateurs

23Les Métis ont mené leur campagne pour une plus grande reconnaissance en s’attaquant au concept des deux peuples fondateurs. La rhétorique autour de l’unité nationale centrée sur le Québec et le Canada anglais ainsi que sur l’idée des deux peuples fondateurs est, selon Daniels, élitiste, ethnocentrique, colonialiste et raciste car elle exclut les autochtones. En outre, elle ne reconnaît pas la contribution historique de la nation métisse dans l’unification du pays. Dans le Globe & Mail du 18 Août 1978, il déclare que «l'identité canadienne est indissociable de son identité autochtone. Le patrimoine autochtone doit être pris en compte dans l'unité nationale et dans les débats sur la réforme constitutionnelle actuellement en cours»36. Selon lui, il ne peut y avoir de culture canadienne ni d'unité nationale sans la reconnaissance par les Canadiens du patrimoine autochtone37. Il rappelle aux politiciens canadiens et québécois de l’époque que «la réponse des Métis aux menaces de dislocation économique et culturelle avec la formation de gouvernements provisoires en 1870 et en 1885 était autant une affirmation des droits nationaux que l'élection du Parti québécois au Québec»38. Il voit dans la Loi sur le Manitoba de 1870 «la pierre angulaire de la Confédération et la confirmation du rôle des Métis en tant que nation fondatrice, toutefois cette loi s'est avérée être une garantie vide» dans la mesure où les Métis ont été privés de leurs terres (même si des promesses ont été faites) et que les droits linguistiques ont été bafoués39. Les Métis ont pris le meilleur des deux mondes pour construire la nation métisse, dans la mesure où ils ne se tournent ni vers l’Europe ni vers d’autres parties du monde pour définir leur identité : «Nous sommes simplement des autochtones canadiens. Les gouvernements n'ont pas jugé bon de reconnaître l'identité canadienne et la culture qui est enracinée dans cette terre. Le fait Métis, pas le fait français ou anglais, représente le véritable fondement de la culture et de l'identité canadiennes»40. Étant donné que les Métis forment une nation fondatrice, selon Daniels, ils devraient être des partenaires à part entière dans la Confédération et être autorisés à participer au processus politique. Du reste, en 1978, il lançait le défi aux leaders anglophones et francophones de se rencontrer en conférence pour en discuter. Il souligne le fait que les Métis ont unifié le Canada (grâce à Louis Riel) et ont influencé de manière irréversible le cours de l'histoire41. Devant le groupe de travail sur l’unité canadienne, il déclare que les Métis sont les seuls au Canada «à avoir une histoire d’indépendance politique nationale avant de se joindre à la Confédération»42. La naissance de la province du Manitoba est considérée comme une réalisation métisse puisque ce sont les Métis qui ont posé les conditions d'entrée d'une colonie autochtone dans la Confédération. Pour eux, le gouvernement provisoire de Louis Riel demeure une source de fierté dans la mesure où ils représentent la seule «minorité historique nationale ayant droit à un statut spécial dans la Confédération». Ils déclarent de surcroît avoir, comme groupe, le droit de «rester séparé et distinct à la fois du Canada anglais et du Canada français et de se développer comme un peuple maître de son propre destin»43. Toutefois, la perte de leurs droits au XIXe siècle a fait des Métis des citoyens ordinaires sans reconnaissance distincte44.

24En 1980, alors que Trudeau pense déjà à rapatrier la constitution canadienne45, Daniels, comme Louis Riel avant lui, met une fois de plus le Canada au défi. Il demande au gouvernement «de nous [les Métis] accepter en tant que partenaires dans la Confédération. Nous sommes un peuple fier de notre passé et nous avons espoir dans l'avenir. Nous refusons de rester le peuple oublié. Nous sommes la nouvelle nation»46. Daniels perçoit les possibles amendements constitutionnels comme un instrument qui permettra de réaffirmer les droits des autochtones. De surcroît, le Canada pourra enfin s'acquitter de ses obligations historiques et respecter ses engagements envers les autochtones, incluant les Métis : «les amendements constitutionnels proposés offrent la possibilité de spécifier un statut spécial des peuples autochtones dans le cadre d'une fédération renouvelée d'une manière qui renforce leur contribution potentielle au développement futur du Canada en tant que nation»47. L’idée de société juste au Canada ne peut passer que par la reconnaissance des droits des Métis et des Indiens sans statut. D’après Daniels :

Les amendements constitutionnels offrent la possibilité de restaurer à la fois l'intention première de l'Acte de l’Amérique du Nord Britannique (AANB) dans son application aux peuples autochtones, et d'élaborer son objectif en prenant en compte les réalités actuelles du Canada. S'il y a un engagement quelconque de la part du Canada envers l'égalité et la liberté, dans une société qui valorise à la fois l'unicité et l'interdépendance, alors les droits des Métis et des Indiens non reconnus doivent être acceptés sur un pied d'égalité avec les droits de tous les Canadiens. Si les peuples autochtones ne gagnent pas leur place au soleil, quel autre Canadien le pourra48.

25Au-delà de la question des deux peuples fondateurs, les Métis s’attaquent aussi à la politique multiculturaliste de Trudeau. Pour eux, elle vient entraver leurs aspirations pour une plus grande reconnaissance.

3.2. Les Métis face à la politique multiculturelle du gouvernement Trudeau

26De par leurs origines, les Métis croient qu’ils incarnent le multiculturalisme et Louis Riel est perçu comme le père du multiculturalisme49 ; toutefois, ils estiment que la politique multiculturelle du gouvernement fédéral les relègue à un simple statut ethnique. Selon Daniels, «le gouvernement continue de nous nourrir le mythe des deux peuples fondateurs en y mélangeant des œufs de Pâques ukrainiens, des raisins italiens, ou de la banique (pain) métisse pour un peu de saveur supplémentaire»50. Pour lui, le financement de base pour avoir accès à des programmes (culturels ou sociaux) a été fourni aux Métis de la même manière que le financement remis aux organismes ethniques à travers le Programme du multiculturalisme51. Cette approche est problématique, selon Daniels, car les Métis ne se perçoivent pas comme un groupe ethnique – au même titre que les Chinois ou les Libanais qui viennent s’installer au Canada – mais bien comme une minorité nationale historique : «En accordant aux Métis et aux Indiens non inscrits les mêmes droits que tous les autres Canadiens c’est dire qu'ils ne sont pas un groupe spécial et qu’ils devraient faire face au monde comme le reste du monde»52. Pour l’auteur, le gouvernement fédéral part du principe que les Métis doivent commencer «au bas de l’échelle, comme des immigrants débarquant d’un bateau pour ensuite gravir les échelons»53. Il dénonce la manière dont le gouvernement tente de réaliser l’intégration de son peuple et déclare : «nous devons traiter avec les ministères, comme celui du multiculturalisme qui se borne à nous offrir à acheter de l'espace publicitaire dans les journaux ethniques. La culture ne peut être conservée dans un bocal…»54. Ceci en dépit du fait que les Métis sont convaincus d’être une nation fondatrice qui, en tant que telle, devrait avoir une relation spéciale avec le gouvernement fédéral : «Pour autant que les Métis représentent une nation historique, ils ont le droit de déterminer s’ils veulent rester dans la Confédération ou en sortir». Selon Daniels, les groupes ethniques n’ont pas un tel droit55. En outre, les Métis ont des droits collectifs au-delà des droits individuels que Trudeau prônait dans sa réforme constitutionnelle. D’ailleurs, afin de pouvoir protéger ces droits, Daniels demandera à ce qu’une charte des droits pour les peuples autochtones – séparée de la charte des droits et libertés – soit garantie56.

27Comme la plupart des autres groupes autochtones, les Métis sont mal à l'aise avec le processus de rapatriement de la Constitution. En effet, le premier ministre Trudeau pense à l’époque rapatrier et modifier la constitution canadienne sans l’approbation des provinces, ce qui lui vaut de vives critiques. Les autochtones aussi s’opposent au rapatriement unilatéral de la constitution, craignant qu’une éventuelle modification constitutionnelle n’engendre pas la reconnaissance de leurs droits. Daniels est convaincu que «sans un partenariat formel avec les peuples autochtones dans le processus de rapatriement, l'ensemble de la question des droits des Autochtones pourrait être oubliée»57. Fin politicien, Daniels indique à Trudeau que les Métis seraient les premiers à soutenir les changements de la Constitution du Canada, mais seulement si ces changements leur profitent et s’ils sont impliqués dans la réécriture d'une nouvelle constitution58. Peu après l’annonce du rapatriement unilatéral de la Constitution, le CNAC écrit au Premier ministre en réaffirmant son soutien en faveur du rapatriement (même unilatéral), mais insiste pour que les peuples autochtones soient impliqués dans la formule d'amendement constitutionnel59. Jusqu'à présent, les Premières nations, les Inuits et les Métis n'ont qu’un statut d'observateur aux conférences des premiers ministres en 1978-1979 et en 1980. Très conscient que le gouvernement Trudeau n'a pas l'intention d'inclure les Métis et qu’ils seront laissés pour compte, Daniels met de la pression sur Jean Chrétien, alors ministre de la Justice, pour que le mot « autochtone » dans l’article 35 (2) de la constitution canadienne distingue non seulement les Inuits et les Premières nations comme peuples autochtones, mais aussi les Métis60. Pression qui s’avèrera efficace.

Conclusion

28En 1982, un an après la démission de Daniels à la tête du CNAC, l’article 35 (2) est une victoire sans précédent pour les Métis. Très conscients de la nécessité de continuer la lutte, peu après le rapatriement de la constitution, les Métis décident de fonder leur propre organisation politique en 1983 : le Ralliement national des Métis (RNM). Ils s’éloignent ainsi d’une approche pan-autochtone comme celle du CNAC. Le RNM, appuyé par les Métis de l'Ouest (qu'il considère comme les seules personnes habilitées à être appelées Métis), doit se battre en cour pour être invité à la table de négociation constitutionnelle des premiers ministres (1983-1987). Alors que d’un côté le gouvernement fédéral accepte d’inclure les Métis dans l’article 35, de l’autre, sous l’impulsion de Jean Chrétien, leurs revendications territoriales sont systématiquement rejetées. Le gouvernement soutient que les Métis ont éteint leur titre aborigène sur leurs terres en acceptant les «scrips». Dans les faits et selon les Métis, à l’exception de quelques établissements métis dans le nord de l’Alberta, ils restent un peuple sans terre.

29Comme nous l’avons démontré, les Métis développent une certaine fraternité avec les Premières nations comme par exemple autour de la question du rapatriement unilatéral de la constitution canadienne ; cependant, ils ne perçoivent pas leur place dans la Confédération de la même manière que les Premières nations, dans la mesure où ils n’ont jamais signé de traités avec le gouvernement fédéral. En outre, ils se perçoivent comme une nation fondatrice au même titre que la nation québécoise puisqu’ils ont donné naissance à la province du Manitoba. Par la bouche d’Harry Daniels, ils se font entendre sur la scène politique nationale, ils en influencent même les évènements. Bien qu’ils soient solidaires du mouvement pan-amérindien de l’époque, on perçoit déjà la volonté de se distinguer du discours des Premières nations pour faire valoir leurs propres aspirations politiques, ainsi que leurs propres valeurs car, sans cela, ils sont conscients qu’ils seraient facilement oubliés. Dès les années 1970, ils tentent de travailler à la reconstruction de la nation métisse. N’ayant ni traité, ni Loi sur les Indiens, ni terres sur lesquelles s’appuyer, ils insistent sur les principaux jalons de leur histoire – notamment sur les luttes menées par Riel et sur l’entrée dans la Confédération de la province du Manitoba – pour mettre de l’avant leur caractère distinct. Bien qu’ils rejettent le discours des deux peuples fondateurs, ils ne s’opposent pas pour autant au nationalisme québécois de l’époque. Ils partent simplement du principe qu’ils sont eux-aussi un peuple fondateur : une minorité nationale historique. Quand à la politique de multiculturalisme, elle est perçue négativement comme une façon de régler le problème autochtone. En redynamisant leur discours, sous l’influence des luttes coloniales et anti-impérialistes, les années 1960-1970 représentent la fin d’une longue éclipse politique pour les Métis et le début d’un renouveau nationaliste qui ouvre la porte à une plus grande reconnaissance politique sur la scène fédérale.

Notes

1 Cf. Cardinal (H.), The Unjust Society : The Tragedy of Canada’s Indians, Vancouver, Douglas & McIntyre, 1969.
2 La Loi sur les Indiens est adoptée en 1876 et sera amendée à plusieurs reprises. Elle touche à tous les aspects de la vie des Premières nations ayant le statut d’Indien, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels.
3 Dans la traite des fourrures, les Métis étaient interprètes, messagers, commerçants et fournisseurs.
4 Il est important de souligner que le Livre blanc de 1969 se situe en rupture avec le rapport Hawthorn/Tremblay déposé en 1966. La principale recommandation du rapport était de favoriser la notion de «citoyens avantagés» (citizens plus) c’est-à-dire «de permettre aux autochtones non seulement de bénéficier des avantages de la citoyenneté canadienne, mais aussi de leur reconnaître des droits supplémentaires en leur qualité de membres privilégiés de la collectivité canadienne». Kermoal (N.), «Harold Cardinal, précurseur d’un discours national» in Boily (F.) et Ipperciel (D.), D’une nation à l'autre : discours nationaux au Canada, Québec, Les presses de l’Université Laval, 2011, p. 187.
5 Lavoie (M.), «Politique sur commande : les effets des commissions d’enquête sur la philosophie publique et la politique indienne, 1828-1996», Recherches Amérindiennes au Québec, vol. XXXVII, n° 1, 2007, p. 5-24.
6 Ibid., p. 6.
7 Kermoal (N.), op. cit., p. 183-208.
8 Le terme «Indien» décrit collectivement toutes les personnes indigènes du Canada qui ne sont pas des Inuits ni des Métis. Les Indiens sont l'un des trois peuples reconnus comme autochtones dans la Loi constitutionnelle de 1982 (article 35 (2)). Cette dernière précise que les autochtones du Canada comprennent les Indiens, les Inuits et les Métis. Les Indiens inscrits (avec statut) sont les personnes inscrites ou qui ont le droit dêtre inscrites en tant quIndiens conformément aux dispositions de la Loi sur les Indiens. Voir http://www.ontario.ca/fr/autochtones/lexique-de-termes-concernant-les-peuples-autochtones (consulté le 4/11/2013).
9 Turner (D.), This is Not a Peace Pipe : Towards a Critical Indigenous Philosophy, Toronto, University of Toronto Press, 2006, p. 15.
10 Kermoal (N.), op. cit., p. 183-208.
11 Day (R.), Multiculturalism and the History of Canadian Diversity, Toronto, University of Toronto Press, 2001, p. 186.
12 Turner (D.), op. cit., p. 22.
13 Karmis (D.) et Gagnon (A.), «Fédéralisme et identités collectives au Canada et en Belgique : Des itinéraires différents, une fragmentation similaire», Canadian Journal of Political Science/Revue canadienne de science politique, Vol. 29, No. 3, 1996, p. 451.
14 C’est notamment ce que souligne le «Livre rouge» de 1970, réponse émise au gouvernement par les chefs autochtones de l’Alberta dont Harold Cardinal, alors président de l'Indian Association of Alberta.
15 Delanoë (N.), Rostkowsky (J.), Les Indiens dans l’Histoire américaine, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1991 ; Smith (P. Ch.), Warrior (R. A.), Like a Hurricane. The Indian Movement from Alcatraz to Wounded Knee, New York, The New Press, 1996 ; Rostkowski (J.), Le renouveau indien aux États-Unis. Un siècle de reconquêtes, Paris, Albin Michel, 2001.
16 Rapport de la commission sur les peuples autochtones (RCPA), Un passé, un avenir, vol. 1, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services, 1996. http://www.collectionscanada.gc.ca/webarchives/20071212192631/http://www.ainc-inac.gc.ca/ch/rcap/sg/sg18_f.html#59 (consulté le 28/02/2013).
17 Secwepemc (Shuswap) de la Colombie-Britannique, George Manuel joue un rôle très important sur la scène internationale dans les années 1970. Rapport de la commission sur les peuples autochtones (RCPA), Un passé, un avenir, vol. 1.
18 Karmis (D.) et Gagnon (A.), op. cit., p. 450.
19 Papillon (M.), «Fragmentation ou reconfiguration ? La citoyenneté à l’heure de la nouvelle gouvernance autochtone au Québec», in Jenson (J.), Marques-Pereira (B.) et Remacle, Eric, L’état des citoyennetés en Europe et dans les Amériques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007, 231-264.
20 Turner (D.), op. cit., p. 13.
21 Gagnon (D.), «Les impacts potentiels des enquêtes du ministère de la Justice sur l’identité métisse», Recherches amérindiennes au Québec, vol. XXXVI, n° 1, 2006, p. 95.
22 Cet événement est aussi connu sous le nom de Bataille des Sept-Chênes ou Seven Oaks en anglais. Le 19 juin 1816, alors qu’ils transportent une grande quantité de pemmican destinée à l’approvisionnement des convois de la Compagnie du Nord-Ouest, un chef métis Cuthbert Grant et sa troupe de Métis rencontrent le gouverneur de la Rivière-Rouge, Robert Semple et un groupe de colons venus les intercepter. Ces derniers représentent alors les intérêts de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), rivale de la Compagnie du Nord-Ouest. Lors de la rencontre, une fusillade éclate. Elle se termine par la mort de Semple, de vingt colons et d’un Métis.
23 Cf. Dickason (O.), Les premières nations, Sillery, Septentrion, 1996 et Dick (L.), «The Seven Oaks Incident and the Construction of a Historical Tradition, 1816 to 1970», in Cavanaugh (C.) et Mouat (J.), Making Western Canada : Essays on European Colonization and Settlement, Toronto, Garamond Press, 1996, p. 1-30.
24 En 1849, un Métis du nom de Pierre-Guillaume Sayer est accusé par la CBH de traite illégale de fourrures. Sayer est alors traduit en justice à la Rivière-Rouge. Bien que le jury le déclare coupable il n’est pas inculpé. La CBH perd donc le pouvoir de faire valoir son monopole de traite.
25 C’est la quatrième liste des droits qui sera acceptée par le Dominion.
26 L'Association loyale d'Orange du Canada (Loyal Orange Association of Canada) est une société fraternelle protestante affiliée au mouvement orangiste mondial originaire de l'Irlande du Nord. Les orangistes préconisaient une doctrine anticatholique et antifrançaise. Tiré de http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/cnd_antifranco.htm (consulté le 4/11/2013).
27 Imposé par le gouvernement fédéral «dans le but d'éteindre leur titre ancestral», la distribution de coupons individuels de terre ou «scrips» engendre des pratiques frauduleuses de la part de spéculateurs fonciers ayant peu de scrupules à acheter ces titres de propriété à une fraction de leur coût réel. Les retards incessants dans la distribution des terres et dans la confirmation des titres fonciers existants ainsi que l’attribution des meilleures terres aux immigrants engendrent la dispersion des Métis vers le Nord et dans l’Ouest, certains vont même rejoindre des membres de la famille ou des voisins en Saskatchewan et en Alberta. D’autres se dispersent vers le Dakota et le Montana dans l’espoir de pouvoir continuer à vivre de la chasse au bison. En 1885, les Métis ne représentent plus que 7 % de la population au Manitoba. Il est important de souligner que les traités signés par les Premières nations et le gouvernement fédéral, bien qu’ayant été bafoués à maintes reprises dans l’histoire, reconnaissent les droits collectifs des peuples concernés.
28 Cf. Dobbin (M.), The One-and-a-Half Men : The Story of Jim Brady and Malcom Norris, Metis Patriots of the 20th Century, Vancouver, New Star Books, 1981.
29 Weinstein (J.), Quiet revolution West : The Rebirth of Métis Nationalism, Calgary, Fifth House, 2007, p. 29.
30Weidmann-Koop (M.C.), Le Québec à l'aube du nouveau millénaire : entre tradition et modernité, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2008, p. 35.
31 Le terme «Indien non inscrit» s’applique aux personnes qui se considèrent comme Indiens, mais qui ne peuvent pas être inscrites au Registre des Indiens conformément à la Loi sur les Indiens. Il désigne une personne d’origine autochtone qui n’était tout simplement pas inscrite sur les listes de traité ou de bande au moment de l’inscription ou qui a été retirée du Registre en raison des dispositions sur l’émancipation contenues dans la Loi sur les Indiens. Tiré de Gouvernement du Canada, Document de reference : le formulaire d’affirmation d’affiliation autochtone (FAAA), www.psc-cfp.gc.ca/plcy-pltq/eead-eeed/dg-gd/aaa-bg-dr-fra.htm (consulté le 12/10/2012).
32 Weinstein (J.), op. cit., p. 32. «both had suffered a loss of identity and land rights as a result of federal legislation and policy. Both had been considered citizens like any other and a provincial responsibility, unlike status Indians and Inuit, for whom the federal government had exercised its constitutional responsibility». Traduction Nathalie Kermoal.
33 Ibid., p. 32.
34 Daniels joue aussi un rôle important sur la scène internationale, il demande aux Nations Unies de mettre de la pression sur le Canada afin que le gouvernement fédéral respecte ses obligations envers les peuples autochtones du pays. Il a également participé à diverses initiatives de l'ONU et a servi comme directeur du Conseil mondial des peuples indigènes. Quand le pape Jean-Paul II a fait sa visite historique dans les Territoires du Nord-Ouest en 1984, Daniels dans un geste de bienvenue, donne sa veste au pape en cadeau. Il était aussi reconnu pour ses talents d’acteur. Daniels est décédé en septembre 2004 à l’âge de 63 ans. Les éléments biographiques ont été tirés de Daniels (H.), We are the New Nation : The Métis and National Native Policy, Ottawa, Native Council of Canada, 1979 et du site du Congrès des peuples autochtones : http://www.abo-peoples.org/who-is-harry-daniels-3/ (consulté le 03/03/2013).
35 Il serait intéressant de déterminer l’influence d’Howard Adams sur le discours anticolonialiste métis des années 1970 ainsi que sur le discours d’Harry Daniels. Hélas aucune étude de ce genre n’existe à ce jour. En sa qualité de professeur, Adams a encouragé des centaines d’étudiants autochtones à être fiers de leur patrimoine et de leur histoire et il leur a fourni le cadre intellectuel nécessaire pour se décoloniser. Il écrira trois livres importants : Prison of Grass : Canada from a Native Point of View (1975), The Education of Canadians 1800-1867 : The Roots of Separatism (1968), et Tortured People : The Politics of Colonization (1999). Adams meurt en 2001. Éléments de la biographie de Adams tirés du site de l’Institut Gabriel Dumont, The Virtual Museum of Métis History and Culture http://www.metismuseum.ca/browse/index.php?id=700 (consulté le 12/10/2012). Voir aussi le livre de Lutz (H.), Howard Adams : Otapawy! The Life of a Métis Leader in His Own Words and in Those of His Contemporaries, Saskatoon, Gabriel Dumont Institute, 2005.
36 Globe & Mail, «Native Council Leader wants ‘Founding’ Meeting», vendredi 18 août 1978, p. 8. «Canadian identity is inseparable from its native identity and this aboriginal heritage must be taken into account in the national unity and constitutional reform debates presently taking place». Traduction Nathalie Kermoal.
37 Ibid.
38 Daniels (H.), 1979, p. 5. «The Métis response to the threats of economic and cultural dislocation with the formation of provisional governments in 1870 and 1885 was as much an affirmation of national rights as the election of the Parti Québécois in Québec». Traduction Nathalie Kermoal.
39 Weinstein (J.), op. cit., p. 38. Traduction Nathalie Kermoal.
40 Native Council of Canada (with commentary by Harry Daniels), Declaration of Métis and Indian Rights, Ottawa, 1979, p. 7. «We are simply Native Canadians. Governments have not seen fit to recognize a Canadian identity and culture, which is rooted in this land. The Métis fact, not the French or English, represents the true basis of Canadian culture and identity». Traduction Nathalie Kermoal.
41 Daniels (H.), op. cit., 1979, p. 4.
42 Ibid., p. 5.
43 Daniels (H.) Commissaire, Native People and the Constitution of Canada : The Report of the Métis and Non-Status Indian, Ottawa, Mutual Press, 1981, p. 20 et 29. «We are a historical national minority with a right to special status in Confederation. We have the right to remain separate and distinct from both English and French Canada and to develop as a people according to our own destiny». Traduction Nathalie Kermoal.
44 Ils déclarent : «The loss of our rights has meant that we are considered ordinary citizens when voting for representatives to sit in assemblies. But there we have little or no chance to make our views known». Native Council of Canada, 1979, p. 10.
45 Si le Statut de Westminster de 1931 (loi du Royaume-Uni) reconnaissait l'indépendance de tous les dominions de l'Empire britannique dont le Canada, le processus de rapatriement de la Constitution du Canada, effectué sous l’impulsion du premier ministre Pierre Elliott Trudeau au début des années 1980, permettait au pays de modifier lui-même sa Constitution, sans l'accord du Royaume-Uni. Le rapatriement s'est effectué en 1982 par la sanction, par la reine Élisabeth II, de la Loi de 1982 sur le Canada.
46 Native Council of Canada, 1979, p. 20.
47 Daniels (H.), op. cit., 1979, p. 11. «the proposed constitutional amendments offer an opportunity to specify special status of native people within the framework of a renewed Federation in a way which enhances their potential contribution to Canada’s future development as a nation». Traduction Nathalie Kermoal.
48 Ibid., p. 9. «The constitutional amendments offer an opportunity to restore both the original intent of the BNA Act in its application to native people, and to elaborate its purpose in terms of current Canadian realities. If there is any commitment in Canada to equality and freedom, and to a society which values both uniqueness and interdependence, then the rights of Métis people and “unrecognized” Indians must be accepted at least on a par with the rights of all Canadians. If native people do not gain their place in the sun, neither will any other Canadian». Traduction Nathalie Kermoal.
49 Weinstein (J.), op. cit., p. 39.
50 Daniels (H.), op. cit., 1979, p. 51. «The government continues to feed us the 2 founding nations myth while tossing in some Ukrainian Easter eggs, Italian grapes, or Métis bannock for some extra flavor». Traduction Nathalie Kermoal.
51 Daniels (H.), op. cit., 1981, p. 20 et 21.
52 Ibid.,1981, p. 21. «To simply grant the Métis and non-status Indians the same rights as all other Canadians is to say that they are not a special group at all and should cope with the world in the same way everybody else has to». Traduction Nathalie Kermoal.
53 Daniels (H.), op. cit., 1979, p. 51. «at the bottom of the ladder, like immigrants just off the boat, and move [their] way up». Traduction Nathalie Kermoal.
54 Ibid., p. 52. «so that we can bring about the collective integration of our people in Canadian society, we have to deal with government departments like multiculturalism which merely offer to buy advertisement space in ethnic newspapers. Culture cannot be preserved in a jar». Traduction Nathalie Kermoal.
55 Weinstein (J.), op. cit., p. 39. Malgré leur dispersion après les années 1870, les Métis perçoivent l’Ouest canadien (notamment une partie de la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et une partie de l’Ontario) comme le territoire de la nation métisse. De l’autre côté de la frontière, aux États-Unis, s’ajoutent le Montana et le Dakota du Nord.
56 Globe & Mail, «Native Group Reviewing BNA Stand», mardi 21 avril 1981, p. 8.
57 Weinstein (J.), op. cit., p. 40. Traduction Nathalie Kermoal.
58 Globe & Mail, «NCC Leader Offers a Belated Apology at Joint Hearing», mercredi 3 décembre 1980, p. 10.
59 Ibid.
60 Weinstein (J.), op. cit., p. 45.

To cite this article

Nathalie Kermoal, «Le nationalisme métis des années 1970 au Canada : un tournant politique majeur pour une plus grande reconnaissance», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], La vague nationale des années 1960-1970. Regards croisés sur le Canada et l'Europe, Volume 13 : 2013, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=1200.

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Professeure agrégée