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- Volume 20 : 2020
- Trente ans de dynamiques fédérales et régionales
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Gouvernance multi-niveaux, groupes d’intérêt et politiques publiques en Europe
Résumé
Cet article examine les dynamiques d’organisation et d’action des groupes d’intérêt dans un contexte caractérisé par le développement de plus en plus important d’un mode particulier d’action publique : la gouvernance-multi-niveaux. Cet état des lieux des recherches sur la question s’appuie sur la littérature traitant des effets de l’européanisation sur les groupes d’intérêt mais aussi sur les travaux (plus rares) portant sur la régionalisation de la représentation d’intérêts. L’article présente les connaissances existantes et fait le constat de connaissances fragmentées à propos des effets de la gouvernance multi-niveaux sur la représentation d’intérêts. Des pistes de recherche sont développées et visent une compréhension intégrée de l’action et de l’organisation des groupes d’intérêt dans un contexte marqué par l’interpénétration des niveaux de pouvoir. La proposition centrale est de dépasser les analyses entre niveaux « régional–national » d’un côté, et « national–européen » de l’autre, pour les articuler afin d’étudier les dynamiques « régional–national–européen ».
Table of content
1. Introduction
1La gouvernance et l’action publique dépassent aujourd’hui largement le cadre de l’État-nation. Sous l’effet d’un double processus de régionalisation et d’européanisation, les politiques publiques sont élaborées et mises en œuvre à différents niveaux de pouvoir. Dans les pays membres de l’Union européenne (UE), l’échelon nationale n’occupe dès lors plus toujours un rôle central dans l’action publique (Egeberg et Trondal, 2016). En réaction et en accompagnement de ce processus qui n’est pas récent (Marks, Hooghe, et Blank, 1996) et qui continue de se développer aujourd’hui, l’organisation et l’action des groupes d’intérêt ont également évoluées. Cet article a pour objectif d’établir un état des connaissances à propos des groupes d’intérêt qui évoluent dans un contexte de gouvernance multi-niveaux et d’offrir des pistes de recherches pour une compréhension globale de l’évolution de l’action de ces organisations qui dépassent les analyses isolées entre niveaux de pouvoir – ou limitées à deux niveaux – et permettent d’étudier les dynamiques des groupes d’intérêt et de l’action publique dans une perspective intégrée qui considère à la fois les réalités régionales, nationales et européennes.
2L’article s’organise en trois parties. D’abord, nous revenons sur les enjeux de l’analyse des groupes d’intérêt et de leur influence sur l’action publique dans un contexte caractérisé par la gouvernance multi-niveaux. Ensuite, l’article offre un état des lieux des connaissances relatives à l’activité de ces organisations dans un contexte marqué par des processus de régionalisation et d’européanisation de l’action publique. Cette seconde partie met en évidence le caractère fragmenté de cette littérature qui compte peu de travaux s’attachant à analyser les groupes d’intérêt dans une perspective réellement multi-niveaux, et qui se limitent souvent à examiner d’un côté, les dynamiques « régionales–nationales », ou de l’autre, et en grande majorité, les dynamiques « nationales–européennes ». La troisième partie de l’article propose dès lors des pistes de recherches qui visent à bâtir une compréhension globale des dynamiques d’action et d’organisation des groupes d’intérêt. La conclusion met en lumière la manière dont une connaissance plus approfondie de l’action des groupes d’intérêt contribue à une meilleure compréhension de la fabrique des politiques publiques dans un contexte de gouvernance multi-niveaux.
2. Les groupes d’intérêt et l’action publique : enjeux en contexte multi-niveaux
3De manière générale, les groupes d’intérêts peuvent être définis comme des organisations qui « cherchent à influencer les politiques publiques » (Lindblom, 1977, p. 85). Ces acteurs partagent trois caractéristiques : l’organisation, l’intérêt politique et le caractère informel de leurs activités (Beyers, Eising, et Maloney, 2008). Les groupes d’intérêt sont des acteurs organisés de manière structurelle et ne sont donc pas des mouvements sociaux ou des opinions publiques conjoncturelles. L’objectif d’un groupe d’intérêt est d’influencer les politiques publiques dans un ou plusieurs systèmes politiques (local, régional, national, international). Enfin, à l’opposé par exemple des partis politiques, les groupes d’intérêt agissent de manière informelle1, c’est-à-dire qu’ils ne visent pas l’occupation directe de mandats publics, que ce soit dans les organes législatifs, judiciaires ou dans l’administration. On peut ajouter à ces trois caractéristiques distinctives, le fait que les groupes d’intérêt sont des acteurs collectifs qui ont pour objectif principal de promouvoir les intérêts de leurs membres ou d’une communauté d’acteurs vis-à-vis des institutions publiques (Jordan, Halpin, et Maloney, 2004). Cette dernière caractéristique permet d’isoler les groupes d'intérêt des organisations d'intérêt qui, elles, visent également à influencer sporadiquement ou structurellement les politiques publiques, mais qui ont des objectifs premiers différents : tels que les entreprises qui visent à maximiser les profits ou les instituts de recherche qui produisent des connaissances et de l’expertise (Eising, 2017, p. 296).
4Si les groupes d’intérêt visent à influencer les politiques publiques dans l’intérêt de leurs membres ou d’une communauté d’acteurs dont ils organisent et agrègent les positions, les dernières décennies ont été marquées par des changements substantiels de l’environnement politique dans lequel ils exercent leurs activités. En effet, depuis les années 1970 de manière particulièrement visible, on peut observer une dispersion du pouvoir politique des centres politiques nationaux vers l’échelon européen et l’échelon régional. Ce double processus, concomitant et partiellement lié, d’européanisation et de régionalisation, a conduit à une réallocation de certaines compétences de politiques publiques entre ces différents échelons de gouvernement. Ainsi, des réformes majeures à l’échelon européen ont nourri l’européanisation des politiques publiques nationales et infranationales (cf. par exemple: Cowles, Caporaso, et Risse, 2001; Falkner, Treib, Hartlapp, et Leiber, 2005; Graziano, Jacquot, et Palier, 2013; Saurugger et Radaelli, 2008; Saurugger et Terpan, 2019). De manière synthétique, l’indice d’européanisation des législations nationales construit par Brouard, Costa, et König (2012) permet d’illustrer ces évolutions. Généralement, la part de la législation nationale qui est « européanisée », c’est-à-dire qui a pour origine une législation européenne, n’a cessé de croitre lors des dernières décennies (Brouard et al., 2012). Dans les pays étudiés2, elle a fluctué d’environ 6% en 1987, puis a augmenté jusqu’à près de 21% en 1993. Depuis 1996, la part de lois nationales étant européanisées a augmenté d’année en année et atteint environ 29% en 2005. On observe des variations nationales, mais aussi des différences sectorielles assez nettes, certains secteurs étant caractérisés par une européanisation plus grande des législations nationales, comme l’agriculture ou les politiques macroéconomiques, que d’autres, tels la défense et le logement. En parallèle, à la suite de réformes institutionnelles dans de multiples États-membres, les gouvernements des échelons régionaux ont acquis de nouvelles compétences en particulier concernant les politiques économiques et sociales (Dupuy, 2020; Jeffery, Pamphilis, Rowe, et Turner, 2016; Keating, 2013; Keating et McEwen, 2005; McEwen et Moreno, 2005; Pasquier, 2015). L’indice d’autorité régionale, construit par Hooghe et al. (2016) permet de documenter cette évolution de manière synthétique là-aussi. Cet indice considère à la fois la capacité des gouvernements régionaux à prendre des décisions sur leur propre territoire en matière législative, budgétaire, fiscale et de politiques publiques, et à participer à la prise de décision au niveau national. On observe ainsi que depuis 1950, l’autorité régionale s’est accrue dans 29 pays sur les 42 pays de l’OCDE inclus dans l’enquête et n’a diminué que dans deux d’entre eux3 (Marks et al., 2008).
5 Pour capturer ces évolutions empiriques marquées par une dispersion de l’autorité et une interpénétration de plusieurs niveaux de pouvoirs (Hooghe et Marks, 2001), la notion de gouvernance multi-niveaux a été développée. En Europe, ce concept décrit des situations où l’État reste un acteur souvent important des processus d’élaboration et de mise en œuvre de l’action publique, mais où il se trouve inséré dans des réseaux d’interdépendance avec d’autres acteurs publics situés à plusieurs échelons territoriaux, l’Union européenne et les régions, ainsi qu’avec des acteurs non publics avec lesquels il s’engage dans des négociations et des compromis (pour une discussion synthétique, cf. par exemple: Bache et Flinders, 2004; Dandoy, Van Wynsberghe, et Perrin, 2008; Hooghe et Marks, 2001; Hufty, 2007; Le Galès, 1995; Marks, 1993; Mathieu, 2008). Cette notion incite ainsi à être attentif aux transformations de l’État et de l’action publique et à la question des interdépendances entre les acteurs publics – et privés – situés à un même niveau de pouvoir ou à plusieurs échelons de gouvernement (Vercauteren, 2007).
6 Quels enjeux présentent dès lors ces changements dans l’allocation du pouvoir politique et de la capacité à élaborer des politiques publiques pour les groupes d’intérêt ? Les principaux cadres d’analyse des groupes d’intérêt suggèrent que l’ensemble de leurs activités est affecté, ce qui les a amené à s’adapter aux évolutions de l’action publique afin de mieux atteindre leurs objectifs organisationnels et notamment d’assurer la survie de leurs structures (Gray et Lowery, 1996; Witjas, Hanegraaff, et Vermeulen, 2020).
7 Considérons la distinction classique introduite par Schmitter et Streek entre la logique d’adhésion et la logique d’influence des groupes d’intérêt (1999). Ils montrent que ces derniers se structurent et agissent de manière telle à offrir des incitants à leurs membres – qui sont leurs fournisseurs de ressources nécessaires à leurs activités – afin qu’ils perpétuent leur adhésion à l’organisation. Ainsi, beaucoup de groupes d’intérêt vont informer leurs membres, non seulement des évolutions législatives et réglementaires qui les concernent, mais vont aussi diffuser des informations techniques, organiser l’échange de bonnes pratiques ou assurer des formations. Certains groupes offriront d’autres services à leurs membres, telles que la provision d’assurances, de conseils juridiques ou de gestion. Indéniablement, le caractère multi-niveaux de l’environnement dans lequel les groupes d’intérêt sont insérés vient affecter ces logiques d’adhésion en redéfinissant notamment la nature des informations échangées. Le changement est encore plus visible dans le cas de la logique d’influence. En effet, les groupes agissent également dans l’objectif d’assurer la possibilité pour leurs membres d’influencer les décisions publiques, et ainsi acquérir des résultats politiques (tels qu’une reconnaissance officielle, des concessions législatives, des subsides, …) qui aideront leurs membres à atteindre leurs propres objectifs, que ceux-ci soient des individus, des entreprises ou d’autres organisations d’intérêt. Les groupes d’intérêt vont ainsi s’informer des possibles évolutions politiques, établir une stratégie d’influence, rédiger des propositions et déclarations politiques, contacter les médias, rencontrer les décideurs ou encore participer à des réunions d’information (Koutroubas et Lits, 2011). Toutes ces activités sont évidemment transformées par les évolutions de la gouvernance dans un système multi-niveaux, où les échelons européen et régionaux ont acquis des compétences de politiques publiques.
8 De la même manière, le cadre d’analyse développé par Lowery et Gray (2004, p. 164), qui permet de mieux circonscrire les étapes de formation, d’organisation et d’action des groupes au sein des systèmes politiques, indique également combien le « processus de production de l’influence » est directement affecté par le contexte multi-niveaux dans lequel opèrent les groupes d’intérêt. Les recherches qui portent sur la première étape que sont l’action collective et la mobilisation traitent des enjeux de formation et d’organisation des groupes d’intérêt. Ces travaux soit s’inscrivent dans la lignée du travail fondateur d’Olson (1965) sur l’action collective, soit en critiquent les conclusions. La structuration de l’action collective à plusieurs échelons de gouvernement rend certainement plus aigüe les difficultés pointées par Olson. En ce qui concerne la deuxième étape, centrée sur la survie des groupes d’intérêt parmi la population des organisations existantes, les enjeux centraux portent sur « l’encombrement » ou la densité des groupes d’intérêt au sein des systèmes politiques. Les chercheurs s’interrogent notamment sur la manière dont la croissance du nombre de groupes d’intérêt est (ou non) limitée par la densité des organisations déjà actives dans chaque système (Berkhout et al., 2015; Berkhout et Lowery, 2011). A cette étape également, le caractère multi-niveaux des échelles d’action des groupes d’intérêt renforce ces préoccupations liées à l’encombrement des systèmes politiques. La troisième étape concerne les stratégies d’action déployées par les groupes d’intérêt et l’accès de ces groupes aux décideurs publics. Elle est une condition nécessaire, mais non suffisante, de l’influence sur les politiques publiques, qui constitue la quatrième étape4 (Dür et De Bièvre, 2007). La multiplication des échelons de gouvernement renforce les enjeux liés au choix des stratégies d’action, et de leur combinaison (phénomène de « venue shopping », cf. par exemple: Beyers et Kerremans, 2012), rendant plus incertains les effets de la mobilisation des groupes d’intérêt sur l’action publique. En somme, l’environnement multi-niveaux des groupes d’intérêt peut affecter chacune des dimensions du processus de production de l’influence.
9En conclusion de cette section, une précision s’impose quant à l’usage que nous proposons de ces différents cadres conceptuels, qu’il s’agisse des étapes du processus de production de l’influence, ou de la distinction entre logique d’adhésion et logique d’influence. Ces distinctions de nature théorique permettent de mieux saisir les objectifs des groupes d’intérêt et d’analyser les contraintes avec lesquels ils travaillent et s’organisent. Toutefois, ces catégories conceptuelles dénotent de réalités qui sont empiriquement liées et imbriquées. Elles ne doivent donc pas être considérée comme exclusives, ou mutuellement excluantes. La mobilisation et la structuration d’un groupe d’intérêt sera ainsi influencée par ses activités d’influence dirigée vers les institutions publiques. De même, les stratégies de lobbying d’un groupe seront influencées par l’organisation interne de sa structure. Par conséquent, les différentes étapes du processus de production de l’influence sont liées de manière complexe. Dans le même esprit, la logique d’adhésion peut servir les nécessités de la logique d’influence et vice-versa. En somme donc, ces cadres d’analyse des groupes d’intérêt nous permettent d’insister sur les effets profonds qu’exercent les dynamiques multiniveaux d’élaboration et de mise en œuvre de l’action publique sur les activités des groupes d’intérêt. Nous les explorons plus avant dans la partie suivante.
3. Des connaissances fragmentées à propos de l’organisation et de l’action des groupes d’intérêts dans un contexte de gouvernance multi-niveaux
10La littérature sur l’organisation et l’action des groupes d’intérêt dans un contexte de gouvernance multi-niveaux reste parcellaire. En effet, si l’on se réfère au cadre d’analyse de Lowery et Gray (2004, p. 164) sur les étapes du processus de production de l’influence (cf. partie 2), les travaux réalisés à ce jour portent principalement sur les étapes ultérieures de ce processus, à savoir les actions de lobbying et d’influence sur les politiques publiques, et cela aux niveaux national et européen. Cette section offre d’abord un aperçu des recherches analysant les effets de l’européanisation de l’action publique sur l’activité des groupes d’intérêt. Elle poursuit en s’intéressant aux travaux consacrés aux effets de la régionalisation sur ces organisations. Elle expose enfin les résultats des (rares) travaux qui appréhendent de manière intégrée les effets de l’européanisation et de la régionalisation de la gouvernance sur l’action des groupes d’intérêt. Il faut noter que dans cette partie, la discussion porte uniquement sur les recherches qui traitent des effets du développement de la gouvernance multi-niveaux sur l’organisation et l’action des groupes d’intérêt et analysent au moins deux échelons territoriaux. Les travaux, majoritaires, qui portent sur les activités strictement nationales ou européennes des groupes d’intérêt ne sont dès lors pas couverts ici (pour un aperçu de l'état de l'art à propos du lobbying européen, cf. par exemple: Bunea et Baumgartner, 2014).
11Si de nombreux travaux s’attachent à analyser comment les groupes d’intérêt nationaux s’adaptent au processus d’européanisation de l’action publique (Kanol, 2015; Sanchez Salgado, 2014; Sanchez Salgado et Demidov, 2018), à l’échelle du champ de recherche plus large sur les groupes d’intérêt en Europe, cet objet de recherche peut encore aujourd’hui être qualifié de sujet négligé (Eising, Rasch, et Rozbicka, 2017). Un des questionnements centraux de ce champ de recherche porte sur l’effet des environnements domestiques sur l’(absence d’) actions des groupes d’intérêt nationaux auprès des institutions de l’UE (Beyers, 2002; Eising, 2008; Klüver, 2010). Selon l’hypothèse de la « compensation », l’européanisation de l’action publique permet d’étendre la structure d'opportunité politique des groupes d’intérêt. L’échelon européen, ayant acquis et acquérant de nouvelles compétences, constitue une arène d’influence potentielle qui s’avèrerait particulièrement attrayante pour les groupes d’intérêt issus de systèmes politiques nationaux dont les structures d’opportunité politique n’octroieraient pas un accès suffisant aux processus de décisions (Fairbrass et Jordan, 2001). Dans ce cas, les groupes seraient incités à diriger leurs stratégies de lobbying vers l’Union européenne. A l’opposé, selon l’hypothèse de « l’effet d’entraînement positif », les groupes d’intérêt qui agissent dans des systèmes politiques domestiques ouverts à leur participation à la prise des décisions seraient plus actifs auprès de l’UE (Beyers, 2002). Cet effet sera d’autant plus important que le système d’intermédiation d’intérêt domestique ressemble à celui de l’échelon européen, et sera moins prégnant si le système national est structuré différemment (Quittkat, 2002). Les groupes ayant intégré une logique d’action au sein des arènes nationales, pourront la reproduire dans les arènes européennes et seront alors plus ou moins adaptés au fonctionnement de l’échelon européen.
12Les résultats des analyses empiriques de ces hypothèses contradictoires ne permettent pas de trancher dans l’un ou l’autre sens, les résultats de différentes études offrant des résultats discordants (Eising, 2008). Par exemple, dans une étude menée sur les groupes d’intérêt agricole allemands et français, Klüver (2010) vérifie l’hypothèse de la compensation. L’auteure montre comment les groupes français, faisant face à un environnement domestique centralisé et étatique peu enclin à les consulter, investissent d’avantage l’arène européenne que les groupes allemands. Ces derniers bénéficient d’un accès plus privilégié aux arènes de décisions nationales et se tournent donc moins vers l’échelon européen pour faire entendre leur voix. Cette étude montre également qu’un niveau de ressources élevé est une condition nécessaire pour accéder à l’échelon européen (cf. ci-dessous). Dans un autre registre d’action, qui concerne non plus les actions visant à influencer les décisions publiques mais à bénéficier de financements publics, Sanchez Salgado (2017) montre comment la diminution des subsides nationaux suite à la crise financière de 2008 a entrainé l’européanisation de certaines organisations nationales. Les organisations de la société civile espagnoles ont ainsi compensé les pertes subies par un niveau national fermé à leurs demandes en se tournant vers les structures d’opportunités européennes non investies précédemment.
13De manière contradictoire, Beyers et Kerremans (2012) vérifient eux l’hypothèse de « l’effet d’entraînement positif ». Ils montrent ainsi que la stratégie de groupes d’intérêt nationaux en Belgique, en France, aux Pays-Bas, et en Allemagne est d’abord de s’assurer un accès aux décideurs nationaux avant d’étendre leur périmètre d’action aux acteurs européens. Ils expliquent néanmoins que les groupes agissant dans des systèmes domestiques néocorporatistes sont habitués à bénéficier de l’oreille attentive des dirigeants et n’auraient donc plus les capacités de développer des stratégies d’influence à un nouvel échelon de pouvoir5. Au contraire, les groupes d’intérêt socialisés dans un environnement étatique sont plus à même de développer des compétences pour « enfoncer la porte » d’instances décisionnelles au niveau européen car ils sont habitués à faire face à des décideurs politiques qui ne prennent pas facilement en compte leurs positions (Beyers et Kerremans, 2012, pp. 285-286). Ces résultats font échos aux observations des travaux de Quittkat sur les organisations professionnelles françaises selon lesquelles ces dernières usent de stratégies « bien adaptées au système européen à niveaux multiples et à sa gouvernance en réseaux orientée vers la fonctionnalité. Bien qu’elles aient pour origine la logique d’influence étatique propre à la France, elles s’adaptent particulièrement bien à la logique d’influence communautaire » (Quittkat, 2002, p. 87).
14Au-delà de ce débat central sur l’effet des systèmes domestiques d’intermédiation d’intérêts sur l’action des groupes d’intérêt déployée ou non sur plusieurs niveaux, la littérature met également en avant d’autres facteurs structurant les stratégies des groupes dans un contexte multi-niveaux. Les effets des ressources financières des groupes d’intérêt, de leur représentativité, des secteurs de politiques publiques dans lesquels ils sont actifs, ou encore de l’ancienneté de l’adhésion de leur état d’origine à l’UE sur leur propension à mener des activités à l’échelon européen en font partie (Eising et al., 2017). Plusieurs travaux mettent ainsi en avant la nécessité de ressources financières importantes pour mener des activités de lobbying au niveau de l’UE (Dür et Mateo, 2012, 2014; Eising, 2007; Kohler-Koch et Friedrich, 2019). En ce qui concerne la représentativité des groupes, Kohler-Koch, Kotzian, et Quittkat (2017) constatent par exemple que les groupes d'intérêt économique nationaux qui représentent une part plus importante de leurs membres potentiels sont plus susceptibles d'avoir accès aux institutions européennes que les groupes qui sont moins représentatifs. Enfin, les groupes d’intérêt de pays « nouveaux adhérents » sont moins actifs au niveau européen que les groupes originaires de « vieux États-membres » (Carroll et Rasmussen, 2017; Hafner-Fink et al., 2016; Kohler-Koch et Friedrich, 2019).
15D’autres travaux, beaucoup moins nombreux, portent sur les effets de la régionalisation sur l’action et l’organisation des groupes d’intérêt (Keating et Wilson, 2014). Ces travaux s’inscrivent dans un courant de recherche qui analyse le « redimensionnement » (rescaling) des acteurs publics et des politiques publiques. Cela fait référence au déplacement des systèmes sociaux, économiques et politiques vers de nouveaux espaces territoriaux depuis les États vers des échelons infranationaux ou supranationaux (Keating, 2013). L’enjeu de ces recherches est notamment d’analyser si et comment les régions deviennent des systèmes d’action publique qui suivent des logiques propres et constituent des lieux de négociation collective et de compromis social. C’est dans le cadre de cette réflexion générale que la question des effets de ce redimensionnement régional sur l’évolution des systèmes d’intermédiation d’intérêts ou sur l’organisation et l’action des groupes d’intérêt a émergé (cf. les différents articles présentés dans Keating, 2014). Par exemple, Wilson (2014) montre comment le processus de décentralisation en Italie et les tendances politiques des différents gouvernements régionaux a mené à l’apparition de différents systèmes d’intermédiation d’intérêts dans chaque région : pluraliste en Lombardie, néocorporatiste en Toscane et clientéliste en Campanie. Dans le cas de la Belgique, Bouteca et Devos (2014) ont analysé l’évolution de la représentation d’intérêts dans un contexte marqué par un processus de fédéralisation centrifuge continu. De nombreux groupes d'intérêt belges ont des origines régionales et se sont ensuite organisés à l’échelon national. D’autres groupes, précédemment « unitaires », se sont eux « régionalisés » pour répondre au processus de régionalisation de l’action publique. Dans l’ensemble, la fédéralisation a accentué la régionalisation des groupes. Néanmoins, le néocorporatisme au niveau de l'État est toujours bien en place, ce qui amène les groupes d’intérêt à rester également structurés et actifs à l'échelle nationale (cf. aussi: Willems, Beyers, et Heylen, 2020). Les auteurs en concluent que le processus de fédéralisation en Belgique a produit un modèle extrêmement complexe de représentation des intérêts. Dans l’ensemble, on observe que ce pan restreint de la littérature sur les groupes d’intérêt qui porte sur les effets de la régionalisation sur les groupes d’intérêt traite essentiellement des étapes premières du processus de production de l’influence (mobilisation et action collective), plutôt que sur les étapes ultérieures (actions de lobbying, accès des groupes aux institutions et influence sur les politiques publiques), contrairement à la littérature plus générale sur les groupes d’intérêt. Le déséquilibre des connaissances sur les groupes d’intérêt et l’action publique aux échelons européen-national et national-régional est patent.
16Enfin, un troisième ensemble de travaux doit être mentionné : les rares recherches qui travaillent à la fois sur les effets de l’européanisation et de la régionalisation de l’action publique sur l’action des groupes d’intérêt. López et Tatham (2017) partent du constat que les processus de régionalisation ont encouragé les communautés de politique à réorganiser leurs activités à différent niveaux de pouvoir. Ainsi, certains groupes d’intérêt régionaux se sont adaptés et ont intégré l’existence des structures, des compétences et des pouvoirs des gouvernements régionaux (Keating et Wilson, 2014). López et Tatham (2017) interrogent l’effet de cette régionalisation des groupes d’intérêt sur l’européanisation de leurs activités. En analysant des groupes d’intérêt de Catalogne, de Toscane et du Pays de Galles, ils arrivent à la conclusion que les groupes d'intérêt qui opèrent dans des régions plus fortement régionalisées (c’est-à-dire des régions qui jouissent de plus de compétences propres) développent davantage d’activités au niveau européen que ceux opérant dans des régions qui le sont moins. Ils l’expliquent par un processus de mimétisme entre groupes d’intérêt et gouvernements régionaux : le niveau élevé d’activités européennes des gouvernements régionaux fortement régionalisés (Tatham, 2017) servant d’exemple aux groupes d’intérêt évoluant dans ces régions, ce qui les amène, à leur tour, à développer des activités à Bruxelles (López et Tatham, 2017).
17 Au total, l’analyse de l’état de l’art sur les effets de la gouvernance multi-niveaux sur la représentation d’intérêts met donc clairement en évidence un déséquilibre de traitement des différents échelons territoriaux ainsi que des différentes étapes du processus de production de l’influence (Lowery et Gray, 2004). Face à cet état de l’art, la prochaine section s’attache à proposer différentes pistes de recherche pour développer les connaissances sur les effets de la gouvernance multi-niveaux sur l’organisation et l’action des groupes d’intérêt.
4. Pistes de recherche pour une compréhension intégrée des groupes d’intérêt en contexte multi-niveaux
18Cette troisième et dernière partie vise à exposer des pistes de recherche possibles pour bâtir une compréhension générale des dynamiques d’action et d’organisation des groupes d’intérêt dans un contexte de gouvernance multi-niveaux. Ces propositions sont d’ordre empirique, méthodologique et théorique. D’un point de vue empirique, nous proposons de développer plus avant l’étude des effets de la gouvernance multi-niveaux sur les logiques d’adhésion et les enjeux de mobilisation et de survie organisationnelle des groupes d’intérêt. Sur le plan méthodologique, le développement d’analyses comparées systématiques de cas apparaît comme une piste particulièrement attrayante pour faire avancer la connaissance sur ces sujets. Enfin, sur le plan théorique, le dialogue entre la littérature sur la régionalisation de la représentation d’intérêts (porté par le champ des Territorial Politics) et la littérature sur l’européanisation des groupes d’intérêt (porté par le champ des EU studies) se révèle prometteur. Ces trois points sont successivement présentés dans les paragraphes suivants.
19Afin d’examiner les pistes de recherches au sein du champ encore largement inexploré que constitue les effets de la gouvernance multi-niveaux sur l’action et l’organisation des groupes d’intérêts, il est utile de revenir d’abord sur quelques grandes tendances de la littérature sur les groupes d’intérêt en général. Alors que l’étude des groupes d’intérêt est demeuré longtemps une niche (Baumgartner et Leech, 1998; Beyers et al., 2008), le champ est maintenant animé par une communauté établie et de plus en plus importante en terme de nombre d’auteurs, mais aussi de publications et de citations (Pritoni et Vicentini, 2020). Parmi ces travaux, une très grande majorité (75%)6 porte sur les activités de lobbying, l’accès aux institutions publiques et l’impact effectif des groupes sur les politiques publiques, c’est-à-dire les étapes ultérieures du processus de production de l’influence (Lowery et Gray, 2004, p. 164; Milet, 2017). Cette tendance générale semble aussi se refléter dans les études portant sur les effets de la gouvernance multi-niveaux sur les groupes d’intérêt, à l’exception notoire des travaux portant sur la régionalisation de la représentation d’intérêts. Comme présenté dans la section précédente, la majorité des travaux porte en effet sur les évolutions des stratégies d’influence et analyse les phénomènes de « venue shopping », de contournement ou non des arènes nationales pour investir la bulle européenne, et l’extension des activités de lobbying à plusieurs niveaux de pouvoir. Dès lors, l’influence du contexte multi-niveaux sur les premières étapes du « processus de production de l’influence » (Lowery et Gray, 2004, p. 164) restent un pan moins exploré de la réalité des groupes d’intérêt. Peu de travaux portent sur les modes d’action collective et la mobilisation des groupes d’intérêt dans un contexte multi-niveaux, ainsi que sur les activités destinées au maintien des organisations et leur survie au sein de la population des organisations d’intérêt, et notamment sur les actions menées dans une logique d’adhésion. Ces différents sujets constituent donc des voies de recherche inexplorées mais qui sont pourtant cruciales pour mieux comprendre les effets de la gouvernance multi-niveaux sur les groupes d’intérêt. Ainsi, il serait notamment intéressant de connaitre de manière approfondie comment l’européanisation et la régionalisation de l’action publique agissent sur les structures internes des groupes d’intérêt, et tout particulièrement ceux organisés en associations parapluie au niveau régional, national ou européen. Dans un système multi-niveaux, les chaines de délégation se multiplient entre groupes locaux, régionaux, nationaux et européens. Les effets de ces chaines de délégation sur la représentativité et la légitimité de chaque organisation sont des sujets qui restent encore peu étudiés, à tout le moins en prenant en compte tous les niveaux de pouvoir (pour un aperçu d'analyses portant sur les niveaux national-européen, cf. par exemple: Defacqz, 2018; Kröger, 2016). Dans l’ensemble, si l’étude de l’influence des groupes sur les politiques publiques reste le Graal de beaucoup de chercheurs dans le champ de l’étude de la représentation d’intérêts, l’impact des groupes sur l’action publique ne peut pas se comprendre en faisant l’impasse sur les modes de mobilisation et d’organisation « interne » des acteurs à l’origine de ces effets, et notamment sur les liens et les tensions qui existent entre la logique d’influence et la logique d’adhésion au sein des groupes d’intérêt (sur les limites d'un focus unique sur la seule logique d'influence, cf. également: Milet, 2017). La première voie de recherche proposée ici est donc de développer les études sur les effets de la gouvernance multi-niveaux sur les logiques d’adhésion des groupes et sur les enjeux de mobilisation et de survie organisationnelle de ces structures.
20En outre, du côté méthodologique, la littérature sur les groupes d’intérêt se caractérise par une majorité de travaux basés sur des études statistiques portant sur des N larges – mobilisant le plus souvent des régressions multivariées (Pritoni et Vicentini, 2020, p. 6). Les designs de recherche structurés autour d’études de cas sont également bien représentés, mais dans une moindre mesure (alors que ce type de méthode était le plus souvent mobilisé par le passé; Beyers et al., 2008). A nouveau, ces grandes tendances se reflètent dans les recherches portant sur les effets de la gouvernance multi-niveaux sur les groupes d’intérêt. Or, à mi-chemin entre ces deux pôles qualitatif et quantitatif, une troisième voie a été négligée jusqu’ici (Colli, 2020) : l’analyse comparée systématique de cas (Rihoux, de Meur, Marx, van Hootegem, et Bursens, 2004). Cet ensemble de méthodes comparatives qui adoptent une conception configurationnelle des cas (telles que QCA, pour Qualitative Comparative Analysis) permettent à la fois de mettre en évidence des mécanismes causaux propres à chaque cas, mais aussi d’identifier des tendances et des modèles valables pour un ensemble de cas. Alors que ces approches sont mobilisées dans le champ de l’analyse de politiques publiques ou de recherches organisationnelles (Fiss, Cambré, et Marx, 2013; Rihoux, Rezsöhazy, et Bol, 2011), les études des groupes d’intérêt ne les ont que très peu exploitées jusqu’ici (Colli, 2020). Elles sont pourtant particulièrement pertinentes pour étudier la manière dont les organisations prennent des décisions dans des environnements complexes et multi-niveaux. Le recours à ces méthodes permettrait par exemple d’étudier les effets de conditions de différents types, et de leurs combinaisons, sur les actions de ces organisations et, ainsi, de prendre en compte à la fois les environnements domestiques des groupes, leurs ressources, et les secteurs de politiques dans lesquels ils sont actifs, et d’analyser les combinaisons de ces différents éléments. Ces méthodes seraient ainsi particulièrement heuristiques pour étudier les effets combinés de l’européanisation et de la régionalisation de l’action publique sur les groupes d’intérêt, tout en assurant un certain degré de montée en généralité qui permet la théorisation nécessaire à la structuration d’un champ de recherche.
21Enfin, nous avons vu dans la section précédente que la littérature s’intéresse principalement aux échelons nationaux et européens et, par-là, au processus d’européanisation. En comparaison, le nombre limité de travaux s’attachant à étudier les effets de la régionalisation sur la représentation d’intérêts appelle à un développement plus avant de telles analyses. De plus, un dialogue plus direct entre la littérature sur la régionalisation de la représentation d’intérêts – portée principalement par des chercheurs issus du champ des Territorial Politics – et la littérature plus développée sur l’européanisation des groupes d’intérêt semble prometteur, voire nécessaire, pour comprendre les effets de la gouvernance multi-niveaux sur les groupes d’intérêt. La mise en commun des développements théoriques de ces deux littératures jusqu’ici relativement isolées permettrait d’acquérir une compréhension globale des évolutions du lobbying en Europe. Ces pistes futures pourraient se déployer dans des travaux qui analysent à la fois les effets des processus de régionalisation, mais aussi d’européanisation de l’action publique sur la représentation d’intérêts, telle que l’analyse exploratoire développée par López et Tatham (2017). Dans la lignée des travaux de Wilson (2014) sur le contexte italien ou de Bouteca et Devos (2014) sur la Belgique, il serait par exemple intéressant d’étudier les effets de processus de régionalisation différenciés sur l’organisation et l’action des groupes d’intérêt aux différents niveaux de pouvoir. Dans le même ordre d’idée, une analyse comparée des effets des systèmes institutionnels (par exemple, centralisé vs décentralisé) semble également intéressante. A ce titre, la prise en compte des effets de différents « arrangements fédératifs » (de Briant, 2009) sur la structure et les acticités des groupes d’intérêt aux niveaux régional, national et européen apparait important.
22En conclusion, on notera que les pistes de recherches présentées de manière transversale dans les paragraphes précédents permettraient de mieux comprendre le rôle des groupes d’intérêts dans les systèmes politiques et la pertinence de leurs actions au regard de l’évolution de l’action publique. Dans le contexte actuel marqué par des gouvernants qui cherchent à restaurer la confiance érodée des citoyens envers les institutions publiques (Dalton, 2004) et le déclin de la fonction de représentation des partis politiques (Mair, 2013), les groupes d'intérêt sont des acteurs qui apparaissent comme potentiellement capable renforcer de la réactivité des autorités publiques. En effet, leur fonction de courroie de transmission peut participer à une meilleure circulation des demandes des citoyens, de la société civile et des acteurs économiques vers les institutions en charge d'élaborer les politiques publiques (Albareda, 2018; Flöthe, 2019). Toutefois, les structures organisationnelles des groupes d’intérêt influencent la possibilité de ces groupes d’assurer plus ou moins bien cette fonction de courroie de transmission (Albareda et Braun, 2019). Ces enjeux deviennent d’autant plus cruciaux (et complexes) dans un contexte de gouvernance multi-niveaux. La légitimité des groupes d’intérêt est également impactée par ce contexte qui peut diluer les liens entre les groupes d’intérêt et leurs différents publics, tels que leurs membres ou le grand public (Defacqz, à paraître). Les pistes de recherches proposées dans cet article permettraient donc de faire avancer ces débats sur le rôle et la place des groupes d’intérêt dans nos démocraties à plusieurs étages (Saurugger, 2008).
5. Conclusion
23Cet article visait à offrir un état des lieux des recherches qui portent sur les dynamiques d’organisation et d’action des groupes d’intérêt dans un contexte caractérisé par des systèmes de gouvernance-multi-niveaux, c’est-à-dire marqué par l’interpénétration des niveaux de pouvoir. Si la réalité du caractère multi-niveaux de la gouvernance en Europe n’est pas neuve (Marks et al., 1996), la proposition principale soutenue dans cet article est de prendre en compte dans son ensemble cette « vielle réalité » pour proposer de nouvelles pistes de travail qui feraient avancer de manière importante nos connaissances sur les groupes d’intérêt. Sur base d’une discussion de la littérature traitant des effets de l’européanisation, mais aussi sur des travaux plus rares portant sur les effets de la régionalisation sur la représentation d’intérêts, plusieurs voies de recherches ont ainsi été esquissées. Elles amèneraient à développer les recherches jusqu’ici partielles à propos des effets de la gouvernance multi-niveaux sur les logiques d’adhésion des groupes, ainsi que sur les enjeux de mobilisation et de survie organisationnelle de ces structures. Sur le plan méthodologique, une des voies prometteuses et encore peu explorées à ce jour est celle des analyses qualitatives et comparatives, particulièrement adéquates pour comprendre par exemple comment les organisations prennent des décisions dans des environnements complexes, tels que des systèmes de gouvernance multi-niveaux. Enfin, les recherches futures pourraient s’attacher à analyser plus en avant les dynamiques « régional–national–européen » des groupes d’intérêts, dépassant ainsi les analyses entre niveaux « régional–national » d’un côté, et « national–européen » de l’autre. Ces pistes de recherche participeraient à mieux comprendre le rôle et la légitimité des groupes d’intérêt dans les démocraties et les systèmes de gouvernances contemporains, par exemple en étudiant leur fonction de courroie de transmission entre décideurs publics et citoyens dans des structures institutionnelles multi-niveaux.
24De manière générale, au-delà des contributions précises que ces pistes pourraient apporter, une fois concrétisées, il faut également souligner qu’elles pourraient également participer plus largement d’une meilleure compréhension des dynamiques multiniveaux de l’action publique. Les travaux classiques, et moins classiques, de l’analyse des politiques publiques et de la sociologie de l’action publique regorgent de cadres d’analyse, ou de propositions théoriques, qui prêtent attention aux groupes d’intérêt pour mieux comprendre les changements de l’action publique (Baumgartner et Jones, 2009; Streeck et Thelen, 2005), caractériser les instruments de l’action publique (Lascoumes et Le Galès, 2007) ou encore saisir les effets redistributifs des politiques publiques (Hacker et Pierson, 2010; Hopkin et Lynch, 2016). Se doter d’outils permettant une compréhension intégrée des groupes d’intérêt en contexte multiniveaux constituerait indéniablement un pas vers une analyse plus approfondie des évolutions contemporaines de l’action publique.
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Notes
1 Si les activités des groupes d’intérêt sont qualifiées d’informelles, cela ne signifie pas que leurs pratiques ne sont pas institutionnalisées. On pensera par exemple à la participation des groupes d’intérêts aux auditions des parlements ou aux consultations des parties prenantes organisées par les pouvoirs publics (Van Ballaert, 2015) ou même à la prise en charge de certains aspects de la mise en œuvre de politiques publiques.
2 Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse (Brouard et al., 2012, p. 12)
3 Les deux pays où l’autorité régionale a diminué sont la Suède et de la Serbie (Marks, Hooghe, et Schakel, 2008). Ce déclin s’explique par l’abolition en 1970 de la chambre haute en Suède, où était représenté les gouvernements régionaux, et le passage du Kosovo sous la responsabilité de l’ONU en ce qui concerne la Serbie.
4 La notion d’influence reste problématique pour la science politique. Même s’il est possible d’identifier comment une décision publique a évolué par rapport aux préférences exprimées par différents groupes d’intérêt en compétition (cf. par exemple, Klüver, 2013), la causalité entre les activités d’un groupe d’intérêt et le résultat d’un processus de décision reste difficile à déterminer. Dès lors, certains auteurs travaillent sur des concepts connexes à l’influence, tels que l’accès aux décideurs politiques ou le « succès politique » (policy success ou lobbying succes), se dégageant ainsi de la problématique de la causalité entre les actions des groupes d’intérêt et les décisions politiques prises effectivement.
5 Il faut noter que ce raisonnement ne tient que pour les organisations au statut « d’insider » au sein des systèmes néocorporatistes, c’est-à-dire les groupes d’intérêt qui bénéficient de relations privilégiées (voir structurelles) avec les autorités politico-administratives. De manière plus générale, pour plus d’informations sur la distinction insider vs. outsider, voir par exemple : Maloney, Jordan, et McLaughlin (1994).
6 Analyse portant sur les articles publiés dans les journaux du top 50 en science politique sur la période 1999 – 2018. Tous les détails de l’étude sont exposés dans l’article de Pritoni et Vicentini (2020).