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Le droit international public met-il le fédéralisme coopératif hors-jeu ? Réflexions autour des « accords mixtes » de l’UE
Table des matières
Introduction
1La capacité et les modalités selon lesquelles les sujets du droit international peuvent s’engager dans des relations conventionnelles procèdent de fort anciennes règles de droit international général1. Dans le cadre de la mission assignée à l’Assemblée générale des Nations Unies de développer le droit international2, la Commission du droit international3 va codifier ces règles coutumières. Le processus aboutira à deux Conventions distinctes, suite à deux conférences diplomatiques tenues à Vienne respectivement en 1969 et en 1986. La première est la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États4, et la seconde la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales5.
2Les règles de ces deux conventions, fort proches en substance, ne semblent pas permettre de correctement capter en droit international les pratiques d’engagement conventionnel de l’UE et de ses États membres ; en particulier dans le cas de ce que les institutions de l’UE et la doctrine juridique qualifient « d’accords mixtes ». L’hypothèse que nous explorons dans la présente contribution est qu’en codifiant séparément les règles applicables aux engagements conventionnels des États et des organisations internationales, et en refusant de prendre en compte la nature composite de certains sujets du droit international (notamment les Fédérations), le droit international contemporain ne laisse pas un jeu6 suffisant pour permettre à l’UE et ses États membres d’y inscrire leurs pratiques ; les contraignants à inventer de nouvelles règles du jeu aux limites de la sécurité juridique.
3La singularité, du point de vue juridique, de l’UE est un constat déjà ancien et largement partagé par la doctrine7. Originellement constituées comme des organisations internationales8, les Communautés européennes se sont progressivement mais substantiellement émancipées de leurs origines internationales, au point que le droit communautaire en est arrivé à constituer un domaine juridique (un ordre juridique pour certains9) distinct, au sein duquel les règles de fond et surtout les modalités d’articulation entre le droit européen et le droit interne répondent à des principes qui se distinguent largement de ceux du droit international10. Un auteur ira même, en 2007, jusqu’à proposer une qualification de l’UE comme une nouvelle catégorie d’entité juridique, celle de Fédération11. Cette catégorisation originale permettrait de décrire ce phénomène qu’est l’UE sans référence à la notion d’État ou d’organisation internationale12.
4Cette singularité juridique de l’Union européenne (ou avant l’UE, celle des Communautés européennes) a surtout été mise en évidence sur le plan interne, notamment pour ce qui concerne les relations entre l’Union et les États qui la constituent, ainsi que celles avec les ressortissants des États membres. Cependant, les Communautés européennes ne constituent pas une société autarcique ; le processus de globalisation n’épargne pas l’UE et ses États membres. Ainsi nombre de questions qui relèvent de compétences des Communautés et de l’UE font aujourd’hui l’objet d’accords internationaux. La question de la nécessaire existence d’une compétence extérieure spécifique13 des CE, puis de l’UE14 ont donné naissance à des solutions pragmatiques, qu’elles soient le fait de la jurisprudence de la CJUE15 ou de la pratique de la Commission et des États membres.
5Difficulté additionnelle, le partage des compétences entre l’UE et ses États membres est dynamique. Confinées à leurs origines à des champs économiques, les Communautés européennes ont par des modifications progressives de leurs traités constitutifs16 vu leurs compétences étendues à de nombreux autres domaines. Parmi ces solutions pragmatiques permettant de jouer avec l’évolution du partage des compétences entre l’UE et ses États membres s’est notamment développée une catégorie originale d’engagements internationaux, dits « accords mixtes »17. Sont simultanément parties à de tels accords – plus ou moins comme un partie « unique à l’accord » – tant l’UE que ses États membres d’une part, et un ou plusieurs États tiers de l’autre. Cette solution semble être ingénieuse, puisqu’elle paraît offrir des garanties tant pour ce qui concerne la capacité à s’engager (que ce soit l’UE ou les États membres, la compétence appartient nécessairement à l’une ou aux autres) que pour ce qui concerne la mise en œuvre.
6Si c’est apparemment une solution commode du point de vue de l’UE, c’est, du point de vue du droit international, une situation fort singulière, et qui n’a donné lieu qu’à très peu d’études18. Et pour cause, car cette pratique soulève de nombreux enjeux procéduraux sur le plan interne (à l’UE et à ses États membres) (Partie 1 ci-dessous) et s’inscrit d’autre part en faux avec les règles du droit international public (Partie 2 ci-dessous). En effet, du point de vue international, la situation et la pratique de l’UE sont à tout le moins singulières. L’hypothèse que nous souhaitons explorer dans cette contribution, au travers l’étude des « accords mixtes », est que l’UE projette par sa pratique d’engagements internationaux conventionnels sa dimension fédérale sur la scène internationale19. C’est à la fois original et problématique, dans la mesure où la codification du droit international public dans la seconde moitié du XXe siècle a délibérément choisi d’éluder la question des fédérations sur la scène internationale. L’UE, en tant que Fédération20 semble difficilement rentrer dans ce moule juridique pour ce qui concerne ses relations internationales.
7Les conclusions de la présente étude sur ce décalage entre la pratique des « accords mixtes » de l’UE et le droit international général remettent en cause la pertinence de l’escamotage de la dimension fédérale de certains sujets du droit international public qu’a effectué le droit international contemporain.
1. La qualification juridique de la participation des États membres de l’UE aux « accords mixtes »
8La notion d’« accord mixte » était absente du traité sur la CEE et ne figure toujours pas, ni dans le TFUE ni dans le TUE. En revanche, le traité Euratom contenait dès son origine une référence à ce type d’accord21. L’absence de mention explicite de cette catégorie d’accords n’a pas empêché l’UE et ses États membres de conclure très tôt de nombreux « accords mixtes »22 dans l’interaction du processus d’intégration européenne avec le reste du monde. Ainsi, le premier « accord mixte » a été conclu avec la Grèce en 196123. Pour instaurer un dialogue économique et politique avec les pays du proche voisinage, la Communauté a commencé à conclure des accords d’association couvrant des domaines très larges dont certains relevaient des compétences de la CEE, d’autres des compétences des États membres24. C’est notamment pour cette raison que les accords d’association constituent des « accords mixtes ». Avec les nombreuses vagues d’élargissement de l’UE25, les anciens accords d’association avec les actuels États membres de l’UE ont été remplacés par des accords dits d’adhésion qui eux ne sont pas des « accords mixtes » mais des accords entre États membres de l’UE et l’État adhérant. Le caractère mixte d’un accord dépend essentiellement des domaines de compétences mobilisés dans le cadre de l’UE pour sa conclusion, qu’ils aient été entièrement ou partiellement transférés à l’UE, ou qu’ils restent aux mains des États membres.
1.1 Typologie des compétences et nature de l’accord engendré
9Toutes les compétences dont dispose l’UE sont celles qui lui sont attribuées par les États membres via les Traités. Ainsi, fait-on la distinction dans le TFUE entre les compétences exclusives de l’UE26, les compétences partagées (lorsque l’UE et les États membres peuvent légiférer)27 et les compétences d’appui (pour lesquelles l’action reste principalement réservée aux États membres, l’intervention de l’UE n’étant que financière et pas normative)28. Il convient cependant d’observer que, dans le domaine des compétences partagées, les États membres conservent leur pouvoir d’action jusqu’à ce que l’Union ne légifère et qu’elle n’établisse dès lors un tissu juridique contraignant pour tous les États membres29.
10Il est donc quasiment impossible d’établir une subdivision claire et définitive des compétences entre l’UE et ses États membres à l’interne. Il en va a fortiori de même pour les compétences externes, notamment en raison de la nature variable30 de celles-ci. Par ailleurs, les nombreuses modifications de traités, les élargissements successifs de l’UE et l’activisme croissant de la (CJUE rendent difficile une lecture fiable et a priori de la répartition des compétences31. Nous allons dès lors essayer de comprendre comment s’opère à l’interne la détermination des compétences pour la conclusion d’un accord par l’UE et/ou ses États membres à travers quelques exemples d’accords déjà négociés.
1.1.1 Compétences explicites et implicites
11En vertu de l’art. 216 § 1 TFUE, « L’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient […] ». Il s’agit là typiquement d’une référence expresse aux compétences explicites dont dispose l’Union aux fins de s’engager sur la scène internationale32. Cette même disposition prévoit aussi que l’UE sera compétente pour conclure un accord international : « […] lorsque la conclusion d’un accord, soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l’Union, soit encore est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée »33. Ainsi, l’Union a-t-elle la faculté de s’engager sur la scène internationale alors même que les traités ne prévoient pas pour ce faire de compétences explicites. C’est historiquement la jurisprudence de la CJUE qui a développé ce que la doctrine appellera le principe du parallélisme des compétences, faisant découler de compétences internes explicites, des compétences externes implicites34. Cette jurisprudence a été ensuite codifiée lors des modifications apportées par le traité de Lisbonne aux art. 3 § 2 et 217 § 1 TFUE ce qui permet désormais à l’UE de disposer d’une base juridique formelle et transversale pour conclure des accords internationaux dans des domaines où elle ne dispose pas de compétence explicitement attribuée.
12La Cour reconnaît la nature aussi bien exclusive que partagée des compétences externes implicites35. Elle précise cependant au moyen de critères de nécessité plus stricts, tels que développés dans sa jurisprudence Ciel ouvert36, les cas pour lesquels la compétence externe implicite est exclusivement européenne :
« La compétence interne ne peut être utilement exercée qu’en même temps que la compétence externe […], la conclusion de l’accord international étant ainsi nécessaire pour réaliser des objectifs du traité qui ne peuvent pas être atteints par l’établissement des règles autonomes »37.
1.1.2 Compétences exclusives et partagées
13La typologie classique des accords conclus par l’UE et/ou ses États membres dépend de la nature de la compétence interne. S’il s’agit d’un domaine régi par des compétences exclusivement européennes, relevant de l’art. 3 TFUE, l’accord doit être conclu uniquement par l’UE.
14Un autre type d’accord (que ne développera toutefois pas la présente contribution) relève des accords conclus exclusivement par les États membres de l’UE avec les entités tierces. De tels accords n’ont en principe pas d’incidences sur le droit de l’UE et forment une partie intégrante du droit national des États membres38. En raison du principe de primauté du droit de l’UE sur les droits nationaux, les institutions de l’UE peuvent prétendre connaître de tels accords, voire tenter d’en limiter la conclusion, lorsque leur mise en œuvre pourrait porter atteinte à la primauté ou à l’autonomie du droit de l’UE. Mais là n’est pas l’objet de notre contribution. La catégorie d’accords qui va occuper les pages qui suivent est celle des « accords mixtes », lesquels sont conclus lorsque les compétences manquent à l’UE39 et qu’il faut dès lors faire recours pour couvrir l’ensemble du domaine envisagé par l’accord, tant aux compétences de l’UE qu’à celles des États membres. Bien que ce type d’accords ne soit pas explicitement mentionné dans les traités, la CJUE en a reconnu dès 1979 l’existence sous forme de « technique de l’accord mixte »40.
15Pour la partie qui relève des compétences de l’UE, les « accords mixtes » appartiennent à l’ordre juridique de l’UE et donc au pouvoir d’interprétation de la CJUE41. Pour la partie qui relève des compétences des États membres, le droit international public et l’ordre juridique national s’appliquent. Ainsi, trois ordres juridiques se côtoient et s’interpénètrent, créant un jeu particulièrement complexe. Dans un cas comme dans l’autre, la CJUE se considère compétente pour délimiter les champs respectifs de compétences de l’Union et des États membres42.
1.1.3 Devoir de loyauté entre l’UE et ses États membres
16Par souci d’unité de représentation de l’Union sur la scène internationale, la CJUE fait application du principe de coopération loyale43 au cas des « accords mixtes » :
« Lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord ou d’une convention relève pour partie de la compétence de [l’Union] et pour partie de celle des États membres, il importe d’assurer une coopération étroite entre ces derniers et [les] institutions [de l’Union] tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés. Cette obligation de coopération […] découle de l’exigence d’une unité de représentation internationale de [l’Union] »44.
17Dans l’arrêt MOX Plant45, la Cour a consacré une obligation générale de coopération pour l’Union et les États membres pendant tout le « cycle de vie » d’un accord international46. Il en va de même pour l’obligation d’informer les institutions de l’Union de tout engagement d’une procédure devant une juridiction internationale autre que la CJUE47.
18Les États membres de l’UE sont tenus de remplir leurs obligations résultant de leur propre participation aux traités selon le droit international48. Pour leurs obligations découlant de leur statut d’État membre de l’UE, soulignons que la CJUE a accordé un statut particulier aux accords internationaux dans la hiérarchie de l’ordre juridique de l’UE en les plaçant quelque part entre le droit primaire et le droit dérivé49. Le risque d’un recours en manquement à la CJUE50 pour non-respect des obligations découlant du droit de l’UE – notamment des accords internationaux comme partie intégrante de l’ordre juridique de l’UE et du principe de coopération loyale – constitue, en plus de l’engagement international de l’État, une garantie supplémentaire du respect des accords en droit de l’UE51.
1.2 Base juridique dans les traités, nécessaire pour le début des négociations
19La base juridique – en droit européen – permettant à l’UE de conclure un accord international n’a toutefois aucune portée sur le plan externe, sous réserve du principe codifié par l’art. 46 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 198652. De la perspective du partenaire externe, les « accords mixtes » conclus par l’UE et ses États membres relèvent de l’ordre juridique international. A défaut de connaître les particularités de l’ordre juridique de l’UE quant à la pratique de la mixité, les partenaires internationaux ont tendance à percevoir les « accords mixtes » comme des accords multilatéraux53.
20Dans le cadre de l’UE par contre, toute décision du Conseil comportant des directives de négociations destinées à la Commission doit reposer sur une base juridique matérielle dans les traités fondateurs de l’Union. Cette base détermine le caractère des compétences en jeu pour l’accord international et donc la forme que celui-ci doit prendre du point de vue de l’UE. Elle n’a cependant pas d’incidence légale pour le partenaire extérieur de l’UE.
21Deux exemples récents d’ « accords mixtes » illustrent certaines difficultés à cet égard. Nous allons ainsi voir qu’une compétence a priori exclusive de l’UE peut aboutir à la conclusion d’un « accord mixte », notamment pour des raisons politiques qui guident le recours à de différentes bases juridiques relevant des compétences de l’UE et/ou de ses États membres54. Cette perception non mécaniste du droit, décrite dans l’introduction de ce numéro spécial par Johanne Poirier et Nicolas Levrat, prend notamment en considération les intérêts politiques de différents acteurs de ce jeu du droit.
1.2.1 Exemple du CETA
22L’accord économique et commercial global (AECG)55, plus connu sous son acronyme anglais CETA56, a été signé le 30 octobre 201657 par le Canada, d’une part, et l’UE et ses États membres, d’autre part58. Selon les termes de la décision de l’UE relative à la signature de ce traité, sa base juridique dans l’ordre juridique de l’UE est la suivante :
« Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son art. 43, par. 2, son art. 91, son art. 100, par. 2, son art. 153, par. 2, son art. 192, par. 1, et son art. 207, par. 4, premier al., en liaison avec l'art. 218, par. 5 (…) »59.
23Les articles cités se référant à des compétences exclusives de l’UE, l’accord aurait donc dû être signé exclusivement par l’UE. Du reste, la référence à l’art. 207 § 4 premier al. TFUE confirme que l’accord doit être en principe conclu par le Conseil, lequel statue à la majorité qualifiée60. Il s’agit là de la procédure utilisée pour les accords internationaux relevant des compétences exclusives de l’Union.
24Toutefois, dans sa proposition de décision au Conseil relative à la conclusion du CETA, la Commission a exposé la raison pour laquelle, malgré une base juridique se référant aux compétences exclusives de l’UE, il était nécessaire de conclure un « accord mixte » :
« L’AECG poursuit les mêmes objectifs et a, pour l’essentiel, le même contenu que l’accord de libre-échange avec Singapour (ALE UE-Singapour). Par conséquent, la compétence de l’Union est la même dans les deux cas. Compte tenu des doutes émis quant à l’étendue et à la nature de la compétence de l’Union pour conclure l’ALE UE-Singapour, en juillet 2015, la Commission a demandé à la Cour de justice de rendre un avis au titre de l’art. 218, § 11, du TFUE (affaire A-2/15). Dans l’affaire A-2/15, la Commission a fait valoir que l’Union dispose de la compétence exclusive pour conclure seule l’ALE UE-Singapour et, à titre subsidiaire, qu’elle dispose au moins d’une compétence partagée dans les domaines où la compétence de l’Union n’est pas exclusive. Toutefois, de nombreux États membres ont exprimé une opinion différente.
Compte tenu de ce qui précède, la Commission a décidé de proposer la signature de l’accord en tant qu’ « accord mixte » (…) »61.
25Cette décision de conclure l’accord avec le Canada sous la forme d’un « accord mixte » répondait on le voit tout autant à des exigences politiques des États membres qu’au contexte de l’attente d’une décision de justice dans l’affaire A-2/15 relative à l’accord de même type conclu avec Singapour, lequel avait été signé en tant qu’accord exclusivement européen. Il s’agit d’un accord conclu par l’UE, d’un côté, et le Singapour, de l’autre. Selon la Commission, l’accord en question, du point de vue du droit de l’UE, ne mobilisait que des compétences exclusives attribuées à l’UE. En vertu de la procédure prévue dans l’article 218 § 11 TFUE, la CJUE a été saisie par la Commission d’une demande d’avis qui portait non pas sur la question de savoir si l’accord était compatible avec l’ordre juridique de l’UE, mais sur la question de la répartition des compétences62.
26D’un côté, la Commission soutenait que l’accord relevant de la politique commerciale commune de l’UE devait être signé exclusivement par l’UE. Le Parlement était du même avis, tout en rappelant qu’il s’agissait d’un accord de nouvelle génération portant non seulement sur l’abolition des obstacles tarifaires et non-tarifaires aux échanges commerciaux, mais également sur d’autres matières telles que : la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable63. De l’autre côté, le Conseil et les États membres affirmaient qu’un nombre important de domaines régis par l’accord relevaient non seulement des compétences exclusives de l’UE, mais également de compétences partagées, voire (exclusivement) étatiques.
27La Cour a décortiqué l’accord et a analysé toutes les compétences matérielles à l’intérieur de l’UE sur lesquelles se basent ses différents chapitres. Elle est arrivée à la conclusion que l’accord aurait dû être signé sous la forme d’un « accord mixte », à la fois par l’UE et ses États membres. L’Avocat général Sharpston est arrivée à la même conclusion ; elle avait cependant relevé davantage de compétences partagées que ne l’a fait la CJUE dans son avis64. La Cour retient uniquement la compétence en matière d’investissements étrangers autres que directs, et le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États comme relevant des compétences des États membres. Ces deux chapitres suffisent néanmoins à rendre l’ « accord mixte » du point de vue de l’UE65.
28La Cour a également souligné que son avis ne porte pas sur la compatibilité de ce type d’accords, notamment pour ce qui est de la nature du mécanisme de règlement des différends qu’il prévoit, avec le respect de « l’autonomie du droit de l’Union »66. Si la demande d’avis dans le cadre de l’accord avec le Singapour portait uniquement sur la question de répartition des compétences pour ce qui concerne la conclusion et la ratification de l’accord, la demande d’avis pendante devant la CJUE sur l’accord CETA questionne, au-delà de la question relative à la nature de l’accord, sa compatibilité avec le droit de l’UE67. Il est cependant d’ores et déjà acquis que l’accord CETA ne peut pas être ratifié en tant qu’accord basé exclusivement sur les compétences de l’UE ; il doit être signé et ratifié comme un « accord mixte » par l’UE et ses États membres à la fois.
29Il est ainsi fort probable que tous les accords commerciaux globaux ne soient des « accords mixtes ». Une autre solution, comme le propose la Commission pour l’accord commercial avec le Singapour, serait de conclure deux accords : un accord de l’UE pour les domaines qui relèvent de ses compétences exclusives ou partagées déjà exercées sur le plan interne ; et un autre « accord mixte » dans le cas où il existe des compétences exclusives des États membres68.
1.2.2 Exemple de l’accord d’association avec l’Ukraine
30Autre exemple d’ « accord mixte », l’accord d’association entre l’UE et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part69. Cet accord a été signé en deux étapes successives en 201470. Il s’agit là d’un accord extrêmement complet, d’un type nouveau au regard des accords d’association de la génération précédente71. Cet accord vise à instaurer un dialogue économique et politique dans un cadre institutionnel propre, conduisant à une progressive intégration de l’Ukraine dans le marché intérieur. La base juridique à laquelle la décision du Conseil portant la conclusion de l’accord fait référence72 comprend non seulement l’article spécifique relatif à la conclusion des accords d’association73, mais également une base juridique pour une coopération dans le domaine de la PESC74. Du point de vue procédural, ce double ancrage dans le droit de l’UE ne fait pas beaucoup de différence puisqu’un accord d’association est par définition un « accord mixte »75.
31Il convient d’observer qu’une telle pratique tendant à mêler en un seul accord des mesures relevant de deux anciens piliers76 très différents de l’UE – la cross-pillar mixity – a fait couler beaucoup d’encre77. Ayant des compétences externes explicites, recourant également à la doctrine des compétences externes implicites, l’UE s’engage de fait dans des domaines de plus en plus nombreux sur la scène internationale. Malgré la diversité des catégories de compétences et la variété des procédures qu’elle induit, sur le plan interne il n’existe qu’une procédure unique pour conclure des accords internationaux liant de l’UE78, sous réserve de quelques lex specialis, notamment pour la politique commerciale commune79.
1.3 Jeu de rôle : les institutions de l’UE dans la conclusion des « accords mixtes »
32L’art. 218 TFUE décrit étape par étape la procédure de négociation d’un accord international par l’UE ; cette procédure est applicable pour ce qui concerne l’engagement de l’UE – évidemment pas celui des États membres eux-mêmes, qui se fait selon leurs procédures nationales respectives – y compris pour un « accord mixte ». Nous exposerons ci-dessous les rôles remplis par les institutions de l’UE lors du processus de négociations : établissement d’un mandat de négociation, négociations en tant que telles, signature, ratification et contrôle de conformité avec les traités de l’UE. Nous verrons que chaque institution joue un rôle particulier, plus ou moins important. Le Conseil de l’UE dispose d’un pouvoir essentiellement formel, mais primordial, notamment au moment de la signature de l’accord. Celle-ci n’est possible qu’après approbation – ou dans certains cas simple consultation – du Parlement européen. La Commission remplit le rôle de négociatrice. La Cour de justice veille pour sa part – et pour autant qu’elle soit saisie avant l’entrée en vigueur de l’accord80 – au respect par le traité négocié des particularités de l’ordre juridique de l’UE.
331.3.1 Conseil de l’UE, pouvoir formel
34En vertu de l’art. 218 § 2, « Le Conseil autorise l’ouverture des négociations, arrête les directives de négociation, autorise la signature et conclut les accords »81. Les directives de négociation sont adressées à la Commission qui est, dans presque tous les cas, le seul interlocuteur des partenaires internationaux, y compris dans le cas des « accords mixtes ». Le Conseil agit ensuite, une fois la négociation terminée, par le biais d’adoption des décisions, autorisant la signature82 et le cas échéant l’application provisoire de l’accord83.
35La signature de l’accord est également le fait du Conseil. Il convient de rappeler que le Conseil de l’UE se compose des ministres des vingt-huit États membres84. Rappelons aussi que les Traités ne font aucune référence explicite aux « accords mixtes ». Cependant, le fait que le Conseil doive statuer à l’unanimité pour certains types d’accords85 constitue de facto une référence implicite aux « accords mixtes ». En effet, la conclusion à l’unanimité vaut acceptation par les gouvernements de tous les États membres parties à l’accord avant que le processus de ratification ne débute. Suite à la signature, tous les États membres doivent dans le cas d’un « accord mixte » le ratifier l’accord conformément à « leurs règles constitutionnelles respectives »86.
36Le fait que la ratification prenne un temps considérable n’est pas une nouveauté. Cependant, il s’avère que le blocage d’un accord international peut également survenir au stade de signature au Conseil. Tel fut le cas pour l’accord CETA, la Belgique n’ayant tout simplement pas pu signer l’accord avec le Canada au sein du Conseil à cause de l’opposition d’une de ses régions, la Wallonie87, qui dispose selon l’agencement des compétences en droit belge, d’un pouvoir d’approbation des traités dans ce domaine en Belgique88.
37Il existe également un pouvoir réservé au Parlement européen en ce sens que, pour certains types d’accords considérés comme d’importance, il est nécessaire d’obtenir l’approbation de celui-là89. A défaut d’une telle approbation, l’accord ne peut pas entrer en vigueur. En revanche, pour d’autres accords, le Parlement n’est que consulté90.
1.3.2 La Commission : un pouvoir certain
38En pratique, les accords sont négociés par la Commission européenne, même si en vertu des traités :
« La Commission (…) présente des recommandations au Conseil, qui adopte une décision autorisant l’ouverture des négociations et désignant, en fonction de la matière de l’accord envisagé, le négociateur ou le chef de l’équipe de négociation de l’Union »91.
39C’est ainsi à la Commission qu’il appartient d’assurer la représentation de l’UE en matière de négociations internationales92, y compris pour les « accords mixtes », sans ou pratiquement sans la participation des États membres, lesquels ne sont finalement représentés au Conseil que par leurs gouvernements93.
401.3.3 La Cour de justice de l’UE : un pouvoir de contrôle
41L’art. 218 § 11 prévoit ce qui suit :
« Un Etat membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités. En cas d’avis négatif de la Cour, l’accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités »94.
42Ce pouvoir considérable de contrôle a priori des accords internationaux par la Cour se justifie avant tout par le souci de préserver la spécificité de l’ordre juridique de l’UE95 dans le contexte du monopole du pouvoir d’interprétation du droit de l’UE par la CJUE96. Il convient de rappeler que, sur ce point, la Cour de justice a déjà qualifié les accords internationaux comme se situant entre le droit primaire et le droit dérivé dans l’ordre juridique de l’UE. Ainsi, pour préserver l’ordre juridique de l’UE, la CJUE a-t-elle refusé quelques accords de grande importance au motif de leur incompatibilité avec « l’autonomie du droit de l’Union », lesquels ont alors dû être renégociés97.
43La Cour se soucie également de l’unité de représentation de l’Union sur la scène internationale. Dans son article « Loyalty and Mixed Agreements », Marcus Klamert affirme que, dans la jurisprudence de la Cour, ce souci d’unité de représentation dans la conclusion des « accords mixtes » n’est pas tant une réponse aux difficultés que les États tiers pourraient avoir avec la mixité, qu’un moyen de véhiculer une image unie de l’UE sur la scène internationale en établissant une certaine logique dans les engagements internationaux de l’UE 98.
44Bien évidemment, la procédure de conclusion des accords internationaux par l’UE et ses États membres n’implique pas uniquement des difficultés d’ordre interne. Nombreuses sont les questions que se posent les parties tierces en signant un accord simultanément avec l’Union et les 28 États membres. Nous verrons ci-dessous les réponses procédurales qu’il serait possible d’apporter aux difficultés externes liées aux « accords mixtes », notamment pour ce qui relève du long processus de ratification des accords par les États membres de l’UE. Nous aborderons ensuite les délicates questions de responsabilité internationale en cas de non-respect d’un « accord mixte ».
1.4 Jeux de hasard(?) : Aléas procéduraux relatifs à l’entrée en vigueur des « accords mixtes »
45Il est vrai qu’au stade actuel de l’intégration européenne, le fait de conclure un « accord mixte » avec les vingt-huit États membres, implique une longue procédure de ratification en droit national par ces derniers. A titre d’exemple, l’accord de coopération et d’Union douanière entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Saint-Marin, d’autre part, a été signé en 199199. Il a fallu onze ans pour que les douze États membres100 de la Communauté à l’époque ratifient l’accord101. Inutile de souligner les risques d’enlisement d’un processus de ratification à vingt-huit États membres. C’est ainsi que des solutions ont dû être élaborées au sein de l’Union pour pallier à cette longueur du processus de ratification.
46Premièrement, la pratique des « interim agreements » consiste à signer deux accords séparés. Le premier relève des compétences des États membres, de sorte qu’il est signé et conclu par les États membres sans participation de l’UE, alors que le deuxième (l’ « interim agreement » proprement dit) mobilise les seules compétences exclusives de l’UE. Cette pratique facilite tant la procédure d’adoption de l’accord – puisqu’il devient ainsi inutile de recueillir l’unanimité au Conseil – que celle de ratification, puisqu’elle n’oblige pas d’attendre la complétion des procédures par tous les États membres. Concrètement, ce type d’accord fonctionne parfaitement dans les domaines commerciaux qui relèvent de la procédure de l’art. 207 TFUE102. Ces accords ne préjugent en rien les obligations des parties en droit international public au regard du second accord.
47Une autre solution, à laquelle il est de plus en plus souvent recouru, consiste à rendre l’accord déjà signé au Conseil mais pas encore ratifié par les États membres provisoirement applicable, pour une partie ou la totalité de mesures qu’il comporte. C’est notamment le cas des accords tels que le CETA et l’accord d’association avec l’Ukraine103. Une application provisoire permet de rendre l’accord immédiatement applicable après sa ratification par l’UE à l’égard de l’État tiers même à défaut de ratification par les États membres de l’UE. Dans ces deux cas, les gouvernements des États membres de l’UE parties à l’accord semblent s’accorder à respecter entre eux les prescriptions de l’accord au mépris de leurs procédures internes respectives ! Drôle de jeu, qui met le droit interne hors-jeu. Qu’en pensent les Parlements et les juges ? Il semble que ce soit développé un jeu dangereux, aux marges des droits nationaux, européen et international.
1.5 L’enjeu de la responsabilité internationale pour la mise en œuvre des « accords mixtes »
48La question se pose : qui est responsable vis-à-vis de l’État tiers du respect des obligations découlant d’un « accord mixte » ? La réponse pourrait paraître simple à première vue en ce sens que la responsabilité incombe, en fonction de la compétence en jeu, soit à l’Union, soit aux États membres104. Cependant, une fois l’accord en vigueur, l’attribution de la responsabilité à l’UE et/ou à ses États membres n’est plus une affaire purement interne à l’ordre juridique de l’UE. Du point de vue de l’UE, l’enjeu essentiel n’est alors plus l’exercice de compétence en tant que telle, mais plutôt le souci de préserver l’unité de l’ordre juridique de l’UE sur la scène internationale105.
49L’Avocat général Jacobs a, le premier, soulevé la problématique de la responsabilité internationale dans le cadre des « accords mixtes » :
« La convention a été conclue sous la forme d'un « accord mixte » (c'est-à-dire par la Communauté et ses États membres conjointement) et a un caractère essentiellement bilatéral. C'est là ce qui ressort clairement de son art. premier, qui précise que la convention est conclue entre la Communauté et ses États membres, d'une part, et les États ACP, d'autre part. Au titre d'un « accord mixte », la Communauté et les États membres sont conjointement responsables, à moins que les dispositions de l’accord n’en disposent autrement [ndr : nous surlignons] »106.
50C’est ainsi qu’à défaut d’avoir une déclaration de compétences annexée à l’accord, l’UE et ses États membres sont conjointement responsables de leurs obligations internationales devant la partie tierce. Du point de vue du droit de l’UE, l’attribution de la responsabilité en fonction de la répartition des compétences, tantôt à l’UE tantôt à ses États membres, relève exclusivement de l’ordre juridique de l’UE. L’Avocat général Tesauro aboutit à une telle conclusion dans l’affaire Hermès, en privilégiant l’unité de représentation de l’Union sur la scène internationale et en réservant l’attribution de la responsabilité en fonction de la répartition des compétences au domaine purement interne107. Il n’est cependant pas certain que dans le cadre de la mise en œuvre d’un « accord mixte », la (ou les) partie tierce soit tenue par de tels actes de « droit interne » à l’UE, selon le principe de droit international général codifié par l’art. 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités108.
51Les États tiers ayant accepté la particularité de l’ordre juridique de l’UE et la nécessité d’attribuer la responsabilité en fonction du partage des compétences entre l’UE et ses États membres ont souvent demandé en échange d’avoir des déclarations de compétences annexées aux accords internationaux, aux fins de définir clairement les domaines relevant de la responsabilité de l’UE et ceux relevant de la responsabilité des États membres109. Le but de telles déclarations est évidemment d’assurer une sécurité juridique aux parties tierces et d’avoir des informations précises dans le contexte des compétences changeantes de l’UE. Celles-ci ont aussi pour objectif d’informer la partie tierce contractante de tout changement en matière de répartition des compétences au niveau interne à l’UE. Toutefois, se contentant d’énumérer les actes du droit dérivé de l’UE sans être mises à jour régulièrement, ces déclarations de compétences ont souvent une portée très limitée110.
52Ainsi, dans cette partie avons-nous pu observer, essentiellement du point de vue du droit de l’UE, la procédure singulière par laquelle l’UE et de ses États membres concluent des « accords mixtes » avec des États tiers. Cette pratique illustre les caractéristiques fédérales internes de l’UE, mais aussi leur projection sur la scène internationale par le biais de ces relations conventionnelles. Dans la partie qui suit, nous verrons ces particularités des engagements internationaux de l’UE qu’il s’avère difficile à catégoriser du point de vue du droit international public.
2. L’irréductible singularité fédérale de l’UE et de ses États membres sur la scène internationale
53Comme nous l’avons énoncé dès l’introduction, le choix de distinguer le cadre juridique applicable aux traités conclus par des États de celui concernant les traités des organisations internationales se révèle inadapté pour ce qui est de la pratique conventionnelle de l’UE et de ses États membres. En effet, cette alternative est problématique tant pour ce qui est de l’UE en tant que sujet du droit international (2.1. ci-dessous), que pour ses États membres, dont la qualité simultanée d’États membres de l’UE et d’États souverain au sens du droit international en vient à être questionnée (2.2.). Ce décalage entre les contraintes internes à l’UE et les règles générales du droit international public contraint l’UE à un jeu d’équilibriste dangereux (2.3.)
54Cette situation découle de ce que tant le droit international des traités que le droit international de la responsabilité essaient de faire abstraction de la nature composite des entités juridiques qu’ils régulent. Pour ce qui est du droit des traités, l’idée que la capacité d’un État à s’engager conventionnellement dépende des modalités internes de partage de compétences a été rejetée ; ainsi ce que la doctrine appelait la « clause fédérale »111 a été écartée par la Commission du droit international des Nations Unies lorsqu’elle codifiait le droit des traités. En 1986, la Convention sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales112 reprend la même logique, alternative. C’est soit l’État qui s’engage, soit l’organisation internationale. Pas de situation intermédiaire ; donc pas d’ « accords mixtes ». Il n’en va cependant pas tout à fait de même pour ce qui concerne les règles de la responsabilité internationale113 . Si selon le droit international général il ne peut y avoir de situation de responsabilité commune ou partagée entre un État fédéral et ses entités fédérées en droit international114, la même clarté ne s’impose pas pour la répartition de la responsabilité entre une organisation internationale et ses États membres115. Ce décalage, nous allons le voir, pourrait se révéler problématique.
55Ce nonobstant, la pratique des « accords mixtes » est bien réelle. Elle est voulue non seulement par l’UE et ses États membres, mais acceptée par de nombreux partenaires qui s’engagent dans ce type de relations conventionnelles. Cette situation peut être considérée soit comme une anomalie, une exception peut-être temporaire liée à la nature évolutive et inachevée de l’UE, soit comme durable et révélatrice d’une réalité institutionnelle que le droit international public sera tôt ou tard appelé à prendre en compte. Nous essaierons de traiter cette question en conclusion.
2.1 Un jeu d’ombre : Les modalités d’engagement conventionnel de l’UE et de ses États membres sur la scène internationale ne sont pas régies par le droit international général
56Originellement, le mandat donné à la Commission du droit international de l’ONU (CDI) visant à identifier les règles coutumières relatives au droit des traités l’a conduit à proposer un texte traitant tant de la capacité des États, que de celle des États membres d’une Union fédérale et de celle d’organisations internationales116. La décision sera finalement prise de limiter l’objet de la Convention de Vienne de 1969 au droit des traités entre États117, puis de renoncer à traiter de la question des États membres d’une fédération ou d’une Union d’États. Ainsi l’actuel article 6 de la CVDT 1969 est extrêmement concis et se lit comme suit : « tout État a la capacité de conclure des traités ».
57Lorsque la CDI élabore un projet de convention de codification pour les traités auxquels sont parties des organisations internationales, la volonté de calquer au plus près les dispositions de cette nouvelle convention sur celle de la Convention de 1969 conduira à une formule pareillement concise indiquant : « la capacité d’une organisation internationale de conclure des traités est régie par les règles de cette organisation. »118 Cette formulation ne permet pas de reconnaître les cas spécifiques où, à l’instar du cas des « accords mixtes », une organisation internationale et ses États membres, d’une part, et une entité tierce, d’autre part, se lient par un accord international119. Pourtant, dans le projet de convention sur les traités des organisations internationales tel que discuté en 1982 par la CDI, un art. 36 bis s’inspirait pour une grande partie de la pratique de la CEE en matière de conclusion d’accords internationaux et mentionnait indirectement le cas des « accords mixtes » comme un instrument des organisations internationales pour s’engager sur la scène internationale :
« Des obligations et des droits naissent pour les États membres d'une organisation internationale, des dispositions d'un traité auquel cette organisation est partie lorsque les parties à ce traité entendent, au moyen de ces dispositions, créer ces obligations et conférer ces droits et ont défini leurs conditions et effets dans ce traité ou en sont autrement convenus, et si a) les États membres de l'organisation, en vertu de l'acte constitutif de cette organisation ou par ailleurs, sont unanimement convenus d'être liés par lesdites dispositions du traité; et b) le consentement des États membres de l'organisation à être liés par les dispositions pertinentes du traité a été dûment porté à la connaissance des États et des organisations ayant participé à la négociation »120.
58Cette disposition aurait permis de concevoir les États membres de l’UE parties à un « accord mixte » non pas comme des États tiers à l’UE (donc comme une partie en propre à l’accord, tierce à l’UE), ou comme des entités faisant uniquement partie de l’organisation internationale, ce qui serait le cas dans un accord conclu au seul nom de l’UE. Ils sont plutôt envisagés comme membres de l’UE ayant des compétences propres mises en œuvre par leur engagement dans le cadre de l’accord. Cet article, qui n’a finalement pas été intégré dans la version finale de la CVDTOI, était basé sur l’idée du consentement aussi bien des États membres que de la partie tierce pour accepter ce statut particulier d’« État membre d’une organisation internationale ».
59La codification actuelle du droit international public ne semble cependant pas aller dans ce sens. Ainsi le projet d’article sur la responsabilité des organisations internationales tel que soumis en 2011 par la CDI à l’Assemblée générale de l’ONU indique que la responsabilité d’un État membre d’une organisation internationale pour la mise en œuvre d’une convention passé par cette organisation n’est pas la règle, et que, le cas échéant, une telle responsabilité ne pourrait être que subsidiaire ; notons cependant que les règles propres à l’organisation sont réservées121, ce qui a son utilité dans le cadre de l’UE. En effet, le droit primaire de l’UE est à cet égard sans ambigüité puisqu’il indique que « les accords conclus par l’Union lient les institutions de l’Union et les États membres »122. La formule n’est pas sans rappeler certaines constitutions fédérales123. Ainsi, du point de vue du droit de l’UE, ce qui semble être l’exception en droit international général serait la règle. En conséquence, la qualification juridique d’un accord international de l’UE comme mixte ou comme relevant de la compétence exclusive de l’UE n’aurait pas d’impact significatif sur le degré d’engagement des États membres, ceux-ci étant lié soit en vertu du droit de l’UE (216 § 2 TFUE) soit par leur engagement propre dans l’ « accord mixte », en vertu du droit international124.
60C’est en ce sens que la situation de l’UE, si elle n’est pas celle d’une organisation internationale, diffère également de celle d’un État fédéral. En effet, la garantie juridique du respect des engagements d’un État fédéral, en vertu des règles relatives à la responsabilité des États, n’incombent en droit international qu’à l’État fédéral, jamais à l’entité fédérée125. Au sein de l’Union européenne, la responsabilité est conjointe, sans qu’il soit clairement établi comment cette responsabilité doit se répartir en cas de mise en cause concurrente de l’Union et de l’un (ou plusieurs) de ses États membres126.
2.2 Un jeu double : Le statut juridique des États membres de l'UE au regard du droit international public
61Dans le cadre des « accords mixtes » de l’Union européenne, les États membres ont un double statut juridique. Ils sont d’une part « État membre de l’UE », elle-même engagée en tant que sujet de droit international public par l’ « accord mixte » vis-à-vis de la (ou des) tierce(s) partie(s), et, État au sens du droit international, partie à un accord international (auquel l’UE est également partie). Du point de vue du droit de l’UE, la situation reste cohérente, les accords internationaux liant l’UE étant considéré comme faisant partie intégrante du droit de l’UE127, et à ce titre ils lient les États membres de l’UE, avec statut de primauté.
62Dans la pratique, l’observateur serait fondé à se demander si la distinction entre les obligations respectives et le droit qui leur serait applicable ne se révèlerait pas excessivement délicate, voire impraticable128. En termes de sécurité juridique, cette solution des « accords mixtes » qui n’est vraisemblablement pas envisagée par le droit international général (voir 2.1. ci-dessus) ni clairement réglée en droit de l’Union paraît loin d’être optimale. Du point de vue du droit de l’UE, la cohérence peut probablement être assurée via le mécanisme de la coopération loyale, mais la situation n’en paraît pas moins instable. Du point de vue des États liés à l’UE par traité, la nature particulière des « accords mixtes » engendre, du point de vue du droit international, non pas un mais vingt-neuf engagements conventionnels. Une telle situation est loin d’être heureuse du point de vue du droit international public. A cet égard, un observateur avisé comme Allan Rosas affirme :« The European Union being a hybrid conglomerate situated somewhere between a State and an intergovernmental organization, it is only natural that its external relations in general and treaty practice in particular should not be straightforward. The phenomenon of mixed agreements (…) offers a telling illustration of the complex nature of the EU (…) as an international actor »129. En d’autres termes, si selon Olivier Beaud, la notion de Fédération (que nous considérons comme apte à décrire l’UE130) implique la disparition de la notion de souveraineté entre le pouvoir fédéral et les entités fédérées131, l’extension des domaines ne pouvant plus être cloisonnés à la sphère domestique rend cette distinction fondamentale pour permettre aux fédérations d’articuler leur ordre interne avec l’ordre juridique international trop ténue pour être opérationnelle.
2.3 L’intenable jeu d’équilibriste de l’UE et ses États membres sur la scène internationale
63La pratique de la conclusion d’accords internationaux par l’UE est indiscutablement reconnue en droit international132. La conclusion d’ « accords mixtes », par contre, est une pratique tout à fait nouvelle pour un sujet du droit international, ce qui selon nous suggère soit que l’Union européenne constitue un défi pour les règles actuelles du droit international public, soit que les conséquences du processus de globalisation constituent un défi pour l’UE. Ainsi, même dans des domaines classiques des relations internationales, la tentation d’un partage sectoriel des compétences devient peu soutenable dans l’articulation entre une sphère interne et une sphère internationale. Ainsi, la compétence extérieure exclusive de l’UE en matière de politique commerciale commune, l’une des plus ancienne et des mieux établies pour ce qui concerne l’action extérieure de l’UE, est contestée et remise en cause pour les accords de libre-échange de nouvelle génération par la Cour elle-même133. Un tel développement, conséquence de l’intrication transnationale de fait des tissus économiques et sociaux dans le cadre de la globalisation, suggère :
64soit que ce sont les règles actuelles du droit international public général que la globalisation est en train de rendre obsolète, et que donc des Unions (fédérales) d’États souverains doivent pouvoir s’inscrire dans le cadre commun du droit international public ;
65soit que la situation actuelle de l’Union européenne n’est pas tenable sur la durée.
66Conscient du caractère instable de cette situation, Allan Rosas dont nous avons déjà cité l’article « The Future of Mixity »134, considère dans ses considérations finales qu’à l’avenir une quantité toujours croissante d’accords internationaux de l’UE seront des accords exclusivement européens (de l’UE). Comme le souligne alors cet auteur, sur le plan interne à l’UE, la procédure de ratification en serait facilitée et se passerait à l’avenir uniquement dans le cadre du Conseil. Et sur le plan externe, l’unicité de la représentation de l’UE en serait consolidée, pour ne pas dire « normalisée » au regard du droit international public (on passerait alors à une assimilation au statut « d’État fédéral ».
67Si l’unicité de la personnalité juridique de l’Union européenne sur la scène internationale est désormais acquise135, sa capacité à agir demeure variable. En effet, contrairement à un État dont la capacité à s’engager internationalement est une donnée constitutive136 (comme le rappelle l’art. 6 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969), la capacité internationale de l’UE demeure tributaire des compétences que ses États membres lui ont transférées137. En ce sens, si comme nous l’avons montré le recours aux « accords mixtes » constitue du point de vue de l’UE une solution pragmatique pour absorber les difficultés que lui pose sur la scène internationale les contraintes internes découlant de ses traités constitutifs et de ses principes de fonctionnement, les « accords mixtes » constituent dans le même temps la pierre d’achoppement de l’articulation entre l’ordre juridique à l’UE et les exigences croissantes des relations internationales.
68Ces accords sont les révélateurs de la nature juridique particulière de l’entité que constitue d’un point de vue extérieur l’UE sur la scène internationale ; elle reste, en termes juridiques, très difficilement catégorisable. D’un côté, la catégorisation classique devrait permettre d’affirmer que l’Union repose sur un traité international conclu par des États souverains, et qu’à ce titre il s’agirait d’une organisation internationale. De l’autre, la pratique même de la conclusion des « accords mixtes » par l’UE et ses États membres, d’une part, et une entité tierce, d’autre part, suggère une projection externe de la structure interne de l’UE, ce que le droit international général – via la codification du droit des traités – avait essayé d’éviter. Comme le dit, encore lui, Allan Rosas, « The EU is not a federal State but is based on cooperative federalism. Its Member States are not seen by the outside world as sub-federal entities but as independent States, albeit members of a larger political and economic bloc »138.
69En effet, même en cédant une partie de leur souveraineté à l’UE, les États membres ne perdent pas leur statut d’« État » en droit international mais acquièrent une spécificité supplémentaire qui fait d’eux des « États membres de l’UE »139. Si en 2010 Rosas pouvait encore croire que la situation instable de l’UE se résoudrait par l’émergence d’une UE assimilable sur la scène internationale à un État fédéral, les développements récents ne vont pas dans un tel sens, et au contraire, il nous paraît que les « accords mixtes » et tous les jeux dangereux qu’ils permettent devraient plutôt prospérer que se subsumer en des accords européens.
70En effet, le phénomène du Brexit140 – qui en termes juridiques devrait apporter une lumière considérable sur la véritable nature juridique des engagements des États membres de l’UE dans le cadre des « accords mixtes » – les réticences de certains parlements nationaux (ou subnationaux) à la ratification d’accords commerciaux de nouvelle génération141, et la défiance généralisée exprimée par les élites politiques de nombreux États membres de l’UE ne laissent pas présager d’un renforcement des compétences exclusives de l’UE142. Que conclure alors ?
Conclusions
71En conclusion se pose la question suivante : les mêmes joueurs peuvent-ils jouer sur plusieurs tableaux ? Les États membres et les institutions de l’UE peuvent-elles jouer le même jeu, avoir les mêmes rôles respectifs, sur la scène européenne et sur la scène internationale ? Sont-ils les mêmes acteurs qui jouent des rôles différents sur deux scènes distinctes, ou sont-ils, du point de vue juridique, des acteurs différents ? Ou les mêmes acteurs interprétant des rôles différents ?
72Il semble que les règles qu’impose notamment la CJUE aux acteurs sur la scène européenne ne soient pas les mêmes que les règles, plus lâches, qui guident ces mêmes acteurs dans leurs relations avec de nouveaux acteurs, non européens. Cette pluralité de rôles joués simultanément – globalisation oblige – par les mêmes acteurs sur des scènes distinctes, selon des règles du jeu différenciées ne peut durablement permettre à l’ensemble des acteurs de conserver leur cohérence individuelle et commune. Ce devraient donc être soit les règles qui convergent, soit les acteurs qui disjonctent !
73Si du point de vue du droit de l’UE, la pratique de négocier et conclure des « accords mixtes » est commode, la projection de la situation interne qu’elle induit sur la scène internationale semble difficilement accommodable aux yeux du droit international public. Pourtant, en 1962, le Rapporteur spécial de la CDI souhaitait discuter des principes suivants :
« [...] 2. a) Dans le cas d’une fédération ou autre union d’États, la capacité internationale d’être partie aux traités appartient exclusivement, en principe, à l’État fédéral ou à l’Union. [...] b) Toutefois, un État membre d’une fédération ou d’une union auquel la constitution confère le pouvoir de conclure directement des accords avec des États étrangers peut posséder la capacité internationale d’être partie aux traités : i) S’il est Membre de l’Organisation des Nations Unies, ou ii) Si l’État fédéral ou l’union et l’autre ou les autres États contractants reconnaissent qu’il possède une personnalité internationale propre »143.
74La conclusion logique de cette dénégation par le droit international public est qu’en l’état actuel de la scène internationale, l’UE n’est pas un cas codifiable. Ce qui n’est pas étonnant, s’il s’agit d’un cas unique. Pourtant il faut admettre que la pratique de conclure des « accords mixtes » est un jeu ingénieux qui permet à l’UE et ses États membres, par l’engagement conventionnel d’États tiers dans ces « accords mixtes », une reconnaissance certaines de leurs règles fédérales internes. De facto, les États qui ont conclu avec l’UE et ses États membres des « accords mixtes » ont accepté cette particularité interne, souvent même sans demander de déterminer clairement le partage des compétences entre l’UE et ses États membres. Cette confiance faite à « l’UE et ses États membres » ne devrait-elle pas être considérée comme une pratique appuyée sur une opinio iuris ? Pourquoi le droit international continue-t-il à en faire abstraction ? Notre réponse est que le droit international n’y est tout simplement pas prêt. L’UE n’est ni un État, ni une organisation internationale. Et le droit international se refuse à capter la situation singulière de l’UE dans laquelle l’Union fédérale et ses entités fédérées s’engagent pleinement sur la scène internationale.
75Par un cruel jeu du destin, le Brexit pourrait permettre de déterminer la nature de l’engagement des États membres de l’UE dans le cadre d’un « accord mixte ». Lorsque le Royaume-Uni quittera l’UE, il récupèrera toutes les compétences auparavant attribuées à l’UE en redevenant un État souverain sur la scène internationale. C’est ici que le caractère de l’engagement de cet État dans le cadre des « accords mixtes » révèlera sa véritable nature. Si le Royaume-Uni continue à être pleinement membre des « accords mixtes » en tant qu’État signataire, alors la question de la particularité de la nature de l’UE ne se pose plus. Mais si la participation du Royaume-Uni aux « accords mixte » devient caduque avec sa sortie de l’UE, alors la nature d’« État membre de l’UE » en tant qu’État sur la scène internationale est totalement remise en cause. Ainsi, les règles du jeu des engagements conventionnels des Unions fédérales risquent-elles encore de susciter pas mal de controverses.
761 Voir McNair (A.), The Law of Treaties, Oxford U. Press, 1961.
772 L’art. 13 § 1.a de la Charte des Nations Unies enjoint à l’Assemblée générale d’« encourager le développement progressif du droit international et sa codification ».
783 Créée en 1946 comme organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations Unies ; voir Res 94/1 adoptée le 11 décembre 1946 à l’unanimité.
794 RTNU, Vol. 1155, p. 331.
805 Pas encore en vigueur. Texte certifié conforme sous Doc. A/CONF.129/15 via le site (https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXIII-3&chapter=23&clang=_fr), (consulté le 6 septembre 2018).
816 Au sens mécanique du terme.
827 Voir notamment Pescatore (P.), Le droit de l’intégration : émergence d'un phénomène nouveau dans les relations internationales selon l'expérience des Communautés européennes, Leiden et Genève, AW Sijthoff/IHEID, 1972, p. 99; ou Leben (C.), « A propos de la nature juridique des Communautés européennes », Droits, 1991, no 14, p. 61. Contra, mais fort isolé, Pellet (A.), « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », Collected Courses of the Academy of European Law, 1994, vol. 5, no 2, p. 226.
838 Rappelons en termes de contexte historique, que ce n’est que dans un avis consultatif de 1949 (C.I.J., « Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif », Recueil1949. P. 174) qu’un statut juridique international propre des organisations internationales a été reconnu. La première Communauté européenne (CECA) a été instituée en 1951, c’est-à-dire seulement deux ans après cette reconnaissance prétorienne.
849 Louis (J.-L.), L’ordre juridique communautaire, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1979.
8510 Notamment les principes de primauté, d’effet direct, de coopération loyale, d’attribution de compétences, etc. Voir sur ces points et dans ce même numéro, la contribution de Nicolas Levrat, « De la CEE à l’UE : le jeu dangereux d’une progression vers la Fédération par la déconstruction de l’édifice juridique communautaire ».
8611 Voir pour une analyse de cette dimension fédérale interne, Levrat (N.), « L’union européenne : une fédération internationale », inGaudreault-Desbiens (J.-F.) et Gélinas (F.)(dir.), Le fédéralisme dans tous ses états : Gouvernance, identité et méthodologie, Cowansville (Québec)/Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 285-305.
8712 Beaud (O.), Théorie de la Fédération, Paris, PUF, 2007 ; notamment l’avant-propos, dans lequel l’auteur affirme : « cette théorie de la Fédération est une sorte d’étalon de mesure pour la construction européenne si l’on veut la juger à l’aune du fédéralisme », p. 1.
8813 Ou est-ce que le transfert de la compétence des États membres vers les CE incluait aussi un transfert de leur compétence internationale propre ? Voir sur ce point les arguments développés devant et par la CJCE dans l’arrêt du, 31 mars 1971, Commission c. Conseil (AETR), aff. C-22/70, ECLI :EU :C :1971 :32.
8914 Rappelons que de 1993 à 2009, l’UE a existé comme une structure de coopération politique entre ses États membres, mais ne disposait pas d’institutions propres (les institutions étaient celles des communautés) ni de personnalité juridique propre, même si la question a donné lieu à de nombreuses controverses juridiques. Depuis le 1er décembre 2009, l’UE a succédé à la CE, et nous n’aborderons donc pas ces débats qui appartiennent au passé.
9015 Voir l’arrêt AETR (CJCE, 31 mars 1971, Commission c. Conseil (AETR), aff. C-22/70) qui pose les principes fondamentaux de la compétence externe de la CEE, puis de l’UE, ECLI :EU :C :1971 :32. Dans cette contribution, nous allons nous référer à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui succède à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009. En nous y référant comme à une seule et même juridiction, nous nous excusons pour de possibles anachronismes.
9116 La Communauté économique européenne (CEE) a été instituée par le traité de Rome signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958. Cette CEE a été créée en même temps que la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) en complétant ainsi l’architecture en trois communautés, ancêtres de l’actuelles Union européenne (UE). La troisième communauté est celle qui a lancé le processus de l’intégration européenne, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) dont le traité a été signé à Paris, le 18 avril 1951. Le traité Euratom continue à exister en marge des traités européens, la CEE s’est progressivement transformée, après de multiples modifications des traités, en l’UE que nous connaissons aujourd’hui et le traité CECA a cessé d’exister en 2002, sa durée de vie ayant été à sa signature limitée à 50 ans.
9217 La notion d’ « accord mixte » ne figure pas dans le Traité CEE de 1957. Mais la conclusion d’accords d’association avec la Grèce, les E.A.M.A. et la Turquie conduit la doctrine à proposer cette notion d’ « accords mixtes » : « Certaines clauses de l’association avec la Grèce, les E.A.M.A. et la Turquie portent sur des matières qui ne relèvent pas de la C.E.E. mais bien des États membres. Aussi, plutôt que de recourir à deux accords, l’un entre les Six et l’associé, l’autre entre celui-ci et la C.E.E., portant chacun sur les matières rentrant dans les compétences respectives de la Communauté et des États membres, on a préféré ne négocier qu’un seul traité, un « accord mixte », signé en même temps par la C.E.E. et les États membres. » Michel MELCHIOR, « Procédure de Conclusion des Accords Externes de la Communauté Économique Européenne », Revue Belge de Droit International, 1966, vol. 2, p. 202.
9318 Voir notamment le travail collectif: Hillion (C.) et Koutrakos (P.) (eds.), Mixed Agreements Revisited: The EU and its Member States in the World, Oxford, Hart Publishing, 2010.
9419 Pour les aspects du fédéralisme comparé et la distinction entre Closed Federation et Open Federation, voir Schütze (R.), « Federalism and Foreign Affairs: Mixity as a (Inter)national Phenomenon », inHillion (C.) et Koutrakos (P.) op. cit., pp. 57-86. Voir également l’analyse faite par J.H.H. WEILER, The Constitution of Europe. Do the new clothes have an Emperor ? And other essays on European Integration, Cambridge University Press, 1999, pp. 130-187.
9520 Au sens que lui donne Olivier Beaud dans sa Théorie de la Fédération (voir supra note 12), c’est-à-dire ni État fédéral, ni Confédération.
9621 Art. 102 du traité Euratom version consolidée JO 2012 C 327/01 : « Les accords ou conventions conclus avec un État tiers, une organisation internationale ou un ressortissant d’un État tiers, auxquels sont parties, outre la Communauté, un ou plusieurs État membres [ndr : nous surlignons] ne peuvent entrer en vigueur qu’après notification à la Commission par tous les États membres intéressés que ces accords ou conventions sont devenus applicables conformément aux dispositions de leur droit interne respectif ».
9722 Voir notamment pour la typologie des « accords mixtes »” : Maresceau (M.), « A Typology of Mixed Bilateral Agreements », inHillion (C.) et Koutrakos (P.), op. cit., pp. 11-30. Pour quelques exemples des « accords mixtes »: accord de partenariat et de coopération entre l’UE et ses États membres, d’une part, et la République d’Iraq, d’autre part, signé le 11 mai 2012 ; accord de libre-échange entre l’UE et ses États membres, d’une part et la République de Corée, d’autre part, signé le 6 octobre 2010 ; accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part, signé le 9 novembre 2009 ; accord de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers, signé le 26 octobre 2004.
9823 Accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Grèce, signé en 1961, JOCE, 18 février 1963, No 26, pp. 294-342.
9924 Actuellement, les accords d’association sont régis par l’Art. 217 TFUE : « L’Union peut conclure avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières ».
10025 Les 6 pays fondateurs de la Communauté sont : la RFA, la France, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et le Pays-Bas. Actuellement, L’UE compte 28 États membres suite à des élargissements successives : en 1973, le Royaume-Uni, l’Irlande et Danemark ; en 1981, la Grèce ; en 1986, l’Espagne et le Portugal ; en 1995, l’Autriche, la Suède et la Finlande ; en 2004, la Chypre, la Malte, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie ; en 2007, la Roumanie et la Bulgarie et en 2013, la Croatie.
10126 Art. 3 TFUE.
10227 Art. 4 TFUE.
10328 Art. 6 TFUE.
10429 Art. 2 § 2 TFUE.
10530 Ibid, Il convient de rappeler que dans le cadre de l’exercice des compétences partagées entre l’UE est ses États membres : « Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leur compétence dans la mesure où l’Union a décidé de cesser d’exercer la sienne. », art. 2 § 2 TFUE. D’où le caractère instable de la nature des compétences au sein de l’UE.
10631 Maresceau (M.), op. cit., pp. 27-29.
10732 Il s’agit de : la politique commerciale commune (PCC), Art. 207 TFUE ; les accords d’association, Art. 217 TFUE ; les accords de politique monétaire, Art. 219 TFUE ; les accords de recherche, Art. 186 TFUE ; les accords de politique de l’environnement, Art. 191 TFUE ; les accords de coopération au développement, Art. 208 TFUE ; les accords de coopération économique, financière et technique avec des pays tiers, Art. 212 TFUE.
10833 Art. 217 § 1 TFUE. Une formulation analogue figure également dans l’Art. 3 § 2 TFUE portant sur les compétences exclusives de l’UE.
10934 Les compétences externes de l’UE : « résultent non seulement d’une attribution explicite par le traité […] mais peuvent découler également d’autres dispositions du traité et d’actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de l’Union », CJCE, aff. C-22/70, AETR, ECLI :EU :C :1971 :32, cons. 16.
11035 Cf. Notamment Cremona (M.), « External Relations of the EU and the Member States : Competence, Mixed Agreements, International Responsibility, and Effects of International Law », EUI Working Papers, Law No 2006/22, European University Institute, 2006.
11136 CJCE, aff. C-475/98, Ciel ouvert, ECLI :EU :C :2002 :630.
11237 Ibid., cons. 68. C’est nous qui surlignons.
11338 Pour plus de précisions sur les différents types d’accords, voir : Rosas (A.), « The Status in EU Law of International Agreements Concluded by EU Member States », Fordham International Law Journal, Volume 34, Issue 5, 2011, pp. 1304-1345.
11439 Adam (S.), Hammamoun (A.), Lannon (E.), Louis (J.-V.), Neuwahl ( N.) et White (E.), « L’Union européenne comme acteur international », Commentaire J. Mégret, 3ème édition, Editions de l’Université de Bruxelles, 2015, p. 61.
11540 CJCE, avis 1/78, Caoutchouc naturel, ECLI :EU :C :1979 :224, cons. 2 § 3. Cet avis de la Cour a été sollicité par la Commission pour connaître de la compatibilité avec le traité CEE du projet d’accord sur le caoutchouc naturel négocié dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
11641 CJCE, aff. C-431/05, Merck Genéricos, ECLI :EU :C :2007 :496, cons. 31 à 34. Voir cependant les critiques à cette position, Joël RIDEAU, cité note 127 infra.
11742 CJUE, aff. C-414/11, Daiichi Sankyo, ECLI :EU :C :2013 :520, cons. 46. De plus, dans son avis sur l’Espace économique européen (EEE), la CJCE a considéré la création d’une Cour indépendante pour l’EEE comme contraire à l’ordre juridique de l’UE, notamment parce que cette dernière aurait eu la compétence de se prononcer sur le statut de « partie » et donc sur la division des compétences, ce qui aurait empiété sur le monopole d’interprétation du droit de l’UE reconnu à la Cour de justice, voir CJCE, avis 1/91, EEE, ECLI :EU :C :1991 :490.
11843 Art. 4 § 3 TUE : « En vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités ».
11944 CJCE, avis 2/91, OIT, ECLI :EU :C :1993 :106, cons. 36. C’est nous qui surlignons.
12045 CJCE, aff. 459/03, MOX Plant, ECLI :EU :C : 2006 : 345, cons. 175 : « La Cour a […] souligné que les États membres et les institutions communautaires sont tenus à une obligation de coopération étroite dans l’exécution des engagements qu’ils ont assumés en vertu d’une compétence partagée pour conclure un accord mixte ».
12146 Klamert (M.), “Loyalty and Mixed Agreements”, inKlamert (M.), The Principle of Loyalty in EU Law, Oxford Scholarship Online, 2014. Cf. également Rosas (A.), « The Status in EU Law of International Agreements Concluded by EU Member States », op. cit., p. 1309.
12247 CJCE, aff. 459/03, MOX Plant, ECLI :EU :C : 2006 : 345, cons. 179.
12348 CVDT, op. cit., Art. 26 « Pacta sunt servanda ».
12449 CJCE, C-181/73, Haegeman, ECLI :EU :C :1974 :41 ; CJCE, C-344/04, R v. Department of Transport ex parte IATA, ECLI :EU :C :2006 :10 ; CJCE, C-61/94, Commission v. Germany, ECLI :EU :C :1996 :313.
12550 Art. 258-260 TFUE.
12651 Cremona (M.), « External Relations of the EU and the Member States: Competence, Mixed Agreements, International Responsibility, and Effects of International Law », op. cit.
12752 Voit l’art. 46 Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT) du 23 mai 1969, en vigueur le 27 janvier 1980, 1155 UNTS 331 applicable à titre coutumier, sur la non prise en compte du droit interne des États dans le cadre de leur engagement conventionnel.
12853 Voir notamment Olson (P.M.), « Mixity from the Outside : the Perspective of a Treaty Partner », inHillion (C.) et Koutrakos (P.) (eds.), Mixed Agreements Revisited: The EU and its Member States in the World, op. cit., pp. 331-348.
12954 Leal-Arcas (R.), « The European Community and Mixed Agreements », in European Foreign Affairs Review, no 6, Kluwer Law International, 2001, p. 494. Dans la typologie des « accords mixtes » que l’auteur propose, il différencie facultative et obligatory mixity.
13055 Accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’UE et ses États membres, d’autre part, Conseil de l’UE 10973/16, dossier interinstitutionnel 2016/0206 (NLE), 14.09.2016, Bruxelles.
13156 Comprehensive economic and trade agreement with Canada (CETA), voir notamment le site du Conseil s’y référant : http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/10/28-eu-canada-trade-agreement/, (consulté le 6 septembre 2018).
13257 Cf. notamment les événements autour de la signature de l’accord CETA et l’opposition de la région wallonne en Belgique, en raison du partage de compétences en matière de politique extérieure entre le niveau fédéral et les entités infra-étatiques dans cet État, à ce sujet : Kaspiarovich (Y.), « L’opposition wallonne au CETA ramène le débat plus proche du citoyen européen », https://blogdroiteuropeen.com/2017/01/09/lopposition-wallonne-au-ceta-ramene-le-debat-plus-proche-du-citoyen-europeen-par-yuliya-kaspiarovich/, (consulté le 6 septembre 2018). La signature du CETA a été retardée Belgique mais a finalement eu lieu le 30 octobre 2016 : http://www.lemonde.fr/economie-mondiale/Art./2016/10/30/le-ceta-traite-de-libre-echange-entre-l-union-europeenne-et-le-canada-a-ete-signe-a-bruxelles_5022713_1656941.html, (consulté le 6 septembre 2018).
13358 Décision (UE) 2017/37 du Conseil du 28 octobre 2016 relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, JO L 11 du 12.01.2017, pp. 1-2.
13459 Ibid.
13560 Art. 207 § 4 premier al. TFUE : « Pour la négociation et la conclusion des accords visés au paragraphe 3, le Conseil statue à la majorité qualifiée ».
13661 Proposition de « Décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’UE et ses États membres, d’autre part », Commission européenne, COM(2016) 443 final, 05.07.2016, Strasbourg.
13762 CJUE, avis 2/15, du 16 mai 2017, ECLI :EU :C :2017 :376. Les questions posées par la Commission dans sa demande d’avis sont les suivantes : « L’Union européenne a-t-elle la compétence requise pour signer et conclure seule l’accord de libre-échange avec la République de Singapour ? Plus précisément : – Quelles dispositions de l’accord relèvent de la compétence exclusive de l’Union ? – Quelles dispositions de l’accord relèvent de la compétence partagée de l’Union ? – Y a-t-il des dispositions de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive des États membres ? ». Voir également les conclusions de l’Avocat général Sharpston du 21 décembre 2016, ECLI :EU :C :2016 :992.
13863 CJUE, avis 2/15, du 16 mai 2017, ECLI :EU :C :2017 :376., op. cit., cons. 17. Voir également Conférence-débat de Paul MAGNETTE et Sylvie GOULARD, « Du CETA aux citoyens : l’avenir des partenariats commerciaux de l’UE », 07.12.2016, Bruxelles.
13964 Conclusions de l’Avocat général Sharpston du 21 décembre 2016, ECLI :EU :C :2016 :992., op. cit., cons. 570.
14065 CJUE, avis 2/15, du 16 mai 2017, ECLI :EU :C :2017 :376., op. cit., cons. 305.
14166 CJUE, avis 2/15, du 16 mai 2017, ECLI :EU :C :2017 :376., op. cit., cons. 300-301.
14267 La demande d’avis a été introduite devant la CJUE par le Ministère des affaires étrangères de la Belgique le 6 septembre 2017. Pour plus d’informations, voir le site du Ministère : https://diplomatie.belgium.be/fr/newsroom/nouvelles/2017/le_ministre_reynders_introduit_demande_avis_ceta, (consulté le 6 septembre 2018).
14368 Voir la proposition de la Commission de conclure deux accords avec Singapour : http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=961, (consulté le 6 septembre 2018).
14469 Accord d’association entre l’UE et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, JO L 161 du 29.05.2014, pp. 3-2137.
14570 Pour plus de détails, voir le récapitulatif sur EUR-Lex : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/LSU/?uri=uriserv:OJ.L_.2014.161.01.0003.01.ENG, (consulté le 6 septembre 2018).
14671 Cf. l’analyse de Van Der Loo (G.), Van Elsuwege (P.) et Petrov (R.), « The EU-Ukraine Association Agreement : Assessment of an Innovative Legal Instrument », in EUI Working Papers, Law 2014/09.
14772 Décision du Conseil du 17 mars 2014, 2014/295/UE, relative à la signature, au nom de l’UE, et à l’application provisoire de l’accord d’association entre l’UE et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, JOUE L 161 du 29.05.2014.
14873 Art. 217 TFUE.
14974 Art. 31 § 1 et 37 TUE.
15075 La prise de décisions au sein du Conseil doit toujours se faire à l’unanimité pour les accords d’association, il s’agit ainsi d’un « accord mixte » : art. 218 § 8 TFUE.
15176 Le Traité de Maastricht institue l’UE, laquelle est – jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui voit l’UE succéder à la CE (Communauté européenne, cf. art. 1 § 3 TUE) – constituée de trois piliers ; le premier, dit pilier communautaire, regroupe les trois communautés européennes (CE, CECA, CEEA) et leurs institutions. Le deuxième pilier concerne la « politique étrangère et de sécurité commune » et le troisième pilier la justice et les affaires intérieures. Ces deux derniers piliers sont des modalités de coopération intergouvernementale, et une compétence extérieure de l’UE (qui n’avait pas la personnalité juridique, laquelle demeurait celles de chacune des communautés) n’était pas envisagée dans ces domaines.
15277 Cf. notamment : Wessel (R.A.), « Cross-pillar Mixity : Combining Competences in the Conclusion of EU International Agreements », inHillion (C.) et Koutrakos (P.) (eds.), Mixed Agreements Revisited: The EU and its Member States in the World, Oxford, Hart Publishing, 2010, pp. 30-54.
15378 Art. 218 TFUE.
15479 Art. 207 TFUE.
15580 Art. 218 § 11 TFUE.
15681 Art. 218 § 2 TFUE.
15782 Art. 218 § 5 TFUE.
15883 Art. 218 § 6 TFUE.
15984 Art. 16 § 2 TUE : « Le Conseil est composé d’un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l’État membre qu’il représente ».
16085 Art. 218 § 8 TFUE.
16186 Ibid., al. 2.
16287 Cf. notamment Le Monde sur ce sujet : http://www.lemonde.fr/europe/Art./2016/10/20/la-wallonie-maintient-son-opposition-au-traite-commercial-ceta-avec-le-canada_5017686_3214.html, (consulté le 6 septembre 2018) ; note supra 57.
16388 Voir notamment la contribution de Dekleermaker (M.), « Une histoire belge : la coopération en matière environnementale et climatique et la COP 21 » dans ce numéro spécial ; Paquin (S.), Kravagna (M.) et Reuchamps (M.), « International relations of minority nations: Quebec and Wallonia compared”, inReuchamps (M.) (ed.), Minority Nations in Multinational Federations: A comparative study of Quebec and Wallonia, Abingdon & New York: Routledge, 2015, pp. 160-180.
16489 Art. 218 § 6a TFUE.
16590 Art. 218 § 6b TFUE.
16691 Art. 218 § 3 TFUE.
16792 Cf. également 17 TUE. Sauf pour la PESC, ou l’UE est représentée par le Haut représentant pour la politique européenne et de sécurité commune.
16893 Wessel (R.A.), « Cross-pillar Mixity : Combining Competences in the Conclusion of EU International Agreements », op. cit., p. 51.
16994 Art. 218 § 11 TFUE.
17095 Cf. notamment la fameuse jurisprudence de la Cour de justice des années 1960 sur les particularités de l’ordre juridique de l’Union : CJCE, Aff. C-6/64, Costa c. ENEL, ECLI :EU :C :1964 :66 (principe de primauté du droit de l’Union sur le droit national) ; CJCE, Aff. C-26/62, Van Gend and Loos, ECLI :EU :C :1963 :1 (principe d’effet direct de certaines dispositions des traités) ; ainsi que sur la constitutionnalisation de l’ordre juridique de l’UE : CJCE, Aff. C-294/83, Les Verts c. Parlement européen, ECLI :EU :C :1986 :166.
17196 Art. 19 TUE et Art. 344 TFUE.
17297 Pour ne citer que quelques-uns, la Cour a notamment refusé le premier accord sur l’Espace économique européen (EEE) en 1991, CJCE, avis 1/91, ECLI :EU :C :1991 :490, pour accepter sa variante renégociée en 1992, CJCE ; avis 1/92, ECLI :EU :C :1992 :189 ; la Cour a également refusé le premier accord portant l’adhésion de la Communauté à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), CJCE, avis 2/94, ECLI :EU :C :1996 :140, suite aux modifications nécessaires apportées par le traité de Lisbonne, la Cour a encore refusé la deuxième variante de l’accord pourtant l’adhésion, CJUE, avis 2/13, ECLU :EU :C :2014 :2454.
17398 Klamert (M.), Loyalty and Mixed Agreements, op. cit.
17499 Accord de coopération et d’Union douanière entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Saint-Marin, JO L/114/132, 2002.
175100 Avec l’adhésion de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande en 1995, il a fallu que ces trois États ratifient également l’accord avec Saint-Marin, ce qui a fait au total 16 ratifications en 11 ans.
176101 Exemple notamment mis en valeur dans l’article de Maresceau (M.), op. cit., p. 23.
177102 Ibid., p. 13.
178103 Cf. supra.
179104 Leal-Arcas (R.), « The European Community and Mixed Agreements », op. cit., p. 497.
180105 Cremoan (M.), « External Relations of the EU and the Member States : Competence, Mixed Agreements, International Responsibility, and Effects of International Law », op. cit.
181106 CJCE, C-316/91, Conclusion de l’Avocat général Jacobs, ECLI :EU :C :1993 :872, cons. 69. La Cour dans son arrêt aboutit à exactement la même conclusion que l’Avocat général.
182107 CJCE, Conclusion de l’Avocat général Tesauro, C-53/96, Hermès International, ECLI :EU :C :997 :539, cons. 14 : « Dans ces conditions, on devrait admettre que les États membres et la Communauté constituent, à l'égard des pays tiers contractants, une seule partie contractante[ndr : nous surlignons] ou au moins des parties contractantes également responsables par rapport à une éventuelle inapplication de l'accord. La conséquence manifeste est que, dans une hypothèse de ce type, la répartition des compétences a une portée seulement interne [ndr : nous surlignons] (…) ».
183108 Selon lequel, aucune partie à un traité ne peut invoquer des dispositions de son droit interne pour se soustraire au respect de ses obligations conventionnelles.
184109 Kuijper (P.), « International Responsibility for EU Mixed Agreements », inHillion (C.) et Koutrakos (P.) (ed), Mixed Agreements Revisited: The EU and its Member States in the World, Oxford, Hart Publishing, 2010, pp. 208-228 ; Olson (P.), « Mixity from the Outside : the Perspective of a Treaty Partner », op. cit, p. 335.
185110 Pour citer l’exemple de déclaration de compétences : Declaration concerning the competence of the European Community with regard to matters governed by the UN Convention on the Law of the Sea of 10 December 1982 and the Agreement of 28 July 1994 relating to the implementation of Part IX of the Convention, 1 April 1998, UNTS 227.
186111 Voir les Annuaires de la Commission du droit international de ces années respectives. Voir également le Commentaire de Turp (D.) et Roch (F.), « Vienna Convention on the Law of Treaties – Article 6 », dans Corten (O.) et Klein (P.) (eds.), The Vienna Conventions on the Law of Treaties, Oxford, Oxford University Press, 2011, pp. 107-116.
187112 Dans le cadre de l’ONU a été ouverte à la signature une Convention de Vienne sur le droit des traités, en 1969, qui codifie les règles antérieurement coutumières qui régissent les traités entre États. En 1986 a été ouverte à la signature une Convention (de Vienne) sur le droit des traités entre États et Organisations internationales ou entre Organisations internationales ». Les textes et la structure de ces deux Conventions sont très similaires (voir Corten (O.) et Klein (P.), Les Conventions de Vienne sur le droit des Traités. Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2006).
188113 Le droit de la responsabilité internationale est, comme le droit des traités, principalement de nature coutumière ; cependant, contrairement au droit des traités, les travaux de codification de la Commission du droit international de l’ONU n’ont pas abouti à des traités. Il y a ainsi un « Projet d’article de la CDI sur la responsabilité internationale des États », approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU le 12 décembre 2001 (Res 56/83), et un projet d’article de 2011 sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la Commission du droit international à sa soixante-troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10, para. 87).
189114 Voir pour le texte de l’art. 4 du projet de la CDI la note 124, infra. Cette question a notamment été soulevée et systématiquement rejetée par la CIJ, notamment dans son avis consultatif du 26 avril 1988, Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies, avis consultatif, Recueil 1988, p. 12. ; et dans ses arrêts LaGrand ( C. I. J., 27 juin 2001, LaCrund (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), Recueil 2001, p. 466) et Avena (C.I.J., 31 mars 2004, Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats- Unis d'Amtrique), Recueil 2004, p. 12.
190115 Cette question de la répartition de la responsabilité entre l’UE et ses États membres est l’un des principaux problèmes qui a conduit la CJUE à considérer comme non conforme à l’esprit des Traités au fondement de l’Union la participation de l’UE – au côté de ses États membres, sous la forme d’un engagement conventionnel propre et distinct de celui de ces États membres, mais néanmoins parallèle – l’adhésion de l’UE à la CEDH. Voir CJUE, 18 décembre 2014, Avis 2/13, ECLI :EU :C :2014 :2454.
191116 La question de la capacité de conclure des traités n’avait pas été abordée par le premier rapporteur spécial sur la question. Le second Rapporteur spécial, Sir Humphrey WOLDOCK, propose dans un premier rapport un article 3 qui traite de la capacité de conclure des traités par des États indépendant(art. 3 § 1), des États membres d’une fédération ou d’une Union d’États (art 3 § 2), des États dépendant dont la conduite des relations internationales a été confiée à un autre État, et des organisations et institutions internationales qui ont une personnalité juridique propre (art. 3 § 4). Voir ACDI 1962, Vol. II, pp. 40-41. Une version resserrée de sa proposition sera soumise à l’Assemblée générale par la CDI (voir ACDI 1962, Vol. II, p. 179).
192117 En pratique, la question a fait l’objet de plusieurs décisions contradictoires. Dès 1951, la CDI avait considéré utile de limiter ses travaux aux traités entre États. Mais même lors de la première session de la Conférence diplomatique tenue à Vienne en 1968, la question a fait l’objet de débat. Voir sur cette évolution, Gauthier (P.), « Commentaire de l’art premier de la Convention de Vienne de 1969 », in Corten (O.) et Klein (P.) (dir.), op.cit., pp. 27-43.
193118 Art. 6 de la CVDT 1986. Voir le Commentaire de cet article dans l’ouvrage de Corten (O.) et Klein (P.) (dir.), op.cit, pp. 183-193.
194119 Leal-Arcas (R.), « The European Community and Mixed Agreements », op.cit., p. 502.
195120 Projet d’articles sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales et commentaires, Annuaire de la Commission du droit international, 1982, vol. II (2), p. 44.
196121 Projet d’articles sur la responsabilité internationale des organisations internationales adopté par la Commission du droit international à sa soixante-troisième session, en 2011 (Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II (2), respectivement ad art. 62 et 64).
197122 Art. 216 § 2 TFUE.
198123 Article 5 § 4 de la Constitution fédérale de la Suisse. La Constitution de la Belgique n’énonce pas explicitement ce principe, mais l’article 169 autorise les pouvoirs législatif et exécutif fédéraux à se substituer aux pouvoirs des communautés et régions pour garantir l’exécution des engagements internationaux ou supranationaux de la Belgique ; cela a donc le même effet en pratique. Article 25 de la Loi fondamentale de la RFA.
199124 Voir en ce sens les conclusions de l’avocat général Sharpston présentées le 21 décembre 2016 dans la demande d’avis relatif à l’Accord de libre-échange UE-Singapour, cons. 76 et 77.
200125 Ainsi le Projet d’article de la CDI sur la responsabilité internationale des États précise à son article 4 : « Le comportement de tout organe de l’État est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’État ». (Annexe à la résolution 56/83 de l’Assemblée générale en date du 12 décembre 2001, et rectifiée par document A/56/49 (Vol. I/Corr.3).
201126 Voir pour un cas de tentative de mise en œuvre d’une responsabilité solidaire de tous les États membres de l’UE pour une violation de la CEDH par les institutions de l’UE, l’affaire Senator Lines telle que portée devant la CEDH (Requête Senator Lines, Req. n° 56672/00) ; voir pour une analyse approfondie : Delphine CALONNE, En attendant Senator Lines, ...Réflexion sur une protection plurielle des droits de l'homme en Europe, Genève: Institut Européen de l'Université de Genève, 2003.
202127 Dans son avis 1/75 du 11 novembre 1975, la CJCE assimile les accords conclus par la CEE (à l’époque) a un acte des institutions ayant les mêmes caractéristiques juridiques, notamment pour ce qui concerne leur mise en œuvre et leur contrôle, que des actes de droit dérivé. Voir ci-dessus le point 1.1.2.
203128 En ce sens, Joël Rideau écrit : « La question du contrôle des « accords mixtes » est délicate. En retenant l’assimilation contestable faite par la Cour des accords à des actes des institutions, la solution la plus cohérente serait de distinguer dans l’ « accord mixte » ce qui relève de la compétence communautaire et qui est contrôlable et ce qui n’en relève pas et n’est par conséquent pas contrôlable. La mise en œuvre de la solution liant le contrôle à la nature des compétences pourrait en outre susciter des problèmes épineux en raison des conséquences et de la difficile divisibilité du sort de l’accord. » Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, LGDJ, 2010 (6e ed.), p. 309.
204129 Rosas (A.), « Mixed Union-Mixed Agreements », in Martti KOSKENNIEMI (edit.), International Law Aspects of the European Union, Kluwer Law International, 1998, p. 125.
205130 Voir supra note 12.
206131 Nous renvoyons à son brillant article (« Fédéralisme et souveraineté. Notes pour une théorie constitutionnelle de la Fédération », Revue de Droit public, n° 1-1998, pp. 104-112) pour une démonstration convaincante de cet argument.
207132 L’UE est partie à plus de 2 000 accords internationaux, tant bilatéraux que multilatéraux (voir : http://ec.europa.eu/world/agreements/viewClauseCollection.do), (consulté le 6 septembre 2018). Voir notamment pour les écrits sur la pratique conventionnelle de l’UE : Govaere (I.), Lannon (E.), Van Elsuwege (P.) et Adam (S.) (eds.), The European Union in the world : Essays in honour of Professor Marc Maresceau, Leiden, Martinus Nijhoff, 2014.
208133 Avis 2/15, Singapour, cité supra note 62, et la « demande d’avis présentée le 7 septembre 2017 par le Royaume de Belgique au titre de l’art. 218 § 11 (Avis 1/17), JOUE C 369/2 du 30.10.2017.
209134 Rosas (A.), op. cit., p. 374.
210135 L’Union européenne créée en 1992 n’avait juridiquement rien à voir avec l’UE que nous connaissons aujourd’hui. Elle ne constituait en effet qu’un cadre de coopération politique entre les États membres, au sein duquel la CE conservait sa propre subjectivité internationale. L’actuelle UE n’acquiert la personnalité juridique qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009. Les trois piliers (voir dans ce numéro la contribution de Nicolas Levrat sur l’UE) établis par le traité de Maastricht sont alors fusionné en une seule Union, et l’UE est substituée et succède à la Communauté européenne (voir TUE, art. 1 § 3).
211136 Comme le relèvent Turp et Roch dans leur commentaire de cet article de la Convention (voir supra note 110), la Commission et les États qui ont commenté les propositions de la Commission ont émis de nombreux doutes sur l’utilité et la pertinence d’un tel article ; voir loc. cit., pp. 169-170.
212137 L’art. 5 § 2 TUE rappelle que « En vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. Cependant, la Cour de justice des CE a admis que des compétences implicites en matière de relations extérieures pouvaient appartenir à la CEE (décision du 31 mars 1971, AETR).
213138 Rosas (A.), op. cit., p. 371.
214139 D’où la catégorisation que j’avais proposée en 2005, de considérer l’UE comme une « Fédération internationale ». Voir supra note 11 pour la référence complète.
215140 Wessel (R.), « Consequences of Brexit for International Agreements Concluded by the EU and its Member States », Common Market Law Review, Volume 55, 2018, pp. 101-132.
216141 Voir supra, point 1.2.1.
217142 Le premier volume de « European Papers » est quasi-entièrement consacré à la question de la « désintégration », 2016 ; voir : http://www.europeanpapers.eu/en/content/e-journal/archive, (consulté le 6 septembre 2018), Son éditorial et « overviews » par Christian Joerges, ont respectivement été consacrés à « Disintegration Through Law ? » et « A disintegration of European Studies ? ». Voir également : Turk (M.), « Implications of European Disintegration for International Law », Columbia Journal of European Law, 2011, notamment p. 23.
218143 ACDI, 1962, Vol. ii, 1er Rapport Waldock, pp. 40-41.